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Roman - La Voie de Caine
elric:
PARTIE TROIS
Hier
596 AR, Printemps ; Province de Peste-sang
Alors qu’il marchait côté à côté avec deux pionniers, Caine avait l’impression d’avoir été piétiné par un cheval de guerre. Il était couvert de sang et de saleté, et sa mâchoire picotait comme de l’eau de Seltz. Boitant aux côtés de son maître, Ace semblait avoir connu pire. Le warjack était abîmé et cabossé, et à l’endroit où son bras droit aurait dû se trouver n’était plus qu’un enchevêtrement de câbles et de tiges tordues. Alors qu’ils passaient devant les détritus et les corps de part et d’autre de la route, Caine secoua la tête, d’un air hébété. Il jura dans sa barbe alors qu’on l’amenait devant les portes d’entrée du Domaine Malsham.
Le domaine était sinistré à cause des dommages collatéraux causés par la bataille de la nuit. De l’autre côté de la cour, Caine pouvait voir que le manoir en feu du baron ne pouvait plus être sauvé. L’aube se levait à l’est, révélant des pionniers et des fusiliers se précipitant pour contenir le brasier ou aider les personnes ayant été évacuées.
Alors que Caine approchait, le baron l’aperçut et se déplaça pour l’intercepter. Le Sergent Holly s’interposa, plaçant sa large carcasse entre son commandant tourmenté et le baron dérangé.
« Doucement ! » cria le sergent pionnier en levant une main calleuse. Le baron était furieux, s’agitant pour repousser le musclé sergent.
« Vous en répondrez ! Vous répondrez du désastre que vous avez causé ! » cria le baron en se penchant autour d’Holly. Caine croisa son regard sans broncher.
« Où est-elle ? » demanda Caine d’une voix rauque.
« De quoi parlez-vous ? » grogna le baron.
« La baronne, espèce d’idiot ! Est-ce qu’elle va bien ? »
« Je ne… ne… Ne changez pas de sujet ! » balbutia le baron, en cherchant toujours à contourner le Sergent Holly.
« Monsieur… elle est là… Nous avons sauvé tout le monde ! » cria Gerdie depuis l’autre côté de la cour. Il s’entretenait avec les serviteurs du baron, rassemblés près des écuries, à l’arrière du manoir en flammes. Parmi eux, Caine vit la baronne enveloppée dans une couverture. Elle avait l’air fatiguée et échevelée, mais pas plus mal en point. Gerdie quitta le groupe et revint aux côtés de Caine.
Alors qu’il s’approchait, Caine remarqua que la joue de son adjudant était gravement lacérée et il siffla.
« Pour l’amour de Morrow, Gerdie… tu t’es fait couper ».
Gerdie hocha la tête d’un air sinistre et tendit la main pour toucher légèrement la blessure.
« Ce n’est pas si grave, monsieur ».
« Qu’est-ce qui s’est passé ici », prononça Caine d’une voix rauque, fasciné par les flammes. Le baron poussait toujours juron par-dessus les épaules d’Holly. Il entendit la question de Caine et brandit le poing.
« Vos hommes ont fait ça ! Ils sont débutés ce combat ! »
Caine regarda Gerdie, essayant de fixer son regard. « Attendez. Quoi ? Nous avions laissé les mercenaires tranquilles. En premier lieu, que faisaient-ils ici ? »
Gerdie fit un signe de tête. « Malsham a à moitié raison, monsieur. Ils sont arrivés peu après votre départ. Ils ont dit qu’ils voulaient parler au baron. Ils ont été… très surpris de nous trouver ici ».
Caine grimaça.
« Il y a eu une sorte d’impasse. Puis, le Soldat Lehr est arrivé. Son arme à fait long feu, tuant l’un des leurs. Ils ne l’ont pas bien géré. En fait, les choses sont devenues incontrôlables à partir de ce moment-là… » Gerdie toussa, incapable de regarder Caine. De son côté, Caine ne put que gémir.
« Ils ont détruit ma demeure ! » cria le baron. Caine s’écarta du Sergent Holly et lui fit signe de s’éloigner. Sans perdre une miette, Caine attrapa le baron aux yeux fous par le col de sa chemise tachée, le rapprochant de lui. Leurs yeux n’étaient plus qu’à quelques centimètres l’un de l’autre.
« Nous savons tous les deux pourquoi ils étaient ici, n’est-ce pas ? Je ferais attention à ce que je vais dire si j’étais vous ». La voix de Caine était un grognement sourd, rempli de menace.
Le baron cligna des yeux, le visage rouge. Sa rage indignée disparut et il ferma la bouche. Il devint maussade, ses yeux allant de gauche à droite. Caine pouvait pratiquement voir les engrenages tourner dans la tête du noble.
« C’est vrai baron, et maintenant ? » Caine le repoussa avec dégoût.
Le baron trébucha sur le sol boueux, mais se remit rapidement debout avec un rictus.
« Vous n’avez aucune idée de ce dont vous parler et vous n’avez pas de preuve non plus, espèce de merde de bas-étage », cracha-t-il. Il jeta un regard évaluateur sur son auditoire, avant de se concentrer sur Caine.
« Ce que nous avons ici, c’est une défaillance du commandement ! » Il éleva la voix, faisant de cet échange une scène. Bien sûr, son discours attira la foule.
« Où étiez-vous la nuit dernière, capitaine ? » railla-t-il, en décrivant un cercle avec un doigt accusateur. « Vous n’étiez certainement pas ici. Chargé de ma protection, n’est-ce pas ? La nuit dernière, une compagnie de mercenaire a pris d’assaut cet endroit et à réduit ma demeure en cendres, pendant que vous vous promeniez dans les bois ! Vos hommes ont été surpassés, grâce à votre désertion ! »
Caine lança un regard noir au baron, son humeur s’échauffant.
« C’est le mot qui convient, est-ce que je me trompe ? N’est-ce pas la désertion du… »
Le baron tomba sur son cul, le nez cassé.
Avec un cri de douleur étouffé, le sang coula librement entre ses doigts. Caine secoua sa main, les articulations nues à vif à cause du coup de poing. Autour de lui, la foule des soldats et des serviteurs du baron sembla figée par ce soudain retournement.
Caine se tenait au-dessus du baron, prêt à frapper à nouveau. Le baron se tassa sous lui, tremblant, mais ce furent les visages de ses hommes et de la baronne l’observant qui retirent sa main. Tout en reprenant sa respiration, il recula, saluant le baron d’un grognement de dégoût, avant de se diriger vers les écuries.
* * *
Caine puisa une longue rasade de sa bouteille, puis la releva tandis que le whisky lui brûlait la gorge. D’une manière ou d’une autre, un verre et un moment pour reprendre ses esprits s’étaient transformés en sept et son esprit s’effilochait complètement. Il n’y avait rien contre cette douleur, voilà ce qu’il était. Quinze hommes foutus. Mort Tout dépendait de lui. Leur mort avait-elle eu un sens ? Il avait à peine franchi le mur de Merywyn, sans parler de la mission à l’intérieur. Il prit une autre rasade. Peut-être que celle-ci lui ferait oublier. Cela valait la peine d’essayer.
Alors que le whisky lui brûlait la gorge, il ressentit une vive douleur à l’arrière de sa mâchoire. L’endroit où le mercenaire l’avait frappé lui faisait toujours mal et il enfonça un doigt pour sonder ses dents. De la salive et du whisky s’écoulèrent de son menton tandis qu’il arrachait une molaire détachée et la jeta dans le coin le plus éloigné de la stalle remplie de paille. Essayant de se lever, il ne put que s’appuyer contre le mur, les jambes repliées sous lui. Le monde tournait et il jura à voix haute. La bouteille était pratiquement vide.
« Alors, c’est ce que vous faisiez hier soir ? Est-ce pour cela que quinze bons hommes sont morts ? » Gerdie se tenait au bout de la stalle, le dégoût se lisant sur on visage.
Caine leva la tête, les yeux larmoyants.
« Je vous pensais meilleur. Je le pensais vraiment ».
« Tu n’as aucune idée de ce dont tu parles ».
« Alors corrigez-moi, monsieur ! Je ne vois rien d’autre qu’un vulgaire ivrogne ». Même à travers la brume de l’alcool, Caine ressentit la cinglante évaluation de son adjudant. Il se força à se lever, sans l’aide du mur. Ce fut un combat, mais il garda l’équilibre.
« Que veux-tu Gerdie ? »
« Je suis venu vous dire que le Sergent Reevan et ses hommes ont suivi les mercenaires jusqu’au Fleuve Noir. Ils ont fait savoir que les mercenaires se préparaient à partir en bateau. Si nous partons maintenant, nous pourrons peut-être en attraper quelques-uns. En supposant que vous souhaitez obtenir des preuves de la trahison des barons. Si ce n’est pas le cas, je vous en prie, faites comme si je n’étais pas là ».
Caine grogna et se secoua jusqu’à ce que sa vision s’éclaircisse.
« Oh, merde. Allons-y »
* * *
« Ils devraient être juste devant nous ! » cria Gerdie dans le tumulte des sabots. La mousse et les arbres se confondaient dans leur course sur la route boueuse. Alors que le whisky se dissipait, sa tête battait au rythme des sabots de son cheval. La journée autour de lui n’était pas moins misérable. Il allait pleuvoir, c’était certain. Froid et gris, le sentier les menait le long de la limite nord du Marais Brillig.
Devant eux, les arbres s’ouvraient largement sur le Fleuve noir. Sous le ciel gris du matin, plus d’une douzaine de doris et barges étroites traversaient la voie navigable. Sur la rive ouest, quelques-uns avaient déjà accosté, et les mercenaires avaient débarqué pour poursuivre leur route. La jument de Caine hennit sous l’effet de la vitesse, et il la fit volter vers le rivage. Dans leur hâte, les mercenaires avaient laissé derrière eux plusieurs Doris. Reevan et ses éclaireurs étaient en train de les fouiller, carabines prêtes. Alors que Caine et Gerdie descendaient de cheval, il remarqua d’un air maussade que Reevan n’avait fait aucun captif.
Il se retourna vers l’eau et vit que l’un des derniers bateaux à partir contenait le mercenaire le plus âgé, Hector, qui le regardait droit dans les yeux. Dans ses bras, l’homme tenait sa fille blessée. Caine ne pouvait imaginer un regard plus noir. Les yeux du vieil homme ne le quittèrent pas une seule seconde alors que le bateau s’approchait de la rive ouest.
Caine secoua la tête avec dégoût. Il savait ce qui l’attendait au domaine. Sa mission était en train de s’écrouler, se fissurait. Comment pourrait-il être sauvé maintenant ?
Ses pensées s’embrouillaient et son regard s’arrêta sur les bateaux abandonnés à terre.
« Le passeur ne travaille pas aujourd’hui, mais il est peut-être encore temps de réquisitionner des bateaux au Ponton de Perry pour les suivre ? » Le ton de Gerdie était moins hostile, mais il demeurait prudent. Son visage balafré était las. Il semblait avoir vieilli d’une décennie ce matin par rapport à la veille.
« Non, je ne… » marmonna Caine en se détournant du fleuve.
« Alors, vous êtes prêt à parler de la nuit dernière ? » l’interrompit Gerdie.
Caine se tourna vers son adjudant à la face rébarbative. Il ouvrit la bouche pour répondre, mais Gerdie lui coupa la parle. « Soyons clairs sur un point. Vous avez manifestement un autre agenda ici, pour lequel vous faites des excursions depuis notre arrivée. Si c’est au-dessus de mes compétences, tant pis, mais entre vous et moi, je préférerais que vous ne me considériez pas comme stupide ». Gerdie le regarda sans broncher. « Nous avons perdu des hommes la nuit dernière, monsieur, et j’aimerais croire que c’était pour une bonne raison ».
