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Messages - elric

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Bonne lecture  :)

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À PROPOS DE L’AUTEUR

Écrivain marin ou marin écrivain (il ne sait pas encore lequel des deux), Chris A. Jackson vit son rêve. Naviguant à plein temps depuis 2009, lui et sa femme partagent leur temps entre les croisières dans les Caraïbes et l’écriture de romans fantastiques. L’écriture de fantastique marins lui est venue naturellement, et ses roman Scimitar Seas ont remporté de nombreux prix ; en outre, son premier roman de Pathfinder Tales, Pirate’s Honor, a été très bien accueilli. Ses autres œuvres ont également attiré un nombre incroyable de fans : la Weapon of Flesh Trilogy est devenue un best-seller Kindle, suscitant un intérêt international pour l’œuvre de l’auteur. Sang et Fer est son premier ouvrage pour Privateer Press.

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GLOSSAIRE

En l’air : Nautique. Dans le gréement supérieur d’un voilier.

Turbine arcanique : Un générateur alimenté au charbon très efficace et avancé qui transforme l’énergie produite par un moteur à vapeur en énergie arcanique. Les turbine arcaniques utilisées dans les armures de warcaster sont conçues pour exploiter et transformer l’énergie magique latente d’un warcaster en un champ de protection. Une turbine opérationnelle atténue aussi partiellement le poids de l’armure du warcaster et peut amplifier la force des bras et des jambes.

Lunette arcanomékanique : Une lunette de visée mékanique qui permet à son utilisateur de percer la dissimulation magique et de repérer plus facilement les cibles qui se cachent tant qu’elles sont partiellement visibles.

Ascendant : L’un des onze saints ayant suivi les pas de Morrow et se sont élevés pour servir sa foi en tant que guides de l’illumination. Les ascendants sont souvent choisis comme patrons par les adorateurs de Morrow.

Vers l’arrière : Nautique. Derrière ou à l’arrière d’un navire.

Cesse l’effort : Nautique. Arrêter, ou arrêter une action.

Amarrer : Nautique. Attacher ou sécuriser avec un bout, ou cessez, souvent employé comme un ordre.

Berck : La ville la plus grande et la plus riche d’Ord, port d’attache de la Marine Royale Ordique et de la Maison Mateu.

Coeiliaque : Nécroserf cryxien capable de stocker un volume d’acide hautement corrosif dans ses organes internes, puis de le pulvériser à l’aide d’un vomisseur ou de purger l’ensemble de sa charge dans une explosion autodestructrice unique pouvant frapper tout ce qui se trouve à proximité.

Cale : Nautique. Point le plus bas à l’intérieur de la coque d’un navire, où s’accumulent au fil du temps les eaux sales.

Bôme : Nautique. Espar robuste s’étendant d’un mât sur le bord inférieur d’une voile aurique triangulaire ou quadrilatère.

Chaise de calfat : Nautique. Siège composé d’une planche suspendue à des cordes et utilisées par ceux qui travaillent à l’extérieur d’un navire.

Bottomton : Ville insulaire et refuge de contrebandier sur le Meredius, fondée par un pirate rhulique en exil nommé Joln Rockbottom, qui lui a donné son nom. Bien que la ville n’ait pas de gouvernement officiel, Rockbottom est considéré comme son bourgmestre de fait.

Beaupré : Nautique. Un grand mât ou un espar dépassant de l’avant (la poupe) d’un navire.

Bastaque : Nautique. Sur un navire à gréement, bout sur lequel une verge pivote et fixée horizontalement.

Boucanier : Warjack léger ordique conçu pour demeurer agile et stable même lorsqu’il se déplace sur les ponts des navires et est généralement armé d’une filet et d’une gaffe. Entré en service en 584 AR.

Pavois : Nautique. Muraille solide au dessus du niveau du pont d’un navire utilisé à des fins de protection.

Caen : Nom du monde contenant les Royaumes d’Acier, Immoren, Zu, etc. On oppose parfois le monde matériel au monde spirituel d’Urcaen.

Cabestan : Nautique. Guindeau pour enrouler des bouts, des câbles, etc. Un cabestan peut être tourné à la main ou à l’aide de machines, selon le navire.

Caréner : Nautique. Faire incliner un navire sur un côté.

Carre Dova : Ville portuaire ordique, située sur la rive septentrionale de la Baie de la Pierre et réputée pour ses charpentiers navals qualifiés.

Baie-des-Horlogers : Ville portuaire située à l’embouchure du Fleuve Murkham, sur le Golfe de Cygnar, réputée pour être un havre de paix pour les crapules et les corsaires. C’est aussi un centre de commerce légitime comprenant plusieurs ateliers d’usinage, charpentiers navals et armuriers de renom.

Cortex : Dispositif mékanique hautement arcanique conférant au steamjack son intelligence limitée. Avec le temps, les cortexes peuvent apprendre de leur expériences et développer des traits de caractères. Les cortexes sont généralement installés à l’intérieur de la partie centrale du torse d’un steamjack, où leur délicats rouages sont bien protégés.

Courses : Les basses voiles d’un navire entièrement enverguées en aurique.

Patron : Nautique. La personne qui dirige un navire et est responsable à la fois du bateau et de son équipage.

Nid de pie : Nautique. Plate-forme en tête ou près de la tête d’un mât, utilisé pour la vigie.

Cryx : Royaume insulaire de nécromanciens, de morts-vivants et de pirates au large de la côte sud-ouest d’Immoren ; également connu sous le nom d’Empire du Cauchemar. Cryx et son dirigeant, Toruk le Père des Dragons, n’ont aucun problème à sacrifier leurs soldats au cours d’une bataille pour remporter une plus grande victoire ailleurs.

Cygnar : Le royaume sur la côte méridionale au sud d’Ord et réputé pour son long littoral. Le Cygnar est considéré comme le plus prospère et technologiquement avancé des Royaumes d’Acier et est le lieu de fondation et le siège de l’Église de Morrow.

Cap-de-mouton : Nautique. Un disque en bois dur comportant un ou plusieurs trous à travers lesquels passe un cordage. Les caps-de-mouton sont souvent utilisés étarquer les haubans et les voiles.

Dragon : Créatures immortelles et non naturelles engendrées par le Seigneur Toruk, le premier et le plus grand d’entre eux. Les dragons sont hostiles les uns envers les autres, et en particulier envers leur géniteur, et s’intéressent rarement aux affaires des êtres inférieurs.

