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Roman - Poudrière

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elric:

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À l’Est de Croix-des-Fleuves, Llael Occupé

MAGNUS RENDIT LE PISTOLET LANCE-FUSÉE à Harrow et secoua l’eau de ses cheveux. Le fleuve était froid et le poids de sa prothèse l’avait envoyé directement par le fond. Ils avaient atterrit dans une partie peu profonde du fleuve, et Magnus avait rapidement remonté le lit du fleuve, traînant Xavius à moitié noyé en lieu sûr. L’ordique n’avait pas beaucoup aidé à résoudre son propre sort et avait serré contre sa poitrine l’explosif khadoréen qu’il avait détaché du pont pendant tout le trajet.

Il avait laissé le courant les emporter plus loin en aval pour éviter le troupes khadoréennes qui leur tiraient dessus. Harrow, Tews et le reste de ses hommes les retrouvèrent rapidement. Avec la bataille faisant rage au-dessus, il n’avaient pas été poursuivis.

« Nos propres hommes ont dû en s’apercevoir », dit Magnus. « Ils vont bientôt attaquer la partie est de la ville ».

« On repasse par la ville pour les rejoindre ? » demanda Tews. Le ton de l’homme s’était adouci et la rancune qui teintait chacune de ses paroles quelques heures auparavant avait pratiquement disparu. Son instinct de soldat avait repris le dessus, et il suivait les ordres à présent.

« Oui. Les forces khadoréennes vont être désorganisée et probablement paniquées maintenant que le pont reste intact. Nous allons nous fondre dans la masse et passer au travers ». En plus des soldats attendant son retour, il y avait quatre warjacks, de puissants Cuirassés-Tempête armés d’épées voltaïques qui seraient dévastatrices dans l’étroitesse de la ville. L’armure de Magnus était là aussi, et il avait hâte, au sens figuré comme au sens littéral, d’y retourner.

« Monsieur, jetez un coup d’oeil à ceci », dit Xavius. L’homme ressemblait à un insecte géant gorgé d’eau. Ses vêtements se plaquaient contre ses membres grêles et accentuaient son aspect décharné. Il tendait l’engin explosif qu’il avait ôté du pont. Il s’agissait de deux tubes de verre remplis d’un liquide vert visqueux. Chaque tube était surmonté d’un détonateur mékanique et d’un cordon de détonation. Les deux avaient été coupés.

Magnus accepta le dispositif et le tourna soigneusement dans ses mains. Il avait quelques connaissances en matière d’explosifs, et il compris ce que qui se trouvait dans ces tubes était hautement volatile.

« C’est sûr », dit Xavius, comme s’il lisait dans ses pensées. « Une charge voltaïque est nécessaire pour enflammer la substance.

« Qu’est-ce que je dois regarder ? » demanda Magnus. « Sais-tu de quel genre d’agent alchimique ou non ? »

« Regardez la marque sur le premier tube ».

Un large creuset surmonté d’une étoile flamboyante à cinq branches avait été dessiné au pochoir sur le tune. Elle était effacée, mais Magnus la reconnu.

« L’Ordre du Creuset d’Or », dit-il en nommant l’ordre arcaniste auquel Xavius avait appartenu.

« Tout à fait », confirma Xavius. « Mais surtout, savez-vous ce que c’est ? »

Magnus commençait à s’énerver. C’était le genre de jeu auquel Xavius aimait jouer, imposant son savoir à ceux qui n’en possédaient pas. Cela donnait toujours envie à Magnus de lui tirer dessus. Il résista. « Accouche. Maintenant ».

Un sourire ravi s’afficha sur le visage de Xavius. Cela mit Magnus très mal à l’aise.

« C’est le souffle diabolique », dit-il.

Magnus fronça les sourcils. « Je croyais que l’Ordre avait interdit sa création ». Il avait entendu parler du souffle diabolique, il l’avait même vu utilisé une fois. Ce n’était pas seulement un puissant explosif, le souffle diabolique créait des nuages de gaz persistants d’une puissance insidieuse. Le gaz dissolvait les tissus des poumons des hommes qui le respiraient, leur assurant une mort lente et atroce se terminant par la noyade des victimes dans leur propre sang.

« Oh, ils l’ont fait, mais les stocks existants n’ont pas été détruits. Ils avaient juste été cachés. Je pense qu’Harkevich a trouvé un de ses stocks dans les ruines de Croix-des-Fleuves. Si nous pouvions trouver - »

« On en parlera une autre fois », dit Magnus, et il rendit le souffle diabolique à Xavius. S’ils parvenaient à trouver davantage de substance, cela pourrait constituer un puissant atout. Stryker n’accepterait jamais de l’utiliser, bien sûr, mais il serait stupide de négliger un avantage possible. Cela aussi, c’était une discussion pour un autre moment, quand l’un des officiers les plus fiables de Stryker ne serait plus parmi eux.

Un énorme bruit provenant d’en hait attira leur attention vers le pont. L’un des Conquêtes venaient soudainement d’être touché par des massifs obus d’artillerie, probablement tirés par les Murs-Tempête qui avançaient sur le pont. L’énorme warjack émit ce qui ressemblait plus à un halètement douloureux de vapeur s’échappant et chancela sur le côté, s’écrasant à travers les garde-corps du pont. C’était fini. Cinquante tonnes de vapeur et d’acier s’écrasèrent dans le fleuve, puis explosèrent dans un énorme jet d’eau et de débris alors que la chaudière chauffée au rouge rencontrait l’eau glacée du fleuve.

« C’est bon signe », déclara Magnus.

« D’accord », dit Magnus. « Maintenant, sortons d’ici et voyons si nous ne pouvons pas aggraver un peu la situation des khadoréens ».

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À l’Est de Croix-des-Fleuves, Llael Occupé


STRYKER ÉTUDIAIT LES DOMMAGES causés aux bâtiments de l’autre côté du pont. C’était grave, mais pas autant que ça aurait pu l’être. Une fois le pont pris et l’artillerie rapprochée, Harkevich aurait replié la plupart de ses hommes et de ses canons plus profondément dans la ville. Le commandeur khadoréen avait également fait sa part de dégâts, et l’un des Murs-Tempête cygnaréens avait rejoint son homologue khadoréen dans le fleuve.

Pourtant, Harkevich était en infériorité numérique et en armement, et des informations circulaient selon lesquelles Magnus avait frappé durement les khadoréens toute la journée avec des attaques de type guérilla.

Les troupes cygnaréennes progressaient et sécurisaient leurs positions de l’autre côté du fleuve, utilisant en grande partie les fortifications khadoréennes laissées à l’abandon après la retraite de l’ennemi. Ils seraient bientôt prêts plus profondément dans la ville dans la ville, ce que Stryker n’attendait pas avec impatience. Ce genre de combat, dans les quartiers étroits de la ville, impliquait de nombreux dégâts collatéraux. Il y avait encore des milliers de citoyens innocents llaelais à Croix-des-Fleuve, et il souffriraient sans aucun doute des combats à venir.

« Seigneur Général », dit une voix derrière lui.

Stryker se tourna pour voir Maddox. Son armure était cabossée et entaillée à de nombreux endroits ; elle avait été au premier plan lors des derniers combats. Son commandement des Murs-Tempête avait été exemplaire et elle avait détruit les deux Conquêtes avec l’aide de l’artillerie cygnaréenne.

« Vous devriez retourner au camp de base, monsieur », dit-elle. « manger quelque chose et faire examiner votre bras ».

Il acquiesça, et une puissante et douloureuse lassitude s’installa en lui. Il n’était plus un jeune homme, et les rigueurs du combat lui peseraient pendant des jours, voire des semaines, après coup. « Bien, tu as le commandement alors. Des rapports arriveront des lignes avancées. Envoie un message si Harkevich décide de faire autre chose que panser ses blessures.

Elle sembla réfléchir à l’opportunité de poursuivre. Finalement, elle ajouta. « Magnus est revenu. Il vous cherche ».

Il sourit d’un air las. « Pourquoi ne pas l’avoir dit dès le début ? »

« Ça m’a échappé », dit-elle d’un ton égal. « Vous devriez aussi aller voir Halls ; il travaille sur Arsouye ».

Une vague d’inquiétude s’abattit sur Stryker. Le Sergent-Major Halls était l’officier mékanicien de warjack de la force d’invasion cygnaréenne, et s’il travaillait sur Arsouye au lieu de confier cette tâche à l’un de ses nombreux assistants, les choses risquaient de mal tourner.

