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Roman - Convergence Sombre

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elric:
LA TROISIÈME HARMONIQUE
Le pouvoir de la compréhension transcende l’inexplicable.
Nemo
Alors que Nemo revenait au camp, le chaos de l’attaque de la Convergence se dissipa, mais une excitation croissante à l’approche des renforts pris sa place.

Les Lances-tempête arrivèrent les premières, leurs chevaux au galop soulevant un voile de poussière devant les chariots et l’infanterie la suivant. Apercevant Nemo, ils changèrent de cal lorsqu’il fit un geste en direction du Major Blackburn, qui venait juste de remplacer un garde dans tous ses états par un médecin de terrain stable pour superviser le triage des blessés. Une fois qu’il vit que l’effort était entre de bonnes mains, Blackburn alla accueillir les renforts et leur assigner leurs postes.

Nemo renvoya les Lanciers et les Lucioles en position de garde, se donnant ainsi un champ d’options plus large en cas de nouvelle attaque. Il ordonna au Foudroyant  de se positionner face à la tente des mécaniciens. L’armure du warjack n’avait subi que de légères écorchures d’éclats d’obus, mais il crut sentir une gêne dans sa démarche sur le chemin du retour.

À moins, pensa-t-il aigrement, qu’il avait seulement imaginé l’imperfection résidait dans le warjack et non dans sa propre force déclinante.

Indépendamment du fait que le défaut était réel ou qu’il s’agisse d’un produit psychosomatique dû à la peur de vieillir de Nemo, il voulait être certain que le Foudroyant était en bon état avant de le remettre en service, les fonctions galvaniques du warjack s’étaient parfois avérées plus fragile que les entrailles mékaniques de ses homologues à vapeur. Cela demandait une certaine attention et d’attention supplémentaires.

Cette pensée rappela à Nemo sa promesse de chercher à acquérir une nouvelle jambe mékanisée pour Mags Jernigan. Tout comme le Foudroyant, elle aurait besoin d’un peu d’entretien.

Mais pour l’instant, cela devrait attendre.

Les dommages causé au camp n’étaient pas aussi graves que Nemo l’avait craint. Une demi douzaine de tentes avaient été déchiquetées ou soufflées, mais une seule contenait des victimes. Les lances-tempête survivantes avaient ramené leurs montures au paddock que les troupes avaient construit à la hâte. Là, les nouveaux arrivant les avaient rejoints. Les hommes s’occupaient des chevaux pendant que leurs capitaines déterminaient la nouvelle chaîne de commandement sous le Major Blackburn.

Parmi les lances se tenait un homme de forte corpulence au visage pâle et grêlé. Plutôt qu’une épée, une lourde masse à pointes pendait à sa hanche. Nemo remarqua une figure humaine stylisée entourée de rayons de lumière – le symbole de Morrow – embossée en or sur l’armure de plate blanche du chevalier. Derrière lui chevauchait un chevalier plus jeune brandissant la bannière de Morrow.

Lorsqu’il aperçu Nemo, le cavalier et son enseigne se dirigèrent vers lui. Ils maîtrisèrent leurs montures, mirent pied à terre et saluèrent.

« Général Artificier », dit le chevalier.

« Aumônier Geary ». Nemo serra la main de Geary, heureux de le voir ne serait-ce que pour accueillir un autre guerrier blanc dans le camp. Contrairement à l’épaisse crinière de Nemo, les cheveux de Geary s’étaient tellement clairsemés que l’homme les gardait tondus de près, donnant à son crâne rougeaud l’apparence d’une pêche floue. « Quelque chose me dit que vous n’êtes pas simplement venu pour aider, mais aussi pour examiner mes captifs ».

Geary haussa les épaules avec un sourire d’excuse. Son chagrin céda la place à une expression sinistre lorsqu’il cracha pratiquement le mot, « cyrissistes ». Depuis l’Affaire de la Witchfire, j’ai toujours dit qu’ils montreraient un jour leurs vrais visages ».

« Alors tu as », acquiesça Nemo. Compte tenu des événements récents, il ne ressentait pas le besoin de contester l’affirmation du chevalier, même si auparavant il n’avait jamais partagé l’intensité de la méfiance de Geary envers le culte.

Pour Nemo, les cyrissistes étaient apparus comme une société inorganisée d’excentriques intellectuels et artisans. En adorant une déesse de la science, ils semblaient simplement célébrer leurs professions – et, franchement, eux-mêmes – plus que constituer un danger légitime pour la foi moorrowéenne, et encore moins pour le grand public. Qu’une faction isolée d’entre eux ait autrefois servi une cause plus sombre n’avais jamais alarmé Nemo. Après  tout, même l’église de Morrow comptait des traites, des meurtriers et pire encore parmi ses fidèles.

Au moment où Geary avait appris que des nécromanciens présumés avaient été trouvés parmi les cyrissites, il avait eu du mal à contenir son animosité. Nemo admirait la passion de l’homme mais elle semblait indiscriminée.

« Puis-je les voir, ces soldats mécaniques ? » Demanda Geary. Le bord de ses yeux était étonnamment rose contre sa peau pâle. Il l’avait parfois pris pour un albinos.

« Quand j’aurai fini d’inspecter les renforts ».

« Bien sûr », déclara Geary. « Bien sûr ».

Nemo conduisit Geary à travers le camp, Finch à ses côtés et l’enseigne à ceux du chevalier. Nemo vit Geary faire un signe de tête approbateur à ce qu’il voyait tout autour d’eux. Nemo était également heureux de voir avec quelle efficacité les soldats avait répondu à la récente attaque.

Ceux qui l’avaient accompagné à Calbeck et les nouveaux venus avaient déjà réparé ou enlevé les tentes endommagées. Il n’y avait pas de blessés, car ils avaient été transportés dans les tentes désignées par le Major Blackburn.

Au nord, les pionniers étaient déjà à l’oeuvre à étendre les défenses. À l’est et au sud, Nemo vit d’un coup d’oeil que les officiers des fusiliers et des commando rassemblaient leurs troupes pour une action d’enveloppement après avoir consulté Blackburn. Tout autour d’eux, le camp continuait de s’agrandir, les soldats creusant des latrines et érigeant des abris supplémentaires.

« Combien de lances-tempête, Finch ? »

« Dix, monsieur, sans compter celles que nous avions déjà », répondit-elle. Elle avait baissé les lunettes pour protéger ses yeux de la poussière. La pression sur son nez altérait si légèrement sa voix que personne ne la connaissant bien ne l’aurait pas remarqué.

Nemo envisagea de faire de même, mais il trouva cela discourtois alors que Geary n’avait pas cette protection.

Alors qu’ils marchaient à travers le camp, Finch compta les Gardes-Tempête et les Lames-Tempête – notant combien d’entre eux portaient les lourds canons à foudre connu sous le nom de lance-tempête – ainsi que les fusiliers, les grenadiers, les commandos, les médecins, les mékaniciens de terrain et les troupes de soutien.

« Regardez, monsieur ! » Finch désigna un chariot rempli de caisses et un warjack recouvert de bâches. Le blaster-tempête distinctif d’une Luciole sortait de sa cachette. Au-dessus de ligne courbe de son épaule, un trio de bâton distinctives dépassait au-dessus du chargement, dansant là ou leurs porteurs étaient assis dissimulés derrière le hayon du chariot. « Forges-Tempête ! »

Nemo hocha la tête, espérant le meilleur. Idéalement, il aurait convoqué des équipages vétérans, des hommes et des femmes ayant combattu à ses côtés auparavant. Après le conflit dans le Bois d’Épines, cependant, il craignait que trop peu d’entre eux aient survécu pour qu’il fasse la fine bouche. Il devrait se contenter de ceux que le Seigneur Commandant avait jugé bon d’envoyer d’où ses forces récupéraient à Port Bourne.

De nombreux Forges-Tempête étaient non seulement brillants mais aussi disciplinés, professionnels et fiables. Pourtant, une fraction troublante des arcanistes et des mékaniciens les plus talentueux était aussi quelque peu, faute d’un meilleur terme, « excentrique ». Certains d’entre eux n’avaient tout simplement pas les bonnes manières, et leur comportement était tout au plus ennuyeux. En comparaison, cependant, certains pourraient faire du Sergent Mags Jernigan l’incarnation de la disciple militaire.

« Qui est-ce, Finch ? » Abandonnant sa propre prétention à la courtoisie, Nemo abaissa ses propres lunettes et chassa la poussière de ses yeux. « Pouvez-vous voir ? »

« Non, monsieur. Il y a trop de poussière dans le- Regardez, ils ont pu nous accorder un autre warcaster ! » Son enthousiasme retomba lorsqu’elle et Nemo entendirent la personne qu’elle avait désignée reprendre les ordres verbaux aux warjacks. « Oh, eh bien, un compagnon, quoi qu’il en soit ».

Le jeune homme marchait entre une paire de Cuirassés-Tempête, des warjacks lourds maniant de massives épées. La bannière de Cygnar flottait entre une paire de cheminées dégageant des nuages de fumée de charbon au-dessus de leurs épaules. Contrairement au Foudroyant, les Cuirassés-Tempête ne bénéficiaient de l’énergie galvanique que dans leurs puissantes lames génératrices. Ils se mouvaient toujours, comme la plupart des warjacks, grâce à la vapeur.

Nemo soupira. Il supposa qu’il fallait mieux recevoir un compagnon que pas de warcaster du tout. Néanmoins, il aurait préféré avoir Victoria Haley ou l’un des autres vétérans à ses côtés.
Notant son expression, Finch chuchota, « Essayer de ne pas effrayer celui-ci ».

« Quoi ? »

« Essayer de ne pas effrayer celui-ci, monsieur ! »

Les sourcils de Nemo s’arquèrent, mais avant qu’il ne puisse formuler une réplique cinglante, Finch fit signe au jeune homme d’approcher. Le compagnon ordonna à ses warjacks de s’écarter, permettant aux chariots et aux troupes qui suivaient de passer sans encombre, avant de se précipiter pour saluer. Il hésita entre s’adresser à Finch – à qu’il il aurait dû faire son rapport - et Nemo - dont la présence effrayait souvent les jeunes officiers et les poussait à enfreindre le protocole.

« Lieutenant Benedict, Compagnon, au rapport comme demandé, monsieur ! Et monsieur ! »

Avant que Finch ne puisse répondre, Nemo demanda, « Combien d’actions avez-vous connues, Benedict ? »

« J’ai servi comme pionnier pendant trois ans, monsieur. Lorsque mon talent est apparu, j’ai été envoyé à l’Académie de Stratégie Militaire, où j’ai été diplômé au printemps dernier. Depuis, j’ai participé à deux escarmouches contre le Cryx dans le Bois d’Épines cet été, monsieur. J’ai vu beaucoup plus d’action que prévu à Port Bourne pendant l’invasion, mais j’aurais aimé pouvoir vous rejoindre dans la marche vers le nord, monsieur ».

« Vous ne ressentiriez pas cela si vous aviez été là, Bénédict ».

« Oui, monsieur ».

D’après les rapports que Nemo avait lus sur les horreurs de Port Bourne, il savait que Benedict n’aurait pu vivre une épreuve plus pénible. Nemo espérait pour lui que le conflit actuel se révélerait moins terrible que l’action contre le Seigneur Liche Asphyxious. Il commença à se demander pourquoi Benedict était arrivé sans son maître, mais il connaissait déjà la réponse.

« Promotion sur le terrain ? »

« Oui, monsieur ». Benedict ne broncha pas, bien que la raison pour laquelle on envoyait un lieutenant plutôt qu’un capitaine était presque toujours la même. Son mentor était mort au combat, laissant son compagnon prendre sa place.

« Ces Cuirassés-Tempête vous ont-ils été affectés à Port Bourne ? »

« Non, monsieur. La majeure partie de mon expérience est avec des ‘jack légers, monsieur. Le Seigneur Commandant les a envoyé parce qu’il pensait que vous pourriez en avoir besoin, monsieur ».

Finch renifla en échouant à réprimer un ricanement. Nemo estima que si la pire qualité de Benedict était une prépondérance de « monsieur », il s’en sortirait parfaitement bien.

« Très bien, Benedict », répondit Nemo. Il s’arrêta avant de donner des ordres à l’homme. Au lieu de cela, il se tourna vers Finch.

« Emmène ces grands gaillards chez les mékano pour qu’ils les inspectent », dit Finch. « Fais-moi un rapport après qu’ils aient été autorisés à servir ».

« Oui, monsieur ! » Le salut de Benoît était aussi net qu’un col fraîchement amidonné.

Finch lui indiqua la bonne direction, et Benedict l’a remercia avec un sourire et un hochement de tête. Les taches de rousseur de Finch semblèrent s’éclaircir alors qu’elle rougissait.

Nemo regarda le compagnon regagner ses Cuirassés-Tempête. Benedict jeta un coup d’oeil furtif à Finch avant de demander aux warjacks de le suivre jusqu’à la tente des mékaniciens.

« Je ne peux même plus le dire », dit Nemo. « Quel âges penses-tu qu’il ait, Finch ? »

« Plutôt vieux », répondit-elle. « Vingt-huit ans, au moins ».

Nemo soupira.

En reportant son regard sur la place que Benedict venait de quitter, Nemo sursauta à l’inattendue matérialisation de trois hérauts-tempête se tenant en plein salut devant Caitlin Finch.

« Jimmies ! » S’écria Finch leur rendant leur salut avec un geste non réglementaire.

Les forges-tempête portaient de longs manteaux bleus identiques et tenaient leurs bâtons-tempête à des angles identiques. Nemo gémit intérieurement en reconnaissant leurs visages relativement jeunes.

Ces trois-là, il ne les connaissait que trop bien.