Exeter : Un navire marchand de la Ligue Mercarienne détruit lors d’une mutinerie contre le Capitaine Fargen en 601 AR. Après la destruction de l’Exeter, l’équipage survivant a rejoint le warcaster mutin Phinneus Shae pour former l’équipage pirate du navire Talion.

Violon de table : Nautique. Une petite rambarde autour d’une table ou d’une cuisinière pour empêcher la vaisselle et d’autres objets de glisser par mauvais temps.

Cinq-Doigts : Ville portuaire ordique connue pour ses jeux d’argent, ses gangs criminels et son commerce de contrebande, également sous le nom de « Port de l Tromperie ». La ville se situe à l’embouchure du Fleuve de la Langue du Dragon dans la Baie de Pierre, où le fleuve se divise est en cinq canaux, ou doigts, par des îles.

Clinfoc : Nautique. L’une des nombreuses voiles triangulaires placées à l’avant d’un navire pour réduire les turbulences sur les grands-voiles.

Cadenes de Misaine : Nautique. Les cadenes situées à l’avant d’un navire.

Gaillard d’avant : Nautique. Le pont supérieur d’un navire en avant du mat de misaine.

Misaine : Nautique. La voile la plus basse du mât de misaine.

Soute avant : Nautique. Grand coffre ou pic à l’avant du bateau.

Franc-bord : Nautique. Hauteur de coque au dessus de la ligne de flottaison.

Flibustier : Variante courante du warjack Marinier, le warjack lourd construit par les cygnaréens est doté d’énormes pinces de chargement sur les deux bras. Il est entré en service en 594 AR.

gaffe : Nautique. Soit une perche avec un crochet employé pour attraper de gros poisson, soit une perche robuste s’élevant à l’arrière d’un mât pour soutenir la tête d’une voile aurique.

Ghrd : L’un des treize Pères Originels, les dieux des nains de Rhuls, Ghrd est le patron de la richesse.

Gobbers : Race de petite taille composée d’individus curieux, agiles et entreprenants qui se sont bien adaptées aux villes humaines. La plupart des gobber mesure environ nonante centimètres de haut. Les gobber sont connus pour avoir d’indéniables aptitudes pour les appareils mékaniques et l’alchimie.

Grog : Nautique. Mélange de rhum et d’eau parfois aromatisé avec du citron, du sucre et des épices.

Plat-bord : Nautique. Lisse extérieur du pont, recourant l’extrémité supérieure des membres et la virure supérieure.

Écubier : Nautique. Ouverture dans la proue pour faire passer une aussière ou un lourd cordage.

Aussière : Nautique. Lourd cordage utilisé pour l’amarrage ou le remorquage.

Cape : Nautique. Consiste à mettre la barre en dessous en mettant la trinquette à contre et en ayant la grande voile arisée.

Barre : Nautique. Pièce servant à gouverner un navire, généralement une roue ou une barre.

« Coque visible » : Nautique. Lorsque la coque d’un navire lointain est visible au-dessus de l’horizon.

Immoren : Continent comprenant les Royaumes d’Acier, Ios, Rhul, l’Empire Skorne et les terres les séparant. Une grande partie d’Immoren reste inexplorée et ses habitants n’ont eu que peu de contacts avec les autres continents.

Ios : Nation isolationniste située à l’est des Marches Sanglantes, Ios a été fondée bien avant les nations humaines par les survivants d’un empire détruit appelé Lyoss. Ios est habitée par une race elfique de longue date ayant subi un long et progressif déclin et faisant face maintenant à une catastrophe cosmologique imminente.

‘Jack : Voir steamjack.

Contrôleur : Personne ayant appris à donner des ordres verbaux précis à un steamjack  pour le diriger dans la conduite du travail ou de la bataille. Une compétence professionnelle très utile, bien que dépourvu de la polyvalence ou de la finesse offerte par le contrôle mental direct des steamjacks exercé par un warcaster.

Khador : Le plus septentrional et le plus grand des Royaumes d’Acier, s’étendant sur des vastes étendues de terres sauvages gelées. Son peuple est fier de ses traditions militaires et à une réputation d’expansionnisme agressif.

Konesta : l’unique ville du continent de Zu connue des habitants de l’Immoren occidental, un port par lequel transitent de limités mais lucratifs échanges commerciaux.

Barque : Nautique. Grande embarcation propulsée par des rames et généralement utilisée pour transporter des personnes du navire à la terre ferme.

Ligne de sonde : Nautique. Ligne utilisée pour faire descendre un plomb dans l’eau pour mesurer la profondeur, connue sous le nom de sondage.

Sous-le-vent : Nautique. Le côté d’un navire opposé au vent.

Guindant : Nautique. Soit le bord avant d’une voile aurique, soit l’action de diriger un voilier au plus près du vent ou directement face au vent, avec des voiles qui faseyent.

Marinier : Parmi les warjacks les plus lourds conçus pour la guerre nautique, le Marinier, construit par les cygnaréens, est capable de fonctionner pendant un court laps de temps en immersion totale. Il est armée d’un canon intégré sur son bras et tient généralement une ancre dans sa main. Il est entré en service en 590 AR.

Mékanique : Fusion de l’ingénierie mékanique et de la science des arcanes. Les armes et les outils mékaniques sont ceux qui utilisent des composant mékaniques pour accroître leur fonctions de base ou pour ajouter de nouvelles fonctionnalités.

Ligue Mercarienne : Consortium de marchands riche et politiquement influent dont le siège se trouve dans le ville cygnaréenne de Mercir, mais possédant des succursales au sein de nombreuses villes des Royaumes d’Acier et un avant-poste sur le continent de Zu. La Ligue Mercarienne possède sa propre flotte bien armée et ses propres mercenaires et est impliquée dans une guerre commerciale de longue date avec la Maison Mateu d’Ord. Elle possède un certain nombre de filiales.

Mercir : Ville côtière méridionale cygnaréenne, siège de la Ligue Mercarienne.

Artimon/mât d’artimon : Nautique. Le troisième mât à partir de l’avant d’un navire à trois mâts ou plus. Les forme abrégée est également utilisée pour désigner une voile, une vergue, une bôme ou un gréement appartenant au mât d’artimon.