Caine ne put s’empêcher de respecter Gerdie pour avoir eu le courage de dire ce qu’il pensait. Il croisa le regard de Gerdie de manière égale.
« Cette chose… oui, c’est au-dessus de tes compétences ».
Gerdie hocha la tête, imperturbable. « Est-ce que c’est fait ? »
« J’ai peur que non. J’ai merdé, hier soir, quand j’ai vu… ce qui se tramait ici. Tu as raison. Je n’aurais pas dû te laisser. Je n’avais aucune idée… que ces salauds… feraient… ce qu’ils ont fait. Caine fit un signe de la main en direction du cortège de mercenaires sur l’eau. « Quoi qu’il en soit, ce n’est que le début si je ne peux pas faire en sorte que cette chose soit faite ».
Gerdie acquiesça, l’hostilité ayant disparu de son visage. « Comment puis-je vous aider ? »
Caine tira sur son menton. « Eh bien, pour commencer, j’ai besoin que tu rentres. Garde un œil sur notre ami le baron. Retiens-le là-bas. Peu importe ses menaces… »
« Garder un noble en état d’arrestation sans aucune preuve réelle ? Il vous fera passer en cour martiale, c’est certain ! »
Caine acquiesça. « Il n’y a rien à faire. De toute façon, cela n’a plus d’importance maintenant ». Répondit distraitement Caine, ses pensées se dirigeant vers Merywyn. Il se souvenait du camp autour de la ville et du spectacle qu’il avait donné. Il porta un coup de pied au long bateau en bois à ses pieds en guise d’appréciation. « Ech, je doute que je puise revenir en arrière, mais peut-être que je peux aborder cela sous un autre angle ».
Gerdie plissa les yeux vers le bateau. « Avez-vous besoin d’autre chose ? »
Caine hocha la tête, fouillant dans sa poche.
« Un cigare. Mon warjack réparé, aussi vite que possible. Ses mains restèrent vides et il fronça les sourcils.
« Mais surtout, ce cigare ».
* * *
Il avait plu tout le long de la journée et l’humidité commençait user l’âme de Caine. Lorsqu’il revint sur la rive du Fleuve Noir en fin d’après-midi, il sembla que la pluie avait finalement fait son œuvre. Le Marais de Brillig, au sud de la route, s’animait du chant de ses habitants. Les grenouilles coassaient joyeusement avec un volume tel que toute pensée était presque étouffée.
Les bateaux étaient restés là et Caine s’approcha à pied. Ace s’avança,, le warjack de couleur brune pose sa hache pour renverser le bateau le plus proche, puis le traîna jusqu’au bord de l’eau. Caine suivit lentement l’agile warjack. Ewan avait remplacé la Longue-arme et réparé Ace là où il le pouvait. Le mékano semblait disposer d’une infinité de pièces de rechange, aussi rares soient-elles. Aux yeux de Caine, les réparations d’Ewan semblaient de premier ordre. Ewan avait néanmoins grogné qu’il avait d’avoir besoin de plus de temps pour restaurer correctement la bête blessée, arguant qu’Ace n’était pas prêt, mais Caine n’avait fait que l’ignorer.
Le temps était compté.
Ace perçut les pensées de Caine et se retourna, stabilisant le bateau dans l’eau. Caine regarda la flamme dans ses yeux.
« Ech. C’est maintenant ou jamais ».
Ace soupira doucement, dans un grincement de fer.
* * *
Le doris dérivait lentement sur le fleuve, laissant l’après-midi derrière lui. Caine gardait le bateau près des berges du fleuve, le guidant avec une longue perche en bois, tandis qu’Ace brûlait à petite vapeur et était recouvert en grande partie d’une vieille bâche. Il croisa quelques navires en cours de route, mais aucun ne le trouva particulièrement remarquable. Après tout, masqué et cagoulé comme il l’était, il ressemblait aux gens ordinaires gagnant leur vie le long du fleuve chaque jour.
Alors qu’il approchait de la frontière, il aperçut un poste sur la rive est. Il n’arriva pas à croire à sa chance. Comparé aux difficultés de la veille, ce minuscule bunker et ces quais ne contenaient qu’une petite garnison. Engageant à nouveau le parapluie d’Ace, lui et son compagnon de métal ne furent plus qu’une tache sur l’eau. Au-dessus, le ciel couvert s’assombrissait progressivement.
Caine enfonça prudemment sa perche dans l’eau trouble, travaillant silencieusement contre le faible courant. Leur passage étant aussi silencieux qu’invisible, Caine peut entendre les gardes-frontières de Llael sur les quais rire d’une plaisanterie grossière alors qu’ils faisaient circuler une bouteille de spiritueux et fumaient des cigares. L’air était si calme qu’il put sentir l’odeur de la feuille d’Hooaga qu’ils fumaient.
Autre chose aussi, peut-être. Caine fronça le nez, captant l’odeur de quelque chose d’âcre dans l’air, et devenait de plus forte de seconde en seconde.
Malgré tout, il n’y avait rien à faire et le poste fut bientôt loin derrière eux. Le parapluie n’étant plus nécessaire, Ace le désactiva et ils se mirent en route. Merywyn n’était plus très loin devant eux, peut-être seulement à un ou deux virages de leur vue. Enfin, il allait pouvoir s’occuper de ses affaires. Il jeta un coup d’oeil sur l’eau, ne voyant aucun trafique devant lui.
« Trop facile ! Je pense que j’aurais pu te laisser ce soir, pour tous les ennuis que tu as eus ».
Ace se retourna, ses yeux brûlants étant moins optimistes. Caine sentit les pensées du warjack l’atteindre.
Attention.
En effet, les lumières de Merywyn ne seraient pas aussi facilement contournables que le poste frontalier. Elles se reflétaient dans les cieux nuageux bien avant la ville elle-même. Lorsque le petit bateau franchit le dernier virage, laissant apparaître la capitale, celle-ci n’était pas moins imposante que lors de leurs précédentes visites. Caine fut étonné de voir à quel point l’endroit était lumineux. Là, sur le périmètre sud, le camp qu’il avait affronté avait été achevé. Il n’y jeta qu’un coup d’oeil, se concentrant plutôt sur ce qui l’attendait.
De gigantesques chaînes leur barraient la route juste devant, à seulement quelques mètres au-dessus de l’eau et chaque maillon avait la taille d’un tonneau.
Les marchands faisant affaires le long du Fleuve Noir étaient soumis à des péages verses directement dans les coffres du roi. Les chaînes avaient été tendues de l’extrémité sud à l’extrémité nord du fleuve. Elles étaient conçues de manière à ce qu’aucun navire marchand ne puisse passer sans que la coque ne soit déchirée. Elles étaient suspendues à de nombreuses fondations bâties sur l’eau et certaines comportaient des postes de surveillance pour contrôler le trafic. Le doris de Caine était juste assez bas pour pouvoir se glisser dessous. Alors qu’ils passaient près d’un poste de surveillance, Caine enclencha à nouveau le parapluie d’Ace.
Le port de Merywyn les appelait.
Le port, habituellement animé, était calme et silencieux pour la nuit, et ils se dirigèrent droit vers lui. Le port avait été creusé dans les murs de la ville et de nombreux navires sombres y étaient amarrés. Sortant sa longue-vue, Caine fit le point sur les lieux. Alors qu’ils passaient à l’intérieur des hauts murs de chaque côté, Caine put voir à quel point Merywyn était une forteresse depuis le fleuve. Les hauts murs se dressant devant lui étaient assez solide, avec des remparts occupés et des batteries de canon capables d’arrêter n’importe quel navire. Pourtant, juste au-delà des redoutables murs, les complexes pics et flèches qu’il avait aperçus la nuit précédente apparaissaient.
Il ne leur restait plus qu’à franchir le port et ils y seraient. Un grand quai abrité se rapprochait rempli de tonneaux et de fournitures. C’était là que Caine devait aller. Il repéra un coin où leur bateau pourrait facilement se cacher, et à côté, des hangars de stockage assez grand pour accueillir un warjack.
Oui, cela devrait suffire.
Alors, pourquoi avait-il l’impression que quelque chose n’allait pas ? Alors qu’ils se trouvaient au centre du port, Caine sentit à nouveau cette odeur de brûlé provenant de l’aval du fleuve. Il regarda autour de lui avec un sentiment de malaise croissant. Ce n’était ni le bateau, ni la bâche dont Ace s’était débarrassé. Ce ne fut que lorsque le monde reprit ses teintes normales qu’il réalisa d’où provenait l’odeur.
C’était le parapluie lui-même.
Une fumée blanche âcre sortait de l’appareil arcanique. L’odeur lui brûlait la gorge et les yeux de Caine s’écarquillèrent d’inquiétude. Ici, en plein centre du port, le parapluie avait lâché. Il n’eut pas le temps de se demander ce qui s’était passé. La soudaine apparition de son bateau, et avec lui en engin de guerre roué, à la vue des sentinelles de Llael, eut des conséquences immédiates.
Les alarmes retentirent, faisant sonner les cloches de tous les côtés. Quelques instants plus tard, on entendit le grincement des canons et des mortiers transportés dans leurs affûts. Des cris de colère résonnèrent sur l’eau, et les marins sur les quais s’arrêtèrent pour contempler le spectacle.
Non ! Pas si près !
Caine enfonça sa perche, encore et encore, pour avancer. Il y avait une rangée de bateaux amarrés à seulement une centaine de verges devant, et au-delà l’entrée des égouts.
Le premier mortier fut projeté dans les cieux dans un éclair de tonnerre qui illumina le port telle un feu d’artifice. L’instant d’après, il s’abattit en hurlant pour frapper l’eau juste à tribord de Caine. Alors qu’il explosait dans les profondeurs troubles, l’eau l’éclaboussa et le sillage éclaboussa sa petite embarcation.
Il continua néanmoins à avancer, affolé.
Le second mortier frappa quelques instants après, explosant dans l’eau juste à bâbord, plus près d’une verge. C’était une course perdue et il le savait. Il restait trop de verges à parcourir et il était complètement exposé. Quelque chose devait céder. En désespoir de cause, il poussa sur la tête d’Ace. Il attira l’attention des warjacks sur les remparts et trouva le canon le plus proche de la batterie. Ce n’était pas gagné d’avance. Bien au-delà de la considérable portée de Longue-arme.
Si seulement il pouvait l’aider à poursuivre son chemin…
Sous l’impulsion de Caine, Ace tira avec Longue-arme dans un bruit de tonnerre. Un obus perforant monta en hurlant jusqu’aux remparts. Tout comme il l’avait fait il y a longtemps en tant que mage balisticien, Caine essaya d’exercer sa volonté sur l’obus alors qu’il filait vers l’avant. Il s’efforça de la pousser plus loin, plus loin, plus loin, assez loin pour qu’il heurte l’arme qui l’alignait maintenant pour un troisième tir. L’obus décrivit un arc de cercles vers le grand canon en fer se concentrant sur sa position…
… et manqua de justesse.
Même pour Caine, il était hors de portée. En réponse, un autre mortier de la batterie cracha, envoyant une autre mort sifflante dans sa direction. Puis un autre. Dans l’eau, les obus se rapprochaient et la petite embarcation se balançait dans leur sillage.
Caine était déterminé. Il devait réessayer. Il regarda une fois de plus à travers les yeux d’Ace et leva la Longue-arme.
Caine flottait en apesanteur dans un noir d’encre.
Il tomba en arrière, éperdument projeté depuis la fenêtre d’Ace sur le monde. Il le perdit de vue, jusqu’à ce qu’il reprenne le contrôle et se retourne pour lui faire face.
Que se passait-il ici ?