La plupart des forges-tempête étaient considérablement plus expérimenté que les compagnons warcasters. Ils étaient parmi les praticiens les plus habiles de la mékanique avancée, leurs rangs étant composés des mékaniciens et les mékamanciens les plus compétents, y compris ceux spécialisés dans les sciences de la tempête. Il était rare d’en rencontrer un de moins de trente ans, mais de temps en temps un prodige émergeait. Ces trois-là avaient été diplômés de l’Académie Stratégique Militaire ensemble.

Ou plutôt, pensait souvent Nemo, ils s’étaient en quelque sorte échappés.

« Baker, Smith, et Hurndall au rapport, monsieur ! » cria celui que Nemo estimait être Hurndall. Il avait l’air différent maintenant que ses longs cheveux blonds avaient viré au bleu vif.

Nemo fronça les sourcils à l’idée d’un forge-tempête Smith, mais il savait que la remarque sur ce nom malheureux ne ferai qu’évoquer une histoire de chien hirsute avec la phrase clé « Smith ». Au lieu de cela, il plissa les yeux vers Hurndall. « Qu’est-il arrivé à vos cheveux, forge-tempête ? »

« Lors d’une récente visite à l’Ordre du Creuset Doré à Fhari, monsieur, il y a eu un léger malentendu. Cela fait en fait une anecdote amusante si vous voulez l’entendre- »

« Dites-moi que vous n’êtes pas les seuls forgerons dont Striker peut se passer ».

« Non, monsieur », déclara Baker ou Smith, selon le rouquin. « Quatre autres arrivent avec les  Patrouilleurs-Tempête. Pond et McCoy sont avec les Lucioles. Jones et Troughton et leurs assistants ont les tours-tempête.

« Combien de lucioles et de tours ? »

« Deux de chaque, monsieur », répondit l’autre, Smith ou Baker.

C’était quelque chose. En fait, c’était plus que quelque chose. Bien que Nemo ait pu ergoter sur sa sélection de forges-tempête, Stryker avait envoyé beaucoup plus d’armement galvaniques que Nemo avait imaginé pouvoir en disposer. Il espérait que le Seigneur Commandant n’avait pas été imprudent en épuisant sa garnison alors que le Cryx demeurait une menace incontrôlée.

Nemo confia les spécialistes à Finch. Lorsqu’elle les renvoya en les avertissant que leur équipement devrait être prêt pour l’inspection dans l’heure, leurs saluts et leurs « Oui, messieurs ! » se succédèrent avec précision, ce qui fit lever à Nemo un sourcil suspicieux. Il ne pouvait jamais dire si ces farceurs étaient insolents ou simplement mentalement bizarres.
Alors qu’ils partaient, Nemo demanda à Finch, « Jimmies ? »

« Parce que leurs prénoms à tous est James ».

« Je croyais que l’un d’eux se nommait Gerald ».

« Jimmy honoraire ».

Exaspéré, Nemo se tourna vers l’Aumônier Geary. Le chevalier Précurseur se tenait à une distance respectueuse, mais ses yeux trahissaient son empressement à voir les captifs.
« Venez ». Nemo lui fit signe. « Débutons par l’atelier ».

Alors qu’ils retournaient vers l’ouest à travers le camp, Finch désigna la tente à cartes.

« Monsieur ».

À côté du garde se tenaient quatre mékaniciens, leurs yeux craintifs fixés sur Nemo.

« Bien sûr », dit Nemo. « Les cyrissistes de Mags ».

« Cyrissites ? » Dit Geary. « Vous en avez au sein de votre armée en ce moment ? »

« Si nous les disqualifions, nous perdrions la moitié de nos meilleurs mékaniciens. De plus, le roi leur a accordé le droit de pratiquer librement leur religion ».

« Les cyrissistes n’ont pas une religion mais un culte ».

Nemo s’empêcha de faire remarquer que la différence entre un culte et une religion était une question de perspective. Les menites, autrefois la religion dominante dans tout l’Immoren occidental, considéraient toujours l’Église de Morrow comme un culte, et hérétique de surcroît L’approbation par la Couronne d’un temple dans la capitale avait sûrement propulser le mouvement cyrissiste au-dessus de son statut auparavant marginal. La question était de savoir si c’était une religion amie ou ennemie. Les actions de cette secte de la Convergence soutenaient clairement la dernière réponse.

Nemo aurait voulu interroger les mékaniciens cyrissistes connus sans la présence de l’Aumônier Geary, mais il avait promis au chevalier de jeter un coup d’oeil aux soldats mécaniques et aux « vecteurs » et « serviteurs » capturés – des termes que la partie mathématique de l’esprit de Nemo trouvait intrigants et étrangement attrayants. Si seulement il avait pu étudier ces automates dans des circonstances moins éprouvantes, il aurait trouvé la perspective excitante, peut-être même relaxante.

« Monsieur », dit l’un des mékaniciens, « aucun d’entre nous n’a eu quoi que ce soit à voir avec ce qui s’est passé à l’atelier. Nous étions déjà là ».

« Que s’est-il passé à l’atelier ? » Demanda Nemo. Quand les hommes se regardèrent plutôt que de répondre, il se tourna vers l’homme montant la garde. « C’est une question, soldat. Que s’est-il exactement passé à l’atelier ? »

« Il y a eu une perturbation, monsieur. C’est tout ce que je sais. Le Major Blackburn s’est dirigé dans cette direction peu avant votre arrivée ».

« Gardez ces hommes ici ».

Nemo n’attendit pas une réponse. Il courut vers l’abri des mékaniciens, à peine capable de se lancer dans une course. Geary et Finch le suivait de près.

Des gardes entouraient la tente-atelier, y compris des troupes fraîches arrivées avec les renforts. Blackburn donnait des ordres à l’un des lieutenant venant d’arriver lorsqu’il repéra Nemo, puis courut à sa rencontre.

« Le Sergent Jernigan et deux de ses assistants sont portés disparus. Il en va de même pour les soldats mécaniques capturés, ainsi que les cylindres que vous nous avez montrés. Deux gardes du périmètre ouest ont été tués, déchiquetés par ces petits projectiles-scies que nous avons affrontés la nuit dernière ».

« Et les vecteurs ».

Blackburn tourna la tête selon un angle inquisiteur.

« Les warjacks ennemis, mec. Ils sont toujours là ? »

Il hocha la tête en signe de compréhension. « Oui, monsieur ».

« Que s’est-il passé exactement ? »

« Nous recueillons encore des rapports, mais nous savons qu’un escadron de soldats mécaniques a frappé l’atelier lors de l’attaque de Calbeck. D’après les empreintes de pas, ils se sont retirés par l’ouest, vraisemblablement pour retourner à Calbeck. J’ai des rangers traçant leur piste ».

Nemo pensa aux cyrissites connus sous garde dans sa tente des cartes. Combien d’autres étaient présents maintenant que les renforts étaient arrivés.

« Comment savons-nous que nos propres gens n’ont pas pris les automates et ne sont pas partis volontairement ? » Nemo jeta un coup d’oeil à Geary. Il détestait poser une telle question, surtout devant l’aumônier Précurseur, mais il avait besoin de la réponse.

« Nous avons trouvé des empreintes partant et revenant vers le bois occidental. Elles semblent provenir d’autres soldats mécaniques. Il y a des signes de lutte dans l’atelier, y compris une petite quantité de sang ». Blackburn souligna « petite quantité », peut-être en considération de l’amitié de Nemo avec Mags. « Je ne pense pas que nos gens se soient rendus sans se battre. Il est plus probable qu’ils aient été capturés ».

« Personne n’a été témoin de cet enlèvement ? »

« Rien que j’aie encore trouvé, monsieur Il y a eu beaucoup de confusion pendant l’attaque ».
« Et les commandos qui couvraient l’ouest ? »

Le visage de Blackburn se durcit. « Les survivants rapportent avoir vu du mouvement sur le chemin du retour, mais il avaient les mains occupées à ramener les blessés. Ils ont rencontré d’autres de ces sphères flottantes, différentes de celles que vous avez capturées. Celles-ci ont volé droit vers les hommes avant d’exploser ».

Des mines à tête chercheuse, pensa Nemo. Quelle mise en œuvre diabolique de la technologie !

« Je veux que ce village soit encerclé », dit Nemo. « Engagez toutes les nouvelles dont vous avez besoin. Les commandos en premier, mais utilisez les autres si vous en avez besoin pour couvrir le périmètre jusqu’à la Langue du Dragon de chaque côté ».

« Oui, monsieur ! » Blackburn retourna vers les hommes de l’atelier, en envoya deux comme messagers et partit vers l’ouest.

Furieux, Nemo observa le major partir. Il avait pris l’attaque du matin comme une sonde destinée à tester ses défenses. Il commençait à accepter la probabilité que l’ensemble de l’exercice était une vaste diversion pour couvrir le sauvetage.

Il avait mal jugé son ennemi. Mags en avait payé le prix.

« Général, s’il y quoi que ce soit que je puisse faire ... » Geary laissa platitude inachevée.

Nemo secoua la tête. Il essaya de résister à l’envie d’inspecter personnellement l’atelier. Blackburn était un officier aussi compétent qu’il ne l’avait jamais été. Pourtant, malgré ses plaintes concernant son comportement grossier, Mags était l’une de ses plus anciennes amies. Il devait voir par lui-même.

« Attendez ici », dit-il à Geary. Finch le suivi dans la tente.

Les dégâts apparaissaient moins terribles dans la réalité que dans son imagination. Une boîte de pièces était tombée au sol, renversant des engrenages et des vis sur l’herbe aplatie. Des outils étaient éparpillés sur une table où ils auraient normalement dû être rangé en ordre. Une traînée de bout de tissus menait à une boîte renversée. Peut-être que les assaillants avaient utilisés les tissus huileux comme bâillons ou liens pour les captifs.

Nemo trouva la tache de sang sur le coin de la lourde table. La description de Blackburn comme étant une « petite quantité » semblait être un euphémisme car Nemo imaginait qu’elle provenait de la blessure à la tête de son amie. Ils s’agenouilla pour regarder de plus près.

Finch se pencha par-dessus son épaule. Son hoquet d’inquiétude piqua sa propre peur de ce que les preuves lui disaient.

Il aperçut quelques fines fibres collées à la tache de sang.

« Finch, passe-moi une sonde à aiguille ».

Après une brève recherche, elle lui glissa l’outil dans la main. Il enleva les poils du sang. Sous l’ombre de la tente, ils ne distinguait pas la couleur. Il prit la découverte dans son gantelet et la transporta dehors. Les poils n’étaient pas noirs, mais même en pleine lumière du matin, il ne pouvait discerner s’ils étaient gris, blond, ou marron clair. Sa vue n’était pas si mauvaise qu’il avait besoin de lunettes, mais il avait pris l’habitude de porter des lentilles d’assistances lorsqu’il lisait quelque chose de plus long qu’une courte lettre. « Finch, va me chercher une- »

Avant qu’il ne puisse terminer, elle lui tendait la loupe qu’elle avait apportée de l’atelier. Il se renfrogna devant sa présomption avant de lever la lentille et d’examiner les poils.

Ils étaient épais, courts, droits et indéniablement gris.

« Morrow la préserve », murmura-t-il.

Finch lui tendit le bras, mais il se déroba à son contact.

« Nous avons encore les – comment le prisonnier les a appelés ? »

« Vecteurs », répondit Nemo. « Le prisonnier ! »

Il courut, et Finch courut après lui. L’aumônier se précipita après eux dans un futile effort de les suivre.

Les gardes et les mékaniciens s’écartèrent alors que Nemo se précipitait dans la tente des cartes. Là, sur la table, se trouvait la tête reconnectée et de la boîte vocale.

« Ils ne les ont pas tous eu ! » Dit Finch.

Nemo fronça les sourcils devant l’exubérance de la chasseuse de tempête. Remarquant son expression, Finch se calma et ajouta, « Il a prétendu que son chef échangerait des prisonniers ».

« C’est vrai », répondit la tête. Nemo réalisa qu’il aurait dû faire plus que couvrir sa lentille optique avec un chiffon. Le soldat capturé pouvait encore entendre.

Il se dirigea vers la table et retira la chambre d’essence de la boîte de jonction. Il fit une pause, incertain si la puissance résiduelle lui permettrait de continuer à entendre. Il décida de l’examiner en détail plus tard. Il sortit de la tente.

L’aumônier Geary arriva, soufflant d’effort. Une regard sur le visage en colère de Nemo l’empêcha de parler.

Nemo se tourna vers les gardes. « Je veux que ces mékaniciens soient séparés et isolés. Doublez la garde de cette tente, et gardez ces hommes sous constante surveillance visuelle. Demandez à quelqu’un d’apporter les appareils que j’ai laissés sur la table à l’atelier des mékaniciens ». Il s’éloigna, élaborant toujours son plan.

« Qu’est-ce qu’on fait, monsieur ? » Demanda Finch.

« Nous allons interroger ces cyrissistes, en commençant par notre captif restant ».

elric:
Aurora
Aurore faisait les cent pas sur la circonférence du pont d’observation. Ses gardes du corps s’empressaient de suivre son rythme, leurs talons claquant sur le pont. En l’absence de Sabina, elles demeuraient silencieuses à moins qu’Aurora ne s’adresse à elles.

Malgré tous ses efforts, Aurora n’avait pu voir les éclaireurs que ses anges avait signalés rampant jusqu’à la périphéries du villages avant d’être chassés par ses troupes. L’un deux se serait approché suffisamment près pour parler avec certains des prisonniers à l’intérieur de l’école avant qu’une patrouille de réducteur ne le repère. D’une manière ou d’une autre, le ranger avait réussi à s’échapper, même à travers la double garde d’obstructeurs et d’éradicateurs le long du périmètre. Elle ressentait une réticente admiration pour l’exploit de l’homme. Peut-être que la légende des rôdeurs cygnaréens plus de vérité qu’elle ne l’avait jamais réalisé.