Montador, Bartolo : Communément appelé « Bart Grosses-Bordées », le Capitaine Montador est un warcaster et un corsaire ordique, détenteur d’une lettre de marque signée par le Roi baird Cathor II, et commandant de l’un des navires les plus grands et les plus lourdement armés des mers.

Morrow : L’un des jumeaux, frère de Thamar, et un dieu autrefois mortel s’étant élevé à la divnité en atteignant l’illumination. Également connu sous le nom de Prophète, Morrow est un dieu bienveillant mettant l’accent sur le sacrifice personnel, les bonnes œuvres et un comportement honorable. La religion organisée de Morrow est la foi la plus répandue au sein des Royaumes d’Acier, la foi majoritaire en Cygnar, Khador, Llael et Ord. L’Église de Morrow possède une richesse et une influence considérable. Voir aussi Thamar.

ogrun : Race de grande taille et physiquement puissante, réputée pour sa grande force et son honneur. La plupart des ogrun sont des citoyens de la nation de Rhul, bien qu’ils puissent être trouvés dans les Royaumes d’Acier et le Cryx.

Ord : Petit royaume pauvre en ressources situé sur la côté occidentale entre le Khador et le Cygnar, respecté pour sa formidable marine. L’Ord s’est défendu contre les incursions khadoréennes avec plus ou moins de succès lors de plusieurs guerres frontalières depuis la création des Royaumes d’Acier. L’Ord est devenu un havre pour les compagnies de mercenaires profitant des guerres des autres nations.

Hale-dehors : Nautique. Cordage employé pour hisser une voile ou un étarque sur un bôme ou une vergue.

Câblot : Nautique. Bout utilisé pour attacher un bateau à un navire, un quai, etc.

Gaillard d’arrière : Nautique. Structure fermée à l’arrière d’un navire.

Enfléchure : Nautique. Petits cordages traversant horizontalement les haubans, créant ainsi une échelle pour monter dans la mâture.

Rhul : Nation naine du nord-est, bordant le Khador, le Llael et l’Ios. Les nains de Rhul, une race tenace et compétente commerçant depuis longtemps avec les nations humaines, sont appelés rhulfolk .Rhul abrite également une importante population d’ogrun s’étant pleinement intégrés à la culture rhulique.

Loxodromie : Nautique. Une ligne sur une sphère coupant tout les méridiens au même angle. C’est la trajectoire suivie par un navire suivant un cap constant.

Câble : Nautique. Cordage ancrant un navire.

Rover : L’un des premiers warjacks construits spécifiquement pour un emploi mercenaire, ce warjack lourd est armé d’une hache d’armes et d’un immense bouclier avec un bouclier canon intégré. Entré en service en 485 AR.

Plaque runique : Composant essentiel de la mékanique consistant en une plaque métallique spéciale gravée de glyphes arcaniques permanents conférant à l’objet des effets magiques spécifiques.

Routier : Nautique. Atlas descriptif donnant des directions de navigation et des cartes montrant les routes loxodromiques ainsi que l’emplacement des ports et de diverses caractéristiques côtières.

Légataire : Antithèse des ascendants de Morrow, les dix légataires de Thamar ont également transcendé la mortalité en suivant les enseignements de leur déesse et en cherchant leur propre voie vers l’illumination.

Dalot : Nautique. Drain au bord d’un pont pour permettre à l’eau de s’écouler dans la mer ou les cales.

Ancre flottante : Nautique. Dispositif en toile jeté par-dessus bord pour ralentir la dérive d’un navire.

Chien de mer : Terme autrefois adopté ou appliqué aux équipages hétéroclites de marins d’origines diverses que l’on trouve à bord des navires pirates et corsaires de la Côte Brisée. Bien que tous les chiens de mer ne soient pas des pirates, on pense généralement qu’ils le sont.

« Fin de branle-bas de combat » : Nautique. Ordre de faire cesser l’alerte à l’équipage et de remettre le navire en condition de fonctionnement normal.

Écoute : Nautique. Cordage pour régler une voile à livarde ; elle part également des coins inférieurs (points d’écoute) d’une voile à gréement carré.

Hauban : Nautique. Un certain nombre de cordes ou de câbles tendus convergeant des deux côtés sur la tête d’un mât inférieur ou supérieur ou sur l’extrémité extérieure d’un beaupré, pour le stabiliser contre le balancement latéral.

Étale de marée : Nautique. Période pendant laquelle l’eau est libre de courants de marée.

Espar : Nautique. Solide poteau tel que ceux utilisés pour les mâts.

Étai : Nautique. Cordage ou filin d’acier solide employé pour stabiliser les mâts.

Trinquette : Nautique. Toute voile montée sur un étai, généralement une voile triangulaire entre deux mâts gréée à l’avant et à l’arrière pour naviguer près du vent.

Steamjack : Automate mékanique à vapeur conçu dans une variété de configuration et de tailles, utilisé à la fois pour le travail et la guerre au sein des Royaumes d’Acier, Cryx et Rhul. Certaines machines appelées ainsi utilisent des sources d’énergie autres que la vapeur et ne sont donc pas techniquement des steamjack, mais sont toujours appelés ainsi par coutume.

Poupe : Nautique. La partie arrière d’un navire.

Château arrière : Nautique. Pont surélevé à la poupe d’un navire.

Académie Stratégique : La principale académie de formation militaire de Cygnar, avec des campus situés à Caspia et à Port Bourne. Elle est chargée de former les officiers militaires de toutes les branches et de la supervision de l’apprentissage des warcasters.

Couronnement : Nautique. Rambarde au-dessus de la poupe d’un navire.

Talion : La frégate pirate détenue et commandée par le Capitaine Shae, le Talion est doté de quarante canons de ponts, de trois imposants mâts et d’un puisant moteur à vapeur à double roues à aubes. Dans l’accord de charte, l’équipage d’origine du Talion s’est engagé à se soutenir mutuellement et à se venger de la Ligue Mercarienne.

Thamar : L’un des jumeaux, sœur de Morrow et déesse autrefois mortelle mais devenue divinité grâce à des études occultes. Également connue sous le nom de Soeur Sombre, Thamar est une déesse largement méprisée plaçant l’accent sur l’intérêt personnel, l’autonomie, les actes subversifs et la liberté des contraintes de la morale conventionnelle. Ses disciples, appelés thamarites, se réunissent en cultes secrets. Bien qu’aucune organisation cohérente ne relie ces groupes, ils existent dans tous les grands centres urbains des Royaumes d’Acier.

