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Roman - Fléau des Dragons

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elric:
LES CHRONIQUES DES WARCASTER : VOLUME QUATRE

FLÉAU DES DRAGONS

RICHARD A. KNAAK

BIENVENUE DANS LES ROYAUMES D’ACIER

PARTIE UNE

PARTIE DEUX

PARTIE TROIS

elric:
BIENVENUE DANS LES ROYAUMES D’ACIER
Le monde dans lequel vous êtes sur le point d’entrer est celui des Royaumes d’Acier, un lieu où le pouvoir et la présence des dieux sont indiscutables, où l’humanité se bat contre elle-même ainsi contre toutes sortes de races fantastiques et de bêtes exotiques, et où un mélange de magie et de technologie appelé mékanique façonne l’industrie et la guerre. En dehors des Royaumes d’Acier eux-mêmes – les nations humaines du continent appelé Immoren – le vaste monde inexploré de Caen s’étend au-delà de l’horizon connu, alimentant l’imagination et les ambitions d’une nouvelle génération.

Les conflits secouent fréquemment ces nations, et parmi les batailles régionales, l’arme la plus puissante est le warjack, un automate à vapeur doté d’une grande mobilité, d’un épais blindage et d’un armement dévastateur. L’efficacité d’un warjack est maximale lorsqu’il est dirigé par un warcaster, un puissant soldat-sorcier pouvant tisser un lien mental avec la grande machine afin d’amplifier ses capacités. Maîtres à la fois des combats arcaniques et martiaux, ces warcasters sont souvent le facteur décisif de la guerre.

Pour les Royaumes d’Acier, ce qui s’est passé est un prologue. Aucun événement ne définit plus clairement ces nations que l’âge sombre prolongé subi sous l’oppression des orgoth, une brutale et impitoyable race venue des terres inexplorées à travers le grand océan occidental connu sous le nom de Meredius. Pendant des siècles, ces redoutables envahisseurs ont asservi les habitants de l’Immoren occidental, maintenant une emprise semblable à un étau, jusqu’à ce que le peuple se révolte enfin. Débuta alors un long et sanglant processus de batailles et de défaites. Cette rébellion aurait été vouée à l’échec si un sombre arrangement des dieux n’avait pas conféré le don de la magie aux immoréens, débloquant des pouvoirs jusque-là insoupçonnés.

Chaque arme efficace employée par la Rébellion contre les orgoth était la conséquence de l’utilisation des arcanes par les grands esprits. Non seulement la sorcellerie permet l’invocation du feu, de la glace et de la tempête sur le champ de bataille, mais les érudits ont combiné des principes scientifiques pour les mélanger la technologie avec les arcanes. Les rapides progrès de l’alchimie ont donné naissance à la poudre noire et à l’invention d’armes à feu mortelles. Des méthodes ont été développées pour fusionner des formules arcaniques en plaques runiques métalliques, créant des outils et des armes augmentés : l’invention de la mékanique. Le point culminant de ces efforts a été l’invention des premiers colosses, précurseurs du warjack moderne. Ces imposantes machines de guerre ont offert aux immoréens une arme que les envahisseurs n’ont pas pu contrer. Avec les colosses, les armées de la Rébellion ont chassé les orgoth de leurs forteresses et les ont renvoyés vers la mer.

Les habitants des terres ravagées ont tracé de nouvelles frontières, donnant naissance aux royaumes d’Acier : Cygnar, Khador, Llael, et Ord. Il ne fallut pas longtemps pour les anciennes rivalités s’enflamment entre ces nouvelles nations. La guerre devint une simple fait de la vie. Au cours des quatre derniers siècles, les guerres périodiques ont été interrompues par de brèves périodes de paix tendues mais prudentes, tandis que le technologie était en constante progression. L’alchimie et la mékanique ont à la fois facilité et compliqué la vie des habitants des Royaumes d’Acier, tout faisant évoluer les armes employées par leurs armées en ces jours de révolution industrielle.

L’inimité la plus ancienne et la plus amère dans la région est celle entre le Cygnar au sud et le Khador au nord. Les khadoréens sont un peuple militant occupant un territoire rude et impitoyable. Les armées de Khador se sont périodiquement battues pour récupérer des terres que leurs ancêtres avaient jadis conquises. Les deux petits royaumes de Llael et d’Ord ont été forgés à partir de territoires contestés et ont donc souvent servi de champ de bataille entre les deux puissances les plus fortes. La prospère et populeuse nation méridionale de Cygnar s’est périodiquement alliée à ces nations dans le but de contrer les aspirations impériales de Khador.

Il y a un peu plus d’un siècle, le Cygnar a enduré une guerre civile religieuse ayant finalement conduit à la fondation du Protectorat de Menoth. Cette nation, la plus récente des Royaumes d’Acier, se présente comme une impitoyable théocratie entièrement consacrée à Menoth, l’ancien dieu crédité de la création de l’humanité. À l’ère actuelle, la guerre s’est déclenchée avec une férocité particulière. Cela a commencé avec l’invasion khadoréenne de Llael, qui a réussi à renverser le petit royaume en 605 AR. La chute de Llael a déclenché une escalade du conflit qui a embrasé la région au cours des trois dernières années. Seul l’Ord est resté neutre dans ces guerres, profitant de la situation pour devenir un refuge pour les mercenaires. Le Protectorat a lancé la Grande Croisade pour convertir l’humanité entière au culte de Menoth. Les autres nations étant occupées par la guerre, cette croisade a pu faire des gains significatifs et s’emparer de territoires dans le nord-est de Llael.

D’autres nations ont été entraînées dans ce conflit, soit emportées par les événements, soit en profitant pour leurs propres fins. Les Îles Scharde, à l’ouest d’Immoren, abritent l’Empire du Cauchemar de Cryx, dirigé par le dragon Toruk et qui envoie d’incessantes vagues de morts-vivants et leurs maîtres nécromanciens pour renforcer ses armées avec les morts d’autres nations. Au nord-est, la nation elfique insulaire d’Ios accueille une secte radicale appelée le Châtiment de Scyrah, qui chasse les arcanistes humains, qu’elle considère comme un anathème pour ses dieux.

Les régions sauvages à l’intérieur et au-delà des Royaumes d’Acier contiennent diverses factions se battant pour leurs propres objectifs. Du nord gelé, un dragon désincarné appelé Everblight dirige une légion de warlocks et de créations draconiques dotés du pouvoir de la corruption. La tribale et fière race connue sous le nom de trollkin s’efforce d’unir son peuple autrefois séparé pour défendre ses terres. Au plus profond des terres sauvages de l’Immoren occidental, un ordre secret de druides ordonne aux bêtes de la nature de s’opposer à Everblight et fait avancer ses propres plans. Loin à l’est, à travers les Marches Sanglantes, la nation guerrière de l’Empire Skorne se rapproche inexorablement, déterminée à conquérir ses anciens ennemis d’Ios tel  un pas vers une plus large domination. D’obscures conspirations ont surgi de bastions cachés pour jouer leur propre rôle dans le déroulement des événements. Il s’agit de la Convergence de Cyriss, un énigmatique culte des machines vénérant une lointaine déesse des mathématiques, ainsi que des leurs ennemis acharnés, les cephalix, une race esclavagiste extrêmement intelligents et sadiques transformant chirurgicalement les captifs en robots écervelés.

Les Royaumes d’Acier sont un décor dont les habitants doivent compter sur des héros ayant le courage de les défendre en employant la magie et l’acier, que ce soit sous la forme d’armes à feu chargées de runes ou d’armes de guerre à vapeur. Les factions de l’Immoren occidental sont vulnérables à la corruption de l’intérieur et sujettes aux intrigues politiques et aux luttes de pouvoir. Pendant ce temps, d’opportunistes mercenaires profitent des conflits en vendant leur allégeance temporaire contre de l’argent ou d’autres faveurs. C’est un monde de légendes épiques et de sagas sans fin.

Entrez dans les Royaumes d’Acier, et découvrez un monde à nul autre pareil !

elric:
PARTIE UNE

Skell, Cryx, 584 AR
La nation de Cryx était connue sous de nombreux noms le long de la Côte Brisée de Cygnar. Ses voisins l’appellent Dragonberth, ses victimes l’Île Maudite, mais aucun titre chuchoté ou pesté à voix haute ne correspond mieux à Cryx que celui que ses propres habitants ont adopté : l’Empire du Cauchemar.

Même dans l’humide et brumeux royaume, parmi les maudits et affligeants travaillant jour et nuit pour la gloire de Toruk le Père des Dragons, les images et les odeurs horribles troublaient les esprits déjà brisés. Un regard sinistre d’un seigneur liche de passage pouvait faire hurler les morts-vivants aussi follement que n’importe quelle créature vivante, et les énergies malignes émanant des corps faits d’os et de métal des seigneurs contraignaient les esclaves de Cryx sans poser de questions. Les actions d’un seigneur liche étaient l’extension de la volonté de Toruk, dont la parole était absolue à tous égards.

Sauf, bien sûr, lorsque la parole du Père des Dragons était en conflit avec les besoins du Seigneur Venethrax.

Venethrax était l’un des plus anciens serviteurs du Père des Dragons, et il servait Toruk comme aucun autre. Même sa forteresse était forteresse était différente. Alors que d’autres seigneurs liches se blottissaient derrière d’épais mur de pierres et de fer, Venethrax a construit un siège de pouvoir sur son environnement. En effet, si n’importe quelle structure de la capitale de l’empire, Skell, pouvait être qualifiée d’accueillante, alors le sanctuaire du Seigneur Venethrax, avec ses colonnes de marbre et sa porte en fer ornée marquant l’entrée, aurait pu correspondre à cette description. Mais même le repaire le plus accueillant de Cryx ne pouvait être qualifié d’accueillant que dans la mesure où une toile d’araignée pouvait l’are pour une mouche.

Des corbeaux corrompus entraient et sortaient des fenêtres cintrées qui bordaient la structure principale et la haute et étroite tour en son centre. Beaucoup de ces oiseaux portaient de petites pochettes en cuir attachées à leurs pattes ou à leur corps. Alors que le Seigneur Malathrax contrôlaient le réseau d’espion impérial, aucun serviteur du Père des Dragons n’était plus doué que le Seigneur Venethrax pour glaner le type d’information que leur maître désirait le plus. La forme de collecte d’informations de Venethrax convenait à sa tache ultime. Il avait été créé, après tout, pour chasser les dragons.

Un coursier noir comme l’encre plongea dans les recoins inférieurs du sanctuaire, dans une vaste chambre bordée de profondes étagères, planches après planches remplies de rouleaux, de tomes, de cristaux et d’autres réceptacles de connaissances du monde entier. Tout cela ne représentait qu’une fraction des idées que le seigneur liche avait rassemblées au cours de ses plus de douze cents années de recherches de la seule menace que le Père des Dragons considérait comme pertinente. En fin de compte, toutes les recherches de Venethrax, ainsi que toutes les guerres, tous les massacres et tous les complots dont l’Empire du Cauchemar était responsable, avaient pour but la destruction de tous les autres dragons, de la propre progéniture rebelle de Toruk.

Des ombres voltigeaient dans la faible lumière des cristaux rouges incrustés dans les murs du niveau inférieur, des ombres sans substance pour les projeter. Pourtant, elles se drapaient sur les étagères, s’arrêtant ici et là, apparemment au hasard, et des parchemins ou des livres enveloppés dans ces ombres glissaient, puis se posaient sur l’une des nombreuses tables de la pièce.

Une silhouette squelettique vêtue d’une cape et d’une capuche d’ébène se dirigea vers l’un des rouleaux, le déroula et en traça le contenu avec des doigts pâles et sans chair.

« Non… pas celui-là », râla Grendov.

Il roula le parchemin. Une autre ombre s’abattit sur le parchemin, et celui disparut, transporté à sa place.

Grendov se raidit et tira sa capuche d’un centimètre en arrière, révélant des traits blancs décharnés avec seulement des traces d’une beauté ancienne. La peau de son visage ondulait bizarrement, et son œil droit demeurait masqué par l’obscurité de sa capuche. Il leva les yeux, inclinant la tête sur le côté alors qu’une seule parole emplissait ses oreilles et ses pensées.

Grendov.

« J’arrive, monseigneur. Immédiatement ».

Les ombres s’écartèrent autour de lui alors que Grendov traversait le sanctuaire jusqu’à l’escalier en spirale en son centre. Les escaliers étaient la seule entrée physique de la tour supérieure, qui serpentait jusqu’aux chambres du Seigneur Venethrax. La plupart des seigneurs liches gardaient leurs sanctuaires ultimes dans les profondeurs de leurs domaines, mais Venethrax s’asseyait aussi près du ciel qu’il le pouvait. De l’avis de Grendov, son maître cherchait à imiter le Père des Dragons en personne, même s’il ne serait jamais assez fou pour l’avouer.

Il accéléra son allure. Que son maître l’ait convoqué à ce moment critique ne pouvait signifier qu’une chose.

* * *
Venethrax sentit l’arrivée de Grendov avant même que l’acolyte ne pénètre dans ses appartements. Le seigneur liche ne prit pas la peine de se retourner Son serviteur était une extension  de sa volonté et rien d’autre.

Un oiseau mort-vivant corrompu – un scylla – perché sur le poignet armuré du seigneur liche. Il tendit ses doigts gantés et scella la minuscule pochette sur le dessous du messager. La créature laissa échapper un sifflement, puis s’envola.

