« Par le fond, six brasses ». Le chien de mer perché sur le vibord récupère sa ligne de sonde et la lance à nouveau pour un autre sondage. Les nerfs chantaient comme des cordes de harpes sur la dunette du
Talion, tous les yeux s’efforçant de percer la pénombre, chaque oreille attentive à l’appel des sondeurs et des guetteurs. Les austères squelettes des navires échoués ternissaient un horizon pourtant immaculé. Au sud, les brisants rugissaient sur le récif extérieur, une ligne blanche dans le crépuscule. Le ciel était peint de mille nuances de pourpre, mais personne ne levait les yeux pour admirer le merveilleux tableau. Par-dessus le flanc du navire, ils regardaient tous les eaux peu profondes – et les zones encore moins profondes à peine un jet de pierre des deux côtés.
« Très lentement et enroulez l’hunier », ordonna Shae.
« Très lentement, oui ». Hawk actionna le levier de signalisation pour transmettre l’ordre à la salle des machines. La cloche sonna tandis que Corcorian répondait d’en bas, et le levier de réponse se déplaça vers très lentement sur la roue à aubes de bâbord. Les aubes tribord restèrent immobile.
« Enroulez les huniers ! » Hurla Grogspar, et les gabiers frappèrent et tirèrent sur la toile.
Le
Talion ralentit.
« À la marque, cinq brasses », annonça la sondeuse.
Chargé comme il était, il tirait trois brasses, pensa Shae. Il inspira et expira lentement. Le Talion avait un tirant d’eau plus faible que la plupart des navires de sa classe, mais même ainsi, naviguer dans des hauts-fonds non répertoriés rendrait n’importe quel marins nerveux. À cette allure, s’échouer ne serait pas catastrophique, mais le corail était une barrière impitoyable. Les carcasses des autres navires éventrés par les récifs tranchants comme des lames de rasoir gisaient tout autour.
Jusqu’ici, tout va bien.
« Récif à fleur d’eau à trente verges de la proue tribord ! » annonça la vigie à l’avant du navire.
« Barre à bâbord de deux degrés », ordonna Shae.
Le
Talion barra à bâbord et avançait à peine à un nœud. Le Cimetière avait mérité son surnom en semant la mort et la destruction à toute une génération de navires marchands. Plus d’une vingtaine de navires échoués dressaient leurs mâts dénudés vers le ciel magnifique, un bosquet d’arbres morts en hiver sur fond cramoisi.
Leur objectif se profilait à l’horizon – un cygnaréen de premier rang s’était échoué sur un récif il y a longtemps, probablement par gros temps. Shae avait repéré cette «épave à travers une longue-vue lors de leur passage vers le sud et avait remarqué la taille du navire. Même si la mer faisait son œuvre, la rouille et la pourriture le réduisant lentement, ce qui s’élevait restait du navire s’élevait encore à trois fois la hauteur du pont du Talion, et ses quatre mâts s’élevaient moitié plus haut que les leurs. Il espérait maintenant que l’épave en décomposition les dissimulerait.
« Profondeur, quatre et demi ! » annonça la sondeuse.
« Ferle tout sauf la misaine et l’artimon, Grogspar. Hawk stoppe complètement le moteur. Nous allons laisser la brise nous porter, puis nous stopperons et nous mettrons à couple ».
« Oui, monsieur ». Hawk transmis les ordres et toutes les voiles du Talion sauf deux, disparurent.
« C’est vraiment dommage qu’il soit détruit. Rockbottom regardait le navire de premier rang délabré. « Tu ne penses pas qu’ils ont laissé quelque chose derrière eux, n’est-ce pas ? »
« Il y a peut-être une ou deux babioles, Joln, mais nous ne pouvons pas embarquer encore plus de trésors sans sombrer nous-mêmes ».
« Non, mais si sa cale est pleine d’or . . . »
« Il serait sous trois brasses d’eau et recouvert d’un mètre cinquante de corail », répliqua Shae. « Il faudrait une semaine pour effectuer une récupération adéquate. Barre à gauche, deux degrés ».
« Oui, monsieur ».
« Il est probable qu’il n’y ait rien d’autre dans sa cale que de la pourriture et des fantômes ». Walls fit de vieux geste de marins pour éloigner le mauvais sort. « Pas de chance, je monte à bord d’une épave ».
« Préparez les grappins bâbord ! » Ordonna Shae. « Ferle tout, Grogspar ! Recule d’un tiers sur la roue bâbord, Hawk ».
Le
Talion s’arrêta dans une position parfaite et Shae remercia sa chance surnaturelle que la marée soit étale. Les courants de marée s’engouffraient dans les étroits canaux du Cimetière, rendant la navigation encore plus difficile. À présent, ils s’installèrent à côté du grand navire mourant sans trop de difficulté. Les lignes de grappin s’élancèrent et s’entrechoquèrent sur le fer rouillé.