Maddox s’approcha et posa une main sur le bras de Stryker. « Il s’en sortira », dit-elle. « Ce vieux ‘jack est plus résistant qu’un crachat de dragon ».

« Merci, Beth », dit-il. Il n’arrivait pas à exprimer son attachement au warjack. Certains warcasters considéraient leurs machines comme de simples outils, même si leur cortex se développaient et apprenaient. Stryker les avait toujours considérés comme des soldats d’abord et des machines ensuite. Arsouye était avec depuis plus d’une décennie, et le grand ‘jack était plus un compagnon d’armes que beaucoup de soldats en chair et en os aux côtés desquels il s’était battu.

« Allez-y », dit Maddox. « Nous avons mené le bon combat aujourd’hui, monsieur. Savourez un peu ».

Il accepta, même s’il ne pouvait pas se réjouir de la victoire. Il y avait encore du sang et des flammes à l’horizon.

* * *
L’ARMÉE CYGNARÉENNE AVAIT DÉPLACÉ la majeure partie de son camp militaire près du fleuve. C’était risqué – l’artillerie khadoréenne pouvait encore les atteindre – mais la capacité de déplacer rapidement hommes et machines à travers le pont en faisait un risque crédible.

Stryker traversa les rangées de tentes, saluant les soldats s’affairant parmi elles. Il y eut de nombreux sourires et cris d’encouragement – ils avaient gagné aujourd’hui et le nombre de victimes était faible. Ils n’avaient perdu que 127 hommes, même si beaucoup d’entre eux étaient des Chevaliers-Tempête lors de l’assaut initial sur le pont. La perte du Colonel Bartlett le peinait toujours et le ferait souffrir pendant des années encore. Il avait réussi à retrouver ses plaques d’identité sur le pont et il les renverrait personnellement à sa famille à Corvis.

Il se dirigeait vers l’arrière du camp, où résonnait le bruit des marteaux sur le métal. L’atelier du Sergent-Major Nathaniel grouillait d’activité, et pas moins de six warjacks se tenaient silencieusement à proximité, attendant les attentions du maître mékanicien.

L’atelier lui-même était l’une des structures les plus permanentes du camp, un atelier et une fonderie portables installées dans quatre chariots qui pouvaient être tractés par voie terrestre par des chevaux ou des laborjacks. Une fois assemblés, ils créaient un carré d’une dizaine de mètres de côté, doté d’une forge, d’un palan à vérin, de diverses tables de travail et d’un nombre incalculable d’étagères pour ranger les outils. Bien sûr, l’atelier état plus une base d’opérations, car la plupart des travaux de réparation se déroulaient sur le terrain, en particulier pour le monstrueux Mur-Tempête.

Halls hurlait des ordres à ses subordonnés, dont beaucoup étaient des humanoïdes de petite taille appelés gobbers. Ces créatures à la peau verte avaient une tête étroite avec des oreilles surdimensionnées, des dents pointues et de grands yeux jaunes. Ils se déplaçaient rapidement, presque à la manière d’un oiseau, se précipitant les uns autour des autres alors qu’ils se hâtaient de suivre les ordres de Halls. Bien que les gobbers avaient une réputation bien méritée de voleurs. L’armée cygnaréenne employait des centaines d’entre eux comme mékaniciens, souvent à la consternation de leurs supérieurs humains.

Alors qu’il se rapprochait de l’atelier, un accès de panique le parcourut. Arsouye – ou ce qu’il en restait – était suspendu au palan. Le grand Cuirassé avait perdu ses deux jambes et don bras droit. Sa coque était déchirée à plusieurs endroits, exposant ses entrailles mékaniques à l’intérieur. La culpabilité nouait l’estomac de stryker. Il avait forcé Arsouye à abandonner son marteau sismique lors de l’assaut du pont. Les poings du warjack étaient puissants, mais le marteau était une arme dévastatrice, et il aurait pu offrir à Arsouye un avantage sur les Destructeur modifié d’Harkevich.

Halls le vit arriver, et il posa un lourd marteau, criant quelque chose à l’un de ses subordonnés gobbers. Il sortit de l’atelier et s’approcha de Stryker.

Le sergent-major était un homme costaud, à la poitrine large et aux bras musclés par des heures passées à manier de lourds outils et à soulever des morceaux de coques de warjacks pour les mettre en place. Son visage était rouge et taché de suie, et il avait l’apparence d’un vulgaire ouvrier. Rien n’était plus éloigné de la vérité. Halls était un mékamancien, et il possédait le don de magie au même titre que Stryker, même si ses compétences se concentraient sur la subtile mékanique arcanique plutôt que sur le champ de bataille.

« Comment va-t-il ? » demanda Stryker, en essayant de ne pas laisser transparaître l’inquiétude dans sa voix.

« Il est très amoché, monsieur », répondit Halls. « Mais son cortex est intact ».

Stryker fut soulagé. Si le cortex, le cerveau mékanique d’un warjack, était intact, le warjack pouvait être sauvé, même si le cortex était inséré dans un châssis entièrement différent.

« Désolé de vous inquiéter, Seigneur Général », dit Halls. « J’aurais dû vous informer immédiatement ».

Stryker secoua la tête. « Non, non. Vous avez beaucoup à faire. Dans combien de temps Arsouye sera-t-il à nouveau opérationnel ? »

Halls réfléchit à la question. « Nous avons plus qu’assez de pièces de Cuirassés supplémentaires. Même des membres entiers ».

« Alors, j’aimerais que vous accordiez une attention particulière à Arsouye ».

« Oui, monsieur, nous ne pouvons pas imaginer notre Seigneur Général sans son warjack personnel. Accordez-moi deux jours ».

Stryker s’approcha et serra la main d’Halls. « Vous êtes un sacré faiseur de miracles, Halls ».

Le mékanicien gloussa. « Ne l’oubliez pas lorsque de ma demande de pièces détachées arrivera sur votre bureau ».

* * *
MAGNUS L’ATTENDAIT dans sa tente quand Stryker arriva. De la nourriture avait été disposée sur la petite table à l’intérieur, et le warcster était en train de manger quand Stryker entra.
« J’ai entendu dire qu’Arsouye avait été prit cher sur le pont », déclara Magnus en posant son couteau et sa fourchette.

Pourquoi Magnus avait-il choisi d’ouvrir la conversation par cela, Stryker ne put le dire, mais c’était probablement le premier tir d’une salve imminente. « Oui il a été endommagé. Halls a la situation en main ».

« Et Bartlett ? »

Stryker se détourna de Magnus pour ne pas qu’il remarque son visage se tordre de colère. Il commença à déboucler les sangles de son armure. « Oui, nous avons perdu le colonel sur le pont. Elle est morte courageusement. Aviez-vous prévu de me lire le rapport complet des pertes, général ? »

« Je suis désolé », répondit-il. « Je connaissais juste le père de Bartleet ; c’était un bon soldat, tout comme elle ». Il avait l’air sincère, et cela rendit les paroles suivantes de Stryker un peu plus faciles.

« Vous vous êtes bien débrouillé avec le pont », dit-il, bien qu’avec une certaine difficulté.

« Eh bien, c’était soit désarmer ces satanées choses, soit laisser les khadoréens nous tuer tous les deux », répondit-il. « Mais merci … monsieur ».

« Vous pouvez sûrement trouver un autre endroit pour vous reposer et manger que ma tente », dit Stryker en soulevant son plastron par-dessus sa tête et en le plaçant sur le support en bois devant lui. Il ne s’embêterait pas avec l’armure de ses jambes – les armures de cuisse et les jambières étaient pénibles à mettre et à enlever, et elles ne le dérangeaient pas autant que le lourd plastron et les épaulettes.

Magnus rit. « C’est vrai, mais je ne suis pas là pour rompre le pain avec vous ». Il tendit la main vers une sacoche en cuir à ses pieds et en sortit un paquet enveloppé de tissu. Il posa celui-ci sur la table, qui émit un lourd bruit sourd. « Nous avons récupéré l’un des explosifs du pont, et il est d’une origine et d’une qualité remarquables ». Il déballa le paquet, révélant deux cylindres de verre remplis de liquide verdâtre. Un dispositif mékanique – un détonateur, devina Stryker – avait été fixée au sommet des deux cylindres.

