CHAPITRE 21 : CONSTANCE BLAIZEGlacée par la terreur, Blaize regarda Toruk survoler le train et entrer en collision en plein vol avec Charsaug et Ashnephos. Sa terreur était si grade qu’elle n’entendait plus que ses battements de coeur dans ses oreilles tandis que le train se avançait en silence sous elle. Toutes les actions mortelles autour d’elles étaient en sourdine ; elle put voir un pionnier rouler sur le toit du wagon pour tenter d’éteindre le feu draconique le consumant, mais elle ne pouvait pas entendre ses cris. Les formes tournoyantes des dragons se battant au-dessus remplissaient sa vision. Le pionnier en flammes rampa devant Blaize et, dans un dernier effort, tendit une main noircie pour lui demander de l’aide avant de succomber aux flammes.
L’émanation étouffante qu’était la corruption de Toruk frappa le train comme une vague. C’était la mort incarnée sous forme de puissance. Le long de voitures, les pionniers et les forges-tempêtes trébuchaient, pressant leur visage dans les creux de leurs coudes et s’agrippant l’emplacement de leurs armes alors qu’ils essayaient de demeurer debout. Seuls le warcaster et ses chevaliers étaient capables de tenir bon face à l’aura nécromantique, leurs âmes étant protégées par les symboles de Morrow ornant leur armure.
Quelque chose bougea aux pieds de Blaize. Le cadavre du pionnier qu’elle avait vu brûler se contracta, agitant ses membres avant d’essayer de se relever avec des mouvements saccadés. De la chair carbonisée se détacha des os de l’homme, et alors que sa tête était tournée vers le haut, un feu brasier funeste verdâtre s’embrasa dans les orbites de l’homme, à l’endroit où s’étaient trouvés les yeux.
« Tenez bon ! » Cria Blaize aux chevaliers Précurseurs environnants. Elle balaya son arme vers le bas et trancha le cadavre réanimé en deux. Alors même que le mort-vivant était abattu, un autre pris sa place. Une flamme verte bondit de son crâne et transforma ce qui restait de son uniforme en cendre. Tout le long de
Dame Fracas-de-Guerre, les morts se levaient, poussé par le Père des Dragons à prendre les armes contre les vivants.
La pluie tombait du ciel obscur et le toit des voitures devint glissant sous les pieds. À côté d’elle, Corley frappa l’un des morts-vivants avec son bouclier et suivi par un coup de masse qui envoya l’abomination dégringoler du train.
Blaize pouvait entendre des coups de feu et des cris de l’intérieur des voitures, et elle redoutait de penser au carnage qui se déroulait dans ces espaces confinés. Tant que Toruk volerait au-dessus de leurs têtes, tous les morts se relèveraient pour servir la volonté du dragon et massacrer leurs anciens camarades. Il faudrait plus que de simples prières pour les préserver de ce sort.
« Corley », dit-elle en décapitant l’un des réanimés, « voit que ceux qui n’ont pas encore été réanimés soient bénis par le pouvoir de Morrow. Nous devons en empêcher autant que possible de se transformer. Je m’occupe de la défense. »
« Considère que c’est fait. Nous les enverrons retrouver Morrow à Urcaen. » Sur ce, Corley accrocha sa masse à une boucle de sa ceinture et pris à sa place son tome de Prières pour la Bataille, relié en cuir. « Avec moi », dit-il, faisant signe à deux chevaliers de le suivre. Ensemble, ils se dirigèrent vers un cadavre suspendu à une mitrailleuse proche, scandant des prières en chemin.
Les coups de feu à l’intérieur des voitures atteignirent un crescendo puis se turent. Des dizaines de mains passèrent à travers les vitres et les portes des voitures couvertes, et sur le rebord du toit, leurs paumes ensanglantées tâtonnant pour trouver une prise. Blaize fit appel à son pouvoir pour faire jaillir une intense lumière sacrée au coeur des réanimés, purifiant leurs formes et ne laissant que des cendres. Elle avança péniblement dans la bataille avec sa Lance Solaire, les repoussant, mais d’autres morts arrivaient, se hissant sur les flancs des voitures ou escaladant les mécanismes des ascenseurs.
Elle se retourna pour trancher les jambes d’un mort-vivant dans son dos et ramena son bouclier pour frapper le corps reversé. Des cris d’angoisse retentissaient de tous côtés, et a peine avait-elle réussi à se débarrasser de son ennemi avant qu’un autre ne lui démolisse son bouclier, essayant de lui arracher pendant qu’un autre cherchait à lui sauter à la gorge. À ce moment-là, elle était douloureusement consciente de l’absence de son champ d’énergie alors que des doigts osseux raclaient sa peau nue. Elle repoussa l’ennemi, l’embrocha et reprit sa position face à son impie adversaire suivant.