Avec un grincement de l’acier contre l’acier, le Seigneur Venethrax se tourna finalement vers Grendov. Comme les autres seigneurs liches, il était plus machine que chair, son crâne et ses os de ses mains étant les seuls vestiges de sa forme originelle, supplantés par un nouveau corps d’armure de fer noir. De l’énergie verte se dégageait dans tout ce corps, et des fumées s’échappaient des deux tuyères derrière ses épaules.

L’acolyte tomba à genoux.

« Grendov » Venethrax brandit un minuscule parchemin. « Toutes les recherches en cours doivent prendre fin. Toi et moi, nous devons nous préparer immédiatement ». En jetant un coup d’oeil à l’étagère sur laquelle le crâne brisé de son prédécesseur faisait office de presse-livre, Grendov répondit : « La Griffe peut être mise à la mer dans la nuit, très auguste. Les Messagers de Dracia, Kankur et les autres peuvent être envoyés d’un seul mot de votre part » Grendov inclina sa tête encapuchonnée. « J’attends ce mot ».

« Non ».

L’acolyte osa froncer les sourcils, ce à quoi Venethrax envisagea de l’étrangler. Puis le masque charnu – qui faisait autrefois partie de son visage original jusqu’à que monstruosité implacable – un rejeton draconique issu du sang d’un dragon, l’ait arraché – se remit en place et permit à Grendov de mieux exprimer sa confusion.

« Si je peux m’exprimer, mon glorieux seigneur ? »

« Tu le fais déjà, Grendov. Veille à ce que tes prochaines paroles cessent de m’ennuyer ».

Même agenouillé, l’acolyte réussi à s’incliner convenablement, ce qui apaisa quelque peu Venethrax. L’obéissance de Grendov était la principale raison pour laquelle le seigneur liche l’avait gardé auprès de lui pendant deux cents ans. « Vous avez dû découvrir une trace de l’un des descendants maudits du Père des Dragons. C’est la seule raison pour laquelle vous voudriez me convoquer au milieu de nos recherches. Par conséquent, vous auriez sûrement l’intention de partir pour cette région dès que possible, non seulement pour vérifier les faits, mais aussi, que le Père des Dragons soit loué, pour localiser la bête elle-même- »

Venethrax serra ses dents sans lèvres, ses gouttes de lueur verte de nécrotite s’échappant entre elles. « Je t’avais prévenu. J’ai d’autres livres qui ont besoin d’être classés ».

Le crâne sur l’étagère trembla. Il n’y avait pas de libération après la mort pour les morts-vivants. À deux exceptions près — ce qui contrariait le seigneur liche encore aujourd’hui – tous ceux qui avaient échoué avec le Limier de Toruk décoraient maintenant sa demeure ou d’autres propriétés. Servir de serre-livre était la moindre des punitions qu’ils infligeaient aux indignes. Ni Grendov ni l’ancien propriétaire du crâne tremblant ne voulait changer de place avec Sylus, qui était venu servir Venethrax au troisième siècle de la mission du seigneur liche. Le hurlement sans fin de Sylus se répercutait dans six endroits différents de la citadelle, mais seul Venethrax pouvait l’entendre. En puis il y avait Jediah…

L’acolyte poursuivit. « La missive que vous avez envoyée à mon arrivée est une notre destinée au Seigneur Terminus, j’imagine. Une note déclarant la nécessité d’une rencontre. Il est nécessaire de parler directement avec lui… »

La voix de Grendov s’éteignit. Venethrax nota la compréhension de son second, ou du moins son absence d’ignorance totale.

« Oui, Grendov. Il y a un besoin, une raison. Une simple raison. Le continent. Le continent sud, pour être précis ».

« Le sud… Monseigneur, vous faites référence à l’invasion ? Ce n’est pas une raison si simple - »

« Oui ». Venethrax ordonna à son serviteur de se lever. « L’invasion, si nécessaire. Tout ce qui est nécessaire. L’empire n’existe que pour ça, après tout ».

Grendov acquiesça, mais une lueur sur son visage trahissait sa méfiance. « Le Seigneur Terminus ne sera pas content ».

« À peine un sujet de préoccupation. Le corps du seigneur liche s’illumina de plus belle alors qu’il passait devant l’acolyte. « Daeamortus ne sera pas content non plus ».
S’il avait eu une gorge portant plus que quelques vestiges de chair, il aurait été probable que Grendov les aurait avalés à en juger par les minauderies qu’il émettait. « Daeamortus aussi ? Grand et glorieux seigneur- »

Venethrax se retourna et saisit l’infortuné acolyte par cette même gorge pourrie. Avec aisance, le warcaster souleva Grendov à plus de trente centimètres du sol.

« Nous n’existons que pour servir la volonté de Toruk », murmura froidement le seigneur liche. « Nous. Terminus. Daeamortus, Toi. Moi plus que tout. Y a-t-il un doute là-dessus ? » Il laissa une étincelle des énergies nécrotiques en lui toucher Grendov, juste assez pour faire frissonner l’acolyte de douleur.

Venethrax laissa son second tomber au sol. Grendov atterrit durement sur ses deux pieds, comme il l’avait souvent fait au cours de ses deux siècles de servitude. Ajustant son visage, il érailla : « Je ne remettrais jamais en question notre servitude au Père des Dragons, mon… mon seigneur. Je remets seulement en question leur compréhension des priorités ».

« Cela n’a pas d’importance qu’ils remettent en question », répondit Venethrax. « Ce qui compte c’est qu’ils obéissent à la volonté du Père des Dragons… que je représente dans ce cas ». Le seigneur regarda dans le vide, sentant la présence de Toruk à travers lui, de son crâne à la fournaise de son ventre. « Ce qui compte, c’est de récupérer n’importe tout fragment de l’athanc de Toruk quand l’occasion se présente, quel que soit le sacrifice ».

« Si seulement il n’avait jamais accordé la vie à ses enfants, et encore moins s’ils les avait bénis avec sa propre essence, sa propre pierre de coeur… »

« Notre seigneur était magnanime. Il voulait partager le monde et sa gloire avec eux. Il a créé ses enfants et a pensé que recevoir un peu de son athanc les rendrait obéissant, ou reconnaissants à tout le moins ».

Grendov prit sa place à une enjambée en arrière et à gauche de son maître. « Je suis certain qu’ils comprendront la sagesse de ce que vous exigez d’eux’, dit-il, « même si cela signifie retarder l’invasion ».

« Ils comprendront, même si cela signifie annuler complètement l’invasion », remarqua le Seigneur Venethrax presque distraitement, son esprit étant déjà tourné vers la chasse à venir. Les éventuelles objections de ses homologues n’étaient pas pertinentes. « Maintenant, apporte-moi Fléau des Dragons. Je dois être vêtu correctement pour la réunion ».

* * *« Cette invasion que nous avons si méticuleusement organisée, elle sert votre but ultime », déclara le Seigneur Terminus. Ses vastes ailes squelettiques se déployèrent largement, puis se replièrent alors qu’il luttait contre son objection à l’annonce de Venethrax. « Votre objectif, Venethrax… et vous le jetteriez dans le chaos à ce moment critique ? »

« Je ne fais que refléter les désirs de Toruk, Terminus ».

Venethrax regarda l’autre seigneur liche s’approcher d’une massive table, où s’étalait une complexe carte de l’Immoren occidental. De petites miniatures lumineuses représentant des navires et d’autres forces martiales – à la fois de l’empire et de Cygnar – se tenaient aux dernières positions que les officiers de Terminus et les espions du Seigneur Malathrax avaient déterminées. Alors même que le warcaster observait la carte, une flotte de vaisseaux cygnaréens, changea de position. Les pièces glissèrent sur la surface comme si elles naviguaient.

« Ils sont en position privilégiée », grogna Terminus, caressant l’une des trois encensoirs à âme à sa taille. L’image d’un visage humain hurlant remuait à l’intérieur. Les encensoirs transportaient les commandants ennemis de trois des plus belles victoires de Terminus au nom de Toruk, Venethrax devait encore choisir de nouvelles victimes pour ses propres encensoirs, mais il en aurait bientôt assez. « Si nous nous lançons à temps, toutes les pièces sont en place pour détourner les flottes du continent et débarquer nos forces destinées à des incursions plus profondes sans affrontement. Nous pouvons implanter des installations si profondément qu’ils ne pourront jamais les extraire ». À nouveau, ses ailes se déployèrent, puis se replièrent. « Un magnifique triomphe ».

Venethrax avait plus de respect pour Terminus que beaucoup de leurs autres homologues. Pourtant, rien n’important plus que sa mission, qui était celle du Père des Dragons. Toruk avait créé l’empire pour des moments comme celui-ci. « Je n’ai pas dit que l’invasion devait être retardée ou reculée, Seigneur Terminus. J’ai seulement indiqué que cela pourrait devenir nécessaire si plus d’informations venaient à être révélées ».

Terminus ne répondit pas, mais ses ailes s’agitèrent derrière lui lorsqu’il croisa le regard de Venethrax. Chaque seigneur liche prenait la mesure de l’autre. Terminus avait l’avantage de la taille et de la force sur Venethrax et était connu comme un maître stratège et un général, mais Venethrax ne reculait devant aucune autre liche, surtout pas lorsqu’il poursuivait son principal objectif. Il fit un  pas en arrière et changea de posture, libérant son bras pour saisir son arme. Le regard de Terminus se porta sur la poignée de la grande épée incurvée, suspendue au dos de Venethrax. Cela plut à Venethrax de voir son homologue hésiter à la vue de Fléau des Dragons, un demi-crâne avec une longue et mortelle lame comme langue. Venethrax là considérait comme la main de Toruk, dont il était le prolongement à tout moment, mais surtout lorsqu’il dégainait l’épée que son maître avait créée pour lui seul, afin de la brandir contre les rejetons du Père des Dragons.

Terminus grogna. Lui aussi portait une épée légendaire, Promesse de Mort, mais son arme avait été conçue pour faucher les armées mortelles qui se trouvaient sur le chemin des desseins du Seigneur Toruk. L’autre liche laissa tomber sa main gantée de l’encensoir d’âmes. Venethrax relâcha sa posture alors que le visage hurlant s’estompait. Il n’y avait pas besoin de violence. Pas encore.

« Et de quoi avez-vous besoin ? » demanda Terminus avec résignation.

Tout ce que vous pouvez donner, bien sûr. Une autre voix répondit avant que Venethrax puisse s’exprimer, les paroles n’étant qu’un murmure dans leurs esprits. Ni l’un ni l’autre ne réagirent avec surprise à cela ou à l’ombre émergeant du coin de la chambre en pierre. Seul Grendov bougea, prenant position défensive près de son maître.

La forme décharnée qui émergeait de l’ombre ressemblait beaucoup à Grendov dans sa façon de se tenir sous sa cape sombre. Dans cette cape, un visage d’ogrun tordu fixa Venethrax puis Terminus, avec des yeux sans pupille. Les ogrun généralement ne faisait pas de bon acolyte, mais celui-ci avait été spécialement amélioré pour ce rôle.

« Maleevus Zendt », grogna Terminus, « où est ton maître ? »

L’ogrun s’inclina. « Il est ici. Je ne suis qu’un canal pour lui… »

Alors même que l’ogrun finissait de s’exprimer, ses yeux devinrent livides et sa bouche se relâcha.

Pardonnez-moi de ne pas être présent en chair et en os, prononça la voix initiale. Votre convocation est arrivée à un moment inopportun, alors j’ai envoyé Maleevus. Vous avez min attention.

La mâchoire de l’ogrun bougeait comme s’il parlait, bien que la voix ne produise aucun son audible. Une faible lueur verte émanait de l’intérieur de sa tête, notamment à travers une large fissure au sommet de son crâne. Venethrax n’aurait pas créé un tel acolyte, à peine plus qu’une coquille animée pour donner à son maître des yeux, des oreilles et une voix là où il ne pouvait être. Au cours de ses siècles en tant que seigneur liche, Venethrax avait fini par favoriser l’individualité et la personnalité de ses acolytes, des traits qui les rendaient plus puissants à son service.

« Je ne vous retiendrai pas longtemps loin de vos tâches », dit Venethrax. « J’étais en train d’expliquer mes besoins à Terminus, mais - »

Laissez-moi deviner, dit l’acolyte de Daeamortus. Vous êtes sur le point de vous lancer dans une expédition. Vous êtes sur le point de partir à la chasse au dragon, c’est bien ça ? Comme c’est choquant.

Si Daeamortus n’avait pas été assigné à son propre rôle important dans les machinations de l’empire, Venethrax aurait peut-être pris plus ombrage à son ton. C’était un problème de longue date entre eux, car Daeamortus, bien plus que Terminus, en voulait à la position de Venethrax. Il y avait du vrai dans ce que la troisième liche laissait entendre, qu’une grande partie du service de Venethrax à Toruk consistait à se lancer dans une expédition de collecte d’informations après l’autre, perturbant souvent les plus à plus long terme des autres liches. Cependant, comme les deux autres warcasters le savaient bien, la recherche de la progéniture de Toruk était prioritaire. Daeamortus comprenait sa place, même si cela lui déplaisait, aussi Venethrax ignora l’affront.

« La chasse de notre seigneur peut nécessiter le report d’une partie de l’invasion », déclara Terminus, ses ailes repliées s’agitant.

Oh, naturellement, poursuivi Daeamortus, le ton maintenant ouvertement provocateur. Il semble que dans ces moments-là, Venethrax, vous oubliez que nous servons aussi la volonté de Toruk. Cette invasion est l’une des opérations les plus complexes et les plus précises que notre empire ait menées depuis l’assaut sur Drer Drakkerung. Chacun de ses mouvements a été exécuté en parfaite harmonie, comme nos propres mécanisme. Cette invasion existe uniquement pour votre propre bénéfice, pour préparer le terrain pour de longues excursions sur le continent, pour ouvrir la voie à la progéniture du Père des Dragons-

« Oui », dit Venethrax. « Terminus a souligné tout ce que vous dîtes Daeamortus ».