Stryker s’approcha pour jeter un coup d’oeil. Il put remarquer le symbole de l’Ordre du Creuset d’Or imprimé sur l’un des cylindres. « Ils ont été manufacturés par le Creuset ? » dit-il, en supposant qu’Harkevich avait probablement attaqué la guilde de l’Ordre lorsque les khadoréens s’étaient emparés de Croix-des-Fleuve.

« Ils sont bien plus que cela, Seigneur Général », répondit Magnus. « C’est le souffle diabolique ».

Stryker retira sa main des cylindres. Il avait fait partie du conseil ayant interdit l’emploi de cette terrible arme par le Cygnar, avant même que le Creuset d’Or n’arre^te de fabriquer ce produit. Mais il n’avait jamais vu le souffle diabolique en personne.

« Xavius m’a dit qu’il était inerte à moins qu’une charge voltaïque ne soit appliquée », déclara Magnus.

« Je ne pense pas qu’Harkevich utiliserait une telle arme », dit Stryker, réévaluant soudainement le warcaster khadoréen.

« C’est aussi ce que je pense », dit Magnus. « Mais c’est un khadoréen, et ils ont tendance à être … pragmatiques avec ce genre de choses ».

Stryker grimaça. « Magnus, ne le suggérez pas ».

Magnus inspira profondément et posa ses mains à plat sur la table. « Écoutez, j’ai vu ce truc en action, et malgré ce que vous pourriez en penser de moi, je ne suis pas pressé de l’utiliser, même sur les khadoréens. Mais je pense que nous devrions gardes nos options - »

« Non », déclara Stryker. « J’étais membre du conseil de Leto lorsque nous avons décidé d’empêcher l’emploi de cette … cette substance, et savez-vous quel a été le facteur décisif ? »

« Éclairez-moi, monsieur », dit Magnus. Son ton était à la limite de l’insubordination.

« Qu’il n’est guère mieux qu’une arme cryxienne ; en fait elle ressemble à certaines des armes horribles qu’ils ont utilisées contre nos propres troupes. Vous l’avez vu de vos propres yeux, n’est-ce pas ? »

La bouche de Magnus se tordit en une ligne dure et la colère brilla dans ses yeux. « Vous n’avez pas besoin de me rappeler les horreurs de l’Empire du Cauchemar, monsieur. J’ai combattu lors des Invasions Scharde … avec votre père ».

« Et il est revenu avec une brûlure si terrible à la jambe, causée par un cœliaque, qu’elle n’a jamais guéri et l’avait laissé souffrir pour le reste de sa vie. Utiliser une arme comme celle-ci est inhumaine, Magnus ». Magnus prouvait, une fois de plus, qu’il n’était pas différent de l’impitoyable warcaster que Stryker avait connu et déposés toutes ces années auparavant. Qu’il envisage même d’employer quelque chose comme le souffle diabolique sur d’autres êtres humains, même sur des ennemis, était inadmissible.

« Coleman », dit Magnus, son ton s’adoucissant, « dans les semaines à venir, nous nous attendons à un combat long et difficile. Nous ne pouvons pas négliger un avantage, même aussi terrible que celui-ci ».

« Général je ne vous ai pas autorisé à me tutoyer », reprit avec raideur. Entendre Magnus l’appeler par son prénom lui faisait grincer des dents. Cela lui rappelait  l’époque où il avait fait confiance à cet homme, et cette époque était révolue. « Vous m’appellerez ‘monsieur’ ou ‘Seigneur Général’. Vous comprenez ? »

Magnus ne répondit pas.

« Bien, Alors vous pouvez disposer ». Il désigna le souffle diabolique sur la table. « Laissez ça, et envoyez une équipe d’ingénieurs pour détruire ce qui reste sous le pont ».

Le rabat de la tente s’ouvrit avant que Stryker ne puise ajouter quoi que ce soit. C’était un caporal pionnier, un jeune homme au regard effrayé.

« Monsieur », dit-il, « je suis désolé de vous déranger, mais le Major Maddox m’envoie depuis le pont ».

« C’est bon, Caporal », dit Stryker. « Rapport ».

« Nous venons d’accueillir un émissaire des khadoréens ».

Même Magnus sembla surpris. « De quoi parlez-vous ? »

« Le Kommandeur Harkevich, monsieur. Il a envoyé un émissaire. Il veut rencontrer le seigneur général pour discuter des conditions ».

« Quelles conditions, Caporal ? » demanda Stryker, l’esprit tourmenté par les implications du message du warcaster khadoréen.

« C’est ce qui est étonnant, monsieur. Il veut discuter des conditions de son retrait de la ville ».

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À l’Est de Croix-des-Fleuves, Llael Occupé, 1er Solesh, 611 AR

IL PLEUVAIT LE MATIN SUIVANT, et les gouttes qui tombaient sur les chaudières des deux Défenseurs qui se déplaçaient derrière Stryker produisaient un incessant grésillement. Lui, Magnus et Maddox avaient traversé le pont et la partie de la ville occupée par les cygnaréens, pour finalement arriver à un no man’s land entre les moitiés ouest et est de la ville.

Stryker n’avait pas de troupes supplémentaires avec lui – les warjacks étaient là pour le spectacle, une démonstration de force, pas pour le combat. Pourtant, des tireurs embusqués se déplaçaient au sommet des bâtiments au sommet des bâtiments dans leur sillage, parmi lesquels Sharp et Horgrum, et même si Stryker ne s’attendait pas à une trahison de la part d’Harkevich, l’idée du Raevhan Express du tireur trollkin qui veillait sur lui était réconfortante.

Harkevich l’attendait à une intersection semblant former une ligne de démarcation entre la moitié est de la ville, en grande partie intact, et la moitié ouest, en grande partie en ruine. Il n’y avait aucun citoyen de Croix-des-Fleuve dans la rue, même si quelques courageux regardaient par les portes ouvertes ou par les fenêtres pour assister à la réunion qui déciderait du sort de leur ville.

Harkevich n’avait qu’un seul warjack avec lui, le redoutable Destructeur noir à la main droite en forme de griffe. Il était accompagné de deux autres hommes, l’un portant l’uniforme d’un soldat khadoréen de haut rang, l’autre n’étant manifestement pas un soldat, un homme plus âgé aux cheveux courts et grisonnants et au physique robuste témoignant d’une vie de dur labeur. Harkevich, comme Stryker, Magnus et Maddox, portait son armure de warcaster. Il était armé de sa masse mékanique, qu’il tenait devant lui, la tête plantée au milieu de la rue.

« Seigneur Général », dit Harkevich alors que Stryker et son groupe s’approchaient. Le warcaster khadoréen fit quelques pas en avant, et Stryker remarqua avec une certaine satisfaction qu’il boitait de la jambe que Stryker avait blessée lors de leur court duel. Harkevich tendit une énorme main en guise de salutation.

Stryker s’avança et prit la main d’Harkevich. L’homme serra, et sa oigne était d’une force immense, écrasante. Il ne doutait pas qu’Harkevich aurait pu lui briser le bras avec cette poigne, armure ou pas. « Kommandeur Harkevich », prononça Stryker en relâchant la main du warcaster khadoréen.

« Je vous présente mon officier supérieur, le Kovnik Alexi Turpin », dit Harkevich, et l’homme en uniforme se redressa. « Et voici Andrei Ladislav, un aîné de cette ville, un homme qui représente tout ce qu’il y a de bon chez ses citoyens ».

Une pleurnicherie ? Se demanda Stryker. La présence de Ladislav était importante. Elle aillait sans doute peser dans leurs négociations.

« Voici le Général Asheth Magnus et le Commandant Elizabeth Maddox » répondit Stryker en présentant les deux warcaster.

Harkevich sourit, ce qu’il semblait faire assez souvent, surtout pour un homme à la réputation si redoutable. « Asheth Magnus en chair et en os », s’émerveilla-t-il. « J’ai toujours espéré vous affronter un jour, mais je n’aurais jamais pensé que vous seriez sous la bannière du Cygnar ».

« Votre surprise n’est pas injustifiée, Kommandeur », dit Magnus. « Moi-même, j’ai du mal à y croire certains jours ».

« Hah ! » Harkevich rit

« Kommandeur, ne nous laissons pas distraire. Nous devrions discuter de la raison pour laquelle nous sommes ici », déclara Stryker.

