ROYAUMES D’ACIER > Background – Histoire des Royaumes d’Acier
Roman - La Paie du Diable
elric:
LA PAIE DU DIABLE
DAVE GROSS
LISTE DES COMBATTANTS DE LA COMPAGNIE CERBÈRE
PARTIE UNE
PARTIE DEUX
PARTIE TROIS
INDEX DES ROYAUMES D’ACIER
elric:
LISTE DES COMBATTANTS DE LA COMPAGNIE CERBÈRE
Fin de l’Automne, 608 AR
Commandant
Samantha « Sam » MacHorne, Capitaine
« Les Garçons »
Lister, Lieutenant
Reginald « Flippant » Crawley, Sergent
« À l’Épreuve des Balles » Burns, Caporal
« Pas de Prénom » Harrow, Caporal
Vernom « Lisse » Pamuk, Caporal
« Les Hommes »
Bates, Soldat
Bowie, Soldat
Craig, Soldat
Crowborough, Soldat
Dawson, Soldat
Fleming, Soldat
Fraser, Soldat
Hughes, Soldat
McBride, Soldat
Morris, Soldat
Robinson, Caporal
Rose, Soldat
Swire, Soldat
elric:
PARTIE UNE
Dawson dévalait Lantern Street en criant : « Crawley ! Harrow ! Pamuk ! Burns ! Lieutenant Lister ! Cerbères ! »
Il trébucha sur un mendiant cul-de-jatte agrippant à une paire de blocs de bois pour marcher sur les mains. L’homme tomba sur ses moignons. Jurant, il secoua un bloc boueux après Dawson. « Regarde où tu vas, espèce de bon à rien- »
« Désolé ! » Dawson sortit quelques piécettes de son sac et les jeta par-dessus son épaule. Elles tombèrent dans une flaque d’eau à côté du mendiant.
« Ça me dérangerait pas de les empocher ? » grommela l’homme. Il se planta à côté de la flaque pour en extraire les pièces.
Dawson continua à courir, criant en direction des balcons du deuxième étage : Cerbères ! Lieutenant Lister ! Caporal Pamuk ! »
Dawson tenta de s’écarter de la trajectoire d’une vendeuse trollkin, mais son épaule fait tomber deux des poulets rôtis suspendus au bâton de son épaule. Ils s’écrasèrent sur rue boueuse. « Désolé ! »
« Quatre poids d’argent ». La trollkin tendit une main de la taille d’une pelle. Par-dessus son menton bleu, elle fixait Dawson, qui mesurait 5 centimètres de mois qu’un mètre quatre-vingts et paraissait plus petit qu’elle.
Cette fois, Dawson s’arrêta en retirant la somme de son sac. Il plaça les pièces dans la main caillouteuse de la trollkin avant de reprendre sa recherche.
« Gaspillage de nourriture parfaitement bonne », grommela la trollkin. Avant qu’elle ne puisse se pencher pour récupérer les poulets tombés au sol, le mendiant en avait calé un entre son menton et sa poitrine et s’éloigna à grands pas sur ses blocs.
« Crawley ! Harrow ! Pamuk ! Burns ! Lieutenant Lister ! Cerbères ! N’importe qui ? »
« Chéri, tu cherches Lisse Pamuk ? » Une courtisane se penchait sur la balustrade de son balcon. Deux lanterne éponymes de la rue brillait à chaque extrémité de la balustrade, annonçant sa disponibilité.
« Savez-vous où je peux le trouver ? »
« Cela dépend », dit-elle. « Tu sais payer sa notre ? »
Dawson pesa son sac d’une main. « Combien ? »
« Vingt-six royals ».
« Vingt-six ?! »
Elle haussa les épaules et se détourna, faisant signe à un homme de l’autre côté de la rue.
« Attendez ! Attendez ! J’arrive tout de suite ».
Dawson fit irruption dans le salon de la maison close, évitant une femme peu vêtue montée sur le dos d’un client jouant le rôle d’un âne. L’homme se cabra et braya sur Dawson alors qu’il passait devant lui.
« Désolé ! Désolé ! »
La maquerelle trop maquillée leva les yeux de derrière un comptoir sur lequel elle comptait des jetons colorés, chacun peint avec une variation différente sur un thème commun de deux – parfois trois, ou plus – corps enchevêtrés. À la vue de Dawson, elle posa un chiffon sur les jetons et souris. Ses chaussures claquèrent sur le sol alors qu’elle contournait le comptoir.
« Si pressé, jeune homme ? Asseyez-vous et dites-moi exactement ce que vous aviez en tête- » Elle repéra l’emblème peint sur son épaulière. « Cerbères ! J’avais l’intention d’avoir un mot avec votre sergent au sujet de l’exceptionnel Lisse — Où pensez-vous aller ? »
« Désolé ! » Dawson contourna la maquerelle et s’élança dans les escaliers. La courtisane qu’il avait aperçue dans la rue l’attendait dans le couloir, la paume ouverte.
Dawson compta vingt-six pièces d’or dans sa main. Ses sourcils se haussèrent de surprise, mais elle désigna le couloir vers la grande suite. Dawson enleva une casquette invisible et dit : « Merci beaucoup ».
Il courut dans le couloir et franchit la double porte de la suite. À l’intérieur, le Caporal Pamuk était assis dans une baignoire fumante. Le corps de l’homme brun était une masse de muscles, presque trop pour la baignoire, mais une jolie jeune femme était assise derrière lui dans l’eau. Elle passait un rasoir argenté sur son cuir chevelu. À la soudaine arrivée de Dawson, elle leva les yeux. Pamuk siffla. Une tache de sang apparut sur la lame brillante.
« Bon sang, soldat ! » dit Pamuk en touchant la blessure. Il goûta le sang et se renfrogna. « Tu as intérêt à avoir une sacrée bonne - »
« Réunion d’urgence, monsieur », déclara Dawson. « Le capitaine a dit : Allez chercher tous les garçons, vite ».
« Mais nous n’avons pas- »
« Elle a un contrat, caporal. Un travail rémunéré ».
« Pourquoi ne pas l’avoir dit dès le début ? Et ne m’appelle ‘caporal’. C’est Lisse ».
Sa coiffeuse caressa son crâne rasé et dit : « C’est certainement le cas ».
Lisse se leva, éclaboussant la prostituée avec l’eau du bain. Il mesurait bien vingt centimètres de plus que Dawson. Apparemment, sa tête était la dernière partie de son corps à avoir été rasée.
« Ne reste pas planté là, soldat- »
« Dawson, monsieur ! J’ai signé la semaine dernière ».
« C’est très bien, Dawson. Maintenant, donne-moi cette serviette ».
Dawson s’exécuta. Lorsqu’il remarqua la femme le fixer depuis la baignoire, il alla lui en chercher une autre pendant que Lisse enfilait son équipement : un pantalon en cuir épais, de grosses botte, des épaulières en acier, des protège-coudes et des genouillères. Enfin, il s’empara de sa veste en cuir. Sur son dos était peint un féroce chien cornu, emblème de la Compagnie Cerbère.
La jeune femme essuya soigneusement le rasoir sur une serviette avant de le tendre à Lisse. Il lui donna un baiser et glissa le rasoir dans une poche de sa veste. « Merci poupée ».
Dawson se tourna pour sortir par la porte de la suite.
« Pas par là », dit Lisse. « C’est le moment de faire les comptes ».
Le claquement d’un pas rapide se fit entendre dans le couloir. Dawson grimaça en reconnaissant le bruit des chaussures à semelle rigide de madame. Il jeta un coup d’oeil par la porte pour la voir s’approcher, les épaules carrées, le menton rentré, prête au combat.
« Tout va bien », dit Dawson, « j’ai payé votre note ».
« Tu as apporté un jeton ? »
« Quoi ? Non bien sûr que non ».
« Alors, je t’assure que tu n’as pas payé ma notre ». Lisse referma la porte de la suite. Après un moment de réflexion, il poussa une vanité devais eux.
« Lisse ! » Beugla la dame. Elle frappa la porte de la suite avec la force d’un berserker ogrun, faisant trembler le miroir de la vanité. « Je sais que vous êtes là ».
Lisse et Dawson passèrent par-dessus le rebord de la fenêtre, se glissèrent sur l’avant-toit et se laissèrent tomber dans la rue.
« Où sont les autres ? » Demanda Lisse.
« J’espérais que vous pourriez me le dire, caporal », répondit Dawson. « Je veux dire, Lisse ». Lisse le fixa et secoua la tête. « Pourquoi le capitaine t’a envoyé, alors ? » demanda-t-il. « Très bien, suis-moi ».
Ils descendirent la Rue de la Lanterne jusqu’au Marché de la Rouille, quelques rues plus loin. La fraîcheur des ombres commençaient à s’accumuler aux pieds des bâtiments. Des nuages voilaient le soleil couchant.
« Flippant ! » cria Lisse.
Le Sergent Crawley leva les yeux d’une table pleine de pistons. Ses lunettes pendaient autour de son cou maigre. Le bout de son bonnet tombait mollement sur ses épaules. Il reporta son attention sur un piston de warjack, l’une des nombreuses pièces récupérées disposées sur des tables abîmées sous la tente du marchand. « Qu’est-ce que tu veux, Lisse ? »
« Le Capitaine MacHorne veut que les garçons rentrent rapidement », déclara Dawson.
Crawley leva les yeux, comme s’il remarquait Dawson pour la première fois. « Tu as de l’argent ? »
« Plus grand-chose », répondit Dawson en secouant le sac. « Mais le capitaine a un nouveau contrat ».
« Pourquoi ne pas l’avoir dit dès le départ ? » Crawley repoussa le piston sur la table.
« C’est ce que je lui ai dit », déclara Lisse.
« Je ferais mieux d’aller chercher le lieutenant », dit Crawley. « Il est quelque part dans le coin, en train d’engueuler le patron d’un bazar.
Les trois hommes passèrent encore deux coins au milieu de l’ensemble déroutant d’étals de bric-à-brac du marché avant d’entendre la preuve de la déclaration de Crawley.
Sur une plate-forme en bois, deux grands hommes se tenaient nez à nez, chacun essayant d’assommer l’autre avec des mots avec des mots durs lancé d’une voix forte. Derrière eux se tenaient deux rangées de warjacks déclassés recouverts de bâches. Chaque géant d’acier était enchaîné à d’énormes ancres de pierre enfoncées dans le sol. À proximité, un panneau en fer rouillé indiquait : « Achat & Vente ».
Lisse et Crawley grimacèrent face à la querelle et se regardèrent avant de se tourner vers Dawson.
« Passe ton message, Dawson », déclara Lisse.
Dawson déglutit avant de se rapprocher des belligérants. « Lieutenant Lister, Monsieur ! »
L’homme chauve et à la barbe noire continuait de jurer à la face du marchand de ‘jack à la barbe rousse. Un gros cigare éteint dansait à chaque syllabe, menaçant de chatouiller le nez du vendeur. « Je n’ai jamais accepté une majoration de trente-cinq pour cent sur le rachat ! »
« Si vous tardez, les prix grimpent ! », beugla le marchand. « Ce n’est pas de ma faute si vous, les cerbères, ne pouvez pas payer vos factures ».
« Vous ne savez rien des vicissitudes du mercenariat, petit ramasseur de ferraille crasseux ».
« Lieutenant, Monsieur ! »
« Calme-toi, soldat. Tu ne vois pas que je suis au milieu d’une délicate négociation ? »
« Ordres du capitaine, Monsieur ! Regroupement rapide, Monsieur. JOB, Monsieur ! »
Lister fit volte-face, tournant le dos au vendeur, qui fit un geste vulgaire sous le menton.
« Eh bien, pourquoi ne l’as-tu pas dit en premier lieu ? » Il sauta de la plate-forme, s’éclaboussant de boue ainsi que les autres cerbères. « Qui manque à l’appel ? »
« Harrow et Burns, Monsieur ! »
Lister fit un vague signe de la main au-delà du Marché de la Rouille, vers une rangée de boutiques. « Harrow est là-bas, quelque part ».
Ils se séparèrent pour scruter les devantures jusqu’à ce que le Sergent Crawley fasse retentir son sifflet de signalisation. Ainsi appelés, ils s’entassèrent dans une boutique sous l’enseigne d’une paire de pistolet.
À l’intérieur, un homme au visage dur se tenait en face du propriétaire et examinait l’intérieur du canon d’un nouveau gros flingue. Ses yeux et ses cheveux courts étaient à la couleur de l’acier nouveau. Entre lui et l’armurier se trouvait un plateau de jeu dont la plupart des pièces avaient été mises de côté, capturées.
Dawson fit un pas en avant. Harrow se retourna et le paralysa d’un regard. Dawson recula pour se placer à côté de Crawley. « Si cela ne vous dérange pas, sergent, peut-être pourriez-vous être celui qui le dira au caporal- »
« Harrow, boulot ! » aboya le Lieutenant Lister.
Harrow posa son arme et s’éloigna sans prononcer un mot à son adversaire.
Alors que les hommes quittaient la boutique, Lisse frappa Dawson à l’épaule, juste assez fort pour laisser une ecchymose. « Tu vois, C’est la façon de faire ».
« Maintenant, où est Burns ? » demanda Crawley.
« Où d’autre ? » dit Harrow. Sa voix était le bruit d’un obus chargé dans une chambre.
« Il y en a un », déclara Lisse. Il fit un signe de tête en direction d’une taverne à l’enseigne d’un cochon sifflant sous les jupes d’une dame effrayée. « Je crois que j’entends sa voix ».
Ils passèrent devant une statue de Madruva Dagra. Des flammes de gaz s’échappaient de chacune des paumes en coupe. Un trio de corbeaux humides étaient perchés sur ses bras, les yeux scrutant la rue à la recherche de nourriture.
Alors qu’ils s’approchaient du Cochon Sifflant, les hommes entendirent l’interprétation de Burns, de « Blue Rose in Winter ». Le grand homme était assis sur le rebord de la fenêtre, ses cheveux blonds bouclés rejetés en arrière tandis qu’il entonnait la chanson. Ses bras étaient aussi épais et durs que ceux de Lisse. Un public d’ouvriers d’usine frappaient leurs chopes sur les tables en rythme avec sa chanson.
« Euh, oh », dit Crawley, sa voix fluette se brisant. « Il interprète sa version spéciale ».
« C’est bien », dit Lisse. « Ce n’est pas comme s nous étions près de la frontière khadoréenne ».
« Dis-le à ces types ». Crawley pointa du doigt la taverne bondée.
Des mercenaires aux longues moustaches étaient accoudés au bar. Leurs insignes avaient été arrachées depuis longtemps, mais leurs longs manteaux étaient incontestablement khadoréens. À proximité, quatre autres khadoréens costauds étaient assis à une table, ne buvant pas leurs bières. Leurs mines renfrognées s’accentuaient à mesure qu’ils écoutaient les paroles révisées de Burns. Dans sa version de la chanson, l’amant de la princesse était un habile rétameur ogrun.
Lorsque Burns en vint à la partie où la princesse avoue son amour dans un couplet de rime obscènes, les mains des étrangers se portèrent à la poignée de leurs épées. Alors qu’ils s’avançaient vers Burns, leurs compatriotes se levèrent de table pour les soutenir.
« Sortez-le delà », déclara Lister.
« Oui, Monsieur ! » répondit Dawson. Il courut après le Sergent Crawley, qui se frayait déjà un chemin à travers la porte bondée. Désireux d’assister à une bagarre, les clients ne firent aucun effort pour s’écarter de son chemin.
