ROYAUMES D’ACIER > Background – Histoire des Royaumes d’Acier
Roman - Poudrière
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Caspia, Cygnar
LA CHAMBRE DU CONSEIL INTÉRIEUR de Julius Raelthorne, premier du nom, convenait au jeune roi. Son père, Vinter Raelthorne, avait rarement utilisé cette pièce, préférant tenir les réunions du conseil dans la salle du trône du Château Raelthorne. Stryker avait assisté à plusieurs d’entre elles en tant que membre de la garde royale, il y a près de quinze ans. Le fils de Vinter, quant à lui, préférait un lieu de réunion moins grandiose. La chambre se trouvait derrière la salle du trône et était autrefois réservée aux réunions privées avec d’importants dignitaires. Elle était petite et la table en forme de U en bois de fer poli occupait la majeure partie de l’espace. Les murs étaient peints en bleu royal du Cygnar et décorés de portraits des différents rois ayant régné sur la nation. Stryker nota que le portrait de Vinter avait récemment été remis à sa place sur le mur.
La table était suffisamment grande pour accueillir tous les membres du conseil, dont Stryker était membre. Bien que son inclusion par le roi ait été autorisée, au mieux, à contrecœur. La plupart des hommes qui constituaient les plus proches conseillers de Julius s’étaient engagés à soutenir le jeune roi lors de la récente guerre civile ou, dans le cas d’Orin Midwinter, étaient des criminels exilés, autre fois loyaux envers son père, qu’il avait graciés. Stryker grimaça en regardant où Midwinter était assis – Midwinter était à la droite du Haut Chancelier Leto, qui à son tour était le plus proche de Julius au centre de l’U. Autrefois inquisiteur en chef sous Vinter Raelthorne, Midwinter avait été forcé de faire profil très bas lorsque son ancien suzerain avait été chassé du trône. Il avait soutenu Vinter puis Julius en exil, et le jeune roi l’avait gracié lorsqu’il était monté sur le trône, accordant à Midwinter le titre de Conseiller aux Arcanes. L’homme était un magicien accompli, mais leurs rumeurs sur ses activités pendant et après le règne de Vinter étaient pour le moins inquiétantes.
À la gauche du roi se trouvait le Commandant en chef des Éclaireurs Bolden Rebald, un maître espion et responsable du Service de Reconnaissance Cygnaréen. L’homme suivant était à la table était le Général Maître de Guerre Kielon Ebonhart, un puissant duc que Stryker connaissait bien. Stryker s’était entraîné sous les ordres du Duc Ebonhart il y a plus de dix ans, lorsque celui-ci était à la tête des Lames-Tempête. Ebonhart avait été l’un des nobles les plus importants à soutenir Julius au cours de la guerre civile.
Les deux autre hommes du conseil assis au bras du U, étaient le Navarch Galten Sparholm III, à la tête de la marine, et Lassiter Polk, maître mékanicien et chef de l’Armurerie Cygnaréenne. Stryker avait peu fréquenté ces deux hommes, mais il les connaissait par leur réputation et ils étaient tous deux capables.
Enfin, il y avait Stryker lui-même, assis aussi loin que possible du roi. Il était Seigneur Général de l’Armée Cygnaréenne, son rang n’étant surpassé que par celui du Maître de Guerre Kielon Ebonhart. Il assistait à toutes les réunions du conseil, mais le roi faisait rarement appel à lui pour obtenir des conseils. Julius écoutant principalement son oncle Leto pour les questions d’état, son maître de guerre pour les questions militaires, et Orin Midwinter pour presque tout le reste. Depuis la bataille de Fharin, Julius semblait accorder une grande confiance à l’ancien inquisiteur. Peut-être était-ce le lien avec son père qui avait attiré Julius vers Orin. Stryker ne comprenait pas pourquoi le roi accordait autant confiance à quelqu’un qui avait fait partie d’une organisation si universellement décriée.
Stryker était un marginal, un marginal dont l’opinion n’était ni recherchée ni appréciée. Sa véritable place était sur le champ de bataille, à la tête des soldats et des warjacks. Qu’il soit membre du conseil était probablement dû à Leto. L’ancien roi et lui avaient été proches, et Stryker souffrait de voir quelqu’un d’autre sur le trône, aussi légitime que soit la prétention du jeune homme.
« Votre Majesté », dit Leto, sa voix ramenant Stryker dans la conversation, « nous avons reçu une copie du traité signé par les envoyés de Khador, et il a été officiellement enregistré ». L’ancien roi sourit. « Nous sommes en paix ».
« Bravo, bravo ! » s’écria le Maître de Guerre Ebonhart, et les applaudissements emplirent la salle. Stryker y ajouta à contrecœur.
« Mais il y a de nombreuses questions qui nécessitent encore votre attention, bien sûr, Votre Majesté », déclara Midwinter après que les applaudissements se soient calmés.
« Sans aucun doute, Midwinter », répondit Julius. « Mais il y a un sujet urgent dont nous devons d’abord discuter. Une chose que je vous ai cachée pendant un certain temps par nécessité, et vous comprendrez bientôt pourquoi. Le Commandant en chef des Éclaireurs Rebald vous informera des détails ». Le roi fit un signe de tête au commandant en chef des éclaireurs.
Rebald s’éclaircit la gorge et se redressa sur sa chaise. Une étrange expression traversa le visage du maître espion. Il avait l’air nerveux. Stryker avait travaillé en étroite collaboration avec cet homme durant des années, et il n’avait jamais vu le commandant en chef des éclaireurs aussi agité. C’était étrange de la part d’un homme ayant tiré les ficelles d’un vaste réseau d’espions et d’assassins pendant des années.
« Oui, Votre Majesté », dit Rebald en se levant. « Je ne vais pas vous faire languir. Un héritier du trône de Llael a été trouvé ».
Un silence stupéfait.
Stryker observa les visages de chaque membre du conseil. Il y avait des yeux écarquillés et des visages cendrés. Lui aussi était choqué. Un héritier du trône de Llael avait des répercussions majeures. Tout d’abord, cela annulait les prétentions de Khador sur le pays, conformément au traité qu’ils venaient de signer – en supposant que le Khador accepte cette prétention.
Stryker retrouva sa voix en premier. « Qui est cette personne ? »
« Son nom est Kaetlyn di la Martyn », déclara Rebald. « Sa mère tait l’une des maîtresses du Roi Rynnard, une femme de petite noblesse ».
« Depuis combien de temps es-tu au courant, Rebald ? » demanda Leto. Le visage de l’ancien roi était pincé par l’irritation.
Rebald jeta un coup d’oeil à Julius, le regard fuyant, tendu. Encore une fois, Stryker fut frappé par le manque de sang-froid de l’homme. Cela ne lui ressemblait absolument pas.
« Le commandant en chef des éclaireurs a localisé la jeune fille peu de temps après mon accession au trône », déclara Julius.
Deux ans ! Pensa Stryker. Cela faisait deux ans qu’ils étaient assis sur ce secret monumental, et ils avaient manoeuvré le Khador pour qu’il signe un traité qui annulerait leurs prétentions sur le Llael. C’était sournois et brillant… et incroyablement dangereux. L’impératrice est trop intelligente pour ne pas sentir l’odeur nauséabonde des manœuvres politiques, et sa réaction une fois l’héritière révélée pourrait replonger les deux nations dans la guerre.
« Rebald a découvert l’héritière en Ord », poursuivit Julius, « et il m’a immédiatement informé de sa découverte, voyant la potentielle influence qu’elle pourrait nous accorder un jour ».
« Julius, c’est un jeu dangereux et insensé auquel tu as joué », déclara Leto, Le haut chancelier avait visiblement été tenu dans l’ignorance, tout comme le reste du conseil.
Les yeux de Julius se plissèrent et la colère apparut sur son visage. Stryker vit la colère de Vinter derrière les yeux de son fils. « Mon oncle, tu t’oublies », dit Julius. « Tu ne parles plus avec la voix d’un roi ».
Leto détourna le regard. « Mes excuses, Votre Majesté », dit-il d’une voix lente et mesurée. « Mais en tant que haut chancelier, je ne peux pas vous servir correctement si vous me cachez de telles choses ».
Julius acquiesça. « Je suis d’accord, mon oncle, et je te promets qu’il s’agit d’un incident isolé ».
« Alors, nous allons asseoir cette fille sur le trône de Llael ? » demanda Stryker. « Le Khador ne reconnaîtra pas la légitimité de sa revendication ».
Leto se tourna vers Stryker. « Seigneur Général », dit-il, « le traité qu’ils ont signé est légitime, tout comme la prétention de la jeune fille au trône. Ils seront obligés de l’honorer ou de violer le traité ».
« Vous allez donc les inviter à la guerre ? » dit le Duc Ebonhart, posant la question suivante de Stryker. « Mes excuses, Votre Majesté, mais nous venons de retrouver la paix. Pourquoi la gâcher ? »
« Je comprends votre réticence, Maître de Guerre Ebonhart », dit Julius. « Et je ne m’engagerais pas dans cette voie si elle ne servait pas à rendre le Cygnar plus fort ».