Tableau arrière : Nautique. Surface plane formant la poupe d’un navire, au-dessus de la ligne de flottaison.

Trollkin : Robuste race apparentée aux trolls pur-sang. Les trollkin vivent à la fois dans leurs propres communautés en marge de la civilisation et parmi les cités humaines. Parenté lointaine avec les trolls plus sauvages et monstrueux, les trollkin ont une apparence distincte avec une peau colorée, généralement de couleur bleue et des excroissances calcifiées semblables à de la roche sur diverses parties de leur corps. Ils possèdent une complexe et riche culture, y compris leur propre langue écrite. La plupart des trollkin vénèrent la déesse Dhunia.

Uiske : Liqueur caractéristique et puissante distillée à partie d’un moût de céréales fermentées. Il en existe de nombreuses variétés.

Urcaen : Mystérieux royaume cosmologique étant le pendant spirituel de Caen. La plupart des dieux y résident, et c’est également là que la plupart des âmes traversent l’au-delà. Urcean est divisé entre des domaines divins protégés et des étendues sauvages infernales parcourues par le Ver Dévoreur.

Warcaster : Arcaniste né avec la capacité naturelle de contrôler les steamjack avec leur esprit Avec une formation appropriée, le warcaster devient un atout militaire singulier et parmi les plus grands soldats de l’Immoren occidental, chargé de commander des dizaines de troupes et leur propre groupe de bataille de warjack sur le terrain. Acquérir et former des warcasters est une priorité pour toute force militaire employant des warjacks.

Warjack : Steamjack très avancé et bien armé créé ou modifié pour la guerre. Certains warjacks utilisent des sources d’énergie autre que la vapeur et ne sont pas techniquement des steamjacks, mais sont toujours désignés comme tels par coutume.

Virer lof pour lof : Nautique. Tourner un navire du côté opposé au vent.

Verge : Nautique. Espar transversal d’un voilier à partir duquel sont gréés des voiles auriques.

Embardée : Lorsque qu’un navire dévie temporairement de sa route.

Zu : Continent peu exploré au sud d’Immoren. Depuis sa découverte, la ville portuaire la plus septentrionale de Konesta a servi de point de contact pour les immoréens. C’est de là que ses habitants se sont engagé dans un lucratif commerce de produits exotiques introuvables ailleurs.

Pour les termes techniques, l'aide provient de :

https://www.centpourcentanglais.com/html/009glossaire-b.htm
https://www.ovniclub.com/navigation/lexique-nautique.html
https://chatgpt.com/

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ÉPILOGUE

La Faiseuse de Fantômes

Des ongles ensanglantés grattèrent le fer recouvert de bernacles alors que la Faiseuse de Fantômes s’extirpait de la mer. Elle rangea la baïonnette dans le fourreau de sa botte et sortit son précieux fusil d’une flaque de marée peu profonde.

« Pauvre bébé ». Elle débarrassa délicatement un peu d’algues sur la lunette arcanomékanique an essuya l’eau de mer sur la lentille. Il était probable que la vision soit abîmée. Son œil mékanique l’était certainement ; sa vision prothétique était devenue noire à l’instant où elle touchait l’eau. Le chute du nid de pie avait brisé l’objectif et l’eau salée avait envahi son condensateur mécanique.

« Repose-toi ici, Bébé »  Elle posa le lourd fusil sur le côté et vérifia ses blessures. Son épaule ne saignait plus du toit. Ce n’était qu’une égratignure. Le trou béant dans sa jambe, par contre, laissait encore couler un filet de sang cramoisi jusqu’à sa botte. L’hémorragie s’était quelque peu ralentie depuis qu’elle avait noué un morceau de sa chemise autour du trou Le faire tout en essayant de ne pas se noyer et d’empêcher Bébé de sombrer dans les profondeurs avait été un véritable défi. L’éviscération d’un des requins curieux qui s’approchaient d’elle avait donné aux autres quelques chose à mâcher pendant qu’elle nageait jusqu’à l’épave la plus proche.

« Maudit soit ce pistolier jusqu’à l’antre du dragon et retour ! » Il avait gâché son tir, celui qui, elle en était sûre, aurait rempli le contrat. Peu importe que les mercariens aient déjà perdu le combat contre les pirates de Shae. Même s’il n’y avait personne pour confirmer la mort, un contrat restait un contrat.

La Faiseuse de Fantômes s’assit à l’ombre d’une épave ressortant, le reste d’un navire marchand ou d’un navire de guerre perdu depuis longtemps et envoyé pour explorer ce coin maudit de Caen. Elle enleva sa chemise détrempée. Elle la rinça dans une mare d’eau de pluie, puis la coupa méthodiquement en bandes et les suspendit pour les faire sécher. Elle aurait besoin de tissu propre pour s’occuper de Bébé. Elle jeta un nouveau coup d’oeil sous la bandage de sa jambe et hocha la tête. La balle avait traversé la chair et l’eau de mer avait nettoyé la blessure. Elle resserra le bandage de fortune, puis ouvrit la petite pochette scellée à sa ceinture. Le Faiseuse de Fantômes ouvrit sa trousse et passa à l’essentiel.

« Viens ici, pauvre Bébé . . . Maman va s’occuper de toi ».

Avec bien plus de tendresse qu’elle n’en ferait preuve à une créature vivante, la Faiseuse de Fantômes employa les outils spécialisés de sa trousse et brisa le fusil mékanique. La plaque runique en premier, puis le condensateur mécanique, qu’elle ouvrit, rinça avec de l’eau douce provenant d’un autre bassin d’eau de puis plus haut dans l’épave,et l’huila. Elle enleva ensuite la lunette de visée arcanomékanique. Étonnamment, elle n’était pas pleine d’eau de mer et pourrait fonctionner une fois qu’elle l’aurait nettoyée, huilée et remontée. En une heure, il gisait en pièces détachées, huilé et séchant au soleil. Puis elle examina la culasse tordue du fusil. Le tir du pistolero l’avait touché de plein fouet, entaillant la plaque frontale mais pas au bloc lui-même, merci Thamar. Elle retira la plaque frontale et la martela minutieusement sur un morceau de ferraille. Ensuite, elle s’assura que toutes les pièces mobiles du levier et du mécanisme coulissait bien. Le levier opposait une légère résistance et elle soupçonnait que le bloc détente était faussé, mais elle n’avait pas les outils nécessaires pour le réparer. Il tira à sec avec l’arme une fois, juste pour s’assurer que l’actionneur de la goupille n’était pas bloqué, puis elle démonta chaque pièce du mécanisme, nettoyant et huilant chaque ressort, goupille, bloc, levier et plaquant avant de les étendre au soleil sur un chiffon propre.