Avec le village encerclé, Aurora ne ressentait plus le besoin de dissimuler sa force. Elle avait déjà ordonné aux Projecteurs d’Émergence Transfinies de sortir de sous l’abri du nœud de réalignement. Les serviteurs de permutation orbitaient telles des lunes autour de leurs plates-formes d’armes à feu, prêts à s’élancer en avant et à intercepter les tirs ennemis.

Elle fit sortir l’Axiome Prime de derrière la jambe du nœud de réalignement située du côté de la rivière. Aurora ressentit le bruit sourd de son champ de déplacement alors qu’il glissait dans les rues. Le titanesque automate faisait chuter les coins des maisons sur son passage, ses énormes pinces de forages maintenues en toute sécurité au-dessus des toits. Ces mêmes foreuses avaient creusé la fosse sous le nœud, permettant à l’optifex d’installer les conduits de réalignement et l’appareil de transfert géomantique.

Aurora guida l’Axiome Prime pour piétiner une maison de sel vide au profit des espions qu’elle savait avoir encerclé le village. Elle souhaitait pouvoir entendre les halètements des forces cygnaréennes alors qu’elles étaient témoins de sa puissance physique.

Les renforts de Nemo étaient arrivés plus tôt et en bien plus grand nombre qu’elle ne l’avait prévu. Les forces de Cygnar avaient mérité leur association avec la foudre de plus d’une manière. Pourtant, il n’y avait aucune raison de désespérer. Aurora se rappela que les forces cygnaréennes actuelles représentaient encore plus de la moitié des effectifs de son armée de la Convergence.

Elle ne pouvait s’empêcher de frémir devant la férocité dont Sebastian Nemo avait fait preuve en réponse à son attaque exploratoire. Avant même qu’elle ne révèle sa réserve, l’homme avait dû comprendre qu’il était largement en infériorité numérique. Plutôt que de se retirer de son attaque, Nemo avait répondu par un assaut rapide et direct sur ses unités avancées. Dans un échange aussi bref, il avait détruit ou mis hors service un nombre surprenant de ses unités les plus précieuses.

Il ne l’avait pas fait sans pertes, bien sûr. Aurora était satisfaite de l’efficacité de l’Atténuateur et des Diffuseurs. Et les serviteurs réflexes avaient causé des pertes choquantes parmi les redoutables commandos de Nemo ; elle regrettait de ne pas avoir réquisitionné davantage de mines mortelles pour la défense du périmètre. Malheureusement, ils s’étaient détruits dans l’accomplissement de leurs tâches. Elle devrait placer la douzaine de serviteurs réflexes restants avec précaution.

Un sifflement dans l’ascenseur sud-ouest annonça le retour de Sabina des chambres hautes. Elle s’approcha d’Aurora et s’inclina. « Numen, la dernières des constructions essentielles est achevée, mais les optifex débutent seulement le calibrage. Ils ne peuvent pas donner de date précise pour le réalignement ».

Aurora emplit ses poumons d’un souffle purificateur. Elle avait fait un mauvais calcul en provoquant Nemo. Même en infériorité numérique, avec ses renforts, il pouvait se révéler une véritable menace pour l’opération.

Elle devait changer de tactique. Elle avait plus qu’assez de prisonniers à échanger contres ses vecteurs, serviteurs et soldats capturés, mais elle hésitait à les offrir trop tôt après l’escarmouche du matin. Aurora ne souhaitait traiter qu’en position de force.

Une triade d’anges mékaniques atterrit sue le côté est de la plate-forme d’observation. Sabina alla recevoir leurs rapports tandis qu’Aurora reporta son attention sur le camp cygnaréen en expansion.

Les fusiliers continuait à pénétrer dans le camp cygnaréen depuis Port Bourne. Au dernier rapport, des centaines avaient grossi les rangs de l’armée de Nemo, ainsi que des pionniers, des commandos et des rangers qui s’étaient déjà évanouis dans les bois et les vallons entourant Calbeck.

Aurora nota mentalement d’accroître les patrouilles aériennes à travers le fleuve. Elle doutait que même les célèbres fusiliers puissent atteindre une telle distance avec une quelconque précision, mais elle avait été surprise assez souvent pour la journée.

« Numen », dit Sabina. Même à travers le modulateur de voix mécanique, Aurora put entendre l’inquiétude dans sa voix.

« Oui ? »

« Le Recenseur Prime Septimus requière votre présence dans le village en dessous ».

« Vraiment ? » Dit Aurora. Le prêtre mécanique aurait dû se présenter ou demander une audience à Aurora, pas la convoquer. Elle reconnaissait la main de sa mère dans cette dernière provocation. Était-elle en train de tester Aurora ou simplement de saper sa tentative de réussis quelque chose d’autre que la prêtrise ?

« Numen, il y a autre chose ».

« Qu’est-ce que c’est ? »

« Ce matin, avant l’attaque du camp cygnaréen, Septimus a requis le services de quatre ailes d’anges ».

« Dans quel but ? »

« Il a refusé de le dire, alors bien sûr, j’ai refusé ».

« Et tu ne m’as rien dit ? »

Sabina baissa les yeux vers le sol. Ses ailes en cuivre s’affaissèrent. « Il a suggéré que ce n’était pas nécessaire, et que vous distraire ne ferait que mettre en danger le Grande Œuvre ».

« Qu’a-t-il dit exactement ? »

« Ce fut moins ses paroles que son comportement. Il a semblé sous-entendre- »

« Oui ? »

« Ou peut-être ai-je simplement déduit qu’il vous créerait des ennuis si je signalais sa requête ».

« Tu ne réponds qu’à moi, Sabina ».

« Oui, Numen, je le sais. Je – Je voulais seulement vous protéger ».

L’excessive vigilance de Sabina était une chose au combat, où son devoir était de protéger Aurora du danger. Dans les affaires politiques, elle devenait de plus en plus maternelle – et Aurora avait peu de patience pour tout comportement ressemblant à du maternage. « Tu me protégeras mieux en me tenant informée de tout, y compris de ces soupçons d’intrigue ».

« Oui, Numen. S’il vous plaît, pardonnez-moi ».

« Fais en sorte que cela ne se reproduise plus. J’ai placé une grande confiance en toi ? » Peut-être trop, pensa Aurora.

« Vous m’honorez ».

« Que crois-tu que Septimus veuille me montrer ? »

« Je ne sais pas, Numen. L’Énumérateur Bogdan a transmit le message à l’un de mes anges. Elle dit qu’il semblait plus excité que d’habitude ».

Aurora songea à envoyer Sabina à sa place, ou, mieux encore, un simple soldat pour convoquer le prêtre sur le pont d’observation. Un tel geste rappellerait intelligemment que c’était Aurora, et non Septimus, qui dirigeait la mission.

Alternativement, elle pourrait faire attendre Septimus, peut-être en descendant la tour du Nexus Astrométrique via l’escalier automatique et en parcourant les rues de Calbeck. Peut-être que pendant le temps qu’elle mettrait à arriver, il commencerait à redouter son mécontentement autant qu’il craignait celui de sa mère.

Non, décida-t-elle. Bien que la convocation du prêtre mécanique puisse être en soi une manœuvre politique, il était certainement assez sage pour la soutenir par une occasion significative. Peut-être avait-il des informations à partager. Il était même concevable qu’il ait réellement besoin de ses conseils.

« Où est-il ? » Demanda Aurora.

« Dans le temple ».

Bien sûr, pensa Aurora. Il l’appelait au seul endroit où son autorité était plus évidente que la sienne.

« Très bien », dit Aurora. Elle se dirigea vers le bord de la terrasse d’observation. Une poussée d’agacement non dissimulée la poussa à courir, jetant son corps armuré par-dessus bord pour plonger vers le bas.

« Numen ! »

Avec un rapide calcul de la distance, du temps et de l’accélération de la gravité, Aurora déploya ses ailes pour profiter du souffle de l’air sous ses « plumes » acérées comme des rasoirs, mais seulement pendant quelques secondes. Alors que Sabina criait derrière elle, elle activa le champ de déplacement, et descendit jusqu’aux rues de Calbeck.

Elle se posa légèrement, mais ses ailes soulevèrent un nuage de poussière de la rue. Son apparition soudaine surprit une patrouille de réducteurs. En la voyant, le préfet de l’unité s’inclina. Les troupes suivirent son exemple. Aurora les ignora  et marcha dans une rue de magasins vides.

Sabina et le reste de ses gardes du corps atterrirent derrière elle, silencieux à l’exception du raclement de leurs ailes en laiton se refermant.

La douce odeur de la bière s’échappait des portes et des fenêtres ouvertes d’une taverne. Les soldats d’Aurora avaient auparavant utilisé le bâtiment pour loger des captifs. Certains avaient cherchés à apaiser leur peur en buvant, plusieurs au point de tomber malade. Aurora avait approuvé la demande de Pollux de déplacer les prisonniers de peur qu’ils se tuent en se battant ou en buvant excessivement.

Les corps dans lesquels nous sommes nés sont si fragiles, pensait Aurora. Elle avait hâte d’être débarrassée du sien.

Et pourtant, elle appréciait l’odeur de l’orge malté. Le frisson de l’air vif de l’automne était une autre sensation qui lui manquerait. Même les créations les plus avancées du Maître de Forge Syntherion ne comportaient pas de capteurs olfactifs ou tactiles approchant la sensibilité des organes humains.

Ces plaisirs simples étaient un sacrifices qu’Aurora était plus que prête à faire dans sa poursuite de la perfection. Elle se contentait d’en profiter encore un peu avant de les abandonner derrière elle pour toujours. Si seulement la directive du fluxion – et sa mère – n’insistaient pas pour retarder son transfert.

Le rappel de la fragilité des habitants du village donna à Aurora une autre idée de la manière de dissuader un assaut de l’armée cygnaréenne. « Sabina, dis à Pollux que les gardes libèrent les prisonniers pour qu’ils fassent de l’exercice à la base du nœud de réalignement. Ils devront être en groupe suffisamment grands pour être visibles des cygnaréens.

« Oui, Numen », répondit Sabina. Elle commença à relayé l’ordre à l’une des autres gardes, mais Aurora ajouta, « Transmet le message personnellement ».

« Oui, Numen ». Aurora entendit le ton de contrition blessée dans sa voix mécanisée. Ayant vécu toute sa vie parmi les machines, elle connaissait le son du regret sincère, même filtré à travers une boîte vocale artificielle.

Avec ses autre gardes, Aurora s’approcha du temple.

L’architecture  de l’édifice était purement morrowéen, du clocher aux contreforts décoratifs. Septimus avait ordonné à ses serviteurs d’ériger un grand visage de Cyriss sur les portes de l’église. À travers le verre dépoli, les traits de la Patronne des Mécanismes brillaient d’un bleu-blanc. Bien que le prêtre ait laissé les vitraux représentant les actes des ascendants, l’icône de la déesse et les réducteurs se tenant telle des statues jumelées à chaque entrée changeait complètement le caractère du bâtiment.

À l’intérieur, Aurora retrouva le Recenseur Prime Septimus debout près de l’autel, ses mains mékaniques réassemblant les composant des vaisseaux mécaniques endommagés tandis que sa voix presque musicale entonnait des équations de louage à la Patronne. À côté de lui, l’Énumérateur Bogdan se tenait attentif devant une rangée d’outils, les yeux fermés, les lèvres en mouvement dans le calcul rituel de l’orbite de la déesse.

Derrière l’autel, le Caveau de de l’Enkheiridion avait été arraché du mur, remplacé par le Visage de Cyriss Le livre de saint de Morrow était ouvert à l’extrémité de l’autel. Sinon, les ornements de Morrow étaient restés à leur place habituelle dans toute la chambre : bancs, bougies, fonts baptismaux et choeur.

Alors qu’Aurora s’approchait de l’autel, elle vit les corps tordus par la foudre de six réducteurs allongés à ses pieds ainsi que les bras et le bas du corps d’un septième. Un huitième se tenait au garde-à-vous d’un côté, son châssis portant les entailles fraîches et des marques de soudure brûlées d’une récente réparation. À la vue d’Aurora, il fit une révérence maladroite.

Des serviteurs d’accrétion planaient au-dessus des enveloppes en acier des autres réducteurs. Ils avaient déjà retiré quatre chambre d’essence brillantes de leurs poitrines. Deux d’entre eux travaillaient ensemble pour en ouvrir une cinquième.

Trois personnes à l’air misérables étaient assises derrière la rampe du choeur, flanquées d’une paire de réciprocateurs vigilants. Les soldats mécaniques tenaient leurs boucliers festonnés pour former des murs de part et d’autre des captifs, leurs hallebardes prêtes dans une menace tacite pour quiconque osait sauter la rampe.

Les prisonniers portaient les lourds tables de cuirs des mékaniciens. De la graisse noire soulignait leurs ongles et maculait leur visage. Deux étaient des hommes, l’un grand et corpulent, l’autre maigre avec un visage marqué par la vérole. La troisième était une femme dont les épaules musclés portaient des tatouages d’engrenages et de pistons.

« Qu’avez-vous fait, Septimus ? » Aurora avait déjà appréhendé la situation, mais elle voulait l’entendre le prêtre mécanique admettre ce qu’il avait fait.

« Numen, j’ai utilisé la confusion que vous avez créé dans le camp cygnaréen pour récupérer nos camarades perdus. Dans la foulée, mes soldats ont pu les récupérer tous sauf deux- »

« Les soldats de qui ? »

La boîte vocale du recenseur s’éteignit, l’équivalent mécanique d’un homme se mordant la langue. Lorsque le sifflement ambiant revint, Septimus déclara, « Les soldats de la Convergence. Sous vos ordres, Numen ».

