PARTIE DEUX
« Gully, Foyle, virage à gauche. Maintenant, avance lente ! »
Sam guidait ses warjacks à travers un labyrinthe de flaques d’eau et de ruisseaux lents. Les feuillages suspendus des saules étaient moins une barrière qu’une gêne, mais elle évitait les arbres les plus arbres les plus épais après que les Cerbères eurent passé dix minutes à dégager la lance paralysante de Foyle pour la libérer de la moitié d’un saule qu’il avait arraché.
Alors que Sam manoeuvrait le Nomade et le Rapace sur une bande de terre relativement ferme, sur le flanc Morris poussa un cri en plongeant dans une zone molle.
Morris lutta pour sortir du trou, mais il ne pouvait pas bouger sa jambe. Il mit de côté le lourd gros flingue et se débarrassa de son sac. Même avec ses deux mains libres pour pousser sur le sol, il ne réussit qu’à s’enfoncer davantage dans la boue molle. « Que quelqu’un me donne un coup de main ! »
Dawson fut le premier à l’atteindre. Il attrapa Morris sous les bras et tira, mais la terre humide retenait l’homme.
« Pousse-toi, Dawson ». Posant son arme et son paquetage, Lisse prit Morris par le bras gauche. Dawson lui attrapa le droit et, ensemble, ils tirèrent. Morris grogna et cria de douleur, mais il fut extirpé. Avec un bruit profond de succion, sa jambe sortit, d’un noir brillant.
« Bon sang », grommela Morris, « Ma botte est pleine de boue ! »
« De rien », dit Lisse. Il rangea son arme sous son bras et repris sa marche.
« Il fait un froid de canard ».
« Au moins, il n’y a pas de vent », déclara Dawson. Il frissonna de sympathie en expirant un panache de buée.
Morris pesta en claquant des dents. Il enleva une poignée de boue, de feuilles mortes et un ver de terre rouge, se tortillant, aussi épais que son index. « Pouah ! »
« Cela aurait pu être pire », déclara Dawson « Le Sergent Crawley dit qu’il y a des centaines d’hommes involontairement enterrés dans l’Octelande ».
Morris secoua la tête. « Bien sûr qu’il y en a. Le Cryx a assassiné des milliers de personnes dans cette lande ».
« Le sergent ne parlait pas de morts au combat », déclara Dawson. « Il parlait des voyageurs et des forestiers qui venaient juste d’être engloutis par des entonnoirs comme celui-là. Ils sont tout autour de nous, à quelques centimètres sous terre, encore debout là où ils se sont enfoncés. Nous marchons sur leurs crânes ».
Morris railla. « Il dit çà pour effrayer les chiots comme toi. C’est une autre raison pour laquelle on l’appelle Flippant ». Malgré ses paroles courageuses, Morris frissonna alors qu’il continuait à gratter la boue de sa jambe.
« Je ne sais pas. J’ai l’impression que nous marchons dans un cimetière. Il y a peu, Robinson a marché sur une cage thoracique ».
Au son d’un sifflement dissimulés, les deux hommes regardèrent autour d’eux. Dawson serra fort son armure, mais il n’y avait rien.
La brume s’épaississait à mesure qu’ils s’enfonçaient dans l’Octelande. La lumière du soleil filtrait à travers les nuages. Il offrait peu de lumière et encore moins de chaleur.
« Arrête, Dawson. Là, tu me donnes la chair de poule ». Morris détourna son regard de la brume et baissa les yeux sur sa botte détrempée avant de lâcher un lourd soupir. « Allons-y. Ils nous devancent ».
Dawson hocha la tête en direction de la jambe noircie de Morris. « Fais attention ».
Bientôt, ils rattrapèrent le reste de la compagnie et se plaçèrent à côté du chariot d’avitaillement. Les roues renforcées de fer patinaient dans la terre molle, les conducteurs suivant l’exemple de Gully et Foyle pour rester sur la terre ferme.
Le Lieutenant Lister menait une escouade à une cinquantaine de verges devant les warjacks. Il s’arrêtait de temps en temps pour s’assurer qu’ils restaient à portée visuelle des personnes qui escortaient le chariot de tête. Il disparut brièvement dans la brume s’épaississant, pour réapparaître alors qu’ils se rapprochaient. Habituellement, il se matérialisait en regardant une carte et une boussole, car les nuages obscurcissant rendaient la navigation par le soleil au mieux incertaine.
Loin devant, perdus dans les brumes, les éclaireurs des Cerbères guidaient la compagnie dans le sillage des pillards Cryx. Toutes les demi-heures, ils revenaient près de Lister à quelques minutes d’intervalle, faisant leur rapport trop discrètement pour les autres puissent l’entendre.
Les éclaireurs cherchaient des signes d’embuscade, pas la piste elle-même. Il n’était pas nécessaire d’être spécialement entraîné pour voir les plantes piétinées et la terre retournée que les morts-vivants avaient laissés dans leur sillage. Même les hommes près des chariots distinguaient les empreintes de bottes de fer des nécroserfs. Des plus grandes empreintes à trois doigts marquaient le passage des bonejacks et des helljacks, ces derniers étant deux fois plus gros que les premiers.
Morris se retourna, levant son gros flingue au bruit d’une brindille cassée. Jusqu’à ce qu’elle ait marché dessus, Sam se déplaçait silencieusement dans la lande. Elle tendit la main pour écarter le canon de l’arme.