« Comment une autre guerre rendra-t-elle le Cygnar plus fort, Votre Majesté ? » demanda Stryker. Cela semblait ridicule, mais si Rebald et Midwinter étaient impliqués, il y avait là un angle d’attaque, un avantage à tirer. Julius se tourna délibérément vers Stryker, le fixant de son regard sombre. Pour un homme si jeune et si peu habitué à gouverner, le roi dégageait une force indéniable. C’était le même acier que celui de son père. Stryker espérait que, pour le bien de Cygnar, il serait mieux tempéré.
« Je vais l’épouser », déclara Julius.
« Et ajoutez les prétentions de Cygnar à celles de l’héritière », reprit Rebald. « Julius et ses fils et filles dirigeront les deux nations ».
C’était une démarche agressive, que l’oncle du roi n’aurait ni acceptée ni approuvée, mais si elle réussissait, elle augmenterait considérablement la taille du royaume de Julius et ajouterait au Cygnar ce qu’il restait de la puissance militaire de Llael. Ils deviendrait la plus grande nation des Royaumes d’Acier, contrôlant plus de terres arables et de ressources que toute autre.
« Et la Résistance ? » demanda Leto. « Il peuvent avoir leurs propres idées sur ce qu’il faut faire de cette héritière ».
« S’ils souhaitent continuer à bénéficier du soutien militaire du Cygnar contre le Khador, ils nous suivront ». S’esclaffa Julius. « Je ne m’attends guère à ce qu’ils demandent l’aide des khadoréens ». C’était une attitude froide à l’égard de la Résistance assiégée et ses dirigeants. Stryker avait combattu à plusieurs reprises aux côtés des troupes et des warcasters llaelais contre les khadoréens. Leur chef militaire, Ashlynn d’Elyse, une noble et warcaster llaelaise, était une femme passionnée mais raisonnable, et son opinion pouvait influencer les autres. « Si vous parvenez à convaincre Ashlynn d’Elyse de reconnaître l’héritière, vous pourriez obtenir le soutien de la Résistance », dit Stryker. « Mais nous devons la prévenir immédiatement. Elle n’apprécierait pas d’être tenue dans l’ignorance à ce sujet ».
« Merci pour votre conseil », répondit Julius, « mais ma future femme n’a pas besoin du soutien ou de l’approbation d’Ashlynn d’Elyse. Elle exige sa loyauté, tout comme moi ».
« De plus, la Résistance a oeuvré avec le Protectorat de Menoth », dit Rebald, nommant la nation de fanatiques religieux à l’est ayant revendiqué certaines parties de Llael. « Nous devrions les considérer comme compromis ».
« Quel choix avaient-ils ? » demanda Stryker. « Ils ne peuvent pas combattre à la fois le Khador et le Protectorat ».
« Assez », dit Julius. Il n’éleva pas la voix, mais son ton fut tranchant. « Je n’ai pas réuni mon conseil intérieur pour discuter de la Résistance Llaelaise ».
Stryker se faisait gronder comme un enfant dévoyé, réduit au silence par un roi qui n’était rien d’autre qu’un bâtard en exil il y a à peine trois ans. La voix de Stryker avait toujours été entendue à la cours de Leto. Son conseil était sollicité, on se fiait à son expérience. « Comme vous le souhaitez, Votre Majesté » répondit-il, réprimant sa colère et le ressentiment qui remontaient dans sa gorge telle une marée de vomi.
Il croisa le regard de Leto, et l’expression de l’ancien roi le blessa plus que la réprimande de son neveu. Il avait souvent fait naître la fierté, la joie et même la colère sur le noble visage de Leto à de nombreuses reprises, mais jamais la pitié. C’était subtile à présent, mais elle était présente.
Stryker s’assit dans son fauteuil et laissa les autres membres du conseil détailler les plans du roi. Il écouta, mais ne reprit pas la parole. Il était clair qu’il était un marginal, et sa voix n’avait pas plus de poids qu’un cri dans un ouragan.
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LA PRINCESSE KAETLYN DI LA MARTYN, héritière du trône de Llael, était une grande fille de dix-sept ans au plus, d’après Stryker. Elle avait de long cheveux noirs, des pommettes hautes, des lèvres minces et des yeux d’un bleu éclatant, son trait le plus marquant. Sa longue robe fluide était ornée de perles dorées et violettes, une chose qui ne faisait que rehausser son apparence royale.
Elle marchait au centre d’un tapis bleu et violet vif bordé d’or, mêlant les couleurs de Cygnar et de Llael, en direction du trône de Julius Raelthorne. Le roi se tenait devant son siège de pouvoir, vêtu de son uniforme militaire ; l’épée de son père, Régicide, était rengainée à son côté. À sa gauche se tenait son oncle Leto Raelthorne, et à sa droite, Orin Midwinter. Le reste du conseil intérieur, y compris Stryker, se tenait à droite et à gauche du trône. Il n’y avait personne d’autre dans la salle, à l’exception des membres de la Garde Royale. Le nouvelle de la découverte de l’héritière n’avait pas été transmise à l’Assemblée Royale, car il était vital de garder son existence secrète jusqu’au moment opportun.
La Princesse di la Martyn était suivie par deux hommes que Stryker ne connaissait pas, sa garde personnelle. Tous deux étaient des hommes à l’allure dangereuse, vêtus de redingotes et de hautes bottes noires. Chacun portait un double pistolet cinémantique à la hanche, et une épingle violette en forme de rose était apposée au revers de chaque homme, le désignant comme un ancien mage balisticien de l’Ordre Loyal de la Rose Améthyste . Certains de ces hommes et femmes avaient juré de protéger les membres de la famille royale de Llael, à l’instar de la Garde Royale de Cygnar. Leur ordre avait été en grande partie dissous après la mort du Roi Rynnard, mais ils en restaient quelques-uns et apparemment ces deux-là avaient protégé l’héritière pendant la majeure partie de sa vie.
La princesse s’arrêta à dis pas de Julius et s’inclina. Ses gardes se tirent silencieusement derrière elle. « Roi Julius », dit-elle. « Je suis ravie de vous rencontrer enfin. Votre commandant en chef des éclaireurs (elle jeta un coup d’oeil à Rebald) m’a beaucoup parlé de vous ».
Julius sourit, montrant ses dents blanches et droites. C’était un vrai sourire. Il s’avança et s’empara doucement de la main de la princesse. Il se pencha, porta sa main fine à ses lèvres et l’embrassa doucement. « Pas plus ravie que moi, Votre Altesse », répondit-il. « J’attendais ce jour avec impatience depuis que j’ai appris votre sort en Ord. Vivre en exil est une difficile, que je connais bien ».
« Vous êtes gentil, Votre Majesté », dit-elle. « Je vous suis reconnaissante de votre soutien, tout comme le peuple de Llael, j’en suis sûre ».
Julius sourit à nouveau et fixa la princesse un instant.
Stryker réprima un sourire. Son roi montrait rarement sa jeunesse, mais c’était un jeune homme, et la princesse était une belle jeune femme. Stryker se demanda si le roi avait craint que sa future épouse soit ordinaire. Peut-être était-il soulagé. Peut-être était-il épris.
« Laissez-moi vous présenter les membres de mon conseil intérieur », dit Julius. « Voici le Haut Chancelier Leto Raelthorne, mon oncle ».
Leto fit une petite révérence. « Votre Majesté ».
« Mon Conseil aux Arcanes, Orin Midwinter ».
Orin s’inclina également, montrant le haut de sa tête. Une légère grimace traversa le visage de la princesse, mais son sourire la recouvrit rapidement. Peut-être peut-elle sentir l’homme pour ce qu’il est, pensa Stryker, espérant.
Julius présenta ensuite le Duc Ebonhart, le Navarch Galten Sparholm III et Lassiter Polk. Puis il arriva à Stryker. « Et voici le Seigneur Général Stryker », dit Julius. « L’un de nos chefs militaires les plus courageux et les plus expérimentés ».
« Votre Majesté », prononça Stryker en inclinant la tête. Il s’attendait à ce qu’elle se retourne vers le roi, mais son regard s’attarda sur lui.
« On m’a dit que vous aviez personnellement combattu en Llael, aux côtés de nos braves soldats, contre le Khador », déclara le princesse.
« Oui, j’ai eu ce privilège. Les llaelais sont un peuple fort et courageux, et ils méritent d'être libérés de la tyrannie », répondit-il, touché par la reconnaissance de la princesse.
« Je vous remercie sincèrement, Seigneur Général, et je suis heureux d’avoir un allié aussi noble ».
« Votre Altesse », prononça encore Stryker, quelque peu embarrassé.
La princesse se tourna vers le roi et Julius ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais on frappa bruyamment aux portes de la grande salle du trône. Julius fronça les sourcils et secoua la tête. Il jeta un coup d’oeil par-dessus son épaule vers l’un des gardes royaux se tenant debout et dit : « S’il vous plaît, allez voir pourquoi nous sommes dérangés en une occasion aussi importante ».