« Et ai-je bien compris que vous avez cherché à enrôler mes anges mécaniques dans cette mission non autorisée ? »

Une fois de plus, Septimus éteignit son modulateur de voix plutôt que de s’exprimer à la hâte.
Le Recenseur Bogdan s’avança. « C’est de ma faute, Numen. En relayant la requête du Recenseur Prime Spetimus, je me suis peut-être mal exprimé. Toute la confusion est entièrement de ma faute. Je vous prie de me blâmer, pas le Recenseur Prime ».

Il y avait plus qu’assez de blâme pour eux deux, pensa Aurora. Mais elle n’était pas duper par cette tentative transparente pour faire du laquais une bouc émissaire.

Aurora dépassa Bogdan, son soudain mouvement le forçant à reculer si rapidement qu’il faillit trébucher sur ses propres robes. Elle baissa les yeux sur le livre saint. Septimus l’avait laissé ouvert sur une illustration de l’Ascendant Corben, patron de l’alchimie, des arcanes et de l’astronomie.

Elle se demanda ce que Septimus complotait. Pour les cyrissistes, Corben était le plus sympathique des ascendants. De nombreux convertis étaient venus en portants des médaillons de Corben avant de les échanger contre des symbole de la Patronne des Mécanismes.

Les dieux jumeaux Morrow et Thamar avaient été vénérés comme des savants inspirés de Cyriss bien avant que les humains ne découvrent l’existence de la Patronne. Il n’était donc par surprenant que nombreux d’entre eux aient continués à adorer Morrow alors même qu’ils approfondissaient les équations de la divinité parfaite.

Aurora se tourna vers ses gardes du corps. « Emmenez ces prisonniers en détention séparées dans le village ».

« Numen, si tu me permets de vous expliquer », commença Septimus.

« Tu es ici pour diriger les troupes comme je l’ordonne », répondit Aurora, « pas pour remettre en cause mes décisions  en faisant des prisonniers sans mes ordres ».

Septimus s’éleva d’un pouce sur ses pistons silencieux avant d’incliner la tête. « Comme vous le dîtes, Numen ».

Aurora s’approcha, chuchotant dans ses récepteurs auditifs. « Et si votre action incite l’ennemi à attaquer avant que nous ayons terminé le réalignement géomantique, c’est vous, pas moi, qui devrez répondre à la Mère d’Acier ».

Le prêtre mécanique s’inclina profondément en reculant sur ses pattes de crabes.

Aurora se tourna vers ses gardes. « Maintenant, embarquez-les. Veillez à ce qu’ils soient bien traités aussi humainement que les citoyens de Calbeck. Que personne d’autre que moi ou un de mes gardes désignés ne leur parle ».

Les réciprocateurs s’écartèrent à l’approche des anges mécaniques. Sans un mot, les prisonniers sortir de la loge du choeur. Un cliquetis de piston rythma leur allure traînante.

Les visages des hommes étaient marqués par la peur et le choc, mais la femme ne pouvait détacher son regard des automates. Elle fixait l’action silencieuse de leurs membres, la lueur constante de leurs lentilles. Il n’y avait aucune peur sur son visage, seulement de crainte et du désir.

Aurora reconnut ce regard.

Quand la femme sortit du choeur, Aurora vit que sa jambe mékanique était la source du bruit. Elle réévalua le reste de la femme.

Malgré la force de ses bras et des ses épaules, le corps de la femme lui faisait défaut à plus d’un titre. Sa poitrine plate était la preuve qu’elle avait perdu plus que sa jambe, et elle se déplaçait avec une prudence suggérant qu’elle souffrait beaucoup au niveau de ses articulations.

« Apportez-moi celle-là », dit Aurora.

Derrière l’autel, Bogdan murmura quelque chose à Septimus. Aurora se tourna pour voir le prêtre mécanique hocher la tête. Quand il remarqua qu’elle le regardait, Bogdan prononça, « Je voulais seulement vous suggérer d’interroger personnellement cette prisonnière ».

« Laissez-nous », répondit Aurora.

Septimus s’inclina. « Je vais récupérer ces chambres d’essences pour les fonderies d’énigmes », dit-il. Après une pause, il ajouta, « Avec votre permission, Numen ».

« Veillez-y ».

Septimus fit un signe aux serviteurs d’accrétion, qui ramassèrent les six chambres d’essences récupérées et suivirent Septimus dans l’allée vers l’entrée. Le réducteur récupéré les suivit.

Bogdan hésita à côté de l’autel. Ses yeux cherchant la permission d’Aurora de rester derrière, mais son regard lui indiqua qu’il ne la recevrait pas. Il courut après Septimus tandis que les réciprocateurs escortaient le prêtre, son soldat récupéré et les hommes captifs hors de l’église.

Aurora se tourna vers la prisonnière. Ses anges mécaniques se tenaient de part et d’autre de la femme musclée, prêts à l’attraper au premier signe d’attaque.

« Nom ? »

« Sergent Margaret Jernigan, chef mékanicien », dit-elle. Elle fixa les ailes d’Aurora, les lèvres entrouvertes en signe d’admiration.

« Montre-moi ton masque ».

« Je n’ai plus porté le symbole depuis des années ».

« Mais tu embrasse la vérité de la connaissance, de la science et de Cyriss », répondit Aurora. « C’est par la bénédiction de la technologie des machines que tu marches, n’est-ce pas ? »

Jernigan fit un signe de tâte affirmatif à contrecoeur.

« Ton corps est défaillant comme tout les corps. Je peux voir une partie de ce que tu as déjà perdu. Qu’elle est la quantité de choses que je ne peux pas voir ? Tu n’as pas à vivre dans la douleur ».

« Écoute, je ne sais pas ce que tu attends de moi- »

Aurora la coupa d’un geste. « La Convergence valorise les esprits, pas les corps. Ceux qui se montrent dignes et ceux qui tombent pour la Patronne peuvent laisser derrière eux leurs enveloppes brisées et vivre dans de parfaits vaisseaux mécaniques ». Elle pointa l’ange le plus proche, son corps en chrome mesurant 30 centimètres de plus qu’Aurora.

« Ceux qui s’en montrent dignes », récita Jernigan. « Tu donnes l’impression que tu veux quelques chose de moi ».

Aurora hocha la tête. « Quel prix donnerais-tu pour la perfection ? » Demanda-t-elle. « Pour l’absence de douleur. Pour l’immortalité ? »

« Je ne ferai de mal à personne », répondit Jernigan.

Intéressant, pensa Aurora. Elle s’attendait à quelque chose de plus proche du refus de trahir son peuple. « Tu as déjà prié Cyriss, n’est-ce pas ? Tu connais la promesses d’une transfiguration éternelle ».

Jernigan hocha la tête. « La vie dans une machine. C’est ce que tu veux dire, n’est-ce pas ? »

« Tu es sûr de ne pas vouloir me montrer ton symboles ? »

« Je n’en ai plus porté depuis des années », dit Jernigan, mais ses yeux se baissèrent sur sa poitrine.

« Non ? » déclara Aurora. Elle soupçonnait la dévotion de la femme – ou du moins ses espoirs – d’être plus profond que cela. Elle avait remarqué comment les tatouages mécaniques sur les épaules de Jernigan convergeaient vers la poitrine plate cachée sous son tablier. Elle éleva le ton. « Montre-moi ton masque ».

Avec une grimace, Jernigan détacha son tablier et descendit sa tunique sale pour révéler sa poitrine tatouée. Des engrenages et des axes dissimulaient les cicatrices de sa mastectomie, mais au centre de tout cela se trouvait l’inimitable visage de la Patronne des Mécanismes.

« Cyriss t’a guidé jusqu’ici », dit Aurora.

« Quoi, pour que tu puisses me capturer ? »

« Non », déclara Aurora. « Pour que je puisse te récompenser ».

elric:
LA QUATRIÈME HARMONIQUE
La magie enracinée dans le mysticisme incarne l’échec des principes scientifiques.
Nemo
Un murmure à travers le camps alerta en premier Nemo. Lui et Blackburn virent les soldats les plus proches regarder vers le nord. En se retournant, ils eurent leur premier aperçu du colosse.

Il faisait facilement la taille d’un Mur-Tempête mais sans les cheminées de son homologue cygnaréen. La lumière bleue-blanche familière rayonnant de tout les points de son corps l’identifiait comme une machine de la Convergence. Même s’il aurait pu y avoir une erreur sur son identité, le visage lumineux de Cyriss leva tout doute. Les bras de l’automate géant s’achevaient par trois énormes pointes de forage, chacune suffisamment grande pour transformer un warjack lourd en tas de ferraille. Deux massives unités au-dessus de ses épaules semblaient abriter une arme inconnue. Nemo nota les ouvertures circulaires, mais il ne put en dédire le contenu de la forme inhabituelle de l’appareil.

« Je vais envoyer un autre cavalier à Port Bourne », dit prononça Blackburne sans quitter la chose des yeux.

Nemo hocha la tête en silence. Le fait même que la Convergence puisse aligner un colossal warjack fit passer l’impasse actuelle d’une escarmouche à une menace contre tout le Cygnar.

« Monsieur », dit Blackburn. Il pointa du doigt la base du colosse, où une brume de poussière s’échappait des trois puissantes arches servant de pieds. « Dîtes-moi que je ne vois pas ce que je vois ».

« Morrow », chuchota Nemo. « Il plane ».

En créant le puissant colosse, Nemo pensait avoir assuré la position dominante de la nation dans la technologie des warjacks pour les années à venir. Même la création de machines de taille similaire par les autres pays et factions d’Immoren n’avait pas diminué cet avantage. Le Mur-Tempête restait le summum de la puissance militaire.
Ou Nemo l’avait cru jusqu’à aujourd’hui. Un coup d’oeil à la massive machine en vol stationnaire lui apprit qu’il avait des années de retard, pas d’avance.

Nemo avait peu d’espoir que le Seigneur Commandant envoie des renforts supplémentaires, et encore moins un Mur-Tempête. « Peut-être pouvons-nous éviter un conflit à grande échelle », dit-il. « Le fait qu’ils révèlent un colosse suggère qu’ils souhaitent nous intimider.

« Ou qu’ils savent que nos rangers ont encerclé le village et l’auraient identifié à tout moment », déclara Blackburne. « Ils n’auraient pas pu garder le secret longtemps ».

Nemo hocha la tête à nouveau. Une des choses qu’il appréciait chez Backburn était la rapidité avec laquelle il comprenait la cause la plus probable de toute situation tactique. D’une certaine manière, le major lui rappelait comment Nemo lui-même aurait pu tourner s’il n’avait pas partagé sa vie entre l’action militaire et la recherche technique.

De ce point de vue, Mags Jernigan aurait pu représenter son autre moitié. Nemo espérait que ses ravisseurs de la Convergence la traitaient avec plus de douceur qu’il n’avait traité les soldats mécaniques. La révélation que des âmes vivantes, et non de simples automates mékaniques, habitaient leurs corps continuait à lui ronger les boyaux.

Nemo et Blackburn continuèrent leur route vers la tente où ils savaient les prisonniers adorateurs de Cyriss. L’Aumônier Gary se tenait dehors, discutant avec les hommes qui montaient la garde. « Ah, Général Nemo », dit-il, en faisant un geste vers la le rabat de la tente. « On y va ? »

Le mékanicien s’assit sur un tabouret à trois pieds. Un duo de Lames-Tempête derrière lui, leurs armes désactivées mais non intimidantes. Il était peut-être excessif de confier cette tâche à deux des chevaliers d’élite, mais Nemo avait trouvé que la seule présence de tels hommes était une méthode utile pour amadouer un sujet avant un interrogatoire.

« Monsieur ! » Le mékanicien se leva pour saluer. Les Lames-Tempête posèrent les lourds gantelets sur ses épaules et le repoussèrent sur le tabouret.

« Qu’est-ce que la Convergence ? » Dit Nemo.

« Monsieur, comme je l’ai dit plus tôt, je ne sais pas. Je n’ai jamais entendu ce terme auparavant. J’ai été aussi surpris que n’importe qui de voir le visage de Cyriss sur ces soldats mécaniques ».

« Vous aviez déjà vu de tels soldats auparavant ».

« Non, monsieur. Jamais ».

Nemo retira le symbole que les gardes avaient pris au prisonnier. C’était un médaillon en étain en forme de losange, un peu plus petit qu’un médaillon d’ascendant. Sur son verso étaient estampillés des engrenages imbriqués. Son recto portait le visage de Cyriss, la Patronne des Mécanismes.

Nemo l’a reconnu parce qu’il avait reçu un symbole similaire quelques années plus tôt, lors de la première de plusieurs tentatives que différentes branches du culte avaient faites pour l’enrôler. Il avait même assisté à une réunion, que ne différait des rassemblements sociaux maladroits de ses collègues universitaires et techniques que par l’invocation d’ouverture et de clôture de la Patronne des Mécanismes.

« Ce n’est pas ce que votre ami nous a dit », déclara Blackburn.

« Je ne vois pas de quoi vous parler ».

Nemo se retint de regarder Blackburn et de dévoiler son stratagème. L’autre prisonnier n’avait rien dit qui puisse indiquer que cet homme retenait des informations. Pourtant, il semblait trop trop pour un tel bluff. Plutôt que de battre en retraite, Blackburn se tourna vers Geary. « Quel est le point de vue de l’Église de Morrow sur cette secte, Aumônier ? »

« Nous nous sommes opposés à la décision d’autoriser un temple à Caspia. Malgré toute ses nombreuses vertus, le Roi Leto a été un monarque des plus permissifs. Après ces choquants événements, je ne peux qu’imaginer qu’il reconsidéra son traitement ménageant de la secte… et de ses membres ».