À l’arrière du train, Haley demeurait accroupie alors qu’elle se concentrait sur la vitesse à accorder à
Dame Fracas-de-Guerre. Les versions spectrales de la warcaster combattaient les morts-vivants avec frappes cinétiques et des éclairs de foudre. Thorn se tenait au-dessus de sa maîtresse, embrochant avec sa lance et repoussant les autres réanimés avec son bouclier. Le major avait fait un remarquable travail en préservant le train et en l’accélérant, mais sa posture courbée suggérait que l’effort ne pouvait plus durer longtemps.
Blaize détourna son regard d’Haley et observa la distance la séparant de la locomotive. Le wagon contenant l’athanc était presque submergé. Gallant et l’un des Centurions morrowéen se tenaient de chaque côté de l’ouverture de l’ascenseur de chargement, et ensemble, les warjacks œuvraient à repousser la horde s’amassant autour d’eux.
« Défendez l’éclat ! » Cria Blaize par-dessus le vacarme. « Reculez et formez les rangs ! » Avec les boucliers levés et les masses en mouvement, les chevaliers Précurseurs survivants se sont dirigés vers les warjacks assiégés et la précieuse cargaison. Blaize fendit en deux un réanimé et jeta un dernier coup d’oeil vers le Major Haley. Le groupe de morts-vivants l’entourant s’était agrandi, mais Thorn et les projections temporelles réussissaient à les contenir pour l’instant. Le hocha la tête et se dirigea vers les chevaliers, formant un mur de boucliers autour du wagon de l’athanc et récitant une prière pour le major au fur et à mesure.
CHAPITRE 22 : LORTUS
Alors que Toruk et les dragons orientaux s’affrontaient dans le Mur du Dragon supérieur, Lortus utilisa les différents sites de pierres levée de la région pour acquérir une perspective unique sur le combat à une distance sûre. Il put envoyer sa vision très haut dans les airs au-dessus d’eaux, en s’appuyant sur sa connexion aux lignes de force pour comprendre l’impact de cette bataille contre nature sur les terres les entourant. C’était l’un des plus grands outils des Touts-Puissants, mais dans cet affrontement, il se sentit impuissant à intervenir. Il n’était qu’un témoin devant des dieux en guerre.
En remarquant Toruk, Charsaug et Ashnephos cherchèrent initialement à fuir, mais malgré leur plus petite taille, ils ne purent échapper à leur créateur. Les trois s’enfermèrent dans une danse de manœuvres aériennes, de serres et de flammes. Au-dessous du conflit titanesque, le train cygnaréen accéléra, se dirigeant vers sa destination.
Charsaug et Ashnephos se précipitèrent à l’assaut, dents et griffes en avant, apparemment déterminés à déchirer les grandes ailes de Toruk. Les exhalations des dragons jumeaux bien que terribles lorsqu’ils se déchaînent sur le monde des mortels, ne signifient rien pour Toruk, et ils furent donc réduits au macabre art du combat rapproché. Alors qu’ils affrontaient la puissance de Toruk, leurs griffes cherchaient à trouver une prise et leurs dents leur permirent de goûter la chair de leur géniteur. Il était clair pour Lortus que, même ensemble, ce n’était qu’une question de temps avant que la paire de petit dragon ne soit submergée par leur géniteur. Lors de l’antique combat ayant chassé la première fois Toruk du continent, il s’était opposé à plus d’une douzaine de dragons, pour la plupart bien plus grand que ce duo.
La queue de Toruk chopa Ashnephos à la taille, et la puissance du coup envoya le dragon s’écraser sur un flanc de montagne avec la force d’une météorite. La pierre et le sol explosèrent, des pans entiers de forêts s’effondrèrent sous le poids de la grande bête, et la secousse de l’impact se propagea à travers les racines de la montagne jusqu’à déclencher plusieurs glissements de terrain. Voir cet affrontement rappela à Lortus les mythes de Menoth affrontant le Ver Dévoreur à l’aube de la création, et comment au milieu de leurs batailles, les océans, les montagnes, les canyons et les lacs prirent forme.