Était-il en train de perdre son lien avec le warjack ? Il s’élança pour regagner la fenêtre. Il n’avait pas de temps à perdre! Le spectre qui représentait Ace apparut rapidement devant lui. L’ombre qui était devenue celle de Caine ne le laissait pas passer. Elle le bloqua, comme elle l’avait fait auparavant. Cette fois, cependant, l’ombre ne jouait pas. Caine se battit pour passer, mais l’ombre se heurta à lui, volonté contre volonté. Il se passait quelque chose dans la réalité. Il ne pouvait pas poursuivre ce combat, il devait…
Caine fut éjecté de la tête du warjack rebelle et se retrouva pris dans une poigne de fer. Ace le tenait pas la peau du cou et il avait du mal à respirer. Que se passait-il ? Ace était-il si gravement endommagé depuis la nuit précédente ? D’un simple mouvement de poignet, Ace projeta Caine par-dessus bord. Cane n’eut pas le temps de crier. Le projectile hurlant, finalement, convergea vers un coup direct, étouffant sa voix.
Dans un éclair de flammes, le doris et tout ce qu’il contenait explosa telle du bois d’allumette.
Caine fut ballotté dans l’eau, les sens bouleversés. Au-dessus de lui, la scène se jouait dans des dimensions déformées et des sons distordus. L’épave d’Ace commença à couler, tandis que des morceaux du bateau, pas plus gros que des cure-dents, brûlaient sur l’eau. Alors que des bulles s’échappaient de ses lèvres, Caine secoua la tête sous le choc.
Ace n’avait pas perdu le contrôle. Il avait seulement voulu le sauver de son propre entêtement.
En supposant, bien sûr, qu’il ait survécu. Le problème de l’armure de warcaster était qu’elle n’était pas conçue pour l’eau. Elle pesait sur lui comme si on lui avait attaché un sac de pierre aux chevilles, et il s’enfonça dans la boue. Il lutta en vain pour nager, tandis qu’au-dessus de lui la lumière du navire en flammes s’éteignait.
Mais là ! Une chaîne dans l’eau !
Caine l’attrapa, ses poumons étaient en feu. Elle était attachée à une bouée tout près de l’endroit où son embarcation avait été touchée. Il la saisit et grimpa, main après main jusqu’à ce qu’il pense qu’il allait s’évanouir.
Sa tête émergea sous un morceau de bois brisé et il prit une profonde respiration en haletant. Des hommes couraient le long des quais, pointant du doigt ce qui restait de son bateau.
Scrutant les quais juste hors de portée, il réfléchit à ce qu’il allait faire. Il n’avait rien, pas de couverture, pas de surface solide sur lequel se téléporter, il allait donc devoir nager au moins quelques brasses. Pire encore, avec tous les regards tournés dans sa direction et rien d’autre que de l’eau libre autour de lui, il devrait rester sous l’eau pour éviter d’être vu.
Là.
Caine aperçut une rangée de sloop, leurs ancres levées pour la nuit. S’il parvenait à arriver jusque-là, il devrait pouvoir se diriger vers la grille d’égout proche du quai. Craignant que la majeure partie de son armure ne gâche toute chance de nager, il se débarrassa à la hâte de ce qu’il pouvait. Toujours accroché à la bouée, il desserra les épaulettes et les protège-tibias et les regarda disparaître dans les profondeurs. Prenant une profonde inspiration, il s’arma de courage avant de replonger sous la surface.
Quand enfin sa tête refit surface, il se trouvait dans l’ombre d’un sloop. S’agrippant à celui-ci, il reprit son souffle. Il s’attarda un moment, ne pouvait que ruminer tandis que les hommes le long des quais s’émerveillaient du désordre qu’il avait laissé derrière lui.
* * *
« Tu aurais dû être là hier soir. Cela aurait été beaucoup plus facile ». L’homme nommé Keel secoua lentement la tête. La cadence de ses paroles, prononcées avec un fort accent llaelais, paraissait laid à Caine. L’homme n’était pas non plus joli à regarder. Un sourire sardonique éclata sur son visage alors qu’il tenait une chope de bière. Ses dents étaient croches et couvertes de ce qu’il avait mangé au dîner. Il passa sa langue dessus, avant de prendre une gorgée du breuvage.
Caine prit le dessus sur son tempérament. Il crispa sa mâchoire, ne répliquant pas face à cette remarque désinvolte. Le fait que cet informateur ne lui ait encore fourni aucun renseignement n’y était peut-être pas étranger. Depuis son siège dans l’exiguë taverne, il but une gorgée à son propre verre.
S’il pouvait affirmer sans risque de se tromper qu’il avait immédiatement pris en grippe l’ignoble homme se trouvant devant lui, il était tout simplement énervé. La cape de vagabond dont il s’était couvert sentait les égouts et ses bottes étaient encore sales à cause de la baignade. Le générateur arcanomékanique situé à l’arrière de son armure était gorgé d’eau et était tombé en panne deux fois sur le chemin. Il s’agissait bien sûr de choses mineures. Le désastre de la nuit précédente lui avait laissé du sang sur ses mains et des effets persistants. Mais ce n’était pas tout, il le savait.
Et puis, il avait eu ce truc avec Ace.
Il ne pouvait pas se défaire de l’étrange acte de loyauté du warjack, ni du sentiment qu’il avait fait naître dans ses tripes. En un mot, la culpabilité. Mais… à cause d’un warjack ? Il inspira. Il y avait bien plus que cela. Il n’en avait jamais perdu auparavant. Le lien dans sa tête avait disparu, et c’était horrible. D’une étrange manière, Ace avait l’impression d’avoir un trou dans la mâchoire à la place d’une dent. Sauf que maintenant, il ne pouvait s’empêcher de place sa langue à cet endroit, et à chaque fois qu’il le faisait, le nerf s’enflammait.
« Il n’a pas été facile de vous atteindre… » Admit-il avec difficulté à travers la table.
L’informateur explora insoucieusement sa bouche avec un cure-dent. « Rynnard a jugé bon de nous faire place sous la loi martiale depuis quelques mois. Non pas qu’ils l’appellent ainsi, non ! C’est un peu irritant, c’est sûr ».
Caine le dévisagea.
« Alors, qu’avez-vous à me proposer ? »
Kreel inspira entre ses dents, puis regarda autour de lui d’un air conspirateur.
« Eh bien, il est toujours là. C’est votre chance. Il quitte la ville demain, ‘pour les affaires du roi’. Ce soir ? Histoire différente. Grosse cargaison d’or dans le Cygnar. Du moins, c’est que qu’informe un p’tit coup d’oeil à son grand livre. Avec deux fois plus de protection que d’habitude ».
Caine renifla. Très bien, pensa-t-il. J’ai bien besoin d’un bon combat en ce moment. « À quoi je dois m’attendre exactement ? »
« Je ne sais pas. Il a engagé McCoy depuis deux mois. Trollkin. Videur dans une maison de jeu chic, dans le quartier nord. Il travaille en free-lance avec Thaddeus. À l’épreuve des balles, d’après ce que j’ai entendu dire. On ne peut pas le tuer, et ceux qui ont essayé sont cannés maintenant Il a aussi un nouveau gars. Je ne le connais pas. Pas du coin. Un as du tir de précision, à ce que j’entends. Il s’appelle Zeke.
Caine se frotta le menton. « Ça se passe où ? »
Kreel lui tendit un bout de papier sur lequel était griffonnée une adresse.
« Côté ouest. Quartier des conserveries. Sois prudent. C’est le plus gros que l’on puisse trouver. Peut-être a-t-il l’intention d’en finir avec vos nobles maintenant ? »
Caine aborda cette question. « Et que savez-vous réellement de cette ‘chose’ ? »
Kreel haussa les épaules, sortant un morceau de viande avec son cure-dent. « Au-delà de ce que j’ai dit à ton patron, qui sait ? Thaddeus a toujours été réglo, alors je ne comprends pas pourquoi il joue à ce jeu. Mais son registre ne ment pas. Quelle que soit sa raison, il s’est donné beaucoup de mal pour brouiller les pistes. Je n’ai jamais plus que jeter un coup d’oeil, dans son dos. Ça ? J’ai vu. Paiement prévu pour plus d’une douzaine de vos nobles. Quoi qu’ils manigancent, ça va arriver… bientôt ». Alors qu’il soulignait son dernier point, un autre morceau de viande fut délogé de ses dents croches, atterrissant sur la table entre eux.
Caine fronça les sourcils, les bras croisés. « Comment se fait-l que vous en sachiez autant sur lui ? »
« C’est mon frère ». Kreel sourit de façon très désagréable.
Caine se rassit en secouant la tête. « Ech ! Vous savez que je dois le tuer, n’est-ce pas ? » Kreel hocha la tête, souriant toujours.
« C’est le marché », dit-il avec désinvolture, jetant un regard en coin à la barmaid passant. Remarquant la mine renfrognée de Caine, il poursuivit. « C’est le fils aîné. Notre père ? Il est riche, mais il n’en a plus pour longtemps. Il a toujours préféré Thaddeus. Ce salaud lui laissera tout ce qu’il a, même s’il sait que… j’ai des dettes », termina Kreel en sirotant son verre tout en regardant attentivement Caine par par-dessus le bord de sa chope. « Quand j’ai compris que Thaddeus préparait quelque chose, j’ai saisi ma chance ».
Caine se leva avec dégoût. « Et moi qui pensais que ma famille avait des problèmes ».
Kreel sortit son cure-dent et le pointa vers Caine. « Assure-toi que le corps soit retrouvé. S’il disparaît, cela compliquera les choses avec les avocats ».
« Se tournant pour partir, Caine ne prit pas la peine de regarder l’homme.
« Ouais, je m’en occupe ».
* * *
elric:
Caine franchissait les faîtes de toits par des téléportations au bon moment. En contrebas, son passage demeurait inaperçu aux yeux des citoyens de Merywyn. Cela lui apportait une rare impression de déjà-vu. Il repensa aux jours passés à Brainmarché. De ces hauteurs, il contrôlait le monde, libre de s’attaquer à ses cibles, quelles qu’elles soient. À l’époque, comme aujourd’hui peut-être. Le ciel nocturne avait commencé à se dégager, et avec lui une brise fraîche en provenance de l’ouest. Bien que troublé, il ne pouvait nier que c’était agréable à nouveau de courir.
Le long du toit plat d’un entrepôt, il avança en prenant de la vitesse. D’un geste et d’un mouvement, il disparut des yeux pour réapparaître dans l’espace libre entre deux bâtiments. Son élan l’emporta et son mouvement l’amena sur le contrefort d’une cathédrale morrowéenne. Il atterrit tel un chat sur une gargouille solitaire.
Il s’arrêta pour s’accroupir sur la sculpture, observant les rues cinq étages plus bas. Il consulta le bout de papier que Kreel lui avait donné. Il vit l’agitation constante de la rue principale en contrebas, bordée de calèches et d’innombrables piétons allant et venant aux lueurs des lampes à gaz, même à cette heure tardive. Au bout de la rue, il regarda approcher une voiture couverte. Sur les flancs de son revêtement en toile, un nom avait été écrit au pochoir à la peinture noire. Le même nom que celui qui avait été inscrit sur son morceau de papier. À côté, il y avait l’icône d’une bouteille de lait.
« Qui livrez-vous à cette heure tardive, je me le demande ? Caine sourit.
En un instant, il quitta son perchoir pour réapparaître sur l’avant-toit de la cathédrale, un peu plus loin. Il se mit à courir pour suivre le lent rythme de la charrette qui avançait le long de l’avenue.
À l’angle de la cathédrale, il sauta facilement jusqu’au bâtiment suivant, quelques mètres plus loin. Ses pieds foulèrent la rangée de maisons de ville aux toits en cuivre et il garda un œil sur la charrette pendant qu’il avançait. Il la vit s’approcher d’une ruelle, puis ralentir. Il fut bientôt assez près pour entendre la voix rauque d’un conducteur appeler son cheval à s’arrêter.