« Bien sûr, Seigneur Général », déclara Harkevich. « Mais d’abord une question ».

Stryker attendit.

« Qu’avez-vous fait du Seigneur Pytor Aleshko ? » Il prononça la nom avec un évident dégoût. Stryker ne pouvait guère le blâmer pour cela ; le prince kayazy était un être humain détestable.

Stryker ne vit aucune raison de mentir. « Actuellement, il est un invité de Cygnar », répondit-il. « Et il le restera ».

Harkevich ricana à la réponse. « Je ne doute pas que c’est lui qui vous a donné les informations dont vous aviez besoin pour désamorcer les explosifs sous le pont. Faites-en ce que vous voulez. L’Empire n’as pas besoin de traîtres ».

« Il ne sera pas mal traité », déclara Stryker. Plus.

« Enfermez-le dans le donjon le plus sombre que vous ayez, afin qu’il puisse profiter de la compagnie d’autres victimes », répondit Harkevich en crachant.

« Kommandeur, vous avez dit que vous vouliez négocier un retrait de la ville », dit Stryker, pressant le khadoréen d’en venir à l’essentiel de leur rencontre.

« Vous tenez le pont, vous avez plus d’hommes, plus de warjacks et plus d’artillerie. Et je ne suis pas idiot », déclara Harkevich. « Je pourrais rester et vous combattre » - il pointa un gros doigt en direction de Stryker - « et ne vous y trompez pas, je pourrais vous coûter cher ».

« Vos prouesses sur le champ de bataille ne sont pas en cause, Kommandeur », dit Stryker. « Je n’ai aucune envie de me battre contre vous si je n’y suis pas obligé ».

Stryker déplorait parfois le fait qu’il soit souvent contrait de combattre des hommes qu’il appellerait volontiers ses amis dans d’autres circonstances. Le Kommandeur Izak Harekvich était l’un de ces hommes. Stryker pouvait lire sur le visage du warcaster combien il lui était difficile d’admettre la défaite, qui plus est sans combattre, mais son souci n’était pas sa propre fierté martiale, mais les hommes et les femmes innocents qui étaient sous sa garde.

« Kommandeur, vous êtes un adversaire digne de ce nom, et je salue l’intérêt que vous portez à des hommes comme Andrei », dit Stryker. « Tout homme ou femme souhaitant rester à Croix-des-Fleuve peut le faire et bénéficier de la protection de l’Armée Cygnaréenne. Ceux qui souhaitent partir et s’installer ailleurs seront également autorisés à le faire ».

Harkevich inclina la tête. « C’est noble de votre part, Seigneur Général. Alors voici mes conditions. Je vais quitter la ville immédiatement, en emmenant avec moi tous les soldats, armes et warjacks khadoréens. Demain soir, nous serons partis ».

« Seigneur Général, un mot en privé », dit Magnus. Maddox et lui le regardaient fixement, et à la surprise de Stryker, ils avaient tous les deux le même regard : la désapprobation.

Un moment, Kommandeur, que je m’entretiennent avec mes officiers supérieurs », déclara Stryker.

« Bien sûr », Seigneur Général », déclara Harkevich.

Stryker, Maddox et Magnus s’éloignèrent de quelques verges et se rapprochèrent. La pluie s’était intensifiée et l’averse allait étouffer leurs voix. « D’accord, dites-moi », dit-il.

« Nous ne pouvons pas le laisser partir », dit Magnus. « Si nous le laissons sortir de la ville, il va se diriger directement vers Rynyr, rejoindra les deux bataillons s’y trouvant et probablement les cinq de Laedry, et nous devrons nous battre à nouveau contre lui d’ici deux semaines. Mais cette fois, il aura toute une armée à ses côtés ».

« Je suis d’accord, monsieur », poursuivit Maddox. « Je n’aime pas l’idée de se battre dans les rues, et il y aura des dommages collatéraux, mais nous courons trop de risques si nous les laissons partir ».

« Harkevich va nous saigner », déclara Stryer, se sentant miné par Maddox. Il s’attendait à cela de la part de Magnus, peut-être, mais pas de la sienne. « Il a suffisamment d’hommes et d’armes pour qu’il faille des semaines pour l’éliminer, et nous perdrons des hommes, sans parler des centaines, voire des milliers de citoyens de Croix-des-Fleuve qui mourront entre les deux feux.

« Il existe peut-être un moyen de minimiser les dégâts », déclara Magnus, « mais nous perdrons un énorme avantage stratégique si nous le laissons partir. Non seulement ses ressources s’ajouteront à celles de Rynyr et Laedry, mais il connaît également la composition de notre armée. Cela suffit pour que la bataille en vaille la peine ».

Maddox déglutit et détourna le regard. « Encore une fois, je suis d’accord avec le général, monsieur », dit-elle en se retournant. Il pouvait voir la lutte se déroulant derrière ses yeux entre sa loyauté envers lui et ce qu’elle considérait comme un bon conseil tactique.

Stryker se retourna vers Harkevich. Andrei Ladislav se tenait à côté de l’imposant warcaster. Il avait l’air petit et misérable à côté du kommandeur, un homme sans voix à la décision de son propre destin. Stryker avait vu des hommes comme lui des milliers de fois, dans chaque ville où il avait combattu, dans chaque village qu’il avait vu rasé par le Cryx ou le Protectorat de Menoth. Il avait rarement eu l’occasion d’aider de tels hommes, et il se retourna vers Magnus, un homme qui trouvait rarement le besoin d’aider les personnes comme Andrei Ladislav.

« Non », déclara Stryker. « Nous allons permettre à Harkevich de se retirer. Une bataille dans la ville coûterait trop cher ».

« Monsieur, s’il vous plaît », dit Maddox. « Ce n’est pas- »

« Ce n’est pas un conseil » dit Stryker. Il ne voulait pas discuter de ce point avec elle ou avec Magnus qui, pour une fois, demeurait silencieux. « Je comprends vos doutes, et je ne laisserai pas Harkevich sortir d’ici dans laisser quelque chose sur la table ».

« Comme vous le souhaitez, monsieur », répondit-elle.

Stryker jeta un coup d’oeil à Magnus. « J’ai dit ce que j’avais à dire », prononça le warcaster. « Tenez en compte ou pas, monsieur ».

Stryker se détourna et revint vers Harkevich, Maddox et Magnus dans son sillage.

« Kommandeur, voici mes conditions », dit Stryker. « Je vous autorise à quitter la ville, mais vous devez laisser votre artillerie et vos warjacks derrière vous, et n’emporter avec vous que vos armes personnelles ».

Les yeux d’Harkevich s’écarquillèrent. « C’est ridicule ! » dit-il en écartant les bras, le faisant ressembler encore plus à un ours. « Vous en demandez trop, Seigneur Général ».

« Ou restez et combattez, et je vous éliminerai de Croix-des-Fleuve s’il me faut un mois pour le faire. Vous ne pouvez pas gagner ; vous êtes en infériorité numérique et en armes. Vous pourriez me rendre les choses difficiles et, oui, des hommes comme Andrei en souffriront, mais vos soldats aussi. Vous pouvez dépenser leur vie ici inutilement, ou les laisser se battre un autre jour, quand leur mort pourrait signifier quelque chose ».

Stryker ne se retourna pas vers Maddox et Magnus ; il ne se souciait pas de ce qu’ils pensaient de ses conditions. C’était le meilleur plan d’action – il préférait combattre Harkevich et tous ceux qu’il pourrait amener avec lui à l’extérieur de la ville plutôt que de s’engager dans une coûteuse guérilla qui pourrait s’éterniser pendant des mois.

L’officier subordonné d’Harkevich, le Kovnik Krupin, se pencha et prononça quelque chose en khadoréen.

« Un moment, Seigneur Général », dit Harkevich et s’éloigna avec Krupin, laissant Andrei Ladislav derrière lui.

« Je suis désolé, Monsieur Ladislav », dit Stryker. « Je ne suis pas ici pour vous causer davantage de souffrances à vous et aux habitants de Croix-des-Fleuve, et je ferai tout ce que je peux pour vous aider ».

« Vous et le kommandeur n’êtes pas si différents », déclara Ladislav en adressant à Stryker un sourire fatigué. « Mais en fin de compte vous n’avez qu’une seule maîtresse, et son nom est guerre. Elle ne se soucie pas de ce qui arrive aux hommes comme moi ».

