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Roman - Poudrière

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elric:

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Au Nord de Croix-des-Fleuves, Llael Occupé

ILS DESCENDIRENT L’ÉTROITE ROUTE longeant le fleuve, se dirigeant vers le nord et s’enfonçant dans le territoire contrôlé par le Protectorat. Il était peu probable que les menites remarquent une si petite force de quinze hommes, mais Stryker se sentait exposé sans warjacks sous son commandement. Ils devaient se déplacer rapidement, et aucun ‘jack ne pouvait suivre un cheval au galop.

Les dix hommes que Maddox avait recrutés étaient de bons soldats et d’honorables chevaliers. Stryker connaissait la plupart d’entre eux par leur nom et il avait combattu à leurs côtés. Ils avaient compris la gravité de leur mission et ils donneraient leur vie pour la mener à bien. Cela fégoûtait Stryker que certains d’entre eux puissent mourir à cause d’Harrow, à cause de la confiance que Magnus lui avait accordé. Un terrible gâchis. Mais il n’y avait rien d’autre à faire pour l’instant.

« Monsieur, regardez », cria Maddox en désignant le nord, dans la direction où ils chevauchaient. Une subtile lueur rouge flottait à l’horizon, illuminant l’obscurité du petit matin.

« Feu », déclara Stryker. « Le Protectorat ? »

Bientôt, ils arrivèrent au petit quai où étaient amarrés les navires de Pytor, le même quai où ils avaient capturé le kayazy. Tous ces navires, sauf un, étaient en flammes, leur mâts flambants comme de sinistres grandes bougies luisant dans l’obscurité. Stryker poussa un bref cri de douleur. C’était déjà assez grave qu’Harrow soit devenu un traître, déjà assez grave qu’il ait libéré Aleshko, mais l’homme avait également veillé à saper leur mission en Llael, quoi qu’il arrive dans les prochaines minutes. Des hommes se déplaçaient sur les quais de l’unique navire intact, des hommes en armure cygnaréenne qui n’avaient pas le droit de la porter.

« Sur eux ! » Cria Stryker en dégainant Vif-Argent.

Ils descendirent un abrupt talus tandis que des coups de feu retentissaient. Stryker pouvait maintenant voir que certains mercenaire avaient formé une ligne de tir et tiraient lentement et méthodiquement. Des balles frappèrent son champ d’énergie et des étincelles jaillirent lorsqu’elles touchèrent les champs de Magnus et de Maddox.
Stryker poussa son cheval au galop, puis repéra l’architecte de cette calamité, debout en haut de la passerelle du navire restant, criant des ordres aux hommes en contrebas. Harrow avait son épée et son pistolet en main, et il pointait la position de Stryker.

Puis il aperçut les canons et réalisa que le plan d’Harrow était de l’attirer plus près, à découvert, entre la route et le fleuve. Un soudain tonnerre et une vague de fusées éclairantes jaillirent du plat-bord du navire, et le cri révélateur de l’artillerie retentit en leur direction.

« À terre ! » Cria Stryker une seconde avant que les obus ne frappent et n’explosent. Il se jeta de sa monture alors que son champ d’énergie s’enflammait, mais la force de l’explosion l’envoya voler. Il s’écrasa au sol, grimaçant alors que son plastron était douloureusement enfoncé dans son flanc.

Il était le plus proche de la jetée et avait subi le plus gros du barrage de canons. Stryker se releva lentement, grimaçant alors qu’une douzaine d’ecchymoses et de coupes se manifestaient. Un certain nombre de ses chevaliers était à terre, et la plupart des chevaux s’étaient dispersés. Les chevaliers se déplaçaient mais étaient visiblement abasourdis.

« Repoussez-les ! » Cria Stryker à voix haute, et les chevaliers encore debout, y compris Tews et Maddox, commencèrent à tirer leur s compatriotes assommés vers la berne.

Un mouvement sur le pont du navire annonçait un nouveau tir de de canon, et Stryker capta la brillante spirales de runes se formant autour du pistolet cinémantique de di Brascio, puis le craquement sec de sa décharge. Un homme s’apprêtant à déclencher un nouveau tir de canons à bord du navire se raidit lorsque la balle ensorcelée le frappa en pleine poitrine, et il sembla que son corps tout en entier se grippa comme une machine à vapeur endommagée. Il tomba à la renverse.

Les canons tirèrent à nouveau, moins un, et les obus sifflèrent en direction des cygnaréens. Ils s’étaient assurés du berne et s’étaient jetés à plat derrière. Les obus de canon frappèrent juste devant lui, soulevant une pluie de terre. L’onde de choc s’écrasa contre le champ d’énergie des warcasters et les sorts de protection qu’ils avaient lancés. L’explosion fit trembler les dents et réduit l’audition à un cri aigu, mais personne n’était blessé.

Tews roula pour s’allonger à coté de Stryker. « Ils n’ont pas la portée nécessaire pour nous toucher de là », dit-il en criant. Leurs oreilles mettraient du temps à s’adapter.

« Oui, mais ils ont une portée suffisante pour nous réduire en menu morceaux avant que nous puissions atteindre le navire », déclara Stryker. Certains d’entre eux pourraient réussir, et il était peu probable qu’Harrow et Aleshko tirent avec leurs canon si près du navire ou sur le quai où un certain nombre de leur hommes attendaient toujours que Stryker et ses hommes se rapprochent d’eux.

« Si nous laissons Harrow et Aleshko s’échapper, ils iront directement chez les kahdoréens », déclara Magnus . Le warcaster s’était également déplacé à côté de Stryker.

« Vous devez le savoir. C’est votre homme », dit Stryker.

« Vous avez raison. Je le connais », répondit Magnus, d’une voix égale, bien que ses yeux se détournent du regard de Stryker. « C’est davantage la raison pour laquelle nous l’arrêtons ».

Stryker ne pouvait pas contester cela. Il se concentra sur leur problème immédiat. « Options ? » dit-il, puis il invoqua sa magie et renouvela le bouclier arcanique au-dessus d’eux. Les canons n’avaient pas encore tiré, mais la protection supplémentaire apportée par le sort atténuerait considérablement leur impact si Harrow ouvrait davantage le feu sur eux.

« Je n’aime pas le dire », cria Maddox depuis l’autre côté de la ligne de Chevaliers-Tempête collant leurs ventre au sol. « Mais nous devons nous précipiter sur lui, nous approcher suffisamment pour employer nos glaives-tempête et trop près pour qu’il puisse nous tirer dessus ».

« Vous peut-être raison », déclara Stryker. « Mais il n’y a pas de couverture, et quinze Chevaliers-Tempête sont une cible importante ».

« Et un warcaster », demanda Magnus. « Je peux encaisser un coup de canon, et je serai plus difficile à toucher ».

« Non », déclara Stryker. « Personne n’y va seul ».