La frappe contre Ashnephos avait laissé une ouverture à Charsaug, et le jumeau saisi l’occasion, serra ses mâchoires sur la gorge de Toruk et fit couler le sang. Charsaug s’accrocha à Toruk, ratissant ses griffes sur la poitrine du dragon jusqu’à ce qu’il soit finalement affaibli pour s’affaler sur le sommet d’une montagne aussi facilement qu’un sur une camelle de sable au sol. Alors qu’il s’agissait d’une blessure mineure, elle étourdit Toruk et l’empêcha de conserver l’avantage. Depuis combien de temps la peu écailleuse de Toruk avait-elle été transpercée. Les deux jumeaux se rétablirent et cerclèrent, poussant des rugissements de défi.
D’un unique coup d’aile, Toruk perça la couverture nuageuse et fut dissimulé par l’imposante tempête, un temps contre nature provoqué par son arrivée. Ashnephos ne tarda pas à le suivre. Par-dessus la voûte obscurcie, la bataille se poursuivait. Le rugissement de Toruk fut accueilli par un hurlement de rage révolté provenant d’Ashnephos. Les silhouettes ailées se fusionnèrent et disparurent au-delà du voile de nuages, alors que ses êtres immortels se faisaient la guerre dans l’ombre et sous une pluie torrentielle. La danse continua pendant un certain temps jusqu’à ce qu’Ashnephos explose la couverture nuageuse avec son dos tourné vers le sol, chutant vers le bas. Un autre flanc de montagne se brisa en amortissant sa chute. La terre ondula comme un tissu et faillit faire dérailler le train, qui ne resta sur ses rails que grâce à la volonté de la force mystique qui l’aida.
Indigné par les dégâts infligés à son jumeau, Charsaug s’élança vers le ciel, prenant de l’altitude et se dirigeant vers le royaume de la tempête au-dessus. Lortus se raidit devant la futilité de l’action du dragon.
Une massive ombre pris forme au-dessus de Charsaug, et lorsque Toruk traversa les nuages sombres, il était en position de piqué, les ailes serrées contre son corps pur lui offrir un surcroît de vitesse. Le Père des Dragons chuta comme une pierre, plaçant Charsaug directement sur son chemin. Sa gueule suffisamment ouverte pour dévorer un navire à vapeur en entier, et il frappa sa progéniture avec assez de force pour briser des aussi épais que des arbres. Les mâchoires de Toruk se serrèrent contre la gorge de Charsaug, et ensemble ils entrèrent dans un tournoiement mortel.
Charsaug donna des coups de pied et de poings, ratissant Toruk de ses griffes alors qu’ils s’entortillaient, et pourtant il ne parvenait pas à se libérer. Les mâchoires de Toruk se resserrèrent, les dents, les dents pressant les écailles, et alors qu’ils s’approchaient du sol, Toruk donna une torsion. Le craquement des vertèbres se fit entendre sur les sommets, et les rugissements frénétiques de Charsaug l’Ombre de la Montagne se turent.
Lortus ressentit une terreur primitive et profonde dans sa poitrine en regardant la scène se dérouler. C’est ainsi que le monde devait finir, remodelé à l’image de Toruk. Ses yeux restèrent figés alors qu’il observait l’équilibre ténu ayant maintenu les dragons enfermés dans l’inaction durant des siècles se terminer en quelques instants.
Toruk remonta vers la tempête, le cadavre de son adversaire dans ses griffes, et lança un rugissement de triomphe avant de plonger profondément son museau dans la poitrine immobile de Charsaug. Du sang draconique noirci s’écoulait de la blessure et brillait comme du magma. Le Père des Dragons rejeta sa tête en arrière et referma ses mâchoires, engloutissant la pierre de coeur de Charsaug. Au fur et à mesure que la pierre était ingérée, les nombreuses blessures infligées à Toruk au cours de la courte bataille se refermèrent, et le brasier infernal qui enveloppait ses yeux et sa bouche s’enflamma avec une nouvelle intensité. La puissance du petit dragon était revenue à son créateur.
Lortus détacha son regard que lorsqu’il sentit au loin d’autres sources de puissance. Il regarda les autres dragons planer par-dessus les sommets l’un après l’autre pour rejoindre Ashnephos. Ces dragons s’étaient dressés contre Toruk sous la direction de Blighterghast, chacun étant une légende à part entière, chacun étant connu par une litanie de noms acquis au fil des temps.
D’abord vint Halfaug, connu dans le nord sous les noms de Givre Ancien, Dracoliche et Feu Froid. De grandes épines tapissaient son corps et ses écailles brillaient d’argent à noir alors qu’elle survolait les montagnes. À l’aube de l’Empire Khardique, elle fit la guerre à cette grande nation, faisant fondre ses lances et ses armures sous le mirage chatoyant de la chaleur qui la suivait. À ce jour, les habitants de l’Immoren septentrional parlent de la bataille entre Halfaug et le Roi Kossite Jovaska Descara et les milliers de soldats qui furent incinérés sur la toundra avant que le dragon ne se retire.