Le garde se précipita vers les portes. Il les ouvrit, révélant un autre membre de la garde royale se tenant à l’extérieur. L’homme portait une épaulière de capitaine, ce qui signifiait que la raison pour laquelle il dérangeait son suzerain était importante.
Une brève conversation à voix basse s’engagea entre les deux gardes, puis le premier ferma la porte et se dirigea d’un pas vif vers Rebald. Il plaça une enveloppe scellée à la cire dans la main du commandant en chef des éclaireurs, puis retourna à son poste derrière le trône.
« Votre Majesté », dit Rebald, « cette lettre provient de l’un de nos principaux espions en Khador ».
« Ouvrez-là alors », répondit Julius.
Rebald jeta un coup d’oeil à la princesse et à sa garde et pinça les lèvres. « Peut-être un peu d’intimité, Votre Majesté ».
Julius agita la main avec irritation. « Elle sera un jour ma reine », déclara-t-il. « Je ne vois pas pourquoi elle devrait être exclue des affaires d’état ».
La princesse garda son sang-froid à la brutale annonce de Julius de leurs futures noces. Elle devait être consciente des intentions du roi, mais les entendre si clairement exprimées lors de leur première rencontre devait être choquant.
Rebald ouvrit l’enveloppe et parcourut rapidement la lettre qu’elle contenait. Il ne dit rien, et son expression ne laissait rien deviner de la lettre. Il la tendit à Leto, qui la lut rapidement. Les yeux de l’ancien roi se lissèrent et il inspira profondément lorsqu’il eut fini.
« Dis-moi », ordonna Julius.
« Il semble pendant que nous faisions des projets de mariage, l’impératrice faisait les siens », dit Leto. « Elle est maintenant fiancée à Vladimir Tzepesci, ce qui fera bientôt de lui le prince régent de Khador et liera sa maison et toute l’influence qu’il exerce à la sienne ».
Stryker comprenait bien les raisons pour lesquelles l’impératrice épousait Vlad. Il était le souverain de l’Ancienne Umbrie, le chef d’une famille ancienne et puissante dont les racines remontaient à la fondation de leur nation. Il représentait les antiques méthodes, la tradition et, plus important encore, le peuple le plus indépendant de l’est de Khador. Nombres de Khadoréens pensaient qu’il représentait une menace pour sa souveraineté, mais elle avait désormais écarté cette menace et ajouté son pouvoir et son influence aux siens.
« Un développement inattendu, mais pas vraiment une grave menace », déclara Julius.
« Je ne suis pas d’accord » répondit Leto. « Elle consolide son pouvoir, et désormais les prétentions de Vlad sur le Llael auront tout le poids de l’impératrice derrière elles ».
« Il semble que nous ayons sous-estimé l’impératrice, et nous ayons été pris au dépourvu, Votre Majesté », dit Midwinter.
« Attendez », dit Ebonhart. « Je suis d’accord avec le haut chancelier sur le fait que le mariae de l’impératrice et du Seigneur Tzepesci renforce sa position, mais cela ne signifie pas nécessairement qu’il se préparent à al guerre ».
« Nous avons déjà vu le Khador rompre des traités », dit Midwinter en se tournant vers le roi. « Votre Majesté, ceci est un signe précurseur à une trahison khadoréenne ».
« La guerre est inévitable », déclara Julius. « Le khador n’acceptera jamais que la princesse soit l’héritière légitime de Llael ». Stryker soudainement réalisa que c’était probablement le plan de Julius le début – le sien et celui de Rebald, et peut-être celui de Midwinter. Julis avait simplement besoin d’une excuse pour partir en guerre, et la princesse venait de lui offrir une situation où le Khador devait refuser les termes du traité, surtout maintenant que l’impératrice avait consolidé ses prétentions sur le Llael.
« Et vous le saviez depuis le début », dit Leto, exprimant ce que Stryker pensait. « C’est pourquoi vous avez gardé la princesse secrète ».
« C’était la meilleur chose à faire, mon oncle », répondit Julius. Stryker nota qu’il ne niait pas l’accusation de Leto.
« Nous devrions annoncer la naissance de l’héritière », dit Rebald. « même si c’est plus tôt que nous l’aurions souhaité ».
Leto prononça : « Votre Majesté, je suis d’accord, mais nous devons attendre la réaction de l’impératrice. Nous ne pouvons pas être considérés comme des agresseurs par le peuple cygnarén ou par l’Assemblée Royale ».
« Attendez », dit une douce voix féminine. Tout le monde se tourna vers la princesse. Son visage était un masque de colère, ses yeux bleus brillaient telle des poignards glacés. « Je ne t’épouserai pas ».
« Votre Altesse ? » dit Julius. C’était la première fois qu’il avait l’air surpris au cours des événements de la journée. « Vous devez certainement comprendre que notre mariage est de la plus haute importance si nous voulons renforcer nos nations contre l’agression khaodréenne qui ne manquera pas de se produire ».
« Non, Votre Majesté, ce que je vois, c’est que mon peuple va subir une nouvelle ruine à cause de Khador pendant que vous et votre conseil attendez que l’impératrice agisse ».
Stryker réprima un rire. Le plan bien conçu de Julius et de Rebald était sur le point de s’effondrer au gré d’une jeune fille de dix-sept ans. Elle était une reine, cela était désormais évident. L’acier de son ton n’admettait aucune discussions, et ses réprimandes au roi étaient précises et ciblées.
« Votre Altesse, soyez raisonnable », dit Rebald en s’avançant vers Kaetlyn. « C’est la meilleur chose à faire ».
« Ce n’est pas le cas, Commandant en chef des Éclaireurs », répondit-elle. « Le meilleur plan d’action consiste à libérer immédiatement le peuple llaelais ». Elle tourna son regard vers Julius. « Si tu veux m’épouser, si tu veux obtenir tout ce que cela implique, alors tu élimine immédiatement le fléau khadoréen de mon pays ».
« Votre Altesse », dit doucement Julius en s’avançant vers elle. Il s’approcha d’elle et prit sa main dans la sienne. Elle tressaillit, mais ne l’arrêta pas. Il y eut un moment de silence tendu, et les hommes présents dans la salle du trône ayant juré de protéger leur dirigeants se raidirent. « Je te le promets, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour libérer le Llael du contrôle khadoréen et te placer sur le trône. Mais je suis d’accord avec mon oncle : nous devrions laisser le Khador montrer au monde qu’il n’honore pas ses traités que la parole de l’impératrice ne vaut rien de plus que le souffle qui la créer. L’impératrice ne va pas tarder à nier ton droit au trône, et ensuite, je te le jure, j’amènerai toute la puissance de Cygnar en Llael pour écraser les envahisseurs ».
La passion dans la voix du jeune roi était émouvante, et il y avait ici quelque chose qui ne ressemblait pas à son père. Il avait déjà appris qu’il existait d’autres moyens de motiver les gens que par la peur ou le tranchant d’une épée. Un roi qui s’exprimait franchement et avec passion à ses sujets pouvait rassembler une nation derrière lui aussi facilement qu’un tyran qui exigeait leur soutien.
Les paroles de Julius eurent l’effet escompté, peut-être plus que ce que le roi ou tout autre personne présente dans la pièce pouvait deviner. La princesse se pencha en avant. Elle embrassa doucement Julius sur la joue, puis s’éloigna. « Merci, Votre Majesté ».
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« ELLE A NIÉ LA RÉCLAMATION », dit Julius en posant la lettre de l’impératrice de Khador sur la table. Il venait de finir la lettre à voix haute, et n’avait pas l’air en colère ; en fait, il avait l’air satisfait. Il avait fallu un peu plus de deux semaines à Ayn Vanar pour rejeter les prétentions de Kaetlyn di la Martyn au trône de Llael.
Ils étaient de retour dans la salle du conseil intérieur, en présence de tous les membres. De plus, la Princesse di la Martyn était présente, assise à côté du roi. Elle était devenue une habituée des réunions. Elle s’exprimait rarement, mais elle écoutait, et il était de plus en plus clair chaque jour qu’elle avait l’oreille du roi. Stryker l’approuvait d’ailleurs. Malgré sa jeunesse et son inexpérience, Kaetlyn avait une connaissance fine des affaires d’état, et elle était honnête et franche. Elle pourrait peut-être contrecarrer l’influence de créatures telle Orin Midwinter sur le roi.
« Elle sait très bien qu’elle viole le traité », déclara Leto. « Et les conséquences de cela ».
« Parfaitement », ajouta le Maître de Guerre Ebonhart. « Elle ne nous laisse d’autres choix que de faire valoir les prétentions de la princesse ». Il y eut des hochements de tête et des accords autour de la table du conseil.
« Mon oncle, rédige immédiatement une déclaration de guerre », prononça Julius. « Je veux qu’il soit présenté à l’Assemblée Royale dans la semaine ».