« Repose-toi maintenant, Bébé ». Elle tapota le bois chaud et poli de la crosse de l’arme et fit tourner un minuscule loquet dans la plaque de couche. « Tu as un petit cadeau pour maman ? »

Elle sortit une fine flasque en argent et dévissa le bouchon. Le parfum de uiske single-malt lui parvint au nez. Elle en versa une mesure dans la plaie de sa jambe, une autre dans l’écorchure de son épaule. Cela piquait, mais cela n’avait pas d’importance. Qu’est-ce que la vie sans douleur ? Elle prit une petite gorgée de cette enivrante liqueur, un goût du foyer où elle ne retournerait jamais, et boucha la flasque.

« Maintenant, au travail ».

Elle remonta la lunette arcanomékanique avec une minutieuse précision. Le moindre grain de sable ou le moindre défaut d’alignement des lentilles la rendrait inutilisable. Chaque petit anneau de laiton, chaque bague filetée et chaque lentille ultrafine furent remit en place. Elle bascula le condensateur mécanique sur le côté et tamponna le minuscule résidu d’huile avant de replacer la plaque de protection, de l’installer sur la lunette et de le remonter. La lunette bourdonna, une faible lueur émanant de son objectif.

La Faiseuse de Fantômes se leva et se fraya un chemin vers un terrain plus élevé, ce qui signifiait escalader l’épave délabrée du navire. Une fois qu’elle fut bien perchée et qu’elle eut une bonne vue d’ensemble, elle porta la lunette arcanomékanique à ses yeux et chercha son adversaire.

Les deux navires avaient levé leurs ancre et naviguait de conserve, le Talion en tête et le Tempête suivant de près derrière, remontant le chenal de marée jusqu’au passage principal traversant le Cimetière. Maintenant, loin au nord, le soleil couchant illuminait leurs voiles comme des drapeaux blancs. Elle fit la mise au point de sa lunette sur le vaisseau qui emportait sa cible. Le retrouver ne serait pas trop difficile, une fois qu’un marchand mercarien l’aurait récupéré. Il y avait du charbon quelque part dans cette épave, et avec la poudre de quelques-unes de ses balles, elle pourrait facilement allumer un feu de signalisation. Elle avait de l’eau fraiche, et une bourrasque passagère lui en apporterait bientôt davantage Pour ce qui est de la nourriture, elle avait la mer. Les crustacés crus n’avaient peut-être as bon goût, mais ils l’empêcheraient de mourir de faim.

« Oui, Phinneus Shae ». Elle regarda les voiles s’amenuiser à l’horizon. « Tu t’en vas. Retourne à ton port d’attache et oublie-moi. Mais je ne t’oublierai pas, et Bébé ne t’oubliera pas, ni toi, ni ton méchant ami pistolier. Elle finira par avoir gain de cause, et moi aussi ». Elle abaissa la lunette arcanomékanique et laissa un mince sourire d’anticipation effleurer ses lèvres. « Un contrat est un contrat, Phinneus Shae, et Bébé aura son dû ».

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Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Sang et Fer
« le: 10 février 2025 à 19:03:50 »
« Touché et en sang, mais pas à moitié noyé ». Hawk évalua son capitaine d’un œil scrutateur. « On va devoir vous recoudre, capitaine ».

« Je vais devoir travailler là-dessus ». Shae fléchit sa main gauche qui picotait. Le second tir avait dû toucher un nerf de son épaule. L’hémorragie semblait s’être arrêtée, mais il n’était pas encore sur le point d’enlever son armure pour vérifier. Même si les mercariens avaient jeté leurs armes, Shae soupçonnait qu’une ou deux d’entre eux pouvaient cacher des pistolets de poche, et quelqu’un pourrait penser que tuer un warcaster valait la peine la peine de mourir. Ensuite, il y avait la Faiseuse de Veuve. Personne n’avait vu son corps dans l’eau, mais il pouvait voir à travers les yeux de Tireur d’Élite et de Nancy que plus d’un requin rôdait dans les parages. Peut-être que l’assassine tombé au combat avait été déchiquetée.
« Sécurise toutes leurs armes, Hawk. Grogspar, assigne des équipes de travail pour commencer à nettoyer ce gâchis. Oh, et lancez une empennelle. Je ne veux pas que nous dérivions trop loin ». Tireur d’Élite et Nancy étaient sur le point de remonter à bord, employant leurs grandes ancre comme des grappins improvisés, mais le warjack Rover éteint gisait toujours sur le fond marin. Shae n’allait pas perdre une pièce aussi précieuse.

« Oui, monsieur ! »

« Monsieur Walls ! » Shae scruta la foule à la recherche de maître de quart et le trouva agenouillé devant un chienne de mer mourante. La femme avait été éventrée, mais elle sourit lorsque le vieux pirate dégoûté lui mit une flasque en argent dans la bouche. Shae attendit patiemment pendant que Walls portait la même flasque à sa propre bouche, fermait les yeux de la femme et se levait pour saluer son capitaine.

« Oui, monsieur ! » Walls rangea la flasque et parut un peu embarrassé. Stubs était assis sur son épaule, tordant sa queue avec découragement. « Désolé monsieur. Donny était l’un de l’Exeter, vous savez. Avec nous depuis le début ».

« Je sais, Walls ». Le maître de quart s’était attaché à ceux qui étaient avec eux lors de la mutinerie initiale. Walls en souffrait à chaque fois que l’un d’eux rencontrait une fin prématurée. « J’ai besoin que tu t’occupes des prisonniers. Une fois qu’ils seront sécurisés, fais un inventaire de la cale du Tempête. Cela nous a coûté cher, et je veux savoir si nous nous en sommes assez sortis pour au moins payer les réparations.

« Oui, monsieur ». Walls beugla des ordres à ses compagnons, redevenant un maître de quart bourru.