Burns semblait inconscient à la fois des mercenaires qui s’approchaient et des cris de ses compagnons Cerbères. Alors que l’un des khadoréens dégainait son épée, Burns attrapa son casque d’acier et le balança avec force. L’homme tomba en arrière, serrant son nez qui ressemblait maintenant à une fraise écrasée.
La main de son partenaire quitta son épée et sortit un pistolet de l’intérieur de son manteau. Alors qu’il braquait l’arme sur le visage du chanteur, Burns balança à nouveau son casque. Le pistolet fit feu. Un ricochet frappa le casque et fit exploser un morceau de pierre de l’âtre avant de faire voler en éclats de bouteilles derrière le bar.
« Pas de pistolets ! » cria le barman avant de plonger à l’abri.
Burns donna un coup de tête au deuxième khadoréen, faisant du nez de l’homme un équivalent de celui de son compagnon.
Les clients applaudirent. Certains se levèrent pour attraper les gardes du corps des khadoréens. D’autres portaient des coups de poing à des cibles aléatoires.
« Tiens-toi loin de ma fille ! » cria quelqu’un avant de frapper l’homme à côté de lui.
« Tu ne paies jamais une tournée ! » Un autre homme sauta d’une table pour étrangler son compagnon de beuverie.
« Je ne te connais même pas ! » Un homme costaud donna un coup de poing dans le ventre à un étranger et regarda autour de lui en souriant, à la recherche d’un autre adversaire.
La taverne explosa en une bagarre générale lorsque les clients virent l’occasion de régler des querelles latentes ou simplement de se défouler après une journée de travail dans les moulins.
Lise bondit par la fenêtre ouverte derrière Burns. Il enroula ses bras massifs autour de la taille de Burns et le tira en arrière. « Nous n’avons pas le temps pour ça ».
« Qu’est-ce que tu fais, Lisse ? » beugla Burns. Il passa un doigt dans le trou de balle de son casque et fronça les sourcils de chagrin.
Lisse grimaça sous l’effet de l’haleine de bière. « Nous te sortons d’ici ».
« Boulot, caporal ! » cria Dawson, essayant de se frayer un chemin vers l’extérieur de la taverne. « Le capitaine à un boulot ».
« Oh, d’accord »,répondit Burns. Lorsque Lisse le relâcha, il se retourna vers la bagarre. « Je veux apporter un dernier point ».
Alors que les belligérants khadoréens se redressaient sur leurs pieds, Burns balança son casque dans un large arc horizontal, les faisant tomber tous les deux d’un seul coup.
Crawley souffla un puissant coup de sifflet de son sifflet de signalisation en cuivre. « Cerbères, dehors maintenant ! »
« Eh bien, merde », dit Burns. « Je ne faisais que m’échauffer. Serrant son casque cabossé, il s’empara de la chope d’un étranger et suivit Lisse par la fenêtre de la taverne.
« C’est ma bière », hurla l’homme en tenant son adversaire inconscient par le col.
Le tavernier se fraya un chemin à travers la foule de ses clients. « Vous n’irez nulle part tant que vous n’aurez pas payé les tournées que vous avez achetées ».
« Combien cette fois ? » demanda Crawley.
Burns s’arrêta pour roter. « Deux ou trois, peut-être ».
« Neuf ! » cria le tenancier de la taverne. « Vous, les Cerbères, vous me devez nonante six royal, sans parler des dommages ! »
« Ça pique ! » dit le lieutenant Lister. « Courez, Cerbères ! ».
« Restez groupé », cria Crawley. « Ouvre la voie, Dawson ».
Ils se frayèrent un chemin hors du quartier du marché et coururent vers le Fleuve de la Langue du Dragon. Un khadoréen au nez ensanglanté les poursuivit deux de ses hommes derrière lui. Quelques rues plus loin, les sifflets et les cris de la Garde de Tarna se joignirent à la chasse.
S’éloignant de la promenade fluviale, Dawson se précipita dans les tortueuses ruelles de la Rue des Moulins, espérant semer ses poursuivants dans les vapeurs de charbon et de teinture. L’eau de javel lui piquait les yeux, et le cliquetis mékanique des métiers à tisser actionnés à vapeurs submergeait les cris de leurs poursuivants.
Les Cerbères émergèrent dégoulinant et noircis par la suie, mais personnes les avait suivis hors du passage rempli de vapeur. Le ciel s’était assombri. Une brise fraîche soufflait sur Tarna depuis la Langue du Dragon.
Dawson ouvrait la voie vers l’entrepôt loué par la compagnie. À côté de la massive porte, l’un des hommes avait dessiné à la craie l’emblème du chien cornu de la compagnie. Une bruine de pluie provoquait un crépitement sur le toit en tôle du bâtiment.
« Bon travail, Dawson », déclara Crawley.
Dawson se tint plus droit jusqu’à ce que Burns ajoute : « Ouais, nous saurons qui taper la prochaine fois que nous devrons fuir un combat ».
« Harrow fit glisser la porte et les autres entrèrent. Dawson voulu les suivre, mais Crawley lui barra la route. « Désolé, Dawson. Le briefing est réservé au ‘garçons’. Va rejoindre les reste des hommes. J’expliquerais tout lors du deuxième briefing ».
Dawson ne savait pas ce qu’il fallait faire pour devenir l’un des ‘garçons’, mais il était évident que cela n’incluait pas les fantassins comme lui.
« Mais je… » Les épaules de Dawson s’affaissèrent. « Oui, sergent ».
Crawley lui adressa un sourire, mais ses dents tachées étaient plus effrayantes que réconfortantes. Il referma la porte.
* * *
Le Capitaine Samantha ‘Sam’ MacHorne se tenait sur un échafaudage en bois, un pied posé sur une caisse portant l’inscription « Graisse pour Engrenages de Qualité n°4 ». Appuyant un coude sur son genou, elle regardait ses hommes, les vétérans de la compagnie de mercenaire Cerbère. Ses longs cheveux blonds tombaient négligemment sur son visage, sauf là où les lunettes qu’elle portait sur son front les empêchaient les maintenaient hors de ses yeux.
Derrière elle se profilait le warjack Gulliver, un modèle Nomade de trois mètres soixante de haut et sept tonnes de destruction à vapeur. Son châssis en fer ressemblait à une caricature musclée d’un fantassin en armure. Au lieu de fragiles articulations et ligaments humains, il reposait sur des lourds engrenages et des pistons suffisamment solides pour faire avancer un bateau fluvial. Son énorme espadon et sa solide targe étaient posés contre le mur de l’entrepôt.
« Le vieil homme a un travail pour nous », dit-elle. « C’est potentiellement lucratif ».
« Il était temps », déclara Lister. Le lieutenant était assis au bord d’un autre échafaudage, se grattant sa tête chauve juste à côté d’un tatouage de Cerbère. Derrière lui se tenait l’autre warjacks opérationnel, un Rapace nommé Foyle. Un mètre plus petit et deux fois moins lourd que le Nomade, le Rapace tenait une énorme lance paralysante dans une main et un large bouclier dans l’autre. « Je commençais à croire qu’il ne nous aimait plus ».
« Ce n’est pas ça », répondit Sam. « Tu sais qu’il aime faire correspondre l’unité au job ».
Le reste des Cerbères était assis en demi-cercle grossier sur des caisses et des demi-tonneaux. Ils se penchèrent en avant, observant leur capitaine. Seul Harrow ne semblait pas intéressé. Les yeux fermés, il était assis par terre, les bras croisés, le dos appuyé contre une table chargée de lourds filets de chaînes et de pioches.
« Donc, il a besoin qu’on lui démolisse quelques ‘jacks », dit Crawley.
« Pas exactement ».
« Nous rejoignons les Cygnes ? » demanda Lisse.
« Non, nous sommes seuls. Le vieux dirige sa propre opération dans les environs. Entre les unités khadoréennes qui testent les frontières et le Cryx se faufilant à travers chaque marais et vallon, il a du pain sur la planche ».
« Cryx ». Crawley frémit en prononçant le mot.
« Alors, lequel est-ce cette fois-ci ? » demanda Burns, étouffant un rôt avec son poing. « Rouges ou morts ».
« Cela pourrait être les deux », déclara Sam. « Plus probablement aucun des deux. Ce que nous cherchons, c’est quelque chose de nouveau. Le vieux a entendu parler d’un étrange ‘jack dans l’Octelande.
« Oh, non », déclara Burns. « Il nous envoie à la chasse aux gobber ».
« Arrête, Burns », dit Crawley. « Si près de la frontière, se serait plutôt quelqu’un testant une nouvelle technologie cygnaréenne ? »
« Une nouvelle technologie que le Vieux ne connaît pas déjà à fond ? » répondit Sam. « Je n’y crois pas. Peut-être quelqu’un d’autre a mis la main sur les schémas de Cygnar et y a apporté quelques modifications ».
« Et maintenant, ils sont prêts à tester ce nouveau ‘jack sur ses propres créateurs. C’est ça ? »
Lisse passa ses doigts sur sa tête, fronçant les sourcils lorsqu’il toucha les poils de son rasage inachevé.
« C’est possible, mais ça n’a pas d’importance. Notre travail consiste à aller là-bas, à trouver cette chose et à la ramener. Le Vieux pourra décider lui-même de quoi il s’agit ».
« Remarquable », dit Burns. « Nous ne savons pas ce qu’il fait ni qui le contrôle, mais nous devons le trouver et le ramener. Et nous, avec la plupart de nos affaires misent au clou ! Cela ne me dérange pas si c’est une chasse au gobber. J’espère juste que ce n’est pas une chasse au dragon ».
« Qu’est-ce qui te fait peur, Burns ? » demanda Lisse. « Tu es toujours à l’épreuve des balles, n’est-ce pas ? »
Burns passa un doigt dans un trou de son casque. « Plus autant que je l’étais. Comment sommes-nous censés faire notre travail avec des trou dans nos casques ? »
« Si nous réussissons ce job, Burns », dit Sam, « tu auras assez pour acheter dix nouvelles armures, toutes de couleurs différentes ».
« Burns s’illumina. « Oui’s », répondit-il intelligemment. Dans toute autre compagnie, cela n’aurait été qu’une reconnaissance légèrement informelle de son rang. Mais au sein de la Compagnie Cerbère sa compagnie, c’était aussi une contraction de « Oui, Sam ». Pour elle, et ses hommes qui l’utilisaient, cela signifiait plus que « Oui, m’dame » ne pourrait jamais le faire.
« Quelle est la structure du contrat ? » demanda Lister.
« Tarif de base pour notre temps, avec un bonus pour la livraison », déclara Sam.
Les Cerbères marmonnèrent.
« Un bonus très conséquent. Maintenant, écoutez, nous n’allons pas là-bas pour nous dégourdir les jambes et cueillir des champignons. Mon but est de trouver ce nouveau ‘jack et de le livrer. Si nous touchons cette prime, nous serons tous à l’abri, plus du nouvel équipement. Et les parts seront plus que suffisantes pour acheter à Burns sa nouvelle garde-robe et pour sortir Lisse de ses ennuis avec Madame Jinty ».
Lisse jeta un regard noir dans la salle. Les autres évitèrent son regard ou haussèrent les épaules face à son accusation tacite.
« Où sommes-nous censés l’emmener ? On ne peut pas transporter un ‘jack jusqu’à Caspia, même sur ces plates-formes ». Lister frappa le côté de l’un des trois chariots ferrés garés dans l’entrepôt. La plate-forme trembla sur sa suspension à ressorts.
« Je sais où envoyer un messager lorsque nous aurons repéré notre cible », dit Sam. Elle sauta de la plate-forme, se retournant pour révéler une jolie version chiot du symbole des Cerbères peinte au dos de sa veste en cuir. « Comme je l’ai dit, le Vieux n’est pas loin. Nous organiserons le transfert en fonction de l’endroit où nous trouverons notre cible. C’est tout pour les questions ? »
Comme personne ne prit la parole pendant une demi-seconde, Lister dit : « Oui’s ».
Les garçons saluèrent avec plus ou moins d’enthousiasme. Harrow le fit sans ouvrir les yeux.
« Alors nous sommes prêts à partir ». Sam fit un signe de tête à Foyle et désigna Gulliver d’un geste du pouce par-dessus son épaule. « Crawley, je veux que ces grands gaillards soient chargés avec deux semaines de carburant et de provisions. Briefez les hommes et mettez-les au travail avant qu’ils n’aient le temps de s’enivrer. Nous fêterons cela après avoir touché notre prime. Nous partons demain à la première heure ».
« Oui’s ! » Crawley envoya les caporaux rassembler les troupes, les mékaniciens, et les pilotes.
Lister ajouta : « Et les ingénieurs ? »
« Nous pouvons nous en permettre deux », répondit Sam. « Et j’aurais besoin que tu t’occupes de la logistique par toi-même ».
Lister acquiesça. Son éternel cigare éteint à la bouche plongea alors qu’il considérait le travail qui l’attendait.
« Ce sera plus facile la prochaine fois », promis Sam. « Après avoir rempli le grand livre ».
« Je sais, capitaine. Ce n’est pas de votre faute. Nous n’avons pas eu de chance, c’est tout ».
« Ce n’est peut-être pas ma faute », répondit-elle. « Mais c’est ma responsabilité. Celui va nous remettre devant la scène. Je le sais ».
Lisse, Burns et Harrow sortirent sous la pluie. Le porte de l’entrepôt gémit lorsque Burns la referma.
« Je vais chercher les mékaniciens », déclara Burns. « Je les ai vus au Marché de la Rouille ».
« Non », dit Lisse. « Il vaut mieux que personne ne remarque ton visage près du marché pendant un moment. Je vais les chercher. Tu secoues les pilotes. Harrow ? Tu l’expliques aux hommes ? »
Harrow acquiesça. Lisse retourna vers le centre de Tarna, tandis que les autres se déplaçaient dans l’autre sens.
Au coin de l’entrepôt, Harrow s’arrêta près d’une pile de caisses vides. Il se racla la gorge. Penaud, Dawson sorti de sa cachette.
« J’étais juste- » Quoi que Dawson s’apprêtait à dire, le regard de Harrow lui bloqua les mots dans la gorge.
Harrow s’approcha pour examiner un trou dans le mur de l’entrepôt. L’ouverture offrait une vue dégagée sur les warjacks, les chariots et le Capitaine MacHorne.
« Ça ne s’annonce pas très bien pour toi, petit », dit Burns. Il attrapa Dawson et le poussa contre le mur. Les pieds de Dawson pendaient à quelques centimètres du sol. « Quel genre d’homme espionne nos briefings ? Je pense à une compagnie rivale ou à un espion khadoréen. Lequel est-ce ? »
« Aucun ! » Dit Dawson. « J’étais juste curieux ».
« La curiosité a écorché le chat », déclara Burns. « Ou quelque chose comme ça ». Il jeta un coup d’oeil à Harrow, qui étudia le visage de Dawson à travers les yeux fendus. « Qu’en penses-tu, Harrow ? Nous, les Cerbères, avons-nous un chat ou un rat ? »
Harrow secoua la tête. « Amenez-le » dit-il à Burns avant de s’éloigner.
Burns entraîna Dawson par le bras. Devant eux, la pluie dessinait les silhouettes des bâtiments. Leurs toits en pointe se teintaient de bleu-gris dans le crépuscule.
Dawson essayait de garder ses pieds alignés alors qu’ils se déplaçaient dans la boue. « Où allons-nous ? Le Sergent Crawley va me manquer au briefing ».
« Le vieux Flippant n’aime pas être dérangé par les détails du nettoyage ». répondit Burns.