« Aussi serré qu’une punaise dans une maison de passe à Cinq-Doigts », prononça Walls avec un sourire béants. Stubs leva les yeux vers l’imposant gréement de l’épave comme pour évaluer son aptitude à l’escalader. « C’est vraiment génial, capitaine. Les bougres ne nous repérons jamais ici.
« Nous verrons bien » . Shae leva les yeux. Les mâts de l’épave étaient inclinés d’environ vingt degrés, alors que les leurs étaient droits. « La barre à bâbord, Walls. Déplacez la cargaison et faites passez des lignes de carénages depuis tribord jusqu’au côté bâbord de l’épave. Nous devons correspondre au gîte ».
« Oui, monsieur ».
« Grogspar ! Donnons à notre gréement un aspect endommagé Déchire de la vieille toile et suspend-la aux vergues, et on doit paraître en panne sous tous les angles ».
« J’ai passé chaque minute de ma vie à faire en sorte qu’il soit en bon état, et maintenant, je suis censé lui donné l’air d’une épave ». Grogspar agita le tuyau de sa pipe , cracha et s’en alla faire ce qu’on lui demandait. Le trollkin pouvait bien râler, mais Shae savait qu’il pouvait compter sur lui lorsque les choses devenaient sérieuses.
« Hawk . . . » Il s’arrêta et cligna des yeux devant le regard qu’elle lui lançait. Sa précédente crise l’avait-elle bouleversée à ce point ? Mais non, il n’y avait pas de venin dans ses yeux. Son expression lui parut mi-approbation à contrecoeur, mi-inquiétude. « Qu’est-ce qui ne va pas ? »
« Rien du tout, capitaine ». Elle haussa les épaule et l’inquiétude disparut de ses yeux. « J’espère juste que les mercariens vont gober le tour ».
« Veillons à ce qu’ils le fassent. Poste quelqu’un avec des yeux perçants tout en haut. Grog et repas froid pour le quart de repos, et envoies coucher tous ce qui ne travaillent sur les réparations. Pas de bruit, pas de lumière visible et pas de fumée ».
« Oui, monsieur ». Elle partit transmettre les ordres, efficace et calme comme toujours.
Cinq minutes plus tard, alors que Shae arpentait la dunette, scrutant l’horizon sud qui s’assombrissait à la recherche de leurs poursuivants, l’ingénieur en chef Corcorian montait les marches et lui faisait face, un regard meurtrier sur son visage taché de graisse et de suie.
« Capitaine ! Hawk vient de me dire qu’il n’y aurait ni fumée ni bruit ce soir ».
« Oui, ce sont mes ordres ».
« Eh bien, pardonnez-moi de vous le demander, monsieur, mais comment suis-je censé réparer ce carter de roue défectueux si je ne peux pas faire fonctionner une forge ou le mettre en forme ? »
« Dans environ deux heures, ces deux chasseurs de pirates seront à quelques miles, Quinn. S’ils voient de la fumée ou t’entendent frapper, toute cette ruse ne servira à rien. Ils jetteront l’ancre sur le récif et nous réduiront en miettes ».
« Je comprends, monsieur, mais . . . bon sang ! Je ne peux pas forger du fer froid à main nues ! »
« Officier de pont ! » cria le guetteur. « Des flèches en vue au sud ».
Shae pencha la tête en direction du guetteur. « Je vous donne jusqu’à ce que les deux coques soient visibles, Quinn, mais réduis la fumée au minimum ». Il évalua les distances et haussa les épaules. «
Peut-être deux heures, puis tout sera silencieux. Tu m’as compris ? »
« Je vous ai compris, capitaine ». Quinn serra ses poings le long de son corps. « Je ferai ce que je peux, mais je ne peux pas promettre que cette roue tournera vraiment d’ici demain ».
« Utilise Bottes et les Boucaniers pour le gros du travail, mais garde leurs feux aussi bas que possible. Cela devrait te donner un peu de force brute ».
« Oui . . . » Quinn haussa un sourcil optimiste. « Oui, ça pourrait faire l’affaire. Je ferai de mon mieux, monsieur ».
« C’est tout ce que je peux demander ».
Shae congédia Quinn d’un signe de tête et scruta à nouveau l’horizon à l’aide de sa longue-vue. Dans la lumière déclinante, il pouvait tout juste distinguer les mouchetures blanches des huniers des deux navires. Il les regarda longtemps s’approcher, écoutant le grondement du ressac et le martèlement du plus profonde du navire alors que Quinn travaillait frénétiquement sur la roue à aubes. Les étoiles s’animèrent une à une au-dessus d’eux, jusqu’à ce que finalement, dans l’obscurité totale, Shae entende l’appel du guetteur.