Dans la ruelle, il remarqua des ombres bouger. Elles s’avancèrent un instant dans la lueur des lampes à gaz, trois hommes de grandes taille d’après ce qu’il put constater. Aussi rapidement qu’ils étaient apparus, ils s’entassèrent à l’arrière du chariot du laitier, avant que le cocher ne fasse avancer son cheval. Caine avait aperçu l’éclat d’un pistolet dans la veste de l’un d’entre eux. Il se moqua de savoir pourquoi les laitiers avaient besoin d’armes. Il regarda le chariot s’éloigner, tourner à droite au carrefour suivant et pénétrer dans un labyrinthe d’entrepôts. Au-delà se trouvaient de nombreux bâtiments bordés de grandes cheminées et d’échafaudages tordus. Il s’élança vers l’avant, à nouveau en mouvement.
Il sauta, glissant la pente d’un toit pour suivre le rythme de la voiture. Arrivé au bord du toit, il bondit vers un tuyau d’évacuation et s’en servit pour descendre d’un étage et se retrouver un tout plus bas. Il se dégagea à la dernière seconde et s’accroupit, le coeur battant la chamade à cause du rythme rapide qu’il avait gardé. Juste à temps, il vit le chariot disparaître dans une vieille usine de cinq étages. La tentaculaire structure était couronnée de trois massives cheminées et de nombreuses lignes de convoyeurs. Sur les toits, il distinguait vaguement des ombres en mouvement.
La laiterie.
De toute évidence, les informations de Kreel étaient bonnes. Il ne faisait aucun doute qu’un rassemblement avait lieu à l’intérieur, à une heure où personne n’avait d’affaires légitimes en cours. Caines sortit ses Pistolet-Tempête de sous sa cape, vérifia chacun d’eux en faisant tourner les chambres avant de les refermer d’un coup sec.
* * *
Caine était désormais parmi eux. Il pouvait entendre leurs bavardages de tous côtés, et il se baissa tout en avançant d’un pas léger. Le premier homme qu’il avait suivi s’était trop éloigné de la meute et il l’avait abattu pour de bon, mais en comptait une demi-douzaine d’autres répartis sur le toit de l’usine. De temps en temps, ils s’avançaient dans la lumière des grandes lucarnes du toit, ce qui lui permettait de mieux les apercevoir. Selon lui, il s’agissait d’une équipe hétéroclite de coupes-jarrets à la mine patibulaire, selon son estimation. Il n’y avait aucun signe du tireur d’élite présumé, Zeke. Peu importe qui se trouvait ici, il l’abattrait. Il n’avait pas l’intention pas l’intention de laisser les armes au repos une fois qu’il se mettrait au travail.
Au dessus d’un conduit surdimensionné, il aperçut une silhouette traînant le pas dans l’obscurité. « Bruyant ? Où es-tu, mon garçon ? Tu ne veux pas énerver Zeke maintenant, n’est-ce pas ? » Caine s’accroupit et regarda l’ombre passer. L’homme était armé d’un long fusil basique, comme l’avait été le premier. De l’autre côté de la rue, il vit deux voyous au-dessus de la plus grande lucarne du toit. Ils discutaient et regardaient fixement les actions en dessous.
Une idée lui vint à l’esprit.
La lucarne au-dessus de laquelle ils se tenaient avait de grandes vitres qu’il pouvait ouvrir. C’était son entrée, et les chevrons à l’intérieur devraient lui apporter une vue dominante des choses. Patiemment, Caine attendit que l’homme le plus proche de lui se rapproche et retourna son Pistolet-Tempête dans sa main. Il détestait l’idée d’utiliser son magnifique Tempête comme une simple matraque, mais tant qu’il n’avait pas les yeux rivés sur la cible, il ne servait à rien de faire du grabuge. L’homme se rapprocha des ténèbres. Caine s’élança.
* * *
Caine s’approcha de la lucarne, vérifiant chaque coin du toit au fur et à mesure qu’il progressait. Selon toute apparence, le toit lui appartenait désormais. Quoi qu’il en soit, il ne pouvait pas se défaire de l’idée qu’il était observé. Cette pensée fut interrompue par un murmure à ses pieds et une main affaiblie s’approchant de sa cheville.
« Du calme, mon pote », murmura-t-il.
D’un autre coup de son Tempête transformé en matraque et l’homme se tut. Une seconde plus tard, Caine s’approcha de la lucarne et jeta un coup d’oeil vers le bas. Il vit de grandes cuves en cuivre d’un côté, des caisses empilées sur trois étages de l’autre. Des passerelles s’entrecroisaient jusqu’aux chevrons et des portiques circulaires autour des cuves. Là, au centre de la place, il aperçut une vingtaine d’hommes disposés en cercle autour de trois chariots. Les charriots ressemblaient exactement à ceux qu’il avait vus auparavant. D’après ce qu’il avait remarqué, aucun des hommes se trouvant là n’était un trollkin. Pas de McCoy, pas de Zeke, estima-t-il. Caine se demanda si Kreel n’était aussi associé qu’il le pensait. Peut-être que cela n’avait pas d’importance.
Sa cible était en bas, bien sûr.
Dans l’usine, Thaddeus Montague, trésorier royal du Roi Rynnard en personne, se distinguait dans la galerie de voyous qui l’entourait de façon pas très discrète. Homme d’un âge moyen, élancé et portant des lunettes, il tenait nerveusement un registre tandis que les autres autour de lui serraient des canons à main. Passant de caisse en caisse, il ouvrit chacune d’entre elles et marquant son registre, révélant une multitude d’or à couper le souffle. Caine regarda l’homme, l’alignant sur les mires de ses deux Tempêtes. Tout pouvait se terminer si vite. Il suffisait d’appuyer sur les gâchettes et le cerveau de l’homme se répandrait sur le sol, ici et maintenant.
Oui, mais ce n’était que la moitié du problème, pensa-t-il en soupirant.
Rebald l’avait envoyé ici pour découvrir ce qu’il y avait dans la tête de Montague avant de la vider. Avec un autre jeté à nouveau un coup d’oeil à l’endroit, il soupira et rengaina ses Tempêtes. Même pour lui, un assaut solitaire contre le nid de frelon en contrebas semblait proche du suicide. Dans l’ensemble, il y avait trop d’angle et trop de sorties. Il n’avait aucune idée du nombre d’homme impliqués dans ce bazar, ni de l’endroit ou se trouvaient les talents les plus coûteux, s’ils étaient tous là.
Pendant ce temps, bien sûr, sa cible était au milieu de tout.
À contrecœur, il se glissa à l’intérieur par la vitre ouverte et descendit sur le réseau de chevrons en fer rouillés s’entrecroisant. Avec précaution, il testa son poids sur la vieille charpente, puis à grimper dessus. En bas, personne ne l’avait remarqué. Au moins, il aurait l’élément de surprise.
Il n’entendit le sifflement de l’air déplacé que lorsqu’il fut trop tard.
L’épaule de Caine était en feu et avec sa tête. Le choc de l’impact le fit basculer, alors qu’il était à portée de bras du portique. Par réflexe, il essaya de se mettre à l’abri, mais quelque chose n’allait pas.
Il n’y parvint pas.
L magie avait disparu de son corps, remplacée par la douleur. Elle se propageait avec voracité depuis son épaule, et il y jeta un coup d’oeil engourdi.
D’une manière ou d’une autre, un petit carreau d’arbalète était planté en lui. Même s’il restait bouché bée, son petit élan vers l’avant le fit brusquement hors de chevrons et dans l’espace ouvert. À côté de lui, le portique devint flou, et il ne reprit ses esprits qu’à la dernière seconde, tendant la main. Il réussit à toucher le métal poussiéreux avec deux doigts, mais ne parvint pas à garder la prise. L’élan le fit basculer un peu en avant qu’il ne reprenne sa périlleuse chute libre. Jurant en plein vol, il vit une pile de caisses se rapprocher à toute vitesse. Il serra les dents et se prépara à l’impact.
Elle s’approchait encore et encore.
Il tomba comme une balle en rebondissant entre deux piles de caisses, regrettant à chaque coup l’armure qu’il avait perdue. Il atterrit enfin sur le sol, meurtri de toutes parts, en gémissants. Dans sa chute, le projectile s’était détaché et gisait sur le sol à côté de lui, brisé et ensanglanté. Il lança son générateur arcanomékanique à pleine puissance, et un champ d’énergie déferla immédiatement autour de lui. Les petites cheminées du générateur commencèrent à cracher une épaisse fumée noire.
Tant pis pour la furtivité.
Depuis son abri, les yeux de Caine se tournèrent vers les chevrons. D’où venait le tir ? Il scruta tous les recoins, mais ne vit rien.
Alors qu’il s’éloignait des caisses, il gémit en constatant qu’il était maintenant à la vue de l’assemblée. Son épaule saignait abondamment, mais au moins le feu dans sa tête s’atténuait peu à peu. Celui qui avait tiré était bien équipé. Cette satanée chose s’était emparée de sa magie, ne serait-ce que pour un instant.
De la magie dont il avait cruellement besoin maintenant.
Des tirs criblèrent immédiatement le sol et les caisses autour de lui et il se releva avec un grognement. Il plongea par-dessus une canalisation voisine et se dirigea vers les cuves situées le long du mur le plus éloigné. En un instant, ses pistolets furent sortis, et il tira quelques coups de feu précipités sur ses ennemis. Deux d’entre eux atteignirent leur cible, tandis que les hommes pliaient en deux sur le sol. L’adrénaline commença à couler dans ses veines et il risqua un coup d’oeil par-dessus la canalisation rouillée. Le bourdonnement des ricochets le poursuivit, mais pas avant qu’il n’ait réussi à jeter un rapide coup d’oeil à sa cible.
Il poussa un juron suffisamment fort pour qu’on l’entende dans toute la pièce.
Montague se détachait de la meute, courant vers la porte à l’autre bout de la pièce ! Il luttait pour récupérer sa magie. C’était presque comme si sa jambe s’était endormie et lentement la circulation revenait. Il plissa les yeux, concentré. S’il pouvait juste se téléporter… presque, mais non.
Un marteau, jaillissant de nulle part, s’abattit sur lui.
Il évita le coup à la dernière seconde et le regarda s’enfoncer dans les planches pourries dans une pluie d’éclats. En saisissant le marteau et en le dégageant, Caine vit un trollkin, au regard sournois, de plus de deux mètres de haut, vêtu d’un costume sur mesure immaculé. Il n’avait pas l’air très heureux lorsque le marteau se dégagea de l’impact et fut relevé pour frapper à nouveau.
« McCoy, je suppose ? »haleta Caine.
« Ah ! » Les yeux du trollkin s’illuminèrent et il marqua une pause. « Vous me désavantagez, monsieur. Vous êtes ? »
« Partir ! »
Caine leva ses pistolets et tira dans le ventre du trollkin à bout portant. La bête grimaça au baiser des deux Tempêtes, mais à la surprise de Caine, il ne tomba pas. Il s’arrêta un moment, comme s’il savourait la douleur, puis se mit à sourire en serrant les dents. Son marteau toujours levé, la bête commença à grogner et l’abattit. Les yeux de Caine s’écarquillèrent d’horreur. Si jamais il y avait un moment.
Il se téléporta.
Il apparut à mi-chemin de la pièce, à couvert, toujours grinçant des dents à cause d’un marteau qui avait maintenant disparu depuis longtemps. Il soupira de soulagement et secoua la tête. Levant les yeux par-dessus une caisse, il sourit en découvrant Montague au premier plan, à seulement quelques verges. Leurs regards se croisèrent et le type louche poussa un cri de consternation. Montague se retourna et s’élança vers une cage d’escalier, son grand registre entre ses mains. Tandis qu’il s’en allait, Caine remarqua que sa nouvelle position lui permettait d’encadrer plusieurs malfrats. Ils crièrent et le désignèrent du doigt, mais aucun d’entre eux n’avait eu le temps de se déplacer. Caine en profita et tira une rafale de coups de feu. Quelques tireurs tombèrent en hurlant, laissant les autres se précipiter à l’abri. Dans la confusion, Caine s’élança à travers l’espace ouvert à la poursuite de Montague. Se précipitant vers une cuve en cuivre se trouvant entre lui et la cage d’escalier, il l’heurta avec sa bonne épaule et roula derrière elle. Immédiatement, la cuve fut bombardée de tirs, créant une cacophonie de ricochets.