C’était une vérité qui cachait un mensonge. Il n’enverrait pas un seul homme dans une telle mission suicide, mais il n’aimait pas trop l’idée que Magnus s’approche aussi près du navire tout seul. Il doutait qu’il agisse de concert avec Harrow, d’autant plus que Magnus avait semblé sincèrement surpris par la trahison de l’homme, mais Stryker ne lui faisait pas suffisamment confiance pour tester cette notion sous une telle contrainte.

« Ils se préparent à partir », déclara di Brascio. « Nous n’avons pas beaucoup de temps ».

« D’accord. Voici ce que nous faisons. Magnus, Maddox, nous trois serons en tête, et je veux des enchantements protecteurs sur toute l’unité ». Stryker avait une bonne connaissance des sorts dont Maddox disposait et il connaissait également le répertoire de Magnus. Ensemble, ils pourraient probablement se protéger ainsi que les dix Chevaliers-Tempête, des pires conséquences d’un inévitable bombardement de canon. Les deux warcasters hochèrent la tête et Stryker se tourna vers Tews. « Capitaine, vous dirigez l’unité derrière nous. Dès que vous êtes à portée des glaives-tempête, priorité aux canonniers de ce navire. Je me fiche de savoir si vous les touchez, mais empêchez-les de tirer avec ces satanés engins ».

« Je peux aussi empêcher certains d’entre eux de tirer », déclara di Brascio. « Je serai derrière les Chevaliers-Tempête ». Le mage balisticien était le seul membre de leur force capable de frapper les hommes à bord du navire à une distance aussi extrême et Stryker était content de le compter parmi eux.

« Merci », dit Stryker. « Comme toujours, toute aide que vous pourrez nous apporter sera la bienvenue ».

Stryker regarda les chevaliers les uns après les autres ; il y avait de l’acier et de la détermination dans leurs yeux. C’étaient des femmes et des hommes bon, courageux et inébranlables. Il était fier de les commander. « Maddox, protège-nous un peu ».

Des runes se formèrent autour de la main de Maddox, des particules d’énergie bleu vives, et son sort s’établi sur les Chevaliers-Tempête. Les hommes de Stryker étaient maintenant aussi protégés que Stryker pouvait le faire.

Le seigneur général s’empara de Vif-Argent d’une main. « À mon signal ». Quelques secondes s’écoulèrent, et l’adrénaline de la bataille à venir le parcourut. « Aller ! »

Il se releva d’un bond, accompagné de Magnus et Maddox, et chargea. Un cri féroce résonna derrière lui tandis que les Chevaliers-Tempête le suivaient.

Les canons tirèrent presque aussitôt. Harrow les avait attendus.

Il y avait environ cent verges de terrain à découvert entre les Chevaliers-Tempête de Stryker et le quai, et ils furent touchés par la première volée aux trois quarts de cette distance. Les sorts de protection atténuèrent quelque peu l’impact, mais pas suffisamment. Des panaches de terre et de débris retombèrent en cascade, les Chevaliers-Tempête furent projetés au sol.

Stryker parvint à rester debout, tout comme Magnus, mais Maddox fut renversée. Le craquement aigu du pistolet cinémantique retentit, mais il y avait trop de fumée et de débris pour voir s’il avait touché quelque chose.

Harrow était probablement en train de recharger.

Quelqu’un attrapa Stryker par l’arrière de son armure et le fit pivoter. C’était Tews. Du sang coulait sur le visage du grand Lame-Tempête, mais son regard était dur et fixe.

« Nous n’allons pas y arriver en tant que groupe », cria Tews. « Magnus avait raison. Un homme est une cible plus petite ».

« Non, Capitaine », répondit immédiatement Stryker. « J’y vais ».

« C’est foutu, monsieur », dit Tews. « Vous êtes un seigneur général. Je suis juste un capitaine ».
Puis il ne fut plus là, disparaissant dans la fumée persistance des obus.

« On bouge ! On bouge !  Entendit-il Maddox crier, et les Chevaliers-Tempête – tous, heureusement – se relevèrent.

Ils se remirent à courir, sortant de la fumée et retrouvant la clarté. Il pouvait maintenant voir que Tews avait presque atteint le quai, et que les canons étaient toujours braqués sur Stryker et son groupe. Harrow était maintenant à bord du navire, criant des ordres aux hommes rechargeant les canons. Aleshko se tenait à côté de lui, immobile, les mains liées devant lui. Quel que soit l’accord qu’Aleshko avait conclu avec Harrow, cela n’impliquait clairement pas sa liberté totale. Du moins, pas encore.

« Couvrez le capitaine », cria Stryker. Ils étaient encore trop loin du navire pour frapper avec leurs glaives-tempête, et les explosions de leurs armes furent trop courtes lorsque les Chevaliers-Tempête les tirèrent en courant, mais elles eurent tout de même un effet positif, car deux des chargeurs de canons arrêtèrent ce qu’ils faisaient et se baissèrent.

Ils étaient suffisamment proches pour que Maddox puisse faire feu avec Tempête. Elle pointa la grande épée vers le navire, et sa lame se fendit au milieu, se séparant pour ressembler à une énorme diapason. Les accumulateurs tempête à l’intérieur de la lame flamboyèrent et elle projeta un éclair. L’un des hommes chargeant les canons fut touché par le feu bleu et tomba sur le flanc du navire.

di Brascio tira à nouveau avec son pistolet cinémantique et un autre chargeur tomba.

Les mercenaires sur le quai ajoutèrent maintenant des tirs de fusils au mélange, mais grâce aux protections que Stryker et sa force avaient érigées, les balles étaient inoffensivement déviées. Certains mercenaires avaient dégainé leur épée lorsque Tews les atteignit. Stryker ne s’inquiéta pas outre mesure pour son ami. Il avait vu Tews en action à de nombreuses reprises, et les compétences de cet homme étaient exceptionnelles. Au combat, Tews tourbillonnait telle une tempête en armure, son glaive-tempête se déployant en un arc azur brillant tandis que la bobine de puissance de la lame flamboyait. Il abattit deux hommes du premier coup, puis un troisième du suivant. Il avançait sans cette, s’enfonçant vers la passerelle et le navire au-dessus.

Les canons se remirent à tirer ; cette fois, les tirs furent moins nombreux et leur visée plus erratique. Tews leur donnait clairement matière à réflexion. Les projectiles tombèrent sur les côtés et derrières les Chevaliers-Tempête qui chargeaient, les éclaboussant de terre, mais ne faisant pas grand-chose d’autre.

Tews avait franchi la passerelle et les Chevaliers-Tempête étaient désormais à portée de tir.

« Ligne de tir ! » Lança Stryker, et les Chevaliers-Tempête s’immobilisèrent et pointèrent leurs glaives. Stryker leva également Vif-Argent. « Visez le quai ».