Et ça ne change rien… rien… ça ne change jamais.

Comme Daeamortus parlait, l’acolyte ogrun leva un poing de colère. Venethrax attrapa Fléau des Dragons, mais Terminus intervint. « Vos inlassables efforts pour le Père des Dragons ne sont pas oubliés, Venethrax, mais comme nous l’avons tous deux souligné, nous avons le devoir de nous tourner vers l’avenir. Cette invasion est vitale pour notre maître, comme vous le savez, puisqu’elle a été mise en œuvre sur la base de vos propres propositions. Nous ne pouvons pas l’arrêter et la relancer sur un coup de tête, simplement parce que vous percevez une opportunité qui peut ou non se traduire par des gains importants ».
« Néanmoins- »

Néanmoins, dit Daeamortus, vous êtes en contradiction avec vous-même. Combien de vos expéditions nous ont rapprochés des objectifs de Toruk ? Je comprends bien la nécessité de conserver une force prête à poursuivre la progéniture de Toruk, mais c’en est une autre de mettre en péril le travail de vos pairs et égaux, surtout lorsque nous travaillons à ce que vous-même vous recommandez. À quoi cela sert-il ? Quel insaisissable ou douteux indice nous amène à cela ?

« Aucun indice, Daeamortus. C’est une piste, contrairement à toutes celles que j’ai suivies jusqu’à présent ».

Terminus et l’ogrun fixèrent Venethrax, qui demeura silencieux, les laissant mijoter.

Qu’est-ce que ça pourrait être ? Demanda Daeamortus. Vous avez trouvé la trace d’un des enfants traîtres du Père des Dragons, n’est-ce pas ? En quoi cela est-il différent de toutes les chasses précédentes ?

« Les preuves que j’ai collectées indiquent que nous pourrions avoir un nouveau dragon, dont nous ne savons absolument rien. Les informations doivent être recueille ».

Un gémissement s’échappa de l’encensoir d’âme de Terminus. Le bout de ses ailes se redressa. « Vous savez que c’est le cas ? »

« Pas avec certitude », déclara Venethrax. « C’est la nature de mon travail, de ma fonction. Les suppositions doivent être poursuivies et étudiées. Mais les preuves dans cette affaire sont très convaincantes. J’ai reçu des rapports de sources fiables concernant un dragon différent de tous ceux que nous connaissons. S’il s’agit d’une nouvelle progéniture, encore inconnue, cela pourrait changer l’équilibre du pouvoir entre Toruk et sa progéniture. Cela pourrait affecter la forme et les objectifs de votre invasion. C’est une question qui ne peut pas attendre.

Un dragon dont on ne sait rien ? L’ogrun pencha sa tête en arrière, puis en avant, son crâne fissuré émettant une lumière verte nécrotique. Comment est-ce possible ? N’êtes-vous pas la volonté de Toruk ? N’êtes-vous pas guidés par Toruk ?

« Toruk nous a laissé, à moi et à mes prédécesseurs, le soin de cataloguer sa progéniture, et notre liste n’a jamais été complète. Comme vous, on m’informe précisément tout ce que notre maître juge bon de dire ou non. Des milliers d’années se sont écoulées depuis que Toruk a créé sa progéniture, et ils étaient aussi inférieurs à lui que les mortels le sont pour nous. Pourquoi Toruk se donnerait-il la peine de connaître leurs noms ? De plus, des dragons se sont dressés au cours des ères ayant suivi la première division de l’athanc. Dans l’est lointain, les géants qui ont vaincu le dragon Erdross ont bêtement divisé son athanc, donnant naissance à Ashnephos et Charsaug à sa place. Certaines preuves suggèrent que Scaefang a donné naissance à Halfaug. Il s’agit peut-être d’un cas similaire. Quelle que soit la raison, la possibilité d’un nouveau dragon nécessite un minutieux examen. Toruk s’attend à ce que nous, ses plus fidèles serviteurs, adaptions nos plans. Ceux qui coopèrent pas lui seront signalés ».

L’ogrun ferma la bouche. Le ton de Daeamortus fut plus humble lorsqu’il demanda : « Cette information vous est-elle parvenue par Malathrax ? A-t-elle été confirmée ? »

Venethrax s’approcha de la table et de la carte. « J’ai mes propres sources, comme vous le savez ». Le Seigneur Malathrax et son réseau de renseignement avaient plus souvent retardé Venethrax plutôt que d’accélérer son travail par le passé. Venethrax n’avait pas de temps à perdre avec de telles préoccupations. Il avait déjà perdu assez de temps à essayer de vérifier les rapports initiaux, refusant de croire qu’ils lui disaient.

Un dragon inconnu. Un nouveau danger pour l’empire et le Père des Dragons. Il comprenait les doutes de ses compagnons d’armes. La parole de la plupart des seigneurs liches n’était pas digne de confiance, même de ceux qui servaient le même cause. Bien que Venethrax ne voyait pas l’utilité des subterfuges, de la ruse et de la trahison, en cas de nécessité absolue, il n’hésitait pas à les utiliser. Mais la justesse évidente de cette mission rendait les manipulations et les intrigues superflues. La volonté de Toruk se révélerait, jour après jour. En attendant, Venethrax garderait un œil prudent sur les autres serviteurs de Toruk, en particulier Daeamortus et Malathrax.

« Je suppose qu’il n’y a rien d’autre à ajouter, alors », dit Terminus, son regard balayant l’acolyte ogrun. « Y en a-t-il, Daeamortus ? »

En effet non.

La liche ailée hocha la tête, puis se concentra à nouveau sur Venethrax. « Et dans combien de temps partirez-vous ? »

« Il y a des exigences qui doivent être accomplies en premier . . . » Venethrax énuméra ses besoins, y compris des fournitures et des troupes supplémentaires. Terminus hocha simplement la tête lorsque Venethrax mentionnait chaque élément. Daeamortus n’était pas aussi silencieux.

C’est tout ? Et quelques légions de soldats ou une centaine de helljacks lourds ?

À la surprise de Venethrax, ce fut Terminus qui balaya d’un revers de la main les paroles de colère de la liche. La liche ailée prit un parchemin sur une petite plateforme sous la table à carte. « Vous constaterez que cela correspond assez étroitement à votre demande. Nous pouvons faire des ajustements supplémentaires si nécessaire ».

Pris au dépourvu, Venethrax ouvrit le parchemin. Il présentait une répartition des forces de réserve étrangement similaire à celle qu’il avait demandée, quoique plus petite à plusieurs égards. Cela indiquait qu’ils étaient prêts et pouvaient être envoyés à court terme.
Venethrax leva les yeux. « Il reste la question de- »

Terminus secoua la tête. Ses ailes se déployèrent et prirent toute leur ampleur, le rendant deux fois plus imposant. Un soupçon d’amusement noir effleura ses paroles. « Vous voyez, il n’est pas nécessaire de perturber l’invasion. Vous êtes très convaincants lorsque cela a été planifié à l’origine. Apparemment, Toruk a pris le temps d’écouter nos discussions à l’époque. Le Père des Dragons a demandé au Seigneur Liche Scopulous de garder des réserves prêtes au cas où les premiers engagements nécessiteraient un soutien immédiat. Nous détournerons cette partie de ces réserves pour votre usage. Terminus haussa les épaules. « Cela réduit notre marge d’erreur mais dans une mesure acceptable. Si vous avez besoin de plus que cela, ce sera plus… gênant. Je vous recommande de vous contenter de cela. L’invasion doit avoir lieu ».

Venethrax était conscient des difficultés que Terminus avait dû surmonter pour en arriver à cette conclusion. Il comprenait aussi la menace se cachant derrière les dernières paroles de Terminus. Il était prêt à se battre contre Venethrax sur ce point, si on le poussait. Bien que cela ne le laisse pas indifférent, Venethrax savait que le Père des Dragons serait satisfait si son expédition et l’invasion pouvaient se dérouler comme prévu. Une confrontation inutile avec Terminus et Daeamortus ne servirait pas les objectifs de Toruk.

« Cela fera très bien l’affaire », répondit Venethrax.

Les ailes de Terminus se remplièrent vers l’arrière. « Nous sommes heureux de l’entendre ».
Venethrax enroula le parchemin et le tint contre son flanc gauche. Grendov s’en empara puis recula. « La flotte d’invasion quitte Scharde à l’heure ? »

« Naturellement ».

Venethrax hocha la tête. « Alors nous naviguerons de concert ».

* * *
La Griffe du Père des Dragons se distinguait du reste des navires s’embarquant pour l’Invasion Scharde. Contrairement aux larges et lourds navires de Terminus remplis de tous les membres de l’Empire du Cauchemar, la Griffe du Père des Dragons était un navire long et élégant, conçu pour la vitesse. Tout indice impliquant un dragon pouvait devenir inutile en quelques jours. Venethrax avait été judicieux, prenant le temps de vérifier ses informations concernant cette chasse particulière. Mais maintenant qu’il s’était engagé, il devait être rapide, de peur que la piste de leur proie ne se refroidisse.

Bien que léger sur l’eau, la Griffe du Père des Dragons disposait d’un grand nombre de canons et d’un solide équipage pour les manier. Venethrax sélectionnait chaque membre potentiel de sa force de combat et supervisait personnellement leur formation. Ceux qui survivaient à ce processus constituaient une unité militaire qu’il considérait comme l’élite de l’empire. Élite, bien qu’aussi sacrifiable, songea Venethrax. Il se tenait à la proue, regardant le navire devant lui. Sa grande voile pendant derrière le mât, tout comme celle de la Griffe.

Grendov, à sa gauche, rompit le silence. « Vous avez été magnanime avec les autres warcasters, mon seigneur. Vous auriez pu exiger tout ce que vous demandiez et plus encore.

« La cupidité au service de Toruk est un manquement aux répercussions permanentes, si cette cupidité consiste en plus que le désir de plaire au Père des Dragons. Terminus a bien représenté ses arguments ». Venethrax avait mentalement répété cette phrase pour masquer son dégoût total pour les autres, en particulier Daeamortus.

« Oh, assurément, mon grand et glorieux seigneur. Je - » Grendov se tut lorsque la forme encapuchonnée de l’ogrun de la réunion s’approchait de la rambarde.

« Avec votre permission », dit Maleevus, s’exprimant cette fois seul, « j’ai a conversé avec le capitaine. Nous partirons ensuite- »

« Je suis au courant », déclara Venethrax. « Qu’est-ce que votre maître a réellement à dire qui t’oblige à m’embêter ? »

Maleevus s’inclina. « Mon maître a parlé de votre compréhension rapide avec beaucoup d’admiration, mon Seigneur Venethrax ». Venethrax rejeta le mensonge évident en se détournant de l’ogrun, qui ne s’arrêta qu’un instant avant de poursuivre. « Mon merveilleux seigneur Daeamortus souhaitait simplement vous rappeler que le rendez-vous de retour doit avoir lieu à l’heure convenue, sinon, la Griffe du Père des Dragons pourrait se retrouver toute seule en territoire hostile, où ni lui ni le Seigneur Terminus ne pourront vous arracher à l’étreinte cygnaréenne ».

« Soit toi, soit ton maître est trop éloquent. Rappelle à Daeamortus que cette lame est à double tranchant. Je ne serai pas en mesure de le sauver si l’invasion à laquelle il semble ne pas croire échoue et que l’on me demande dégager la poigne cygnaréenne de sa propre gorge. L’ogrun – où plutôt, quel que soit l’esprit sombre que Daeamortus avait choisi pour habiter la coquille animée – ne mordit pas à l’appât. Maleevus s’inclina de nouveau, cette fois plus bas. « Il ne se soucie que de votre bien-être. Il n’y a pas que Toruk qui souffrirait su nous perdions la Griffe du Père des Dragons ».

Venethrax ignora une fois de plus les paroles flatteuses de Maleevus. Malgré le rôle de moniteur que l’acolyte était censé jouer, informant Venethrax et l’invasion des progrès de chacun tout au long de la quête, il n’était que les yeux et les oreilles de Daeamortus. L’autre seigneur liche ne s’attendait peut-être pas à prendre Venethrax en défaut au cours de sa chasse, mais si une erreur était commise et pouvait nuire au Limier du Père des Dragons, Daeamortus le ferait savoir dans tout l’empire.

Les pensées de Venethrax dérivèrent avec le pot au noir. Cherche autant que tu peux à travers ton serviteur, Daeamortus. Tu ne trouveras aucune faut dans mes efforts pour notre seigneur, tant que je permets à ce serviteur de vivre. Il me sert autant qu’il te sert. Tu ne sais tout simplement pas.

Le navire fut secoué et gîta. Un vent d’origine non naturelle gonfla ses voiles. En quelques secondes, la Griffe du Père des Dragons se déplaçait dans la baie enveloppée de brouillard. L’acolyte de Daeamortus s’éloigna.

Les formes pâles et cornues des pillardes satyxis se déplaçaient, s’assurant que le navire se déplaçait en douceur et suivait son cap. La plupart d’entre elles avaient participé à d’autres voyages avec Venethrax, mais il y avait de nouveaux membres dans l’équipage pour remplacer celles qui avaient péri lors de la dernière expédition. Les pillardes portaient peu d’armure, sauf aux endroits les plus vitaux. Cela leur offrait une vitesse et une dextérité ayant surpris plus d’un ennemi. Bien que mortelles, elles étaient très respectées par leurs maîtres morts-vivants.