Leto hocha gravement la tête. « Oui, Votre Majesté ». Stryker ne pouvait imaginer ce que ressentait son ancien roi. Son propre avait été marqué par des guerres et des conflits presque constants, et il avait fait de son mieux pour faire ce qui était juste pour son peuple. Il vu la paix s’installer sur le Cygnar durant un bref instant, pour ensuite à nouveau la voir consummée par les flammes de la guerre.
« Maître de Guerre Ebonhart, Navarch Sparholm, Seigneur Général Stryker, vous allez commencer à planifier l’invasion de Llael immédiatement », prononça Julius.
Le mot invasion ne plaisait guère à Stryker. Au cour de toutes ses années au sein de l’armée cygnaréenne, il s’était battu pour défendre le Cygnar ou le Llael, en réction à l’agression des nations ennemies. Désormais, le Cygnar deviendrait l’agresseur et commencerait le combat au lieu de le subir.
« Reblad », poursuivit Julius, « quand Asheth Magnus arrivera-t-il de Cinq-Doigts ? »
Ce fut comme si quelqu’un avait porté un coup de pied dans l’estomac de Stryker. Ses yeux s’écarquillèrent et il ouvrit la bouche pour exprimer l’indignation bouillant en lui, pour crier contre la pure folie des paroles du roi. Mais il se contrôla. « Votre Majesté, vous ne pouvez pas être sérieux », finit-il par prononcer.
La salle du conseil devint silencieuse, et les yeux de Julius se rétrécirent. « Seigneur Général, je suis bien conscient de votre histoire avec Asheth Magnus, mais il a été et est toujours l’un des meilleurs esprits militaires des Royaumes d’Acier. De plus, je ne serais pas assis sur ce trône sans Ashet Magnus. J’ai une dette envers cet homme ».
« C’est un criminel de guerre », répondit Stryker en serrant les poings. Asheth Magnus avait servi le père de Julius et avait été l’un de ses serviteurs les plus impitoyables. Il avait également éét été le mentor de Stryker, développant ses talents de warcaster et lui attribuant une place dans la Garde Royale. Lorsqu’il devint évident à quel point le Roi Vinter était dangereux et que Magnus le suivait aveuglément, Stryker s’était joint aux côtés de Leto Raelthorne pour renverser Vinter lors d’une brève et sanglante appelée le Coup d’État du Lion. Magnus avait été gravement blessé au cours du combat, mais s’était échappé. Il avait ensuite passé les quinze années suivantes à travailler au rétablissement de Vinter sur le trône. Il avait également servi de mentor à Julius pendant que le garçon était en exil. Certes, au cours des derniers instants de la guerre civile, Magnus tua Vinter, portant le coup fatal alors que l’ancien roi combattait Leto et Stryker. Mais Vinter avait également tenté de tuer Julius, et le nouveau roi avait gracié Magnus lors de son accession au trône.
Tous les regards se tournèrent vers Stryker, et il put voir qu’il n’était pas le seul à avoir une opinion sur Magnus. Leto, Reblad et Ebonhart semblaient tous préoccupés, voir inquiets, mais aucun d’entre eux ne dit quoi que ce soit.
« Seigneur Général Stryker », dit Julius en soupirant avec exaspération. « Je m’attendais à une réaction de votre part à cette nouvelles, mais je ne m’attendais pas à ce que vous oubliez votre place et insultiez votre roi ».
Encore une fois, la réprimande. Julius ne lui avait pas crié dessus ni même menacé ; au contraire, son ton calme, presque parental, était bien pire, bien plus humiliant.
« Votre Majesté, je vous demande pardon », répondit Stryker en se levant. Il croisa le regard de chaque membre du conseil. « Membres du Conseil, Asheth Magnus est un homme dangereux et fourbe. Vous le savez tous. Vous savez tous combien de morts cygnaréennes peuvent lui être imputées- ». »
« Tenez votre langue, Seigneur Général », dit Julius en se levant d’un bond, renversant sa chaise avec fracas. À côté de lui, la princesse recula visiblement devant son emportement.
Les visions de Vinter Raelthorne se bousculèrent dans l’esprit de Stryker, comme si le tyran était à nouveau sur le trône. Il tremblait de fureur, et son don, la magie faisant de lui un warcaster, se rassemblait à l’arrière de son crâne, un bourdonnement désespéré, une tempête électrique désireuse d’être libérée. La Garde Royale présente dans la pièce se raidit, les mains remontant vers leurs pistolets. Était-il si proche de la violence qu’ils craignaient qu’il n’attaque le roi ?
« Seigneur Général Stryker », dit Leto en se levant également. Sa voix était calme et mesurée. « Vous ne faîtes peut-être pas confiance à Magnus, et sincèrement » - il regarda son nouveau - « j’ai aussi des doutes, mais c’est la volonté de votre roi. Mon neveu a eu une vision du caractère de Magnus qu’aucun de nous ne possède ».
Stryker était déconcerté. Comment Leto pouvait-il même envisager l’idée que Magnus reprenne sa place à la cour cygnaréenne ? Au cours de son règne, Leto s’était acharné à retrouver Magnus et à le traduire en justice. Pire encore, Magnus avait failli tuer Leto après avoir tuer Vinter, et seule la présence et la rapidité d’esprit d’un warcaster nommé Allister Caine l’en avait empêché. À présent, Leto accueillait l’homme dans la capitale, dans la salle du trône, où il pourrait influencer un autre roi cygnaréen. Les yeux du nouveau roi étaient toujours braqués sur lui, pénétrants et froids. Stryker était plus seul qu’il ne l’avait jamais été. L’idée de démissionner lui vint à l’esprit – il ne doutait pas que Julius accepterait une telle démission – mais il y avaient encore des personnes qui dépendaient de lui, des hommes et des femmes qui l’avaient suivi au combat parce qu’ils lui faisaient confiance. Il ne pouvait pas les abandonner à Magnus, qui serait presque certainement promu Seigneur Général une fois Stryker parti.
« Pardonnez-moi, Votre Majesté », répondit-il en baissant la tête. C’était une marque de respect, mais cela cachait aussi la crispation de sa mâchoire.
Le roi ne dit rien pendant un moment, mais il se rassit, lissant sa veste. « Vous êtes pardonné, Seigneur Général », dit-il enfin, rompant le long et inconfortable silence qui s’était installé dans la salle. « Je sais que votre histoire avec Asheth Magnus est difficile et, en vérité, j’ai moi aussi en désaccord certaines de ses .. méthodes par la passé. Mais j’attends de vous que vous mettiez cela de côté pour le bien du Cygnar. En êtes-vous capable ? »
Stryker inspira profondément. « Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour travailler avec … lui ». Il ne pouvait pas se résoudre à prononcer quelque chose d’aussi simple que « oui ». La situation était bien trop complexe et chargée d’émotions pour cela.
« Bien », répondit Julius. « Alors revenons à des question plus importantes. Nous avons une guerre à planifier ».
* * *
STRYKER SE DÉPLAÇAIT DANS LE HALL PRINCIPAL de la résidence royale, une aile du Château Raelthorne abritant le roi et les membres de la famille royale. Il avait assez entendu le roi, assez entendu parler de guerre, et il n’y avait qu’un seul homme qui pouvait les détourner de la voie que Julius avait choisie.
Les gardes royaux à l’extérieur des appartements du Haut Chancelier Leto reconnurent Stryker alors qu’il approchait. L’un deux, un petit homme à la barbe grise nommé Harken, était en service lorsque Stryker était devenu membre de la garde il y a près de vingt ans.
« Sergent Harken », dit Stryker. « Cela fait longtemps ».
Le visage du vieux garde semblait taillé dans la pierre – il avait passé près de trente ans au garde-à-vous, immobile et vigilant – mais un léger sourire plissa ses lèvres. « Tu as un rendez-vous avec le haut chancelier, Seigneur Général ? » demanda-t-il. « Il ne t’attends pas ».
C’était vrai, mais il espérait toujours que Leto lui parlerait. « Non, mais c’est une affaire urgente. Veux-tu informer le haut chancelier que je souhaite m’entretenir avec lui ».
Harken grogna et fronça les sourcils, mais se tourna vers la porte et frappa deux fois.
« Entrez ». La voix de Leto traversa la porte.
Harken ouvrit la porte et pénétra dans la chambre. « Le Seigneur Générall Stryker attend dans le hall, monseigneur. Il demande une audience ». Il fut une époque où Stryker aurait pu simplement passer devant les gardes et exiger une audience, mais il devait garder la tête froide. Il n’était pas sur le champ de bataille et c’était une guerre d’un type très différents.
« Faites-le entrer », dit Leto.
Le vieux garde se tourna vers Stryker. « Le haut chancelier va te recevoir ».
Stryker passa devant le garde et pénétra dans la chambre de Leto. Elle était spacieuse et bien aménagée, mais pas encombrée. Leto était un homme simple, et la chambre reflétait ses goûts. Le haut chancelier était assis à un large bureau près d’une fenêtre, et le soleil déclinant entrait à flots, accrochant le bleu brillant de l’uniforme de Leto. Il avait l’air majestueux, royal.