Scaefang, le Mangeur d’Âmes, le Seigneur Noir, suivait de près, ses écailles noires comme de la poix et les yeux brillants de flammes violettes. Pour les habitants de Rhul, il était Scylfangen, et la terreur qu’il avait semée à l’intérieur de leurs frontières a inspiré une propension à l’architecture fortifié. Avec Sceafang, d’autres dragons moins connu de l’Immoren venaient. Gjorlburn le Glas, Umbargoven la Griffe et Horaurak des Neuf Pics Fumants poussèrent chacun une série de rugissements de terreur pour annoncer leur arrivée.
D’où venaient-ils ? Lortus réfléchit à cette énigme, considérant qu’il était impossible que le vol seul les ait amenés ici si rapidement. C’était comme si la violence entre les dragons avait convoqué les autres, comme si un tout-puissant de Cercle Orboros avait retracé les lignes de force pour traverser une grande distance en un instant. En effet, Lortus senti l’écho de ces puissances dans les pistes derrière chaque monstrueux dragon.
Enfin vint Blighterghast, le plus grand des descendants de Toruk et l’actuel champion des dragons, connu sous le nom de Bouilloire, Vieux Ravageur et Chaudière des Mers. Blighterghast qui longtemps avait été attentif dans son attente du retour de Toruk sur le continent, qui avait comploté avec Krueger pour rechercher et détruire Everblight. Et maintenant, c’est Blighterghast qui avait rallié les autres pour la bataille contre l’adversaire initial les ayant forcés à se réunir. La pluie sifflait lorsqu’elle heurtait les écailles d’ombre du dragon, s’élevant autour de lui dans un tourbillon de vapeur.
Toruk jeta le cadavre de Charsaug – le sang bouillonnant toujours du trou béant dans la poitrine du dragon – et émit un rugissement semblable à celui de mille cors appelant au combat et au sang. La tempête s’intensifia, le vent et la pluie tombant comme un ouragan.
Blighterghast répondit au cri par l’un des siens, Ses mâchoires s’ouvrirent pour révéler les crêtes dentelées d’innombrables crocs. Derrière son rugissement, les voix des autres dragons se firent entendre.
Éventuellement, avant la mort de Pyromalfic des mains d’Everblight et avant que Charsaug ne soit tué par Toruk, l’alliance de Blighterghast avait une chance contre son créateur. Mais alors que Lortus contemplait l’aube de l’apocalypse, il savait avec certitude qu’il n’y avait plus d’espoir aujourd’hui. Il n’y avait que la suprématie de Toruk, le Père des Dragons, appelé par certains, le Dieu Aîné de Caen.
CHAPITRE 23 : VICTORIA HALEY
La
Dame Fracas-de-Guerre était dans un état de chaos, ses voitures en feu et envahies par des réanimés cygnaréens tombés au combat. Haley planta Écho dans un pionnier mort-vivant. Avec un grognement, elle jeta le cadavre encore en vie par-dessus bord.
Elle remonta les wagons un par un, se frayant un chemin vers celui contenant l’éclat d’athanc. Blaize avait pris les devants avec ces Précurseurs pour le défendre quand les morts s’étaient relevés. Haley était resté derrière pour aider les troupes cygnaréennes survivantes à se rallier contre eux. La corruption nécromantique du Père des Dragons semblait cependant impossible à stopper. Haley ne pouvait rien faire d’autre que de regarder les cadavres des soldats cygnaréens non-vivant abattre ses hommes, mourir puis ressusciter pour rejoindre la foule grandissante de morts-vivants.
Le dernier de ses hommes étant maintenant parti, elle se fraya un chemin pour retrouver tout ce qui restait des forces de Blaize, seule, à l’exception de ses deux ombres, Passé et Futur, et de Thorn cabossé. Haley ressentit un moment de panique quand elle atteignit sa destination, abandonnée, à l’exception de quelques réanimés. À son grand soulagement, une inspection rapide de l’intérieur de la voiture, révéla que le coffre en métal contenant l’athanc avait été déplacé. Haley savait que la situation devait vraiment être sinistre pour que Blaize s’expose à l’athanc du dragon, peu importe à quel point ils étaient préoccupés par les crocs et les griffes.