Certains mercenaires tentèrent de grimper la passerelle derrière Tews.

« Feu ! » Ordonna Stryker.

Douze éclairs frappèrent les mercenaires sur le quai, projetant plusieurs d’entre eux dans l’eau. Le fusil à mitraille de Magnus aboya, tout comme le pistolet cinémantique de di Brascio, et deux autres cadavres tombèrent.

Tewes était maintenant à bord du navire, et il semait la mort parmi les chargeurs de canons, jetant leurs cadavres par-dessus bord. Il avait neutralisé les canons, mais pas Harrow. Stryker regarda le mortel mercenaire s’abattrent sur le Lame-Tempête avec son sabre.

 Il ne pouvait pas laisser Tews seul plus longtemps. « En avant ! » dit-il. « On prend le navire ! »

Ils sprintèrent à nouveau vers le quai. Un certain nombre de mercenaires étaient toujours rassemblés là, armés de fusils, et ils commencèrent à tirer alors qu’ils se repliaient vers la passerelle.

Seulement dix verges séparaient désormais les cygnaréens du quai, mais un énorme jet de fumée s’échappa de la cheminée principale du navire alors que son moteur à vapeur se mettait en marche. Il ne lui faudrait pas longtemps pour atteindre son plein régime et remonter le fleuve, emmenant Harrow et Asleshko.

Les balles rebondissaient sur le champ d’énergie de Stryker ou heurtaient son armure pendant qu’il courait. Un coup chanceux lui toucha la joue, mais il continua à avancer. Sur le pont du navire, le glaive de Tews crépita, Harrow para le coup, riposta et fit jaillir des étincelles sur l’épaulière gauche de Tews.

Ils avaient atteint le quai et les mercenaires étaient montés à bord, laissant les quais vides. Stryker sprinta vers la passerelle, mas avant qu’il ne puisse l’atteindre, le navire commença à bouger. Ils ne prirent pas la peine de remonter la passerelle alors que le navire s’éloignait du quai. La passerelle tomba à l’eau avec fracas, laissant Stryker bloqué sur le quai.

Tews se battait pour sa vie, son glaive était une chose vivante qui tranchait et taillait Il tenait Harrow à distance, utilisant l’allonge de son glaive pour empêcher l’arme plus courte de Harrow porter une efficace attaque.

« Feu à volonté », cria Stryker aux Chevaliers-Tempête l’ayant rejoint sur le quai.

Des éclairs d’électricités jaillirent du quai, mais l’angle n’était pas le bon. Ils étaient trop bas et le navire trop haut. La plupart des explosions des Chevaliers-Tempête ne firent que carboniser la coque du navire.

La panique s’insinua dans l’esprit de Stryker tandis qu’il tirait sur le navire en fuite. Tews était seul et il ne pouvait pas l’atteindre. Tout ce qu’il pouvait faire, c’est regarder Tews reculer jusqu’au pont du gaillard avant. Harrow le laissait battre en retraite et ses hommes se massaient derrière lui.

Ce qui allait se passer était clair, mais Stryker ne pouvait rien faire pour l’empêcher. Plus d’une douzaine de fusils étaient braqués sur Tews, et Harrow recule derrière la ligne de tir et leva son épée.

Stryker n’entendit pas Harrow prononcer le mot alors que son épée s’abattait, mais il semblait être tout autour d’eux, au milieu des navires en feu s’enfonçant lentement dans le Fleuve Noir.

Feu.

Les fusils firent feu une fois et Tews trébucha en arrière. Son armure résisterait à certaines balle, mais pas à toutes.

Autour de lui, les Chevaliers-Tempête continuaient à tirer, et il entendit un cri épouvantable et déchirant. Il se retourna pour voir Maddox faire feu avec Tempête sur le navire en fuite, di Brascio et même Magnus continuaient à tirer, mais en vain.

Tews tomba à genoux, se soutenant avec son glaive. Les fusiliers s’écartèrent, et Harrow passa entre eux, traversant le pont pour se tenir devant le capitaine Lame-Tempête. Il rengaina son sabre lentement, avec désinvolture, comme un homme sachant qu’il avait un public. Il sortit son pistolet, le lourd à répétition dont il ne semblait jamais se passer. Tews tenta de se redresser lorsque Harrow pointa le pistolet sur sa tête.

« Garvin ! » Maddox criait et courait vers le bord du quai.

Stryker entendit le claquement sec du pistolet, vit la tête de Tews reculer, puis le grand Lame-Tempête, un guerrier sans égal et un homme plus loyal que tous ceux qu’il n’avait jamais connu, tomba en avant sur le pont.

Stryker avait affronter la mort à de nombreuses reprises sur le champ de bataille, il avait combattu et survécu aux horreurs nécromékaniques de l’Empire du Cauchemar. Il avait appris à vivre avec tout cela. Mais alors que les hommes d’Harrow jetaient le corps de Tews passa par-dessus bord, Stryker sait que cette blessure ne guérirait jamais.

* * *
ILS TIRÈRENT LE CORPS DE TEWS DU FLEUVE. Il avait été jeté sans cérémonie dans une zone relativement peu profonde, et le poids de l’armure du Lame-Tempête l’avait entraîné directement au fond de l’eau. C’est di Brascio qui avait plongé dans l’eau glacée, l’extrémité d’une corde à la main. Il l’avait nouée autour du corps de Tews à trois mètres de profondeur, et l’un des chevaux avait tiré l’ami de Stryker des eaux sombres.

Ils se rassemblèrent autour du corps, et Stryker s’accroupit au-dessus de Tews. Il pouvait entendre Maddox pleurer doucement, et même Magnus affichait un ait de léger remords. Harrow avait tiré sur Tews au-dessus de son oeil droit et son plastron état criblé de nombreux impacts de balles.

di Brascio s’accroupit à côté de Stryker, les yeux pleins de sympathie. Il comprenait ce que signifiait perdre un ami au combat.

« Je suis désolé, mon ami », dit-il. C’était une simple déclaration, et di Brascio ne l’agrémenta pas de paroles inutiles ou de platitudes. Stryker fut reconnaissant, et la sincérité des mots du mage balisticien en toucha plus d’un.

« Coleman … Stryker, je suis ... » commença Magnus, puis ils sembla chercher ses morts, comme si la simple compassion était un état étranger. « C’était un bon ... »

« Vous n’avez pas besoin de dire quoi que ce soit, Général », déclara Stryker. « Rien du tout ». Son dos le démangeait au fond de son cerveau, voulant se déchaîner, frapper l’homme responsable de tant de souffrance dans sa vie. Mais ce ne serait qu’un geste de dépit insignifiant. Magnus le sentit et se tut.

Tews fixait les cieux nocturnes, les étoiles, et Stryker espérait que la mort l’avait emporté sans douleur. N’était-il pas déjà là-bas. Aux côtés d’un autre bon soldat tué inutilement, mais celle-ci lui avait transpercé le coeur.