Leto posa sa plume et empila une liasse de papiers devant lui. L’ancien roi du Cygnar faisait de la paperasse pour son neveu ; c’était indigne de l’homme suivait depuis si longtemps. « J’ai pensé que tu pourrais venir me parler », dit-il en désignant une chaise moelleuse devant le bureau.
« Je souhaitais parler en privé, juste un instant, Votre Altesse », dit Stryker. C’était quand même étrange de ne pas dire Votre Majesté.
Leto croisa les mains devant lui sur le bureau. « Alors exprime toi ».
« Je veux savoir pourquoi vous soutenez les plans du roi d’envahir le Llael pour déclencher une nouvelle guerre avec le Khador ».
La franchise de Stryker ne sembla pas perturber Leto, et il fixa Stryker un moment avant de parler. « Je pense que tu veux poser une question différente », déclara-t-il. « Je ne pense pas que tu veux me demander pourquoi je suis mon neveu si volontiers, aveuglement même ».
« Monseigneur, je n’aurais jamais- » commença Stryker, mais Leto leva la main pour le faire taire.
« T’es-il venu à l’esprit que je suis réellement d’accord avec Julius ? » demanda Leto.
Stryker fut à court de mots. Le haut chancelier avait raison : Stryker pensait que Leto soutenait le roi par obligation, par loyauté, peut-être même par loyauté. Il n’avait pas imaginé que Leto était réellement favorable à une guerre qui pourrait tout leur coûter.
« Je ne comprends pas », répondit Stryker. « Vous – nous – avons combattu le Khador pendant si longtemps, vu tant de vies perdues, et maintenant nous avons la paix, pour la première fois depuis plus d’une décennie. Pourquoi tout gâcher ? »
Leto se leva et se tourna vers la fenêtre. Les épaules de l’ancien roi étaient crispés, comme si les paroles qu’ils allaient prononcer étaient douloureux. « Nous les avons combattus, oui » prononça-t-il. « Nous avons défendu le Cygnar et le Llael là où nous le pouvions, mais nous n’avons pas éliminer le Khador. Nous nous sommes battus, mais nous nous sommes repliés, nous avons perdu des hommes et des terres, puis nous nous sommes contentés de ce traité ». Il se tourna vers Stryker. « Je sais que tu t’es battu courageusement pour le Cygnar, pour moi, et je te serai à jamais reconnaissant de la loyauté : qu’avons-nous gagné pendant toutes ces années ? »
« Qu’avons nous gagné ? » dit Stryker interloqué. « Nous avons protégé le Cygnar. Nous avons assuré la sécurité de notre peuple ».
« Mais notre ennemi demeure, et maintenant, il es plus fort », déclara Leto. Son regard était devenu dur, amer. « Mon neveu a beaucoup de son père en lui. Je sais que cela te dérange, mais mon frère n’a pas toujours été le montre qu’il était devenu. Il avait de la force Son fils à de la force ; peut-être une force que je ne connais pas ».
« Ce n’est pas vrai, mon seigneur », répondit Stryker en se levant. « Vous étiez un bon roi, un homme que j’ai suivi sans hésitation, une homme que j’aurais suivi jusqu’à la mort ».
Leto sourit. « Tu es un homme bon, Coleman, et un bon soldat, mais je n’ai fait que défendre, et ce faisant, nous avons perdu du terrain en tant que nation. Julius a la force de reprendre ce que nous avons perdu, de rendre le Cygnar plus fort qu’il ne l’a jamais été, de combattre nos ennemis. C’est un roi qui mérite d’être suivi ».
Leto était un homme que Stryker avait admiré, qu’il s’était efforcé d’imiter. Il était étrange de l’entendre parler de lui de cette façon. « Monseigneur, les risques sont trop grands. Si nous envahissons le Llael, et que nous sommes repoussés par le Khador, cela pourrait les encourager à envahir le Cygnar. Les pertes que nous avons subies au cours de la guerre contre votre frère n’ont pas été compensées, et de nouvelles pertes nous rendraient vulnérables ».
« Tu as raison, bien sûr », déclara Leto. « C’est un risque, mais un risque que nous devons prendre sinon nous perdrons le Cygnar petit à petit au profit de ses ennemis ». Il traversa la pièce et posa ses mains sur les épaules de Stryker. « Je recommande que tu diriges les force d’invasion. Tu es la meilleure chance de Cygnar, et si tu n’as aimé en tant que roi, offre à Julius la même loyauté, le même courage que tu m’as donné ».
Stryker ne put regarder Leto dans les yeux et tourna la tête. « Et Magnus ? Approuvez-vous cela également ? »
Leto le relâcha et recula. Son visage se durcit. « Je ne lui ferai jamais confiance, mais le roi lui fait confiance, et Magnus lui a été fidèle. Je ne pense pas qu’il saperait délibérément les objectifs de Julius.
« Le monde que je connaissais a disparu », dit Stryker, plus pour lui-même que pour Leto. « Je ne connais pas ma place dans celui-ci ».
« Tu es un Seigneur Général de Cygnar », répondit Leto. « Cygnar existe aujourd’hui grâce à tes actions. Des hommes comme Magnus ne pourront te l’enlever si tu leur permets pas ».
« Vous avez raison, Votre Altesse », dit Stryker. « Je m’excuse si j’ai dépassé les bornes ». Il était bon d’entendre que Leto appréiait encore tout ce qu’il avait fait et sacrifié pour protéger le Cygnar.
« Je suis désolé de vous avoir dérangé », dit-il. « Je vais vous laisser ».
Leto acquiesça tandis que Stryker se dirigeait vers la porte. Il l’ouvrit, mais avant de la franchir, il entendit la voix de Leto. « Tu es un élément important de l’avenir de Cygnar, Coleman. Ne l’oublie pas ».
elric:
- 8-
LA GARNISON CASPIENNE ABRITAIT près de deux cents membres de l’infanterie Lame-Tempête ainsi qu’un bon nombre de leurs homologues de la cavalerie, les Lances-Tempête. La plupart de ces troupes provenaient de la Division Tempête de Stryker, qui n’avait pas de quartier général fixe et avait été en grande partie retirée de la structure des quatre armées de Cygnar ; par conséquent, ils pourraient théoriquement être déployés n’importe où. La vérité était que la majeure partie de la Division Tempête était en garnison à la frontière entre le Khador et le Cygnar, même si une large partie de ses Chevaliers-Tempête et de ses warjacks seraient rappelés pour l’invasion de Llael.
Lorsqu’elle était beaucoup plus petite, la Division Tempête était autrefois hébergée à Caspia dans le cadre de la garnison générale, et Stryker utilisait l’ancien complexe Lame-Tempête comme QG générale et quartiers personnels.
Sa section préférée de la garnison était le terrain d’entraînement réservé aux éléments de la Division Tempête. Il avait passé de longues heures dans ce genre d’endroit pendant sa jeunesse, s’entraînant avec les Lames-Tempête nouvellement formés et recevant des instructions d’hommes comme Garvin Tews. La cour était petite mais toujours utilisable. Il s’agissait d’un carré de terre battue de cinquante verges de côté, avec des cloches en bois à une extrémité pour l’entraînement au couteau et des bermes en terre à l’autre pour s’entraîner au lancer d’éclair.
Il n’y avait qu’une seule autre personne dans la cour d’entraînement. Stryker sourit en voyant Garvin Tews, ressemblant à un ours, s’attaquer à un pylône de bois à l’aide d’une glaive-tempête émoussé. Tews le regarda approché, planta la pointe de son épée dans le sol et s’appuya dessus.
« Dure journée, Seigneur Général ? » demanda-t-il lorsque Stryker s’approcha.
Stryker grimaça. Que savait déjà Tews ? « On pourrait dire ça, Capitaine ».
« Maudit Magnus », dit Tews en secouant la tête. Donc, il avait entendu. Stryker se demanda de qui il tenait ces informations. Il décida que cela n’avait pas d’importance. « Difficile de croire que ce fils de pute de traite entrera en Caspia en tant qu’homme libre et à la demande du roi en plus ».
Stryker réprima une pointe de colère à la mention de Magnus. « Je ne suis pas ici pour parler de Magnus », dit-il. « Je suis là pour te tabasser comme un gobber unijambiste dans le cercle d’entraînement ». Il fit un large sourire au capitaine Lame-Tempête. « Enfin, si un vieil homme comme toi peut encore soulever un glaive-tempête ».
« Oh, c’est un fait ? » répondit Tews en posant son glaive d’entraînement sur son large épaule. « Peut-être as-tu oublié qui t’as appris à utiliser un glaive-tempête en premier lieu ? »
« Non, je ne l’ai pas oublié », reprit Stryker. Cette partie était vraie, mais un souvenir troublant de Magnus lui apprenant à utiliser la grande épée caspienne le long de la route Ruissepêche à Caspia lui vint instantanément à l’esprit. C’était Magnus qui lui avait montré les bases du maniement de l’épée. Il repoussa le souvenir et se força à sourire. « Je suis juste meilleur que toi maintenant ».