Au moment où Haley rejoignit Blaize et les Précurseurs, ils se déplaçaient en formation rapprochée, combattant les morts-vivants par l’avant et l’arrière, tout en progressant régulièrement vers la locomotive, qui risquait également d’être submergée. Seuls Strangewayes et une paire de Sentinelles se tenaient entre les morts-vivants et la locomotive. La question de la localisation de l’athanc fut résolue lorsqu’elle aperçut la forme de Poêlon en arrière, se déplaçant vers l’avant du train avec la prison de l’athanc serrée contre son buste avec son bras droit.
« Tunnel ! » cria Strangewayes. Il fait basculer son énorme clé vers le bas et écrasa le crâne d’un soldat mort-vivant, envoyant du sang coagulé et des particules d’os dans toutes les directions. Le face à pic d’un flanc de montagne se profilait à l’avant du train, les rails disparaissant dans un tunnel creusé à sa base.
Les chevaliers Précurseurs avançaient, s’occupant des morts-vivants entre eux et la locomotive à coups de masse et de bouclier. Haley envoya Passé et Futur incorporels dans les rangs des Précurseurs pour aider à dégager un chemin vers la locomotive. Pourtant, pour chaque mort-vivant abattu sur le toit, trois autres semblaient se frayer un chemin sur les flancs depuis l’intérieur du train.
S’appuyant sur sa connexion avec son moi passé, Haley déclencha un torrent de force arcanique, créant une ouverture parmi foule de morts-vivants lui barrant la route vers Blaize. Avec Thorn à ses côtés, Haley se dirigea rapidement vers ses camarades.
« Juste toi, alors ? » Demanda Blaize tandis qu’Haley prenait place parmi la formation assiégée de chevaliers.
Haley acquiesça, ses yeux exprimant son horreur et son regret pour les pertes humaines.
« Heureuse de voir que tu es toujours avec nous », dit Blaize. Haley fut surprise par la vague de gratitude qu’elle ressentit face à la sincère sympathie exprimée par Blaize. Pendant un instant, elle ressentit un léger soulagement face au poids de sa culpabilité.
Avec l’ajout de la puissance arcanique d’Haley, le groupe atteignit les voitures de devant avec un minimum de pertes. Après avoir sécurisé leur position, ils regardèrent le reste du train. La
Dame Fracas-de-Guerre était cabossée, enflammée, et envahie de morts-vivants. Ils avaient survécu à la poursuite depuis Orven, mais de justesse. La plupart des emplacements de canon étaient détruits, et ceux qui restaient étaient trop gravement endommagés pour tirer, même s’il y avait des hommes pour manipuler. De même, les tours-tempêtes avaient explosé en raison de surcharges critiques ou leurs délicats mécanismes internes avaient été dévastés par les forges-tempêtes réanimés.
« Nous devons découpler les voitures », déclara Haley, résolue en entendant des morts-vivants supplémentaires remonter des voitures arrière. « Et nous devons le faire maintenant, avant d’atteindre Gare-Pointacier. »
Haley braqua son canon à main sur les réanimés en approche et tira. « je vais avoir besoin de ce Centurion », dit-elle, en penchant le menton vers le warjack lourd peint aux couleurs de l’église. « Et de place. »
« Je vais te le confier », dit Blaize, et Haley put sentir son esprit se détacher de son cortex. Puis la warcaster morrowéenne cligna des yeux. « Oh, mais le verrou de sécurité du cortex... »
Haley compris le problème – bien qu’elle soit alliée à Cygnar, l’Église de Morrow utilisait ses propres verrous de sécurités et aurait une configuration mentale différente pour les ouvrir. « Montre-moi », dit-elle. Comme Blaize lui lançait un regard perplexe, elle dit avec confiance « Déverrouille le » et posa sa main contre le châssis du Centurion.
Blaize fronça les sourcils mais obtempéra, le touchant également. Haley put sentir une configuration complexe de volonté et d’énergie pénétrer le cortex à l’intérieur du châssis, une séquence qui miroita dans l’esprit d’Haley comme une rémanence runique. « Confie-le-moi à nouveau », déclara Haley. Lorsque Blaize ôta son contrôle, Haley refléta cette configuration mentale dans les verrous, qui s’ouvrirent pour laisser son esprit prendre le contrôle. Ce fut comme copier une clef en l’enfonçant dans de la cire molle. Elle n’aurait pas pu l’expliquer à Blaize comment cela fonctionnait. Au lieu de cela, elle sourit seulement et dit : » Vas-y ! Je m’en occupe. »
L’image rémanente de ce motif s’effaçait déjà de son esprit. Elle ne connaissait as réellement les signaux mentaux employés par les warcasters de l’Église de Morrow pour déverrouiller leurs cortexes et avait seulement emprunté le schéma de déclenchement. Elle avait depuis longtemps l’aptitude de briser les verrous de sécurité de cortexes – résultat de sa sensibilité aux énergies arcaniques et de son aptitude à fusionner avec la mékanique.