Il tendit la main et ferma les yeux de Tews, ne voulant rien d’autre que de fermer les siens, de faire taire la douleur de son monde bouleversé. Il leva les yeux ; le reste des Chevaliers-Tempête se tenait à une distance respectueuse. Ils avait tous ôté leur casque et leur visages étaient un masques de chagrin. Certains d’entre eux pleuraient ouvertement.

« Frères », déclara Stryker. « Emmenez-le aux chevaux ».

Les Chevaliers-Tempête avancèrent et soulevèrent doucement Tews du sol et l’emportèrent. di Brascio les accompagna.

« Tu es responsable de ça », dit soudainement Maddox en se tournant vers Magnus. « C’était ta … créature. Tu l’as amené parmi nous, et maintenant un homme brave est mort ». Ses poings se resserrèrent autour de la poignée de Tempête, et Stryker se demanda si elle allait essayer d’abattre Magnus. Il se demanda s’il allait essayer de l’arrêter.

Magnus ne bougea pas. Il faisait face à la colère de la jeune femme avec une sprte de résignation stoïque. « Vous avez raison », dit-il enfin. « Je l’ai laissé tomber. Je le reconnais ».

« Maddox », prononça Stryker.

Elle se tourna vers lui, des larmes coulant sur son visage. Elles lui donnait un air encore plus terrible que l’émotion qui avait déformé ses traits en un masque de chagrin. Elle avait été proche de Tews, il y avait eu entre eux bien plus qu’une simple amitié et de la camaraderie à un moment donné par le passé. Elle recula d’un pas et s’essuya furieusement les yeux.

« Je suis désolée, monsieur », dit-elle. « J’ai dépassé les bornes ». La rage présente l’instant auparavant disparut, laissant le masque, le mur qu’elle avait érigé pour se protéger de tout le chagrin et de toute l’horreur qu’elle avait subis. Encore un éclat de douleur à cacher dans le noir.

Stryker regarda Magnus, mais le warcaster refusait de le regarder dans les yeux. Il se tourna donc vers Maddox. « Non, Beth. Ne t’excuse pas. Laisse-le vivre avec ça un moment ».

« Je le ferai », déclara Maddox, « mais je ne pense pas qu’il s’en apercevra ».

elric:

- 31-
À l’Est de Croix-des-Fleuves, Llael Occupé

ILS PARTIRENT EN SILENCE, le corps de Tews attaché à son cheval. Stryker essayait de ne pas regarder, de ne pas voir son ami suspendu à la selle telle un simple chargement.
Il y avait un cimetière temporaire à Croix-des-Fleuve. Ils l’avaient commencé après avoir pris la ville, et il allait bientôt s’agrandir. Tews y reposerait jusqu’à ce que son cadavre soit renvoyé à Caspia pour un enterrement en bonne et due forme.

Personne ne parla pendant qu’ils chevauchaient vers Croix-des-Fleuve, et une atmosphère de tristesse planait sur leur petit groupe. Magnus demeurait en arrière. Peut-être se sentait-il un peu responsable de ce qui s’était passé, Stryker ne pouvait le dire. Il espérait que le warcaster souffrait d’une culpabilité telle qu’elle l’empêchait de les regarder dans les yeux, mais il connaissait mieux Magnus que cela.

Lorsqu’il atteignirent Croix-des-Fleuve, Stryker rompit le silence. « Magnus, informez les officiers supérieurs de ce qui s’est passé aujourd’hui », dit-il alors qu’ils s’arrêtaient au-delà de la Grande Porte. « Je vais emmener Tews ... ». Sa voix tremblait. Les paroles suivants furent difficiles. « Je vais emmener Tews à la morgue de l’infirmerie. Ceux qui souhaitent m’accompagner peuvent le faire ».

* * *
QUAND STRYKER QUITTA L’INFIRMERIE, il ne se rendit pas dans ses quartiers actuels près du fleuve, une petite maison bien entretenue qui avait été abandonnée par son propriétaire, même s’il avait envie de fermer les yeux pendant un moment, peut-être après quelques verres ou la bouteille entière d’eau-de-vie caspienne qu’il y gardait. Au lieu de cela, il se dirigea vers la fonderie du Sergent-Major Halls. Une fois de plus, la partie orientale de Croix-des-Fleuve leur avait fourni d’inattendues ressources, en l’occurrence une fonderie de ‘jack entièrement fonctionnelle. Tous les outils du métier s’y trouvaient, et Halls avait été tout à fait satisfait de s’installer dans le bâtiment.

Alors qu’il s’approchait de la fonderie, une présence familière se fit sentir au fond de son esprit. Arsouye l’accueillit avec un mélange d’enthousiasme et d’irritation – la warjack avait été tenu à l’écart de la plupart des combats pendant qu’il était réparé, et le vieux ‘jack acariâtre n’aimait rien de plus qu’une bonne bagarre.

La fonderie état un grand bâtiment en briques doté d’une vaste série de portes coulissantes donnant sur le fleuve. À l’intérieur, on pouvait voir la lueur des fourneaux et les bruits des marteaux et des outils s’en échappait.

Harkevich avait rasé certains bâtiments voisins et fait enlever les décombres. La raison en était claire : cela lui permettait de rapprocher ses colosses de la fonderie pour les réparer. Halls utilisait l’espace pour la même raison, et la forme gargantuesque d’un Mur-Tempête se profilait au-dessus du bâtiment, sa coque parsemée d’impacts de balles et de bosses. Les gobbers grouillaient autour de l’énorme warjack, outils à la main, effectuant des réparations dans une marée frénétique de peau verte. L’un des gobbers, debout au pied de l’énorme machine, criait des ordres dans sa langue aux autres avec un débit rapide.

Le cortex du Mur-Tempête état nettement différent de celui d’Arsouye. Il avait commandé des colosses à plusieurs reprises, et leurs esprits étaient directs et sans nuance. Cela avait beaucoup à voir avec le fait que les Murs-Tempête et les Ouragans, encore plus récents, n’étaient pas en service depuis plus de quelques années et n’avaient pas eu la chance de développer les bizarreries et les personnalités que de nombreux warjacks avaient acquises au cours de leur service. C’était comme contrôler un enfant de six mètres, un enfant ayant le pouvoir de raser des bâtiments et de tuer des hommes par centaines.

« Vous êtes venu voir Arsouye, monsieur ? » demanda le mékanicien gobber au pied droit du Mur-Tempête. Il avait des galons de chef d’équipes sur son tablier. Les gobbers au service de Cygnar portaient leur tablier de mékanicien en guise d’uniforme.

« C’est bien ça, chef… ? »

« Sergent Filk, monsieur » répondit le gobber avant de se retourner et de crier quelque chose d’incompréhensible à un gobber rivetant une plaque de coque sur la jambe gauche du Mur-Tempête.