Nemo observa le visage du mékanicien pour voir s’il réagissait. Il était effrayé sûrement, mais la menace implicite pour son culte ne sembla pas l’ébranler.

« Nous nous rencontrons pour observer les étoiles et discuter des circuits des lunes et des planètes. La plupart d’entre nous ne croient même pas que la déesse réside sur la planète Cyriss ».

« Et vous, » Demanda Geary. « En quoi croyez-vous ? »

« Je vais toujours à l’église. Je vis toujours ma vie selon les enseignements de l’Enkheiridion. La société est juste… Je ne sais pas… intéressante. Comme un passe-temps ».

« Qu’est-ce qu’ils promettent ? »

« Rien ! Je veux dire, ils enseignent comment vivre dans une meilleure compréhension du monde qui nous entoure. Certains croient que la déesse viendra un jour sur Caen, et nous devons être prêts à nous perfectionner pour son arrivée. Mais je n’en sais vraiment pas beaucoup plus. Je ne fait même pas partie des éveillés ».

« Qu’est-ce que c’est, une sorte de cercle fermé ? »Demanda Geary. « Ces cultes séduisent toujours les faibles et les égoïstes avec des promesses d’inclusion dans les groupes d’élites ».

« C’est comme cela qu’on nous appelle quand vous vous consacrer entièrement à Cyriss. Mais comme je l’ai dit, je vais toujours à l’église – la vraie église, l’Église de Morrow – avec ma femme et nos enfants ».

« Ce que je veux savoir- » dit Blackburn. Il s’arrêta pour écouter une agitation à l’extérieur.

« Arrête-le ! » Cria un  homme.

Le gémissement des armes-tempête résonnait à l’extérieur de la tente.

« Reste ici », dit Nemo aux gardes. Lui et Backburn quittèrent la tente. Dehors, le camp renforcé résonnait de cris d’alarme.

« Par ici ! » Cria un homme près de la tente des cartes. Des glaives-tempête se levèrent et s’enclenchèrent alors qu’une escouade de Lames-Tempête courait vers la perturbation.

« Non, elle est là ! » Cria une autre voix près de la tente du mess. Une lumière d’un vert profond remplit la structure. Un instant plus tard, la tente se gonfla sous l’effet d’une rafale soudaine qui la traversa sans déranger les personnes se trouvant de chaque côté. La toile se souleva, s’arrachant de ses piquets pour s’élever telle les ailes d’une faucon géant en colère. La poussière et l’herbe morte tourbillonnaient pour former un nuage obscurcissant.

Blackburn enclencha son glaive. Nemo alluma les générateurs voltaïques de son armure et sentit le champ électrique soulever ses cheveux et hérisser sa moustache. Derrière lui, l’Aumônier Geary leva sa masse et regarda de chaque côté.

Lorsqu’ils atteignirent la tente du mess, le tempête de vent s’était calmée. Les Lames-Tempête sortirent en titubant de l’intérieur de la tente, s’étouffant avec la poussière en suspension dans l’air.

« Qu’est-ce que c’est ? » Demanda Blackburn.

« Une intruse, monsieur », rapporta l’un des hommes.

« Une seule ? » Dit Nemo sans chercher à dissimuler son incrédulité.

« Nous ne sommes pas sûrs, monsieur ».

Les Lames-Tempête regardèrent autour d’eux, clignotant toujours dans la poussière.

« Elle est là ! » Cria un garde en direction de le tente personnelle de Nemo.

Elle ? Pensa Nemo. Peut-être y avait-il plus d’un intrus après tout. Ils sortirent en courant du nuage de poussière pour remarquer d’autres Lames-Tempête se précipiter vers quatre autres halos galvaniques flottant au-dessus de la crête d’une tente. Les auras entouraient les têtes d’un bâton familier et trois bâtons-tempête.

Finch, pensa Nemo. Et ses Jimmies.

Alors qu’ils sortaient en courant de derrière la tente, Finch désigna l’un des Jimmies. Le jeune homme s’arrêta et planta son bâton-tempête dans le sol, le tenant fermement alors que la foudre dansait sur sa tête. Finch ordonna aux deux autres de se déployer Son armure était déjà engagée, la crête de son bâton crépitant d’énergie.

« Où ? » Demanda Nemo.

En réponse sa question, une silhouette sortit en courant de derrière une tente. La rafale de vent suivit l’intruse, mais elle mourut lorsque la silhouette aperçut Nemo.

Elle était petite, mesurant à pine plus d’un mètre cinquante. Ses vêtements noirs poussiéreux dissimulaient sa forme, mais les yeux au-dessus du foulard cachant son visage étaient résolument féminins. Elle tenait dans une main une hache absurdement longue. Le manche de l’arme était un bâton noueux, sa tête traînant presque sur le sol derrière elle comme un gouvernail de bateau.

« Une cape noir ! » S’écria l’Aumônier Geary. « Un assassin ! »

Les yeux de la femme se rétrécirent en regardant Nemo. Il déclencha son accumulateur-tempête, ses propres yeux plissant sous l’éclat de ses éclairs coruscants.

Un nuage sombre apparut au-dessus de la femme. Elle leva les yeux, la surprise se lisant sur son visage. Les vents fouettant sa cape noire n’étaient plus de son fait. Nemo vit la foudre globulaire se former au-dessus des trois points formés par les bâtons des forges-tempête.

« Je la veux vivante ! » Hurla-t-il par dessus le vent se levant.

L’intuition d’une longue expérience lui disait qu’aucun assassin seul n’oserait l’attaquer à l’intérieur d’un camp lourdement armé. C’était un suicide, et les capes noires n’étaient pas connues pour sacrifier leur vie. Quel que soir cette intruse, elle voulait autre chose que sa mort.

« À terre, les garçons ! » S’écria Finch. Les vents emportèrent sa voix, empêchant au moins l’un des hérauts-tempête d’entendre l’ordre. Le nuage que lui et ses acolytes avaient créé se brisa avec la foudre.

L’intruse s’accroupit, disparaissant presque dans les plis de ses lourdes jupes noires. Puis elle s’enfuit d’un bond agile, telle un chat. L’instant d’après, un éclair s’abattit à l’endroit qu’elle avait quitté, ne laissant qu’une marque noire là où son doigt blanc avait touché le sol.

Une allée plus loin sur la gauche, une lueur verte se reflétât sur les murs de toiles les plus proches. Deux tentes étaient bombées alors qu’un autre vortex s’élevait sous elles.

L’une s’envola, son contenu s’éparpillant sur l’herbe. L’autre traversa l’allée comme un fantôme en colère. Elle tomba sur Finch et le forge-tempête le plus proche, les faisant tomber et les traînant sur le sol.

L’un des autres Jimmies cria. Nemo vit tomber son bâton et aperçu l’intruse tirant la crosse de son arme alors que le jeune homme tombait étourdit au sol. Une fois de plus, la cape noire regarda en direction de Nemo. Même de loin et à travers la poussière tourbillonnante, Nemo vit le vert saisissant de ses yeux.

En un instant, elle avait disparu à nouveau.

« Lames-Tempête ! Formation d’escorte autour du général ! » Blackburne se tourna vers Nemo et ajouta, « Elle veut vous tuer, monsieur ».

« Non, elle ne veut pas », insista Nemo. « Et j’ai dit que je la voulais vivante ».

« Mais, monsieur- »

« Pas d’excuses ».

Finch et son Jimmy s’extirpa de la toile soufflée parle levant. Ils levèrent les yeux alors qu’un autre vortex s’élevait parmi les tentes six mètres plus loin.

« Poursuivez-là », ordonna Blackburn aux Lames-Tempête. Il secoua la tête vers les plus proches. « Pas vous quatre. Restez avec moi pour protéger le général et l’Aumônier Geary ».

Finch et ses forges-tempête poursuivirent également le vortex, mais Nemo senti une ruse dans le vent tourbillonnant. La druidesse devait savoir à quel point elle était visible. Elle devait courir dans une autre direction.

« Vivante, j’ai dit », rappela-t-il à tous à proximité.

Avant que quiconque ne puisse crier, une silhouette sombre vola vers eux depuis le côté. Les Lames-Tempête commencèrent à lever leurs glaives, mais la femme bondit pour courir le long de leurs bras étendu. Elle sauta sur les lourds épaulières d’une homme, faisant un saut périlleux vers Nemo.

Blackburn se fraya un chemin devant Nemo, désactivant son glaive alors même qu’il le levait pour frapper avec le plat. Il arrêta son coup en voyant la cape noire tomber au sol en un atterrissage en trois points. Elle inclina la tête et posa son arme sur le sol.

Elle leva les yeux et retira le foulard cachant ses traits. Son visage avait de profondes taches de rousseur, contrastant avec ses yeux émeraude brillants, que maintenant Nemo remarqua être pailletés d’or. Une mèche errante révélait des cheveux de la couleur d’une feuille d’érable en automne. Son petit visage donnait l’impression d’une adolescente, mais quand elle s’exprima, ce fut la voix rauque d’une femme adulte.

« Sebastian Nemo », dit-elle. « Je suis venu vous avertir des ennemis que vous affrontez ».
Les Lames-Tempête se précipitèrent, leurs lames sifflantes prêtes à frapper. Blackburn leur fit signe de reculer, mais ils restèrent entre la fille et Nemo.

Nemo tapota l’épaulière de Blackburn et contourna l’homme. Il fit signe à la femme de se lever. Elle laissa sa hache au sol, mais Nemo remarqua un long poignard recourbé suspendu à sa ceinture à côté de diverses talismans druidiques. « Et pour mener mes soldats dans une téméraire poursuite à travers notre camp ? »

« Ils m’auraient empêché de vous voir » répondit-elle. « Mon message ne peut attendre ».

« Quel est ton nom ? »

« Bronwyn ».

Finch et ses forges-tempête accoururent pour assister à l’échange. Le rouquin enlevant des feuilles et des touffes d’herbe brune de ses cheveux.

« General Nemo », dit l’Aumônier Geary. « Vous ne devez pas écouter un sol mot de cette sauvage. Le Cercle d’Orboros a juté d’exterminer toute l’humanité ».

« Pas toute l’humanité. Juste les parties pourries », dit Bronwyn. Avec une lueur dans l’oeil, elle ajouté, « Comme les gros prêtres vivant comme des parasites sur le travail de leurs semblables ».

« Tu as dit que tu étais venue avec un avertissement », dit Nemo. « Cela aurait été plus utile avant que la Convergence n’occupe un de nos villages ».

« ‘La Convergence’ », dit Bronwyn. « C’est ainsi que vous les appelez ? Pourtant vous ne connaissez pas tout le danger de leur intentions ».

« Pourquoi nous prévenir, druidesse ? » Dit Geary. « Pourquoi  devrions-nous croire un mot prononcé par un serviteur du Ver Dévoreur ? »

Nemo souhaita que l’homme se taise, mais il n’avait pas envie de lui faire honte devant une étrangère et dit, « Répond à l’homme ».

« Il y a une expression chez les dhuniens », dit-elle.

« Des trolls et des gobbers », railla Geary.

« Aumônier », dit Nemo.

Geary inclina la tête et recula. Nemo espérait qu’il resterait silencieux sans autre rappel.

« Le peuple dhunien », déclara Browwyn. « Ils disent, ‘l’ennemi de mon ennemi est mon ami’ »
.
« Ce n’est pas seulement un dicton trollkin », déclara Nemo.

« Un rappel que le peuple dhunien n’est pas si différent du vôtre ».

Pas ‘le nôtre’, remarqua Nemo. Alors qu’ils étaient humains, les druides avaient tournés le dos  à la civilisation amenant beaucoup à les considérer comme une race à part entière. Nemo s’était souvent demandé si cette division était une vanité créée par les prêtre menites ou les druides eux-mêmes. Dans les deux cas, il est apparu que le sentiment d’éloignement était réciproque.

« Tu es donc venue au nom de ton Cercle ? » Demanda Nemo.

« Non ». La plupart de mes frères et sœurs préféreraient vous voir, vous et les cyrissistes, vous détruire mutuellement. Après votre mort, ils se contenteraient de réparer les blessures que vous avez laissées à Caen ».

« Mais pas toi ».

« Ces cyrissistes ne sont pas comme les autres que vous avez pu rencontrer. Ils ne demandent pas la permission de construire leurs temples dans vos villes. Pendant des siècles, ils ont préparé leurs forces en secret, laissant rarement entrevoir leurs créations mécaniques. Ils prévoient de remodeler le monde en fonction de leurs projets. Pour ce faire, ils profaneront les artères du monde ».

« Tu parles des lignes de force ? »

« Vous savez quelque chose du système naturel du monde ? » Elle acquiesça. « Partout où ces adorateurs de Cyriss contrôlent les lignes de forces, ils peuvent exploiter le flux d’énergies naturelles ».

« Et vous priver de ces mêmes énergies, oui ? »

« Oui », répondit-elle sans hésitation. « Si leur stratagème ne peut nuire qu’à vous, pourquoi suis-je venue vous avertir ? »

Elle ne prétendait certainement pas à l’altruisme, pensa Nemo. C’était une marque de faveur de son honnêteté, ou bien un effort calculé pour ne pas paraître hypocrite. Pourtant, la présence d’un seul druide fit se demander à Nemo à quel point le Cercle craignait vraiment la Convergence. « Nos forces arcaniques ne dépendent pas de ces énergies géomantiques. Cet ennemi semble être une bien plus grande menace pour votre peuple que pour le mien. Pourquoi votre Cercle ne se bat-il pas contre eux ? »

« Ce n’est pas la seule ligne de force qui traverse ces terres du sud », répondit la druidesse ?? « Beaucoup d’autres traversent le territoire que vous revendiquez comme le vôtre. Êtes-vous prêts à leur permettre de planter des dizaines ou des centaines d’autres de ces tours à travers votre pays, sachant que chacune d’entre elles peut alimenter et soutenir une armée ? »
Il n’était pas nécessaire de répondre à la question rhétorique.