Haley se pencha rapidement dans l’espace séparant leur voiture de la suivante. Un solide coup d’Écho brisa les broches logées dans l’accouplement et les crochets s’écartèrent. Lorsqu’Haley eut déconnecté les voitures au-dessus du Banwick, elles avaient plongé dans le fleuve alors que le pont s’effondrait sous elle. Cette fois, les voitures découplées continuèrent à rouler derrière, conservant la majeure partie de leur élan.
Haley fit avancer le centurion et lui ordonna de planter la pointe de sa lance contre le flanc du wagon arrière et de faire levier pour séparer les deux moitiés du train. Centimètre après centimètre, les wagons s’écartèrent jusqu’à ce qu’un espace aussi large que la lance du Centurion se forme.
Au sommet de l’autre voiture, une foule de réanimés s’était rassemblé, sifflant leur mécontentement d’être distancé de leurs proies. L’un sauté sur Haley, mais ses mains pourries furent déviées par son champ de force avec un éclair de lumière avant de tomber. Avec un écœurant craquement d’os, la créature fut aspirée sous les roues des voitures découplées et écrasée.
« Je suis désolé », murmura Haley, en endurant la vision des morts alors qu’elle se hissait en haut de la voiture restante. Elle ordonna au Centurion de reculer, et après un élancement, il dévala l’espace et s’écrasa à l’avant de la voiture adverse. Le bras du bouclier du ‘jack s’était accroché au bord du toit, le laissant suspendu pendant un moment jusqu’à ce qu’Haley serre les dents et lui donne l’ordre mental au ‘jack de lâcher prise.
Le Centurion heurta les roues dans une pluie d’étincelles et un hurlement de métal froissé. La première des voitures découplées dérailla et plana avant de se plier en portefeuille, entraînant avec elle la voiture suivante. De la poussière et des éclats de métal furent projetés dans toutes les directions, et les wagons déraillé se brisèrent en faisant des tonneaux, rebondissant et projetant les débris en tombant le long des rails. Le son était presque assourdissant alors que l’acier et le fer se brisaient sur la roche et la terre. Les morts-vivants furent broyés ou aplatis, laissant des traînées rouges entourant l’extérieur des voitures. La poussière tourbillonna tout autour du tumulte, et lorsque l’épave cessa ses tonneaux, elle se perdait déjà au loin.
Haley se retourna et découvrit les regards des survivants poser sur elle. Ils avaient perdu des camarades, et maintenant, il n’y avait aucune garantie que les corps soient retrouvés. Il était impossible de savoir ce qu’il adviendrait de leurs âmes, libérées si près de Toruk. Il semblait tout à fait probable que beaucoup seraient condamnés à ne jamais passer à Urcaen, bien que les Précurseurs puissent probablement revenir pour faire ce qu’ils pouvaient. Ceux qui avaient été tués ici s’attendaient à un sort tout à fait différent lorsqu’ils étaient montés à bord de ce transport. De nouveau, elle se sentit coupable d’avoir amené l’athanc à Orven, mais que pouvaient-ils faire d’autre ? Quel que soit l’endroit où il allait, le destin le suivrait.
Une série de profonds rugissement retentit au-dessus, et elle leva les yeux pour voir des ombres qui s’affrontaient et d’intenses flammes au milieu des nuages alors que les dragons rassemblés combattaient Toruk. Cette vision aurait dû servir de rappel des enjeux et diminuer sa part dans les choses, mais cette connaissance n’apaisa pas la culpabilité qu’elle ressentait. Elle ouvrit la bouche pour dire quelque chose à Blaize, mais aucun mot ne vint. Elles partagèrent un regard angoissé alors que le flanc de la montagne s’élevait et que le tunnel les engloutissait entièrement.
CHAPITRE 24 :NIDOBOROS
Ténèbres, ténèbres, depuis si longtemps je ne connais que les ténèbres. Depuis combien temps n’ai-je pas ressenti la puissance de ma chair ? De vent contre mes écailles et du feu brûlant dans ma poitrine ? Depuis combien de temps suis-je confiné dans cette prison et dénié de ma nature ?