« Il vous a donné du fil à retordre ? » demanda Stryker.

Le gobber sourit, exposant une forêt de dents en forme d’aiguille. « Beaucoup, monsieur », répondit-il. « Il est méchant comme un homme-gator, et il n’aime pas écouter les contrôleur, c’est sûr ».

Stryker s’esclaffa. « Il est difficile à gérer, c’est certain ».

« Ce fut un honneur de travailler sur lui, monsieur », dit Filk. « C’est le warjack le plus célèbre de l’Armée ».

Stryker aimait que Filk qualifie Arsouye de lui et non ça. Stryker en fit de même ; Arsouye avait cessé d’être un ça pour lui depuis des années. « Merci, Chef ».

« Monsieur », dit le gobber, et il se retourna vers le Mur-Tempête en criant à nouveau en gobberish.

Stryker entra dans la fonderie et fut immédiatement frappé par des souvenirs de son enfance. Son père était un mékanicien de ‘jack et avait travaillé dans un endroit semblable à celui-ci. Lorsque sa mère était tombée malade, Stryker avait souvent considéré la fonderie comme un refuge, un endroit chaleureux et sûr où le chagrin pouvait être dissimulé par le bruit des marteaux et la simple présence des cortexes de ‘jack.

Arsouye était suspendu à un palan à ‘jack, un appareil lourd suspendant un warjack au-dessus du sol pour que les mékaniciens puissent travailler dessus. Il maintenait également des warjacks imprévisibles comme Arsouye immobiles. C’était bon de revoir le warjack en entier ; Halls avait remplacé ses membres endommagés et soudés des plaques d’acier sur les déchirures de sa coque. Le sergent-major n’avait pas pris la peine de repeindre Arsouye, mais Stryker préférait que ses warjacks ressemblent à ses soldats - qu’ils aient l’air brutaux et prêts au combat.

« Seigneur Général », dit Halls, apparaissant de derrière Arsouye. « Content que tu sois là. Peut-être que tu faire en sorte que ce fils de pute grincheux reste immobile pendant que j’ajuste ses relais cortex ».

« Bien sûr, Sergent-Major ». Il joignit Arsouye et l’irritation du warjack s’épanouit au fond de son esprit. Aucun soldat n’aimait être en convalescence lorsqu’il y avait des combats à mener ; Arsouye n’était pas différent. Reste tranquille, intima Stryker au grand ‘jack. C’est pour ton bien, espèce d’énergumène. Son lien avec le warjack lui renvoya de la résignation, et les bras d’Arsouye s’abaissèrent le long de son corps. Le warjack émit un faible sifflement de vapeur ressemblant beaucoup à un soupir.

« Allez-y », dit Stryker à Halls.

Le sergent-major disparut derrière Arsouye.

Les souvenirs d’Arsouye affluèrent dans l’esprit de Stryker, qui tenta de se concentrer sur la bataille contre Ivan le Noir. C’était comme voir le monde à travers le prisme d’un rêve, déformé et confus, principalement les émotions brutes du warjack plutôt que les images réelles . C’était ce que Stryker pensait – sans son marteau sismique, Arsouye avait été désavantagé, même si Stryker le guidait activement par endroits.

Les souvenirs de la bataille s’estompèrent, puis quelque chose d’inattendu arriva par le lien. C’était une image, claire comme du cristal, du Capitaine Tews, chargeant le pont, le glaive-tempête scintillant alors qu’il tranchait deux Man-O-War. Il avait l’air provocateur, fort et indestructible. Ce n’était pas son propre souvenir qu’il voyait, c’était celui d’Arsouye. Plus étonnant encore, le warjack avait pénétré dans son esprit pour le récupérer.

Le souffle de Stryker se bloqua dans sa gorge et il regarda, stupéfait, l’image de Tews passer de la vision du champ de bataille, qui était clairement le souvenir d’Arsouye, au corps froid et sans vie sur le quai, qui était le souvenir de Stryker. Quelque chose d’autre passa par le lien, quelque chose dont il avait cru le warjack incapable : un sentiment de questionnement, comme sir Arsouye essayait de comprendre les deux souvenirs.

L’émotion brute se fraya un chemin dans les tripes de Stryker et les larmes lui montèrent aux yeux. Il avait réussi à oublier la mort de Tews, ou du moins à l’isoler, afin de pouvoir vaquer à ses occupations. Mais la question enfantine d’Arsouye avait fait resurgir toutes ces émotions, et Stryker repoussa le cortex loin de son esprit, rompant ainsi le lien. Les warjacks développaient des personnalités, voire des émotions basiques, mais il avait toujours pensé que la compréhension de concepts abstraits comme la vie et la mort les dépassait. Il venait d’apprendre que c’était faux de la manière la plus douloureuse possible.

« Monsieur, vous allez bien ? »

Le Sergent-Major Hall le regardait fixement, le visage de Hall mêlé de surprise et d’inquiétude. Il réalisa à quoi il devait ressembler du point de vue du mékanicien. Son seigneur général était debout, le regard perdu dans le vide, les larmes aux yeux. « Je vais bien. Juste un peu fatigué ».

« Bien sûr, monsieur », répondit Hall. « Peut-être qu’un peu de repos est la meilleure chose à faire, alors ».

« Vous avez raison. Je vais me retirer et vous laisser travailler ». Il partit immédiatement, la présence d’Arsouye et le souvenir que la warjack avait déterré s’estompant dans la nuit.

* * *
ILS ENTERRÈRENT TEWS LE LENDEMAIN MATIN, alors que le soleil se pointait à l’horizon. Le cimetière de fortune se trouvait près du fleuve, sur un terrain qui avait peut-être été marqué par Harkevich en vue d’une construction à un moment donné. Il s’agissait d’une parcelle de terre nue, assez friable pour être creusée, et le bruit du fleuve voisin et les chants de la sauvagine avaient quelque chose d’apaisant. Il y avait déjà trop de personnes qui reposaient ici.

La tombe avait été creusée la veille, et Tews avait été placé dans un cercueil en bois, le Cygnus gravé à la hâte sur le dessus. Ce n’était pas un cercueil approprié pour un homme comme Tews, mais c’était ce qu’ils avaient en ce moment.

Tous les chevaliers de la compagnie de Tews, soit plus de deux cents soldats, étaient présents aux funérailles. Ils entourèrent le cimetière d’une mer d’acier et de bleu. Maddox était également présente, ainsi que d’autres personnes qui avaient connu et combattu aux côtés du capitaine Lame-Tempête. Stryker ne fut pas surpris de voir Vayne di Brascio. Le mage balisticien llaelais était devenu plus qu’un allié, et Stryker n’était le seul à avoir une opinion favorable de l’homme. De nombreux chevaliers saluèrent discrètement le mage balisticien qui, dans des circonstances normales, aurait pu être considéré comme un étranger.