« Pont en approche ! Des lumières arrivent par le sud. Coque haute ! »
Shae grimpa jusqu’au sommet de l’artimon et repéra rapidement les feux des deux navires. Ils viraient de bord sous son regard, comme des requins à la recherche d’une proie. Ils ne se dirigeaient pas vers la passe à l’est comme il l’avait espéré.
« Merde ! »
Généralement, les navires arrivant trop tard pour traverser le Cimetière en plein jour s’ancraient à l’embouchure du passage ou mouillaient au haute mer pour attendre l’aube. Shae avait espéré que les mercariens penseraient qu’il avait traversé le passage et qu’il avait jeté l’ancre lorsque la lumière avait fini par disparaître. En fait, il aurait pu faire exactement cela s’il avait eu une avance légèrement plus grande. Les chasseurs de pirates savaient qu’il avait été ralenti par sa roue à aubes endommagée ou pensaient qu’il se cachaient quelque part dans l’espoir de revenir sur sa route une fois qu’ils seraient passés. Shae ne doutait guère qu’ils passeraient la nuit et l’attendraient au matin.
Le capitaine du
Talion replia sa longue-vue, descendit sur le pont et ordonna à l’équipage de quart de faire passer le mot pour que tout soit calme. Il avait du pain sur la planche s’il voulait survivre le lendemain.
Il pénétra dans sa cabine et grimaça à nouveau devant les dégâts. La grande cabine du Talion, avec son gracieux arc de fenêtres de la galerie arrière, ses belles boiseries et ses cuivres étincelants dans tous les coins et recoins, avait été son foyer pendant des années. Deux boulets de canons de vingt-quatre livres avaient envahi ce foyer comme deux vandales. L’un deux avait cisaillé un pied de sa table à manger et réduits l’une de ses chaises ornées à l’état de copeaux avant de continuer en défoncer la cloison avant. L’autre avait détruit l’un de ses plus précieux chronomètres, un coffre contenant ses plus belles pièces d’orfèvrerie et six bouteilles de vin llaelais se trouvant dans le casier à côté de sa bibliothèque. Ses chiens de mer avaient fait le ménage, clouant des planches sur les trous et balayant les échardes et les bris de verre, mais le mal était fait.
D’une manière ou d’une autre, après toutes les épreuves de la journée, la destructions de ces quelques viens personnels lui avait fait l’effet d’une gifle. Il jeta sa veste et s’assit à la table à cartes. Quelqu’un avait préparé un dîner froid et une bouteille de vin, mais l’idée de manger lui retournait l’estomac. Au lieu de cela, il ouvrit le journal le journal de bord du navire et se força à consigner en détail les événements de la journée. En parcourant les rapports de Walls, Doc et Hawk, il nota chaque mort et chaque blessé. Chaque nom qu’il écrivait, chaque mort, c’était comme un coup de couteau supplémentaire. Lorsqu’il eut terminé, il ferma le livre et arracha le bouchon de la bouteille de vin. Il reconnut l’étiquette de la bouteille, elle provenait d’un vignoble situé au nord-ouest de Mercir, non loin des domaines de sa famille – ou de ce qui avait été les domaines de sa famille.
La ligue avait ruiné les finances de la famille, et les accusations calomnieuses selon lesquelles son père avait engendré un traître et un criminel avait été trop fortes pour l’homme. Le jour où il avait apprit la mort de son père, Shae était toujours en fuite, acceptant n’importe quel travail de mercenaires se présentant à lui, se battant juste pour nourrir son équipage. Les lettres délirantes de sa mère alors qu’elle sombrait dans la folie avaient presque détruit sa détermination, mais pas tout à fait. Il avait rassemblé assez d’argent pour acheter le
Talion et enfin offrir une meilleure existence à l’équipage, du moins au quotidien.
Il se demanda si la Ligue cesserait un jour de le pourchasser. Il leur avait fait payer cher la destruction de sa famille, les calomnies et la ruine de tous ceux qui avaient été associés à la mutinerie de l’
Exeter. Le journal de bord sous sa main ressemblait à une vendetta personnelle.
Il serra et ouvrit sa main gauche, et baissa les yeux vers l’endroit où il avait senti le dernier battement de coeur de Sartori à travers le manche de la dague.
« Il n’y a pas de retour en arrière possible », dit-il à voix haute. Ces paroles firent renaître le dernier regard du chien de mer, sa détermination face à la mort. « Il n’y a rien d’autre à faire que de riposter . . . » Un élan de sa vieille détermination, son désir de vengeance transpercèrent la brume de son humeur. Il se versa un verre de vin et but, savourant la saveur enivrante et la bouffé de chaleur qui picota ses doigts et ses orteils ».