Caine jeta un coup d’oeil vers la cage d’escalier depuis l’arrière de la cuve. Montague était là, à mi-hauteur. Caine se risqua une salve dans la direction d’où venait le feu, puis se replia derrière la cuve. Alors que de nouveaux tirs de riposte frappaient sa couverture, il comprit que c’était le moment ou jamais de traverser le no man’s land entre lui et Montague. S’il n’y a pas de couverture, je m’en créerai, pensa-t-il. Puisant dans sa magie, sa forme devint vague, mouvante. Enhardi, Caine sortit de derrière la cuve tel un spectre, tirant au passage.
Une volée de tirs le suivit. Il y en avait tellement que c’était comme s’il était la seule cible d’un stand de tir de fête foraine. Des dizaines de tirs le poursuivi alors qu’il se déplaçait.
Ils le manquèrent tous, sauf un.
Au milieu du sprint, Caine convulsa, tombant sur le visage à côté de quelques barils. Dans son flanc, il reçut le coup sec d’un autre projectile, et avec lui, ce feu insupportable dans sa tête. D’où venaient ces foutues choses. Il se mordit la lèvre sous l’effet de la douleur et s’efforça de rouler derrière les tonneaux. Avec le projectile dans son flanc, sa couverture magique se dissipa telle de la fumée autour de lui.
Il pouvait voir que Montague avait atteint le haut des escaliers et qu’il se dirigeait vers la sortie. Encore sous le coup de la douleur, Caine leva un Tempête tremblant dans une tentative boiteuse de faire voler l’homme.
Ses poursuivants étaient déjà arrivés à la cuve qu’il avait employée il y a quelques instants, trois hommes avec une vision dégagée malgré les tonneaux derrière lesquels il se trouvait maintenant. Ils levèrent leurs canons à main avec de cruels sourires. Grimaçant de douleur avec le carreau dans son flanc et toujours sur le dos, il abattit chaque homme tour à tour avec une rune de feux de l’enfer. Alors que le dernier d’entre eux tombait par terre, il regarda vers la cage d’escalier et vit la porte se refermer.
C’est comme ça, n’est-ce pas, soupira-t-il.
Il ne pouvait pas se téléporter à toute vitesse, et tout autour de lui, les cris d’autres hommes se rapprochaient. Il était clair qu’il n’allait pas monter les escaliers sans être touché ; ils n’offraient aucune couverture. S’éloignant en roulant, il partit dans une autre direction, faisant feu de ses Tempêtes partout où il remarquait du mouvement.
* * *
Caine trouva un couloir qui se terminait par une autre cage d’escalier. S’arrêtant, il observa son flanc. Le carreau l’avait touché de peu, et il le dégagea avec un grognement. Peu à peu, le feu qui l’embrassait semblait s’atténuer. Osant recharger, il était arrivé à mi-chemin lorsque des cris retentirent au coin du couloir. Refermant ses deux Tempêtes, il poursuivit son chemin. Il avait perdu de vie sa cible et il savait qu’il s’éteignait à chaque goutte de sang qui touchait le sol. Je n’ai pas encore fini. Prenant les escaliers, il chassa la douleur brûlante de sa tête avec une colère pure et obstinée. Au niveau du palier du deuxième étage, il y avait une trappe d’accès sur le côté du bâtiment. Il s’en saisit. En la déverrouillant, Caine regarda à l’extérieur et découvrit un long tuyau d’évacuation courant le long du mur extérieur.
Là, en bas.
Caine vit Montague sauter d’un escalier de secours vers la ruelle. L’homme paniqué se mit à courir, tournant bientôt le coin de la rue et disparaître. Caine regarda en direction du toit adjacent, un étage plus haut, et recula.
Je vais le perdre, pensa-t-il, une douleur lui traversant le corps.
« C’est bien moi ça ! »
Avec un juron, il s’élança et se téléporta avant d’avoir heurté le mur. Avec soulagement, il disparut, pour réapparaître quelque trois mètres plus haut dans les airs au-dessus de l’allée. Alors qu’il atterrissait en dérapant sur le toit adjacent, il regarda en arrière, par là où il était venu, haletant sous l’effet de l’effort. Sa tête le lançait et il se sentait légèrement étourdi. Pourtant, il n’avait pas sauté trop tôt.
Des tirs provenant de la trappe qu’il avait laissée derrière lui le poursuivaient, vrombissant dans l’air nocturne. Il plissa les yeux vers les hommes, apercevant le trollkin avec son marteau à leur tête. Caine secoua la tête en signe d’exaspération, et se dirigea vers l’avant-toit dans une tentative de retrouver sa proie disparue.
* * *
Bien que fatigué, Caine contourna un silo et arriva le côté nord du bâtiment. Juste à temps pour aperçevoir Montague sortir dans la rue principale. L’homme s’arrêta, s’appuyant contre le mur pour reprendre son souffle en haletant, et regarder dans la direction où il était venu à la recherche de signes de poursuite.
D’après ce que Caine pouvait en juger, il n’y avait plus qu’eu deux désormais. Montague se dirigea vers les lumières vives de l’avenue animée, bordée de tavernes, de voitures et de piétons de toutes sortes. Caine leva son pistolet et s’avança le long de l’avant-toit, espérant une fois de plus, espérant qu’une fois de plus qu’un tir dans les jambes le ralentirait. Tandis qu’il avançait, il ne remarqua pas le tuyau sous ses pieds. Il tomba soudainement, la rue s’ouvrant trois étages plus bas. En vacillant, il garda l’équilibre, mais tomba à genoux, un souffle dans sa gorge. Ce faisant, il entendit le sifflement indubitable d’un autre carreau volant à l’endroit où se trouvait sa tête il y a une seconde.
Il n’avait pas perdu son poursuivant. Pas du tout…
Caine tira trois coups dans la direction d’où était venu le projectile avant de plonger vers un de mi-mur de briques. Il vit une ombre se déplacer sur le toit et avec elle le sifflement d’un autre projectile. La chose l’attrapa par le manteau alors qu’il plongeait, mais sans plus. Son propre tir avait fissuré la pierre derrière l’homme, et il entendit un sifflement de colère lorsque des éclats de briques lui tombèrent dessus. Il jeta un coup d’oeil au projectile qui dépassait de son manteau. Il reconnut le barbillon intact comme étant iosien, très rare. Très dangereux.
C’était donc Zeke. Ce salaud était une sorte de chasseur de mages elfe, pensa-t-il.
Son poursuivant était peut-être à couvert, mais au moins il était sorti de sa cachette. Il doit penser que je suis foutu, sourit Caine d’un air sinistre. Caine pouvait à peine le distinguer à cette distance. Il plissa les yeux pour voir l’iosien encocher un autre projectile tout en s’appuyant contre son propre muret de briques. C’était un combat qu’il pouvait gagner, à son avis. Il lui fallait juste qu’il en finisse rapidement. Risquant un coup d’oeil par-dessus le bâtiment, il aperçut Montague dans la rue principale, s’approchant d’une voiture taxi. Il aperçut des chiffres inscrits au pochoir sur le côté du taxi.
« Deux-neuf-trois-trois », murmura-t-il.
Puis jura aussitôt sous le choc. Par-dessus le côté du muret, McCoy escaladit l’escalier de secours se trouvant à quelques verges de là. Prenant ses repères, le trollkin se retourna et regarda autour de lui. Lorsqu’il trouva Caine, il lui adressa son affreux sourire aux dents longues. Caine gémit. Il était sur le point de se faire prendre des deux côtés.
Zeke n’avait pas non plus l’air ravi de cette évolution. De son abri, il cria à l’arrivée de son collègue.
« McCoy ! Je l’ai ! » cria-t-il de derrière son abri.
McCoy sourit, portant son manteau à l’épaule. « Je ne pense pas ! » rugit-il à son tour. « Ce petit m’a mis une balle. Deux peut-être ! Je vais lui fendre la tête pour cela ». Le trollkin rit profondément, brandissant son marteau. Caine n’était plus qu’à quelques enjambées du monstre et totalement exposé. Il leva ses Tempêtes et tira. Trois coups de feu atteignirent le trollkin, lui déchirant l’abdomen. Des taches de sang noires apparurent sur la chemise blanche et le gilet de soie, mais il ne fit que grogner, s’avançant comme s’il progressait face à un vent puissant. McCoy se contenta de sourire amicalement à Caine alors qu’il arrivait, son marteau se levant une fois de plus. Caine regarda désespérément ses pistolets, puis se tourna vers le trollkin qui approchait.
De l’autre côté du toit, son collègue Zeke ne se laissait pas décourager. « Dix couronnes que tu ne le touches pas avant que je lui enfonce une lame ? »
« C’est d’accord », répondit McCoy, à seulement trois pas de Caine. Il osa jeter un coup d’oeil à Zeke, et constata que l’elfe était aussitôt de son abri. Sa silhouette sombre était devenue une danse fluide, presque impossible à suivre. Il approchait, bondissant et dégringolant par-dessus les obstacles. D’une manière ou d’une autre, alors descendait, une longue lame incurvée était apparue dans sa main.
Caine faillit se laisser emporter par la panique. D’un côté, un monstre déchaîné, le marteau prêt à frapper. De l’autre, l’implacable chasseur iosien prêt à frapper avec sa lame et son arbalète.
La mort des deux côtés.
L’esprit de Caine s’emballa. Concentrer les tirs d’un côté, se faire prendre de l’autre. Une téléportation, peut-être, mais perdre la cible et certainement pas assez loin pour perdre ce duo.
Non.
Il fallait que ça se stoppe. Il avait juste besoin de plus de temps pour réfléchir.
Caine se souvint du raid khadoréen et de la leçon qu’il avait apprise. La voie qu’il avait trouvée, cette magie spéciale qui le conduisait à cet endroit entre les secondes. Il était fatigué maintenant, tellement fatigué, mais il pouvait le retrouver. Il le fallait. Sa tête palpitait et était prête à exploser. Immédiatement, il pensa qu’il avait poussé trop loin. Ça n’allait pas marcher…
La douleur disparut. Le bruit aussi. Caine rouvrit les yeux sur un monde de gris et de scintillement. Zeke et McCoy formaient des silhouettes rayonnantes de part et d’autre de lui, leurs mouvements réduits à une avance à une impossible allure d’escargot. Il sentit la force revenir. Il avait suffisamment de temps pour les aligner. Pas un instant de plus.
Le temps reprit son cours.
Ils se précipitaient sur lui en hurlant, les yeux écarquillés et la bouche ouverte. Les yeux fermés et les bras croisés, il tira un seul coup de feu de ses deux Tempêtes. Le tonnerre résonna sur le toit, les éclairs de la bouche des canons demeura immobile, absorbé par un halo runique.
L’iosien et le trollkin furent touchés en plein front, et tous deux furent projetés en arrière, les yeux écarquillés. Caine cligna des yeux.
Ce n’était pas un rêve, il l’avait fait.
Les deux hommes étaient morts à quelques pas de lui, leurs yeux sans vie regardant vers le ciel dans un silence stupéfait. Il ne put que s’esclaffer et s’agenouilla.
Étourdi, ses yeux se posèrent sur l’avenue en contrebas. Il sourit doucement en regardant les piétons aller et venir. Il aperçut des fiacres circulant sur l’avenue, leurs chevaux au trot.
Clip Clop Clip Clop.