« Tu veux mettre cela à l’épreuve ? » demanda Tews. Il avait laissé tombé les messieurs et les seigneurs généraux. Ils étaient amis et ici, maintenant, leur rang n’avait plus d’importance.
« Quoi, avec Vif-Argent ? » dit Stryker en tapotant le manche de sa lame mékanique toujours fixée au dos de son armure de warcaster. « Tu as peut-être un petit avantage » ; dit Tews en montrant râtelier de glaives d’entraînement à proximité.
« D’accord », répondit Stryker en s’emparant d’une lame sur le support. Il retira Vif-Argent de son dos et la plaça à la place de l’arme d’entraînement.
« Prêt », dit Stryker en se dirigeant vers l’un des cercles d’entraînement situés à proximité. Tews sourit et le rejoignit.
Tews saisit sa lame d’entraînement émoussée à deux mains. Comme tous les glaives-tempête, elle avait une longue poignée et se maniait plus comme une grande épée que comme une arme d’hast. Tews portait une armure de plate usée, son armure d’entraînement, bien cabossée et éraflée par d’innombrables heures d’entraînement.
Cela faisait longtemps que Stryker n’avait pas utilisé de glaive-tempête ; il avait la taille et le poids de Vif-Argent, mais son arme à lui était calquée sur la grande épée caspienne, plus traditionnelle. Stryker portait son armure de warcaster, mais il avait désactivé la turbine arcanique ; le champ d’énergie qu’elle générait lui donnerait un autre injuste avantage.
Elle leva son arme en garde haute, orientant la pointe vers son adversaire. « Prêt ? » demanda-t-il ?
Tews hocha la tête et adopta une position plus défensive, tenant sa propre arme avec la poignée proche du ventre, la lame projetée vers l’extérieur. Ils s’étaient affrontés à de nombreuses reprises et, en vérité, Tews était meilleur épéiste. Stryker était un expert avec la lame, mais sa capacité à canaliser son don de warcaster dans ses frappes, augmentant leur précision, leur vitesse et leur impact, en faisant de lui un adversaire de taille, même pour les meilleurs épéistes dépourvus de ce don, à condition qu’il se batte avec son armement uniquement. Bien sûr, une règle tacite entre lui et Tews voulait qu’il n’emploie pas ces armes et ces dons pour faire pencher la balance en sa faveur. Ce serait antisportif. Cela signifiait généralement qu’il se retrouvait avec une série de bleus douloureux à la fin de leur séance d’entraînement.
« Trois touches ? » demanda Tews.
« Comme toujours », répondit Stryker.
« Viens les chercher ».
Stryker ne perdit pas de temps et se précipita en avant, sa lame s’abattant en une puissance frappe diagonal. Tews leva son arme et se déplaça sur le côté avec une grâce et une rapidité dont la plupart des gens penseraient qu’un homme aussi grand était incapable. Leurs lames se rencontrèrent dans un choc retentissant, et Tews dévia la lame de Stryker, manquant son épaule droite de quelques pouces.
Tews utilisa son mouvement latéral pour lancer une riposte, une frappe rapide vers l’avant autour de la lame de Stryker n’ayant pas la force d’un élan complet, mais avec un épéiste de la taille et de la force considérable de Tews, cela n’avait guère d’importance. Si la turbine arcanique de Stryker avait été activée, le champ d’énergie généré par l’appareil aurait privé l’arme de Tews d’une partie de son énergie cinétique, voire l’aurait arrêtée net. Mais sans cette protection, la pointe de l’arme du Lame-Tempête s’écrasa sur le plastron de Stryker avec un bruit sourd et le fit trébucher en arrière, grimaçant.
« Une », dit Tews en levant un doigt.
« Morrow, tu es trop rapide pour un homme de ta taille », répondit Stryker, sachant qu’il aurait une ecchymose sur la poitrine la semaine prochaine. « Et pour ton âge », ajouta-t-il avec un sourire ironique.
« La vitesse est l’un des nombreux dons, et avec l’âge viennent la sagesse et les compétences », déclara Tews.
Stryker reprit la garde haute et Tews reprit sa lame en garde moyenne. Il se rencontrèrent à nouveau. Cette fois, Stryker lança une feinte à la tête de Tews, qui leva sa lame pour l’intercepter. Stryker dévia sa frappe à la dernière seconde et inversa sa direction pour porter une frappe basse. C’était une technique difficile avec une lame aussi grande mais il n’était pas dépourvus de dons.
La lame frappa la jambière gauche de Tews avec craquement satisfaisant, cabossant l’acier et faisant trébucher le grand Lame-Tempête sur le côté.
Tews rit. « Je ne vois jamais celui-là la première fois que tu le lances », dit-il en secouant sa jambe gauche.
« C’est pourquoi je le lance à chaque fois », répondit Stryker. « Oh, et une pour moi ».
« Égalité, alors », répondit Tews, et il leva son glaive en garde haute, imitant Stryker. Cela signifiait que Tews passait à l’offensive, et Stryker gémit intérieurement. D’autres bleus en perspective.
Ils se battirent encore pendant dix minutes et Tews remporta le match, comme il le faisait habituellement, trois touches à deux. La dernière « touche » avait été une autre riposte à l’un des coups de Stryker, et elle avait été si forte et si rapide qu’il n’avait pas pu la ralentir, ni même la toucher avec sa propre lame. Tews l’avait complètement désarçonné ; à bout de souffle. S’il s’était agi d’un véritable glaive-tempête, Stryker aurait été coupé en deux. Bien sûr, à certains moment, si Stryker avait été en duel avec Vif-Argent, il aurait pu canaliser sa volonté dans ses attaques, utilisant ses dons innés pour ajouter de la vitesse. et de la précision à ses coups. Mais pour cette entraînement, Vif-Argent n’était pas présente. Après tout, lui et Tews avaient un accord.
Tews s’approcha de Stryker qui était assis sur par terre, essayant de faire coopérer ses poumons. Tews sourit d’une oreille à l’autre. « Ça fait trois. Tu veux une autre série ? »
Stryker leva les yeux vers son vieil ami et secoua la tête. Il tendit la main et Tews le releva. Il grimaça alors que le soudain mouvement provoquait une nouvelle douleur dans sa poitrine meurtrie. « Non, Capitaine, j’ai eu mon compte », répondit-il après avoir réussi à faire pénétrer suffisamment d’air dans ses poumons pour cette tâches. « Les combats d’entraînement avec toi donnent à un homme l’envie de choses faciles, comme une invasion et une guerre à grande échelle ».
Tews s’esclaffa. « Nous savons tous les deux que je ne suis pas de taille à t’affronter si tu employais ne serait-ce qu’une infirme partie de tes réelles capacités ».
« Peut-être », répondit Stryker. « Mais Morrow au-dessus, mec, je suis content que tu sois de nôtre côté ».
Le visage de Tews devint sérieux. Je serai toujours à vos côtés, monsieur. Peu importe ce qui arrive ».
Stryker sourit avec lassitude. « Je n’en ai jamais douté », déclara-t-il. « Maintenant, vas-tu me dire comment lancer cette fichue riposte que tu m’as assénée à la fin ? »
« Vous devriez demander au Major Maddox, monsieur », répondit Tews avec un sourire narquois. « C’est elle qui me l’a montré ».
« Me demander quoi ? » prononça une voix derrière eux.
Stryker se retourna et vit une warcaster, apparemment de son âge, traverser la cour d’entraînement vers lui. Elle était grande, mince, avec des cheveux courts couleur paille, des pommettes saillantes et des yeux bleus. Elle se déplaçait comme une guerrière, avec grâce et une certaine économie de mouvement que tous les épéistes habiles semblaient acquérir. Le Majour Elizabeth Maddox portait une armure similaire à celle de Stryker – elle aussi était alimentée par l’énergie galvanique plutôt que par la vapeur – bien qu’un peu plus légère. Elle tenait d’une main une énorme lame mékanique à deux mains. Cette arme ressemblait à un glaive-tempête, mais elle réservait de nombreuses surprises aux ennemis de Cygnar. Stryker avait vu cette arme, Tempête, en action de nombreuses reprises.
« Beth », dit Stryker. Il connaissait depuis plus de quinze ans, et il avaient servi ensemble sur de nombreux champs de bataille, à commencer par le premier conflit en Llael. Elle était membre de l’infanterie Lame-Tempête et un vétéran chevronné lorsque son talent de warcaster avait été découvert, et elle était maintenant l’une des meilleurs warcasters de l’armée cygnaréenne.
Maddox lui offrit un rare sourire, qui effaça momentanément la touche de tristesse qui semblait toujours présente sur son visage, un détachement qui la faisait paraître froide. Maddox avait de bonnes raisons de souffrir, comme le savait Stryker. Elle avait passé trois ans comme prisonnière de guerre au mains du Protectorat de Menoth. Elle avait été libérée il y a des années, mais les tortures qu’elle avait endurées…
« Bonjour, Beth », dit Tews. Il lui sourit, mais il y avait une certaine tristesse dans ses yeux. Ils avaient été ensemble avant qu’elle ne soit capturée par le Protectorat ; cette relation était visiblement terminée.