Doc Killingsworth se frayait un chemin à travers la foule, à la recherche de chiens de mer blessés, un barreau de chaise au coin de la bouche. Le grand homme se pencha vers un mercarien mutilé, secoua la tête et mit fin aux souffrances de l’homme d’un unique coup de son grand couperet. Sahe n’avait pas vu Doc pendant la bataille, mais un certain nombre de couteaux à sa ceinture étaient tachés de rouge.

« Doc ! »

Killingworths leva les yeux et tira une bouffée de son cigare. Son expression demeura inchangée, insensible au sang et à la douleur l’entourant. « Oui, monsieur ? » Il attacha le lourd couperet à sa ceinture, puis vit le sang sur l’armure de son capitaine. « Vous avez une balle dans le corps ? » Il attrapa une paire de pince rouillées.

« Non ! Non, juste une écorchure ». Shae fléchit sa main picotant. Peut-être qu’il avait encore une balle dans l’épaule, mais il attendait de le découvrir plus tard. Il pourrait peut-être demander à Hawk de l’extraire une fois qu’il serait bien éméché. « Je veux savoir combien nous en avons perdu. Il est trop tôt pour être sûr, mais . . . »

« Seulement deux morts dans le combat avec le Rasoir, et six lors de l’abordage, en comptant Donny ». Doc haussa ses massives épaules et secoua la tête. « Une sacrée chance. Beaucoup de chance. Beaucoup de blessés, mais seulement quelques uns qui auront besoin de la scie ». Il avait presque l’air déçu ».

« Si peu . . . » Shae resta bouche bée. Il venait d’éliminer deux chasseurs de pirates et de prendre moins de dix membres de son propre équipage. Il faillit rire.

« Phinneus ! » Rockbottom se redressait avec un sourire si large que ses molaires en or brillaient au soleil. « Quel prise ! Ha ! Il vaut de l’argent et nous l’avons récupéré sans aucun dommage réel ! Félicitations, mon garçon ! »

« Merci, Joln ». Shae accepta la poignée de main du nain et fit un signe de tête à Doc. « Continue, Doc. Si quelqu’un risque d’y passer, fais le savoir. Ils ont tous bien travaillé aujourd’hui, et ils ont besoin de le savoir ».

« Oui, monsieur. Ils le savent ». Doc le surpris en ôtant le cigare de sa bouche et en affichant un large sourire. « Même ceux qui sont morts le savent ».

« Alors, Phinneus, mon garçon ! » Rockbottom lui saisit le bras et l’entraîna vers le château de poupe. « Faisons un tour dans la cabine du capitaine avant que ces gens ne pillent jusqu’à la dernière couronne, et discutons de la meilleure façon de vendre ce merveilleux navire. Je pense que nous pourrions trouver un acheteur à Baie-des-Horlogers, mais nous obtiendrions un meilleur prix si nous l’emmenions au nord ».

« Oh, laisse-les piller un peu ». Shae résista à l’élan du nain. Les chiens de mer avaient rarement la chance de s’emparer d’un navire de ce calibre, et nombre d’entre eux gagneraient leur part grâce à un tel butin. « Nous gagnerons suffisamment avec les rançons et les provisions. D’ailleurs, je n’ai pas encore décidé si je voulais le vendre ».

« Tu quoi ? » Rockbottom resta bouche bée, comme si le capitaine lui avait demandé sa bonne jambe. « Mais Phinneus ! Il vaut un paquet d’argent ! Un demi-million de couronnes au bas mot ! »

« Sans aucun doute ». Il leva les yeux vers le gréement racé et les lignes épurées du Tempête. Il bien taillé, avec plus d’armes que le Talion. Certes, il n’était pas aussi rapide, mais ce n’était pas un escargot.

« Tout est sécurisé, Capitaine ! » Hawk s’approchait à grand pas, nettoyant le reste de sang séché sur l’une de ses lames.

Shae la regarda de la tête au pieds, étonné qu’elle n’ait reçu qu’une égratignure pendant tout le combat.

« Qu’est-ce que j’entends à propos de la vente de ce beau vaisseau ? »

« Oh, Seigneur Rockbottom pense que nous devrions  le faire, mais je ne suis pas . . . »

« Le vendre ? » Walls s’avançaient avec deux bouteilles de vins sous un bras et un tonneau de brandy llaelais sous l’autre. « Vous devez être idiot ! »

Sous le regard de Shae, Walls ses parts volées et sourit. « Oh, je suis venu vous dire, monsieur, que la cale regorge de provisions de premier ordre, et que le garde-manger du capitaine ferait honte à celui d’un amiral ! Tenez ! » Il retira le bouchon de l’une des bouteilles avec ses dents et la tendis. « Il y de l’alcool de qualité là-dessous ! »

Shae regarda la bouteille avec intérêt. «  Vignobles Pont-de-Pierres 462 ! En effet, du bon vin ! » In inclina la bouteille vers l’arrière et laissa le bon millésime laver le goût de la fumée et du sang de sa bouche, puis la tendit à Rockbottom.

Un 462 ? » Les yeux du nain s’écarquillèrent. « Cela se vendrait cent couronnes ! » Il but une gorgée et ses yeux s’écarquillèrent davantage. « Vous dîtes qu’il y en a encore, Monsieur Walls ? »

« Assez pour faire flotter un esquif. J’ai dit aux gars de ne pas y toucher. Mais qu’est-ce que c’est cette histoire de vente ? »

« Oh, le Seigneur Rockbottom pensait que nous devrions le faire, mais je ne sais pas ». Shae arracha la bouteille de la main de Rocbottom et la tendit à Hawk. « J’aime bien l’idée d’une flotte ».

« Vous avez l’intention de porter des épaulettes d’amiral ? » Hawk haussa un sourcil et inclina la bouteille. « Bon sang ! C’est bon ».

Stubs tendit la bouteille en poussant un cri, mais Hawk l’écarta de la portée du primate et la rendit à Rockbottom.

«  Et je continue de penser que tu es fou de ne pas vendre ce navire. Nous pouvons être riches ! »

« Riche ? » Avec un sourire narquois, Walls ouvrit la seconde bouteille de vin et la tendit délibérément à Stubs. Le singe but goulûment, puis hurla et rebondit sur l’épaule du maître de quart. « Nous serons encore plus riche si nous avons deux navires à piller ».