Caine releva sa tête et plissa ses yeux. Il scruta la circulation et trouva le taxi marqué deux-neuf-trois-trois toujours en vue. Avec un gémissement, il se releva péniblement. Se dirigeant vers l’escalier de secours et descendit en se traînant, chaque muscle hurlant de protestation. Bientôt, il trottina au niveau de la rue, arme au poing, à la poursuite du taxi. Serrant les dents pour résister à la douleur, il poussait la foule sur l’avenue. Il haletait. Le taxi était trop loin pour être rattrapé. Il n’en avait plus la force. Sa foulée se ralentissait. Alors qu’un autre taxi se hâtait à ses côtés dans la même direction, il saisit l’arceau. Se balançant dans l’habitacle, il cria au conducteur, à bout de souffle : « Suivez deux-neuf-trois-trois ! »
C’est alors qu’il s’aperçut que le taxi était déjà occupé. Il regarda la banquette opposée et trouva un homme d’âge moyen tenant un registre, bouchée bée de terreur à sa vue.
C’était Montague.
Caine se mit à rire et secoua la tête. Montague voulut partir en gémissant, la main tendue vers la portière. Caine porta un coup de pied dans sa jambe, faisant retomber le trésorier sur son siège. Il levait déjà un Tempête sur lui, et il l’arma lentement. Montague grimaça serrant son registre tel un bouclier, mais resta assis.
* * *
elric:
« S’il vous plaît, ne me tuez pas ! » plaida l’homme à lunettes dans un cygnaréen impeccable. Caine s’allongea nonchalamment derrière le bureau de l’homme, les pieds relevés. Ils se trouvaient au quatrième étage d’une maison de ville typique, dans le quartier aisé d’Ules. L’endroit ne semblait pas habité, à l’exception de ce bureau, qui avait été aménagé, notamment avec une armoire à alcool bien fournie. Caine gardait distraitement un Tempête pointé sur l’homme en face
de lui alors qu’il feuilletait son registre, page par page.
« Pourquoi pas ? »
Montague se contenta de gémir en posant sa tête sur le bureau.
Les faits étaient parfaitement exposés et détaillés. Il y avait eu quatre expéditions comme celle de ce soir. C’était vraiment incroyable. Le registre comprenait le nom de chaque noble cygnaréen impliqué, le montant promis et le montant reçu. Les noms d’une douzaine de compagnies de mercenaire, dont les Von Baums, y figuraient également. Montague avait poussé la minutie jusqu’à détailler en annexe les étapes de l’opération pour lesquelles les mercenaires recevraient leur solde. Même s’il ne répertoriait pas l’agenda exacte des nobles, le fait qu’il détaillait autant d’informations permettait de faire des déductions.
De toute évidence, ils rassemblaient des forces de diversion à la périphérie du Cygnar, tandis qu’une force unique se rassemblait près de son coeur. Plus incroyable encore, l’historique des paiements montrait qu’un comte de Caspia prenait la plus grosse des expéditions d’or. Cela laissait entendre qu’un pot-de-vin était en jeu. Caspia n’était jamais tombée. Caine le savait, tout le monde le savait. C’était la substance des vieilles histoires. Bien sûr, dans ces histoires, les ennemis étaient toujours de l’autre côté de ses épais murs. Y avait-il vraiment quelqu’un à l’intérieur, capable de compromettre ses défenses, et réellement disposé à le faire ? Caine leva les yeux vers l’homme découragé en face de lui, déconcerté.
Cet homme dirigeait le jeu ? Vraiment ?
Les chances qu’il soit capable de faire passer autant d’or sous le nez de Rynnard sans qu’il le sache semblaient incroyables. Pourtant, Rynnard était un vieil homme. Ce n’était pas impossible, et Thaddeus pourrait bien se en train de se donner en spectacle à Caine. Il leva les yeux du registre, considérant l’homme devant lui comme s’il s’agissait d’un joueur de carte.
« Oh, je suppose que vous devriez me tuer. C’était une erreur depuis le début. J’ai supplié de ne pas le faire ! Thaddeus baissa la tête, ôtant ses lunettes pour se frotter l’arête du nez.
« Qui ? Qui avez-vous supplié ? »
Thaddeus parut alarmé et se couvrit instantanément la bouche. Caine secoua la tête en roulant des yeux.
« C’est le spectacle de Rynnard, n’est-ce pas ? » Caine lança un regard noir à Thaddeus par dessus le registre. Le trésorier ne répondit rien, gardant seulement la tête basse.
En bas, on frappa à la porte. Caine regarda Montague avec insistance, tandis que Montague blêmissait. Avec un grognement, Caine se leva et attrapa le trésorier par le bas de sa chemise, le tirant vers le balcon. En bas, ils purent voir une escouade de gardes municipaux frappant à la porte. Caine pointa un Tempête sur visage de Montague, puis désigna le toit au-dessus d’eux. L’homme hocha la tête, l’air frais de la nuit le faisant frissonner. Caine le propulsa vers le haut, puis se téléporta l’instant d’après. Montague sursauta, surpris par la démonstration, mais demeura silencieux. En bas, ils entendirent la porte s’ouvrir en force. Les gardes entrèrent en trombe.
Caine garda son arme sur le front de Thaddeus et écouta. Ils se déplaçaient de pièce en pièce, appelant Montague. Finalement, ils arrivèrent en-dessous, regardant le balcon.
« Il n’est pas là, monsieur ! » cria-t-on en llaelais.
« Je le vois bien, idiot. Voulez-vous en informer sa majesté vous-même ? »
« N-non. Non, monsieur ! » Puis, aussi rapidement qu’ils étaient venus, les gardes s’en allèrent.
Caine se moqua du timide homme à ses côtés, alors que les deux hommes étaient toujours assis sur le toit.
« Pourquoi ce… subterfuge, Montague, Si Rynnard veut tellement que Leto disparaisse, pourquoi ne simplement approvisionner les nobles sans tout cela ? » L’homme désemparé acquiesça. Un poids semblait se détacher de lui à chaque fois qu’il hochait la tête.
« Il voulait être en mesure de pouvoir nier, s’il y avait une chance que cela soit révélé. Un déni plausible. C’était ambitieux. Il savait que cela pouvait lui exploser à la figure, et nous sommes censés être vos alliés, après tout. Vous êtes cygnaréen, n’est-ce pas ? L’accent… des environs d’Orven ? »
« Brainmarché, en fait », corrigea Caine en jetant un coup d’oeil au grand livre.
« Je suis désolé. Je suis vraiment désolé », soupira Thaddeux, dépité.
Caine leva les yeux vers les étoiles alors que le couple bizarre continuait de s’asseoir sur le toit de cuivre en pente. L’aube arrivait, dans quelques heures peut-être. Par Morrow, quelle nuit ! Il avait le registre et l’homme aussi. Sur ordre de Rebald, ce qui suivait était assez clair.
Et encore.
Sa main était réticente à diriger un Tempête sur Montague. Au lieu de cela, il le rengaina et fouilla dans sa poche à la recherche du bibelot qui lui avait été offert à Ceryl. Il le trouva assez facilement. Caine le retourna dans sa main et réfléchit aux paroles de l’homme qui lui avait donné : le Seigneur Brigham Walder. Montague en repéra le reflet et l’observa avec intérêt.
« Qu’est-ce que c’est ? »
Caine leva les yeux, comme s’il sortait d’une transe.
« Je pense que c’est la raison pour laquelle je ne vais pas te tuer. Peu importe combien cette décision pourrait me coûter.
Montague cligna des yeux.
* * *
Caine et Montague firent tinter leurs verres et la quatrième tournée de cognac disparut dans une soudaine bouffée de chaleur.
« Tous les jours ! Elle les faisait cuire tous les jours. Vous ne croiriez pas à quel point ils étaient bons » , marmonna Montague, les yeux écarquillés vers Caine. De son côté, Caine n’avait réussi qu’à s’enivrer, mais à chaque nouvelle tournée, les courbatures de la journée s’éloignaient un peu plus. En fait, lorsqu’il était descendu chercher la bouteille et les verres, il avait réussi à se rafistoler avec des bandages et un baume rafraîchissant. Ce fut merveilleux sur son épaule. Dans l’ensemble, il se sentait étonnamment bien, malgré le fait que presque tout ce qu’il avait touché au cours de la semaine écoulée avait été un désastre.
Il s’appuya sur la pente du toi, regardant les étoiles.
« Rappelles-toi ce que j’ai dit à propos ton frère, Montague », dit-il. « S’il t’a vendu une fois, il le fera encore ». Les yeux de Montague se mirent instantanément à briller et il les frotta avec sa manche.
« Thaddeux, Caine. Appelle-moi Thaddeus. Kreel… mon frère… il… n’a pas toujours été comme ça. Avant qu’il ne commence à jouer aux cartes… »
« Ne lui trouve pas d’excuse ! » Caine s’emporta avec une surprenante colère. « Je veux dire… eh bien… »
« Qu’est-ce qui va t’arriver maintenant ? » Montague, toujours assis avec la bouteille entre ses jambes, baissa les yeux sur Caine, fronçant les sourcils avec une inquiétude exagérée liée au cognac.
« Au diable ça. Je m’en fiche ». Traçant du doigt les lignes d’une constellation, il haussa les épaules. « Oh, je pense qu’ils vont me jeter dehors. J’ai tué des hommes hier soir, Thaddeus. De plus, quand j’arrive devant celui qui je suis censé tuer, je refuse. C’est le bordel ».
Thaddeus acquiesça lentement, un froncement de sourcils se dessinant sur son visage.
« Vous êtes un meilleur homme que moi Mr. Caine », prononça-t-il lentement, avec un effort délibéré. « Quels que soient vos défauts, vous avez un code, et il n’est pas à vendre. Moi, j’ai fait ce qu’on m’a dit, même si je savais que c’était mal ». Il secoua la tête, dégoûté.
« Relax ».
« Non ! Écoute. Tu m’as montré. À partir de maintenant. Ce truc ce soir ? Je ne t’ai jamais vu. Je… » Thaddeus fit un geste, illuminé et animé à présent. Là seconde d’après, il se rendit compte qu’il avait lâché la bouteille. Alors qu’elle commençait à rouler sur le toit, ses yeux s’écarquillèrent d’inquiétude. Il plongea pour la rattraper.
Et disparut par-dessus l’avant-toit.
Caine rit en regardant l’endroit où Montague se trouvait il y a une seconde. « Espèce d’imbécile ! » Se relevant, il se pencha par-dessus l’avant-toit, s’attendant à voir le trésorier ivre sur le balcon en contrebas.
Excepté que Thaddeus n’était pas là.
Le trésorier avait raté l’étroit balcon. Il n’était plus qu’une masse étalée, plié en deux sur les pavés, quatre étages plus bas. Une mare de sang s’écoulait déjà de lui, et la bouteille de cognac brisée était juste hors de portée de sa main morte.
« Ah… pourquoi as-tu fait ça ? » gémit Caine, résigné. Il resta assis sans rien dire, puis regarda à nouveau par-dessus l’avant-toit. Non, il ne l’avait pas imaginé.
Cet idiot était toujours mort.
Et maintenant ? Dans le calme de la nuit, l’aboiement d’un chien dans une ruelle voisine fut sa seule réponse.
« Oh, j’ai besoin d’un cigare », soupira-t-il. Fouillant les plis de son manteau, il mit la main dans une poche profonde et tâta l’intérieur. Il ne parvenait pas à trouver la pochette en aluminium familière pour ses cigares, mais sa main effleura autre chose. Il le sortit et ses yeux s’écarquillèrent en signe de reconnaissance. C’était le sac en feutre noir que Rebald lui avait donné.
« Au cas où l’histoire ne collerait pas », avait dit le chef des services secrets.