« Caporal Burns, je ne suis pas un rat ! »
Au bout de la rue, Harrow tourna vers une rangée de pensions et d’auberges bon marché. À l’autre bout se trouvait l’immense écurie où les conducteurs des Cerbères gardaient les chevaux de trait nécessaire au transport des warjacks et la réserve apparemment inépuisable de charbon nécessaire pour les alimenter. Harrow s’adressa à deux conducteurs fumant leur pipe sous l’avant-toit de l’écurie. L’un d’eux hocha la tête et se précipita à l’intérieur de la pension.
Burns poussa Dawson sous le surplomb et s’appuya contre le mur à côté de lui. « Détends-toi, chiot. Les espions sont entraînés à ne pas se pisser dessus sous la pression. Tu n’es manifestement pas un espion ».
« Je n’ai pas pissé- » Dawson se ravisa et prononça « Merci ».
Burns étira son cou. Ils restèrent là pendant un moment alors que le crépitement de la pluie s’amplifiait. Bientôt, le bruit d’un pas descendant les escaliers de la pension s’y ajouta.
« Caporal, qu’est-ce qu’une chasse au gobber ? » demanda Dawson.
« Tu sais ce qu’est une chasse au gobber ? »
« C’est quand tes amis t’envoient chercher quelque chose qui n’existe pas pour rire. Tu as beau chercher, tu ne le trouves pas ».
« Quelque chose me dit que tu as eu une expérience de première main ».
« C’était il y a des années. Je n’étais qu’un enfant ».
« Tu es toujours un enfant, Dawson. Tu devrais espérer que ce n’est qu’une chasse au gobber. Lors d’une chasse au dragon, la différence est que tu trouves ce que tu cherches, d’accord », dit Burns. « Ensuite, tu regrettes de l’avoir fait ».
* * *
Les Cerbères passèrent la première moitié de la journée à charger et à conduire les trois grands chariots jusqu’au Fleuve Molhado. Ils passèrent la seconde à le traverser.
Le Rapace, Foyle, traversa sans incident, une garde d’honneur de huit Cerbères escortant sa silhouette allonge sur le ferry. Sous le contrôle du Sergent Crawley, et avec l’aide des conducteurs, deux mékaniciens et deux ingénieurs à lunettes, ils hissèrent le warjacks sur le chariot renforcé de fer ayant effectué la première traversée. Au signal du conducteur, six lourds chevaux de trait éloignèrent le chariot de la berge.
Le soldat Dawson observa la procédure tandis que le ferry revenait du côté de Tarna. À côté de lui, le Caporal Burns se penchait sur une barre d’attelage et cracha un glaviot de tabac brun sur le sol. « Si tu étais encore un bleu, tu devrais attraper du poil au menton maintenant ».
Les joues de Dawson rougirent de colère.
« Je ne te traite pas de couillon, petit. Tu es encore un bleu. Tu vas grandir et attraper de la bouteille. Tu comprends. Quoi qu’il en soit, c’était très courageux d’espionner le briefing du capitaine ».
Un sourire soulagé se dessina sur le visage glabre de Dawson.
« Stupide », déclara Burns. « Mais courageux tout de même. As-tu remarqué à quel point Harrow semblait furieux ? »
« Non », dit Dawson. « Il n’avait pas l’air en colère du tout ».
« C’est comme cela que tu sais qu’il est en vraiment en colère. Je suis surpris qu’il ne t’ait pas tranché la gorge sur le champ ».
Dawson déglutit. « Oui, caporal ».
« Si tu recommences sans y être invité, je m’occuperai de ton cas en personne. Tu attends avec le reste des hommes, ou un jour quelqu’un te prendra vraiment pour un informateur khadoréen ».
Le visage de Dawson jaunit et verdit. « Oui, caporal. Je veux dire, non, caporal ».
Burns gloussa. « Quel âge as-tu, petit. Dix-sept ? »
« Vingt ! »
« Avec ce visage imberbe ? Ou tu es sorti en cachette avec Lucille ? »
« Qui ? »
« La copine de Lisse ».
« Je n’avais jamais mis les pieds au bordel avant- »
« Le rasoir, mon chiot ».
Dawson grimaça au terme dédaigneux utilisé pour désigner les bleus de Compagnie Cerbère. « Oh, d’accord ». Au moment où l’agacement se dissipait de son visage, un nuage de perplexité s’installait à nouveau. « Il a nommé son rasoir Lucille ? »
« Il adore cette lame. Les chiots que Harrow ne tue pas pour avoir espionné, Lisse leur tranche le gosier pour avoir regardé Lucille de travers ».
Dawson sourit, détourna le regard, essaya de rire mais n’y parvint pas. Il déglutit difficilement et regarda à nouveau Burns. « Vous plaisantez, n’est-ce pas ? »
Burns haussa les épaules. « Je sais que je ne toucherais pas à ce rasoir si ma vie en dépendait Quoi qu’il en soit, c’est ta première traversée, n’est-ce pas ? »
« Ouaip », répondit Dawson. En regardant une seconde fois Burns, il ajouta : « Oui, Caporal ».
Burns gloussa à nouveau. Il recula pour regarder Dawson des pieds à la tête, secouant la tête.
Dawson demanda : « Pourquoi n’avons-nous pas envoyé les warjacks sur leurs chariots ? »
« Tu n’as pas compris ? »
« Je vous ai dit que c’est ma première traversée, n’est-ce pas ? »
« Tu l’as dit », répondit Burns. Il inclina la tête en direction du ferry approchant. « Tu le remarqueras par toi-même bien assez tôt. Très bien, allons-y. Tu te tiendras là-bas ».
Dawson se dirigea vers l’endroit indiqué par Burns, à environ trois mètres de l’endroit où le ferry s’était amarré à la berge.
« Non », dit Burns. « Un peu plus à droite ».
Dawson se rapprocha de quelques pas du rivage.
Sur le chemin menant au quai, Sam guidait Gulliver vers le ferry. À chaque pas du warjack lourd, la terre tremblait. Il laissait dans son sillage une traînée de mottes de terre de la taille d’un chien de chasse. « Un peu à gauche », dit-elle. « Très bien, accroupis-toi. Avance, prudemment ».
Alors que Gully s’appuyait de tout son poids sur le pont, le ferry bascula sue le côté, éclaboussant le passeur. Il arracha son bonnet trempé de sa tête et l’essora.
« Gully, monte », dit Sam.
Gully posa son autre pied sur le ferry. Le mouvement soudain projeta une vague de la taille d’un ogrun juste à l’endroit où se tenait Dawson, le trempant de la tête aux pieds.
Une fois que Sam eut fini de guider Gully en position assise sur le ferry, elle secoua la tête en direction de Burns, qui s’était allongé sur le sol, riant à s’en tenir les côtes. « Burns, je t’avais demandé de laisser le bizutage en ville ».
« Oui », haleta le grand homme. « Je n’ai tout simplement pas pu résister. Ce chiot est trop parfait ! »
Sam se tourna vers Dawson. « Ne laisse pas Burns t’atteindre », dit-elle. « Malgré toutes les apparences, c’est un homme de terrain. Réfléchis-y à deux fois avant de te laisser convaincre par quoi que ce soit ».
« Oui, capitaine », dit Dawson. Il retira une botte et versa une pinte d’eau de rivière. « Merci, capitaine ».
Sam lui fit un signe de tête. « Mais sérieusement, ne touche pas à Lucille. Si tu le fais, même moi je ne pourrai pas garantir ta sécurité ».
Seuls Sam et les bateliers traversèrent ave Glly. Malgré cela, les vagues déferlaient sur le pont, s’écrasant sur leurs bottes. Lorsque Dawson vit à quel point un seul warjack pesait sur le ferry, il comprit. « Ah ! »
« Ouais », déclara Burns. « Tu as besoin d’un plus gros bateau pour transporter le ‘jack avec le chariot. Maintenant, viens, petit ». Burns monta à bord d’un des canots. Se méfiant d’une autre farce, Dawson le suivit. Avec les autres Cerbères, ils atteignirent la rive opposée bien avant que Sam ne rejoigne la rive avec Gully.
Le reste relevait du travail classique, fourni par des soldats, des mékaniciens, des ingénieurs et des conducteurs travaillant côte à côte. Les garçons travaillèrent avec les hommes jusqu’à ce que les deux ‘jacks soient attachés sur leurs chariots pour le transport. Quatre chevaux de trait tiraient le chariot d’avitaillement, six celui de Foyle et huit celui de Gully. Deux chevaux de selle suivaient le chariot d’avitaillement, l’un sellé, l’autre non. Dawson observait, les sourcils froncés, les conducteurs enlever la selle de l’un et le brosser pendant qu’ils sellaient l’autre.
Sam le surpris en train de regarder. « Parfois, nous devons envoyer un message rapidement ».
« Mais nous n’avons pas de renforts », répondit Dawson.
« Non. Mais il y a toujours une chance que nous nous retrouvions dans un combat que nous ne pouvons pas gagner », déclara Sam. « Quand ce jour viendra, je veux les gens sachent que les Cerbères l’ont affronté avec courage ».
Dawson la regarda, mais son visage ne trahissait aucun signe de gaieté.
À l’exception des mékaniciens, qui chevauchaient avec leurs warjacks, ceux qui ne conduisaient pas se déplaçaient devant, à côté ou derrière le chariot. Même Sam, Lister et Crawley allaient à pied.
Les soldats enroulaient leurs chaînes autour de taquets sur le côté du chariot, leurs haches de démolition pendant en dessous, laissant les deux armes accessibles en cas d’action soudaine. Ils portaient leur sac à dos, les gros flingues dans les bras.
Dawson commença à se déplacer à côté de Burns. Après avoir franchi une petite colline, il se retourna pour dire quelque chose, mais il vit Lisse à sa place. Burns avait trottiné vers un bosquet pour soulager sa vessie.
Lisse passait son rasoir droit sur sa gorge, l’inclinant avec précaution sur l’arête de sa mâchoire. Il essaya la lame contre son bracelet en cuir et sourit aux vêtements mouillés de Dawson. « Je vois que tu as été oint ».
Dawson lui rendit un sourire amusé en retour. Il plissa les yeux, ne remarquant pratiquement aucun poil sur le cou de Lisse. Pourtant, le grand homme continuait à se raser. Dawson finit par demander : « Il nous manque pas un chariot ? »
« Qu’est-ce qui te faire dire ça ? »
« Eh bien, nous sommes censés capturés un ‘jack. Où allons-nous le mettre si nous le trouvons ? »
« Quand » dit Lisse. « Ne laisse pas le capitaine t’entendre dire ‘si’ ».
« Mais où allons-nous le mettre ? »
« Si nous manquons de carburant, nous le placerons dans le chariot à charbon. Si nous avons beaucoup de carburant, nous allumerons Foyle et le ferons marcher jusqu’à ce que nous soyons à court de charbon. Tout est une question d’équilibre ».
Daon hocha la tête. « Bien sûr. Je n’y avais pas pensé ».
« Tu es un chiot, c’est tout », répondit Lisse. Il loucha sur le petit homme. « Tu as déjà vu l’action. N’est-ce pas ? »
« Bien sûr, j’ai fait mon service dans l’armée ordique. J’ai bien aimé ça, mais pas la solde… » Il se frotta les doigts et montra ses mains vides.
« Alors tu t’es dit que tu ferais fortune avec les Cerbères ».
« Quelque chose comme ça ».
« Je parie que tu t’en es voulu pour ça ».
« Non ! Je veux dire, pas vraiment. Il y a beaucoup plus d’exercices que prévu. Et beaucoup plus d’attente. Mais maintenant, je peux lancer un filet et toucher plus souvent qu’à mon tour ».
« Tout ce dont tu dois te soucier, c’est de suivre les ordres. Quand tu n’en as pas, regarde ce que nous faisons. Maintenant que tu as été oint, tu n’auras plus à te faire engueuler… tant que tu n’auras pas les yeux rivés sur les judas ».
Dawson grimaça. « Est-ce que toute la compagnie est au courant ? »
Lisse sourit et le frappa sur l’épaule, juste assez fort pour lui faire un bleu.
* * *
La pluie avait rendu le sol meuble mais pas impraticable. Le train de chariots des Cerbères suivait les chemins de terre quand il le pouvait, traversant une fois un champ en jachère pour atteindre un sentier menant à l’est dans l’Octelande. Lorsqu’il aperçut le fermier local sortant d’une cave, Lister envoya un coureur avec cadeau provenant des provisions pour apaiser toute rancœur.
Au crépuscule, les Cerbères commencèrent à installer le camp sans un mot de leur sergent. Crawley garda son souffle pour haranguer les mékaniciens alors qu’ils vérifiaient et revérifiaient les warjacks et leurs chariots. Lorsqu’il lit ses lunettes sur ses yeux et grimaça pour révéler ses dents en forme de chevilles à travers un souffle de vapeur, Dawson comprit finalement pourquoi l’homme avait gagné le surnom de « Flippant ».
Malgré leur rang et leur rôle dans le cercle intime de Sam, les « garçons » travaillaient côte à côte avec les « hommes ». Dawson s’était retrouvé à nettoyer la boue des roues du chariot de Foyle, en face de Burns. Si le grand homme avait encore des soupçons sur la loyauté de Dawson, il n’en laissa rien paraître.
Lister s’entretenait avec Sam. À tour de rôle, ils regardaient à travers une longue-vue et griffonnaient une carte posée sur le hayon du chariot d’avitaillement. Lisse supervisait la préparation d’un repas composé de porc salé et de pains achetés à Tarna le matin même. Avec un autre homme, il remplit quatre marmites en fer avec de l’orge, des légumes secs et des cubes de bœufs. Ils laissèrent les marmites mijoter jusqu’au petit matin.
Lister envoya des sentinelles en piquet autour des chariots, entre lesquels les Cerbères s’installèrent autour des feux. Burns leur fit part de sa version de « The Roundabout Girl », qu’il avait en quelque sorte rendue encore plus blasphématoire. Dawson hésita à se joindre à eux jusqu’à ce qu’il entende la voix de Sam entonner les refrains les plus vulgaires. Après trois chansons, le capitaine dit « Dormez bien, mes Cerbères ». Quelques minutes après, le camp n’était que silence, à l’exception du crépitement du feu, de la brise d’automne et des ronflements rythmés.
* * *
elric:
Le lendemain après-midi, Sam arrêta le train de chariots près d’un village à la lisière de l’Octelande. Les nuages s’étaient écartés juste assez pour révéler une parcelle de ciel bleu entre d’interminables bancs de nuages gris étain. Un seul rayon de soleil drapait d’un voile doré la lande qui s’étendait entre le village et la lisière du marais.
« Harrow, Lister et toi – ah, Dawson. Vous êtes avec moi. Les autres restent ici avec les grands gars. Crawley, abreuve les chevaux ».
Le sergent répéta les ordres de Sam pour la forme, mais les conducteurs étaient déjà en mouvements, impatients de se dégourdir les jambes après être restés assis pendant les deux dernières heures.
Les soldats se débarrassèrent de leurs sacs. Environ un tiers d’entre eux montaient la garde, tandis que les autres s’asseyaient pour se reposer, partageant une cigarette ou s’abreuvant à leurs gourdes en cuir.
Sam ouvrit la voie vers le village. À côté de l’une des chaumières, un homme et sa femme attachaient une chaise à bascule au sommet d’une charrette déjà remplie de meubles et d’autres affaires. Ils jetèrent un coup d’oeil nerveux aux Cerbères avant de se précipiter à l’intérieur pour un autre chargement.
Le chef de village et quelques adolescents virent à la rencontre des Cerbères. L’homme salua Sam d’une poignée de main.
« N’est-ce pas Samantha MacHorne. Ça fait combien de temps ? »
« Trop longtemps, Wilkie », répondit-elle. « Je peux encore goûter les sablés de Rona. Fondant sur nos langues ».