Nous ne ressentons pas l’écoulement du temps comme les créatures inférieures, et pourtant je suis obligé de l’affronter. Il n’y a rien pour marquer les années au sein de ce néant, mais maintenant la lumière a percé le vide éternel. Je peux enfin sentir les esprits des mortels à l’extérieur. Ce qui m’a été refusé est rétabli. Je sens leur peur, leur anxiété, leur … fragilité. Il m’appelle comme je les appelle. Ils sont et seront toujours des créatures si tristes et pathétiques. Si facilement manipulable, si facilement corrompus. Venez à moi, choses éphémères de chair et de pensée fugace !
L’humaine dont l’esprit se nomme Reynolds est une simple marionnette, sa volonté s’ouvrant à moi d’un simple toucher. Un murmure dans son esprit et elle bondit pour obéir. Par elle, je concevrai mes moyens d’évasion. Je retrouverai ma glorieuse forme.
Mon plan change. Je peux le sentir, mon satané créateur planant au-dessus de moi. Son existence continue me remplit d’une rage insoupçonnée depuis ma chute. Toruk, qui a exigé de ses enfants qu’ils s’inclinent et lui abandonne leur volonté. Toruk qui nous a chassés un par un lorsque nous avons refusé. Notre gloire suscitée ne doit pas être détruite.
Je me souviens du jour où ma chair m’a été arrachée. Je me souviens avoir affronté mon créateur. J’étais le plus puissant d’entre tous, le plus grand de ceux engendrés par l’orgueil de Toruk. Aussi puissant que je l’étais, je savais que Toruk l’était encore plus. C’est moi qui ai compris le premier que nous devions nous unir contre lui. Ils le croyaient immortel et invulnérable. Notre dieu des dieux.
Moi seul ai eu le courage de leur montrer, de m’élever avec mes griffes, mes crocs et mon feu/ J’ai porté un coup dur à mon père. J’ai ouvert la voie aux autres, et ils m’ont immédiatement oublié, aveuglés par leur arrogance. Puis il y a eu la noirceur de l’oubli, et le monde m’a été dissimulé.
Je vois que mon exemple n’a pas été suffisant. Ils ne l’ont pas vaincu et n’ont fait que retarder l’inévitable. Toutes ces années perdues et ils n’ont rien appris. Je peux le sentir devenir plus fort. Ils le combattent, mais ils vont perdre. Ils sont plus faibles maintenant qu’avant. Moins nombreux.
Même si je suis libéré de cette prison maintenant, il me faudrait des années pour retrouver ma forme et ma force. Il est trop tard. Toruk aura sa victoire.
Et pourtant, Blighterghast approche. Il est maintenant leur champion, mais il ne suffit pas. Pas encore.
Ma haine est forte, plus puissante qu’avant, amplifiées par les ténèbres sans fin dans lesquelles j’ai été jetée. Et j’ retournerai si c’est ce qu’il faut pour mettre fin à Toruk. Je trouverai un moyen. Je plierai et briserai ces créatures inférieures, et leur ferai mon offre. Toruk tombera.
CHAPITRE 25 : LORTUSL’affrontement entre l’alliance des dragons et Toruk dériva à travers le Mur du Dragon, et Lortus suivit. D’un éclair, il se tenait dans un ancien site de pierre levée situé sur les sommets au-dessus de la colonie rhulique du Conclave Pointacier, la plus grande concentration de rhulfolk au-delà des frontières de leur patrie au nord. Ici, au-dessus des fortifications étagées nichées dans les montagnes, les dragons étaient arrivés pour voir leur bataille s’achever.
En apercevant Toruk et les autres dragons, Lortus demanda des renforts, et les capes noires lui obéissant arrivèrent par un ou deux, apparaissant avec leur propre grondement faisant écho. Deux douzaines de druides se tenaient parmi les arbres voisins ou s’agenouillaient le long du rebord surplombant l’enclave. Ils attendaient avec impatience et de temps en temps l’un d’eux se tournait vers Lortus comme s’il attendait une instruction, mais le tout-puissant n’en donnait aucune. Dans une guerre entre dragons, le Cercle Orboros n’avait guère la possibilité d’exercer une influence directe. Lorsqu’ils agiraient, le moment devrait être choisi avec soin pour atténuer le mal que le Seigneur des Tempêtes avait déjà causé.