L’une d’entre elle se dirigeait vers Venethrax, totalement indifférente aux efforts acharnés de ses homologues. Bien que pour la plupart, elle ressemblait à n’importe quelle autre pillarde, un examen approfondit de l’insigne sur sa poitrine révélait le crâne de profil de la bannière de Venethrax.

Dracia Seareavers était au service de Venethrax depuis cinq ans maintenant ; elle avait déjà tué un rejeton draconique qui avait essayé de lui arracher le bras en plantant son épée directement dans sa gueule. La grande cicatrice de ce combat traversait l’arrière de son bras gauche, l’épaule et la poitrine. Dracia était plus petite que la moyenne des satyxis, et elle utilisait cette petite taille comme une arme, permettant à ses adversaires de penser que cela leur donnait un avantage. Venethrax l’avait vue égorger plus d’un imbécile d’un seul coup de son épée ou même des vicieuses  pointes de ses cornes.

« Il est temps que nous mettions en route », dit-elle d’un ton sec. De tous ses serviteurs, seule Dracia pouvait montrer un tel manque de respect en sa présence et survivre l’instant d’après. Ses compétences étaient si précieuses.

« Notre petite Dracia est plus bouleversée que d’habitude », fit remarquer Grendov. Sa main se dirigea vers la longue épée pendant à son flanc, puis hésita. « Non », dit-elle, « ça ne ferait que l’exaspérer de te découper en tranches. Et avec ma chance, tu serais remplacé par cette chose ogrun… ou par elle ».

« Aaah, nous avons notre raison », déclara Grendov. « Vous ne pouvez penser qu’au capitaine, qui dit tant de bien de vous ».

La lame s’élança, s’arrêtant juste qu’à un cheveu de la gorge de Grendov. L’acolyte ne donna aucun signe que la menace le dérangeait, bien qu’il s’arrêtât de parler.

« Dracia », gronda Venethrax. « Notre histoire ne vous accorde pas l’impunité ».
Elle baissa l’arme.

L’air toujours aussi imperturbable, Grendov s’assura d’abord que son masque de chair restait en place avant de prendre sa parole. « Bien sûr, si elle est négligente dans ses commentaires vous concernant, c’est un voyage en mer et les gens tombent à la mer aux moments les plus étranges ».

Dracia rengaina son épée. « Un moment en particulier ? »

L’acolyte haussa les épaules. « Cela arrive souvent pendant- »

Ils reculèrent tous deux lorsque la fournaise de nécrotite de Venethrax s’embrasa.

Dracia recula, tandis que Grendov cherchait à protéger son visage de la chaleur.

Reprenant le contrôle de la fournaise, le warcaster les examina tous les deux. « Il n’y aura pas de complots, pas de vendettas, durant ce voyage. Je ne tolérerai aucune distraction qui pourrait coûter son objectif à cette expédition. Suis-je bien clair ? »

La paire hocha la tête sans dire un mot.

« J’ai des ambitions ici. Les vôtres doivent être de veiller à ce que je les atteigne. Et que ceux qui ont envie de désobéir se souviennent du destin de Jediah ».

La main de Grendov couvrit a moitié inférieure de son visage de manière protectrice. Dracia déglutit. La paire jeta un coup d’oeil vers la proue, où la forme en chêne d’un squelette hurlant se dressait comme figure de proue.

Sauf que, bien que enveloppé de chêne, le squelette n’était pas en bois. En dessous, scellé depuis trois ans par le pouvoir du Seigneur Venethrax, l’acolyte Jediah regardait la mer.

« Jediah a perdu de vue ce qui était important », déclara Venethrax, quittant le bastingage pour rejoindre ses quartiers. « Important pour moi. Maintenant, il gardera toujours un œil sur la mission à venir. Peu importe sa souffrance ».

Dracia salua, puis trouva quelque chose d’intéressant à bâbord. Un Grendov calme vint se placer derrière son maître.

Et Jediah regardait fixement devant lui.

* * *
Deux jours et deux nuits s’écoulèrent dans les eaux troubles au-delà de Skell, le brouillard était si épais que la plupart des yeux ne parvenaient pas à distinguer la lumière de l’obscurité. Pour la plupart des créatures de l’Empire du Cauchemar, le passage de l’une à l’autre n’était utile que pour suivre le temps. Les liches comme Venethrax travaillèrent sans relâche pendant toute la période, prouvant leur supériorité sur les créatures mortelles, qui pouvaient au mieux tenir un ou deux jours à un tel rythme.

Venethrax se pencha sur ses notes et les parchemins liés à cette quête particulière, bien qu’il les ait lus des centaines de fois auparavant. Pourtant, en ce qui concerne les dragons, on ne pourrait jamais s’imprégner de suffisamment de connaissance. Même s’il ne découvrait qu’une seule petite information négligée, le temps en valait la peine. D’après son expérience, ce sont les détails qui décident des batailles.

Le vacarme d’une certaine agitation s’éleva des ponts inférieurs. Venethrax l’ignora au début, mais il devint plus fort, et avec le temps, il trouva cela distrayant. Le seigneur liche se leva, sortit de sa cabine, les pillards inquiets lui laissant le champ libre pour descendre dans les entrailles du navire. Venethrax connaissait déjà la source du bruit bien avant d’avoir atteint le sombre et obscur compartiment à l’arrière. La liche jura en silence quand il vit que les deux gardes ogrun noirs qu’il avait ordonné de poster à la porte du compartiment manquaient à l’appel. Deux traînées de sang passaient sous la porte.

Il terrorise l’équipage quand il n’obéit pas, pensa Venethrax.

Le warcaster ouvrit la porte. À l’intérieur, la fétide puanteur de la chair pourrie se mêlait à l’odeur tiède de la viande fraîchement coupée.

Sous une faible lumière émeraude, un nécrotech travaillait fiévreusement sur ce qui avait été autrefois un ogrun, à en juger par la forme générale des restes éparpillées sur la table de la cabine. Ses quatre bras métalliques s’élançaient encore et encore vers le cadavre. Un appendice se terminait par une griffe à quatre doigts, un autre par un drain tubulaire, un troisième avec une fine longue lame chirurgicale et le dernier avec ce qui semblait être une aiguille à coudre. Un mécanisme le long du dernier membre alimentait l’aiguille en fil depuis des bobines empilées dans l’ombre de la table.

Le nécrotech se murmurait à lui-même pendant qu’il œuvrait, sa voix était rauque. Sa bouche édentée frémissait alors que son ton montait et descendait, se louant et se maudissant. Venethrax distinguait un mot ici et là, mais un seul le concernait.

« Nécrotite », répétait-il encore et encore. « La théorie… ça devrait être fiable ! Besoin de plus de réaction… nécrotite… doit se former… »

Le corps de l’autre garde était accroché au mur derrière le nécrotech. Venethrax devait admirer la rapidité avec laquelle la créature avait non seulement éviscéré les deux, mais avait même commencé une chirurgie exploratoire sur le premier. Il avait tout de même promis de s’abstenir pendant l’expédition.

« Kankur ».

Seul ton glacial du seigneur liche aurait pu arracher l’être obsédé par son travail. La tête glabre et ivoire pivota pour faire face à Venethrax, tandis que les quatre membres ralentissaient leur œuvre.

« Seigneur Venethrax, Seigneur Venethrax », salua Kankur en se redressant. Ni les traits ni la forme n’indiquaient si les composants mortels avaient été masculins ou féminins. Les yeux étaient circulaires et, selon la propre conception de Kankur, fait pour sortir afin qu’il puisse voir de plus près son travail. Il n’y avait pas de nez, seulement deux volets s’ouvrant et se fermant au fur et à mesure que le nécrotech s’exprimait. Des plaies putrides s’étendaient sur toute sa tête, en partie le résultat du travail de Kankur.

« On t’a ordonné de laisser les vivants tranquilles ».

« Ho la la, oh la la », siffla le nécrotech. « Vous parliez aussi des ogrun. Je pensais que vous ne parliez que de l’équipage actuel ». Les bras s’écartèrent dans ce qui semblait être de l’embarras.  « Je pensais que vous aviez mis ceux deux-là de côté pour mon usage ».

« J’ignorai ce mensonge calculé ou ton incompréhensible stupidité. Tu as déjà été prévenus auparavant. Ils sont peut-être mortels, mais ils ont des usages particuliers que les morts-vivants ne peuvent pas toujours égaler ».

« En êtes-vous certains ? Vraiment certain ? Je suis en pleine recherche ! Je pourrais enquêter sur ce que vous dites pendant que je travaille sur ma propre quête ».

Venethrax envisageait la destruction du défiant Kankur, mais avec le temps, le travail du nécrotech pourrait avoir de la valeur. « Ta théorie doit être mise de côté pour la durée de ce voyage ».

« Mais pensez, pensez seulement. Combien de fois, l’épuisement de la nécrotite a-t-il gêné vos chasses, Seigneur Venethrax ? Combien de batailles ont été perdues parce que nous avons abusé de nos stocks de nécrotite ? Si nous pouvions créer de la nécrotite, nous aurions une réserve d’énergie sans fin. Nous serions inarrêtables ».

Le warcaster choisit de ne pas répondre à cette question, bien que Kankur ait soulevé un point valable. Les échappements sur le dos du seigneur liche évacuaient en permanence les restes gazeux de la substance arcanique alimentant l’armure de Venethrax. Alors que la nécrotite avait une longue durée de vie, l’intensive utilisation souvent nécessaire pour combattre un rejeton draconique pouvait l’épuiser sans avertissement. Mais cela n’excusait pas l’ignorance délibérée de Kankur des ordres de Venethrax.

« Recouds-les », ordonna-t-il. « Utilise ce qui peut-être utilisable. Et assure-toi que cela ne se reproduise pas. Je suis aussi disposé à te détruire qu’à t’avertir ».

« Pardonnez-moi, pardonnez-moi, Seigneur Venethrax », dit Kankur. « Dans le feu de l’étude, j’oublie parfois… »

« Oublie encore, et tu seras sur la table et Grendov et Dracia feront l’opération ».

Ses quatre membres s’affaissèrent. Pour une fois, l’obsession disparut de ses yeux ronds, et la peur pris le dessus. Venethrax hocha la tête. La meilleure façon de garder les lieutenants de le rang est de s’assurer qu’ils se méfient les uns des autres, tant qu’ils craignent encore plus leur maître.

Kankur débuta le rangement du massacre. Venethrax ne se souciait pas des deux gardes morts, qui méritaient de devenir des pièces de stock s’ils n’avaient pas appris à surveiller leurs arrières en Cryx. Mais il garderait les autres ogrun loin de Kankur. En tant que groupe, ils étaient plus que capables de détruire le nécrotech. En tandis que le warcaster avait besoin de l’ogrun pour certaines tâches, il avait besoin de Kankur pour plus encore.

Le navire bascula. Le nécrotech dû s’accrocher à la table pour garder l’équilibre. L’appendice couteau s’enfonça dans la carcasse de l’ogrun pour l’empêcher de glisser. Venethrax ajusta son pied, mais un bruit sourd venant d’en bas lui fit serrer le poing. Son équipage se comportait comme une bande d’amateurs pour leur premier voyage en mer.

Il envoya une pensée au niveau inférieur : « Talyn ! Reste tranquille !

Le bruit sourd se calma.

« Débarrasse-toi de ce bazar », déclara le warcaster.

Avant que le nécrotech ne puisse à nouveau répondre, Venethrax avait déjà quitté le compartiment. La porte se ferma toute seule derrière lui. Malgré la relative liberté de Kankur, même le nécrotech devait se méfier de son maître.


* * *

elric:
Deux nuits plus tard, les navires étaient au rendez-vous avec la Flotte Noire de l’empire, qui était revenue de ses propres opérations pour renforcer l’invasion. Venethrax aurait préféré que la flotte combinée parte immédiatement, mais après tant de mois en mer, Skarre Ravenmane et ses pirates avaient besoin de refaire de se réapprovisionner. La Flotte Noire avait été très occupée ces trois derniers mois, comme pouvaient en témoigner les mortels de la Côte Brisée.

Une missive arriva du Veuf, navire amiral non seulement de la Flotte Noire mais aussi de toute la marine cryxienne. La reine des pirates souhaitait une rencontre personnelle avec Venethrax. Il n’avait envoyé aucune réponse. Peu de personnes rejetaient une telle demande de Skarre, mais lambiner avec la politique n’aurait pas aidé la mission. Ils n’avaient pas beaucoup de temps. Avec Terminus et Daeamortus à bord d’autres navires, Skarre ne manquerait pas de compagnie pendant qu’elle œuvrait à renforcer les alliances au sein de l’empire. Daeamortus, en particulier, appréciait les machinations, car il faisait tout ce qui nourrissait son sentiment d’importance personnelle.

Au matin, les pirates avaient été réapprovisionnés. La flotte d’invasion était prête à appareiller. Ce n’était pas trop tôt pour le seigneur liche, qui s’irritait des constants retards.

La flotte se glissa vers sa destination, silencieuse comme une brise froide dans la nuit. Pendant le voyage, Venethrax ne quittait ses quartiers que par nécessité, maintenant une présence suffisante pour rappeler à tous les membres de l’équipage le but de leur voyage. Ses apparitions changèrent le comportement de la plupart des membres de l’équipage, les faisant fuir son ombre. Il appréciait leur peur.