Nemo voulait en savoir beaucoup plus sur cette cape noire, d’autant plus qu’elle prétendait ne pas représenter son Cercle.

« Poursuivons cette conversation à l’intérieur. Blackburn, demande aux troupes de restaurer ces tentes ».

« Oui, monsieur ». Blackburn récupéra la longue hache de la druidesse. Browyn ne fit aucune objection alors qu’il soulevait l’arme lourde.

Un autre cri d’alarme retentit dans le camp. Tout le monde chercha sa source, mais Finch l’a repéra en premier. Elle désigna Calbeck, haut dans le ciel. « Regardez ! »

Dans le no man’s land entre Clabeck et le camp, un ange mécanique solitaire volait vers eux, traînant une longue bannière blanche.

« Il semblerait que la Convergence aimerait négocier », déclara l’Aumônier Geary. « Nécromanciens et sauvages ! Il serait plus simple de les éliminer ».

« Plus simple à dire qu’à faire », dit Nemo. « Heureusement pour vous, c’est à moi de prendre la décision ».

« Bien sûr, général. Je ne voulais pas vous manquer de respect ».

Nemo fit un signe de tête à Blackburn. « Envoie un homme sous la bannière de la trêve et veille à ce que notre hôte soit confortablement installé. Elle ne doit pas être dérangée jusqu’à ce que je revienne poursuivre notre discussion. En attendant, je préparerai nos conditions pour négocier avec la Convergence, puis nous entendrons ce que cette warcaster ailée a à dire ».

elric:
Aurora
Escorté par une garde de réciprocateurs et d’anges mécaniques, Aurora sortit du temple avec Mags Jernigan. La jambe artificielle de la mékanicienne criait à chaque pas. En revanche, les garde du corps d’Aurora se déplaçait dans le plus léger murmure du métal.
D’un geste, Aurora remit Jernigan à la garde du préfet des réciprocateurs. « Emmenez-là à la zone de transit ».

« Qu’est-ce que cela signifie ? » dit Jernigan, avec plus de peur que de défi dans sa voix.

« Ne t’inquiète pas, Margaret », répondit Aurora. « Bientôt, tout sera terminé ».

Pendant le peu de temps qu’elles avaient parlée, Aurora avait développé une certaine sympathie pour cette cyrissiste du culte périphérique. Entre ses aptitudes mékanique et sa vive intelligence, elle était une candidate apte à l’endoctrinement à la Convergence. Aurora aimait même les brefs aperçus d’humour grossier dont la femme avait fait preuve. Si Jernigan avait trouvé l’occasion de faire ses preuves plus tôt, elle servirait déjà dans une directive optifex. Plus probablement, elle en dirigerait une.

Un ange mécanique descendit du nexus astrométrique pour se poser à proximité. Elle s’approcha et s’inclina. « Numen, la Première Préfète Sabina attend vos ordres sur le pinacle ».

Aurora hocha la tête. Lorsque Sabina s’était présentée une heure plus tôt, Aurora l’avait renvoyée pour attendre son bon plaisir. Elle restait irritée que sa subordonnée la plus fiable n’ai pas signalé le stratagème du recenseur prime.

Sabina était la dernière personne qu’Aurora aurait imaginé que Septimus puisse retourner contre elle. S’il avait réussi à influencer même son garde du corps personnel, alors l’autorité de Directrix s’étendait plus loin qu’Aurora ne l’avait imaginée, même sur le terrain.

Alors que les réciprocateurs conduisaient Margaret Jernigan entre deux rangs de boucliers, une escouade de réducteurs s’approcha, marchant au pas. À leurs côtés trottinait le Premier Préfet Pollux.

« Numen ! » Cria-t-il en courant vers elle. Les anges mécaniques dégainèrent leurs lames binomiales à sa soudaine précipitation, mais il n’attaqua pas. Au lieu de cal, il se jeta à terre devant Aurora, s’agenouillant, la tête d’acier baissée. « Je viens d’apprendre les ordres secrets que vous avez donnés au Recenseur Prime Septimus. Pardonnez-moi, Aurora. Je n’aurais jamais dû mettre en doute votre dévouement à protéger la vie de nos troupes capturées ».

Surprise et confuse, Aurora contrôla son expression. Contrairement aux visages alliés de ses subordonnés, son visage pouvait trahir ses émotions. Elle fit signe à Pollux de se lever.

« Vous comprenez l’importance de cette mission pour la Grande Oeuvre », dit-elle. « Les cygnaréens ne permettront pas que nous demeurions sur leur territoire ».

« Mais Numen, notre supériorité numérique, sans parler de la puissance rayonnante du nœud- »

« - ne sont à que pour nous permettre d’accomplir notre mission. Vous devez être capable de déplacer les troupes dès que j’en donnerai l’ordre ».

« Oui, Numen, bien sûr. Rien ne doit entraver la Grande Oeuvre ».

« Les fonderies d’énigmes récupéreront tout ce qu’elles peuvent, mais nous devons être prêts à subir des pertes dans le cas probable d’un autre conflit. En attendant, espérant que la Patronne guidera mes négociations avec l’ennemi ».

« Oui, Numen ». Il s’inclina. « Merci, Numen ».

Alors que Pollux se retirait, Aurora le regarda les faire défiler dans les rues boueuses et se demanda comment le premier préfet avait entendu parler « d’ordres secrets » qu’elle n’avait jamais donné. Seul Septimus aurait pu initier le mensonge, mais il ne l’aurait pas prononcé lui-même. Peut-être avait-il envoyé l’un des optifex pour insinuer l’idée de ses officiers – ou peut-être son second, le Recenseur Bogdan.

Mais à quel fin ? Si son motif était de saper Aurora, pourquoi Septimus aurait-il perdu l’avantage qu’il avait acquis parmi les troupes en subvertissant ses ordres ?

Capturer les mékaniciens cygnaréens était l’action la plus provocatrice que la Convergence ait entreprise depuis l’occupation de Calbeck. Si l’équipe de Septimus avait secouru les réducteurs sans prendre d’otages, l’action serait restée irréprochable. Pour s’attribuer le mérite du sauvetage, Aurora devrait également accepter le blâme pour l’enlèvement.

C’était un piège élégant.

En sursautant, Aurora réalisa qu’elle avait déjà mordu à l’hameçon. En ne corrigeant pas le Premier Préfet Pollux, elle lui avait permis de supposer qu’elle avait en fait donné des ordres secrets.

Seul un prêtre aussi expérimenté que le Recenseur Prime Spetimus était capable d’une telle subtilité. Cette fois, cependant, il avait sous-estimé Aurora. Elle voyait clair dans son stratagème, même si la compréhension était venue tardivement.

Saisissant son bâton polynomiale, elle courut en avant et sauta dans les airs, les ailes déployées. Un sifflement d’acier chromé et de laiton lui indiqua que ses gardes du corps la suivaient de près.

Même dans sa rage, Aurora calcula la trajectoire en spirale autour de la branche sud-est du nœud de réalignement. Elle poussa le levier de déplacement arcanique à sa position la plus haute pour gagner chaque once de vitesse. Les anges mécaniques s’efforçaient de suivre.

Aurora atterrit sur le pont d’observation. Dès qu’ils la virent, les garde s’inclinèrent.

« Où est le Recenseur Prime Septimus ? » Demanda-t-elle.

Le garde le plus proche leva les yeux. « Il s’est retiré dans sa chambre de méditation, Numen ».
Avec un haussement d’épaules, Aurora replia ses ailes mécaniques et entra dans l’ascenseur le plus proche, debout au cente, juste sous la trappe de secours au plafond. Deux de ses gardes du corps entrèrent et se pressèrent de chaque côté juste avant que l’ouverture ne se referme en sifflant.

Aurora remonta le levier de commande. La chambre cylindrique s’éleva, guidée par une combinaison de pression pneumatique et de mécanisme à crémaillère. Après un démarrage en trombe, l’ascenseur s’éleva à une vitesse croissante jusqu’à ce qu’il ralentisse au niveau de la salle de contrôle. Aurora souleva à nouveau le levier pour continuer l’ascension jusqu’au niveau suivant et la chambre de méditation de Septimus. L’ascenseur ralenti à nouveau. Cette fois, elle attendit que les portes s’ouvrent.

« Restez ici », dit-elle aux gardes.

Aurora marcha rapidement dans les couloirs en acier. La porte de la chambre de méditation du recenseur prime se trouvait entre deux masques de Cyriss, chacun aussi grand que l’un des garde du corps d’Aurora. Sentant sa présence, la porte émis un doux carillon. Aurora attendit, mais la porte resta fermée.

« Septimus ? » Dit-elle, sachant que le convoyeur radio de la porte transmettait le message à l’occupant de la pièce. Elle attendit avec une impatience croissante. Enfin elle prononça, « Passer outre, Aurora, Numen de l’Aérogenèse ».

Dans un murmure, les portes s’ouvrirent pour révéler une chambre sombre. Lorsque ses yeux se furent adaptés à la pénombre, Aurora vit l’univers.

Les étoiles effectuaient leurs révolutions régulière à travers l’hémisphère noir des murs. À l’instant où Aurora reconnut la constellation connue sous le nom de chasseur, elle vit le schéma familier. L’astronomie avait été l’un des premiers sujets qu’elle avait maîtrisé lorsqu’elle était jeune fille, instruite par les prêtres les plus érudits et par une batterie de tuteurs en constante évolution provenant de tous les coins de l’Immoren occidental. Aucun érudit n’était trop bon pour être convoqué devant la progéniture humaine de la Mère d’Acier Directrix.

Au centre de la pièce planait une sphère représentant le soleil, sa surface devenant plus brillante alors qu’Aurora entrait dans la ièce. Autour d’elle tournaient les planètes, juste assez haut pour ne pas frapper un visiteur à la tête. L’Oeil du Ver flottait près d’Aurora, tandis que Lucant se tenait près du soleil. De l’autre coté de la pièce, Cyriss traversa les constellation. Entre eux, Caen suivait sa trajectoire céleste en orbite autour des lunes Calder, Laris et Artis.

Sous le soleil se trouvait le siège du recenseur prime, un tabouret concave entouré d’alcôves pour ses quatre jambes mékanique. Il était inoccupé.

Au plafond, au-dessus du siège de Spetimus, pendait un ensemble de tubes et de câbles se terminant pas une petit panneau sur lequel reposait l’appareil de communication. Avec son unique clé noire, Aurora le savait, le recenseur prie pouvait envoyer et recevoir des messages codés le mère d’acier.

Qu’un telle privilège soit interdit à la propre fille de Directrix piquait encore la fierté d’Aurora. Détestant cette vision, Aurora se détourna de l’appareil.

Un vaisseau mécanique se tenait sur un côté de la chambre, non éclairé et immobile. Pendant une seconde, Aurora se demanda s’il ne s’agissait pas d’une ruse, le recenseur prime lui-même faisant semblant d’être son propre corps de rechange dans un pathétique effort pour éviter une confrontation. Mais non, une telle ruse exigerait qu’il cache son autre corps ailleurs. De plus, il était absurde de penser qu’un prête influent puisse employer un tour aussi enfantin.

Aurora se rapprocha du vaisseau du prêtre mécanique, la tête inclinée en prière vers les étoiles représentées sur le mur. Ses multiples bras à forme humaine semblaient d’une douceur trompeuse. S’ils ressemblaient aux bras de la fonderie d’énigmes sur laquelle était basé le vaisseau de Septimus, elle savait qu’ils pouvait écraser l’acier aussi facilement que retirer une chambre d’essence.

Aurora se rappela que c’était l’esprit, et non le corps qui la mettait en danger. Elle se pencha plus près pour chercher un signe d’activation. Elle ne put voir la chambre d’essence.

Alors qu’elle se penchait pour le toucher, la porte s’ouvrit derrière elle en sifflant. Elle se retourna pour voir un recenseur debout dans l’embrasure de la porte, un casque de combat fixé, un sceptre réglable à la main.

« Numen », dit une voix sourde à l’intérieur du heaume. Le prêtre posa son arme et enleva le heaume. C’était Bogdan. « Qu’est-ce qui vous amène au sanctuaire du recenseur prime ? »

« Je pourrais bien vous poser la même question, recenseur ».

« Je suis venu rendre compte de l’avancement de l’étalonnage ».

« Alors vous pouvez me le rapporter ».

« L’étude initiale du flux géomantique est achevée. Le chef de projet signale un écart de douze pour cent par rapport aux cartes précédentes. Elle a ordonné les ajustements bruts, mais à besoin de directives supplémentaires de l’optifex pour terminer la tâche avant la nuit ».

« Veillez à ce qu’elle les reçoive ».

Bogdan s’inclina. « Oui, Numen. Rien ne doit entraver la Grande Oeuvre ».

Aurora avait pitié de Bogdan. Il s’était élevé au-dessus du rang d’optifex en faisant ses peuves à la fois dans la bureaucratie et sur le champ de bataille dans des actions clandestines contre le Cercle d’Orboros, et pourtant son ascension s’était arrêtée contre un plafond invisible dans sa progression. Privé d’une corps mécanique, il ne pouvait espérer accéder à un rang supérieur.

Aurora savait quelque chose de la frustration qui pesait sur lui. Peut-être que ses espoirs de transfert l’avaient poussé à se faire plaisir avec quelqu’un qui pourrait influencer le direction des fluxions évaluant sa valeur, quelqu’un comme le recenseur prime. « Que savez-vous de cette rumeur selon laquelle c’est moi qui ai ordonné l’action de sauvetage ce matin ? »

Bogdan écarquilla les yeux, mais il hocha la tête comme s’il s’attendait à ce que la question finisse par arriver. Il était l’un des rares à savoir que Septimus avait réquisitionné les forces responsables de la mission. « Je viens seulement de l’apprendre moi-même,, Numen, par l’un des optiffex supérieur ».