Mais comment ?Il se versa un autre verre de vin et analysa la carte du Cimetière, une copie des originaux de Rutter qu’il avait complétés pendant leur voyage vers le sud. S’il pouvait emprunter un passage ou une passes que ses poursuivants ne pourraient pas emprunter, il pourrait les attirer sur un récif. Le Talion avait un tirant d’eau inférieur à celui du
Rasoir d’une demi-brasse. S’il parvenait à immobiliser l’un des chasseurs pirates à marée descendante, il pourrait se mettre hors de portée et le tailler en pièce avec le Commodore. Malheureusement, le second navire ne resterait pas inactif pendant qu’il décimerait l’autre, et les attirer tous les deux sur un récif semblait impossible.
Gorafalo était un lâche qu’il pouvait battre dans un combat loyal, mais il se ferait battre comme il l’avait été aujourd’hui. Avec le
Talion si endommagé, il doutait de pouvoir affronter le Tempête et s’en sortit vivant. Et il y avait cette maudite tireuse embusquée, la Faiseuse de Fantôme, à considérer. Était-elle sur le
Rasoir ou sur le
Tempête, Il savait qu’il pouvait tenir à l’assassine en tête-à-tête, mais diriger un engagement contre un navire, gérer ses warjacks et protéger son navire et son équipage nécessiterait toute son attention et son énergie arcanique. Cela ne laissait pas grand-chose pour sa défense personnelle. S’il ne pouvait pas renforcer son champ d’énergie ou lancer des sorts de dissimulation, il doutait qu’il puisse résister aux tirs punitifs de son fusil lourd.
Pas d’issue . . . Il sentit ses pensées repartir vers la culpabilité.
Pour se distraire, il sortit une feuille de parchemin blanc fin et commença à dessiner de mémoire la disposition des ponts du
Rasoir. Chaque détail des mois passés à bord lui revint en mémoire, et il ajouta de plus en plus d’éléments à son dessin avec une méticuleuse précision. La dunette, le pont intermédiaire, le pont-batterie, les cabines arrières, les cales à marchandises, les coffres à voiles et, au fond de ses sections arrière, en sécurité sous la ligne de flottaison, sous la boulangerie - la cuisine, la poudrière.
Il marmonna pour lui-même : « il va falloir l’assouplir pour- »
Un coup discret frappé à sa pote le sortit de sa rêverie.
« Qu’est-ce qu’il y a ? » Le ton de Shae fut juste assez dur pour exprimer qu’il n’était pas content d’être interrompu.
Le porte s’ouvrit. Hawk entra sans un mot et ferma doucement la porte derrière elle. Elle déboucla sa ceinture d’épée, les rangées de pièces d’or qu’elle y avait cousues tintèrent tandis qu’elle accrochait ses coutelas à la patère à côté de la porte.
Cela ne pouvait signifier qu’une seule chose, mais Shae se trouvait d’humeur trop sombre même pour cela.
« Je ne t’empêcherai pas de réfléchir. Je voulais juste m’assurer que tu avais les idées claires ». Hawk lui lança à nouveau ce regard, mi-inquiet, mi-approbateur. « Tu avais raison de le cacher dans le Cimetière. C’est parfait ».
« Merci ». Il souleva la bouteille de vin et l’inclina vers elle. « Je te serre un verre ? »
« Non merci ». Elle fit un signe de tête aux papiers devant lui. « Comme se déroule le plan ? »
« Je n’y suis pas encore, mais j’y travaille ».
« Bien ». Elle fit le tour de l’immense cabine, observant les meubles cassés et le casier à vin abîmé. « J’aime ce que tu as fait de cet endroit ». Elle déboutonna le revers d’un gant haut et commença a tirer sur les doigts. « Il dit : ‘Embrasse mon cul rouge et rose !’ sur le ton qui
convient ». Elle réussit à faire glisser le gant sur l’une des chaises de la salle à manger, puis commença à s’occuper de l’autre.
« Vraiment, Hawk, je ne suis pas d’humeur ». Il se leva de la table à carte, se versa un autre verre de vin et désigna ses dessins. « Je dois trouver un moyen de nous en sortir sans nous faire tuer ».
Elle libéra le gant droit et le plaça à côté de son jumeau. « Je vois ce que tu fais, Phinneus, et tu dois arrêter ». Les boucles en laiton retenant l’une de ses cuissardes s’ouvrirent sous ses doigts et elle s’assit.
« Arrêter d’essayer de trouver un moyen de nous en sortir ? »
« Non ». La cuissarde résista à ses efforts mais finit par céder. Alors qu’elle tombait au sol avec un bruit sourd, elle lui lança un regard égal. « Arrête de t’en vouloir à propos de ce qui s’est passé aujourd’hui, viens ici et aide-moi avec cette foutue autre cuissarde ».
« Me faire du mal ? » répéta-t-il incrédule. Comment pouvait-il cesser de s’en vouloir pour des choses dont il était responsable ? Son humeur s’enflamma. Il vida son verre et le posa soigneusement. « Tu veux que j’arrête de me soucier des hommes et des femmes qui sont sous mes ordres ? Que j’arrête de m’inquiéter que chacune de mes décisions puisse coûter des vies ? » Il s’approcha d’elle et se tint les mains sur les hanches. « Comment puis-je faire cela tout en restant un commandant efficace, Hawk ? »
Son second-capitaine souleva sa jambe galbée, posa la semelle de sa botte contre la poitrine de Shae et dit : « Tire ».