Stryker ne sut pas quoi répondre à cela, mais Harkevich revenait, un air sinistre sur le visage. « Je suis d’accord avec vos conditions, Seigneur Général », dit-il, « mais je laisserai pas Ivan le Noir derrière moi ». Il regarda le warjack Destructeur, debout sous la pluie, de la vapeur s’élevant de sa coque telle des nuages de gaz toxique.

Ladislav avait raison ; lui et Harkevich se ressemblaient beaucoup. Cet Ivan le Noir était probablement aussi important pour Harkevich qu’Arsouye l’était pour Stryker. « Convenu. Ivan le Noir, et seul Ivan le Noir, peut vous accompagner ».

Harkevich tendit à nouveau la main et Stryker la serra. « Nous nous reverrons, Seigneur Général ».

Derrière lui, Stryker entendit la voix de Magnus, juste assez forte pour qu’il puisse l’entendre. « Je n’en doute pas ».

* * *
LE RETOUR À TRAVERS LA VILLE fut tendu. Magnus s’était excusé peu de temps après la rencontre avec Harkevich, déclarant qu’il devait informer ses hommes. Stryker avait été plus que disposé à le laisser partir, mais cela le laissait avec Maddox, et sa colère de cette dernière était dirigée vers lui telle une tempête de couteaux.

« Dites-moi juste une chose, monsieur », dit-elle après qu’ils eurent marché en silence pendant un certain temps, se faufilant à travers la ville, regardant les bâtiments se transformer de carcasses incendiées en structures intacts et même magnifiques. « Dites-moi que vous avez laissé Harkevich partir parce que vous pensiez que c’était la bonne chose à faire et non parce que Magnus vous avait suggéré le contraire ».

Ses paroles le choquèrent et il s’arrêta et se tourna vers elle. « Major, je suis le Seigneur Général de l’Armée Cygnaréenne. Je ne prend pas de décisions qui pourraient coûter la vie à des hommes par dépit. Si vous vous souvenez bien, vous aviez suggéré la même chose ». Lui aussi était agacé, surtout d’être défié de cette façon, mais une partie de lui espérait sincèrement qu’elle n’avait pas raison.

« Avec respect, monsieur », dit-elle. « Il avait raison, il a raison. Nous allons nous battre à nouveau contre Harkevich, et il aura un avantage la prochaine fois ».

Il ne voyait aucune raison de continuer à expliquer sa décision, mais les mots vinrent malgré tout. Peut-être avait-il besoin de les entendre lui aussi.

« Tu te souviens des combats en Caspia et Sul ? « demanda-t-il. C’était un coup bas ; elle avait été capturée par le Protectorat durant la Guerre Caspia-Sul. « Tu te souviens des combats de rues, des hommes brûlés vifs ? »

Le visage de Maddox se tordit en un rictus de dégoûts. « Comment pouvez-vous me faire cela ? J’étais là, en plein milieu, respirant la même odeur de chair brûlée que vous. Mais Harkevich n’est pas le Protectorat, et ce n’est pas Caspia ».

Bien sûr, elle avait raison. Ce n’était pas Caspia, mais une bataille dans les rues serait néanmoins brutale. Il ajusta son approche. « Je ne risquerai pas des hommes quand nous n’avons pas à le faire, Commandant, pas quand nous en aurons désespérément besoin au cours des jours et des mois à venir. Ce n’est que le début, rappelez-vous ; nous allons bientôt passer à Rynyr, et j’ai besoin d’autant de soldats en bonne santé que possible ».

« Vous savez que vous n’avez pas à vous expliquer avec moi », déclara Maddox, même si son ton disait tout autre chose. « Je suivra vos ordres, sans poser de questions, et je n’en parlerai plus, mais Magnus a de la valeur, quelque chose à offrir dont nous avons besoin, si vous parvenez à surmonter votre méfiance à son égard ».

Stryker pencha la tête. « J’écoute les conseils du Général Magnus comme j’écoute les vôtres ».

« Je ne pense pas ce que soit le cas. Vous écoutez, mais vous ne l’entendez pas. Vous entendez toujours la voix de l’homme qui vous a trahi il y a des années, l’homme qui a soutenu le Roi Vinter- »

« Arrêtez », dit Stryker. « C’est un ligne à ne pas franchir, Commandant ». Il était frustré, la rage et le doute semblant entourer Magnus à tout moment crépitant dans son cerveau telle une tempête électrique. « Je n’ai pas besoin que vous remuiez le passé à chaque fois que nous parlons de Magnus. Il est ici, et il a les faveurs du roi. Je ne peux rien y faire, mais je ferai mon devoir ».

Maddox le regarda sans broncher. Elle avait les larmes aux yeux, mais ce n’était pas de terreur ou de chagrin, c’était des larmes de rage. Il avait invoqué son passé, aussi douloureux soit-il, et il s’en était pris à elle lorsqu’elle lui avait rendu la pareille. Sa propre frustration s’évapora, le laissant froid et vide.

« Mes excuses, Major », proposa-t-il sans conviction. « Ce n’était pas … élégant de ma part ».

« Oui, monsieur », répondit-elle d’une voix égale et glaciale. « Y a-t-il autre chose ? »

« Non », dit-il. « Rompez ».

Il resta là, sous la pluie, pendant un certain temps, tandis qu’elle s’éloignait, ne serait-ce que pour éviter de la rattraper sur le chemin du retour au camp.

elric:

- 28-
À l’Ouest de Croix-des-Fleuves, Llael Occupé

MAGNUS ET L’ALCHIMISTE XAVIUS se déplaçaient à travers les ruines de Croix-des-Fleuve occidentale au son des marteaux sur la pierre. Les travaux sur le mur extérieur en ruine avait repris après le retrait d’Harkevich et des forces khadoréennes d’occupation. Stryker avait affecté des centaines d’hommes et une poignée de warjacks pour aider les citoyens de la ville à reconstruire les fortifications occidentales de Croix-des-Fleuve.

Magnus soupira. Stryker consacrait des hommes et des ressources au mur parce que c’était là que se produirait la prochaine attaque. De Rynyr ou de Laedry, et elle serait sûrement renforcée par la force largement intacte d’Harkevich. Oui, ils avaient forcé le warcaster khadoréen à laisser derrière lui des warjacks et de l’artillerie, et cela émousserait un peu la force d’Harkevich, mais pas assez.

Stryker avait ignoré des conseils tactiques irréfutables, dans l’esprit de Magnus, tant de sa part que de celle de Maddox, mais pour quoi faire ? Pour sauver quelques paysans ? Où était-ce simplement pour exercer un contrôle sur lui, pour prendre des mesures à conditions qu’elles contrecarrent celles de Magnus ? Non, Stryker n’était pas stupide, et il n’avait pas survécu à quinze ans de combat actif en ignorant une solide stratégie tactique. Il accordait autant d’importance à la vie des hommes et des femmes de Croix-des-Fleuve qu’à celle de ses propres hommes. C’était ce genre de réflexion qui avait tant coûté à Cygnar : une folie douce qu’ils ne pouvaient pas se permettre. Magnus ne se considérait pas comme un homme cruel, quoi qu’en pensent des hommes comme Stryker, mais ils avaient une mission, une mission qui serviraient en fin de compte les habitants de Llael même s’ils devaient en souffrir. Si quelques milliers d’entre eux devaient mourir pour renforcer le Cygnar et, par là même, le Llael, c’était un sacrifice qui en valait la peine.

L’exil ne lui manquait pas, mais la liberté qu’il lui avait accordée lui manquait. A l’époque, c’était lui qui prenait les décisions tactiques, et les hommes suivaient ses ordres, et non l’inverse. Réintégrer la chaîne de commandement contraignante de l’Armée Cygnaréenne était parfois extrêmement difficile.

« Il devrait se trouver plus loin », dit Xavius en désignant un bâtiment effondré, peut-être une tour, près d’une partie intacte du mur d’enceinte ».

Cela faisait des heures qu’ils parcouraient le quadrant nord-ouest depuis des heures. Lui, Xavius et un petit contingent d’hommes lui étant fidèles. Il avait dit à Stryker qu’il superviserait la reconstruction du mur ouest, et il avait laissé Harrow et certains de ses autres officiers sur place pour s’en charger. Mais il avait accepté de superviser les efforts de reconstruction afin de pouvoir explorer cette partie de la ville avec Xavius, à la recherche des ruines de la guilde de l’Ordre du Creuset d’Or.