« Si nous avions sur que vous veniez, elle en aurait fait une grande quantité ».
« Ce fut soudain. Nous ne resterons pas ». Elle jeta un regard significatif vers le couple abandonnant leur maison.
« Tout le monde n’aime pas vivre si près de l’Octelande ». Wilkie haussa les épaules, mais déglutit nerveusement. « Vous chassez du Cryx, n’est-ce pas ».
Sam fit un signe de tête au couple s’en allant atteler une paire d’ânes à leur chariot. « Quelque chose les effraie. Je suppose qu’il y a eu des signes ».
« Aucun que j’aie vu de mes propres yeux », dit Wilkie. « Chaque fois que quelqu’un aperçoit une ombre dans l’Octelande ou sent une odeur nauséabonde, il est question de Cryx ».
« Ce genre de propos ne suffit pas à faire fuir les gens ».
« Non, c’est vrai », dit-il avec une certaine réticence. « Un forestier est passé hier. Il a raconté quelques histoires de lueurs cryxiennes et d’âmes perdues et peut-être a-t-il vu quelque chose qui l’a effrayé. Quoi qu’il en soit, il a couru jusqu’à ce qu’il tombe sur un groupe de Têtes d’Acier ».
« Brocker ? » demanda Sam.
« Oui », répondit Wilkie. « Lui et son horrible cheval ».
Lister tourna la tête et cracha sans déloger son cigare éteint.
« Combien ? » dit Sam.
Wilkie haussa les épaules. « Assez de fusils et de hallebardes pour qu’ils campent autour de quatre feux.
« Où étaient-ils ? »
« Peut-être à six kilomètres à l’est sud-est ».
« Dans quelle direction se dirigeaient-ils ? » demanda Sam.
« Le forestier n’a pas pu le dire, ils l’ont renvoyé avant de lever le camp ».
« Le forestier est encore là ? »
Wilkie secoua la tête.
« Ce forestier semblait-il pressé de partir ? »
Wilkie hocha à nouveau la tête avec une certaine réticence. « Si j’y pense trop, je commence à me dire que je devrais déménager ma propre famille à Tarna ».
« Et il a dit que les Têtes d’Acier cherchaient le Cryx ? »
« Il n’en a pas dit autant, mais il n’arrêtait pas de laisser entendre qu’il y avait pire que des mercenaires. En plus des histoires de feu de camp, certaines personnes se sont mis ça dans la tête… Eh bien, vous savez ce que c’est ». La curiosité plissa ses sourcils. « Qu’est-ce que vous cherchez exactement ? »
Sam haussa les épaules. « Je le saurai en le voyant. Sais-tu autre chose qui pourrait nous aider ? »
« Les hommes du Roi Baird sont entrés dans l’Octelande il y a quelques mois. Ils y sont allés avec six grands chariots comme le tien, certains remplis de matériaux de construction, les autres remplis de provisions, suffisant pour tenir un siège hivernal. Ils sont revenus moins d’une semaine plus tard, les chariots vides. Ils ne semblaient pas avoir essuyé de tirs, mais ils ne se sont pas arrêtés pour discuter ».
Sam acquiesça : « C’est bon à savoir. Ils vous manquent des produits de premières nécessités ? »
« Maintenant que tu le dis… »
Après un cours troc informel, Sam envoya Dawson chercher quelques outils de rechange et l’une des pioches de rechange de la compagnie. Le Sergent Crawley l’interrogea sur ce que les habitants avaient dit à Sam. Alors qu’il approuvait la libération du matériel de la compagnie, il prononça, : « Tu as l’air confus, soldat ».
« Je comprends que le capitaine veuille interroger les habitants, mais pourquoi troquer avec eux ? »
« Cela crée de la bonne volonté », répondit Crawley. « Ils sont susceptibles de nous en dire bien plus que ce qu’ils confieraient à une brute comme Stannis Brocker. De plus, regarde ce que nous obtenons en retour ».
Sam se dirigeait vers les chariots, un panier de légumes colorés de fin saison dans les bras. Harrow portait un gigot de mouton et Lister un sac de céréale par-dessus son massif épaule.
« Il y a des provisions que nous n’avons pas eu besoin de transporter depuis Tarna ». dit Crawley.
« Et regarde ces poivrons frais ! »
Après cet échange, le capitaine ordonna à la compagnie de se diriger vers l’ouest. Ils ne s’arrêtèrent que lorsqu’ils furent hors de vue du village, Burns déclara, « Pour rassurer les pères de toutes les jeunes filles ».
Sam ordonna que l’on prépare la nourriture pour le soir même. Avant de les laisser dormir, elle se tint devant les soldats rassemblés. « La mauvaise nouvelle, c’est que nous risquons d’avoir de la concurrence pour la prime », déclara-t-elle. « La bonne nouvelle, c’est que c’est Stannis Brocker ».
« C’est une bonne nouvelle ? » demanda Burns.
« Il est peut-être une terreur sur cette bête de guerre qu’il appelle un cheval, mais il n’a pas notre talent pour abattre un warjack ».
« Cela n’aura pas d’importance s’il le trouve avant nous », déclara Lister. « Il le ramènera en morceau et sifflera jusqu’à la banque ».
« Tu crois qu’il a eu le même contrat que nous ? » demanda Crawley.
« Bien sûr que non », déclara Sam. « Le Vieux est venu nous voir pour une raison, et il ne traiterait jamais avec un bâtard comme Brocker ».
« Quelqu’un d’autre aurait pu l’engager » dit Burns.
Les Cerbères marmonnèrent à propos des griffes des khadoréens s’enfonçaient en territoire ordique.
« Ça n’a pas d’importance », répondit Sam. « S’il y a quelque chose d’inhabituel dans l’Octelande, nous serons les seuls à le trouverons. Demain matin, nous partons à la première heure. Allez-vous le Sergent Crawley pour connaître votre affectation. Certains d’entre vous seront en reconnaissance demain ».
* * *
Dans les brumes d’automne, les gaz des marais et divers miasmes fétides entourant les souches d’arbres en décomposition, les Cerbères ne voyaient guère à plus d’un jet de pierre. Les vapeurs mélangées s’accrochaient au sol marécageux ou pendaient comme des toiles d’araignées entre les troncs des aulnes.
Ici et là, les brumes s’accumulaient au sein de creux. Ailleurs, des taches d’un jaune terne suggéraient qu’une imposante bête observait les mercenaires intrus.
Parfois, une vague lumière montait du sol, sa source obscurcie par la brume et la distance. Quand l’un des cerbères s’avançait vers lui, un camarade posait une main sur son bras et secouait la tête.
« Ne suis pas les lumières cryxienne », dit Lisse à Dawson. « Certaines d’entre elles sont des âmes perdues. Elles te noieront si elles le peuvent ».
Les cris des vrais oiseaux étaient étouffés par le brouillard, mais aucun d’entre eux n’était un chant. Les corbeaux criaient des plaintes ou des avertissements rauques. Des moineaux gazouillaient leur inquiétude, s’envolant brusquement des branches nues de leurs perchoirs lorsque les Cerbères s’approchaient trop près.
Les habitants les plus surprenant de la tourbière étaient les soudaines puanteurs. Certaines jaillissaient lorsqu’une roue de chariot éclatait une poche peu profonde dans la boue. D’autres semblaient dériver dans une bise que personne ne pouvait sentir, ou sourdre des feuilles desséchées d’un arbre mourant.
À voix basse, Sam et Crawley ordonnèrent aux Cerbères de décharger Gully et Foyle. Les mékaniciens effectuèrent une inspection de dernières minutes pendant les ingénieurs chargeaient les foyers en charbon. Crawley enflamma les moteurs et, après avoir réchauffé les chaudières, les warjacks se mirent en mouvement.
Gulliver se tenait droit, levant son monstrueux espadon pour le reposer sur les « épaules » de son large châssis en fer. Le lourd warjack s’éloigna du chariot. De sa main gauche, il plaça sa solide tarde sur son flanc.
Foyle saisit sa lance paralysante et souleva son propre bouclier, beaucoup plus grand, avant que le warjack léger ne s’avance et ne se mette au garde-à-vous.
Une fumée noire s’élevait de l’unique cheminée des jacks. Elle disparut presque immédiatement dans la soupe grise de l’Octelande.
La première sentinelle arriva, essoufflé. Elle salua le capitaine mais fit son rapport au Lieutenant Lister. « Des bruits de bataille, monsieur. J’ai essayé de m’approcher, mais j’ai vu des nuages verts et j’ai estimé qu’il était plus prudent de rentrer ».
« Foutus Cryx », déclara Burns.
« As-tu vu contre qui ils se battent ? » demanda Lister.
« Oui, Monsieur. J’ai vu les contours de leurs hallebardes à travers la brume. Ce doit être les Têtes d’Acier ».
« S’ils combattent le Cryx, je dis qu’il faut avancer ». Lister se tourna vers Sam. « Laissons-les mener leurs propres batailles ».
« Ouais », répondit Burns. « Cela ne sert à rien de risquer nos vies ou nos âmes ».
Sam réfléchit à la question. « Il y a toujours la question de courtoisie professionnelle ».
« Courtoisie avec Brocker. » demanda Lister, incrédule.
« J’emmerde Brocker », cracha Burns, « il ne lèverait pas le petit doigt pour aider un Cerbère ».
« Quand on aura besoin de ton avis, Burns- », répondit Lister.
« Non, il a raison », repris Sam. « Stannis Brocker donne une mauvaise réputation aux mercenaires. Pourtant, je veux savoir pourquoi il est ici. Peut-être chasse-t-il réellement le Cryx. Dites ce que vous voulez à propos de Brocker, mais il est assez courageux pour être aussi fou. Mais s’il en a après notre prime, nous devons le savoir ».
« Je n’aime pas ça, Sam », déclara Lister. « Les Cerbères ne sont pas faits pour combattre le Cryx. Les Têtes d’Acier ont la portée et la vitesse, les fusils et la cavalerie ».
« À moins que quelque chose n’ait changé, Brocker n’a pas de warjacks. Si le Cryx a ne serait-ce qu’un seul helljack, les Têtes d’Acier auront des ennuis. Ce ne sont pas tous des salauds comme Brocker. À tout le moins, nous ne voulons pas que des Têtes d’Acier morts gonflent les rangs de Cryx, n’est-ce pas ? »
Lister secoua la tête.
« Mieux vaut eux que nous », déclara Burns.
« Nous allons regarder de plus près », dit Sam. « Nous nous rapprochons, prêt à tout. S’il semble que les Têtes d’Acier ont les choses bien en main, nous les féliciterons par la suite. Si nous apercevons des helljacks, eh bien, nous sommes les Cerbères. Quoi qu’il en soit, c’est une chance de découvrir pourquoi ils sont ici. Compris ? »
« Oui’s », répondirent les garçons.
« Équipement complet, prêts au combat ».
Les Cerbères avaient déjà leurs lourds filets en bandoulière, leurs gros flingues à la main. Ils avançaient par escouades de quatre. Dawson accompagnait Harrow, Burns et un vétéran de l’armée ordique au visage balafré nommé Morris.
« Qu’est-ce qui ne va pas avec Brocker ? » demanda Dawson. « J’ai entendu dire qu’il était l’un des meilleurs ».
« Il a tellement travaillé pour le Khador qu’il est pratiquement rouge lui aussi », annonça Burns.
« Mais la charte de la compagnie dit que nous ne travaillerons jamais pour le Khador. Cela
n’inclut-il pas d’aider les compagnies qui- ? »
Harrow les fit taire d’un regard sinistre.
À moins de cinquante verges, ils aperçurent au loin de brefs éclairs jaunes. L’instant d’après, ils entendirent le bruit sourd d’un coup de fusil. Bientôt, les Cerbères purent distinguer les cris de voix humaines, le grincement de mécanismes de ‘jacks et d’horribles explosions.
Harrow leva la main pour stopper les autres, puis courut vers l’avant, le pied léger. Il s’agenouilla et toucha quelque chose par terre avant de faire signe aux autres de le rejoindre.
Un homme en armure gisait sur le sol. Ses yeux morts fixaient le ciel, les iris blanchis de la couleur du lait caillé, sa peau de la couleur de la moisissure. Les yeux de Dawson s’écarquillèrent lorsqu’il vit le bas de la cuirasse de l’homme. Le reste du corps avait disparu, il ne restait plus qu’un amas de tripes ravagées répandues sur le sol.
Burns frappa le plastron d’acier de l’homme et regarda Dawson. « Assurément Tête d’Acier ». Il grimaça devant la dévastatrice blessure « Cryx, sans aucun doute ».
Dawson hocha la tête, bouche bée. Un instant d’après, il ferma la bouche contre la répugnante odeur de la puanteur montant du corps mutilé.
« Transmet au capitaine ». Harrow fit un signe de tête à Morris, qui partit en courant.
Harrow détacha sa pioche. Il commença à la lever au-dessus de la tête du mort, mais s’arrêta et se tourna vers Dawson. « Tu n’as jamais fait ça avant », dit-il. Il tendit sa pioche à Dawson. « Achève-le ».
« Mais— Mais il est déjà mort ».
« Assure-toi qu’il le reste », dit Harrow.
Dawson hésita, mais après un regard dans les yeux froids de Harrow, il balança la hache et fendit le crâne du mort en deux. Il eut un haut-le-cœur à ce qu’il avait fait, mais il réussit à ne pas vomir.
Harrow reprit son arme sans un mot de plus.
Les trois Cerbères restant poursuivirent leur progression. Par deux fois, ils s’arrêtèrent pour retourner les signaux manuels des escouades à leur gauche et à leur droite.
Morris revint en courant. « Ils arrivent ».
Un renard paniqué passa devant la jambe de Dawson fuyant la clameur venant de l’arrière.
Harrow leur fit signe de s’écarter alors qu’un bruit de pas de fer géants se fit entendre. Les jeunes arbres se brisèrent sous les warjacks. La tension et le soupir des pistons s’accéléraient à chaque pas. L’atmosphère déjà brumeuse de l’Octelande était assombrie par la vapeur et la fumée de charbon.
Foyle émergea de la brume, se dirigeant à grandes enjambées vers la bataille. Sam le suivait, l’énorme Gully à ses côtés. Lister trottinait juste derrière avec sa propre escouade.
Harrow accéléra le rythme. Les autres s’efforçaient de suivre, tout en se penchant pour mieux voir la bataille la bataille se déroulant devant eux. Les cris de l’infanterie des Têtes d’Acier s’intensifièrent, d’abord par soif de sang, puis en reculant, lorsque la voix grave de leur commandant ordonna une retraite tactique.
Les Cerbères virent les hommes fuir deux imposantes formes aussi grandes que Gully. En silhouette, leurs membres semblaient à la fois plus gracieux et plus anguleux que ceux du lourd Nomade. Dans des nuages de fumée et de vapeur, leurs seules caractéristiques distinctes étaient leurs armes : les réservoirs bouillonnants de venin vert au-dessus de leurs pinces de crustacés sur un bras, et le bulbe obscène de leurs canons nécrocanons à fange sur l’autre.
« Corrupteurs », gueula Harrow. « Si du vert frappe l’homme à vos côtés, éloignez-vous de lui rapidement ».
Des soldats nécropantins décharnés avançaient entre les helljacks. Autrefois humaines, ces choses étaient maintenant des cauchemars de chair et de métal. À chaque bond, leurs articulations mékaniques criaient leur soif de graisse. Leurs mâchoires décharnées claquèrent tandis qu’ils levaient des poings de fer au-dessus de leur crâne, prêts à briser les armures et les organismes vivants qui rejoindraient un jour leur légion de morts-vivants.