« Cet endroit donne la frousse à tout le monde », dit-elle. « L’astuce, c’est qu’elle reste à l’intérieur ».
« Oui’s » répondit Morris.
Sam regarda Dawson. Sous le regard de son capitaine, il relâcha sa prise sur le gros flingue pour le porter librement mais prêt à la hanche. Ses propres yeux semblaient durs même dans la lumière tamisée, mais elle lui fit un signe de tête confiant.
Tandis que Sam poursuivait sa route prenant des nouvelles des autres Cerbères, Morris se retourna pour regarder Dawson, qui lui offrit un haussement d’épaules compatissant.
De temps à autre, l’un des Cerbères se penchait pour récupérer un artefact d’une bataille antérieure : douilles, sangles de toile, boucles de laiton, éclats d’obus et d’écrous de ‘jack aussi gros que des pommes. La plupart du fer était rouillé depuis longtemps, mais certains des débris semblaient neufs. Ces objets étaient remis au Sergent Crawley, qui les examinait avant de les jeter ou de les glisser dans la pochette de son ceinturon.
« Récent ? » demanda Sam alors que le sergent examinait la nouvelle babiole.
Crawley secoua la tête. « Pas assez pour être du lot que Brocker poursuit ».
Harrow quitta les éclaireurs pour adresser quelques mots à Lister. Le lieutenant acquiesça et renvoya Harrow avant de s’approcher de Sam.
« Nous avons trouvé quelque chose », lui dit-il. « Une étrange piste ».
« Foyle, Gully, marche en avant ! » Sam les accompagna, se déplaçant à une vitesse prudente.
« Attention ! » Lui cria Lister. Le grand homme glissa alors qu’il se dépêchait de les rattraper. Il désigna les hommes les plus proches. « Dawson, Morris, Robinson, avec moi ». Tandis que Sam trottinait entre le grand Rapace et le Nomade encore plus grand, Lister et son unité pressait pour suivre.
La jambe trempée de Morris gargouillait à chaque pas tandis que les Cerbères suivaient Sam et ses warjacks. Le bruit des roues des chariots s’estompait au fur et à mesure que les soldats avançaient.
Une fusée éclairante traversa la brume devant eux. Alors qu’ils se rapprochaient, les Cerbères virent Harrow s’agenouiller pour examiner quelque chose par terre. La lumière cramoisie de la fusée projetait des ombres infernales sur son visage. Lorsqu’il leva les yeux vers les mercenaires s’approchant, Dawson et Morris détournèrent le regard.
Sam ralenti et arrêta ses ‘jacks avant de rejoindre Harrow. Lister fit signe aux hommes de se mettre en position de garde en tournant le dos à la fusée éclairante.
Sam et Lister examinèrent une flaque rectangulaire légèrement plus grande qu’une brique. Une extrémité était légèrement plus large que l’autre et trois lignes parallèles formaient d’étroits ponts sur toute la largeur. « Je n’ai jamais rien vu de tel auparavant », dit Sam, « mais je parierais que ce n’est pas cryxien ».
Harrow se releva, faisant un geste avec la torche pour indiquer d’autres empreintes à proximité. Elles étaient toutes identiques, espacées en larges motifs répétitifs.
« C’est étrange », déclara Sam après avoir longuement observé. « Faites devenir Crawley. Je veux son avis ».
« Morris », dit Lister, en faisant un geste du pouce en direction du train de chariots. « À double cadence ! »
« Monsieur ! » Morris se mit à courir, pataugeant à chaque pas.
Sam suivit Harrow alors qu’il montrait de plus en plus d’empreintes. Il indiqua deux pistes parallèles, une large piste d’empreintes de cryxiens piétinées, l’autre les empreintes rectangulaires du voyageur solitaire.
Sam demanda : « Le Cryx le suivait, tu crois ? »
Harrow secoua la tête.
« Tu penses que ça les suivait ? »
Il acquiesça.
Crawley arriva, essoufflé. Derrière lui, Morris appuya ses mains contre ses cuisses, haletant.
Sam s’empara de la fusée d’Harrow et montra les étranges empreintes à Crawley. Le sergent baissa les lunettes autour de son cou et plissa les yeux vers la dépression rectangulaire. Son front se plissa alors qu’il suivait le tracé des pas.
« Qu’en penses-tu ? » demanda Sam. « Quadrupède ? »
« Certainement. Et extrêmement régulier. Trop régulier, si tu veux mon avis. Même pour un nouveau ‘jack fraîchement sortit de la forge, on s’attend à plus de variations dans les pas en fonction de sa charge d’armes, de la façon dont il tourne, s’il transporte quelque chose, Ces pas sont parfais ».
Crawley s’agenouilla. Il plongea sa main dans la flaque rectangulaire pour en mesure la profondeur. Il enfonça son pouce dans la terre comprimée à la base de la flaque, tâtant la fermeté des stries à l’intérieur de l’empreinte. Les yeux mi-clos, il effectua un calcul silencieux : « En supposant qu’il ait quatre jambes, je dirais environ sept tonnes. Peut-être huit ».
Lister siffla tout bas. « Aussi gros que Gully ».
« Combien de présent ici ? » demanda Crawley.