« Cela fait des heures que nous cherchons, Xavius », dit Magnus. « Savez-vous s’il y avait même une maison de guilde à Croix-des-Fleuve ».

L’ordique hocha vigoureusement la tête. « Il devrait y en avoir une. Le souffle diabolique n’est pas le genre de chose que l’Ordre laisserait hors de sa vue à moins qu’il n’ait pas le choix ».

« C’est juste », dit Magnus. « Cela signifie qu’Harkevich ou ses hommes ont dû trouver le stock, donc nous devrions trouver des preuves de constructions ou au moins déblaiement, mais il y a toujours la possibilité que les khadoréens aient embarqué ce qui restait ».

« Je ne pense pas que ce soit le cas. Ils ont dû partir trop vite », dit Xavius. « Nous avions bien trop d’yeux dans la ville pour le remarquer ».

Ils s’approchèrent du bâtiment en ruine indiqué par Xavius, et Magnus se tourna vers les six hommes qui les suivaient de près. Ils étaient armés et armurés comme des pionniers, mais c’étaient des hommes qui l’avaient servi en exil, des mercenaires qui lui devaient une allégeance personnelle.

« Dispersez-vous et empêchez quiconque de nous déranger ou de s’approcher de ces ruines » dit-il. La ville était une véritable ruche. Le gros de la force d’invasion cygnaréenne s’était déplacé en ville, et les citoyens de Croix-des-Fleuve s’aventuraient hors de chez eux, essayant de reprendre leur vie au milieu du chaos.

Le bâtiment en ruine semblait avoir été touché par des tirs d’artillerie. La plupart des blocs de pierre blanche étaient roussis et noircis. Il devait avoir trois étages, et il semblait s’être écroulé plutôt que de s’être simplement effondré. La plupart des débris de pierre blanche gisaient sur deux maisons à l’est.Le symbole du Creuset d’Or était clairement visible sur certaines de ces pierres. Donc, ils avaient au moins trouvé le hall de la guilde.

« Là », dit Xavius en pointant du doigt.

Magnus regarda vers l’endroit qu’il indiquait, vers les tas de débris ordonnés – du genre de ceux formés par hommes effectuant des fouilles.

Magnus suivit l’alchimiste jusqu’au site. Les tas de débris étaient hauts, mais Xavius n’y prêta aucune attention. Il cherchait entre eux et la tour en ruine.

« Il n’aurait pas été conservé dans la guilde », dit Xavius. « La plupart d’entre elles disposaient de chambres fortes souterraines pour abriter les substances les plus dangereuses et les plus volatiles que nous utilisions ». Il commença à parcourir le périmètre des ruines, les yeux rivés sur le sol. Magnus le suivait, intrigué.

Quelque chose de noir sur les tas de pierres blanches attira l’attention de Magnusui s’enfonça dans les ruines. C’était une bâche noir, étalée et alourdie de pierres. Elle s’inclinait au milieu, comme si elle recouvrait une dépression ou un trou.

« Xavius », dit-il. « Aide-moi à déplacer cette pierre ».

Magnus portait son armure de warcaster et il pouvait facilement déplacer de gros morceau de pierre. Xavius, en revanche, maigre et peu habitué au travaux de force, avait du mal à les déplacer. Ils découvrirent la bâche assez rapidement et Magnus la tira en arrière, révélant un passage en escalier de pierre taillée descendant dans le sol. Une légère odeur s’échappait de l’ouverture – de la poussière et quelque chose d’âcre et de chimique.

Xavius recula, se couvrant la bouche et le nez avec un morceau de tissu qu’il avait apporté à cet effet. « Nous devons être prudents », dit-il. « Certains vaisseaux ont pu être brisé lors de l’attaque initiale ou voire lors de la récente. Nous ne voulons pas respirer ces fumées ».

Magnus enroula un tissu autour de sa bouche et de son nez.

Xavius fouilla dans une pochette à son flanc et en sortit une petite fiole d’un liquide clair. Il la secoua et elle se mit à briller. Un peu d’alchimie, et la lumière en bouteille était courante sur les marchés de la plupart des grandes villes.

« On y va ? » demanda-t-il, sa voix prenant une tournure nerveuse. L’alchimiste était excité et cela mettait Magnus mal à l’aise.

Magnus lui tendit la main. « Donne-moi la lumière. Tu me suivras ».

Xavius lui tendit la bouteille de lumière et Magnus posa le pied sur la première marche, éclairant le passage. Il descendait sur environ trois mètres puis se terminait dans un hall ou une pièce plus large en contrebas.

Il descendit les marches, ajustant la chaudière de son armure de warcaster pour réduire la quantité de fumée qu’elle produisait. Au bas des marches se trouvait une grande salle vide, d’environ dix mètres de côté. Elle était construite en pierre solide, et un froid irradiait de la roche. Il y avait trois lourdes portes en bois le long des murs est et ouest, toutes fermées et toutes barrées sauf une.

Magnus se dirigea vers la porte non barrée, ses pas résonnant dans la pénombre. Il s’arrêta et s’écarta du passage. « Maintenant, tu peux y aller en premier, Xavius », dit-il.

L’alchimiste s’approcha de la porte et passa ses mains sur le bois. Il souffla un peu de poussière et découvrit un symbole, un cercle entouré de pointes. « Ça y est », dit-il. « Ce symbole signifie pericula, ‘grand danger’ en vieux caspien. Cela signifie qu’il y a des substances très dangereuses au-delà des éléments les plus dangereux avec lesquels l’Ordre travaille.

« Eh bien, ouvre-là, alors », dit Magnus.

Xavius se tourna vers lui,visiblement tremblant d’excitation. « S’il est là-dedans, s’il y en a suffisamment, nous l’emploierons, n’est-ce pas ? J’ai toujours rêvé de voir le souffle diabolique en action ».

Magnus fronça les sourcils. Il avait déjà vu cette infâme substance en action,et il n’avait pas envie de la revoir. « Comme je te l’ai dit, nous ne faisons que confirmer sa présence, et si c’est le cas, nous la sécuriserons ». Les paroles suivantes qu’il allait devoir prononcer était comme un serpent lui mordant la langue. « C’est au seigneur général de décider si nous l’utiliserons au combat. D’après notre dernière conversation, je dirais que c’est peu probable ».

« Non, non, non », dit Xavius, son visage se décomposant en une moue. « Je ne peux pas être si proche de cela et ne pas le voir utilisé. Comment peux-tu laisser cet imbécile te commander ainsi. Je me souviens- »

Magnus tendit sa main droite la main mékanique, tel un piston pour attraper Xavius à la gorge. L’ordique poussa un cri effrayé lorsque Magnus le plaqua contre la porte avant de pousser son visage contre celui de l’alchimiste.

« Écoute-moi bien parce que je me répéterai pas », dit Magnus en sifflant les mots. « Alors, tu m’écoutes ? »

L’alchimiste acquiesça, du moins autant que la poigne de Magnus le lui permettait.

« Cet ‘imbécile de pacotille’ est le Seigneur Général de l’Armée Cygnaréenne, et je suis sous ses ordres ... » Il grimaça. « Parce que c’est ce que le roi ordonne. Il me l’ordonne, et il te l’ordonne. Ne prend pas mon adhésion à la chaîne de commandement pour de la faiblesse ou de une incapacité à voir la volonté du roi s’accomplir. Nous sécuriserons le souffle diabolique, et s’il est nécessaire de l’utiliser, je convaincrai le seigneur général que c’est la meilleure chose à faire ».

Magnus relâcha Xavius et recula. L’alchimiste se frotta la gorge et déglutit. « Mes excuses, Général », prononça-t-il. « Je suis encore en train de m’adapter à une profession plus … légitime ».

Le sous-entendu était assez clair : lorsqu’ils étaient en exil, ils faisaient ce que Magnus pensait être de mieux. Xavius n’était sans doute pas le seul à avoir remarqué un changement dans l’influence personnelle de Magnus. Il devrait probablement en « corriger » d’autres à l’avenir, comme il venait de le faire avec Xavius.

« Tu es pardonné », dit Magnus « Maintenant, ouvre la porte ».

Xavius se retourna et posa la main sur la poignée. Son bras se tendit et une alarme soudaine traversa le cerveau de Magnus. Ce n’était pas tout à fait une prémonition, mais la mort semblait laisser une trace de son passage, et il les remarquait maintenant.