L’Aumônier guerroyeur Dominic Hargrave se tenait à la tête de deux tombes lorsque le cercueil y fut descendu. Le chevalier morrowéen portait l’armure blanche archaïque de son ordre, le rayon de soleil de Morrow en or sur le plastron. Il tenait dans sa main droite un immense livre relié de métal, Prières pour la Bataille, les principes sacrés de la guerre transmis par Morrow et ses ascendants bénis. Hargrave était depuis longtemps l’aumônier guerroyeur de la compagnie et avait combattu aux côtés de Tews et de ses chevaliers pendants des années. Il n’y avait pas de meilleur homme pour envoyer Tews sur le chemin vers Urcaen, le royaume des morts où les dieux des hommes possèdent leurs domaines.

Stryker et Maddox se tenaient au pied de la tombe, et Stryker pouvait voir le haut du cercueil. Magnus était absent, et bien que Stryker ne lui ait pas ordonné de rester à l’écart, la nouvelle de l’assassinat de Tews s’était répandue dans le camp. Il était probable que la plupart des chevaliers présents ne blâmeraient pas Magnus pour la mort de Tews, mais Stryker était soulagé que le warcaster n’ait pas créé l’occasion d’un scandale. Magnus était à blâmer, et sa présence serait une insulte à l’homme qui était mort pour ses erreurs.

« Frères et soeurs », dit l’aumônier Hargrave, et dont la voix grave et claire se répandit sur l’assemblée comme une couverture réconfortante. Il y avait peu de discussions entre les hommes, mais elles cessèrent et tous les regards se tournèrent vers l’aumônier. « Aujourd’hui, en cette occasion des plus sombres, nous enterrons l’un des plus ardents soldats de Morrow, un homme qui s’est battu et est mort courageusement pour défendre les croyances qui nous sont chères à tous ».

L’aumônier s’arrêta et sourit, son regard balayant les homes et les femmes silencieux devant lui. « Mais nous ne devons pas nous affliger, frères et sœurs. Non, nous devons nous réjouir, car même si notre ami et frère d’armes a disparu de nos vies, il continue à vivre à Urcaen. Il est vraiment béni, car il entrera en présence de notre seigneur, qui accueillera un grand guerrier dans une bataille bien plus grande que toutes celles de ce royaume terrestre. Le Capitaine Garvin Tews se tiendra aux côtés de Morrow, au sein de son domaine, son épée rejoignant celles de leurs frères et sœurs vertueux dans la lutte éternelle ».

Hargrave fit une nouvelle pause, laissant ses mots pénétrer. Stryker n’était pas excessivement religieux, mais il était conscient de la guerre en Urcaen pour les âmes des hommes à laquelle faisait référence l’aumônier guerroyeur, de la lutte contre le tyrannique Menoth et des ténèbres perverses du Ver Dévoreur. En vérité, tout cela ne lui semblait qu’une histoire fantaisiste qui ne lui apportait que peu de réconfort. Mais il pouvait lire sues les visages des hommes qui l’entourait que les paroles d’Hargrave apportaient du réconfort à certains, et il entendit des prières chuchotées à travers l’assemblée des chevaliers.

Hargrave ouvrit Prières pour la bataille et lut. « Alors que l’Ascendante Katrena s’est sacrifiée pour protéger le premier primarque, nous honorons la valeur et la noblesse de notre frère tombé au combat ».

« Nous l’honorons », répondirent les chevaliers rassemblés. Stryker fit écho à leur réponse. Il avait assisté à bien trop d’enterrements comme celui-ci.

« Alors que l’Ascendant Markus a résisté à une horde barbare avec rien d’autres que sa foi et son épée, nous honorons le dévouement et la loyauté de notre frère tombé au combat ».

« Nous l’honorons », fut la réponse.

«  Et en tant qu’Ascendant Solovin, qui offre guérison et réconfort à tous, nous accordons à notre frère tombé au combat le repos qui lui est dû jusqu’à ce que son épée soit à nouveau nécessaire ».

« Repose-toi maintenant, frère ». La réponse finale annonça un long silence alors que tous inclinaient la tête et offraient des prières à Morrow pour un passage en toute sécurité à Urcaen pour Tews. Stryker ne pouvait pas se résoudre à prier ; la mort de son ami était trop insensée, trop récente pour qu’il puisse simplement l’assigner à la volonté de Morrow.

« Seigneur Général », dit Hargrave en refermant Prières pour la bataille, « avez-vous quelque chose à ajouter ? »

Tous les regards étaient désormais tournés vers lui, et l’attente de paroles plus réconfortantes lui pesait lourdement. Il jeta un coup d’oeil à Maddox. Son visage était strié de larmes, mais son regard était fermes et durs. Elle attendait aussi quelque chose de lui.

« Mes frères et soeurs », commença Stryker, employant la forme de discours la plus archaïque appropriée à l’occasion, « j’ai combattu aux côtés du Capitaine Tews pendant de nombreuses années, et il était parmi les hommes les plus courageux et les plus fidèles que j’ai eu le plaisir de commander. Sa perte me serre le cœur, et je sais qu’il n’y a qu’un seul remède à mon chagrin et au vôtre ».

Les mots commencèrent à prendre forme dans son esprit, et bien qu’il y ait un mensonge derrière, ils allumèrent quelque chose en lui, un brasier qui lui manquait depuis longtemps.

« Frères et sœurs, nous devons prendre notre douleur, notre chagrin, notre peine et les forger dans les flammes d’une juste colère. Qu’elle devienne la lame avec laquelle nous frapperons l’ennemi, l’oppresseur, le tyran. Notre frère est mort pour une cause que nous tenons tous sacrée - protéger les innocents et combattre les ténèbres où elles se trouvent.

Les soldats hochèrent la tête et murmurèrent leur accord, et leurs émotions devinrent ne vague de chaleur qui le poussa à aller de l’avant.

« Maintenant, dégainer vos armes et tenez-les en l’air ».

Le cliquetis de l’acier contre l’acier résonna au sein du cimetière silencieux alors que deux cents glaive-tempête étaient dégainés et levés haut. Stryker souleva Vif-Argent au-dessus de sa tête.

« Maintenant, illuminez les cieux et rappelez à ce monde que même si une lumière s’éteint, un millier d’autres brûlent encore ! Il appuya sur la gâchette à la poignée de Vif-Argent, et un éclair d’électricité brillante jaillit de la pointe de l’arme. Deux cents autres les rejoignirent, et le ciel gris acier s’embrassa de la fureur cygnaréenne.