Ce soir, Venethrax venait de débuter sa ronde quand il entendit la voix du capitaine.
« Si délicat, comme un nouveau-né de sexe masculin ».

Ses paroles n’étaient pas un compliment. Les bébés mâles de son espèce étaient généralement les plus dignes de sacrifices. Venethrax se déplaça vers les voix. Il était probable que Mave faisait référence à Dracia. La capitaine portait une cicatrice intéressante en travers son visage la lame qui l’avait créée lui avait également coupé le nez. Elle se moquait souvent de Dracia qui paraissait si « intacte » en comparaison, malgré sa cicatrice proéminente.

« Viens en ajouter une autre, si tu le peux ». La voix de Dracia s’éleva en réplique. Malgré les avertissements de Venethrax, elle ne s’était pas éloignée de son ancienne rivale.

Venethrax atteignit le pont principal, et se dirigea vers les voix. Il les rencontra près de la rambarde bâbord. Là, Dracia lançait un regard furieux à Mave, qui se tenait près du pont central. Deux autres pillardes flanquaient le capitaine, les mains sur la garde de leur épée. Dracia n’avait pas semblé impressionnée par les chances de trois contre un. Sa main agrippait la poignée de son épée longue.

L’une des camarades du capitaine remarqua que Venethrax approchait. Elle murmura quelque chose à Mave, qui relâcha le pommeau de son lacérateur.

Dracia regarda dans la direction de Venethrax. Elle parut bouleversée de son arrivée – et elle se redressa de toute sa taille alors qu’elle et Mave rétrécissaient. Ils les dévisagèrent tous les deux avec un malaise croissant. Quand il parla, elles pâlirent toutes les deux.

« Je n’ai pas été clair », grondât-il. « J’ai vu de l’idiotie et la folie dans ce voyage, mais je permettrai pas à votre petite arrogance de compromettre ma mission. Vos gorges ».

Quelque chose bougea en bordure de sa vision. C’était Maleevus Zendt qui s’éloignait de l’incident en rampant, ce qui fit que le seigneur liche se demanda si Daeamortus avait participé à l’organisation de ce conflit.

Je devrais exiger ta gorge aussi, pensa-t-il alors que Maleevus regardait en arrière pour voir s’il était suivi. Ou peut-être devrais-je te forcer à te décapiter toi-même. La faire flotter à travers les eaux pour que Daeamortus la pêche et la pleure.

« Mon seigneur ? » demanda Mave.

« Gorges ». Je vais les trancher toutes deux maintenant.

Dracia semblait sur le point de sauter par-dessus bord, mais elle leva lentement le menton, fermant les yeux, jusqu’à ce que Venethrax puisse voir sa gorge exposée.

« Qui sera la capitaine du - ? » Débuta Mave, mais Venethrax l’a coupa.

« Tu n’as pas besoin d’être en vie pour que j’atteigne mon objectif ». Venethrax posa une main gantée sur Fléau des Dragons. « Je ferai en sorte que ta mort soit aussi rapide que tu avais l’intention d’offrir à Dracia.

Lentement, comme la marée attirée contre sa volonté par la lune, Mave releva le menton. Elle garda les yeux ouverts, fixant Venethrax.

« Mon seigneur », la voix de Grendov provint de derrière lui. « Puis-je vous m’exprimer ? Cela concerne Talyn ».

Venethrax fixa la paire un moment de plus, imaginant la terreur qu’elles ressentaient toutes les deux, attendant son action. Avec amusement, il retira la main de son arme.

« Encore deux nuits », les prévint-il. « J’irai seul à terre pendant que tout l’équipage de ce navire gît mort dans les eaux derrière moi si je le dois. Je suis fatigué des distractions inutiles découlant de l’arrogance et de la stupidité. Il meurt maintenant, ou c’est vous qui mourrez ».

Un scylla se posa sur le bastingage à proximité. Alors que Venethrax et les autres observait, l’un des membres se précipita vers l’oiseau et retira un petit parchemin de la poche située en dessous.

Bien que le protocole stipule que tout message de ce type doit être apporté au capitaine, le warcaster intercepta le membre d’équipage et lui tendit la main. Le pirate n’était pas assez stupide pour choisir Mave plutôt que Venethrax.

« Nous somme sur les premiers cygnaréens », murmura Venethrax. Il transmit le message à la pillarde, puis chercha Maleevus. Loin d’être surpris, l’acolyte était absent quand le seigneur liche quand le seigneur liche le voulait vraiment. Il se demanda si Daeamortus avait une connaissance préalable du changement de position des cygnaréens. Certes, ils étaient déjà assez près de la côte pour avoir été sur leurs gardes avant de rencontrer l’ennemi, mais Venethrax se demanda quand même si quelqu’un avait négligé de le tenir informé.

Il sentait la trahison, à la fois délibérée et déraisonné, tout autour de lui.

La Griffe du Père des Dragons vacilla en prenant un nouveau cap. À présent, Mave avait lu les nouvelles. Si elle tenait à la vie, elle ferait en sorte que le navire soit prêt à se séparer au moment où les deux forces s’engagerait. Les silhouettes des navires impériaux se matérialisaient et disparaissaient dans le brouillard tandis que la Griffe du Père des Dragons se dirigeait vers l’extrémité sud de la flotte. Le vaisseau de Venethrax fendait l’eau avec aisance. Le silence régna pendant quelques minutes encore, ce silence de mort présageant toujours une bataille sanglante. Une partie de Venethrax s’agita en prévision du carnage, mais même le plaisir de la bataille pâlit à côté de la glorieuse tâche de servir Toruk comme il le faisait.

Puis, loin devant, des coups de canon éclatèrent. Un autre tour suivit immédiatement, tous deux provenant de la flotte impériale. Une réponse tonna dans la direction opposée, donnant enfin à la liche une idée de l’endroit où se trouvait l’ennemi.

Trop proche.

Le Limier de Toruk ne craignait pas les mortels, mais il redoutait les répercussions possibles sur son expédition s’il était pris dans la bataille. Il avait besoin de réponses qu’un seul membre d’équipage pouvait lui donner.

« Trouvez-moi Maleevus Zendt. Maintenant ».

« Ce n’est pas nécessaire ». L’acolyte était revenu. « Je suis là. Mon seigneur Daeamortus souhaite vous informer que le Seigneur Terminus et lui ont tout en main et que la Griffe du Père des Dragons peut toujours partir comme prévu. Cette rencontre n’était pas imprévue, bien sûr. Il y avait des rumeurs de modifications possibles dans le parcours des cygnaréens qui correspondent à ces - »

« J’aurais dû être informé. Qui a choisi de me laisser dans l’ignorance ? »

L’acolyte s’inclina. « Mon seigneur à des remords face à cette évidente erreur. Il voulait vous en parler en personne », le son des coups de canon résonnait au-dessus d’eux, « mais comme vous pouvez l’entendre, il est très occupé ».

Venethrax réfléchit un instant puis dit à l’acolyte : « Peut-être que la bonne fortune permettra aux cygnaréens de nous priver de l’opportunité de cette conversation plus tard ». Il fit un signe à Grendov, qui s’approcha. « Assure-toi que le capitaine ne mène plus au sud ».

Un autre coup de canon explosa cette fois plus près. Venethrax entendit le plouf d’un boulet de canon heurtant l’eau. Il doutait que l’ennemi puisse voir son navire, mais même une frappe fortuite comportait trop de risques.

L’élégant navire vira à nouveau, se détournant des tirs proches. Venethrax jeta un coup d’oeil par-dessus la balustrade et repéra d’abord les lanternes, puis la forme d’un autre navire, beau coup plus grand, qui s’approchait — clairement pas un navire de l’Empire du Cauchemar.

À son crédit, Mave continua à tourner plus au sud bien qu’elle n’ait pas reçu les instructions de Venethrax. Le navire de guerre cygnaréen disparut à nouveau dans la brume noire.

La Griffe du Père des Dragons se frayait un chemin dans les eaux froides à un rythme soutenu. La volée suivante que Venethrax entendit était éloignée, mais le seigneur liche savait qu’il ne fallait pas abaisser sa garde ; son vaisseau n’était pas encore à l’abri de la lutte. D’ailleurs, le brouillard commençait à se dissiper. Bien qu’il ne soit pas gênant pour la flotte, il présentait un potentiel nouveau problème pour lui.

Une explosion se répercuta parmi les flottes combattantes. Des flammes vertes brûlèrent suffisamment le brouillard pour révéler un trois-mât englouti. Ce n’était ni un vaisseau impérial ni l’énorme navire cygnaréen que le seigneur liche avait vu plus tôt. Il observa un instant avec plaisir le feu fantasmagorique dévorer chaque planche du bateau. Des cris rejoignirent le crépitement des flammes, une symphonie à ses oreilles. Il voulut attraper Fléau des Dragons, tant sa soif de combat était forte. Mais ce combat n’était pas destiné à être le sien. Un autre, plus important, l’attendait.

Le navire en ruine dérivait latéralement, devenant un fantôme vert, puis juste un soupçon de flamme dans la brume.

Un lourd bruit sourd vint du dessous du pont. Venethrax regarda dans le vide, se concentrant. Reste tranquille, Talyn ! Cette bataille n’est pas la nôtre !

Il sentit la force bestiale se calmer à contrecœur. Le bruit sourd cessa.

« Comment se déroule la bataille, Maleevus ? » demanda la liche. « Tout est en ordre ? Avons-nous eu la chance de perdre ton maître ? »

L’ogrun s’immobilisa, puis répondit : « il vit. Son ardeur et son plaisir sont un régal pour mon esprit. La bataille doit bien se dérouler jusqu’à présent ».

Ce n’était pas une réponse aussi satisfaisante que Venethrax l’aurait souhaité – il aurait préféré l’entendre que c’était résolu ou, à tout le moins, que Daeamortus avait été tranché en deux – mais c’était plus que ce à quoi il s’était attendu. Il reporta son attention sur les événements au-delà du bastingage. À travers la brume qui s’amenuisait, la liche remarque plus de formes. Certains qu’il pouvait identifier par leurs contours ou par leur lueur comme des vaisseaux impériaux ou l’ennemi ; d’autres qu’il devinait, en fonction de leurs positions.

Une autre salve traversa le grand mât d’un vaisseau impérial. Une partie du tir explosa, déversant une substance ardente sur le pont. Elle se répandit comme si elle était vivante, engloutissant à la fois la structure et l’équipage.

La Griffe du Père des Dragons poursuivait son rapide départ. En étudiant la scène du carnage qui s’amenuisait, Venethrax vit, avec un moment de soif de sang frustrée, que l’ennemi n’avait pas remarqué son navire. Les Seigneurs Terminus et Daeamortus avaient fait leur part. Maintenant, ils n’avaient plus qu’à s’occuper de l’invasion. Le reste dépendait de Venethrax et de son équipage.
Le warcaster grinça des dents d’anticipation. Comparé au potentiel affrontement auquel lui et ses subordonnés devaient faire face, les autres seigneurs liches avaient une mission facile.

* * *
La Griffe glissait sur les vagues, mais malgré sa vitesse, le navire cygnaréen se rapprochait. Une nouvelle couche de brouillard s’était levé, mais elle ne serait pas suffisante pour cacher même leur vaisseau noir à une distance aussi proche. Le warcaster ne recherchait pas activement la bataille, mais il semblait que le destin ne lui accorderait pas le choix.

Le navire cygnaréen était maintenant si proche que les personnes à bord du vaisseau de Venethrax pouvaient distinguer les détails. Venethrax prit le mesure de l’ennemi. Il était hérissé de canons. Un warjack Chargeur, un double canon attaché à son bras gauche, montait la garde à la proue. Ce warjack et le complément de canons du navire n’était que des fragments de la puissance de l’ennemi.

Mais là encore, la liche avait ses propres surprises.

Le navire de guerre cygnaréen arrivait par bobard. Venethrax jugea la distance, comptant les secondes qu’il faudrait à l’ennemi soit à portée d’une bonne bordée.

Les canons bâbords de la Griffe ouvrirent le feu.

Venethrax grinça des dents, car la plupart des tirs furent gaspillés dans l’eau. Quelques-uns réussirent à frapper l’ennemi, mais même ceux-ci s’écrasèrent sur le bastingage. Trop tôt, imbéciles ! Le seigneur liche maudit. Trop tôt !

Dracia fit écho à ses pensées. « Maudite Mave ! Maintenant, nous devons recharger avant qu’ils- »

Le vaisseau cygnaréen s’était approché et riposta avec un bien meilleur effet. Deux membres de l’équipage furent projetés dans les airs, l’une heurtant un mât et l’autre volant par-dessus le pont, dans l’eau au-delà du bastingage opposé. Le mât d’artimon fut fissuré par un autre tir, mais ne se brisa pas. Venethrax n’eut pas besoin de voir la coque pour savoir qu’elle arborait maintenant plusieurs planches brisées.

Il saisit Dracia par le bas. « Qu’elle ralentisse le navire et laisse passer l’ennemi. Aller ! »

Alors que Dracia obéissait, la présence de Grendov se manifesta dans l’esprit de Venethrax. Mon grand et-

« Parle ! »

Maleevus Zendt a donné l’ordre aux canons de faire feu.

« Ou est-il maintenant ? »

Près de la proue.

Appelant Toruk a dévoré tous les crétins, le seigneur liche se dirigea vers la proue.

Daeamortus doit sacrifier son saboteur maintenant.