D’une manière ou d’une autre, Caine l’avait presque oublié. Il tenait l’objet dans sa main alors qu’il était assis sur le toit, les jambes croisées. Il hésita à l’ouvrir. Finalement, en jurant, il l’ouvrit. Il pouvait le sentir, il n’y avait qu’un seul petit objet. C’était léger et arrondi. En le sortant, il réalisa qu’il tenait un peu de racine de réglisse.
Caine, stupéfait, se dit « Maudit soit-il », et se laissa tomber sur le toit.
Dans cette ruelle invisible, le chien aboya à nouveau. Caine se redressa, le visage de plus en plus sévère. Bien éclairé, même à cette heure tardive, il pouvait voir le palais de Rynnard à l’ouest, au-dessus du paysage urbain. Sa tête et ses épaules dépassait le restes des tours. Il le regarda fixement, puis secoua la tête.
Tu l’avais compris dès le départ, hein Rebald ? Tenant toujours la racine, Caine ne savait plus où donner de la tête.
Il finit par lever les yeux vers le ciel nocturne. « Alors ? Me vois-tu maintenant, vieil ivrogne ? » Pas de réponse. « Tu dirais que je te l’avais dit, n’est-ce pas ? » se moqua-t-il. « Tu aurais probablement raison, hein ? » marmonna-t-il. Il dégaina un Tempête et pointa une cible fantôme. Peut-être que je ne vaux pas mieux que ça. Là encore, peut-être que cela compte. Il rengaina l’arme et regarda le ciel une fois de plus, l’expression pensive.
« Et peut-être que je ne soucie plus de ce que tu penses ».
elric:
ÉPILOGUE
Deux Semaines Plus Tard
596 AR, Caspia
Dans le labyrinthe sillonnant les vénérables murs de la puissante Caspia, le jeune courtisant se déplaçait avec détermination. Sa tenue était simple, redingote bleue d’un secrétaire royal. Son visage était rasé de près et ses cheveux blonds étaient coupés court. Son pas régulier résonnait dans l’obscurité alors qu’il traversait le labyrinthe sans hésitation.
Il arriva enfin dans un couloir se terminant par une solide porte en fer. Au centre de la porte se trouvait un trou de serrure. Le jeune homme sortit d’une poche de son pantalon une petite clé émoussée de forme inhabituelle et l’introduisit dans le trou. Il la tourna d’un quart de tour vers la gauche, puis d’un tour complet vers la droite. Le mouvement de la clé fut accueilli par une série de déclic provenant du plus profond de l’épaisse porte renforcée. Alors que le clic final retentissait, le gémissement des lourds verrous en fer s’éloignant de leurs supports put être entendu. La porte s’ouvrit lentement, révélant une largeur d’un pied. La lumière de l’intérieur se répandit dans le vieux couloir, projetant des longs motifs vacillant sur le sol moisi.
L’employé entra vivement à l’intérieur et saisit la poignée pour refermer l’épaisse porte derrière lui d’un coup sec. Dans la pièce sans fenêtre, une immense carte de l’Immoren occidental était accrochée sur le grand mur en pierre en face de la porte. La lumière y était projetée par des lampes à gaz fixées dans des alcôves voûtées de chaque côté de la pièce. Un bureau en bois au centre de la pièce était jonché d’étui à cartes et de registre reliés en cuir.
Il faisait face au dos d’un homme vêtu de gris qui était occupé à ajuster des épingles sur une carte. Chacune des épingles avait été peinte de diverses couleurs, et certaines avaient été fixées avec une bande de papier, annotées de marques emblématiques. Alors que les épingles sillonnaient toute la carte, il y avait une notable concentration le long de la frontière entre le Cygnar et le Khador. À présent l’homme à la robe grise ajouta plusieurs épingles au sein de la petite nation mêle-tout de Llael. Il ne se retourna pas à l’arrivée du jeune employé qui attendait respectueusement. L’employé trouva cela étrange, étant donné qu’il était entré sans doute dans le sanctuaire le plus gardé de tout le Cygnar, dans le dos de son espion le plus gradé, le commandant en chef des éclaireurs Holden Rebald.
« Qu’y a-t-il, Baldasarre ? »
« Comment avez-vous… » lâche le jeune homme avec étonnement.
Ta jambe droite est probablement plus courte de cinq centimètres que la droite », répondit doucement Rebald, sans se retourner. « Tu as développé une démarche dans laquelle ton pied gauche subit un déplacement bref mais distinct pour compenser la différence ». Rebald acheva en enfonçant une épingle au centre de Merywyn, et croisa les bras dans un silence contemplatif. Avec une expiration audible, il fit signe au secrétaire de s’approcher.
Le secrétaire regarda ses pieds avec surprise alors qu’il contournait le bureau en chêne abîmé, s’approchant de Rebald, son regard suivit celui de Holden, vers la carte.
« Des coursiers viennent d’arriver d’arriver avec des nouvelles de Merywyn, monsieur ».
Le vieux commandant en chef des éclaireurs se retourna sans prononcer une parole en haussant un sourcil en direction du secrétaire.
« C’est une bonne nouvelle cette fois, monsieur. Le Capitaine… Je veux dire, le récit du Lieutenant Caine a conduit nos agents jusqu’à l’épave au fond du port. Nos agents ont pu extraire le cortex, intact. Ils ont rapporté qu’il ne restait rien d’autre qui puisse impliquer le Cygnar ».
« Rien ? »
« Ah, oui, la question de la mort de Rynnard. La version officielle de l’ambassadeur llaelais est celle d’une mort naturelle. Il semble qu’ils ignorent ou refusent d’accepter l’idée que leur roi ait pu être assassiné ».
« Ils sont en train de limiter les dégâts, apprenti. Ils savent. Ce qui est important, c’est qu’ils ne sachent pas qui », déclara Rebald, les bras toujours croisés. Son attention restait fixée sur l’épingle qu’il avait placée au centre de Merywyn.
« Et ensuite, monsieur ? »
« Nous attendons, Baldasarre, même si j’aimerais qu’il en soit autrement ».
« Comment Caine a-t-il accepté sa rétrogradation, si je peux me permettre ? »
Rebald sourit d’un air satisfait devant la persistante curiosité de son apprenti. « Il a pris la nouvelle avec une indifférence stoïque ». Le secrétaire hocha la tête à cette idée, mais fronça les sourcils en y réfléchissant.
« Au point, pensez-vous, que le geste aura l’effet escompté auprès des nobles ? »
« Pour les vertueux d’entre eux ? Je le crois. Les actions de Caine, selon le témoignage officiel, étaient inconvenantes. Elles ne peuvent pas être tolérées. Quant aux vrais mécontents, nous ne pourrons proposer aucun apaisement. Non, pour eux, d’autres gestes sont désormais posés. En fin de compte, ils reviendront tous ».
Baldasarre hocha sombrement la tête. « Pourtant, la portée du plan des nobles, maintenant dévoilées…c’est surprenant, n’est-ce pas monsieur ? »
« Oui, nous sommes passés à un cheveu, ne t’y trompe pas. Je n’aurais guère douté de la sécurité de notre roi dans ces murs avant d’avoir lu leurs communiqués ».
« Et l’implication du Roi Rynnard comme leur commanditaire ! » À ce moment-là, Rebald regarda une fois de plus l’épingle qu’il avait placée sur Merywyn. L’impassibilité caractéristique du chef des services secrets trahissait un soupçon d’anxiété, ne serait-ce que pour un bref instant. La seconde d’après, l’employé eut l’impression qu’il l’avait peut-être imaginé.
« Nous avons échangé leur sort contre un peu de temps pour faire le ménage. En fin de compte, c’est le gain net des actions de Caine ».
Baldasarre fronça les sourcils. Remarquant la confusion de son apprenti, Rebald pointa la carte du doigt.
« Le Khador, toujours ambitieux, verra maintenant une nation sans roi. Dans la tourmente. Ils en profiteront, si ce n’est pas tout de suite, bientôt ». Rebald soupira, levant les yeux vers la capitale du Khador. « Pourquoi ne le feraient-ils pas ? »
« Comme vous l’avez dit, ils nous ont donné du temps, monsieur. Cela n’en valait-il pas la peine ? »
« Les habitants de Llael sont tout comme les nôtres, fils. En tuant leur roi, quels que soient ses vices, nous pourrions bien les avoir tués aussi. J’en ressens le poids », déclara Rebald avec une sobre certitude.
Le secrétaire hocha la tête, se tournant vers le bureau en chêne et présenta un dossier, feuilletant rapidement pour trouver une page particulière.
« Et Caine, monsieur ? De son propre aveu, la mission fut maladroite dans son exécution, presque perdue à plusieurs reprises. Risquez-vous de le réactiver ? »
Rebald regarda sèchement son apprenti. « Je pense que tu n’as pas compris, Baldasarre. Ce que Caine a réalisé lors de sa première mission était… surprenant. Au final, il a réussi sur tous les points ».
L’apprenti parcourut à nouveau le dossier, passant un doigt dans la marge de la page. Il s’arrêta sur un paragraphe en bas de page. « Il a tué beaucoup d’hommes, monsieur. Nous ne pouvons confirmer que la mort de Rynnard. Croyez-vous vraiment à ce récit ? »
« Je n’ai aucune raison d’en douter. Malgré tous ses défauts, Caine n’est pas un fanfaron. À Fellig, il a prouvé qu’il était une force de la nature lorsqu’il est bien motivé. À Merywyn, il a fait preuve d’une certaine maîtrise, mais je pense que le meilleur reste à venir ».
Baldasarre referma le dossier et le reposa sur le bureau. « Assez impressionnante, je suppose ».
Rebald se tourna vers le jeune secrétaire, surpris.
« Je vais te révéler ceci, apprenti. Cet homme est né pour tuer, et je l’emploierai pour sauver ce royaume, quel que soit le prix à payer pour son âme… où la mienne ».
elric:
INDEX DES ROYAUMES D’ACIER
Ancienne Ichtier : Une antique cité au sein du Protectorat dans le sud profond, considérée comme la source de la civilisation menite de l’Immoren occidental et le Canon de la Vraie Loi originale.
Lac Barbotal : Il s’agit d’un immense lac et d’un fleuve au coeur de Rhul, et de la soure du Fleuve Noir. Les cités rhuliques de Ghord, Ulgar et Brunder se situent sur ses rives.
Groupe de bataille : Un wacaster et les warjacks qu’il contrôle.
Berck : Ville portuaire ordique, plus grande ville d’Ord et port d’attache de la Marine Royale Ordique.
Fleuve Noir : Le plus long fleuve de l’Immoren occidental, qui relie le Rhul, le Llael et le Cygnar. Merywyn, Corvis et Caspia-Sul se reposent sur ce fleuve et forme la frontière orientale de Cygnar, la séparant des Marches Sanglantes.
Cape Noire : Terme appliqué aux énigmatiques mystiques et potentiellement dangereux faisant partie d’une ancienne société secrète s’appuyant sur le pouvoir destructeur des éléments et de la nature sauvage.
Morteseaux : Ville portuaire cryxienne et siège de sa flotte de pirates.
Marches Sanglantes : Une grande région géographique aride entre le Désert de Jaspe et l’Immoren occidental, occupées par des tribus idriennes, farrow et l’Armée de l’Extrême Occident Skorne.
Caen : Nom du monde contenant les Royaumes d’Acier, Immoren, Zu, etc. On oppose parfois le monde matériel au monde spirituel d’Urcaen.
Carre Dova : Ville portuaire ordique, située sur la rive septentrionale de la Baie de la Pierre.
Caspia : Capitale de Cygnar, la « Cité des Murs » et l’unique ville humaine à ne pas être tombée aux mains des orgoth.
Ceryl : Ville portuaire cygnaréenne, siège de l’Ordre Fraternel des Magiciens et de la flotte septentrionale de la marine cygnaréenne.
Pierres Bavardes : District de Cinq-Doigts sur l’Île de l’Hospice, remarquable pour son grand cimetière rempli lors d’une ancienne peste sur l’île.