« Bougez, bougez, bougez ! » La voix du commandant des Têtes d’Acier résonnait par-dessus tous les autres sons. Les Cerbères l’aperçurent au sommet d’une bête trop épaisse et trop grande pour être un cheval, et qui pourtant dansait parmi l’infanterie en retraite avec la grâce d’un pur-sang. « Bougez, bougez… Couverture ! Feu ! »
Des tirs de fusils ponctuèrent la cacophonie. La volée sembla débarrasser le champ des nécroserfs, mais quelques-uns se précipitèrent, et quelques autres se relevèrent. Préparé pour la charge, les hallebardiers abattirent les monstres avant que leurs poings n’atteignent leurs crânes.
Derrière eux arrivait une autre vague de nécropantins, cette fois soutenus par de corpulentes silhouettes brandissant de fins canons corrodés laissant échapper une vapeur verte.
Comme excités par le carnage, les helljacks crachèrent leurs ignobles distillations. Une goutte verte enveloppa un arbre, faisant fondre le bois alors qu’elle s’enfonçait autour de son tronc. Une autre atterrit par un groupe de fusiliers. L’un réussit à s’enfuir avant que le corps de son camarade n’éclate en un bain de sang. L’autre tomba, déchiqueté par les éclats d’os brisés de son compatriote.
« Fusiliers, retraitent », hurla le commandant. « Bougez, bougez, bougez ! »
Le Cryx suivit les Têtes d’Acier battant en retraite, passant devant les Cerbères sans sembler s’apercevoir de leur approche. Ils avaient l’intention de tuer.
Sam fit un signe. Lister aboya un ordre. Le Sergent dit retentir un sifflement strident.
Harrow pointa du doigt le helljack le plus proche. « Notre cible ».
Foyle s’élança en premier. Le rapide Rapace intercepta le Corrupteur. Au moment où le helljack entamait sa rotation, Foyle enfonça sa lance entre son armure en forme de carénage et sa tête avec défenses. Des éclairs crépitèrent dans le creux sombre alors que la tête du helljack tressaillait de souffrance spastique.
« Tirez le vers le bas », beugla Burns. Il lança son filet, emprisonnant le bras-pince du Corrupteur contre l’articulation pointue de son genou. « Bon sang ! Pas bien ».
Dawson, Morris et Harrow firent de même. Ensemble, les filets lièrent les jambes du helljacks. Le Corrupteur paralysé chancela.
« Reculez ! » cria Sam.
Gully chargea, bouscula le helljack enchevêtré. Le Corrupteur s’écrasa dans la terre marécageuse, l’impact projetant des mottes de terre humides et de la végétation fétide.
Le Nomade abattit son espadon, cisaillant le châssis du Corrupteur. De l’huile noire et du venin vert jaillirent de la blessure.
« Gully, en arrière », cria Sam. « Les garçons ! »
« Démontez-le ! » Burns leva sa pioche et sauta sur le monstre tombé.
Telle des coléoptères sur un rat mort, les Cerbères déferlèrent sur le Corrupteur tombé à terre. Tandis que deux escouades les couvraient avec des gros flingues prêts à tirer, les autres employèrent leurs pioches pour soulever le blindage et exposer les parties vulnérables en dessous. Ils brisèrent les engrenages et coupèrent les tubes alimentant en venin le canon et l’injecteur de la pince.
Sam dégaina son épée et la planta à deux reprises dans les châssis du helljack. La seconde fois, l’énergie coruscante sur la lame démontra qu’elle avait trouvé son cortex. Le Corrupteur sursauta une dernière fois et s’immobilisa.
Lorsqu’ils eurent terminé, le second Corrupteur avait disparu dans la brume, à la poursuite des Têtes d’Acier battant en retraite.
« Garder l’oeil ouvert pour repérer le contrôleur des helljacks, ce n’est pas parce que vous ne le voyez pas qu’il n’est pas juste derrière vous ».
« Par les dents de Morrow, Flippant ! », s’écria Burns. « Cesse d’essayer d’effrayer les gamins ». Burns fut le premier à regarder par-dessus son épaule, les yeux écarquillés de peur.
« Très bien », dit Sam en pointant son épée. « On recommence ».
Les Cerbères coururent à toute allure pour rattraper leur retard. Sam les dirigea en biais pour éviter la ligne de tir des fusils des Têtes d’Acier. Tous les trente verges environ, les Têtes d’Acier faisaient une pause dans leur retraite.
Les Cerbères aperçurent bientôt leur ennemi commun. Les nécroserfs étaient au corps à corps avec les hallebardiers tandis que les fusiliers rechargeaient et visaient, attendant le prochain ordre de tir.
Le sifflet de Crawley retentit trois fois. Sue le flanc gauche des Cerbères, une foule de nécroserfs de Cryx émergea des brumes. Il ne s’agissait pas des soldats décharnés, mais de cœliaques. Les corpulentes silhouettes gargouillaient clapotaient à chaque pas. Des pompes bouillonnaient à l’intérieur de leurs corps autrefois vivants, alimentant en fluides corrosifs les nocifs canons brandit par leurs poignes sans vie.
Sam poussa un juron. « Avancez et tirez ! »
Le Lieutenant Lister et le Sergent Crawley répondirent à son ordre. Certains des récents Cerbères clignèrent des yeux en entendant l’ordre, mais ils obéirent. Les vétérans s’étaient déjà rapprochés à courtes distance et commençaient à tirer.
Les projectiles des gros flingues rugirent sur les morts-vivants boursouflés. Les nécroserfs touchés par le tir de barrage éclatèrent en morceaux fumants, les gaz toxiques dans leurs ventres amplifiant la force des explosions.
Le Cryx riposta. La plupart de leurs charges pestilentielles tombèrent derrière les Cerbères alors que les mercenaires avançaient après chaque tir de barrage. Le temps que les cœliaques ajustent leur portée, les Cerbères firent feu à nouveau.
Crawley fit signe aux hommes autour de lui, leur ordonnant de faire feu sur les nécroserfs se dandinant le plus près. « Ne les laissez pas s’approcher de vous, Cerbères ! »
Les autres nécroserfs firent feu également, mais leur cible n’était pas les Cerbères. Ils tournèrent leurs armes vers les warjacks. Sam tourna Gully et Foyle afin de faire face au Cryx juste au moment où un barrage de bile pulsée se dirigea vers eux.
« Boucliers levés ! » ordonna Sam. Elle bondit derrière Gully, s’abritant derrière le warjack lourd.
Les charges corrosives éclaboussèrent le large bouclier de Foyle et les épaules plaquées de Gully. Au fur et à mesure que le pernicieux liquide bouillait, le châssis du warjack devint brûlant, ses bords extrêmes se teintant de blanc.
Sam s’éloigna d’un bond, examinant les dégâts. « Pas trop de mal », décida-t-elle. « Gully, Foyle, chargez ! »
La vision de deux warjacks se précipitant vers eux attira l’attention des nécroserfs. Alors que les monstruosités dandinantes luttaient pour ajuster leur portée, les Cerbères les abattirent avec leurs gros flingues. À l’instant où tirs cessèrent, Foyle en empala un et Gully en trancha un autre, répandant l’immonde contenu de leurs corps corpulents sur le sol marécageux. En quelques instants, il ne restât de Cryx qu’une odeur nauséabonde et un terrain suintant d’un gaz lourd, vert-jaune.
« Nous n’en avons pas encore fini », annonça Sam. « Lister, fais-moi un rapport sur les blessés. Crawley, reformation autour de moi. Gully, Foyle, faites face ».
Au moment où les warjacks faisaient à nouveau face à la bataille battant en retraite, Lister ne signala aucune perte sérieuse.
« Très bien, alors », répondit Sam. « Abattons cet autre Corrupteur ».
Alors qu’ils se rapprochaient à nouveau, le helljacks restant tenait un hallebardier hurlant dans sa pince. De son autre bras, il bombardait une escouade de fusiliers en retraite avec son nécrocanon à fange. L’obus visqueux frappa l’une des Têtes d’Acier, faisant éclater le corps de l’homme en un bain de sang jaune vert. Les hommes à proximité hurlèrent tandis que les vapeurs infernales faisaient fondre la chair de leurs os.
« Foyle, charge ! » lança Sam en courant à côté de Gully. Les Cerbères suivirent.
Avant que le ‘jack n’ait parcouru la moitié de la distance, le Corrupteur brandit son prisonnier se tortillant. La bouche de l’homme s’ouvrit en grand. Au lieu d’un cri, un e vapeur bilieuse s’échappa. Il secoua la tête d’un côté à l’autre, les bras tremblants se dressant en griffes tordues. Des énergies noires crépitaient autour de ses doigts, ratatinant la chair alors même qu’elles conjuraient des magies noires.
« Reculez ! », tonna la voix du commandant Tête d’Acier. « C’est l’œuvre d’une liche de fer ».
Des flammes noires jaillirent des mains du captif, décrivant un arc de cercle à travers le champ de bataille brumeux. Elles tombèrent près d’une silhouette à cheval, à peine visible à travers la brume. Son cheval s’éloigna en dansant du feu nécromantique, mais les maléfiques flammes frappèrent un fusilier se trouvant à proximité. L’homme hurla tandis qu’un spectre cendreux s’élevait de son corps pour voler vers la source du sort. Sa carcasse décharnée tomba au sol.
« oh, Morrow », marmonna Burns. « C’est un harceleur d’âmes ».
Foyle atteignit le Corrupteur, sa lance paralysante glissant sur le plastron lisse du helljack. Le Rapace recula pour un autre coup, mais le Corrupteur se retourna.
« Merde » s’écria Sam. « Gully, charge ! « Cerbères, avec moi ! »
Cette fois, elle courut devant le warjack lourd, levant son épée alors qu’elle chargeait.
Le Corrupteur laissa tomber la carcasse vidée de son captif et s’approcha de Sam.
Foyle slamma le helljack avec sa targe, mais le ‘jack Cryx tint bon. Il repoussa le Rapace avec son bras-canon, les pinces claquant en prévision d’une mortelle étreinte.
Juste avant que le helljack ne l’atteigne, Sam se précipita sur le côté et plongea entre les jambes de Foyle. Rentrant son épée d’un geste habile et pratiqué, elle bascula vers l’avant pour remonter. Le Corrupteur se retourna, mais le warjack léger leva sa lance, parant pour protéger son marshal.
Sam leva son épée vers le haut, la lame crépitant d’électricité alors que sa pointe se plantait juste sous les défenses jaunies du helljack.
Un instant après, l’espadon de Gully s’abattait, sectionnant le nécrocanon à fange du helljack de son réservoir. Le Corrupteur riposta en serrant ses pinces autour du bras armé du Nomade.
Avec un cri, les Cerbères lancèrent leurs filets restants. La plupart atteignirent leur but, nouant les jambes du Corrupteur ensemble et bloquant son équilibre en un seul point. Le helljack bascula. Le premier des Cerbères sauta sur son châssis avant qu’il ne touche le sol.
« Attention au venin ! » Crawley avertit Dawson lorsque le soldat fracassa les récipients en verre. Le fluide corrosif siffla en brûlant profondément le limon.
« Oui, Sergent ! » Dawson leva sa pioche pour frapper à nouveau, enfonçant profondément dans les soudures de l’armure du helljack.
À proximité, les fusils des Têtes d’Acier tiraient dans la direction opposée. Alors que les nécroserfs de Cryx se retiraient, leurs sergents ordonnèrent aux fusiliers de se regrouper derrière les hallebardiers. L’un deux annonça que le gros des forces du Cryx s’était replié vers le nord. Un autre siffla le silence et pointa du doigt les Cerbères grouillant autour du Corrupteur tombé.
Sam essuya l’huile de sa lame et rengaina son arme. « Des pertes ? » demanda-t-elle à Lister.
Le grand lieutenant compta avec son pouce sur ses doigts. « Où est Swire ? »
« Ici, monsieur », répondit un soldat debout derrière la fournaise du Corrupteur.
« Tous présents et mobile, capitaine ».
« C’est ce que j’aime entendre ».
De tonitruants bruits de sabots se rapprochèrent. Un immense homme émergea des brumes par l’est. Sur une épaule, il portait une lame de combat presque assez grande pour Gully. De son autre main pendait un bol noir festonné contenant trois crânes et une masse de viscères de chair et de métal, ou du moins c’est ce qu’il semblait à première vue. Au fur et à mesure que l’homme s’approchait, il devint évident que l’objet était en réalité un groupe de tête coupées de la liche de fer surveillant qui dirigeait les Corrupteurs. Trois coups d’estoc les avaient tranchées du haut du corps armuré de la créature.
Burns siffla faiblement. « J’ai entendu dire que Brocker était un monstre avec cette lame, mais je serai damné si je pensais qu’il pouvait faire ça ».
Les Têtes d’Acier qui pouvaient encore se tenir debout le firent, acclamant le retour triomphal de leur commandant, mais leurs voix étaient tempérées par la perte. Trop de leurs compagnons soignaient les blessés ou gisaient sur le sol, impuissants.
« Pourquoi Stannis ? » demanda Sam. « Tu m’apportes toujours les cadeaux les plus charmants ».
« Que diable faites-vous ici ? » Stannis Brocker donna un coup de genou à son cheval pour s’approcher d’elle. En s’approchant, les Cerbères purent constater qu’il était de la taille des chevaux de train de leur train chariots. Seul son gigantesque cavalier le faisait paraître plus petit de loin.
« Tu veux dire à part te sauver de ces Corrupteurs ? »
« Je les avais sous contrôle ».
« Si vous aviez reculé plus vite, vous seriez déjà en train de pelleter de la neige à Korsk ».
Après avoir prononcé le nom détesté, Sam tourna la tête et cracha par terre. Tous les garçons et la plupart des hommes firent de même à l’unisson.
Un rire de surprise échappa à Dawson. Brocker lui lança un regard furieux jusqu’à ce qu’il le couvre d’une toux feinte.
Les autres Têtes d’Acier regardèrent leur chef, retenant leur souffle en attendant sa réaction.
« Vous les entraîner à cracher, n’est-ce pas ? »
« Nous avons tous nos petits plaisirs. Ces tâches sur ta lèvre, par exemple. Est-ce que quelqu’un les a déjà prises pour de vraies moustaches ? »
Brocker montra ses dents. Contrairement à son visage bronzé et balafré, elles étaient très grandes et très blanches. Lorsqu’il grimaça, ses moustaches en brosse apparaissaient d’autant plus ridicules. « Tu es drôle, MacHorne », répondit-il. « Pour une femme. D’habitudes, je n’aime pas que mes femmes soient drôles, mais dans ton cas, je ferai une exception. Quand nous aurons fini d’écraser ces nécroserfs, tu pourras venir dans ma tente et me raconter quelques mauvaises blagues ».
Les Cerbères se hérissèrent. Burns s’avança, mais Liter posa une main sur sa grosse épaule.
« Une mauvaise blague est à peu près tour ce que je trouverais dans ta tente, Brocker ». Sam couvrit la poignée de son épée, ne laissant que cinq centimètres entre sa main et la crosse.
Même les Têtes d’Acier gloussèrent, du moins jusqu’à ce que Brocker les fasse faire d’un regard de mort.
« Mais assez parlé de tes défauts », déclara Sam. « Qui t’a engagé pour chasser le Cryx ».
« La meilleure question est, qui diable embaucherait votre bande de rebuts ? Ou êtes-vous ici par vous-même, à la recherche de pièces détachées ? Je vous que vous en avez trouvé assez pour fabriquer deux warjacks pour un spectacle de marionnettes ».
« Tu veux dire les gros bras qui viennent de vous sauver la mise ? » demanda Sam. « Tu n’as pas répondu à ma question. C’est Baird, n’est-ce pas ? »
Brocker haussa les épaules. « Je n’ai aucune raison de te dire quoi que ce soit ».