« Juste celui-là ? » Sam jeta un coup d’oeil à Harrow, qui hocha la tête pour confirmer. « Oui, juste un ».
« Des empreintes d’un contrôleur ? » demanda Sam.
Harrow secoua la tête.
« Est-ce la chose que nous recherchons, Sam ? » demanda Lister.
« Le message du Vieux indiquait que je le saurais quand je l’aurais vu », déclara Sam. « Maintenant que je le vois, je pense que oui ».
Ma question est : est-ce que le Cryx le cherche aussi ? »
« C’est possible », dit Sam. « Mais à en juger par la position des ces traces, je parierais que cette chose à vu les cryxiens avant qu’ils ne la voient. Peut-être qu’ils ne savaient même pas qu’il était là ».
« Et Brocker ? »
Sam haussa les épaules. « Il se peut qu’il ait dit la vérité. Ou peut-être que le Cryx s’est mis en travers de son chemin alors qu’il cherchait notre mystérieux ‘jack ».
« On suit ces traces ou les cryxiens ? »
« Pour l’instant, ça n’a pas d’importance. Elles ne se croisent peut-être pas, mais elles reviennent dans la même direction. Assure-toi que les autres éclaireurs voient ces empreintes. Places-en un de chaque côté des pistes, puis Harrow au milieu, entre les pistes ».
« Oui’s », répondit Lister.
« Je ramène les grands gaillards aux chariots. Je veux qu’ils soient entièrement chargés et prêts à l’action ».
« Ça marche, Sam », déclara Crawley.
« Trouvons cette chose avant que quiconque ne le fasse », dit-elle. Puis, presque pour elle-même, elle ajouta : « Et prions que le Cryx ne nous trouve pas en premier ».
* * *
La troisième fois que le chariot d’avitaillement s’embourba, le Sergent Crawley demanda à toute la compagnie de s’arrêter. Après s’être entretenu avec Lister et le capitaine, il ordonna aux hommes décharger les réserves d’eau et de nourriture et de répartir le chargement de manière égale entre les chariots vides. Un peu plus d’une heure plus tard, la marche reprit avec moins d’haltes pour les chariots en retard.
Les éclaireurs revinrent et signalèrent pour signaler un terrain traite devant eux. Sam dirigea les warjacks loin des terrains les plus périlleux. Cela nécessitait parfois un détour, mais Sam insistait sur la prudence. Poussez un chariot dans une ornière était déjà assez pénible. Personne ne voulait sortir d’un warjack d’un entonnoir.
Lorsque le Sergent Crawley donna le coup de sifflet d’arrêt, les Cerbères étaient trempés et épuisés. Ceux qui avaient été choisis comme piquets et sentinelles pestaient tandis que les autres se mettaient au travail pour établir le campement sur le terrain relativement sec qu’ils avaient choisi.
En moins d’une heure, les mékaniciens, sous le regard attentif du Sergent Crawley et du capitaine, étaient plongés jusqu’au coude dans Gully après que Foyle eut passé l’inspection et reçu un plein chargement de charbon et d’eau. Crawley arracha le pistolet à rivets de l’un des hommes et refixa la plaque renforçant le châssis de Gully brûlé par le venin.
« Regarde ça », déclara Robinson. Vétéran maigre à la barbe rousse, il souleva un objet concave de sous une jonchée de feuilles. Il balaya les détritus pour révéler la partie supérieure du crâne d’un bonjack. « Cela évitera à mon sac de couchage ne touche le sol humide ».
« Ne touche pas à ça », avertit Burns, « ça porte malheur.
« Ne sois pas un nigaud si superstitieux ».
Burns lui montra son poing. « Si tu ne contrôles pas tes paroles, la malchance arrivera plus vite que tu ne le penses ».
« Tu fais ce que tu veux blondinet », répondit Robinson. « Personne ne t’empêche de dormir sur le sol humide ».
Morris revint de ses recherches avec un torchon rempli de champignons. « Hé, caporal », dit-il. « Que pensez-vous de ces champignons ? »
Harrow jeta un coup d’oeil à la récolte de Morris. Piochant dans le tissu, il jeta un champignon au chapeau vert pâle et l’écrasa sous ses pieds. Quand il eut fini, il prit quelques champignons coniques pour les grignoter et s’éloigna sans un mot.
« Merci ». Morris goûta les champignons, plissa les yeux et hocha la tête e signe d’approbation.
« Que s’est-il passé ? » demanda Dawson.
« Avant de rejoindre la compagnie, Harrow était au SRC du Roi Leto ».
« Le Service de Reconnaissance Cygnaréen ! »
« Shh », dit Morris. « Baisse d’un ton. Il n’aime pas qu’on en parle ».
« Pourquoi est-il parti ? »
« Personne ne le sait — ne pense même pas le demander à Harrow. Il n’aimerait pas ça. De toute façon, on dit qu’on peut l’abandonner pendant un an dans n’importe quel endroit abandonné des dieux, et qu’il reviendra avec cinq kilogrammes de plus, avec les noms et les emplacements de chaque horrible chose vivant sous un rocher ou sur une branche d’arbre. Il connaît toutes les choses qui sont bonnes à manger et toutes celles qui te tueraient ».
« C’est un homme à avoir dans les parages ».