Il l’observa un instant, puis soupira et saisit fermement la botte.
« Je ne dis pas que tu devrais arrêter de t’en soucier, Phinneus. C’est ce qui fait de toi un bon capitaine. C’est ce qui a gagné ma confiance et conquis tout l’équipage ». Elle grimaça alors qu’il tirait, et la botte resta fermement en place. Un sourcil sombre s’arqua vers lui. « As-tu besoin de ton armure de warcaster pour faire ça correctement ? »
« Est ce que je . . . » Il rit et resserra sa prise.
« Ce que tu dois faire, Phinneus, c’est d’arrêter de penser que tout cela est en quelque sorte de ta faute ».
Il s’arrêta à mi-course. « Mais c’est ma faute. Si je n’avais pas cette prime sur ma tête- »
« Depuis l’
Exeter, chacun d’entre nous ici a sa tête mise à prix. La tienne est juste plus . . . impressionnante. Et qui a mis cette prime sur ta tête ? Toi ? »
« Bien sûr que non ! Ce trou du cul d’Etan Starke qui l’a fait. Tu le sais ».
« Oui, je le sais, mais tu semble l’avoir oublié. Rappelle-toi de la charte du
Talion. Nous jurons de nous venger de la Ligue Mercarienne, qui a injustement noirci nos noms et consacré sa trésorerie à notre ruine ». Elle passa les orteils de son pied non chaussé sous sa ceinture et lui adressa un carnassier.
« Je m’en souviens » . Il avait personnellement écrit ces mots.
Elle remua les orteils sous sa ceinture. « Alors, parle-moi de ton plan pour échapper à ces deux mercariens, et
tire ! »
La colère de Shae se dissipa. Elle avait raison, bien sûr Il s’en voulait de la mort de son équipage et de la ruine de sa famille, mais aucune de ces horreurs n’était arrivée à cause de ses actions. Il s’était mutiné contre un capitaine qui avait tenté de l’assassiner sans preuve ni provocation. Qu’état-il censé faire, demander pardon pour un crime qu’il n’avait pas commis ? Il avait déjà fait face à ces sentiments, ou pensait l’avoir fait. D’une manière ou d’une autre, il les laisserait s’accumuler à nouveau. Il regarda Hawk dans les yeux et pensa, Bon dieu, je déteste quand elle a raison.
« Je te parlerai de mon plan demain matin ». Il lui sourit, saisit fermement sa botte et posa un pied sur le bord de sa chaise.
Alors que Shae commençait à tirer, Hawk sortit son autre pied de sous sa ceinture, le posa sur sa poitrine et le poussa violemment. La botte se détacha d’un seul coup, et avec un pied sur la chaise, il tomba à la renverse sur le pont. Il atterri durement et la regarda fixement.
Elle lui lança un regard menaçant. « C’est du chantage, Phinneus ! »
Shae réalisa immédiatement son erreur. Hawk passait rarement toute la nuit dans sa cabine, préférant s’éclipser aux petites heures du matin. Plus d’une fois il lui avait demandé de rester, mais elle avait toujours refusé, prétextant qu’elle ne voulait que des rumeurs courent sur le navire. Visiblement, elle pensait qu’il essayait de faire pression sur elle pour qu’elle reste, mais ce n’était pas du tout son intention.
« Non ». Il considéra la botte qu’il tenait dans sa main et la jeta de côté. « Ce n’est pas du chantage. Comme je l’ai dit, je n’ai pas encore élaboré de plan magistral. Une fois que je l’aurai -
demain matin - je te le dirai,
ainsi qu’au reste des officiers ».
« Oh ». Ses lèvres retrouvèrent leur ancien sourire. S’avançant, Hawk posa ses pieds de chaque côté de ses hanches. « Eh bien, alors peut-être que je peux stimuler ton imagination ». Ses doigts ouvrirent habilement chacun des fermoirs en forme de crâne doré retenant son corsage ajusté, et elle s’en débarrassa en haussa les épaules pour l’enlever.
Shae admira les délicieuses courbes de son torse nu à la lumière de la lampe et décidé qu’il était d’humeur après tout. « Oui, peut-être que tu y parviendras ».
Hawk lui adressa un sourire que peu d’autres avaient jamais vu et s’agenouilla. Shae découvrit que tous les soucis avaient disparu de son esprit troublé, son imagination – et bien plus encore – complètement stimulée.