« Je peux », dit-elle en haussant le ton. « Pense à combien d’autres de tes hommes ces Corrupteurs auraient pu bouleverser si nous ne nous étions pas montrés. À tout le moins, tu me dois des remerciements ».
Quelques soldats Têtes d’Acier hochèrent la tête jusqu’à ce qu’ils voient Brocker les observer. Celui-ci se renfrogna et réfléchit avant de répondre. « Le Roi Baird fait très attention lorsqu’il engage ses propres troupes, en particulier dans des endroits comme l’Octelande. Oui, nous collectons des primes sir les unités d’infiltration de Cryx et nous aurions pu nous en sortir sans ‘aide’, mais cette opération était différente, comme s’ils recherchaient autre chose que de supprimer des tombes standard ».
« Tu vois ? Ce n’était pas si difficile. Un jour où l’autre, tu vas pouvoir me dire « Merci de m’avoir sauvé la peau, Sam’ ».
« Je préférerais te mettre son mon genou », répondit-il. Son rictus disparut et fut remplacé par un regard lubrique. « Et t’apprendre à aimer ça ».
« Pourquoi, fils de pute rouge, lécheur de bottes- » Burns s’élança en avant. Cette fois, il fallut le poids combiné de Lister, Lisse et Crawley pour le retenir ».
Sam ne quitta pas Brocker des yeux ». Je ne peux pas dire à quel point j’ai apprécié notre petite discussion, mais je remarque tu es pressé. Si tu ne parts pas maintenant, tu ne rattraperas jamais le reste de Cryx ».
« Tu ne pas toujours pas dit ce que tu faisais dans l’Octelande » déclara-t-il.
« C’est exact ».
« Mais je t’ai dit- »
« Et je l’apprécie. Laisse-moi te témoigner ma reconnaissance ». Elle s’inclina et fit un geste de la main : « Merci Stannis. Tu vois comme c’est facile ? »
Alors que Brocker lui jetait un regard noir, Sam poursuivit. « Venez les Cerbères. Laissons les Têtes d’Acier bénir leurs morts et rassembler les primes ».
Sam appela Foyle et Gully, ce dernier développant un gémissement strident à chaque pas. Les Cerbères retournèrent vers leurs chariots, passant devant les corps des nécroserfs de Cryx et des Têtes d’Acier.
Lorsque Sam s’arrêta pour jeter un coup d’oeil en arrière, ceux qui étaient les plus proches d’elle firent de même. Derrière eux, les Têtes d’Acier ratissaient les champs pour récupérer leurs morts. Ils collectèrent les mains des nécroserfs morts et découpèrent les cortexes des helljacks.
« Tu sais qu’il ment probablement », déclara Lister. « Cette collecte de primes pourrait n’être qu’un spectacle ».
Sam acquiesça. « Probablement. Mais son histoire a du sens. Pendant qu’il poursuit ces cryxiens, je veux revenir sur leurs pas, découvrir d’où ils viennent. Même si Brocker ne s’en prend pas à notre objectif, il y a de fortes chances que les cryxiens le soient. Ils sont toujours à la recherche - Fils de pute ! »
Les garçons se retournèrent pour voir ce qui avait fait jurer leur capitaine. Les Têtes d’Acier empilaient les cadavres de leurs camarades tombés au combat avec du bois mort et du petit bois. Sous les yeux des Cerbères, les hommes de Brocker jetaient des brandons enflammés sur les hâtifs bûchers.
« Ce n’est pas une façon de traiter un camarade », grogna Lister.
« Pourquoi brûlent-ils les corps, demanda Dawson.
« Pour empêcher le Cryx de les récupérer en pièces détachées », répondit Burns. Il frissonna. « Et les âmes ».
« Les âmes ? » dit Dawson. « Je pensais que c’était juste- »
Burns l’éloigna et s’exprima doucement, ses yeux sur Sam alors que ses épaules se voûtaient et qu’il regardait fixement les Têtes d’Aciers brûler leurs camarades. « Nous ramenons nos morts à la maison », déclara Burns. « Et nous bénissons leurs corps pour préserver leurs âmes contre le Cryx. Nous les brûlos jamais. Ce sont les règles de Sam. Pas d’exception ».
Les Cerbères observèrent en silence Sam serrer et desserrer ses poings.
Enfin, Lister rompit le silence lorqu’il se tourna vers Sam. « Vos ordres, m’dame ? »
« Demande à Crawley et aux mékaniciens d’examiner de près les ‘jacks. Gully à besoin d’attention. Une fois qu’ils seront prêts nous laisserons ses gros idiots marcher un peu. Garde la moitié de la troupe sur les chariots, les autres soutiennent des ‘jacks. Envoie aussi deux hommes en reconnaissance à l’arrière, avec un rapport toutes les demi-heures. Je veux savoir si les Têtes d’Acier nous suivent. Il se peut qu’ils aient le même travail que nous ».
« Je n’arrive pas à croire que le Vieux ait engagé un animal comme Bocker ».
« Il ne le ferait pas », répondit Sam. « Mais quelqu’un d’autre aurait pu le faire. Le Vieux n’est peut-être pas le seul à avoir entendu parler de cet étrange ‘jack dans l’Octelande ».
« C’est génial », déclara Burns. « Nous allons danser avec les Têtes d’Acier, le Cryx et qui sait quoi d’autre, et nous ne savons toujours pas si nous sommes participons à une putain de chasse au gobber ».
« Je ne pense pas que ce soit le cas », dit Sam. « Avec une telle concurrence dans la lande, je parierais même que nous poursuivons un dragon ».
elric:
PARTIE DEUX
« Gully, Foyle, virage à gauche. Maintenant, avance lente ! »
Sam guidait ses warjacks à travers un labyrinthe de flaques d’eau et de ruisseaux lents. Les feuillages suspendus des saules étaient moins une barrière qu’une gêne, mais elle évitait les arbres les plus arbres les plus épais après que les Cerbères eurent passé dix minutes à dégager la lance paralysante de Foyle pour la libérer de la moitié d’un saule qu’il avait arraché.
Alors que Sam manoeuvrait le Nomade et le Rapace sur une bande de terre relativement ferme, sur le flanc Morris poussa un cri en plongeant dans une zone molle.
Morris lutta pour sortir du trou, mais il ne pouvait pas bouger sa jambe. Il mit de côté le lourd gros flingue et se débarrassa de son sac. Même avec ses deux mains libres pour pousser sur le sol, il ne réussit qu’à s’enfoncer davantage dans la boue molle. « Que quelqu’un me donne un coup de main ! »
Dawson fut le premier à l’atteindre. Il attrapa Morris sous les bras et tira, mais la terre humide retenait l’homme.
« Pousse-toi, Dawson ». Posant son arme et son paquetage, Lisse prit Morris par le bras gauche. Dawson lui attrapa le droit et, ensemble, ils tirèrent. Morris grogna et cria de douleur, mais il fut extirpé. Avec un bruit profond de succion, sa jambe sortit, d’un noir brillant.
« Bon sang », grommela Morris, « Ma botte est pleine de boue ! »
« De rien », dit Lisse. Il rangea son arme sous son bras et repris sa marche.
« Il fait un froid de canard ».
« Au moins, il n’y a pas de vent », déclara Dawson. Il frissonna de sympathie en expirant un panache de buée.
Morris pesta en claquant des dents. Il enleva une poignée de boue, de feuilles mortes et un ver de terre rouge, se tortillant, aussi épais que son index. « Pouah ! »
« Cela aurait pu être pire », déclara Dawson « Le Sergent Crawley dit qu’il y a des centaines d’hommes involontairement enterrés dans l’Octelande ».
Morris secoua la tête. « Bien sûr qu’il y en a. Le Cryx a assassiné des milliers de personnes dans cette lande ».
« Le sergent ne parlait pas de morts au combat », déclara Dawson. « Il parlait des voyageurs et des forestiers qui venaient juste d’être engloutis par des entonnoirs comme celui-là. Ils sont tout autour de nous, à quelques centimètres sous terre, encore debout là où ils se sont enfoncés. Nous marchons sur leurs crânes ».
Morris railla. « Il dit çà pour effrayer les chiots comme toi. C’est une autre raison pour laquelle on l’appelle Flippant ». Malgré ses paroles courageuses, Morris frissonna alors qu’il continuait à gratter la boue de sa jambe.
« Je ne sais pas. J’ai l’impression que nous marchons dans un cimetière. Il y a peu, Robinson a marché sur une cage thoracique ».
Au son d’un sifflement dissimulés, les deux hommes regardèrent autour d’eux. Dawson serra fort son armure, mais il n’y avait rien.
La brume s’épaississait à mesure qu’ils s’enfonçaient dans l’Octelande. La lumière du soleil filtrait à travers les nuages. Il offrait peu de lumière et encore moins de chaleur.
« Arrête, Dawson. Là, tu me donnes la chair de poule ». Morris détourna son regard de la brume et baissa les yeux sur sa botte détrempée avant de lâcher un lourd soupir. « Allons-y. Ils nous devancent ».
Dawson hocha la tête en direction de la jambe noircie de Morris. « Fais attention ».
Bientôt, ils rattrapèrent le reste de la compagnie et se plaçèrent à côté du chariot d’avitaillement. Les roues renforcées de fer patinaient dans la terre molle, les conducteurs suivant l’exemple de Gully et Foyle pour rester sur la terre ferme.
Le Lieutenant Lister menait une escouade à une cinquantaine de verges devant les warjacks. Il s’arrêtait de temps en temps pour s’assurer qu’ils restaient à portée visuelle des personnes qui escortaient le chariot de tête. Il disparut brièvement dans la brume s’épaississant, pour réapparaître alors qu’ils se rapprochaient. Habituellement, il se matérialisait en regardant une carte et une boussole, car les nuages obscurcissant rendaient la navigation par le soleil au mieux incertaine.
Loin devant, perdus dans les brumes, les éclaireurs des Cerbères guidaient la compagnie dans le sillage des pillards Cryx. Toutes les demi-heures, ils revenaient près de Lister à quelques minutes d’intervalle, faisant leur rapport trop discrètement pour les autres puissent l’entendre.
Les éclaireurs cherchaient des signes d’embuscade, pas la piste elle-même. Il n’était pas nécessaire d’être spécialement entraîné pour voir les plantes piétinées et la terre retournée que les morts-vivants avaient laissés dans leur sillage. Même les hommes près des chariots distinguaient les empreintes de bottes de fer des nécroserfs. Des plus grandes empreintes à trois doigts marquaient le passage des bonejacks et des helljacks, ces derniers étant deux fois plus gros que les premiers.
Morris se retourna, levant son gros flingue au bruit d’une brindille cassée. Jusqu’à ce qu’elle ait marché dessus, Sam se déplaçait silencieusement dans la lande. Elle tendit la main pour écarter le canon de l’arme.
« Cet endroit donne la frousse à tout le monde », dit-elle. « L’astuce, c’est qu’elle reste à l’intérieur ».
« Oui’s » répondit Morris.
Sam regarda Dawson. Sous le regard de son capitaine, il relâcha sa prise sur le gros flingue pour le porter librement mais prêt à la hanche. Ses propres yeux semblaient durs même dans la lumière tamisée, mais elle lui fit un signe de tête confiant.
Tandis que Sam poursuivait sa route prenant des nouvelles des autres Cerbères, Morris se retourna pour regarder Dawson, qui lui offrit un haussement d’épaules compatissant.
De temps à autre, l’un des Cerbères se penchait pour récupérer un artefact d’une bataille antérieure : douilles, sangles de toile, boucles de laiton, éclats d’obus et d’écrous de ‘jack aussi gros que des pommes. La plupart du fer était rouillé depuis longtemps, mais certains des débris semblaient neufs. Ces objets étaient remis au Sergent Crawley, qui les examinait avant de les jeter ou de les glisser dans la pochette de son ceinturon.
« Récent ? » demanda Sam alors que le sergent examinait la nouvelle babiole.
Crawley secoua la tête. « Pas assez pour être du lot que Brocker poursuit ».
Harrow quitta les éclaireurs pour adresser quelques mots à Lister. Le lieutenant acquiesça et renvoya Harrow avant de s’approcher de Sam.
« Nous avons trouvé quelque chose », lui dit-il. « Une étrange piste ».
« Foyle, Gully, marche en avant ! » Sam les accompagna, se déplaçant à une vitesse prudente.
« Attention ! » Lui cria Lister. Le grand homme glissa alors qu’il se dépêchait de les rattraper. Il désigna les hommes les plus proches. « Dawson, Morris, Robinson, avec moi ». Tandis que Sam trottinait entre le grand Rapace et le Nomade encore plus grand, Lister et son unité pressait pour suivre.
La jambe trempée de Morris gargouillait à chaque pas tandis que les Cerbères suivaient Sam et ses warjacks. Le bruit des roues des chariots s’estompait au fur et à mesure que les soldats avançaient.
Une fusée éclairante traversa la brume devant eux. Alors qu’ils se rapprochaient, les Cerbères virent Harrow s’agenouiller pour examiner quelque chose par terre. La lumière cramoisie de la fusée projetait des ombres infernales sur son visage. Lorsqu’il leva les yeux vers les mercenaires s’approchant, Dawson et Morris détournèrent le regard.
Sam ralenti et arrêta ses ‘jacks avant de rejoindre Harrow. Lister fit signe aux hommes de se mettre en position de garde en tournant le dos à la fusée éclairante.
Sam et Lister examinèrent une flaque rectangulaire légèrement plus grande qu’une brique. Une extrémité était légèrement plus large que l’autre et trois lignes parallèles formaient d’étroits ponts sur toute la largeur. « Je n’ai jamais rien vu de tel auparavant », dit Sam, « mais je parierais que ce n’est pas cryxien ».
Harrow se releva, faisant un geste avec la torche pour indiquer d’autres empreintes à proximité. Elles étaient toutes identiques, espacées en larges motifs répétitifs.
« C’est étrange », déclara Sam après avoir longuement observé. « Faites devenir Crawley. Je veux son avis ».
« Morris », dit Lister, en faisant un geste du pouce en direction du train de chariots. « À double cadence ! »
« Monsieur ! » Morris se mit à courir, pataugeant à chaque pas.
Sam suivit Harrow alors qu’il montrait de plus en plus d’empreintes. Il indiqua deux pistes parallèles, une large piste d’empreintes de cryxiens piétinées, l’autre les empreintes rectangulaires du voyageur solitaire.
Sam demanda : « Le Cryx le suivait, tu crois ? »
Harrow secoua la tête.
« Tu penses que ça les suivait ? »
Il acquiesça.
Crawley arriva, essoufflé. Derrière lui, Morris appuya ses mains contre ses cuisses, haletant.
Sam s’empara de la fusée d’Harrow et montra les étranges empreintes à Crawley. Le sergent baissa les lunettes autour de son cou et plissa les yeux vers la dépression rectangulaire. Son front se plissa alors qu’il suivait le tracé des pas.
« Qu’en penses-tu ? » demanda Sam. « Quadrupède ? »
« Certainement. Et extrêmement régulier. Trop régulier, si tu veux mon avis. Même pour un nouveau ‘jack fraîchement sortit de la forge, on s’attend à plus de variations dans les pas en fonction de sa charge d’armes, de la façon dont il tourne, s’il transporte quelque chose, Ces pas sont parfais ».
Crawley s’agenouilla. Il plongea sa main dans la flaque rectangulaire pour en mesure la profondeur. Il enfonça son pouce dans la terre comprimée à la base de la flaque, tâtant la fermeté des stries à l’intérieur de l’empreinte. Les yeux mi-clos, il effectua un calcul silencieux : « En supposant qu’il ait quatre jambes, je dirais environ sept tonnes. Peut-être huit ».