« Et vous étiez présent quand j’ai découvert que Septimus avait été insubordonné ».
Bogdan plongea son regard vers le sol. « Oui, Numen ».

« Donc, vous saviez que c’était un mensonge. Pourquoi Septimus permettrait-il à un tel mensonge de se répandre ».

« Je n’ose pas spéculer ».

« Avez-vous corrigé l’idée erronée parmi les optifex ? »

« Il m’a semblé préférable de ne pas exacerber le malentendu ou de m’immiscer dans la confusion qui... a pu se produire ».

« Quelle circonspection de votre part, recenseur ».

« Je n’ai aucune envie d’interférer dans les affaires de mes supérieurs ».

Aurora réfléchit un instant et sortit de la chambre de méditation. Bogdan agita un instant son heaume avant de se retirer dans le couloir pour lui permettre de passer.

Elle retourna à l’ascenseur. Ses gardes l’avaient à peine rejointe qu’elle soulevait à nouveau le levier de l’ascenseur.

Celui-ci les emmena au sommet de la tour nexus. Ici, le couloir était un étroit passage entre les énormes engrenages de l’actionneur de reconfiguration astrométrique. Ils resteraient immobiles jusqu’à ce que le nœud soit prêt à accomplir son but ultime.

Elle marcha jusqu’à une échelle à l’un des quatre coins, mais elle ne gravit pas ses échelons. Repliant ses ailes aussi près que possible, Aurora activa son champ de déplacement arcanique et monta sur le toi de la tour, Là, les dents d’un rotor immobile donnaient l’impression de créneaux sur un haut rempart. Sabina se tenait proche du bord de la tour, à côté d’une longue-vue montée sur un trépied.

Aurora vint se placer à ses côtés.

« Numen ». Sabina inclina la tête.

Aurora répondit par un hochement de tête sec. À la lumière des préoccupations plus récentes concernant la loyauté de ses prêtres. Aurora avait presque pardonné la transgression relativement mineure de son lieutenant. Ensemble, ils observèrent d’un nouveau point de vue.

Les forces cygnaréennes encerclaient maintenant Calbeck, sauf à l’endroit où le Fleuve de la Langue du Dragon serpentait au nord. Nemo avait retiré ses tentes plus au sud, entretenant les tranchées que son infanterie avait creusée à son arrivée.

Aurora nota avec une certaine satisfaction qu’ils avaient retiré la tente des mékaniciens sur un site plus éloigné, entre un petit étang et un bosquet clairsemé. Même si elle n’avait pas chargé ses éclaireurs ailés d’identifier la bonne tente, elle l’aurait reconnue à sa garde renforcée.

En plus de la centaine d’hommes d’infanterie de cavalerie frais, les cygnaréens avaient maintenant plus de machines de guerre. Outres le Foudroyant, les Lanciers et les Lucioles que la Convergence avait déjà affrontés, Aurora remarqua un duo de warjacks brandissant de massives lames que les cygnaréens appelaient « Cuirassés-Tempête ».

« Numen ». Sabina lui tendit la longue-vue, déjà pointée vers les bois à l’est. À travers les arbres nus, Aurora vit un autre warcaster menant un duo de Lucioles. Deux arcanistes suivaient dans un chariot transportant une cargaison ouverte. Aurora n’avait pas besoin de voir le contenu pour savoir qu’il s’agissait d’un dispositif d’artillerie que ses opérateurs employaient pour appeler la foudre d’un orage artificiel. La plupart de ces forces n’étant pas immunisées contre les effets de ces attaques électriques, Aurora nota mentalement de réserver son Modulateur à ces « forges-tempête » autoproclamés.

Peut-être deux cents fusiliers et pionniers avaient s’étaient déjà retranchés pour couvrir les arcanistes sur le flanc est. Un nombre similaire avait sécurisé les bois ouest, où Sabina avait rapporté avoir vu un autre groupe de forge-tempête, mais pas de warcasters supplémentaires.

« Combien d’éclaireurs ? » Demanda Aurora.

« C’est difficile à dire », dit Sabina. « En comparant mes données avec Pollux, j’estime quelque part entre une douzaine et trois douzaines de rangers. Il est difficile de savoir si chaque poste d’observation implique un éclaireur différent. Ils sont assez insaisissables, même lorsqu’ils sont repérés de haut ».

Aurora acquiesça, le regard fixés sur le camp de base de Cygnar. Elle vit une paire de forges-tempête conduire avec précaution une grande machine à longue jambes autour des tentes.

Le Patrouilleur-Tempête ressemblait à l’un des ses vecteurs à certains égards, en particulier dans le mouvement crustacé de ses quatre pattes. Même de loi, Aurora avait remarqué que ses membres étaient tendu sous la masse de son énorme arme sphérique. S’il avait bénéficié d’un champ de déplacement pour réduire son poids, l’engin aurait pu glisser sans effort sur le terrain tel un vecteur. Contrairement aux automates de la Convergence, le Patrouilleur-Tempête transportait deux occupants, l’un d’entre agrippant un appareil de direction tandis que l’autre s’accrochait à la rambarde d’une passerelle encerclant son globe voltaïque.

Lorsqu’il atteignit le côté le plus proche, les forgeron ordonnèrent au Patrouilleur de s’accroupir avant d’abaisser une échelle et de descendre du pont d’observation. Sebastian Nemo émergea d’une tente voisine, suivi de son apprentie.

Ensemble, ils montèrent sur l’engin de bataille. L’apprentie pris les commandes. Le Patrouilleur fit une embardée en avant, obligeant Nemo à s’accrocher à la balustrade.

Alors qu’il tournait la tête pour crier à la conductrice, Aurora put à peine réprimer un sourire. « Je sais exactement ce qu’il doit ressentir ».

« Numen ! » Protesta Sabina. « Ne vas-tu pas reconsidérer cette affaire ? La seule raison pour laquelle il insiste pour amener son Patrouilleur-Tempête est... »

« Je sais, je sais », répondit Aurora. « Tu as peur qu’il m’assassine. Mais tu oublies les otages ».

« En effet, Numen, j’allais dire qu’il veut nous pousser à révéler davantage nos propres machines. N’oubliez pas qu’il a déjà utilisé notre technologie pour améliorer la sienne ».

« Tu as raison », répondit Aurora en soupirant. « Mais nous devons le rencontrer sur un pied d’égalité, autant pour démontrer notre force que pour contrer toute trahison, même si je n’en attends aucune. Nemo n’apprendra pas grand-chose en observant le Projecteur d’Émergence Transfinie. Il l’a déjà espionné de loi, et il ne le verra pas en action à moins que... »

« Numen ? »

« À moins que nous n’échouions », dit Aurora. « Et là, il verra les capacités de chacune de nos machines de guerre ».

elric:
LA CINQUIÈME HARMONIQUE
La déesse de la perfection occupera son vaisseau.
Nemo
Finch guidait le Patrouilleur-Tempête au-dessus des tranchées centrales tandis que Nemo observait le champ de bataille. La warcaster ennemie et son unique gardien s’approchaient de la ligne de démarcation, mais pas à bord d’un véhicule. Les guerrières ailées glissaient vers l’avant, leur progression impatiente confirmant l’hypothèse de Nemo selon laquelle leurs ailes étaient superflues pour leur capacité à voler.

Elles n’étaient pas venues seules.

La machine de la Convergence ne ressemblait à rien d’autre qu’à une tour de guet bâtie sur la carapace d’un titanesque crabe. Composé du même alliage que les warjacks ennemis – ou plutôt des « vecteurs », se rappela Nemo – l’engin de bataille avançait en rampant sur deux deux rangées parallèles de pattes articulées. Elles se déplaçaient de manière synchronisée tel un mille-pattes, donnant l’impression de glisser sur le champ de bataille.

Il trouvait curieux que la commandante de la Convergence ait accepté sa scandaleuse demanda de le rencontrer au sommet de son Patrouilleur-Tempête, mais peut-être que le spectacle l’amusait. Il avait posé cette condition en s’attendant à ce qu’elle réponde par une contre-offre, mais elle l’avait simplement acceptée. Peut-être avait-elle eu la même pensée que lui : si les négociations échouaient, avoir le Patrouilleur-Tempête sous la main rendrait la destruction de son ennemi d’autant plus facile.

Nemo s’était félicité de l’opportunité de voir l’automate de la Convergence de plus près.

Le Patrouilleur-Tempête fit une légère embardée lorsque Finch s’approcha  pour traverser un cratère laissé par l’un des vecteurs d’artillerie.

« Désolé, monsieur ».

« Continue comme ça, Finch. Tu n’as rien à craindre ». Bien qu’elle n’en ait jamais piloté auparavant, Finch avait pris les commandes du Patrouilleur-Tempête avec une impressionnante alacrité. Bien qu’il n’ait pas l’habitude de le montrer, Nemo était perpétuellement impressionné par sa Chasseuse de Tempête.

« Vous avez raison, monsieur. Nous deux seuls face à cette warcaster et son lieutenant et une machine de guerre aux capacités inconnues. Qu’est-ce qui pourrait mal tourner pour nous ? »

« Essaie d’être moins amusante lorsque nous entamerons les négociations ».

« Ou, monsieur. Caitlin H. Finch. Le « H » est pour « Sans Humour ».

Finch était devenue plus encline à la fantaisie depuis les récents affrontements entre les forces khadoréennes et cryxiennes. Il avait déjà remarqué un tel humour potache auparavant, et il devait admettre qu’un peu de légèreté valait parfois mieux que le fatalisme qui affligeait certains officiers vétérans. Malgré tout, il craignait que l’apparition des « Jimmies » n’ait suscité chez son adjudant une une tendance plus profonde à l’idiosyncrasie. « Le silence sera ta contribution la plus bien venue à l’échange ».

« Puis-je au moins faire une grimace intimidante ? »

« Finch... »

« Entendu, monsieur ».

À l’approche de la machine de la Convergence, les dernières traces de caprice disparurent du visage de Finch.

Alors que leurs ennemis ailés planaient près de l’automate, Nemo nota une fois de plus à quel point la warcaster ennemie et son garde du corps différaient. En plus d’être plus grande de trente centimètres, le gardien était évidemment une automate. Les yeux de son visage trop parfait brillaient du même éclat projeté par les vecteurs et autres soldats mécaniques. Sa nature mécanique était évidente à chaque articulation, en particulier l’abdomen, où un complexe axe central rejoignait l’unité pelvienne. Nemo soupçonna que cette jonction permettait une plus grande amplitude de mouvement qu’un corps humain, et certainement une plus grande puissance.

Les lames aiguisées comme des rasoirs sur ses avant-bras, de forme similaire aux ailes en laiton entre ses omoplates étaient plus inquiétantes. Peut-être étaient-elle décoratives. Au mieux, elle pouvaient fournie un léger avantage en matière de guidage, mais il s’agissait plus probablement d’armes ou d’une extension peu orthodoxe de son armure.

Malgré le design confondant de l’ange mécanique, c’est sa maîtresse dont l’apparition retint l’attention de Nemo.

Avant même qu’elles ne se rapprochent, Nemo sentit l’extension des pensées de la warcaster sur le champ de bataille. Il s’imagina une paire d’ailes de grande taille invisibles s’étendant derrière ses ailes mécaniques, de longues plumes plongeant pour toucher chacun des vecteurs dans les rues de Calbeck derrière elle. Pendant un instant fugace, la femme rappela à Nemo Victoria Haley, peut-être à cause de son allure fière, mais au-delà de cela, il ne put expliquer pourquoi. Il ressentait une ineffable familiarité avec sa présence.

Il sentit que le lien du chef de la Convergence aux vecteurs différait de celles des autres warcasters qu’il avait rencontrés. Son toucher semblait à la fois plus léger et plus pur. Il se demanda si c’était à cause de la nature des vecteurs ou à causes de la warcaster. Peut-être, comme Haley, comme Haley, était-elle un prodige – ou une anomalie.

Alors qu’elle paraissait petite comparée à ses imposants gardes du corps, la femme mesurait bien un mètre quatre-vingt. L’armure argentée ne laissait apparaître que son visage et ses épaules. Son casque blanc platine dissimulait ses cheveux, mais ses yeux étaient brillants et bleus comme la flamme d’un soudeur. Elle tenait un bâton particulier dans un gantelet de cuivre. L’arme présentait des similitudes superficielles avec l’accumulateur tempête de Nemo, mais son design était plus élégant. Il ne crépitait pas de force galvanique comme son arme lorsqu’elle était activée. Au lieu de cela, il voyait dans ses modules de puissances la lueur bleue-blanche constante des énigmatiques énergies de la Convergence.

Nemo ressentit une certaine admiration pour une si belle œuvre. Néanmoins, il était certain que sa propre arme, qu’il avait conçue et construite personnellement, était plus que comparable à la sienne.

Les caractéristiques les plus impressionnantes de la warcaster étaient, bien sûr, ses ailes. Les engrenages partiellement exposés au niveau de l’articulation principale révélaient leur élaboration mécanique, mais une autre propulsion invisible devait être responsable de leur vol. Nemo remarqua l’éclat révélateur d’un champ d’énergie personnel autour du corps de la warcaster et de ses ailes. Il savait qu’elle devait avoir détecté les mêmes défenses autour de lui et de Finch.

Aussi redoutables que paraissait ces personnages de la Convergence. Nemo se demanda s’il aurait dû retarder plus longtemps le pourparler, se donner le temps de consulter Bronwyn. Ce que la druidesse lui avait déjà dit était trop plein d’aléas et de vraisemblances. Ce qu’il voulait, c’était plus  de faits, des faits qu’il ne pourrait acquérir que par une rencontre rapprochée, que ce soit en négociant ou en combattant.