« Oui », acquiesça Morris. « Tant qu’il veut t’avoir à ses côtés ».
Dawson grimaça. « À Tarna, il m’a pris pour un espion de Khador ».
Morris étudia le visage de Dawson. « Non, il ne l’a pas fait ».
« Quoi ? »
« S’il t’avait pris pour un espion, nous n’aurions pas cette conversation. Tiens, essaye celui-là ». Morris lui tendit un morceau de champignon.
Dawson regarda le champignon cramoisi avec méfiance avant d’en prendre une bouchée. Au fur et à mesure qu’il grignotait, il se mit à sourire. « C’est vraiment bon ».
Morris divisa les champignons en deux tas inégaux. Le plus petit, il le posa dans un tissu et le rangea dans la pochette de sa ceinture. Il apporta le plus gros à Sam, qui assise sur le hayon ouvert du chariot de ravitaillement, mangeait un repas froid à côté de Lisse.
Elle mit de côté son assiette en fer-blanc de corned-beef, de fromage jaune dur et de pain plat pour accepter le butin de Morris. « Harrow les a vus ? »
« Voyons, capitaine ».
Sam grignota un morceau et approuva d’un signe tête. Elle en mit deux dans son assiette et passa le reste à Lisse. « Fais-les circuler, Lisse et annonce à tous que nous avons un intrépide chasseur de champignons parmi nous »
Morris salua Sam et se détourna avant qu’un sourire idiot n’envahisse son visage. Dawson le suivit jusqu’au chariot d’avitaillement, où Morris sortit une brosse rigide pour nettoyer sa botte souillée.
« Deux », déclara Dawson.
Ils retournèrent à l’endroit qu’ils avaient choisi pour faire leurs lits. Dawson regarda le crâne que Robinson avait posé sous lui pour rester au sec. Il frissonna et jeta un coup d’oeil à Morris. D’un commun accord, ils ramassèrent leurs sacs et s’éloignèrent vers un autre endroit sec.
Morris enleva sa botte détrempée, détacha sa genouillère et se débarrassa de son pantalon de cuir. Après l’avoir vigoureusement secoué, il le suspendit à une banche voisine.
« Donne-moi ça », dit Dawson en attrapant l’armure. Pendant que Morris frottait sa botte, Dawson brossait la boue accumulée sur sa genouillère. Morris fit un signe de tête appréciateur à Dawson.
Ils travaillèrent en silence pendant un moment avant que Morris ne demande : « Qu’as-tu fait pour que tu penses que Harrow te prenais pour un Rouge ? »
En grimaçant, Dawson décrivit comment il avait été surpris en train d’espionner le briefing des garçons. Plutôt que de le réprimander, Morris s’esclaffa. « Rose a fait la même chose au printemps dernier Burns lui a fait tellement craindre qu’Harrow lui tranche la gorge pendant qu’il dormait qu’il a failli renoncer à son contrat. Cela arrive de temps en temps – pas l’égorgement, mais le fait de jeter un coup d’oeil furtif au premier briefing. Chaque nouveau chiot veut être l’un des garçons.
« Qu’est-ce qu’il faut pour cela ? »
Morris haussa les épaules. « Je ne sais pas vraiment. Lister et Flippant étaient avec le capitaine bien avant la partie. Je suppose qu’ils ont été les premiers ».
« Lorsque je me suis engagé, le sergent m’a raconté comment le Capitaine MacHorne avait gagné la charte de la compagnie lors d’une partie de cartes. Avant d’entendre son histoire, je n’aurais pas pensé qu’elle était une tricheuse. C’est pour ça qu’aucun membre de la compagnie ne veut jouer aux cartes avec elle ? »
« As-tu entendu la version de Lister ? »
« Non ».
« Cela vaut la peine de lui demander un jour, en supposant qu’il soit de bonne humeur ».
« Et les caporaux ? Ce sont tous des garçons, n’est-ce pas ? »
« La plupart d’entre eux, mais pas tous : Robinson, par exemple. Et j’ai entendu parler de simples soldats qui étaient considérés comme des garçons, mais c’était avant mon arrivée. De toute façon, ce n’est pas qu’une question de rang ou d’ancienneté, pour autant que je sache ».
Dawson hocha la tête, mais son expression restait perplexe.
« Il n’y a pas d’annonce ou quoi que ce soit d’autre. Un jour Crawley t’annonce de te présenter au premier briefing, et tout le monde sait que tu n’es plus un homme. Tu es un garçon ».
« Huh ». Dawson eut un regard lointain dans ses yeux.
« Ne sois pas trop excité, gamin. Il n’y a pas d’augmentation ou quoi que ce soit ».
Morris mis sa botte de côté et commença à brosser la boue séchée de son pantalon. Lorsqu’il se pencha, trois talismans sortirent de sa chemise. Deux étaient en bronze poli, le troisième en or brillant.
« Je ne te savais pas si pieux » déclara Dawson.
Morris se leva et pris l’un des médaillons de bronze entre son pouce et son doigt. « Pas plus qu’un autre. Celui-ci est de ma soeur ».
Dawson se leva pour regarder le disque circulaire. Sur sa face était gravée une épée enveloppée dans une bannière inscrite de mots caspiens. « Ascendant Solovin », déclara Dawson. « Le patron des guérisseurs ».