Les canons de la Griffe s’exprimèrent à nouveau, cette fois avec un meilleur effet. Plusieurs sections du bastingage du navire de guerre explosèrent en shrapnels qui augmentèrent considérablement les dégâts sur le pont et l’équipage ennemi. Un canon du navire cygnaréen fut repoussé dans la coque, où il se coinça. Malgré cela, Venethrax ne voulait pas relâcher sa colère envers Maleevus qui avait interféré. Oui, les canons avaient fait un meilleur travail lors de la deuxième volée, mais sous une bonne direction, ils auraient pu causer dix fois plus de souffrance.

Finalement, il repéra l’acolyte ogrun parmi les pillardes, donnant des ordres, profitant de l’autorité que lui conférait sa position d’acolyte de Daeamortus. Venethrax ne savait pas encore si Daeamortus avait donné à Maleevus la permission d’un tel acte, ou même s’il l’avait ordonné. Et il ne s’en souciait pas vraiment.

Une autre volée ennemie éclata. Venethrax ouvrit la bouche pour crier sur l’acolyte – et se retrouver en train de dégringoler à travers le pont lorsqu’un tir rasant lui fit perdre pied. Il s’agrippa aux planches en ruine à temps. Bien qu’il ne craignît pas de mourir en plongeant – il était déjà au-delà de la mort – s’il se retrouvait coincé en bas, cela signifiait plus de temps perdu à essayer de renverser ce qui devenait déjà une débâcle.

Sa force alimentée par le nécrotite l’empêcha de perdre sa prise, mais remonter sans créer un trou plus grand et plus traître demanda toute sa concentration. En atteignant le pont et en se relevant enfin, Venethrax dégaina Fléau des Dragons et se dirigea vers Maleevus Zendt.

La confiance hautaine de l’acolyte rappelait tellement Daeamortus en personne que Venethrax imagina qu’il se débarrassait de son rival. Il chargea, Fléau des Dragons relevé. Juste au moment où il atteignit le nécroserf ogrun, Maleevus fut touché par le feu ennemi, le mettant à genoux. Il regarda Venethrax balayé Fléau des Dragons à travers lui, puis revenir pour le coup final. Les restes de l’acolyte éclaboussèrent les pillardes se tenant à proximités des canons.

Venethrax n’eut pas le temps d’admirer son œuvre, car la cause de la vulnérabilité de l’acolyte était la même raison pour laquelle le warcaster avait failli tomber au fond de la cale. Et c’était presque sur eux. Deux warjacks bleus tiraient sur les cibles se présentant à la proue de la Griffe. Chacun utilisait un lance-grenade à bon escient, malgré l’écart important entre les navires. En effet, alors que Venethrax regardait avec de plus en plus d’agacement, un des canons proche de l’endroit où se tenait Maleevus rejoignit l’acolyte dans l’oubli, emportant deux membres d’équipage avec lui.

Les dégâts n’auraient peut-être pas été si importants si la Griffe avaient ralenti suffisamment pour laisser passer l’ennemi, mais l’ordre que Venethrax avait donné à Dracia n’avait pas été respecté dans son intégralité. En conséquence, le navire cygnaréen avait pu compenser, ralentissant suffisamment pour obtenir plus de bons tirs à la fois de ses canons et de ses warjacks.

Le pont gronda à nouveau, mais ce ne fut pas une frappe ennemie qui en fut la cause. Venethrax hocha la tête en donnant l’ordre silencieux à Talyn et aux autres de finalement rejoindre le combat.

La Griffe fit une embardée, s’éloignant finalement du cygnaréen, mais à un rythme qui inquiétait Venethrax. Le navire continuait à virer brusquement, rapprochant sa poupe du navire de guerre cygnaréen.

Imaginant ce que n’importe quel commandant capable ordonnerait à ses artilleurs de faire si la poupe était pleinement visible, la liche se retourna et cria à Dracia. « Le capitaine fait trop tourner le navire ! Qu’elle nous ramène ! Dis-lui- »

« L’estimé capitaine n’est plus », cria Dracia en retour.

En effet, ce que Venethrax put distinguer de la rivale de Dracia l’instant d’après était un cadavre ravagé, à moitié étalé sue le bastingage proche de la barre. Le torse et le pont près de a roue étaient couverts de sang. Au-delà de la barre, une partie du crâne de Mave observait le ciel, comme si la pillarde morte demandait à un invisible esprit pourquoi cela devait lui arriver.

Curieusement, la zone autour de la barre était dépourvue de tout autre dommage. La liche regarda durant un instant Dracia, son expression aussi innocente qu’une satyxis pouvait l’être, s’éloigner de la barre pour appeler le second.

Elle peut me croire dupe. Pour l’instant. Il y aura des conséquences du défi plus tard.

Venethrax mit de côté la question de savoir comment Mave avait pu périr en l’absence d’un coup direct de l’ennemi. Ce qui était important pour le moment était de trouver un moyen de mettre fin à la bataille le plus rapidement possible. Près d’une douzaine d’autres victimes gisaient sur toute la longueur du pont, du mieux que la liche pouvait évaluer à partir des parties de corps. Au moins autant étaient probablement morts sur le vaisseau cygnaréen, mais que le navire de l’ennemi soit plus large que l’élégante Griffe, cela n’offrait pas beaucoup de réconfort à Venethrax.

En raccrochant Fléaux de Dragons, il leva son bras gauche et invoqua sa magie.

Feu de l’Enfer enveloppa l’un des warjacks ennemis. Il trébucha alors qu’il cherchait à faire face aux flammes fantasmagoriques – et un tir provenant de plus loin sur le bastingage de la Griffe traversa sa tête, achevant la machine.

Grendov, ordonna Venethrax. Soigne-moi.

Grendov s’était repositionné après le tir. L’arme qu’il brandissait ressemblait à un petit canon portable, une pièce d’artillerie que Venethrax avait fourni à l’acolyte. Le fait que Grendov ait réussi à tirer aussi rapidement après le sort de Venethrax n’était pas une surprise ; en tant qu’extension de la liche, Grendov savait où Venethrax désirait porter ses efforts, parfois avant même que le seigneur liche ne sache lui-même.

Mais les chances étaient à peines égales. Venethrax fit signe aux hommes armés de baisser la ligne de visée des canons. Compte tenu de la mer agitée, il risquait de tirer dans l’eau devant le navire cygnaréen, mais si le moment fut juste comme le seigneur liche le souhaitait…

Un autre canon et son équipe volèrent en morceaux, beaucoup trop près. Venethrax félicita les artilleurs ennemis pour leur précision.

Venethrax était finalement satisfait de l’emplacement des armes de la Griffe. Il ne perdit pas de temps à donner l’ordre.

La bordée frappa juste. Une bonne partie de la coque cygnaréenne se brisa. Trois autres canons ennemis furent hors d’usage.

« Beaucoup mieux », déclara Venethrax. « Léviathans — maintenant ».

Le grincement d’une écoutille résonna sur le pont. La liche vit à travers les yeux de ses deux helljacks alors qu’ils s’enfonçaient dans l’eau avec des mouvements arachnéens et tournaient autour de la poupe.

Malgré les dommages causés par la dernière volée de la I, le navire cygnaréen étaient loin d’être terminés. Ses derniers canons demeuraient fixés sur la ligne de flottaison de l’impérial alors même que les warjacks tournaient leur attention vers Venethrax.

Il essaya de localiser le manipulateur des warjacks – soit un warcaster, soit un contrôleur – mais jusqu’à présent, son ennemi restait caché. La liche s’étira de toute sa hauteur et laissa les warjacks l’observer attentivement.

Comme il s’y attendait, ceux qui ne s’étaient pas encore tournés vers lui le firent immédiatement. Même si ses ennemis pouvaient remarquer son visage, son sourire carnassier ne pouvait pas refléter sa réelle satisfaction quant à la façon dont son plan se déroulait maintenant.

Il sentit les Léviathans, presque à portée de tir, et calcula les secondes avant que leurs canons ne puissent tirer ou que le premier des warjacks ne puisse viser correctement. C’était juste assez d’écart.

« Feu ! » Hurla-t-il aux artilleurs.

Deux salves jaillirent de l’eau près de la poupe.

L’une frappa fort juste au-dessus de la ligne de flottaison. L’autre frappa le gouvernail, l’endommageant gravement.

Le navire cygnaréen vacilla. Quels que soient les tirs que l’ennemi avait espéré faire sur Venethrax furent perdus. Ce répit permis à Venethrax de se cacher, comme il l’avait prévu depuis le début.

Une autre salve toucha le gouvernail et la poupe de l’ennemi. Le cygnaréen pencha. Un des warjacks perdit pied et tomba par-dessus le bastingage.

La collision avec la mer projeta des vagues sur les deux ponts. Le warjack cygnaréen pataugea brièvement. La vapeur se répandit sur l’endroit alors que le ‘jack coulait.

Les canons ne pouvaient pas tirer sur les helljacks, mais les Chargeurs le purent. Réajustant leurs positions, ils se déchaînèrent sur les deux ennemis aquatiques.

Un Léviathan recula comme prévu, mais le second se heurta à la Griffe du Père des Dragons. Aussi minime que fut la pause, elle condamna le helljack. Les deux Chargeurs les plus avancés firent feu, réduisant le Léviathan à l’était d’épave.

Mais Venethrax était tout à fait prêt à sacrifier un Léviathan pour mettre fin au combat. Un gigantesque helljack avec les défenses caractéristiques d’un Faucheur fit irruption par les portes de la cale et grimpa sur le pont avec une incroyable agilité pour une chose aussi massive. Le Faucheur avait un blindage supplémentaire sur les épaules s’achevant sur des pointes acérées et un bras se terminant par un long harpon. Une paire d’orbes maléfiques teintées de vert nécrotique observait sous une épaisse arcade sourcilière. Une couronne de petites pointes s’élevait de son front jusqu’à l’arrière de ses épaules.

Comme le reste des ‘jacks, Talyn servait le volonté de Venethrax. Mais contrairement aux autres, le Faucheur le faisait avec une touche bien à lui. Venethrax tolérait ces touches et les appréciait même, car aucun autre ‘jack ne le servait aussi bien.

Malgré son apparence voûtée, Talyn était plus grand et plus large que les Chargeurs qu’il affrontait. Le faucheur ressemblait à d’autres de son modèle, sauf que sa rangée de pointes allait jusqu’à l’arrière et que la défense sur sa gauche était à moitié fondue. Cette défense avait été détruite lors de la première sortie de Talyn pour Venethrax, lorsque le rejeton avait failli le mettre en pièces. Malgré les considérables dégâts, le faucheur avait réussi à porter le coup fatal à son maître.

Lorsque les nécrotechs avaient essayé de réparer la défense, ils découvrirent à la leur grande consternation – et démembrement – que Talyn ne voulait pas qu’elle soit remplacée. Le Faucheur n’avait pas non plus permis que les plaques d’épaule et de tête désormais rouillées et usées par l’acide soient changées une fois le groupe revenu en Cryx. Venethrax laissa le Faucheur garder la défense et les plaques telles quelles, curieux de voir si d’autres idiosyncrasies apparaîtraient que la liche pourrait employer à son avantage.

Guidé par les ordres mentaux de Venethrax, Talyn s’était dirigée vers le bastingage, comme s’il ne savait pas qu’au moins deux Chargeurs le visaient déjà. Derrière le Faucheur se trouvaient deux autres Léviathans, semblant plus petits que Talyn malgré leur immense carrure. Ils se bousculaient pour prendre position, manœuvrant sur les côtés du Faucheur alors que celui-ci levait son bras droit et faisait feu.

Les warjacks à bord du vaisseau cygnaréen tirèrent en même temps. Les deux Léviathans subirent un barrage qui occasionna une collection de bosselures et un bras manquant, l’autre avec un œil brisé, du gaz de nécrotite s’échappant du torse avec un fort sifflement.

Au milieu de ce chaos, Talyn demeurait intact, faisant un pas en arrière et se protégeant partiellement avec les Léviathans. Le harpon traversa la coque de l’ennemi juste en dessous de la ligne de flottaison. Alors même que des tirs l’entouraient, le Faucheur retira la lance. Normalement, Talyn utilisaient le harpon pour traîner un adversaire empalé – machine ou autre – à sa portée, où il terminait le travail avec la pointe au bout de son autre membre. Maintenant, Talyn retira simplement  le harpon, créant un plus grand trou dans la coque de l’ennemi. La mer s’y engouffra.

Ce fut la goutte d’eau de trop pour le vaisseau cygnaréen. La gîte s’aggrava. Toujours en train de tirer, un deuxième Chargeur plongea dans les eaux sombres. Les Léviathans ouvrirent le feu sur l’équipage en fuite, les explosifs et les pointes en fer découpant l’ennemi à gauche et à droite.

Un tube sortit de la bouche du Faucheur. C’était une modification que Venethrax avait conçue lui-même, plus efficace contre un rejeton draconique mais utile dans n’importe quelle bataille.

Un panache d’acide noir traversa l’espace et éclaboussa le pont ennemi. Le bois, la chair, tout ce qu’il touchait brûlait immédiatement. Des hommes et des femmes hurlèrent quand l’acide brûla des trous dans leur corps.

Le navire cygnaréen embarquait de plus en plus d’eau. Certains des artilleurs tentèrent une dernière volée sur la Griffe, mais les tirs filèrent directement dans la mer. Deux warjacks restaient la seule menace viable, mais n’ayant pas d’assise stable, ils pouvaient à peine tirer sans tomber par-dessus bord. Au fur et à mesure que le navire cygnaréen gîtait davantage, il vira vers la Griffe du Père des Dragons. Ce fut un changement de cap soudain et anormal et, en effet, Venethrax remarque que le warcaster ennemi – un homme brun et barbu, probablement la quarantaine – se trouvait sur le bastingage opposé du vaisseau endommagé, et dirigeait une action avec ses mains.