« C’est exactement ce que je pense ». Shae fléchit son épaule douloureuse et jeta un coup d’oeil sur le pont. « Avec la récupération de ce Rover et des autres warjacks naufragés, nous avons encore une cale pleine de marchandises ». Shae accepta la bouteille de Rockbottom et but une gorgée. « Mais je ne sais pas ce qu’il en est des épaulettes d’amiral. Ce fanfaron de Montador a des épaulettes et ça le fait ressembler à une prostituée ».

« Dis-lui ça en face », dit Hawk en riant.

« Capitaine ! » Quinn Corcorian monta sur le pont du Tempête avec Evlyn et Une Oreille Scoriani à la suite. « Vous faites déjà la fête ? »

« Un peu, oui ». Shae tendit la bouteille à l’ingénieure et fit un signe de tête aux autres. « Très beau travail avec le Commodore, Une Oreille. Evlyn, ton timing avec la grue était parfait. Vous avez tous les deux gagné de gros bonus sur ce coup-là ».

« On dirait que tu as créé un peu de désordre à nettoyer, cependant ». Quinn passa la bouteille au cannonier.

Stubs s’empara de la bouteille la plus pleine des mains de Walls et sauta sur l’épaule d’Evlyn.
« Merci Stubs ! » Elle prit la bouteille et but.

« Oh, un beau chaudron de rouspétance ! » Grogspar s’approcha, les regardant avec insistance. « Vous faîtes une petite fête, et vous n’invitez pas le trollkin ! »

« Nous étions justement en train de discuter de notre butin, Grogspar ». Shae prit le tonneau d’eau-de-vie de Walls  et le tendit au bosco. « Et nous gardions ça pour toi, alors n’hésite pas et donne-nous ton avis. Est-ce qu’on le vend ou on le garde ? »

« Vendre ce beau vaisseau ? Ne soyez pas stupide ! » Grogspar ôta le bouchon du tonneau et l’inclina dans sa bouche sans prendre la peine de retirer sa pipe. Il prit deux énormes gorgées sans en renverser une goutte ni s’enflammer, ce qui ne semblait pas une mince affaire. « Ah ! C’est de la bonne gnôle ! »

« Alors, c’est décidé ! Nous gardons le Tempête ! » La déclaration de Shae suscita une nouvelle acclamation de la part de ses officiers – mais pas, remarqua-t-il, de la part su Seigneur Rockbottom. « Oh, sourit, Joln. Nous sommes assez riche ! »

« Tout l’or de la mer ne me rendrait pas assez riche ! » Le nain accepta la bouteille de vin d’Un Oeil et pencha jusqu’à ce quelle soit vide. « Mais je suppose que nous nous en sortirons ».

« Bien ! Maintenant, nous avons du travail. Je veux être sorti du Cimetière à la tombée de la nuit ». Il prit le tonneau d’eau-de-vie de Grogspar et le rendit à Walls. « Grogspar, toi et tes compagnons vous occupez du gréement des deux navires ».

« Nous nous en occupons, monsieur ! » Le trollkin s’en alla.

« Quinn, plonge tes bottes dans l’eau et récupère ce Rover ».

« Oui, capitaine ! »

« Evlyn, veille sur nos ‘jacks. Buck est mort, mais les autres peuvent être réparés. Travaille d’abord sur les systèmes critiques. Peut-être pourrions-nous récupérer un cortex d’une des machines mercariennes pour Buck, même si nous devons d’abord l’effacer.

« Tout de suite, monsieur, mais l’effacement du cortex devra attendre une installation terrestre. Nous n’avons l’équipement nécessaire à bord ». Elle tendit la bouteille de vin et Stubs à Walls.

« C’est vrai. Alors, récupérez ce que vous pouvez. Une Oreille, sécurise les canons de ce navire. S’il est aussi chargé en poudre que l’était le Rasoir, transférez-en dans le magasin du Talion ».

« Très bien, capitaine ».

« Maintenant, vous deux ». Shae se tourna vers son second-capitaine et son maître de quart et les regarda d’un air grave. « Le Tempête va avoir besoin d’un commandant pour le voyage retour vers Bottomton. Je pensais te l’offrir, Hawk, mais je vais te laisser le choix. Si tu ne préfère pas le prendre, je le donnerai à Walls ».

Hawk avait l’air pensif. Elle jeta un coup d’oeil par-dessus son épaule vers la haute dunette du Tempête, et Shae la vit s’imaginer aux commandes de son propre navire, peut-être de façon permanente. Puis elle regarda le Talion, meurtri et abîmé, mais familier, et leur foyer depuis si longtemps.

« Donne-le à Walls ».

« Tu es sûre ? » demanda-t-il, à la fois surpris et satisfait de sa décision ? « Ce serait juste pour le voyage retour à Bottomton. Tu pourras changer d’avis plus tard, et nous pourrons engager quelqu’un d’autre ».

« Non, monsieur, je crois que je préférerais que vous le donniez à Walls ». Elle fit un signe de tête au maître de quart. « Il peut très bien s’en occuper, et j’aime ma cabine sur le Talion ».

« Très bien ». Il la  regarda dans les yeux un instant, et y vit une lueur qui lui donna cette sensation de chaleur dans les tripes qu’il avait déjà ressentie auparavant. Walls était resté judicieusement silencieux et inexpressif tout au long de l’échange. « Commandant Walls, Il est à vous. Prenez Higgens comme maître de quart et maître d’équipage, Tolbert comme second-capitaine et maître d’armes, Grath comme bosco, Wain comme artilleur et Evlyn comme ingénieur. Nous partagerons les chiens de mer pour s’occuper des voiles, mais tu n’en auras pas assez pour s’occuper de tous ses gros canons.

« Merci, monsieur ». Walls inclina son chapeau et s’autorisa un sourire. « Nous n’aurons pas besoin de l’emmener au combat. À moins que ne soyons déroutés par des pirates ou autres ».

« Nous serons à proximité en cas de problème ». Shae lui donna une tape sur l’épaule, et la douleur traversa la sienne sous l’impact. Il réussit à ne pas grimacer. « Bien joué, tous les deux ! »

Ils le remercièrent et le saluèrent.