Elle fit un signe de tête à Tews puis se tourna rapidement vers Stryker, comme si elle ne supportait pas de regarder le grand Lame-Tempête. « J’ai entendu dire que vous vous cachiez ici », dit-elle. Le sourire avait disparu, mais il y avait un ton ironique dans sa voix. Tout comme Tews, elle ne s’embarrassait pas de protocole formel, ils étaient tous amis ici.
« je ne me cachais pas », déclara-t-il. « Je faisais juste un peu d’exercice.
« J’ai vu », répondit Maddox. « Vous en voulez un peu plus ? »
Stryker réfléchit à la proposition. Cela faisait des années qu’il ne s’était pas entraîné avec un autre warcaster. Il avait certes combattu plus d’un warcaster ennemis, mais il avait depuis longtemps dépassé le besoin de s’entraîner avec l’un de ses compagnons doués. Il ne l’avait pas fait avec Maddox depuis l’époque où ils étaient ensemble au sein des Lames-Tempête, bien avant que son talent ne soit rendu public et que le sien ne se manifeste. Il soupçonnait que sa proposition avait une arrière-pensée. Maddox n’avait jamais hésité à partager ses opinions avec ses supérieurs, et Stryker lui accordait plus de latitude que la plupart des autres. Un sermon de sa part allait certainement arriver.
« Prends une lame d’entraînement », dit Stryker. « Tu te souviens encore comment utiliser un glaive-tempête ? »
Elle ricana par-dessus son épaule. « Je crois que je peux m’en sortir ». Elle choisit une lame d’entraînement et posa Tempête sur le support à côté de Vif-Argent.
Elle revint vers Stryker en tenant la lame dans une main. Son armure de warcaster, comme la sienne, accroissait la force de celui qui la portait lorsque la turbine arcanique était mise sous tension.
« Avant de commencer », dit Maddox, « j’aimerais vous dire que vous plein de merde de buffle, monsieur ».
Il savait que sa franchise ne devrait pas le surprendre, mais c’était toujours le cas. Depuis son retour en Cygnar, elle avait assumé un poste de commandement au sein des Lames-Tempête, et Stryker comptait sur elle pour obtenir des conseils - elle était compétente, honnête et n’avait pas peur de dire ce qu’elle pensait, même à un officier supérieur. Cela avait toujours son utilité – si l’officier supérieur n’était pas trop égocentrique pour supporter la critique. Parfois, Stryker se demandait s’il était à la hauteur.
« Eh bien, c’est mon signal que cette conversation est au-dessus de mes compétences », répondit Tews en replaçant sa lame d’entraînement sur le râtelier. « Je vais vous laisser régler ça tous les deux ».
Stryker regarda Tews disparaître dans le bâtiment principal de la garnison, puis prononça, « Les dents de Thamar, Beth. Dis-moi ce que tu penses vraiment ».
« Avec plaisir. Tu dois accepter que Magnus fasse à nouveau partie de ta vie, et plus important encore, de celle du roi ». Elle ne luis laissa pas le temps de répondre et s’élança vers l’avant, sa lame jaillissant dans une frappe basse et ascendante.
Elle l’avait pris au dépourvu, mais il parvint à abaisser sa propre lame pour parer la sienne. L’impact lui fit mal à la tête – elle avait utilisé son talent arcanique pour ajouter de la vitesse et de la puissance à ce coup. Avant qu’il ne puisse riposter, elle recula d’un bond, souple et agile.
Il tourna sur sa gauche. « Bon sang, tu étais là. Tu as vu à quel point il était un monstre, à quel point il était disposé à servir un tyran, à quel point il était disposé à tuer des cygnaréens ».
« Oui, j’étais là, et je me souviens très bien du genre d’homme qu’était Magnus », dit-elle, en le rejoignant pas à pas. « Mais cela n’a pas vraiment d’importance. Nous avons un nouveau roi et ce n’est pas un tyran ».
Cette fois, Stryker passa à l’offensive et attaqua avec son arme. Il retira sa main supérieur de la poignée et la balança avec sa main inférieure tout en s’élançant vers l’avant. Balancer un glaive-tempête à une main n’était pas une tâche facile, même avec une armure de warcaster, mais ce mouvement lui donnait près de trente centimètres d’allonge. Le mouvement surpris Maddox et elle bondit en arrière, mais pas assez rapidement. Son champ d’énergie s’enflamma lorsque la lame de Stryker le percuta, puis le traversa. La pointe de son glaive-tempête l’atteignit au-dessus de la hanche droite. Son champ d’énergie lui avait volé une partie de la force de son coup, mais il fut encore assez puissant pour la faire chanceler sur le côté. Elle récupéra instantanément et repoussa le coup suivant avec le plat de sa lame.
« Cela reste à voir. C’est le fils de son père », dit Stryker en respirant difficilement. « Il y a déjà des influences douteuses au sein de son conseil ».
Maddox secoua la tête. « Il est jeune et il est peut-être un peu téméraire, mais ce n’est pas Vinter Raelthorne. De plus, il y a d’autres membres de son conseil qui peuvent contrecarrer les influences dont tu parles. Son oncle, le Duc Ebonhart, et si tu veux bien te sortir la tête du cul, toi ».
Stryker émit un son dégoûté. « Est-ce que tout le monde sait que tu parles ainsi à un seigneur général ? »
Elle grimaça, mais sa réponse fut une fente soudaine, alors qu’elle utilisait son glaive-tempête comme une grande rapière. Elle était plus rapide que lui, plus rapide que Tews, et la parade de Stryker fut loin d’être à temps. La pointe de l’arme de Maddox s’écrasa sur sa poitrine avec la force d’un train – elle n’y était allé de main morte. Ce coup aussi avait été augmenté et l’avait fait reculer de trois pas, jusqu’à ce qu’il ait un genou à terre. Seul son champ d’énergie lui avait évité d’être totalement assommé.
« Il ne m’écoute pas. L’unique raison pour laquelle je fais partie du conseil intérieur, c’est à cause de Leto », répondit Stryker en se redressant péniblement. Maddox le laissa se relever.
« Coleman, il ne s’agit pas de toi ; il s’agit de ce qui est bon pour le Cygnar », déclara-t-elle. « Allez. Tu vaux mieux que ça. Je le sais. Pourquoi il te faut tant de temps pour que tu le remarque ? »
Stryker sourit malgré la réprimande. « Tu as autant de tact que le poing d’un Cuirassé ».
« Je ne suis pas fait pour la diplomatie, je suppose. Et franchement, si je pensais que cela te ferait entendre raison, je laisserai Arsouye t’en mettre plein la vue. Mais je peux probablement encore le faire moi-même. Elle se lança à nouveau en avant, mais Stryker l’attendait celle fois. Elle avait anticipé en mettant du poids sur sa jambe avant. Il leva sa lame et attrapa la sienne en hauteur, laissant la partie médiane complètement exposée. Il lança un coup de pied frontal dans le ventre armuré de la jeune femme, mettant toute sa magie dans le coup. Il l’attrapa et l’envoya s’écraser trois pas en arrière, puis sur les fesses.
« Je suis devenue rouillée », dit-elle en se levant et en grimaçant. « J’aurais dû le voir venir ».
Il recula et la laisser se relever, comme elle l’avait fait pour lui. « J’entends bien ce que tu dis », dit-il. « Mais je crois que personne ne connaît Magnus comme je le connais. Personne ne sait vraiment à quel point il est dangereux ».
Elle se pencha au niveau de la taille, reprenant son souffle. « C’est peut-être vrai », dit-elle aprus un moment. « C’est une raison de plus pour que tut te taises et que tu reste dans les bonnes grâces du roi ».
Il poussa un long soupir irrégulier. « Pour que je puisse le surveiller. Je sais ».
« Exactement ». Elle brandit son épée. « On en est où, deux touches à une ? »
« Oui, tu veux appeler... » Elle n’annonça pas son attaque suivante. C’était une charge, mais elle venait d’un angle oblique – elle avait fait un saut à gauche et s’était précipitée vers l’avant pratiquement en même temps. C’était un degré d’agilité et de vitesse qu’il ne possédait tout simplement pas.
Il tournoya pour répondre à l’attaque de la jeune femme, qui cumula avec un coup de poing dans le dos au niveau de sa poitrine, et leva sa propre arme pour intercepter la sienne. Trop lent. Son champ d’énergie brilla, puis il se retrouva au sol, ses côtes palpitant de douleur.
Maddox se tenait au-dessus de lui, triomphante, et lui tendit la main. « Cela fait deux pour moi. Appelons cela un match nul ».