* * *
Le coup violent porté sur la porte de sa cabine sortit Phinneus d’un profond sommeil. La lampe était éteinte et la lueur de l’aube commençait à peine à envahir la cabine à travers les fenêtres drapées de la galerie arrière. Il avait l’impression d’avoir dormi pendant un mois. Il s’étira, et sa deuxième surprise de la matinée s’agita contre lui. Hawk était allongée contre lui, leurs jambes entrelacées, sa tête sur son épaule, et sa main sur sa poitrine. Elle leva les yeux sur lui et lui sourit.
Elle était restée, pensa-t-il en lui rendant son sourire.
« Bonjour », murmura-t-elle, démêlant ses jambes des siennes et s’étirant sous le drap fin.
« Bonjour à toi ».
Un autre coup retentit, plus urgent cette fois.
« Capitaine ? » C’était la voix de Walls.
« Un instant ! » Shae glissa du lit, attrapa son pantalon et regarda autour de lui.
Le baudrier d’épée d’Hawk était toujours accroché à côté de la porte et ses vêtements étaient éparpillés sur les chaises. Il haussa un sourcil interrogateur. Il n’avait pas vraiment de moyen de cacher sa présence, mais elle s’efforçait de rester discrète lors de ses visites. Aucun des deux ne se faisait d’illusion sur le fait que leur relation était un secret de polichinelle pour l’équipage du Talion, mais que ce soit par respect pour eux ou par peur flagrante d’Hawk, pas une seule rumeur ou de blague obscène à propos du capitaine et du second-capitaine n’avait jamais été entendue à bord du bateau. Du moins, pas à la connaissance de Shae.
« Réponds ». Elle se glissa hors du lit et enroula le drap autour d’elle. « Walls est déjà au courant, et il se taira ».
« Sans aucun doute ». C’était ça ou Hawk allait lui en faire voir de toutes les couleurs. Il enfila son pantalon et entrouvrit la porte. « Oui, Walls?
« Nous avons besoin de vous sur le pont, capitaine ». L’unique œil valide du maître de quart passa par-dessus l’épale de Shae jusqu’au fourreau pendant seulement à trente centimètre de là, et il déglutit. Son omniprésent compagnon, Stubs, regarda Shae, les yeux écarquillés, un « Hoot-hoot » timide s’échappant de ses lèvres pincées. « Nous avons des problèmes ».
« J’arrive tout de suite ». Il commença à fermer la porte, puis se retourna et fixa son quartier maître d’un regard sévère. « Oh, et Walls . . . »
« Oui, monsieur ? » Walls croisa le regard de son capitaine sans broncher, mais le quartier maître était connu pour foncer dans un barrage de mitraille.
« Mieux vaut réveiller l’équipage tôt. Petit-déjeuner froid et abandonnez la routine matinale habituelle ». Il entendit le raclement d’une chaise derrière lui et jeta un coup d’oeil par-dessus son épaule pour remarquer qu’Hawk avait déjà enfilé ses jambières et était en train de tirer sur son corsage, dos à eux. Il se retourna vers Walls et garda un visage soigneusement neutre. « Nous n’aurons pas le temps de nettoyer les ponts ».
« À vos ordres ». Walls salua et s’éloigna. Stubs, quand à lui, poussa un hululement sonore et un cri déchirant avant que la porte ne se ferme.
Shae alla récupéré ses bottes, sa chemise et sa veste. Hawk avait fini avec les fermoirs de son corsage et s’assit sur une chaise, travaillant sur ses bottes hautes.
« Dommage ». Elle attacha une boucle et attrapa l’autre botte. « Quoi ? » Elle enfila une chemise et enfonça sa botte droite. L’autre s’était retrouvé d’une manière ou d’une autre sur la table à manger. Il se pencha devant elle et l’attrapa.
« Qu’on n’ait peu le temps de nettoyer les pots ce matin ». Elle se leva, enfonça son pied dans sa botte et lui fit e sourire carnassier.
« Je suis sûr que les ponts auront besoin d’être nettoyé après que nous nous soyons occupés du
Rasoir et du
Tempête ». Il la regarda un moment et sentit dans ses tripes un émoi au-delà de la simple attirance physique. L’étouffante culpabilité qui avait embrouillé ses pensées la nuit précédente avait disparue, et il avait dormi profondément, l’esprit apaisé. Elle avait raison. Il s’en voulait d’avoir vécu des événements qui avaient redéfini sa vie, des événements qu’il n’aurait pas pu éviter. Ce matin, il voyait clairement que chaque élément de leur dilemme. Il n’avait pas encore de plan précis, mais toutes les pièces étaient là, prêtes pour le premier mouvement. « Et merci, Hawk. Tu avais raison ».
« Bien sûr que j’avais raison ». Elle l’attrapa par le col de sa chemise et le poussa en avant, déposant un solide baiser sur sa bouche. « Maintenant, mettez-vous au travail, capitaine. Je vous verrai sur la dunette ».
« Sur la dunette ».
Elle jeta ses gants et ses épées sur son épaule et quitta la cabine avec un sourire.