Stryker adressa alors une prière à Morrow. Vois notre lumière et donne-moi la force de la maintenir allumée.

elric:

- 32-
À l’Ouest de Croix-des-Fleuves, Llael Occupé

LE GÉNÉRAL ASHETH MAGNUS REGARDAIT fixait un trou dans la muraille ouest, assez grand pour faire passer une armée, ce qui était exactement ce qu’il cherchait. Il se tenait sur un tas de gravats à vingt verges du trou, imaginant les chevaux lourds khadoréens s’engouffrer dans la brèche. La zone étai trop jonché de gravats pour permettre une entrée facile aux cavaliers. Il faudrait qu’il y remédie.

Il avait évité les funérailles du Capitaine Tews, non pas par sentiments de culpabilité ou de responsabilité dans la mort de l’homme, mais parce qu’il avait besoin d’une occasion de repérer certaines sections de la ville sans que Stryker ne lui pose beaucoup de questions.

« Capitaine Silus », dit-il à un homme aux larges épaules et au crânes rasé se trouvant à proximité. L’homme était brutal, mais il servait Magnus depuis de nombreuses années, et il avait été capitaine Tête d’Acier à un moment donné de sa longue carrière de mercenaire. Magnus l’avait promu capitaine de l’Armée Cygnaréenne pour remplacer Harrow. « Je veux que les décombres soient déblayées dans cette zone dès que possible. Dans la journée, si c’est possible. Réquisitionnez autant d’hommes et de warjacks que nécessaire.

Silus regarda autour de lui, confus. « Monsieur, je ne veux pas vous remettre en question, mais pourquoi ? Il n’y a rien à part un tas de maisons détruites. Rien d’important. De plus, ne voulons-nous pas rendre la pénétration des khadoréens plus difficile ? »

Magnus sourit. « Je comprends votre confusion,mais j’ai besoin que vous suiviez mes ordres. Sans question ».

Silus jeta un coup d’oeil derrière lui, où une douzaine d’autres hommes de Magnus déplaçaient avec précaution des caisses, chacune marquée d’un cercle à pointes. La compréhension apparut dans les yeux de l’homme. « Bon Morrow », murmura-t-il.

« Voyez-vous un problème ? » Magnus n’aimait pas être interrogé par l’un de ses hommes. Après la trahison d’Harrow, il était plus que sensible au éventuels mécontentements parmi ceux qui l’avaient servi en exil. Il n’avait jamais fait confiance à Harrow, mais il croyait avoir mesuré l’homme et compris ce qui le motivait. Il s’était trompé, et cela leur avait coûté à tous. La mort de Tews était regrettable. Malgré ses agaçantes fanfaronnades, c’était un chef de bataille compétent. Ils ressentiraient sa perte. Mais c’était la perte des navires du Seigneur Aleshko et du Seigneur Aleshko en personne qui remplissait Magnus de rage à chaque fois qu’il y pensait. L’avantage tactique qu’ils avaient perdu et probablement transmis à l’ennemi était un coup dur. Harrow et Akeshko se rendraient directement à Rynyr, et Harrow offrirait à leurs ennemis les renseignements dont il disposait sur la force d’invasion cygnaréenne. Aleshko était son billet, et le kayazy avait probablement proposé à Harrow une sorte de marché pour sa liberté, une marché qui était meilleur que celui proposé par Magnus.

« Monsieur, j’ai vu ce genre de choses utilisés sur le terrain », déclara Silus. « Mon chapitre l’a déployé lors d’un contrat pour l’Ord contre un kriel trollkin dans l’Olgunbosque. Je n’ai aucun problème à tuer un homme ou un trollkin, pour le devoir ou pour l’or, mais personne ne mérite de mourir comme ça ».

Mon dieu, celui-ci serait à l’aise avec Stryker, pensa Magnus. C’était irritant, mais cela disait quelque chose sur Silus. Cela disait qu’il avait une confiance, une limite à ce qu’il ferait pour de l’argent ou un pays. C’était quelque chose que Magnus pouvait utiliser. Le problème avec les hommes comme Harrow était qu’ils n’avaient pas de limites, pas de frontières, et qu’il était difficile de prédire ce qu’ils pourraient faire. Pas avec des hommes comme Silus ; leurs limites étaient établies, ils suffisait de pousser un peu.

Magnus s’approcha du nouveau capitaine et posa une main sur son épaule – sa main de chair et de sang. L’ancien mercenaire tressaillit, mais ne recula pas.

« Je comprends votre réticence, Capitaine », dit Magnus. « Je l’ai vu aussi, et le souffle diabolique est épouvantable, sans aucun doute. Mais cous comprenez ce qui est en jeu ici, n’est-ce pas ? »

« Bien sûr, monsieur », dit Silus. « Je vous ai servi pendant longtemps, et vous savez que je m’en fous de la liberté des llaelais. Mais j’aimerais vivre un peu plus longtemps. Vous êtes bon avec moi ; vous avez rempli ma bourse, et je vais où vous allez, mais je ne vous mentirai pas ; ça ne me convient pas ».

« Tu es un bon soldat, Silus », dit Magnus, notant la subtile expression de plaisir traversant le visage de l’homme. La plupart des mercenaires, même les plus mauvais, aimaient se considérer avant tout comme des soldats, en particulier ceux comme Silus, qui avaient servi des organisations mercenaires comme les Têtes d’Acier.

« J’apprécie que vous soyez honnête avec moi. Je vais vous dis ceci. Je suis convaincu que le seigneur général nous mènera à la victoire et que nous écraserons les khadoréens à l’extérieur de ces murs ».

« Toutes mes excuses, monsieur, mais je pensais que vous détestiez le Seigneur Général Stryker », déclara Silus, exposant ses racines mercenaires. Aucun honnête soldat ne dirait une chose pareille à son commandant.

« Je ne déteste pas le général », répondit Magnus. « Lui et moi avons un passif, et nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais Stryker est un bon combattant et un bon chef ». Il s’était rapproché de Silus, rendant leur conversation intime, voire conspiratrice.

« Alors, pourquoi avons-nous besoin du souffle diabolique », demanda Silus, « si vous et le seigneur général nous meneront à la victoire ? »

« Parce que je n’aime pas mettre tous mes espoirs dans une seule stratégie, quelle que soit la compétence de ceux qui la mettent en œuvre. Le souffle diabolique est notre dernier recours, notre mesure tout est perdu. Tu y vois certainement une certaine sagesse ? »

Silus frotta son menton chauve. « Je suppose que je peux », dit-il. « Je suis désolé de vous avoir interrogé, monsieur. Si c’est un dernier recours, si c’est tout ce qui nous empêche de vivre ou de mourir, alors c’est peut-être un avantage que nous ne devrions pas ignorer ».

« C’est exactement ce que je pense, Capitaine », dit Magnus. « Maintenant, déblayons ces décombres pour pouvoir poser ces explosifs ».

Silus fronça les sourcils. « Sans ce fou d’ordique, qui va amorcer ces foutues choses ? »

« Je suis un élève attentif », dit Magnus. « J’avais demandé à Magnus de me montrer comme préparer le souffle diabolique avant son … accident ».