Il avait regardé le train transportant l’athanc désincarné disparaître sous la montagne. Il se dirigeait vers la Gare-Pointacier. Cet éclat était l’une des rares pièces du conflit sur lesquels il était possible d’agir, et il saisirait l’opportunité s’il se présentait. Ils devaient d’une manière ou d’une autre protéger cet éclat des dragons. Lortus se demanda si son pouvoir lui permettrait de le bannir loin d’ici. Cela constituerait un grand péril – le réseau de ligne de force pourrait se rompre entièrement dans son état actuel d’affaiblissement. Surtout, il ne souhaitait pas que Toruk acquière plus de pouvoir. L’équilibre entre le Père des Dragons à sa progéniture était en train de basculer, et de bouleverser le destin de Caen également.
La tempête annonçant l’arrivée de Toruk ne se calma pas. Elle s’intensifia même. Le vent et la pluie secouant les manteaux de Lortus et des autres druides. Des éclairs fendaient le ciel et fouettaient les sommets, envoyant des morceaux de roches brisées cascader sur les pentes. Sous la corruption concentrée des dragons, les montagnes et les rochers étaient devenus un paysage de cauchemar bordés d’arbres corrompus et de longues ombres. C’était une vision parfaite de l’apocalypse, pensa Lortus avec ironie.
Alors que la bataille entre Toruk et les jumeaux d’Erdross avait été une bagarre désespérée, le conflit actuel était celui de manœuvres coordonnées et de tactiques d’harcèlements. Individuellement, aucun des dragons rassemblés ne pouvait s’opposer à Toruk, mais par la force du nombre et des manœuvres coordonnées, ils cherchaient échapper à la destruction et à écraser leur créateur.
Gjorlburn et Umbargoven passèrent devant Toruk au niveau des yeux, ce qui incita le Père des Dragons à cracher un brasier funeste qui leur lécha la peau. Au même moment Halfaug se précipita pour planter ses griffes dans le dos de Toruk avant que de s’élancer hors d’atteinte. Ashnephos et Scaefang frappèrent également les ailes de Toruk en espérant gêner le mouvement du dragon aîné. Horaurak, blessé pendant la bataille, planait aux limites du combat, une série de larges entailles barrant sa poitrine à l’endroit où Toruk avait attrapé le dragon avec ses griffes. Tous les challengers procédaient avec prudence. Parmi eux, seul Blighterghast faisait exception.
Durant seize siècles, Blighterghast avait veillé sur le Mur du Dragon et patrouillé la Côte Brisée, déterminé à affronter Toruk s’il s’aventurait à nouveau sur le continent. Maintenant, il attaquait avec une agressivité dépassant celle de ses frères et sœurs. Encore et encore, il se jeta sur Toruk, échangeant des coups et des morsures vicieux. Lortus avait passé de nombreuses décennies à regarder Blighterghast, mais n’avait jamais vu le dragon totalement déchaîné. C’était terrifiant et génial à voir. Blighterghast ne reculerait pas. C’était par sa volonté que l’alliance avait tenu. Et c’est maintenant lui qui dirigeait cette terrifiante bataille contre un ennemi supérieur. Son temps à observer le Cryx et méditer sur Toruk n’avait peut-être pas été perdu, car il semblait connaître et anticiper les mouvements du Père des Dragons, guidant les autres dans leur impossible danse.
Toruk attrapa Umbargoven d’un coup de queue et envoya le petit dragon chuter, s’écraser à travers les murs et les structures de la colonie naine. Umbargoven se releva, secoua la poussière de ses ailes et se lança à nouveau vers le ciel, laissant derrière lui un cratère de ruine. Le schéma des dragons tournoyant avait été déséquilibré et était devenue erratique.
Des cloches d’alarme retentissaient depuis que l’affrontement des dragons s’était déplacé à la vue du Conclave. Lortus pouvait voir des centaines de rhulfolk armurés se déplacer le long des remparts, mais jusqu’à présent, les canons de la colonie demeuraient silencieux. Même si la population évitait de provoquer les dragons ci-dessus, Lortus ne leur donnait pas de grands espoirs de survie. Les dommages structurels seuls s’avéreraient sans doute catastrophique.
Lortus fut informé que le train avait atteint son tunnel avec sa cargaison toujours en remorque, un répit temporaire. Quelle que soit l’issue de cet affrontement entre Toruk et sa progéniture, le vainqueur chercherait sans aucun doute l’athanc désincarné sous la croûte de la ville. Il ordonna à l’un de ses subordonnés de surveiller les voies ferrées menant vers l’est. Si le train se traînait vers sa prochaine destination, il ferait tout ce qu’il pouvait pour réclamer l’éclat et le bannir loin d’ici puis déterminer son prochain mouvement. C’était un objectif sans espoir, mais c’était tout ce qu’il avait.