Shae chassa son autre botte, enfila une veste, attacha Requin autour de sa taille et se dirigea vers le pont arrière, pensant qu’il était probablement le pirate le plus chanceux sur l’océan.
Les officiers du Talion étaient tous là. Corcorian arborait le seul sourire du groupe, ce qui était à la fois de bon et de mauvais augure.
« Quelles nouvelles, Quinn ? »
« La roue bâbord fonctionnera, monsieur ». Il essuya la crasse qui couvrait son visage De profondes rides de fatigues creusaient son front. Il était probablement resté debout toute la nuit pour effectuer les réparations. « Elle va grincer un peu, mais elle fonctionnera. Ce matin, nous travaillons sur le blindage, mais sans la forge pour chauffer les rivets, ce sera au mieux un travail bâclé ».
« Bon travail ». Il se tourna vers les autres officiers. « Alors, pourquoi ces visages de déterrés ? »
« Ils se sont séparés, monsieur ». Walls lui tendit une longue-vue. « Le
Tempête va vers l’est et le
Rasoir vers l’ouest. Ils avancent lentement, près des hauts-fonds. Ils doivent être à al recherche d’un passage à travers le récif extérieur ».
« Bien ! » Ignorant leurs regards incrédules, il prit un verre et monta les marches jusqu’à la dunette pour avoir une meilleure vue.
« Bien ? » Rockbottom le suivait, la jambe de bois du nain faisant son toc-toc sourd distinctif sur le bois. « Qu’y a-t-il de bon à ce que deux chasseurs de pirates manœuvrent pour nous attaquer de part et d’autre comme les mâchoires d’un foutu piège à ours ? »
« Ce qui est bien, c’est que c’est exactement ce que j’espérais qu’ils feraient ». Shae scruta l’horizon qui s’éclairait et sourit sinistrement. Le
Tempête, légèrement plus grand, se dirigeait vers le vent sous voiles d’étai et à la vapeur, tandis que le
Rasoir naviguait vers l’ouest, ses voiles réparées gonflées à bloc, bien qu’il lui en manquait encore un tiers. Il referma le longue-vue, la rendit à Walls et se dirigea vers la dunette. « Gardez un œil sur eux. Je veux être informé immédiatement si l’un ou l’autre vire vers le nord. Ils savent que nous sommes cachés quelque part ici », - il fit un large arc de cercle avec son bras, désignant les restes délabrés des dizaines d’épaves qui parsemaient le Cimetière - « mais ils ne savant pas exactement où. Ils vont s’éparpiller et viendront vers nous dans les deux directions, avec l’espoir de nous débusquer et de nous piéger entre eux ».
« Je ne vois toujours pas en quoi c’est une bonne chose ! » dit Rockbottom en lui emboîtant le pas.
« Diviser pour mieux régner, mon petit ami ». Haw lança au nain un regard calculateur.
« Exactement ! » dit Shae en lui adressant un sourire.
Evlyn Corcorian attendait Shae sur le pont arrière, un lourd sac de toile à ses côtés et ses outils prêts. Shae s’approcha et ôta sa veste, se tenant à la rambarde avant, à la vue de tous sur le pont. Evlyn lui adressa un sourire et commença à attacher ses jambières sans un mot.
« Alors, votre plan magistral . . . » Hawk s’appuya sur la rambarde et le regarda avec un air amusé.
« N’a jamais consisté à leur échapper ». Shae lança à ses officiers un regard dur et impitoyable. « J’ai l’intention d’exécuter les proclamations de la charte du Talion, de me venger de la Ligue Mercarienne, qui a injustement noirci nos noms et consacré son trésor à notre perte ! Ils ont imprudemment divisé leurs forces, et nous allons en profiter. Je connais le
Rasoir comme ma poche. C’est le moins fort des deux. Nous allons détruire ce navire, puis faire demi-tour et s’en prendre au
Tempête également ».
« Il était temps ! » Walls sortit dégaina deux de ses pistolets et actionna ses verrou pour vérifier leur leur charge. Stubs se balançait sur son épaule, souriant. « Dommage que votre second-capitaine insiste pour apporter des couteaux lors d’une fusillade ».
« Tu n’est pas lassé de te répéter ? » Hawk dégaina un de ses coutelas si vite que Shae vit à peine la lame briller avant que la pointe ne se retrouve juste sous le nez du quartier maître. Stubs regarda la lame et émit un « Eep ! » d’alarme, et se mordit la queue. « La meilleure chose à propos d’une épée, Walls, est que tu n’as jamais besoin de recharger ».
Ils rirent touts les deux de leur habituelle plaisanterie d’avant-combat et rangèrent leurs armes. Leur enthousiasme pour le sommaire plan de Shae n’était cependant pas partagé par tout le monde.
Joln Rockbottom se redressa pour lancer un regard noir au capitaine. « Qu’est ce qui te fait penser que nous pouvons si facilement détruire le
Rasoir ? Si nous nous faisons massacrer comme auparavant, nous ne serons pas à la hauteur du
Tempête ».