La bataille n’était pas encore terminée.

Plusieurs membres de l’équipage cygnaréen se précipitèrent vers le bastingage le plus proche et sautèrent par-dessus dans une massive attaque sur la Griffe. L’équipage de Venethrax, y compris un contingent d’ogrun de la liche émergeant des ponts inférieurs, se précipita à leur rencontre. Le fracas des armes retentit et les guerriers cygnaréens et impériaux tombèrent. Aussi redoutables que puissent être les pillardes et les ogrun, l’équipage cygnaréen avait l’habilité et le désespoir de son côté. S’emparer du navire impérial était leur seule option de survie.

Talyn tira à nouveau avec son harpon, cette fois empalant l’un des marins et ramenant l’infortuné ennemi vers lui. Le Faucheur enfonça sa pointe dans la gorge de l’homme, un coup quelque peu redondant compte tenu du trou que son harpon avait laissé dans la poitrine du marin.

L’un des Chargeurs tira sur deux pillardes venant rejoindre les autres. Le tir souffla complètement la moitié supérieure d’une satyxis tout en transformant la deuxième pillarde en une masse méconnaissable de chair et d’os explosés.

Une forme squelettique vêtue d’un grand manteau noir apparut à côté de l’un des marins attaquants. Le cygnaréen eut à peine le temps d’ouvrir grand la bouche de peur avant que le spectre chasseur ne fasse un trou dans sa poitrine.

Une deuxième silhouette surnaturelle se forma de l’autre côté de la lutte et tira dans la gorge du marin le plus proche avec une paire de pistolets à long canon. La tête penchée sur le côté, le mortel fit quelques pas en arrière, puis se laissa tomber par-dessus le bastingage.

Les deux spectres chasseurs disparurent à nouveau, laissant les combattant ennemis proches si effrayés par leur retour que certains s’exposèrent aux satyxis, qui les massacrèrent joyeusement. Les spectres chasseurs étaient des créatures solitaires, même pour les habitants de l’Empire du Cauchemar, des vaisseaux de ténèbres dotés de capacités de combat exceptionnelles. Venethrax les utilisait souvent pour prendre le dessus aux moments cruciaux.

Les deux spectres chasseurs se matérialisèrent là où le warcaster ennemi ne pouvait manquer de les voir. Il devait réaliser que l’une de leurs utilisations les plus significatives était contre les warcasters. Le cygnaréen au nez crochu regarda autour de lui, comme s’il s’attendait à ce que d’autres apparaissent à tout moment.

Venethrax ordonna à Talyn et aux autres ‘jacks l’ordre général de poursuivre la bataille, puis sauta du bastingage vers le navire en perdition. Les épaisses planches du pont du navire cygnaréen craquèrent sous ses pieds mains tirent bon.

Il dégaina Fléau des Dragons et libéra sa magie. Un cri lugubre en jaillit, le cri de ceux qu’il avait tués. Les runes le long de sa grande lame incurvée flamboyaient d’un vert mortel.

Des runes arcaniques se formant autour de son bras, Venethrax fit un geste vers son homologue cygnaréen, qui demeurait distrait par les spectres chasseurs. Une averse cramoisie assaillit l’autre warcaster juste au moment où il remarqua la présence de la liche. L’armure lourde protégeant se troua.

Un éclair d’énergie jaillit de la main tendue du cygnaréen et s’abattit sur le champ d’énergie de Venethrax. Le seigneur liche repoussa l’attaque. Il gloussa, se moquant des effort des efforts désespérés du cygnaréen. Clairement conscient qu’il n’avait pas de bonne défense, le warcaster ennemi recula. Alors qu’il le faisait, son armure a vapeur crissa. Le sort initial du seigneur liche continuait de corroder.

Venethrax s’avança et balafra la poitrine de son adversaire avec Fléau des Dragons. Le champ d’énergie du cygnaréen s’enflamma lorsque la lame traversa, diminuant sa puissance, mais Fléau des Dragons ne parvint pas à pénétrer l’acier derrière lui. La liche, cependant, ne fut pas déçue, car elle avait déjà une seconde cible en tête. Il attendit que l’humain tende la main gauche pour toucher les dégâts, puis fit tourner Fléau des Dragons et trancha l’appendice de l’homme.

Hurlant d’agonie, l’autre warcaster tendit sa main droite vers l’avant. Bien que le sort n’ait effleuré qu’une partie du bras de la liche, le choc qui traversa Venethrax aurait suffi pour tuer un être vivant. La liche eut du mal à maintenir sa concentration, mais heureusement, il ne fut pas assez forte pour la briser.

Alors que le navire basculait dangereusement, Venethrax se rapprocha du côté mutilé du cygnaréen. Avec le sort corrosif poursuivant son œuvre, il fut facile pour Fléau des Dragons de se glisser sous les défenses poussives de l’humain.

Cette fois, Fléau des Dragons s’enfonça profondément dans l’entaille de l’armure, traversant d’abord le métal, puis la chair et les os.

Le cygnaréen laissa échapper un soupir horrifié. Son visage se tordit et sa peau devint grise.

Avec un dernier effort qui étonna même Venethrax, le warcaster adverse repoussa Fléau des Dragons. L’impulsion rapprocha l’humain du bastingage, mais il ne fit rien pour s’en empêcher. Avec une expression proche du soulagement, il se laissa tomber en arrière à travers la rambarde en bois, dans la mer.

Venethrax n’attendit même pas le plouf pour se retourner vers la Griffe. D’une certaine manière, son ennemi avait sauvé une victoire. Plutôt que de laisser le seigneur liche prendre son âme, l’humain avait utilisé ses dernières secondes pour embrasser la mort. Une honte, pensa le seigneur liche, car l’humain avait fait preuve de résilience, le trait le plus important de toute âme à capturer.

Venethrax se jeta sur les survivants en difficultés, que les pillardes avaient repoussées vers leur navire en perdition. Ouvrant deux encensoirs à âmes à sa taille, la liche s’empara des essences s’échappant du second et d’un autre officier cygnaréen, puis scella les deux âmes à l’intérieur pour une utilisation ultérieure. Se frayant un chemin jusqu’au bastingage, Venethrax sauta sur la Griffe.

Grendo lui faisait face.

« Finissez-en », ordonna le seigneur liche en accrochant sa grande épée dans son dos.
L’acolyte cria un ordre. Les canons de la Griffe furent pointés sur ce qui restait du navire cygnaréen.

La bordée se fraya un chemin à travers la coque du navire ennemi, emportant avec elle le pont et la plupart de l’équipage restant.

Le second-capitaine – maintenant, capitaine par intérim – éloigna la Griffe aussi vite qu’elle pouvait. Quelques mortels restés à bord du navire impérial sautèrent par-dessus le bastingage plutôt que de devenir prisonniers. Si Venethrax l’avait ordonné, l’équipage aurait pu empêcher certains d’entre eux de se suicider, mais la liche avait hâte de passer à autre chose. Rassembler des prisonniers serait une distraction de plus.

Avec un dernier gémissement, le navire de guerre cygnaréen coula. Les mâts s’écrasèrent dans l’eau, éparpillant des débris et entraînant avec eux deux membres d’équipages en difficulté. La force d’attraction du navire en perdition emporta les survivants que Venethrax pouvait remarquer dans l’eau sombre.

Le second mena la Griffe du Père des Dragons. Ils devaient s’assurer qu’il ne restait plus personne pour signaler leurs activités. Les mâts et les voiles brisés, toujours attachés au navire de guerre par le gréement, furent finalement entraînés sous la surface. Lorsque cela se produisit, la plupart des membres de l’équipage de satyxis étaient retournés à leur poste. Venethrax se tourna vers Grendov, qui faisait partie des personnes le servant directement et commença à leur ordonné de retourner en bas.

Les Léviathans survivants descendirent, mais Talyn demeurait obsédé sur les débris se raréfiant. Grendov se rapprocha du helljack, seulement pour battre en retraite quand il tourna sa pointe vers lui. Grendov regarda son maître avec inquiétude.

« Va-t’en, Talyn », ordonna Venethrax.

Avec une nette réticence, le Faucheur se détourna de la scène de mort, puis fit demi-tour et tira avec l’arme plus petite attachée à son bras pointe.

L’explosion frappa la mer turbulente, projetant un panache d’eau à plusieurs mètres dans les airs. Talyn regarda le panache se dissiper, puis se dirigea vers la cale.

« J’apprécie un bon massacre autant que n’importe qui, mais faut-il qu’il tire après coup ? » prononça Grendov en revenant vers son maître.

« Son premier ennemi a presque été son dernier. Tu ferais bien de te souvenir de tes propres erreur, Grendov ».

L’acolyte porta une main à son visage. « Ce n’est pas ce que je voulais dire, monseigneur. Je suis seulement curieux. Cela fait si longtemps que Talyn a tourné le dos à ce maudit rejeton de dragon. Avec un armement au moins dix fois supérieures à ce qu’il avait ce jour-là, il n’a sûrement pas besoin de- »

Venethrax jeta un coup d’oeil à son serviteur, ce qui le fit taire. « Talyn sert. Sers aussi, Grendov ».

L’acolyte hocha la tête et recula à quelques pas de son maître, juste au moment où Dracia s’approchait. Un objet sanglant de la taille d’une grosse pomme dans sa main, la satyxis se dirigea vers le bastingage voisin. Alors qu’elle le jetait à l’eau, Kankur sortir de la cale. Le nécrotech ignorât à la fois son maître et les autres alors qu’il se déplaçait de cadavre en cadavre avec un vif intérêt. Kankur pouvait toujours trouver une utilisation pour les membres et autres parties du corps. L’avoir à portée de main s’avérait très efficace.

« Je fais juste mes derniers adieux à Mave », déclara Dracia avec plus qu’un peu de joie. « Le second-capitaine fait un capitaine compétent, mon seigneur. Je la recommande pour ce rôle de façon permanente ».

Venethrax pesa le pour et le contre, fixant Dacia jusqu’à ce qu’elle commence à montrer des signes évidents de malaise. Même lorsque son silence dépassa les limites de l’affront, il tint bon, attendant qu’elle assume ses actes. Attendant qu’elle craigne qu’il ne soit pas aussi dupe qu’elle l’avait espéré. Attendant qu’elle craque.

« Je suis désolé pour votre perte, mon seigneur », souffla-t-elle enfin. « Je sais qu’elle vous accompagnait depuis longtemps ».

« Assure-toi de la promotion du second. Dis à Kankur de faire ses choix rapidement. Je veux que le pont soit nettoyé et que tous les dégâts soient réparés. Nous allons rattraper ce retard. Nous pouvons encore discuter du malheureux accident de Mave, Dracia. En attendant, impressionne-moi ».

Beaucoup moins joyeuse maintenant, Dracia rejoint Grendov en hochant la tête.

Le seigneur liche congédia le duo et se dirigea vers la proue. Il vida son esprit du tableau l’entourant. Tout ce qui comptait, c’était le rivage à proximité et ce qui se trouvait au-delà. Il le sentait plus que jamais. Cette expédition se terminerait par quelque chose à montrer pour ses efforts. Venethrax le savait comme il savait que son ancienne âme appartenait à Toruk.

elric:
PARTIE DEUX
« Le Golfe de la Berge-du-Milieu », dit Dracia, visiblement peu impressionnée. Venethrax et elle se tenaient à la proue, regardant le rivage banal alors que le l’équipage touchait terre. « Un si grand nom pour si peu de grandeur ». Elle réfléchit un moment, puis ajouta : « Bien sûr. C’est pourquoi cela semble familier. Mon seigneur n’est-ce pas proche du territoire où vous avez dit que le dragon Blighterghast a été vu ? »

« Le repaire de Blighterghast se trouve à une centaine de kilomètres d’ici, dans le Mur du Dragon », répondit Venethrax, sans la regarder, « mais oui, il a été signalé volant le long de  cette côte. Pas récemment et,, pour notre bien, espérons-le, pas aujourd’hui. Si cet autre dragon n’est pas une progéniture perdue de Toruk, il peut s’agir d’une plus petite de Blighterghast. Mais je ne comprends pas pourquoi ce dragon se rabaisse de la sorte ».

Le regard de Venethrax balaya le rivage. Dracia n’avait pas tort. Il ne pouvait s’empêcher de penser, en fait, que cette quête pouvait être liée à Blighterghast. Bien que la liche ne dispose d’aucun renseignement fiable à ce sujet, il n’était pas inconcevable que Blighterghast ait pu produire une progéniture. Mais cela l’aurait obligé à abandonner une partie de son propre pouvoir, ce que les dragons répugnaient à faire.

« Peut-être aurions-nous dû toucher terre ailleurs, mon seigneur ».

« C’est un bon endroit pour commencer, assez proche de notre objectif. D’ici, nous coupons soit vers l’est, soit vers le sud-est, dans les montagnes ». Ses pensées étaient déjà tournées vers le potentiel dragon, Venethrax ordonna : « Va t’assurer que les autres le savent ».

« Oui, mon seigneur ». Avec une révérence, Dracia le quitta.

La Griffe du Père des Dragons jeta l’ancre. Comme Dracia l’avait recommandée, Venetrahx laissa le navire au second. Ceci fait, le seigneur liche ordonna à ses forces tirées sur le volet de rejoindre le rivage.