Lister siffla tout bas. « Aussi gros que Gully ».
« Combien de présent ici ? » demanda Crawley.
« Juste celui-là ? » Sam jeta un coup d’oeil à Harrow, qui hocha la tête pour confirmer. « Oui, juste un ».
« Des empreintes d’un contrôleur ? » demanda Sam.
Harrow secoua la tête.
« Est-ce la chose que nous recherchons, Sam ? » demanda Lister.
« Le message du Vieux indiquait que je le saurais quand je l’aurais vu », déclara Sam. « Maintenant que je le vois, je pense que oui ».
Ma question est : est-ce que le Cryx le cherche aussi ? »
« C’est possible », dit Sam. « Mais à en juger par la position des ces traces, je parierais que cette chose à vu les cryxiens avant qu’ils ne la voient. Peut-être qu’ils ne savaient même pas qu’il était là ».
« Et Brocker ? »
Sam haussa les épaules. « Il se peut qu’il ait dit la vérité. Ou peut-être que le Cryx s’est mis en travers de son chemin alors qu’il cherchait notre mystérieux ‘jack ».
« On suit ces traces ou les cryxiens ? »
« Pour l’instant, ça n’a pas d’importance. Elles ne se croisent peut-être pas, mais elles reviennent dans la même direction. Assure-toi que les autres éclaireurs voient ces empreintes. Places-en un de chaque côté des pistes, puis Harrow au milieu, entre les pistes ».
« Oui’s », répondit Lister.
« Je ramène les grands gaillards aux chariots. Je veux qu’ils soient entièrement chargés et prêts à l’action ».
« Ça marche, Sam », déclara Crawley.
« Trouvons cette chose avant que quiconque ne le fasse », dit-elle. Puis, presque pour elle-même, elle ajouta : « Et prions que le Cryx ne nous trouve pas en premier ».
* * *
La troisième fois que le chariot d’avitaillement s’embourba, le Sergent Crawley demanda à toute la compagnie de s’arrêter. Après s’être entretenu avec Lister et le capitaine, il ordonna aux hommes décharger les réserves d’eau et de nourriture et de répartir le chargement de manière égale entre les chariots vides. Un peu plus d’une heure plus tard, la marche reprit avec moins d’haltes pour les chariots en retard.
Les éclaireurs revinrent et signalèrent pour signaler un terrain traite devant eux. Sam dirigea les warjacks loin des terrains les plus périlleux. Cela nécessitait parfois un détour, mais Sam insistait sur la prudence. Poussez un chariot dans une ornière était déjà assez pénible. Personne ne voulait sortir d’un warjack d’un entonnoir.
Lorsque le Sergent Crawley donna le coup de sifflet d’arrêt, les Cerbères étaient trempés et épuisés. Ceux qui avaient été choisis comme piquets et sentinelles pestaient tandis que les autres se mettaient au travail pour établir le campement sur le terrain relativement sec qu’ils avaient choisi.
En moins d’une heure, les mékaniciens, sous le regard attentif du Sergent Crawley et du capitaine, étaient plongés jusqu’au coude dans Gully après que Foyle eut passé l’inspection et reçu un plein chargement de charbon et d’eau. Crawley arracha le pistolet à rivets de l’un des hommes et refixa la plaque renforçant le châssis de Gully brûlé par le venin.
« Regarde ça », déclara Robinson. Vétéran maigre à la barbe rousse, il souleva un objet concave de sous une jonchée de feuilles. Il balaya les détritus pour révéler la partie supérieure du crâne d’un bonjack. « Cela évitera à mon sac de couchage ne touche le sol humide ».
« Ne touche pas à ça », avertit Burns, « ça porte malheur.
« Ne sois pas un nigaud si superstitieux ».
Burns lui montra son poing. « Si tu ne contrôles pas tes paroles, la malchance arrivera plus vite que tu ne le penses ».
« Tu fais ce que tu veux blondinet », répondit Robinson. « Personne ne t’empêche de dormir sur le sol humide ».
Morris revint de ses recherches avec un torchon rempli de champignons. « Hé, caporal », dit-il. « Que pensez-vous de ces champignons ? »
Harrow jeta un coup d’oeil à la récolte de Morris. Piochant dans le tissu, il jeta un champignon au chapeau vert pâle et l’écrasa sous ses pieds. Quand il eut fini, il prit quelques champignons coniques pour les grignoter et s’éloigna sans un mot.
« Merci ». Morris goûta les champignons, plissa les yeux et hocha la tête e signe d’approbation.
« Que s’est-il passé ? » demanda Dawson.
« Avant de rejoindre la compagnie, Harrow était au SRC du Roi Leto ».
« Le Service de Reconnaissance Cygnaréen ! »
« Shh », dit Morris. « Baisse d’un ton. Il n’aime pas qu’on en parle ».
« Pourquoi est-il parti ? »
« Personne ne le sait — ne pense même pas le demander à Harrow. Il n’aimerait pas ça. De toute façon, on dit qu’on peut l’abandonner pendant un an dans n’importe quel endroit abandonné des dieux, et qu’il reviendra avec cinq kilogrammes de plus, avec les noms et les emplacements de chaque horrible chose vivant sous un rocher ou sur une branche d’arbre. Il connaît toutes les choses qui sont bonnes à manger et toutes celles qui te tueraient ».
« C’est un homme à avoir dans les parages ».
« Oui », acquiesça Morris. « Tant qu’il veut t’avoir à ses côtés ».
Dawson grimaça. « À Tarna, il m’a pris pour un espion de Khador ».
Morris étudia le visage de Dawson. « Non, il ne l’a pas fait ».
« Quoi ? »
« S’il t’avait pris pour un espion, nous n’aurions pas cette conversation. Tiens, essaye celui-là ». Morris lui tendit un morceau de champignon.
Dawson regarda le champignon cramoisi avec méfiance avant d’en prendre une bouchée. Au fur et à mesure qu’il grignotait, il se mit à sourire. « C’est vraiment bon ».
Morris divisa les champignons en deux tas inégaux. Le plus petit, il le posa dans un tissu et le rangea dans la pochette de sa ceinture. Il apporta le plus gros à Sam, qui assise sur le hayon ouvert du chariot de ravitaillement, mangeait un repas froid à côté de Lisse.
Elle mit de côté son assiette en fer-blanc de corned-beef, de fromage jaune dur et de pain plat pour accepter le butin de Morris. « Harrow les a vus ? »
« Voyons, capitaine ».
Sam grignota un morceau et approuva d’un signe tête. Elle en mit deux dans son assiette et passa le reste à Lisse. « Fais-les circuler, Lisse et annonce à tous que nous avons un intrépide chasseur de champignons parmi nous »
Morris salua Sam et se détourna avant qu’un sourire idiot n’envahisse son visage. Dawson le suivit jusqu’au chariot d’avitaillement, où Morris sortit une brosse rigide pour nettoyer sa botte souillée.
« Deux », déclara Dawson.
Ils retournèrent à l’endroit qu’ils avaient choisi pour faire leurs lits. Dawson regarda le crâne que Robinson avait posé sous lui pour rester au sec. Il frissonna et jeta un coup d’oeil à Morris. D’un commun accord, ils ramassèrent leurs sacs et s’éloignèrent vers un autre endroit sec.
Morris enleva sa botte détrempée, détacha sa genouillère et se débarrassa de son pantalon de cuir. Après l’avoir vigoureusement secoué, il le suspendit à une banche voisine.
« Donne-moi ça », dit Dawson en attrapant l’armure. Pendant que Morris frottait sa botte, Dawson brossait la boue accumulée sur sa genouillère. Morris fit un signe de tête appréciateur à Dawson.
Ils travaillèrent en silence pendant un moment avant que Morris ne demande : « Qu’as-tu fait pour que tu penses que Harrow te prenais pour un Rouge ? »
En grimaçant, Dawson décrivit comment il avait été surpris en train d’espionner le briefing des garçons. Plutôt que de le réprimander, Morris s’esclaffa. « Rose a fait la même chose au printemps dernier Burns lui a fait tellement craindre qu’Harrow lui tranche la gorge pendant qu’il dormait qu’il a failli renoncer à son contrat. Cela arrive de temps en temps – pas l’égorgement, mais le fait de jeter un coup d’oeil furtif au premier briefing. Chaque nouveau chiot veut être l’un des garçons.
« Qu’est-ce qu’il faut pour cela ? »
Morris haussa les épaules. « Je ne sais pas vraiment. Lister et Flippant étaient avec le capitaine bien avant la partie. Je suppose qu’ils ont été les premiers ».
« Lorsque je me suis engagé, le sergent m’a raconté comment le Capitaine MacHorne avait gagné la charte de la compagnie lors d’une partie de cartes. Avant d’entendre son histoire, je n’aurais pas pensé qu’elle était une tricheuse. C’est pour ça qu’aucun membre de la compagnie ne veut jouer aux cartes avec elle ? »
« As-tu entendu la version de Lister ? »
« Non ».
« Cela vaut la peine de lui demander un jour, en supposant qu’il soit de bonne humeur ».
« Et les caporaux ? Ce sont tous des garçons, n’est-ce pas ? »
« La plupart d’entre eux, mais pas tous : Robinson, par exemple. Et j’ai entendu parler de simples soldats qui étaient considérés comme des garçons, mais c’était avant mon arrivée. De toute façon, ce n’est pas qu’une question de rang ou d’ancienneté, pour autant que je sache ».
Dawson hocha la tête, mais son expression restait perplexe.
« Il n’y a pas d’annonce ou quoi que ce soit d’autre. Un jour Crawley t’annonce de te présenter au premier briefing, et tout le monde sait que tu n’es plus un homme. Tu es un garçon ».
« Huh ». Dawson eut un regard lointain dans ses yeux.
« Ne sois pas trop excité, gamin. Il n’y a pas d’augmentation ou quoi que ce soit ».
Morris mis sa botte de côté et commença à brosser la boue séchée de son pantalon. Lorsqu’il se pencha, trois talismans sortirent de sa chemise. Deux étaient en bronze poli, le troisième en or brillant.
« Je ne te savais pas si pieux » déclara Dawson.
Morris se leva et pris l’un des médaillons de bronze entre son pouce et son doigt. « Pas plus qu’un autre. Celui-ci est de ma soeur ».
Dawson se leva pour regarder le disque circulaire. Sur sa face était gravée une épée enveloppée dans une bannière inscrite de mots caspiens. « Ascendant Solovin », déclara Dawson. « Le patron des guérisseurs ».
« Murdina est sage-femme dans notre village natal, juste à l’ouest de Carre Dova. Chaque fois qu’elle m’écrit, elle me rappelle de rester près du chirurgien ».
« Mais nous n’avons pas de chirurgien de campagne dédié ».
Morris porta un doigt à ses lèvres. « Ne le dis pas à Murdina ».
Il laissa tomber le premier médaillon de bronze et souleva le suivant. Une épée contre un mur crénelé était estampée sur sa face.
« Ascendant Markus », déclara Dawson. Il toucha sa cuirasse. « J’en ai un tout pareil ».
« Cela te donne le courage de défier quatorze chefs barbares pour briser un siège ? »
« Eh bien… peut-être treize. Markus est mort en tuant le dernier ».
Morris rit. « Tu veux dire qu’il s’est ‘élevé’ ».
« Bien sûr. Mais il est d’abord mort ».
« Ne laisse pas Lister t’entendre parler comme ça. Il te menotterait pour blasphème ».
« Il est si pieux ? »
« Surtout à propos de l’Ascendant Markus. Ses meilleurs jurons sont en caspien ».
« Qui parle le caspien de nos jours ? »
« Le Primarque, ses Exarques, tous leurs prêtres, et le Lieutenant Lister », répondit Morris. « Mais je pense que Lister est plus à l’aise en particulier avec les jurons ».
« Que j’aimerais entendre ».
« Tu dis cela maintenant, mais tu ferais mieux de prier d’être à bonne distance quand ça arrivera. Tes oreilles vont bourdonner ».
« Et le troisième médaillon ? »
« Ah, c’est mon trésor ». Il leva le disque d’or. « Ascendant Katrena, défenderesse de la foi, patronne de la bravoure, de la chevalerie et de la noblesse – bien trop beau pour des hommes comme moi. Et regarde ici ». Il retourna le disque pour révéler un éclat d’ivoire incrusté dans le métal. « Un éclat de l’os de sa jambe. Je l’ai acheté à un homme ayant voyagé jusqu’au Sancteum ».
« Il doit valoir une fortune ».
« La plupart de mes gains de la première année », répondit Morris. « C’est pour ma fille. Tu sais, un jour ».
Dawson acquiesça. « Je ne savais pas que tu as une femme ».
« Je n’en ai pas ». Son sourire s’estompa. « Sa mère a épousé un autre homme. Un avec des perspectives d’avenir ».
« C’est pour cela que tu as rejoint la compagnie ? Pour faire fortune et la reconquérir ? »
« Non, je voulais juste partir. Je travaillais dans un village où je risquais de voir ma petite fille se balader sur les épaules du poissonnier en l’appelant papa ».
« Quel est son nom ? »
Morris s’illumina. « Isla. Ses yeux ont la couleur du bleuet ».
Après le souper, Dawson prit le quart suivant tandis que Morris se couchait. Il s’assit au sud du camp, à l’abri de la lumière des feux allumés par le chariot de Foyle, et regarda dans le brouillard. Après une fine pluie, les lunes fantomatiques apparurent à travers les troués dans les nuages. Dawson écouta la sérénade rythmée des grenouilles jusqu’à ce que Parks le remplace. Il retourna ensuite dans son lit et dormit jusqu’à ce que le sifflet sur sergent réveille la compagnie.
* * *
Après une matinée au cours de laquelle les éclaireurs signalèrent des bruits étranges dans la brume, Lister chargea Dawson et Robinson de partir en tant que deux paires d’oreilles fraîches. Ils venaient de quitter la compagnie depuis dix minutes qu’ils rencontrèrent un autre chenal d’eau stagnante leur barrant le chemin.
Dawson traversa le premier, tenant son fusil et sa pochette de munitions par-dessus l’eau atteignant sa taille. Il sortit de l’autre côté et se retourna pour voir Robinson faire de même. Lorsque le caporal émergea de l’eau, sa chemise se souleva, révélant de grosses sangsues brunes couvrant son corps.
« Remonte ta chemise », dit Dawson. « Ne bouge pas. Il pinça la sangsue juste au-dessous de l’une de ses extrémités effilées, forçant ses ventouses, avant de la décoller. Deux plaies sanguinolentes apparurent sur la peau de Robinson.
« Oh, Morrow », dit Robinson. « Enlève-les. Enlève-les maintenant ! »
« Ne fais pas le bébé. Ce ne sont que des sangsues ».
« Je ne les supporte pas ».
« Tu peux dormir sur le crâne d’un bonejack, mais ça te dérange ».
« Elles me mangent vivant ! »
Dawson jeta une autre sangsue de côté et tourna Robinson pour examiner le reste de son torse. « Enlève tout »
« Quoi ? »
« Elles ont peut-être pénétré dans tes vêtements ».
Frissonnant, Robinson retira son pantalon de cuir. Dawson l’examina de près. « Tu es propre. Maintenant, vérifie-moi ».
Robinson remit sa ceinture en place avant de vérifier que Dawson n’avait pas de sangsues. Il n’en trouva qu’une sur la hanche de Dawson, mais il ne put se résoudre à la toucher. Dawson l’enleva lui-même ».
« Tu as entendu ? » demanda Robinson.