« Deux raisons : premièrement, comme je l’ai dit, je connais ce navire. Je sais exactement ou le frapper. Si nous plaçons un tir incendiaire du Commodore juste au bon endroit, nous toucherons sa poudrière ».
« Fils de . . . »
« Tout comme l’
Exeter ». Grogspar sourit derrière sa pipe.
« Oui, comme l’
Exeter, mais le
Rasoir est un navire beaucoup plus petit et un chasseur de pirates, pas un cargo. Il est surarmé, et quand son magasin explosera, ça ne le brisera pas seulement, - il explosera en deux. Avec le
Rasoir plus là, le commandant du
Tempête réfléchira à deux fois avant de nous engager. S’il le fait, nous aurons un combat difficile, mais ils n’ont pas de warcaster ! »
Evlyn place l’élément principal de son armure dans son dos. Une fois les sangles fixées, il alluma la chaudière. La turbine arcanique se mit à tourner, envoyant une vague d’énergie magique dans chaque jointure de l’armure, augmentant ainsi sa force.
Rockbottom plissa les yeux. « Tu es sûr qu’ils n’ont pas de warcaster ? »
« Je suis sûr ». Il accepta son canon à main d’Evlyn, vérifia le chargement et le rangea dans sa ceinture. « Même la Ligue Mercarienne ne peut se permettre d’avoir un warcaster parfaitement formé sur chaque navire mercenaire ».
« Mais tu as servi sur le
Rasoir », lui rappela le nain.
« Pour ma toute première mission, oui ». Shae eut un sourire dangereux. « S’ils m’opposent un novice, je lui apprendrai ce qu’est l’art du warcaster ».
« Et la Faiseuse de Fantômes ? As-tu pensé à un moyen de l’éliminer ? » Joln croisa les bras sur sa poitrine, la mine renfrognée.
« Franchement, non, mais nous avons une chance sur deux qu’elle soir à bord du
Rasoir. Si ce n’est pas le cas, je devrai m’occuper d’elle séparément ».
Rockbottom le regarda. « Elle a déjà tué au moins un warcaster, Phinneus. Tu devrais peut-être la prendre plus au sérieux ».
« J’ai un navire entier, sept warjacks, deux cent quarante-deux chiens de mer, quarante-et-un canons et un singe dont je dois m’occuper, Joln ». Stubs poussa un cri comme pour affirmer son inclusion dans les préoccupations du capitaine. « La Faiseuse de Fantômes n’aura qu’à faire la queue ».
« J’ai une question, monsieur ». Une Oreille Scoriani s’avança.
« Oui ? » Shae fit un signe de tête à son maître canonnier. « C’est le moment ».
« Comment peut-on mettre un incendiaire dans le poudrière du
Rasoir ? Même le Commodore ne transpercera pas autant de bois et de métal d’un seul coup, et la poudrière doit se trouver sous la ligne de flottaison, tout comme la nôtre ».
« Nous devons d’abord l’assouplir avec une bordée. Ensuite, nous abaisserons la bouche du Commodore pour tirer à un ange descendant depuis notre gaillard avant le plus élevé. C’est la que Quinn va vous aider ». Il fit un signe de tête confiant à l’ingénieur. « Tu penses pouvoir faire quelque chose pour mettre le Commodore en position ? »
« Si cela ne vous dérange pas de percer un trous dans notre propre pavois, monsieur ». Quinn fit un signe de tête vers l’avant. « Nous pouvons l’étayer, mais il lui faut une ligne de feu dégagée ».
« Fais-le. Et je vais demander à Bottes d’aider aussi. Il peut positionner le Commodore rapidement. Oh et Une Oreille, je te veux toi et tous tes capitaines d’armes en réunion, dans ma cabine. J’ai des croquis de la disposition du pont du
Rasoir et je veux vous montrer exactement où le frapper ».
« Oui, monsieur ! »
« Autre chose ? » demanda le capitaine en regardant autour de lui.
Il faudra quelques minutes pour redresser le gréement du Talion avant que nous puissions faire plus que tourner en rond ». Grogspar s’inquiéta du tuyau de sa pipe, soufflant des nuages nocifs de fumée bleue.
« Attendez qu’ils soient à bonne distance. Je ne veux pas qu’il nous repèrent avant que ce soit fait ».
« Oui, monsieur ».
« D’autres questions ? » Son regard parcourut la dunette mais ne rencontra que le silence et une ferme détermination. « Bien. Je sais que nous n’avons que du porc salé froid, du fromage dur et des biscuit de mer, mais prenez un copieux petit-déjeuner avant de vous occuper tous de vos tâches. Après avoir rencontré les capitaines d’armes, je vais rendre visite à Doc et voir comment vont nos patients fiévreux.
* * *