Colosse : Massifs prédécesseurs des modernes steamjacks, ces grandes machines ont été construites à l’origine pendant la Rébellion contre les orgoth.
Cortex : Dispositif mékanique hautement arcanique conférant au steamjack son intelligence limitée.
Corvis : Ville du nord-est cygnaréen située à la jonction du Fleuve Noir et la Langue du Dragon, également appelée la « Cité des Fantômes ».
Vallée de Crael : Vallée agricole du nord de Cygnar, au sud de Brainmarché, brièvement prise et tenue par Madrak Cuirdefer et les Kriels Unis.
Cryx : Également connu sous le nom d’Empire du Cauchemar, un royaume insulaire de nécromanciens, de morts-vivants et de pirates situé au sud-ouest et dirigé par Toruk le Père des Dragons.
Cygnar : Le plus méridional des Royaumes d’Acier, gouverné par le Roi Leto Raelthorne et portant le Cygnus sur son drapeau.
Tour du Bois Profond : Forteresse frontalière septentrionale cygnaréenne, détruite en 608 AR.
Dragon : Créatures immortelles et non naturelles engendrées par le Seigneur Toruk, le premier et le plus grand d’entre eux. Les dragons sont hostiles les uns envers les autres, et en particulier envers leur géniteur, et s’intéressent rarement aux affaires des êtres inférieurs.
Fleuve de la Langue du Dragon : Le fleuve s’étend de Corvis à la Baie de Pierre séparant le Cygnar de l’Ord et sur laquelle reposent un certain nombre de villes telles que Port Bourne, Tarna et Cinq-Doigts.
Drer Drakkerung : Ruines de l’ancienne capitale orgoth sur l’Île de Garlghast, désormais revendiquée par le Cryx et considérée comme le siège du Seigneur Liche Terminus.
Mur-Levant : Forteresse cygnaréenne du sud-est, le long du Fleuve Noir.
Fellig : Ville Cygnaréenne septentrionale du Bois d’Épines, actuellement partiellement occupée par des troupes ordiques et coupée de Cygnar.
Ruissepêche : Ancienne ville cygnaréenne au nord du Fleuve de la Langue du Dragon, rasée en 607 AR par la Croisade du Nord du Protectorat.
Cinq-Doigts : Ville portuaire ordique connue pour ses jeux d’argent, ses gangs criminels et son commerce de contrebande, également sous le nom de « Port de l Tromperie ».
Garlghast : La plus septentrionale et la plus grande des îles Scharde, site de l’ancienne capitale orgoth de Drer Drakkerung.
Ghord : Capitale de Rhul, sur la rive nord-est du Barbotal.
Gobber : Race de petite taille composée d’individus curieux, agiles et entreprenants qui se sont bien adaptées aux villes humaines. La plupart des gobber mesure environ nonante centimètres de haut. Les gobber sont connus pour avoir d’indéniables aptitudes pour les appareils mékaniques et l’alchimie.
Mage Balisticien : Arcaniste capable de canaliser son énergie arcanique dans des tirs runiques tirés à l’aide de ses pistolets cinémantiques.
Hammerfall : Forteresse rhulique occidentale protégeant les approches occidentales à travers les montagnes de Ghord.
Col de l’Enfer : Ancienne cité ogrun autrefois conquise par l’Empire khardique et faisant maintenant partie de Khador.
Fort-Horgen : Forteresse rhulique méridionale protégeant les approches sud de l’intérieur rhulique, y compris la route de Leryn et le Fleuve Noir.
Haute-Muraille : Ville côtière cygnaréenne, siège de la flotte méridionale et quartier général de la Troisième Armée Cygnaréenne.
Imer : Capitale du Protectorat de Menoth, ville relativement récente située près des Collines d’Erud.
Immoren : Continent comprenant les Royaumes d’Acier, Ios, Rhul, l’Empire Skorne et les terres les séparant. Une grande partie d’Immoren reste inexplorée et ses habitants n’ont eu que peu de contacts avec les autres continents.
Ios : Nation isolationniste située à l’est des Marches Sanglantes,, Ios a été fondée bien avant les nations humaines par les survivants d’un empire détruit appelé Lyoss.
Iosien : Habitant d’Io, une race elfique d’une grande longévité subissant un long déclin progressif et confrontée à une catastrophe cosmologique imminente.
Royaumes d’Acier : Initialement, les quatre nations fondées après la Rébellion orgoth : Cygnar, Khador, Llael et Ord. Le Protectorat de Menoth, fondé après la Guerre Civile Cygnaréenne et ayant récemment déclaré son indépendance vis-à-vis de Cygnar, devint le cinquième Royaume d’Acier. Avec la conquête de Llael, il reste peu de ce royaume.
Contrôleur : Personne ayant appris à donner des ordres verbaux précis à un steamjack pour le diriger dans la conduite du travail ou de la bataille. Une compétence professionnelle très utile, bien que dépourvu de la polyvalence ou de la finesse offerte par le contrôle mental direct des steamjacks exercé par un warcaster.
Khador : Le plus septentrional des Royaumes d’Acier, autrefois un royaume et aujourd’hui un empire. L’Empire Khadoréen est dirigé par l’Impératrice Ayn Vanar.
Khardov : Ville industrielle de l’ouest du Khador, qui est également une plaque tournante majeure du chemin de fer khadoréen.
Korsk : Capitale de Khador et la plus grande ville de ce pays, située sur la rive orientale du Lac Grand Zerutsk.
Lac Grand Zerutsk : Le plus grand des trois grands lacs entourant Korsk dans le centre de Khador.
Leryn : Ancienne ville de Llael et lieu de naissance de l’Ordre du Creuset d’Or, aujourd’hui siège de la Croisade du Nord du Protectorat. Occupé par les khadoréens pendant la Guerre Llaelaise et ensuite prise par le Protectorat.
Llael : Autrefois le Royaume d’Acier le plus oriental ; largement conquis durant la Guerre Llaelaise de 604 – 605 AR et actuellement divisé entre le Khador, le Protectorat et la Résistance Llaelaise.
Mékanique : Fusion de l’ingénierie mécanique et de la science des arcanes.
Mercir : Ville côtière méridionale cygnaréenne, siège de la Ligue Mercarienne.
Meredius, le : Océan occidental, travers avec succès par les orgoth.
Merin : Capitale de l’Ord.
Merywyn : Ancienne capitale du Llael, actuellement la plus importante ville industrielle du territoire occupé par les khadoréens.
Midfast : Ville et forteresse ordique septentrionale, le long de la frontière khadoréenne.
Empire du Cauchemar, l’ : Cryx.
Nordgarde : Ancienne forteresse de la frontière nord cygnaréenne, assiégé et prise par le Khador en 608 AR, servant actuellement de forteresse de réapprovisionnement pour l’armée khadoréenne.
Nyss : Cousin des iosiens, les nyss sont une race de chasseurs sauvages voulant revendiquer de larges portions du Khador septrional comme leur territoire. Largement décimé par l’émergence de la Légion d’Everblight, les nyss survivants sont en grandes parties des réfugiés dépendant de Khador et d’Ios.
Ogrun : Race de grande taille et physiquement puissante, réputée pour sa force et son honneur. La plupart des ogrun sont citoyens de Rhul, mais on les trouve dans tous les Royaumes d’Acier et également en Cryx.
Olgunbosque : Forêt située au su de l’Ord et principale source de bois d’oeuvre de cette nation.
Ord : Royaume d’Acier situé sur la côte ouest entre le Khador et le Cygnar, largement neutre dans les récentes guerres et considéré comme un havre pour les compagnies de mercenaires.
Orgoth : Redoutable race humaine ayant envahi et asservi l’Immoren occidental pendant des siècles. Les orgoth sont arrivés en grand nombre sur les rives occidentales d’Immoren et ont rapidement conquis les royaumes humains de l’époque, avant d’être chassés il y a un peu plus de quatre cents ans.
Protectorat de Menoth : Théocratie du sud-est dédiée au dieu Menoth. Considéré comme le cinquième royaume d’acier, il n’existait pas à l’époque des Traités de Corvis.
Rougemuraille : Forteresse llaelaise à la frontière khadoréenne, détruite en 604 AR.
Tir Runique : Balles spécialement conçues pour inscrire des runes, utilisées par les mages balisticiens pour canaliser leurs énergies mystiques.
Rhul : Nation naine du nord-est, bordant le Khador, le Llael et l’Ios ; les natifs sont appelés rhulfolk.
Rhulfolk : Nains de Rhul. Un peuple tenace et compétent commerçant depuis longtemps avec les nations humaines.
Îles Scharde : Groupes d’îles au sud-ouest de Cygnar, nommé d’après la plus grande des îles devenue le coeur de Cryx. La majorité des Îles Scharde font partie de l’Empire du Cauchemar tandis que celles qui sont contestées sont la proie de Cryx.
Sul : Ville du Protectorat occidental, anciennement la partie de Caspia à l’est du Fleuve Noir, cédée après la Guerre Civile Cygnaréenne.
Esprit d’Outre-Tombe : Quartier de Cinq-Doigts connu pour sa production d’alcools, une source majeure de revenus pour la ville.
Steamjack : Automate mékanique à vapeur conçu dans grande variété de configurations et de tailles, utilisé à la fois pour le travail et la guerre au sein des Royaumes d’Acier, Cryx et Rhul.
Tarna : Ville ordique méridionale sur le Fleuve de la Langue du Dragon, le site où les premiers ensorceleurs ont été découverts lors de la Rébellion contre les orgoth.
Thuria : Ancien royaume humain conquis par le Tordor des siècles avant l’arrivée des orgoth actuellement divisé entre le sud de l’Ord et le nord de Cygnar.
Thurien : Groupe culturel composé des peuples du sud de l’Ord et du nord de Cygnar partageant des ancêtres communs.
Tordor : Ancien royaume humain réputé pour sa grande flotte.
Tordoréen : Groupe culturel des peuples du nord de l’Ord, comprenant notamment la noblesse terrienne la plus puissante et la lignée royale.
Trollkin : Robuste race apparentée aux trolls pur-sang. Les trollkin vivent à la fois dans leurs propres communautés en marge de la civilisation et parmi les cités humaines.
Uldenfrost : Petite ville de trappeurs et de chasseurs situées à l’extrémité septentrionale et occidentale de Khador.
Umbrie : Ancien royaume humain centré sur ce qui est aujourd’hui le Khador oriental et anciennement le nord-ouest de Llael.
Urcaen : Mystérieux royaume cosmologique étant la contrepartie spirituelle de Caen, où résident le plupart des dieux et où la plupart des âmes passent pour expérimenter l’au-delà. Il est divisé entre les domaines divins protégés et les étendues sauvages infernales où rode le Ver Dévoreur.
Veld : Nom iosien de l’Urcaen.
Néant : Deux significations différentes : le vide entourant Urcaen d’où surgissent les maudits morts-vivants ; et où les âmes skorne sont jetées après la mort si elles ne sont pas abritées au sein de pierres sacrées. On ne sait si ces deux usages décrivent le même lieu.
Warcaster : Arcaniste né avec la capacité naturelle de contrôler les steamjack avec leur esprit Avec une formation appropriée, le warcaster devient un atout militaire singulier et parmi les plus grands soldats de l’Immoren occidental, chargé de commander des dizaines de troupes et leur propre groupe de bataille de warjack sur le terrain. Acquérir et former des warcasters est une priorité pour toute force militaire employant des warjacks.
Warlock : Arcaniste capable de se lier à des bêtes sauvages ou asservies et de les contrôler mentalement.
Warbeast : Bête sauvage liée à un warlock.
Warjack : Steamjack très perfectionné et bien armé, créé ou modifié pour la guerre.
Zu : Continent peu exploré au sud d’Immoren, engagé dans un lucratif commerce avec les immoréens pour certaines marchandises exotiques.
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