Finch tira sur les commandes du Patrouilleur-Tempête, tournant l’engin de bataille à quarante-cinq degrés vers l’ouest comme ils l’avaient convenu. L’engin de combat ennemi s’arrêta à moins de trois mètres, tournant également à quarante-cinq degrés vers l’ouest. Nemo remarqua avec un certain chagrin que leurs adversaires restaient en vol stationnaire un bon mètre plus haut que lui et Finch. La chasseuses d’orages anticipa son désir et souleva la plate-forme pour les mettre sur un pied d’égalité.

La warcaster de la Convergence sourit de leur redressement, pas assez pour leur adresser une insulte.

« Général Artificier Nemo », dit-elle. « J’admire votre travail depuis longtemps. Je suis Aurora, Numen de l’Aérogenèse. Voici mon llieutenant, Sabina, Première Préfète de mes anges mécaniques.

« Mon adjudant, Chasseuse de Tempêtes Caitlin Finch », déclara Nemo. « Vous avez fait intrusion sur le territoire de Cygnar et capturé des sujets captifs de Sa Majesté Royale le Roi Leto. Pourquoi ? »

Le sourire d’Aurora s’élargit. « Allons droit au but. Je n’aurais pas dû m’attendre à moins de la part du savant nescient le plus éminent de notre époque ».

« Nescient ? » dit Finch.

« Cela signifie ‘ignorant’ », dit Nemo.

Finch plissa les yeux mais demeura silencieuse.

« Je vous assure que ce terme n’est pas péjoratif » déclara Aurora, souriant toujours comme si elle savait parfaitement que cela offenserait. « Nous l’utilisons en référence aux personnes qui font progresser la compréhension humaine de la science sans avoir conscience de la main directrice de Patronne derrière leurs actions. C’est le plus grand compliment que nous puissions faire à ceux qui sont en dehors de la Convergence, parce que pour arriver à la vérité, il faut d’abord échapper aux sombre étendues de la superstition, du mysticisme et de la trahison des petits bureaucrates qui voient tout progrès comme une menace à l’ordre établi ».

Une fois de plus, Nemo fut content d’avoir refusé la supplication de l’Aumônier Geary d’assister à ce sommet. Pourtant, il savait quand il était intentionnellement distrait.

« Je demande à nouveau : Pourquoi avez-vous capturé le village cygnaréen de Calbeck ? »

« Vous me surprenez, général. Je pensais que vous étiez venu pour discuter d’un échange de prisonniers ».

Nemo n’avait pas oublié. Pourtant, il ne s’attendait pas à ce que  mène leurs discussions. « Très bien, discutions-en. Vous avez trois de mes mékaniciens ».

« Vous avez un de mes soldats », rétorqua Aurora.

« Et combien de citoyens de Calbeck retenez-vous prisonniers ? »

« Aucun », répondit Aurora. « Nous ne sommes pas leurs geôliers mais leurs libérateurs. Comme vos éclaireurs l’ont sans doute déjà rapporté, nous somme venus pour les libérer de la persécution religieuse ».

« Maintenant vous insultez à la fois min intelligence et les rapports de mes éclaireurs ayant localisé les prisons disséminées dans le village ».

Est-il étrange que le peuple cherche le refuge à l’approche d’une force hostile ? »

Nemo soupira, déçu.

Pour atteindre leurs véritables objectifs, les politiciens ouvraient souvent les négociations par des demandes hyperboliques, mais ils les trouvait aussi fastidieuses que – eh bien, aussi bien fastidieuse que la politique. Depuis qu’il avait entrevu la conception avancée des vecteurs de la Convergence, Nemo avait osé espéré qu’il avait affaire à quelqu’un ressemblant plus à un ingénieur qu’à un politicien. « Je veux la preuve que les mékaniciens capturés sont sains et saufs ».

Aurora acquiesça, mais un V inquiétant se forma entre ses sourcils sombres.

« Ils sont indemnes, n’est-ce pas ? »

« À part une ou deux blessures mineures, oui. Et mon soldat ? »

« Nous avons sa chambre d’essence.

Aurora ne cligna même pas des yeux, mais Nemo remarqua ses pensées enregistrer son utilisation du terme correct pour désigner le réceptacle de l’esprit et de la personnalité du soldat. « Un n’est pas égal à trois », dit-elle. « Lequel des mékaniciens préfériez-vous voir revenir ? »

Nemo se hérissa face à l’implicite menace. « Vos soldats ont été vaincu au combat. Mes mékaniciens ont été enlevés de leur atelier pendant votre attaque non provoquée ».

« Votre seule présence ici est une provocation », répondit Aurora. « Néanmoins, je ne souhaite pas d’inutile conflit ». Elle se retourna et chuchota à son garde du corps.

Nemo ne put entendre se paroles par-dessus le gémissement électrique du Patrouilleur-Tempête. En comparaison, la pulsation profonde émanant de la machine de guerre de la Convergence semblait relativement silencieuse.

« Ma première préfète va maintenant retourner à Calbeck », déclara Aurora. « « Vous n’allez pas prendre cela comme un signe que nous rompons la trêve ? »

« Pourquoi retourne-t-elle ? »

« Pour relayer mes ordres dans un geste de bonne volonté ».

« Si c’est une ruse... » Nemo envisagea la possibilité que cette Aurora ne soit pas a véritable chef de la Convergence ; peut-être était-elle le lieutenant, et elle attaquerait au moment où son supérieur s’échapperait de la portée de l’arme du Patrouilleur-Tempête.

D’un geste subtil, Nemo fit signe à Finch d’activer le canon foudroyant. L’énorme sphère commença à tourner, le foudre se déplaçant de nodule en nodule. Les yeux de Nemo restaient fixé sur Aurora tandis qu’il sentait la foudre commencer sa danse dans son dos et sur les jambes du Patrouilleur sous lui.

« Numen ! » La première préfète s’avança devant Aurora, déployant ses ailes pour protéger son corps. Simultanément, une ouverture sur le côté de leur engin de combat s’ouvrit, libérant un objet sphérique avec un fwoop pneumatique !  De la taille d’un boulet de canon, le globe s’envola pour planer entre le canon foudroyant et Aurora.

Malgré sa source artificielle, la voix de Sabina exprima une inquiétude si sincère pour la sécurité que Nemo mit de côté son doute passager sur leur identité. Il fit signe à Finch d’éteindre le canon.

« S’il vous plaît, Numen, ne m’ordonnez pas de vous laisser ici ».

« Avec votre permission… ? » Aurora regarda Nemo.

« Monsieur », murmura Finch, « je n’aime pas cette idée. Peut-être devrions-nous... »

« Patience, Finch ». Il lui fit un signe de tête à Aurora. « Envoyez-là ».

« Allez », dit Aurora à Sabina. « Dites au Préfet Pollux qu’il est temps ».

« Numen, s’ils te font du mal... »

« Tu les tueras tous d’une main ». répondit Aurora. « Je sais ».

L’ange mécanique s’éloigna d’un bond, les ailes tournant mais ne battant pas alors qu’elle volait en spirale autour de l’engin de combat et s’envolait vers Calbeck. Nemo chercha le moindre signe de l’appareil qui lui permettait de voler, mais il ne put en repérer un. Ça doit être interne, pensa-t-il.

« Qu’attendez-vous en retour de ce geste de bonne volonté ? » demanda Nemo.

« Seulement votre attention pendant une demi-heure, ou plus si ce que je dis vous intéresse », déclara Aurora. « Il ne fait aucun doute que vos conseillers morrowéens vous on déjà truffé la tête de mensonges sur le culte de Cyriss. Je souhaite vous offrir la vérité. En tant qu’homme de science aussi bien que de mékanique, tu es particulièrement qualifié pour vous faire votre propre opinion sur la question.

« Vous me pardonnerez si je considère votre opinion avec un esprit sceptique. Vous m’avez déjà offert une « vérité » sur la persécution religieuse ».

« Pardonnez-moi ce maladroit préambule », dit Aurora. « La diplomatie ne me convient pas. Comme vous, je le soupçonne, je suis plus enclin à la science qu’à l’éloquence. Heureusement, la véritable adoration de Cyriss ne vient que par la pensée critique et un esprit curieux. Cyriss n’est qu’une énigme que dans la mesure où le monde est un. Ceux qui cherchent à comprendre le monde tel qu’il existe, plutôt que tel qu’ils souhaitent qu’il soit, sont ses disciples les plus purs ».

« Maintenant, vous parlez moins comme une diplomate et plus comme une druidesse ».

Aurora toussa. « Si vous pensez cela, vous connaissez mal le Cercle. Au mieux, ce sont des mystiques et de sauvages. Au pore ils servent le Ver Dévoreur et vénèrent donc la mort et l’entropie. Nous sommes leurs opposés, nous efforçant de comprendre les mystères de l’univers plutôt que de nous asservir à des rituels incompréhensibles ».

« Maintenant, vous vous exprimez comme une prêtresse ».

Le sourire d’Aurora se transforma en un petit rire sans émotion. Quelque chose dans la facilité de son rire rappela à Nemo ces quelques connaissances ayant échappé à son attitude bourrue et s’étaient de leur peur de lui. Il avait rencontré l’effet le plus souvent avec ces jeunes collègues lui rappelant la fille qu’il avait à peine connue. Cela s’était produit plus récemment sous la forme de Caitlin Finch.

« Si parfois je récite les paroles de nos prêtres, c’est parce que j’ai été élevée dès ma naissance au sein de la Convergence », déclara Aurora. « La plupart de nos membres nous rejoignent plus tard dans la vie, lorsqu’ils se retrouvent frustrés par les réponses offertes par les prêtres et les rois Quand ils sont prêts à arrêter de chercher un sens fabriqué et qu’il débutent plutôt à chercher la vérité naturelle ».

« ‘La Convergence’ », dit Nemo. « Quelle est la signification de ce nom ? »

« D’autres sectes vénèrent aussi la Patronne des Mécanismes, mais la Convergence est dédié au culte le plus pur de la déesse. Un jour, nous nous unirons à Cyriss et vivrons sous sa sage protection. Jusqu’à ce jour, nos prêtre étudient les équations secrètes du monde à la recherche des indices qu’elle nous a laissés ».

« De quels indices s’agit-il ? » demanda Nemo. « Je suppose que vous voulez dire quelque chose de plus scientifique que les runes des druides et les écrits de l’Enkheiridion ».

Aurora haussa un sourcil, reconnaissant apparemment l’appât qu’il lui avait tendu que ce qu’il était. « Alors mon premier recenseur – vos prêtres morrowéens l’appelleraient « vicaire, je crois – tient le temple redédié à Cyriss, il s’est efforcé de préserver l’Enkheiridion. Bien que nous ne partagions pas votre dévotion envers Morrow et Thamar, nous reconnaissons par certains chiffres et diagrammes dans leurs écrits qu’ils parmi les savants nescients les plus influent d’Immoren. Tout comme certains de vos ascendants et légataires. L’ascendant Corben, par exemple ».

Nemo s’endurcit contre une autre vague de flatterie avec l’implication que la Convergence le considérait dans la catégorie avec les dieux et leur serviteurs les plus vénérés. Pourtant, il remarqua également la direction de l’argument d’Aurora.

« Êtes-vous en train de suggérer que Cyriss est la divinité du progrès humain ? »

« C’est une description étroite mais recevable », déclara-t-elle. « Considérant que vous voyez la Patronne des Mécanisme à travers un voile de désinformation et de demi-vérité, c’est fait plutôt astucieux ».

Pour la première fois depuis des décennies, Nemo se sentit traité avec condescendance. Ses mains lui faisaient mal quand il réalisa qu’il tenait son bâton et la rambarde du Patrouilleur-Tempête assez fort pour blanchir ses jointures. Il lâcha la rambarde et fit un effort pour tenir son bâton plus librement.

« Pas mal pour un savant ignorant », chuchota  Finch à côté de lui.

Il se tourna vers Finch, en colère d’être moqué des deux côtés jusqu’à ce qu’il voie son visage. Elle levait le menton en signe soutient. Finch ne le dénigrait pas mais le défendait.

Nemo fit une pause pour calmer son irritation. Aurora avait dit qu’elle avait été élevée au sein de la Convergence. Si elle avait démontré très tôt les talents d’un warcaster, sans aucun doute les prêtres de son ordre l’avaient élevé eux-même – et peut-être protégée du reste de leur société. La Convergence dans son ensemble est apparemment restée isolée du monde. À quel point Aurora était-elle plus isolée ? Peut-être n’avait-elle pas voulu l’offenser. Plus probablement, elle manquait simplement de qualités sociales habituelles, comme une version moins clownesque de l’un des Jimmies de Finch.

Alors que l’irritation de Nemo lutta contre une pitié soudaine pour la warcaster de la Convergence, le regard de Finch tomba sur quelque chose au-delà de l’engin de combat ennemi. Elle fit un signe de tête dans sa direction. « Monsieur ».

Se retournant, Nemo vit que les soldats de la Convergence avaient formé une ligne de prisonniers devant leurs propres rangs. Des soldats mécaniques portant des boucliers, des hallebardes, des masses, des lames courbes et des armes étrangères se tenaient derrière une rangée de femmes et d’enfants. Plissant les yeux, Nemo chercha un signe de Mags Jernigan parmi eux. Là, elle se tenait proche du centre.

« Que faites-vous ? » dit Nemo, ses soupçons une fois de plus exacerbés. Il se prépara à décharger toute la puissance de sa vengeance sur cette warcaster ailée si ses soldats exécutaient les prisonniers.

« Qu’est-ce que vous pensez que je fais ? » rétorqua Aurora. Elle leva son bâton. « Je vous offre mon geste de bonne volonté ».

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