Silus frémit. « Ce fut moche, monsieur », dit-il, puis il leva les yeux vers Magnus, le regard interrogatif. « C’est une grâce que vous lui avez accordée, n’est ce pas ?

« Tu as vu le souffle diabolique à l’oeuvre », demanda Magnus d’un ton neutre. Il devait être prudent ici – il avait fait preuve de pitié lorsqu’il avait tiré sur l’alchimiste, mais il avait tué l’un de ses propres hommes de sa propre main, et de telles choses devaient être traitées avec délicatesse.

« Bien », dit Silus. « Je prendrai une balle, moi aussi ».

« Encore une chose », dit Magnus. « Assure-toi qu’il n’y ait pas de civils dans cette zone ».

Silus s’en réjouit. Cela correspondait bien au limite morales que l’homme s’était fixées. « Bien sûr. Nous ferons un balayage minutieux ».

« Bien, et choisis tes hommes avec sagesse. Des hommes qui savent se taire. C’est censé être un piège, une surprise, alors qu’il ne faut pas que trop de gens soient au courant, même de nos propres rangs. Nous le ferons en deux étapes. Tout d’abord, nous ferons exploser la moitié du souffle diabolique derrière Vlad ou Harkevich ou quiconque viendra lorsqu’ils pénétreront assez loin dans la ville. Cela les coupera et infligera des pertes démoralisantes. Ensuite, nous feront exploser le reste juste au-dessus d’eux. Tu auras besoin de deux hommes avec les détonateurs, toi et un autre. Choisis un homme en qui tu as confiance ».

« Oui, monsieur », dit Silus puis il se tourna pour accomplir les tâches que Magnus lui avait assignées. Magnus le regarda partir. De tels hommes étaient utiles, et il était clair qu’il avait besoin de plus de personnes comme Silus. Harrow et ses semblables avaient été une erreur, une erreur que Magnus ne répéterais pas.

elric:

- 32-
À l’Ouest de Croix-des-Fleuves, Llael Occupé

STRYKER SE TENAIT SUR L’UN DES RARES remparts encore intact du côté ouest de Croix-des-Fleuve. Il contemplait la vaste plaine qui s’étendait sur des kilomètres dans toutes les directions. Une seule route traversait l’espace, disparaissait à l’horizon vers Rynyr et Laedry.
« Jusqu’à quel point ? Demanda-t-il à l’homme se tenant à côté de lui. C’était le Sergent Sharp. Horgrum, le compagnon trollkin de Sharp, se tenait à proximité.

« Nous les avons repérés à une quinzaine de kilomètres d’ici, répondit Sharp. « Nous n’avions pas patrouillé beaucoup plus loin que cela »

« Combien ? » demanda Magnus. Lui aussi avait rejoint Stryker sur les remparts après que les rapports concernant l’approche d’une armée khadoréenne furent parvenu à Stryker. Les éclaireurs avancés, dirigés par Sharp, cherchaient depuis des jours des signes de l’inévitable.
Le visage de Sharp pâlit.

« C’est grave, hein ? » dit Stryker avec un sourire sinistre.

« Monsieur, nous avons compté trois bataillon complets d’infanterie et plus de chevaux lourds que ne pensais qu’il y en avait dans ce foutu monde. Dix mille, je dirais ».

« Avez-vous vu des warcasters ? Des warjacks ? » demanda Stryker.

« Oui, monsieur », répondit Sharp. « Ils ont beaucoup de warjacks lourds et deux Conquêtes. Harkevich est avec l’armée, mais il ne la dirige pas ».

Le nom qui suivit celui d’Harkevich ne fut pas une surprise pour Stryker.
« C’est Tzepsci », dit Magnus.

« Le grand prince commande, et il semble qu’il ait ramené le plupart de ses chevaux lourds d’Umbrie », déclara Sharp.

« Combien de temps nous reste-t-il ? » demanda Stryker.

« C’est une grande armée », dit Sharp. « Ils avancent lentement, mais ils seront là dans deux jours ».

« Merci, sergent », dit Stryker. « Retirez-vous. Allez chercher à manger et reposez-vous. Vous en aurez besoin. Je veux un briefing complet dans une heure ».

« Monsieur », dit Sharp et il partit, empruntant les marches menant à la ville en contrebas. Horgrum le suivit.

Stryker se tourna vers Magnus. Le warcaster regardait par-dessus les remparts, ses mains agrippant la pierre. Stryker s’attendait à ce qu’il se réjouisse, qu’il reproche à nouveau à Stryker d’avoir laissé Harkevich partir.

« Nous ne pouvons pas les tenir à l’écart de la ville », déclara Magnus.

« Non », approuva Stryker. Ils avaient réussi à poursuivre une partie du travail effectué par Harkevich sur les fortifications occidentales, mais il y avait plus de brèches que de murs debout. « Nous devons le rencontrer sur le terrain et l’affronter là-bas ».

« Il a plus de chevaux lourds que nous », dit Magnus, « et probablement aussi les deux bataillons de Rynyr, sans parler de plus de warjacks et de colosses. Je n’aime pas nos chances dans un affrontement direct ».

« Que suggérez-vous alors ? » demanda Stryker, se demandant où Magnus voulait en venir. Ses yeux brillaient comme ils le faisaient lorsqu’il complotait, et cela inquiétait Stryker. Il voulait tenir compte des conseils de Maddox et écouter Magnus, utiliser son expertise martiale, mais les événements de ces derniers jours ne permettaient pas à autre que d’être méfiant. Magnus avait pris des mesures pour atténuer certains de ces soupçons ; il avait impitoyablement passé en revue ses propres hommes, les interrogeant et recherchant toute implication d’Harrow. Or, il y avait actuellement une cinquantaine d’anciens mercenaires enfermés dans la prison reconstruite au centre de la ville. Magnus lui avait assuré que tous les autres étaient dignes de confiance, mais Stryker se demandait si c’était parce qu’ils étaient des hommes loyaux ou parce qu’ils craignaient Magnus.

« Je ne sais pas », dit Magnus, et Stryker remarqua le mensonge dans ses yeux. Il cachait quelque chose. « Nous avons besoin de plus d’informations avant de décider d’une ligne de conduite ».

« Alors, rassemblez les officiers supérieure dans l’hôtel de ville », dit Stryker. « Je vous y rejoindrai bientôt ».

« Comme vous voulez, monsieur », dit Magnus en le laissant là sur les remparts.

Stryker posa les mains sur les créneaux – la chaleur de la fin de l’été les avait réchauffés – et se pencha en avant. C’était le milieu de l’après-midi et le ciel était clair. Il pouvait voir un panache de poussière au loin, à l’horizon. Il était petit pour l’instant, mais il ne cesserait de grandir jusqu’à ce qu’il devienne assez grand pour les avaler tous.

elric:
Fin de la Partie II

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