Magnus entendit le déclencheur céder avec un claquement sec. Il se jeta sur le côté. La porte s’ouvrit et l’explosion fut faible, mais suffisamment puissante pour projeter Xavius vers l’arrière et vers le bas. L’explosion n’était cependant qu’un vecteur – le panache de brume verdâtre qui enveloppait l’alchimiste était la véritable charge utile du piège.

Magnus recula vers les marches menant à la surface, ses oreille bourdonnant. Il avait laissé tomber la bouteille de lumière, mais il pouvait encore entendre Xavius à proximité. L’alchimiste émettait de terribles bruits de toux et de haut-le-coeur. Magnus déjà entendu quelque chose de semblable. Le souffle diabolique était plus lourd que l’air, dont après l’explosion initiale, il avait tendance à se déposer comme une brume au-dessus du sol. C’est ce qu’il faisait maintenant, et

Magnus pouvoir voir au-delà de la porte que Xavius avait ouverte. La bouteille de lumière avait roulé dans la pièce au-delà, illuminant des ranges de caisses en bois, chacune marquée du symbole du cercle et des pointes. Ils avaient trouvés le stock, mais une personne parmi les hommes d’Harkevich, peut-être Krupin, s’était assuré que sa découverte serait coûteuse.

Il n’y avait aucun courant d’air dans la chambre souterraine et le gaz s’était en grande partie déposé. Magnus recula vers la sortie, vers la sécurité du soleil de l’après-midi venant du haut. Il se retourna, traversa la pièce en trois rapides enjambées et bondit vers l’escalier Xavius se mit à cracher et à tousser derrière lui.

Il émergea à la surface et inspira profondément une grande bouffée d’air frais, puis se retourna et redescendit les marches en courant. Le souffle diabolique ne traversait pas la peau ; il fallait le respirer pour qu’il soit efficace, et il pouvait retenir sa respiration suffisamment longtemps.

Magnus pouvait voir la forme sombre de Xavius affalé contre le mur opposé à la porte truquée, et il se dirigea vers l’alchimiste. Il ramassa l’ordique, le jeta par-dessus son épaule et remonta les escaliers en courant.

Lorsque Magnus atteignit la surface, ses hommes l’attendaient. Ils avaient entendu l’explosion en contrebas.

« Éloignez-vous », ordonna-t-il en se précipitant hors de l’ouverture souterraine en portant Xavius. Il déposa l’alchimiste sur le dos à six mètres de distance.

Le visage et la poitrine de Xavius étaient noircis et une grande partie de ses vêtements avaient brûlé. Les brûlures étaient graves, mais on pouvait y survivre – le composé toxique dans ses poumons, cependant, était une autre affaire. Le bouche, le cou et la poitrine de Xavius étaient couverts de sang. Il ne toussait plus, mais luttait pour faire pénétrer de l’air dans ses poumons qui se désintégraient rapidement. Ses yeux étaient écarquillés comme des soucoupe – il comprenait ce qu’il se passait. Il avait aussi probablement compris qu’il lui restait, cinq, peut-être dix minutes d’agonie avant que la mort ne l’emporte.

Magnus se leva et dégaina son canon à main. Il le tendit pour que Xavius puisse le voir. « C’est plus rapide », dit-il doucement.

L’alchimiste le regarda fixement puis toussa violemment, projetant du sang de sa bouche dans un panache de brume rouge. Il acquiesça faiblement.

Magnus n’hésita pas. Il visa, injectant un peu de sa magie dans le tir. Il était peu probable qu’il rate son coup à cette distance, mais il voulait le tuer d’un seul coup. Il appuya sur la gâchette et le canon à main déchaîna tonnerre et fumée. La lourde balle frappa Xavius au front, là où Magnus avait visé, et le sang gicla sur la tête de l’alchimiste. Il ne bougea plus.

Magnus rengaina son arme et réalisa que ses hommes le fixaient. Une sombre acceptation imprégnait leurs yeux, bien que la peut et même le dégoût fussent évidents dans certains d’entre eux.

« J’aurais fait la même chose pour n’importe lequel d’entre vous », dit-il. « Pour vous sauver d’une telle mort ».

Certains des hommes acquiescèrent ; c’étaient des hommes durs, mais ils avaient aussi vu Xavius, vu ce qui lui arrivait, et la plupart d’entre eux auraient accepté la balle tout comme lui.

« Assurez-vous que personne ne s’approche de ces ruines pendant le reste de la journée », dit Magnus. « Le gaz devrait se dissiper d’ici là ».

Il baissa les yeux sur Xavius, les yeux de l’alchimiste écarquillés et fixés sur la mort. Son vœu avait été exaucé, après tout.

elric:

- 29-
À l’Ouest de Croix-des-Fleuves, Llael Occupé

STRYKER FIXAIT DEUX CADAVRES devant une cellule de prison ouverte et essayant de garder son sang-froid, essayant de ne pas crier et de ne pas se mettre en colère face à la mort inutile de deux bons soldats. Il avait devant lui Maddox et Magnus, ainsi que le Lieutenant Sims, à qui ces hommes relevaient.

Les deux soldats tués, tous deux rangers, gardaient le Seigneur Pytor Aleshko, devant la cellule de détention de l’une des garnisons du guet de Croix-des-Fleuve. Le bâtiment était toujours intact, et ses cellules étaient parfaites pour détenir un prisonnier aussi important. Stryker n’avait pas souhaité d’une garde importante pour le kayazy, principalement parce qu’il ne voulait pas que la rumeur ce qui lui avait été fait se répande. Maintenant qu’Aleshko avait disparu et que deux hommes étaient morts dans son sillage, il était clair que cela avait été erreur de laisser cet homme avec si peu de surveillance.

Stryker se pencha sur les cadavres – chacun ayant été tué à l’aide d’une lame, d’une épée ou d’un couteau – et récupéra les plaques d’identité des hommes. Il se leva et se dirigea vers Sims, mit les plaques dans ses mains. « Je suis désolé, lieutenant. C’étaient des hommes courageux et ils sont morts au combat ». C’était également vrai, car il y avait un troisième cadavre, celui d’un homme nommé Tibbs, un homme ayant rejoint l’armée cygnaréenne il y a seulement quelques mois, un homme ayant servi Asheth Magnus pendant que le warcaster était en exil.

« Y a-t-il des survivants ? » demanda Stryker à Sims.

Le jeune lieutenant acquiesça. « Oui, monsieur, le Soldat Conners. Il est gravement blessé – ces salopards lui sont passés dessus – mais il est dur et il tient le coup.

Stryker dirigea son regard vers Magnus. Le warcaster ne détourna pas son regard, mais il y avait fissure dans son habituel masque d’indifférence. Ce désordre l’avait ébranlé. Maddox avait l’air en colère et elle observait Magnus, serrant et desserrant les poings.

« Nous devons parler à Conners tout de suite », dit Stryker. « Nous serons rapides ».

« Il a été emmené à l’infirmerie principale », répondit Sims.

« Très bien. Occupez-vous de vos hommes. Je m’occupe du reste. Maddox, Magnus, avec moi ».
Stryker quitta la garnison du guet avec Magnus et Maddox, et ils se dirigèrent vers l’infirmerie qui, par chance, était installée dans le seul hôpital intact de Croix-des-Fleuve.

« C’était Harrow, n’est-ce pas ? » dit Stryker après qu’ils se soient éloignés de la garnison.

Magnus ne dit rien pendant un moment, pesant probablement sa réponse. « Probablement », dit-il. « Cela ressemblait à ses œuvres au couteau ».

« Je vous tiens pour responsable de cette situation, général », répondit Stryker, essayant de maîtriser ses émotions et de maintenir une attitude professionnel. Il y parvint. En grande partie. « Vous avez fait confiance à cet homme, en sachant de quoi il était capable, et vous l’avez mis dans une position de nous nuire ».

« J’accepte cette responsabilité, monsieur », dit Magnus, surprenant Stryker. « C’était mon homme ». Les lèvres du warcaster étaient pincées et il y avait une véritable rage dans ses yeux. Stryker pouvait sans doute deviner pourquoi. Harrow avait surpris Magnus. Il avait fait confiance à l’ancien mercenaire.