Dawson s’immobilisa. Il entendit un cri d’oiseau au loin et quelques clapotis d’eau de grenouilles dans les flaques d’eau voisines. Puis il entendit un léger bruit de ressorts se comprimant et se relâchant. Ce n’était pas le bruit d’une machine à vapeur, mais il s’agissait indubitablement d’un mouvement mécanique.
« Devrions-nous aller voir plus près ? » chuchota Dawson.
« Je ne- » Robinson regarda dans la direction du bruit. D’autres chenaux et flaques stagnantes se tenaient devant eux. « Non, nous ferions mieux de faire notre propre rapport d’abord ».
Lorsqu’ils rapportèrent à Lister ce qu’ils avaient entendu, le gros lieutenant loucha sur Dawson en baissant son cigare. « Vous êtes sûrs que c’est ce que vous avez entendu ? » dit-il « Certains d’entre vous ne savent pas faire la différence entre une grenouille et un engoulevent ».
« J’ai entendu quelque chose de similaire », déclara Harrow, sortant de nulle part. « Et un bruit de cliquetis, plus comme un clocher que comme un warjack ».
« Avez-vous au moins jeté un coup d’oeil ? »
Harrow secoua la tête. « D’autres traces ? »
« Aucune que j’ai pu voir. Toute la zone est inondée ».
« Aucune que j’ai pu remarquer. Toute la zone est inondée ».
Lister se tourna vers Sam. « Qu’en dites-vous capitaine ? »
« Quoi qu’il en soit, il est assez intelligent pour cacher ses traces ».
« C’est probable », acquiesça Lister.
« Je n’aime pas l’idée d’emmener nos grands gaillards patauger. Pourtant… »
Elle ordonna à la compagnie de s’arrêter : « Je veux que six de nos plus grands hommes marchent en ligne devant Gully et Foyle. Deux hommes en arrière-garde et deux de chaque côté. Garde une escouade à portée de main ».
« Ça ne laisse pas beaucoup d’éclaireur », reprit Lister.
« Débrouille-toi ».
« Oui’s. Sergent, tu choisis les demoiselles d’honneur ».
« Des grandes, hein ? » Crawley ajusta ses lunettes et regarda Lister.
« D’accord, d’accord. Compte sur moi ».
« Écoutez, Burns, Lisse, Harrow ! Vous trois, escortez ce jeune marié costaud jusqu’à l’autel ». Il frappa sur le genou de Gully. « Fraser, Bowie, vous accompagniez la mariée avec le lieutenant ». Il indiqua Foyle.
Les Cerbères prient leurs nouvelles positions, menant les ‘jack et les chariots à travers l’eau jusqu’aux mollets. Lorsque Bruns et Lisse plongèrent jusqu’aux hanches dans une mare, Sam stoppa les ‘jacks jusqu’à ce qu’il trouve une voie moins profonde.
« C’est stupide ». Burns coupa une longue branche et en détacha les brindilles. Avec le bâton, il sonda le sol pendant que les Cerbères avançaient. L’un après les autres, les autres suivirent son exemple, à l’exception de Harrow, qui se baladait dans l’eau croupie sans l’aide d’une sonde, laissant à peine une ondulation dans son sillage.
À quelques minutes d’intervalles Robinson et McBride revinrent de leurs repérages et ne signalèrent aucune observation inhabituelle. Robinson confirma que leur chemin aquatique s’éloignait de la piste laissée par le Cryx.
« Ce qui les suivait venait de cette direction », dit Crawley. Il fit signe aux éclaireurs de repartir.
Sam acquiesça. « Nous nous rapprochons de la Langue du Dragon. Qu’en penses-tu ? Cinq ou six kilomètres ? »
Crawley sortit une boussole et une carte de sa poche. « Laisse-moi vérifier la carte ».
Sam se retourna, Harrow leva cinq doigts d’une main, trois de l’autre.
« Huit kilomètres », répondit Crawley. Il laissa la carte pliée et remit la boussole dans sa poche.
« Qu’est-ce qu’il y a ici, si près du fleuve ? demanda Sam à personne en particulier. Personne n’eut de réponse. Ils avançaient en pataugeant dans la boue.
« Nous y voilà. Regarder ». Burns pointa son bâton.
Il indiqua une étendue d’eau sombre au sud-est. Un reflet irisé se mêlait à des tourbillons plus sombres sous la surface de l’eau. Au-delà du noyau sombre de la tache, l’eau brillait.
« De l’huile et du venin cryxiens », déclara Lister. « Soyez attentif ».
S’aidant de leurs bâtons, Lister Harrow avancèrent. Bientôt, ils s’enfoncèrent dans la boue jusqu’aux hanches.
Burns sauta pour les rejoindre, mais il glissa sur le côté, s’écrasant sous l’eau. Il remonta en bafouillant : « Au secours ! Il plongea à nouveau sous l’eau, puis remonta en ajoutant : « Quelque chose m’a attrapé ! »
Lister et Harrow se retournèrent. Lister mis son gros flingue, mais se ravisa. Harrow avait déjà sa pioche en main. Il la balança en arc pour frapper près du pied de Burns. La pointe frappa avec un bruit sourd sous l’eau. Quoi qu’il en soit, le coup fut suffisant pour libérer Burns. Lister se releva.
Harrow frappa à nouveau, mais l’eau resta immobile.
« Qu’est-ce que c’était ? » demanda Lister.
« Ça m’a attrapé la jambe », déclara Burns, sans pour autant se mettre à hurler d’inquiétude.
Harrow enfonça sa hache sous l’eau, frappant un objet sous la surface. Comme l’objet ne réagissait pas, il déplaça l’arme, tâtant la forme de l’objet. D’un simple mouvement de tête, il remit sa hache sur son épaule et enfonça ses mains sous l’eau.
« Fais attention, mec » l’avertit Burns. « Il a avalé mon pied en entier dans sa gueule ».
Après avoir tâté l’objet englouti, Harrow recula et tendit sa main, Lister lui donna la perche qu’il avait lâchée. Ensemble, ils utilisèrent leurs perches comme levier pour soulever le crâne d’un bonejack en ruine.
Sous une mâchoire pleine de crocs, une paire de défenses renforcée de fer se recourbaient en pointes acérées. Des pistons les reliaient à des mékanismes situés à l’intérieur d’un dissipateur thermique en laiton formant un collier derrière la « tête » du ‘jack. Les Cerbères voyaient pas grand choses du corps blindé du mékanisme, mais la plupart hochèrent la tête en reconnaissant la forme la plus commune des machines de guerre de Cryx.
« Dépeceur », déclara Crawley.
« Attention », cria Burns. « Ça glisse ».
Il tomba à genoux, mais le bonejack ne s’enfonça pas avec lui. Avec un craquement de fer et un gargouillis d’eau du marécage, la tête du Dépeceur remonta à la surface, révélant les dégâts ayant presque séparé la tête du châssis.
La coupe semblait parfaitement droite à l’exception d’un motif régulier de points cisaillés le long du bord de la plaie.
« Cela ne provient pas d’un espadon », déclara Lister. Il testa le bord de l’entaille dentelée avec le doigt d’une main gantée. En sifflant, il le porta à sa bouche, mais s’arrêta avant de passer sa langue sur la blessure. Même en l’effleurant, le métal taillé tranchait le cuir.
« On dirait que quelqu’un a passé cette chose à la scie à bois » fit remarquer Crawley. Il examina la tache d’huile, d’abord avec ses lunettes, puis en plissant les yeux après les avoir rabattues autour de son cou. « Cela ne fait pas longtemps qu’elle est là. Je dirais que ce qui a trouvé ce Dépeceur l’a fait juste avant que Brocker et ses hommes ne rencontre les cryxiens pour la première fois au nord-ouest.
« Alors », répondit Sam, « il est possible que les cryxiens l’aient recherché, trouvé, puis aient été entraînés dans un combat ».
« Ce qui pourrait suggérer que Brocker le cherchait également, et c’est pourquoi il était ici », déclara Lister.
Sam regarda par-dessus son épaule avant d’acquiescer. « Peut-être. Dans tous les cas, nous devons continuer à surveiller nos arrières ».
Ils reprirent leur marche. Les bavardages se réduisirent à des chuchotements, ponctués par de sifflements d’avertissements au silence par les hommes les plus éloignés de l’agitation des warjacks.
« Tu as entendu ça ? » demanda Morris.
Dawson ferma les yeux pour mieux écouter. « Je pense que c’est juste les arbres. Il se retourna lorsqu’il aperçut un mouvement inattendu du coin de l’œil. « Attention Burns ! »
Foyle trébucha en avant. Son ombre se profila au-dessus de Burns tandis que le Rapace s’inclinait vers lui, levant sa longue lance paralysante dans une désespérée tentative de se rattraper.
Burns se retourna, les yeux écarquillés par le danger. Il commença à bouger, mais la boue l’enserrant le retint.
Sam se précipita vers lui, bondissant pour plaquer le grand homme de tout son poids. Même si elle ne faisait que la moitié de sa taille, elle le frappa avec le bon angle pour l’écarter de la trajectoire du warjack. Ils plongèrent dans le bourbier. L’instant d’après, Foyle s’abattait à côté d’eux, éclaboussant tous ceux que se trouvaient à moins de six mètres.
L’eau du marais siffla lorsqu’elle toucha la fournaise sur le dos de Foyle. Le warjack toussa lorsque atteignit son moteur.
Sam émergea la première, crachotant. « Foyle, stabilise-toi ! Accroche-toi ! »
Le Rapace sortit sa lance paralysante et planta sa crosse dans le sol. Il fit de même avec son bras-bouclier, poussant sur le côté tout en tirant son arme vers l’avant. Ses pistons s’élancèrent et se bloquèrent, ses engrenages sous pression.
Burns se leva et se déplaça pour pousser le warjack par-derrière. Tous les hommes à proximités se mirent en position pour l’aider dans ses efforts. Morris posa une main trop près de la fournaise, criant alors que le métal chauffé au rouge brûla sa paume à travers son gant de cuir.
Lister poussa une litanie d’obscénités dans un mélange d’ordique, de cygnaréen et de caspien à une vitesse folle. Les yeux de Dawson s’écarquillèrent, mais personne d’autre n’esquissa le moindre sourire.
Sous la direction de Sam, les hommes poussèrent au rythme des propres efforts de Foyle pour sortir de l’entonnoir. Alors que l’alarme s’estompait, leurs efforts se coordonnèrent. Malgré tous leurs efforts, le résultat demeura le même : Foyle était coincé.
« Très bien, Cerbères, reculons », dit Sam. Les hommes reculèrent avec précaution tandis que Foyle chancelait et s’immobilisait.
Sam remonta ses lunettes sur son front et s’essuya les yeux d’un revers de main. « Cela demande un peu plus de réflexion. En attendant, il ne faut pas baisser la garde. Crawley ? »
Le sergent assigna deux unités à la garde tandis que les autres se mettaient à l’aise, attendant de nouvelles instructions.
« Comment est-ce arrivé ? » demanda Lister. Il paralysa Burns d’un regard. « Tu as posé le pied sur ce trou ! »
« Je ne sais pas, lieutenant. Je n’ai rien senti ».
« Dit l’actrice à l’Exarque » ajoute Lisse, souriant et en cherchant l’approbation autour de lui. N’en voyant aucune, il leva ses mains vides tel un acteur s’excusant auprès du public. Il s’éloigna d’un projecteur imaginaire.
« Ow ! Fils de- » Lise s’éloigna d’un point près du genou gauche de Foyle. En Sifflant, il leva la jambe. Du sang coulait d’une plaie située sur son mollet, juste sous le pli du genou. Il la serra fort.
« Attrapez-le », dit Lister. Il saisit Lisse sous les bras. Burns et Harrow prirent ses jambes, d’un pas rapide et court, ils emportèrent le grand homme jusqu’au chariot le plus proche. Un autre Cerbère baissa le hayon, et ils posèrent Lisse dessus.
Lister déchira la déchirure de la jambe de pantalon de Lisse et pressa ses mains contre la blessure. Du sang coula entre ses doigts. « C’est une sacrée coupure ».
« Je l’ai à peine touché », dit Lisse.
« Alors, c’est tranchant comme la rancune ».
L’un des conducteurs était déjà sur place avec de l’eau, des chiffons propres et des bandages. Il nettoya la plaie avec de l’eau fraîche, l’épongea avec un chiffon propre et saupoudra la plaie d’une poudre coagulante. Une fois qu’ils eurent maîtrisé le saignement, Fleming sortit le kit de suture et enfila une aiguille incurvée.
Tandis que Fleming recousait la blessure de Lisse, Lister se dirigea vers Foyle, mâchonnant son cigare.
« Regardez », dit Sam. Elle pointa du doigt Dawson, Morris et Harrow qui sortaient avec précaution un objet pointu hors de l’eau.
C’était un disque d’acier bleui de près de soixante centimètres de diamètre. Son pourtour extérieur était hérissé de dents. Les mauvaises herbes du marais s’accrochaient à un trou en son centre.
« Vous voyez », dit Burns. « Ce n’était pas de ma faute. Cette chose devait être coincée dans le trou et les mauvaises herbes ou quelque chose comme ça. Quand Foyle a marché dessus, son poids l’a fait basculer ».
« Quelque chose me dit que ça ne vient pas d’un laborjack » dit Morris. « D’ailleurs, nous aurions remarqué quelque chose si quelqu’un avait scié des arbres à proximités ».
« Non », dit Dawson. « Cette lame n’a pas été conçue pour couper du bois. Les dents ne sont pas bonnes, les creux trop peu profonds. Il n’y a pratiquement pas d’avoyage. L’acier doit être incroyablement solide. Et regardez cette lancette ! ». Il regardait la lame avec admiration jusqu’à ce qu’il se rende compte que tout le monde l’observait.
« Lister enleva son cigare. « Tu parles quelle langue, Dawson ? »
« Désolé, monsieur. Je suppose que le jargon des bûcherons semble étrange pour les autres ».
« Tu as grandi dans une scierie ? »
« Pas exactement », répondit-il. « Mais j’ai travaillé avec mon oncle à la scierie du village jusqu’à ce que mon frère soit assez grand pour prendre ma place et que je quitte la maison pour rejoindre l’Ordique- »
« Je suis sûr que c’est une histoire très touchante », reprit Lister, « mais ma question est la suivante : tu t’y connais en scies ? »
« Oui, monsieur ».
« Que peux-tu me dire d’autre sur celle-ci ? »
« Eh bien, il n’y a pas beaucoup d’usure près du moyeu. Ce trou sert à son soutien, mais pas à la faire tourner régulièrement. Mais il y a une éraflure près du centre. On l’a fait tourner au moins brièvement, mais ensuite… Je ne sais pas. On dirait qu’elle a été sortie de son étau ».
« C’est soit cette lame, soit une lame similaire qui a coupé ce bonejack », dit Sam « Ça te semble juste, Dawson ? »
« Oui’s. Ces dents sont conçues pour couper le métal, pas le bois. Bien sûr, si on les fait tourner assez vite, elles couperont le bois aussi… ou presque n’importe quoi d’autre ».
Burns prononça les paroles. « Chasse au dragon ». Lister lui lança un regard noir.
Sam se frotta la nuque. « Cela devient de plus en plus excitant. Bien, que quelqu’un m’amène Crawley. Je veux qu’il voie ça. Lister, demande aux conducteurs d’apporter le treuil. Foyle doit être debout dans l’heure. Et Dawson ? »
« Oui, capitaine ? »
« Beau travail ».
« Mais j’ai seulement- » Dawson ferma sa bouche. « Oui’s ».
Sam lui sourit, lui fit un clin d’oeil et s’éloigna.
* * *
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