« Murdina est sage-femme dans notre village natal, juste à l’ouest de Carre Dova. Chaque fois qu’elle m’écrit, elle me rappelle de rester près du chirurgien ».
« Mais nous n’avons pas de chirurgien de campagne dédié ».
Morris porta un doigt à ses lèvres. « Ne le dis pas à Murdina ».
Il laissa tomber le premier médaillon de bronze et souleva le suivant. Une épée contre un mur crénelé était estampée sur sa face.
« Ascendant Markus », déclara Dawson. Il toucha sa cuirasse. « J’en ai un tout pareil ».
« Cela te donne le courage de défier quatorze chefs barbares pour briser un siège ? »
« Eh bien… peut-être treize. Markus est mort en tuant le dernier ».
Morris rit. « Tu veux dire qu’il s’est ‘élevé’ ».
« Bien sûr. Mais il est d’abord mort ».
« Ne laisse pas Lister t’entendre parler comme ça. Il te menotterait pour blasphème ».
« Il est si pieux ? »
« Surtout à propos de l’Ascendant Markus. Ses meilleurs jurons sont en caspien ».
« Qui parle le caspien de nos jours ? »
« Le Primarque, ses Exarques, tous leurs prêtres, et le Lieutenant Lister », répondit Morris. « Mais je pense que Lister est plus à l’aise en particulier avec les jurons ».
« Que j’aimerais entendre ».
« Tu dis cela maintenant, mais tu ferais mieux de prier d’être à bonne distance quand ça arrivera. Tes oreilles vont bourdonner ».
« Et le troisième médaillon ? »
« Ah, c’est mon trésor ». Il leva le disque d’or. « Ascendant Katrena, défenderesse de la foi, patronne de la bravoure, de la chevalerie et de la noblesse – bien trop beau pour des hommes comme moi. Et regarde ici ». Il retourna le disque pour révéler un éclat d’ivoire incrusté dans le métal. « Un éclat de l’os de sa jambe. Je l’ai acheté à un homme ayant voyagé jusqu’au Sancteum ».
« Il doit valoir une fortune ».
« La plupart de mes gains de la première année », répondit Morris. « C’est pour ma fille. Tu sais, un jour ».
Dawson acquiesça. « Je ne savais pas que tu as une femme ».
« Je n’en ai pas ». Son sourire s’estompa. « Sa mère a épousé un autre homme. Un avec des perspectives d’avenir ».
« C’est pour cela que tu as rejoint la compagnie ? Pour faire fortune et la reconquérir ? »
« Non, je voulais juste partir. Je travaillais dans un village où je risquais de voir ma petite fille se balader sur les épaules du poissonnier en l’appelant papa ».
« Quel est son nom ? »
Morris s’illumina. « Isla. Ses yeux ont la couleur du bleuet ».
Après le souper, Dawson prit le quart suivant tandis que Morris se couchait. Il s’assit au sud du camp, à l’abri de la lumière des feux allumés par le chariot de Foyle, et regarda dans le brouillard. Après une fine pluie, les lunes fantomatiques apparurent à travers les troués dans les nuages. Dawson écouta la sérénade rythmée des grenouilles jusqu’à ce que Parks le remplace. Il retourna ensuite dans son lit et dormit jusqu’à ce que le sifflet sur sergent réveille la compagnie.
* * *
Après une matinée au cours de laquelle les éclaireurs signalèrent des bruits étranges dans la brume, Lister chargea Dawson et Robinson de partir en tant que deux paires d’oreilles fraîches. Ils venaient de quitter la compagnie depuis dix minutes qu’ils rencontrèrent un autre chenal d’eau stagnante leur barrant le chemin.
Dawson traversa le premier, tenant son fusil et sa pochette de munitions par-dessus l’eau atteignant sa taille. Il sortit de l’autre côté et se retourna pour voir Robinson faire de même. Lorsque le caporal émergea de l’eau, sa chemise se souleva, révélant de grosses sangsues brunes couvrant son corps.
« Remonte ta chemise », dit Dawson. « Ne bouge pas. Il pinça la sangsue juste au-dessous de l’une de ses extrémités effilées, forçant ses ventouses, avant de la décoller. Deux plaies sanguinolentes apparurent sur la peau de Robinson.
« Oh, Morrow », dit Robinson. « Enlève-les. Enlève-les maintenant ! »
« Ne fais pas le bébé. Ce ne sont que des sangsues ».
« Je ne les supporte pas ».
« Tu peux dormir sur le crâne d’un bonejack, mais ça te dérange ».
« Elles me mangent vivant ! »
Dawson jeta une autre sangsue de côté et tourna Robinson pour examiner le reste de son torse. « Enlève tout »
« Quoi ? »
« Elles ont peut-être pénétré dans tes vêtements ».
Frissonnant, Robinson retira son pantalon de cuir. Dawson l’examina de près. « Tu es propre. Maintenant, vérifie-moi ».
Robinson remit sa ceinture en place avant de vérifier que Dawson n’avait pas de sangsues. Il n’en trouva qu’une sur la hanche de Dawson, mais il ne put se résoudre à la toucher. Dawson l’enleva lui-même ».
« Tu as entendu ? » demanda Robinson.