Stryker ne prononça rien d’autre jusqu’à ce qu’ils atteignent l’infirmerie, un grand bâtiment de trois étages situé au centre de la partie orientale de la ville. Les médecins les emmenèrent immédiatement à Conners, dans un aile de l’hôpital réservées aux blessés graves. Ils passèrent devant des rangées de lits contenant des hommes souffrant des terribles blessures, la plupart ayant été infligées lors de la courte bataille contre Harkevich. Il y avait des hommes avec des membres disparus, d’horribles brûlures et des corps criblés de balles. Ceux qui le purent saluèrent Stryker au passage, mais ce n’était pas lui qui incitait les blessés à se relever ou à murmurer des salutations. C’était Maddox.

Les visages s’illuminèrent dès qu’elle entra dans la pièce. Elle était la Libératrice de Llael, la femme qui avait survécu au Protectorat de Menoth et qui en était ressortie plus forte de cette épreuve. Le travail de Leto et de l’Armée pour la promouvoir en tant qui figure d’émancipation et de fierté national avait fonctionné avec brio.

Elle était souvent mécontent de ce rôle, mais ici, à cet endroit, Stryker ne le vit pas. « Monsieur, allez-y », lui dit-elle. « Je vais rester pour parler à certains d’entre eux ».

« Bien sûr ». Stryker la regarda se diriger vers le chevet d’un homme qui ne devait pas avoir plus de vingt ans. Ses deux jambes se terminaient par des moignons bandés sous les genoux, mais la douleur et le désespoir qui se lisaient sur son visage disparurent, ne serait-ce que pour un instant, lorsqu’elle s’approcha.

Stryker et Magnus suivirent l’infirmier jusqu’à l’extrémité sud de la pièce, où un rideau blanc avait été tiré autour de la salle des blessés, la séparant en deux moitiés. La noirceau de l’odeur de putréfaction et de morts les frappa alors qu’ils s’approchaient du rideau. Il se prépara à ce qui se cachait derrière ; des hommes si gravement blessés qu’ils n’avaient aucune chance de survivre.

L’infirmier écarta le rideau ; il n’y avait que six lits au-delà – leurs pertes avaient été légères jusqu’à présent. Les hommes dans ces lits ne remarquèrent pas sa présence ; la plupart d’entre eux étaient loin d’avoir remarqué quoi que ce soit.

Le lit de Conners était au bout, et il était allongé sur les draps, dépouillés de ses sous-vêtements. Sa poitrine n’était qu’une masse de bandages tachées de pourpre à cause de l’hideuse blessure qu’ils couvraient.

« Il n’y plus rien à faire pour lui » déclara le médecin. « Honnêtement, je ne sais pas comment il a pu survivre aussi longtemps ».

Stryker se tourna vers Magnus, croisant le regard du warcaster et le tenant. Voici le résultat de votre œuvre, de votre confiance mal placée, voulut-il dire, mais il y avait des préoccupations plus immédiates.

Il se déplaça au chevet de Conners. Les yeux de l’homme étaient ouverts, son visage gris cendre et sa chair relâchée. « Monsieur … » prononça-t-il faiblement, et du sang coula le long de son menton.

« Ne parle pas, soldat », dit Stryker en tendant la main au médecin. L’homme lui tendit un linge blanc et propre. Stryker essuya doucement le sang de la bouche de Conners et prit la main droite du soldat dans la sienne. « Je vais te poser quelques questions, et tu presseras une fois pour oui et deux fois pour non. Tu peux le faire, soldat ? »

Une pression.

« Brave gars. Tu as vu les hommes qui t’ont attaqué ? »

Une pression.

« Le Capitaine Harrow était-il parmi eux ? »

Une pression. Cela confirmait ce qui était déjà un fait dans l’esprit de Stryker, mais il avait besoin que Magnus le remarque.

« Est-ce qu’ils ont emmené le prisonnier avec eux ? »

Une pression. C’était aussi une question dont il connaissait déjà la réponse, mais c’était une confirmation de plus.

« Est-ce que le Seigneur Aleshko est parti avec eux volontairement ? »

Une pression. Stryker grimaça. Cela signifiait que le kayazy avait conclu une sorte d’accord avec Harrow, l’homme qui l’avait torturé. Cela avait un certain sens - infliger des tourments n’était que le prix à payer pour faire des affaires pour les deux hommes.

« Encore une question, Conners, et ensuite tu pourras te reposer. Ont-ils donné une indication de l’endroit où ils allaient ? »

Deux pressions.

« Je sais où ils se rendent », déclara Magnus. « Les bateaux ».

Stryker leva les yeux vers Magnus, qui se tenait au pied du lit de Conners. Le warcaster faisait de son mieux pour éviter de regarder le soldat mortellement blessé. Était-ce de la culpabilité sur son visage, une culpabilité qui le faisait détourner le regard ? Se demanda Stryker. À cette idée, Magnus paraissait presque humain. « Attends-moi dehors, général », dit Stryker.

« Oui, monsieur ». Magnus s’éloigna. Il semblait soulagé.

Stryker se retourna vers Conners pour lui exprimer à quel point il avait été courageux, pour lui dire à quelle point il appréciait son sacrifice, mais le jeune homme n’entendrait plus rien. Le jeune soldat pionnier fixait le plafond, ses yeux aveugles par la mort.

Stryker plaça les mains Conners sur sa poitrine, puis ferma les yeux. Il se pencha et murmura : « Ce ne sera pas pour rien. Je te le promets ».

* * *
« IL A TROIS HEURES D’AVANCE », déclara Tews.

« Combien d’hommes avec lui ? » demanda Stryker en se tournant vers Magnus. Ils étaient à nouveau sous sa tente, juste les personnes en qui il avait le plus confiance … et Magnus. Il ne pouvait pas laisser la nouvelle de la trahison d’Harrow se répandre dans le camp.

« Une vingtaine », répondit Magnus. « Tous des mercenaires de carrière, des hommes durs, parmi les meilleurs que j’ai ».

« Les meilleurs ! » dit Tews. « C’est drôlement riche. Les meilleurs quoi ? Traites ? Voleurs ? Meurtriers ? »

Stryker leva la main pour demander le silence. « Il ne manque aucun cheval, donc ils sont à pied. Nous pouvons toujours les attraper s’ils se dirigent là où vous pensez qu’ils se dirigent ».

« Les navires sont la seule chose qui ait du sens », déclara Magnus. « Harrow doit traverser le Llael occupé, et il ne peut pas le faire en traversant la ville ».

« Je suis d’accord », dit Vayne di Brascio. Toutes les personnes présentes s’étaient mises d’accord pour inclure le féroce mage balisticien llaelais dans cette réunion et à ce qui allait suivre. « C’est leur meilleure et unique chance de s’échapper ».

Les navires qu’ils avaient pris à Pytor Aleshko étaient amarrés plus loin sur le fleuve, à l’écart de la ville. Ils avaient été laissés là, car ils auraient fait des cibles tentantes, mais Stryker en avait toujours besoin. « Alors, il a le personnel navigant, quoi ? Pour un ? »

« Avec les hommes qu’il a avec lui, je pense que oui », répondit Magnus.

« Il ne s’agit pas seulement de la trahison d’Harrow », déclara Maddox. Elle était restée silencieuse depuis qu’ils avaient quitté l’infirmerie. « Ce salaud à de nombreuses précieuses informations à vendre. Il connaît les moindres détails de notre opération en Llael ».

Stryker se tourna vers Magnus. « Combien ? »

« Tout ».

« Sang et enfer » cracha Tews. « Et vous lui avez fait confiance ».

Le grand Lame-Tempête faisait preuve d’insubordination, et Stryker l’avait laissé faire jusqu’à présent. Sa propre colère contre Magnus l’emportait sur sa dévotion au devoir et au protocole, mais il ne pouvait pas le laisser poursuivre. Magnus n’aillait nulle part. Il ne le traduirait pas en cours martiale ; Magnus n’avait commis aucun crime, si ce n’est d’avoir fait confiance à la mauvaise personne. « Capitaine, ça suffit », dit Stryker. « Vous vous adresserez au général comme il se doit, compris ? »

Les yeux de Tews s’écarquillèrent. « Oui, monsieur ».

« Nous avons déjà trop gaspillé », dit Stryker, fatigué de la discussion et du poids de celle-ci. « Maddox, trouves dix Lames-Tempête en qui tu as confiance. Je m’occupe des chevaux. Nous nous retrouverons à la Grande Porte ».

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