« Ça me va », grogna-t-il alors qu’elle le relevait. « Ils auront besoin de moi intact quand j’arriverai sur le champ de bataille ».
elric:
- 9-
LE TON DE LA VILLE CHANGEA au cours des semaines suivantes. Une fois la déclaration de guerre rédigée, elle fut rapidement ratifiée par l’Assemblée Royale, et c’est alors que débuta l’inévitable diffusion d’informations au sein de la population. Aucune annonce officielle n’avait été faite au peuple de Cygnar, et les différents nobles avaient juré de garder le silence jusqu’à ce que le roi leur donne l’autorisation d’en parler aux habitants de leurs provinces et de leur domaines. Mais avec plus d’une centaine de nobles dans l’Assemblée Royale, il y avait forcément des bavards.
Stryker entendait des murmures de guerre dans les rues et, en général, partout où il se rendait en Caspia. Sa seule présence était susceptible d’inciter les gens autour de lui à discuter de la probabilité d’une guerre.
Il avait passé les dernières semaines dans la garnison de Caspia, où étaient stationnés les membres de la Division Tempête, à passer du temps avec les amis et les camarades qu’il avait retrouvé au cours des quinze dernières années. Il n’avait pas beaucoup parlé au cours de ces semaines, préférant lutter contre les doutes et les craintes qui obscurcissaient son esprit plutôt que d’en accabler ses subordonnés. Il passait de longues heures dans la cour d’entraînement avec sa lame et son pistolet, répétition mécanique et effort physique servant à vider son esprit, au moins pour un moment.
Aujourd’hui, cependant, il allait devoir faire face à la source de sa consternation. Il avait été informé de l’arrivée de Magnus en ville. Bien que le warcaster ne l’ait pas encore cherché, Stryker ne pouvait plus l’éviter. Plus exaspérant encore était que Magnus avait reçu un grade officiel au sein de l’armée cygnaréenne : celui de général, rien de moins. Stryker refusait de s’attarder sur ce point ; la présence de Magnus était bien plus pénible que son grade.
Le roi avait convoqué un conseil de guerre pour définir le plan d’invasion, plan auquel il avait contribué lors de réunions privées avec le Maître de Guerre Ebonhart et d’autres membres essentiels de l’Armée Cygnaréenne. Tout ce qu’ils avaient décidé serait probablement contesté ou modifié par Magnus ; Stryker ne doutait pas que l’homme voudrait faire connaître sa présence dès son retour à Caspia.
Stryker quitta la garnison tôt, attendant avec impatience la longue marche vers le palais pour rassembler ses pensées. Maddox l’attendait devant les portes du palais, et il était reconnaissant de la voir. Il serait bon d’avoir un ami à ses côtés pendant cette épreuve qui s’annonçait difficile.
« Major Maddox », prononça-t-il en s’approchant des portes principales.
« Vous êtes prêt, monsieur ? » Dit-elle et s’installa à côté de lui.
Il acquiesça. « Bien sûr », répondit-il. « Je ferai mon devoir. On m’a récemment rappelé, assez douloureusement, que je devais pas me comporter comme un cadet morveux se plaignant de… Comme dirais-tu ? »
« Peut-être ne pas être autorisé à manger à la table des officiers, monsieur », suggéra Maddox.
Il grimaça. « C’est déjà pas mal. Eh bien, quand je mangerai avec les autres officiers, il semble que le Général Magnus se joindra à moi ».
* * *
ASHETH MAGNUS ÉTAIT AUSSI ARRIVÉ TÔT au château, et il se tenait dans la grande antichambre à l’extérieur de la salle du trône. Le conseil de guerre s’y tiendrait au lieu de la plus petite salle de réunion du conseil intérieur. Le voir réveilla une tempête d’émotions de colère, de trahison et, plus que tout, d’une surprenante peur.
Asheth Magnus était plus ou moins tel que Stryker s’en souvenait de lui. Il était grand et avait les cheveux noirs, même si ses cheveux étaient maintenant parsemés d’argent. Son visage était maigre et belliqueuse, ses yeux sombres et pénétrants. Magnus portait une armure de warcaster, mais contrairement à celles fabriquées par l’Armurerie Cygnaréenne que portaient Stryker et Maddox, le kit de Magnus semblait rudimentaire, mais Magnus avait un don pour la mékanique – ma puissante technologie combinant les arcanes avec les machines – et ses créations étaient souvent d’une efficacité mortelle. Ses compétences en ingénierie se reflétaient dans la prothèse mékanique ayant remplacé son bras droit. Le membre avait été écrasé par la chute d’un warjack, un warjack renversé par la magie de Stryker lorsqu’il s’était retourné contre son ancien mentor. Le membre mékanique était une vilaine chose d’acier et de bronze et semblait tout aussi délabré que l’armure de l’homme.
Magnus n’était pas seul. Il était accompagné de deux hommes, et aucun d’eux ne semblait faire partie de l’armée cygnaréenne régulière. En fait, ils avaient l’apparence de mercenaires, probablement servi Magnus pendant son exil. Les rapports indiquaient qu’il avait fréquenté toutes sortes de personnages peu recommandables, y compris certains des criminels les plus infâmes des Royaumes d’Acier.
« Essayer de rester courtois, monsieur », prononça Maddox à Stryker. Le fait qu’elle l’ait appelé monsieur signifiait que le protocole était à nouveau en place – pour eux deux.
Il fit un signe de tête rigide et serra les dents. Même parler à Magnus lui retournait l’estomac, mais les conseils de Maddox pendant leur séance d’entraînement, en particulier son insistance sur le fait qu’il devait rester au conseil pour garder un œil sur Magnus et contrecarrer son influence du mieux qu’il pouvait, étaient la première et la plus importante de ses préoccupations.
Stryker traversa l’antichambre en direction de Magnus, qui se retourna pour l’accueillir, un léger sourire aux lèvres.
« Général Magnus », dit Stryker, son estomac se tordant à prononciation de ces deux mots ensemble.
« Seigneur Général Stryker », répondit Magnus. « tu t’es bien débrouillé. Ce n’est plus tout à fait le garçon que j’ai arraché de Ruissepêche il y a tant d’années.
Magnus avait tiré le premier coup, rappelant à toutes les personnes présentes que c’était lui qui avait amené Stryker à Caspia, lui qui avait autrefois servi de mentor à Stryker. Coup au but, mais Stryker avait de quoi répondre.
« Général Magnus, je sais que vous avez quitté la structure militaire depuis un certain temps, mais, comme vous vous en souvenez certainement, il est approprié d’appeler un officier supérieur, monsieur, lorsque vous vous adresser à lui ».
Le sourire de Magnus s’élargit, peut-être en reconnaissance de la réprimande de Stryker, peut-être juste pour qu’il puisse montrer ses dents tel le prédateur qu’il était. « Bien sûr, monsieur », dit-il. « Comme vous le dîtes, je suis en dehors de tout cadre militaire standard depuis un certain temps. Pendant mon temps, j’ai été forcé de recourir à un système de commandement plus… méritant ».
L’un des hommes qui accompagnait Magnus, un homme brutal au crâne chauve et à la poitrine et aux bras épais, gloussa. Il portait un plastron, cabossé mais peut-être un peu plus brillante pour l’occasion, orné du symbole délavé de l’organisation de mercenaires connue sous le nom de Tête d’Acier. Stryker doutait que cet homme ait servit au sein de cet organisation réputée depuis un certain temps. Il portait également une barre de lieutenant – de lieutenant cygnaréen – sur son épaule droite. Avant que Stryker ne puisse demander pourquoi cet ancien mercenaire avait reçu une commission d’officier dans l’Armée Cygnaréenne, Maddox s’avança devant lui.
« Général Magnus », dit-elle. Elle avait dû ressentir la tension entre eux En fait, toutes les personnes dans l’antichambre, y compris six membres de la Garde Royale au garde-à-vous devant les portes de la salle du trône. « Je suis le Major Elizabeth Maddox ».
Magnus la salua d’un signe de tête, tout en gardant les yeux rivés sur Stryker. « Oui, je me souviens de toi… avant. Tu étais l’une des Lames-Tempête de Leto ». Il jeta un coup d’oeil sur son armure de warcaster. « Je remarque que tu es plus que cela maintenant ».
« Vous avez une bonne mémoire, monsieur », répondit Maddox. « J’ai hâte de travailler avec vous ».
Stryker essaya de ne pas rouler des yeux et n’y parvint que partiellement. Maddox ne faisait que ce qu’il devait faire , c’est-à-dire cacher les griefs du passé et maintenir le décorum professionnel, mais le qu’il qu’elle ait dû appeler cet homme monsieur l’horripilait.
Avant qu’aucun d’eux ne puisse en dire davantage, les portes de la salle du trône s’ouvrirent et le Haut Chancelier Leto sorti de l’antichambre. Lorsqu’il vit Magnus et Stryker debout l’un à côté de l’autre, ses yeux s’écarquillèrent. Stryker ne put lui en vouloir.
« Seigneur Général Stryker, Major Maddox … Général Magnus », dit-il. « Le roi est prêt à commencer dès que les autres membres du conseil de guerre seront arrivés. « Prenez place, s’il vous plaît ».
« Très bien, tout le monde. Allons-y », dit Stryker en se dirigeant vers la salle du trône.
« Oui, monsieur », dit Magnus derrière lui. « J’ai hâte de me remettre au travail ».
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