Une fois que tout ce qui devait l’être fut le sur le rivage, le seigneur liche prit une décision tactique. Un groupe trop important errant sur ce terrain pourrait attirer l’attention d’une patrouille cygnaréenne, qui pourrait à son tour alerter des forces supplémentaires. Le seigneur liche décida de laisser le gros de sa force ogrun sur le rivage, n’emmenant qu’une unité d’élite dans l’expédition.

Venethrax prit la tête. Grendov et Dracia suivaient, à leur place, derrière lui, avec Talyn derrière.

Les deux spectres chasseurs n’étaient pas visibles, mais ils restaient près du contingent ogrun.
Les Quatre flottaient derrière le Faucheur, masqués et voilés, tournant leur attention d’une direction à l’autre, à la recherche d’un signe de dragon.

L’unité d’ogrun noir marchait à leur suite, les robustes guerriers encadrés par les Léviathans et un Équarrisseur, qui faisait claquer ses mâchoires osseuses en trottinant le long de la colonne. L’arc nodal au sommet de son dos fournissait un conduit supplémentaire pour les sorts, augmentant la portée à laquelle Venethrax pouvait les lancer.

Kankur suivait ensuite, semblant assez satisfait de son travail de nuit. En effet, un bon nombre de nécropantins qui se déplaçaient auprès du nécrotech avaient été augmentés par des membres et d’autres partie que Kankur avait rassemblées après la bataille.

C’était une force de bonne taille malgré les ogrun laissés derrière. En effet, après avoir étudié de plus près la couverture que le paysage pouvait offrir, Venethrax avait recalculé la force minimale qu’il voulait avec lui.

Ils se déplacèrent vers l’intérieur des terres. À la fin du premier jour, ils pénétrèrent dans les collines et les régions boisées. Leur chemin évita soigneusement les quelques villes et villages qui, selon les rapports, étaient encore habités, ce qui entraîna quelques détours. Venethrax n’avait ordonné aucune reconnaissance du territoire qu’ils avaient traversés jusqu’ici, certain de ses études passés que s’il y avait un dragon ici, il n’aurait pas choisi cette zone particulière pour se cacher ou même influencer.

Ils poursuivirent vers l’est pendant le jour et demi suivant, puis tournèrent vers le sud dans les Montagnes du Mur du Dragon. Alors qu’ils pénétraient dans les contreforts boisés, le seigneur liche ralentit son groupe à un rythme lent. Pendant que les nécropantins, les ‘jacks et les ogrun attendaient, Venethrax et une partie plus précise du groupe débutèrent leur recherche d’indices de la corruption.

Si un dragon vivait à proximité, il ne pouvait pas s’empêcher de répandre sa corruption sur son environnement, même si les signes peuvent être subtils au début. Sous la direction de Venethrax, Dracia avait appris à utiliser ses yeux perçants de satyxis pour discerner des indices, même infimes. Quel que soit l’indice, aussi minuscule soit-il, que Venethrax lui demandait de trouver, aussi petit soit-il, Dracia le recherchait avec les compétences qui lui avaient été transmises par d’innombrables générations de chasseurs indigènes, des connaissances datant avant même la corruption de Satyx.

Grendov, véritable extension de son maître, se déplaçait dans les bois, à la recherche de signes du dragon. Il coordonnait également les efforts des autres, y compris la mise en place d’un périmètre de sécurité. Après tout, il n’était pas improbable qu’ils soient découverts par le même dragon qu’ils recherchaient.

Les Quatre se répartirent, chacun faisant face à une direction de la boussole. Un par un, ils tournèrent leurs capuchons vers le ciel, puis vers le sol. Ensemble, ils levèrent leurs mains droites vers leurs voiles, puis déplacèrent les voiles sur le côté.

Dire que les quatre acolytes étaient sans visage aurait été incorrect. Ils avaient un visage, ne serait-ce qu’un seul combiné entre eux. Le premier avait une paire d’orbes d’onyx pour yeux mais rien d’autre, le second un ensemble de fentes angulaires qui servaient de nez. Le troisième, l’orateur, avait une bouche étroite, et le quatrième n’avait pas de visage du tout, sauf une pare d’oreilles pointues.

Il avait fallu de longues années à Venethrax et d’innombrables sorts pour créer ce quatuor. Les tortures que leurs  corps avaient subies avaient été époustouflantes, ce qui avait permis au seigneur liche de recréer leurs personnalités pour servir leur objectif commun. Il avait bien servi Toruk en composant les Quatre ; ils formaient une élégante équipe.

Le premier acolyte tourna en rond. Son regard embrassait tout au-dessus, en dessous et au-delà. Il ne cligna pas des yeux une seule fois, et son regard ne faiblissait pas. Rien de ce qui était en vue ne lui échappait.

Le second leva sa paume droite vers le ciel. Un vent s’éleva de la paume, balaya et commença à attirer les odeurs des environs vers l’acolyte, qui huma l’air, son esprit concentré divisant chaque odeur dans sa propre catégorie et notant celles qui faisaient allusion au dragon.

L’orateur leva également sa paume, mais au lieu d’une brise, il invoqua une petite flamme. La peau sous la flamme était noire et brûlée, mais l’acolyte ne prêtait aucune attention aux dégâts. De son autre main, il avait invoqué de petits objets -feuilles, cailloux, terre, etc – et les avait fait tomber dans le feu. Quelle que soit la substance – cailloux et pierres inclus – l’objet qui touchait les flammes se consumait immédiatement en cendres.

Inhalant, le troisième acolyte absorba la cendre de chaque fragment, goûtant sa substance. Il secoua la tête Jusqu’à présent, il n’avait rien trouvé. Des longs doigts tendus du dernier acolyte jaillirent de petits ruisseaux d’eau qui s’écoulèrent dans toutes les fissures et crevasses à proximité. Alors que le ruisseau se prolongeait, l’acolyte pencha la tête de sorte que son oreille gauche soit face à la zone où la majeure partie de l’eau s’écoulait dans le sol. Au fur et à mesure que l’eau pénétrait plus profondément, elle écoutait d’étranges sifflements et fissures marquant d’inhabituelles variations dans la terre elle-même – tous les signes de la corruption.

Venethrax assimila les réponses silencieuses des Quatre, aussi intéressé par leur manque de découvertes qu’il l’aurait été par le moindre indice découvert. Même l’absence de corruption ou de tout signe de dragon était une connaissance précieuse.

Le seigneur liche étudia le feuillage, puis fit quelques pas dans la partie la plus épaisse du bois. Venethrax s’arrêta pour inspecter l’écorce d’un arbre Il regarda le vol d’un oiseau lointain. Il écouta les cris de la faune, et retourna les feuilles pour voir quelles minuscules créatures, le cas échéant, se cachaient en dessous.

Une nuit d’études s’acheva sans aucun indice valable, mais la liche ne considéra pas ce temps comme perdu. L’effort a vérifié certaines notions qu’il avait concernant le potentiel dragon.

En général, les ténèbres avaient tendance à appartenir à l’Empire du Cauchemar, mais ici, Venethrax avait choisi de voyager de jour. Il ne voulait pas affronter son potentiel ennemi de nuit, où l’avantage appartiendrait au dragon, pas à la liche. Au moins avait-il une chance égale de repérer son adversaire à la lumière du jour.

Étant vivant, les ogrun avaient besoin de nourriture et de repos. Venethrax utilisa ces périodes pour écouter les analyses de Grendov, Dracia et des Quatre. Leurs conclusions correspondaient aux siennes. Il n’y avait pas de corruption ici.

Les bois s’épaissirent, devenant enfin une forêt à part entière. Les montagnes se dressaient juste devant, offrant plusieurs endroits où un dragon pourrait se cacher. Les potentiels voies devinrent si nombreuses à ce moment-là que Venethrax dû finalement s’arrêter à nouveau.

Quelque chose dans leur environnement mit le seigneur liche sur les nerfs. Venethrax supposa que cela avait à voir avec l’emplacement du groupe, qui selon ses études récentes précédentes des cartes d’Immoren, marquait la région où il pensait avoir le plus de chances de trouver des résultats.

Cependant, plus profondément dans les terres désolées, Venethrax connu son premier moment d’incertitude concernant ses recherches. Des siècles d’études auraient dû aiguiser ses compétences, son intuition, mais maintenant il se retrouvait à se demander s’il y avait quelque chose à découvrir ici. Bien sûr, la liche avait participé à de nombreuses autres expéditions sans résultat, mais ce voyage le touchait différemment. La pensée qu’il était sur la piste d’un dragon potentiellement nouveau l’avait ému plus que toute autre mission au cours de ses générations de service. Maintenant, cependant…

Tout ce qui compte, se dit-il, c’est que j’accomplisse mon plus grand devoir pour mon seigneur. Venethrax avait trouvé grâce aux yeux de Toruk, même après d’autres expéditions qui n’avaient donné les mêmes résultats. Le Père des Dragons verrait sûrement la nécessité d’aller jusqu’au bout.

Mais malgré ses doutes, Venethrax n’était pas prêt à rentrer les mains vides.

* * *
Après un jour de plus dans en Immoren sans aucun indice, Venethrax commençait à douter de la mission. Il ne cachait pas sa frustration, ce qui encourageait ses partisans à ne pas l’approcher. Têtes baissées, les ogrun affûtaient leurs armes. Kankur testait ses outils sur des petits lézards et autres minuscules créatures ayant le malheur de passer à sa portée. Le reste du groupe trouvait diverses façons d’êtres ailleurs qu’à côté de leur maître – tous sauf Grendov, qui n’avait pas le choix en la matière.

« Champignon ! » Venethrax brandissait ce qui avait jadis semblé être un indice intriguant et possible. « Tu remarques, Grendov ? Un champignon très simple, très banal. Pas la moindre trace de corruption ».

Il jeta le lichen de côté.

« Le Père des Dragons sera sûrement ravi de savoir que cette terre est nettoyée de ses traites d’enfants », proposa l’acolyte.

« Toruk préférerait que nous trouvions ces traîtres. Je préférerais que nous les trouvions ».

« Oh, mais naturellement, mon grand et glorieux seigneur. Et s’il y a la moindre chance que l’un d’entre eux soit encore ici, vous trouverez sûrement le monstre ».

Venethrax n’était pas d’humeur à être apaisé. « Laisse-moi maintenant, Grendov, et je me souviendrai de tes services passés - »

La liche s’arrêta lorsque son regard se posa sur trois hautes collines au pied du premier pic majeur. Il fit un pas vers eux. La forme du paysage lui rappelait un souvenir.

« Nous allons par là », dit-il en pointant du doigt. Grendov ne dit rien mais hocha la tête.

Venethrax continua à observer les collines, la façon dont elles s’élevaient, l’angle sous lequel elles faisaient face au coucher du soleil. La progéniture de Toruk avait tendance à suivre certains schémas, à avoir certaines préférences. Les collines rappelaient une expédition passée et les notes que Venethrax avait rassemblées au cours des siècles sur certaines des espèces connues.

Il pouvait se tromper, mais il devait investiguer.

La petite colonne s’était regroupée. Venethrax rapprocha Talyn du front, mais sinon, les positions demeurèrent telles qu’elles étaient. Une plus grande méfiance ce répandit dans la force de Venethrax, une fois que le groupe repris la route. Le seigneur liche ne fit rien pour les rassurer. La peur les garderait en alerte plus que n’importe quel ordre qu’il pourrait donner.

Ils n’atteignirent pas les collines avant le coucher du soleil, et encore une fois, Venethrax avait choisi de ne pas voyager de nuit. Le cantonnement demeura vigilant à tout moment, même les morts-vivants n’avaient aucune confiance dans leur maîtrise de l’obscurité.

Venethrax ne resta pas longtemps dans sa tente, arpentant le périmètre, surveillant les environs tranquilles. Plus d’une attaque d’un rejeton draconique survenaient à ces moments là se souvenait la liche.

« Mont seigneur ? » prononça Dracia.

« Approche ».

Son épée prête, la satyxis le rejoignit. « Il y a quelque chose dans l’air… ou… une absence de quelque chose ».

Venethrax hocha la tête, ses paroles confirmaient ce qu’il ressentait. Tout semblait normal, mais pour la liche, c’était comme si la terre se prêtait à une mascarade. La corruption est présente ici, quelque part, jura-t-il silencieusement. Qu’est-ce que nous ratons tous ?

« Je serai dans ma tente », dit-il. « Monte la garde ».

Venethrax se pencha sur ses recherches le reste de la nuit, mais cela ne révéla aucun secret. Il mena sa force à l’aube, déterminé à atteindre la plus proche des collines ce jour-là. Malgré cela, il insista pour que l’on étudie continuellement leur environnement, ce qui obligeait Grendov, les Quatre et Dracia à continuellement longer la colonne d’ogrun tout en recherchant un potentiel indice après l’aube.

Les recherches ralentissaient leur rythme, et un jour de plus passa sans que rien ne vienne récompenser leurs efforts, si ce n’est que la première colline les surplombait désormais. Les orgrun montèrent leur camp et s’installèrent pour la nuit. Les spectres chasseurs prirent position sur les côtés opposés du camp, puis disparurent. Les Quatre débutèrent leurs rituels.

Le même pressentiment tranquille s’installa sur le camp. Cela le rongea, mais au lever du jour, Venethrax était convaincu d’être sur la bonne voie. Dracia l’avait bien dit. Il y avait une absence dans l’air, pas la présence ennuyeuse de la vie ordinaire à laquelle on s’attendait en Immoren. Quelque chose était caché. Et les dragons faisaient de leur mieux pour cacher leur présence. Si la liche avait raison, ils étaient proches, et le dragon qu’ils chassaient était un vrai maître.

* * *

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