Dawson s’immobilisa. Il entendit un cri d’oiseau au loin et quelques clapotis d’eau de grenouilles dans les flaques d’eau voisines. Puis il entendit un léger bruit de ressorts se comprimant et se relâchant. Ce n’était pas le bruit d’une machine à vapeur, mais il s’agissait indubitablement d’un mouvement mécanique.
« Devrions-nous aller voir plus près ? » chuchota Dawson.
« Je ne- » Robinson regarda dans la direction du bruit. D’autres chenaux et flaques stagnantes se tenaient devant eux. « Non, nous ferions mieux de faire notre propre rapport d’abord ».
Lorsqu’ils rapportèrent à Lister ce qu’ils avaient entendu, le gros lieutenant loucha sur Dawson en baissant son cigare. « Vous êtes sûrs que c’est ce que vous avez entendu ? » dit-il « Certains d’entre vous ne savent pas faire la différence entre une grenouille et un engoulevent ».
« J’ai entendu quelque chose de similaire », déclara Harrow, sortant de nulle part. « Et un bruit de cliquetis, plus comme un clocher que comme un warjack ».
« Avez-vous au moins jeté un coup d’oeil ? »
Harrow secoua la tête. « D’autres traces ? »
« Aucune que j’ai pu voir. Toute la zone est inondée ».
« Aucune que j’ai pu remarquer. Toute la zone est inondée ».
Lister se tourna vers Sam. « Qu’en dites-vous capitaine ? »
« Quoi qu’il en soit, il est assez intelligent pour cacher ses traces ».
« C’est probable », acquiesça Lister.
« Je n’aime pas l’idée d’emmener nos grands gaillards patauger. Pourtant… »
Elle ordonna à la compagnie de s’arrêter : « Je veux que six de nos plus grands hommes marchent en ligne devant Gully et Foyle. Deux hommes en arrière-garde et deux de chaque côté. Garde une escouade à portée de main ».
« Ça ne laisse pas beaucoup d’éclaireur », reprit Lister.
« Débrouille-toi ».
« Oui’s. Sergent, tu choisis les demoiselles d’honneur ».
« Des grandes, hein ? » Crawley ajusta ses lunettes et regarda Lister.
« D’accord, d’accord. Compte sur moi ».
« Écoutez, Burns, Lisse, Harrow ! Vous trois, escortez ce jeune marié costaud jusqu’à l’autel ». Il frappa sur le genou de Gully. « Fraser, Bowie, vous accompagniez la mariée avec le lieutenant ». Il indiqua Foyle.
Les Cerbères prient leurs nouvelles positions, menant les ‘jack et les chariots à travers l’eau jusqu’aux mollets. Lorsque Bruns et Lisse plongèrent jusqu’aux hanches dans une mare, Sam stoppa les ‘jacks jusqu’à ce qu’il trouve une voie moins profonde.
« C’est stupide ». Burns coupa une longue branche et en détacha les brindilles. Avec le bâton, il sonda le sol pendant que les Cerbères avançaient. L’un après les autres, les autres suivirent son exemple, à l’exception de Harrow, qui se baladait dans l’eau croupie sans l’aide d’une sonde, laissant à peine une ondulation dans son sillage.
À quelques minutes d’intervalles Robinson et McBride revinrent de leurs repérages et ne signalèrent aucune observation inhabituelle. Robinson confirma que leur chemin aquatique s’éloignait de la piste laissée par le Cryx.
« Ce qui les suivait venait de cette direction », dit Crawley. Il fit signe aux éclaireurs de repartir.
Sam acquiesça. « Nous nous rapprochons de la Langue du Dragon. Qu’en penses-tu ? Cinq ou six kilomètres ? »
Crawley sortit une boussole et une carte de sa poche. « Laisse-moi vérifier la carte ».
Sam se retourna, Harrow leva cinq doigts d’une main, trois de l’autre.
« Huit kilomètres », répondit Crawley. Il laissa la carte pliée et remit la boussole dans sa poche.
« Qu’est-ce qu’il y a ici, si près du fleuve ? demanda Sam à personne en particulier. Personne n’eut de réponse. Ils avançaient en pataugeant dans la boue.
« Nous y voilà. Regarder ». Burns pointa son bâton.
Il indiqua une étendue d’eau sombre au sud-est. Un reflet irisé se mêlait à des tourbillons plus sombres sous la surface de l’eau. Au-delà du noyau sombre de la tache, l’eau brillait.
« De l’huile et du venin cryxiens », déclara Lister. « Soyez attentif ».
S’aidant de leurs bâtons, Lister Harrow avancèrent. Bientôt, ils s’enfoncèrent dans la boue jusqu’aux hanches.
Burns sauta pour les rejoindre, mais il glissa sur le côté, s’écrasant sous l’eau. Il remonta en bafouillant : « Au secours ! Il plongea à nouveau sous l’eau, puis remonta en ajoutant : « Quelque chose m’a attrapé ! »
Lister et Harrow se retournèrent. Lister mis son gros flingue, mais se ravisa. Harrow avait déjà sa pioche en main. Il la balança en arc pour frapper près du pied de Burns. La pointe frappa avec un bruit sourd sous l’eau. Quoi qu’il en soit, le coup fut suffisant pour libérer Burns. Lister se releva.
Harrow frappa à nouveau, mais l’eau resta immobile.
« Qu’est-ce que c’était ? » demanda Lister.
« Ça m’a attrapé la jambe », déclara Burns, sans pour autant se mettre à hurler d’inquiétude.
Harrow enfonça sa hache sous l’eau, frappant un objet sous la surface. Comme l’objet ne réagissait pas, il déplaça l’arme, tâtant la forme de l’objet. D’un simple mouvement de tête, il remit sa hache sur son épaule et enfonça ses mains sous l’eau.
« Fais attention, mec » l’avertit Burns. « Il a avalé mon pied en entier dans sa gueule ».
Après avoir tâté l’objet englouti, Harrow recula et tendit sa main, Lister lui donna la perche qu’il avait lâchée. Ensemble, ils utilisèrent leurs perches comme levier pour soulever le crâne d’un bonejack en ruine.
Sous une mâchoire pleine de crocs, une paire de défenses renforcée de fer se recourbaient en pointes acérées. Des pistons les reliaient à des mékanismes situés à l’intérieur d’un dissipateur thermique en laiton formant un collier derrière la « tête » du ‘jack. Les Cerbères voyaient pas grand choses du corps blindé du mékanisme, mais la plupart hochèrent la tête en reconnaissant la forme la plus commune des machines de guerre de Cryx.
« Dépeceur », déclara Crawley.
« Attention », cria Burns. « Ça glisse ».
Il tomba à genoux, mais le bonejack ne s’enfonça pas avec lui. Avec un craquement de fer et un gargouillis d’eau du marécage, la tête du Dépeceur remonta à la surface, révélant les dégâts ayant presque séparé la tête du châssis.
La coupe semblait parfaitement droite à l’exception d’un motif régulier de points cisaillés le long du bord de la plaie.
« Cela ne provient pas d’un espadon », déclara Lister. Il testa le bord de l’entaille dentelée avec le doigt d’une main gantée. En sifflant, il le porta à sa bouche, mais s’arrêta avant de passer sa langue sur la blessure. Même en l’effleurant, le métal taillé tranchait le cuir.
« On dirait que quelqu’un a passé cette chose à la scie à bois » fit remarquer Crawley. Il examina la tache d’huile, d’abord avec ses lunettes, puis en plissant les yeux après les avoir rabattues autour de son cou. « Cela ne fait pas longtemps qu’elle est là. Je dirais que ce qui a trouvé ce Dépeceur l’a fait juste avant que Brocker et ses hommes ne rencontre les cryxiens pour la première fois au nord-ouest.
« Alors », répondit Sam, « il est possible que les cryxiens l’aient recherché, trouvé, puis aient été entraînés dans un combat ».
« Ce qui pourrait suggérer que Brocker le cherchait également, et c’est pourquoi il était ici », déclara Lister.
Sam regarda par-dessus son épaule avant d’acquiescer. « Peut-être. Dans tous les cas, nous devons continuer à surveiller nos arrières ».
Ils reprirent leur marche. Les bavardages se réduisirent à des chuchotements, ponctués par de sifflements d’avertissements au silence par les hommes les plus éloignés de l’agitation des warjacks.
« Tu as entendu ça ? » demanda Morris.
Dawson ferma les yeux pour mieux écouter. « Je pense que c’est juste les arbres. Il se retourna lorsqu’il aperçut un mouvement inattendu du coin de l’œil. « Attention Burns ! »
Foyle trébucha en avant. Son ombre se profila au-dessus de Burns tandis que le Rapace s’inclinait vers lui, levant sa longue lance paralysante dans une désespérée tentative de se rattraper.
Burns se retourna, les yeux écarquillés par le danger. Il commença à bouger, mais la boue l’enserrant le retint.
Sam se précipita vers lui, bondissant pour plaquer le grand homme de tout son poids. Même si elle ne faisait que la moitié de sa taille, elle le frappa avec le bon angle pour l’écarter de la trajectoire du warjack. Ils plongèrent dans le bourbier. L’instant d’après, Foyle s’abattait à côté d’eux, éclaboussant tous ceux que se trouvaient à moins de six mètres.
L’eau du marais siffla lorsqu’elle toucha la fournaise sur le dos de Foyle. Le warjack toussa lorsque atteignit son moteur.
Sam émergea la première, crachotant. « Foyle, stabilise-toi ! Accroche-toi ! »
Le Rapace sortit sa lance paralysante et planta sa crosse dans le sol. Il fit de même avec son bras-bouclier, poussant sur le côté tout en tirant son arme vers l’avant. Ses pistons s’élancèrent et se bloquèrent, ses engrenages sous pression.
Burns se leva et se déplaça pour pousser le warjack par-derrière. Tous les hommes à proximités se mirent en position pour l’aider dans ses efforts. Morris posa une main trop près de la fournaise, criant alors que le métal chauffé au rouge brûla sa paume à travers son gant de cuir.
Lister poussa une litanie d’obscénités dans un mélange d’ordique, de cygnaréen et de caspien à une vitesse folle. Les yeux de Dawson s’écarquillèrent, mais personne d’autre n’esquissa le moindre sourire.
Sous la direction de Sam, les hommes poussèrent au rythme des propres efforts de Foyle pour sortir de l’entonnoir. Alors que l’alarme s’estompait, leurs efforts se coordonnèrent. Malgré tous leurs efforts, le résultat demeura le même : Foyle était coincé.
« Très bien, Cerbères, reculons », dit Sam. Les hommes reculèrent avec précaution tandis que Foyle chancelait et s’immobilisait.
Sam remonta ses lunettes sur son front et s’essuya les yeux d’un revers de main. « Cela demande un peu plus de réflexion. En attendant, il ne faut pas baisser la garde. Crawley ? »
Le sergent assigna deux unités à la garde tandis que les autres se mettaient à l’aise, attendant de nouvelles instructions.
« Comment est-ce arrivé ? » demanda Lister. Il paralysa Burns d’un regard. « Tu as posé le pied sur ce trou ! »
« Je ne sais pas, lieutenant. Je n’ai rien senti ».
« Dit l’actrice à l’Exarque » ajoute Lisse, souriant et en cherchant l’approbation autour de lui. N’en voyant aucune, il leva ses mains vides tel un acteur s’excusant auprès du public. Il s’éloigna d’un projecteur imaginaire.
« Ow ! Fils de- » Lise s’éloigna d’un point près du genou gauche de Foyle. En Sifflant, il leva la jambe. Du sang coulait d’une plaie située sur son mollet, juste sous le pli du genou. Il la serra fort.
« Attrapez-le », dit Lister. Il saisit Lisse sous les bras. Burns et Harrow prirent ses jambes, d’un pas rapide et court, ils emportèrent le grand homme jusqu’au chariot le plus proche. Un autre Cerbère baissa le hayon, et ils posèrent Lisse dessus.
Lister déchira la déchirure de la jambe de pantalon de Lisse et pressa ses mains contre la blessure. Du sang coula entre ses doigts. « C’est une sacrée coupure ».
« Je l’ai à peine touché », dit Lisse.
« Alors, c’est tranchant comme la rancune ».
L’un des conducteurs était déjà sur place avec de l’eau, des chiffons propres et des bandages. Il nettoya la plaie avec de l’eau fraîche, l’épongea avec un chiffon propre et saupoudra la plaie d’une poudre coagulante. Une fois qu’ils eurent maîtrisé le saignement, Fleming sortit le kit de suture et enfila une aiguille incurvée.
Tandis que Fleming recousait la blessure de Lisse, Lister se dirigea vers Foyle, mâchonnant son cigare.
« Regardez », dit Sam. Elle pointa du doigt Dawson, Morris et Harrow qui sortaient avec précaution un objet pointu hors de l’eau.
C’était un disque d’acier bleui de près de soixante centimètres de diamètre. Son pourtour extérieur était hérissé de dents. Les mauvaises herbes du marais s’accrochaient à un trou en son centre.
« Vous voyez », dit Burns. « Ce n’était pas de ma faute. Cette chose devait être coincée dans le trou et les mauvaises herbes ou quelque chose comme ça. Quand Foyle a marché dessus, son poids l’a fait basculer ».
« Quelque chose me dit que ça ne vient pas d’un laborjack » dit Morris. « D’ailleurs, nous aurions remarqué quelque chose si quelqu’un avait scié des arbres à proximités ».
« Non », dit Dawson. « Cette lame n’a pas été conçue pour couper du bois. Les dents ne sont pas bonnes, les creux trop peu profonds. Il n’y a pratiquement pas d’avoyage. L’acier doit être incroyablement solide. Et regardez cette lancette ! ». Il regardait la lame avec admiration jusqu’à ce qu’il se rende compte que tout le monde l’observait.
« Lister enleva son cigare. « Tu parles quelle langue, Dawson ? »
« Désolé, monsieur. Je suppose que le jargon des bûcherons semble étrange pour les autres ».
« Tu as grandi dans une scierie ? »
« Pas exactement », répondit-il. « Mais j’ai travaillé avec mon oncle à la scierie du village jusqu’à ce que mon frère soit assez grand pour prendre ma place et que je quitte la maison pour rejoindre l’Ordique- »
« Je suis sûr que c’est une histoire très touchante », reprit Lister, « mais ma question est la suivante : tu t’y connais en scies ? »
« Oui, monsieur ».
« Que peux-tu me dire d’autre sur celle-ci ? »
« Eh bien, il n’y a pas beaucoup d’usure près du moyeu. Ce trou sert à son soutien, mais pas à la faire tourner régulièrement. Mais il y a une éraflure près du centre. On l’a fait tourner au moins brièvement, mais ensuite… Je ne sais pas. On dirait qu’elle a été sortie de son étau ».
« C’est soit cette lame, soit une lame similaire qui a coupé ce bonejack », dit Sam « Ça te semble juste, Dawson ? »
« Oui’s. Ces dents sont conçues pour couper le métal, pas le bois. Bien sûr, si on les fait tourner assez vite, elles couperont le bois aussi… ou presque n’importe quoi d’autre ».
Burns prononça les paroles. « Chasse au dragon ». Lister lui lança un regard noir.
Sam se frotta la nuque. « Cela devient de plus en plus excitant. Bien, que quelqu’un m’amène Crawley. Je veux qu’il voie ça. Lister, demande aux conducteurs d’apporter le treuil. Foyle doit être debout dans l’heure. Et Dawson ? »
« Oui, capitaine ? »
« Beau travail ».
« Mais j’ai seulement- » Dawson ferma sa bouche. « Oui’s ».
Sam lui sourit, lui fit un clin d’oeil et s’éloigna.
* * *