« Bien ! Maintenant, Hawk, je dois te parler d’un problème à bord du Talion ». Elle le suivit à travers la passerelle improvisée juqu’au Talion, où des chiens de mer étaient occupés à jeter des ordures et des débris par-dessus bord et éponger le sang sur les ponts. « Je suis heureux que tu aies décidé de rester à bord », dit-il en la conduisant à l’arrière, dans la grande cabine. « Refuser un tel commandement . . . »

« Peut-être un jour ». Elle ne prononça rien d’autre et le suivit jusqu’à la porte.

« J’aimerais te demander une faveur ». Il ouvrit les fermoirs de son amure de warcaster et détacha l’épaulière gauche. Des caillots de sang tombèrent au sol lorsqu’il dégagea la plaque. « Je crois que j’ai besoin de toi pour extraire une balle de mon épaule ».

« Phinneus ! » Elle prit un chiffon sur la table et essuya le sang pour examiner la blessure. « Tu devrais laisser Doc regarder ça ».

« Non ! Non. Je préfère que ce soit qui le fasse ». Il regarda le trou dans son épaule et grimaça. « Tes couteaux son plus propres ».

« Je ne peux pas prétendre le contraire ! » Elle sortit un petit stylet de sa botte. « Tu veux quelque chose à ordre ? Cela va faire mal ».

« Tu crois que je veux que tout l’équipage m’entende crier de douleur ? Bon sang, je veux quelque chose à mordre, et quelques verres de cognac en prime ! »

Elle rit et se dirigea vers son coffre à alcool. « Tu sais ce qui va faire le plus mal ? »

« Quoi ? » Il la regarda d’un air méfiant tandis qu’elle lui apportait une bouteille et un verre.

« Tu vas devoir remercier Maître Holt de t’avoir sauver la vie ». Elle lui versa un verre et le lui tendit.

« Oh Morrow, sauvez-moi de ça ! » Il avala le cognac et s’arma de courage.

6
Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Sang et Fer
« le: 02 février 2025 à 21:21:31 »
PARTIE TROIS

Dettes de Sang et de Fer

« Sort le rhum, Walls ! »

Shae jeta un coup d’oeil par-dessus son épaule au Tempête approchant. Tout en veillant à rester en retrait. Ils avaient positionné le Talion avec sa poupe surélevée vers l’ennemi pour garder le pont principal hors de vue, et il avait rassemblé tout son équipage. Si les vigies ennemies repéraient l’équipage massé, leur plan serait ruiné. Présenter la poupe vulnérable du Talion lui donnait l’impression de déambuler dans les rues de Cinq-Doigts avec son pantalon autour des chevilles, mais il n’y avait rien à faire. Il entendit le tintement du verre sur le métal. Walls et ses compagnons étaient en train de distribuer des litres de rhum à tout l’équipage. Il leva la bouteille qu’il avait mise de côté pour lui et les fit taire.

« Nous allons nous battre, mesdames et messieurs ! » Ils le regardèrent tous, leurs visages graves mais ferme. Il balaya du regard le pont jonché de débris, les escaliers menant à la plage avant – le résultat par inadvertance de Bottes oeuvrant à repositionner le Commodore et les corps imbibés de sang, et hocha la tête avec satisfaction. Doc avait fait un sacré boulot avec son couperet. Du sang et des morceaux de viande méconnaissables jonchaient le pont. Crochet et Filou gisaient dans des positions tordues, à moitié recouverts de ferrailles,. Le Commodore était bien à l’abri, et Bottes avec lui. Les autres warjacks étaient également dissimulés. Tout était prêt.

« Il nous faut jouer serré, sinon ça ne marchera pas ! Le Tempête peut se tenir à distance et nous frapper avant de nous aborder, mais nous patienter et l’accepter. Nous devons tenir bon ».

Ils grognèrent. L’équipage n’avait pas l’habitude de se laisser faire.

« Rester discrets, comme je vous l’ai dit. Ils sont près à nous aborde, et nous devons les laisser faire ». Il sourit comme un loup. « Ils veulent nous pendre, mais nous avons quelques surprises pour eux ! »

Cela provoqua de faible acclamations, mais Shae leva la main pour devancer leur enthousiasme.

« Nous sommes deux contre un, nous devons faire en sorte que cette ruse fonctionne. S’ils déjouent notre notre supercherie, ils se tiendront à distance et nous hacherons menu. Il jeta un nouveau coup d’oeil par-dessus son épaule et remarqua que le chasseur de pirates avait ralenti.

Le Talion dérivait avec le courant, ses voiles déchirées le tirant sous le vent avec juste assez de force pour donner la direction avec la barre. Hawk avait mis en place un système simple avec corde et poulie pour gérer la barre depuis sa cachette. Le Tempête faisait tourner ses roues en marche arrière et ferlait ses voiles pour contrôler sa route. Le navire tournait lentement, les bouches béantes de ses canons se dévoilant à la vue de tous. Une boule d’inquiétude s’installa pesamment dans l’estomac de Shae. Une bordée totale sous cet angle les dévasterait, déchirant le mince tableau arrière du navire, réduisant son moteur à vapeur mâchefer et ferait en éclats de bandes de fer sur toute sa longueur. Il serra les dents et se tourna vers son équipage, gardant la voix basse.

« Il se trouve à portée de nos armes de poupe, de notre bordée, essayant de nous ébranler, mais nous pouvons pas les laisser faire. Nous devons les attirer. L’équipage gronda en réponse, les visages marqués comme de la pierre, froids et durs. Ils lui confiaient leur vise et il leur faisait confiance. Un coeur faible, un cri au mauvais moment, et ils seraient passé par le fond.

« Alors, buvez avec moi et tenez bon ». Il leva sa bouteille. « Attendez le signal, puis payons notre dette envers la Ligue Mercarienne avec du sang et du fer ! »

Ils inclinèrent leurs verres à l’unisson, honorant leurs serments de « Sang et de fer » dans un murmure. Le rhum brûla dans la gorge de Shae et lui mit le feu aux tripes.

« Maintenant, tous le monde à son poste, et rappelez-vous : tenez bon jusqu’à ce que je vous donne l’ordre ».

Ils se précipitèrent vers leurs positions. Shae pris la sienne et s’accroupit à l’abri des pavois de la dunette. Hawk était accroupi là, un sourire sanguinaire aux lèvres, les mains sur deux cordes serpentant à travers l’enchevêtrement de gréements éparpillés sur la dunette jusqu’à la barre à roue.

« Vous pensez que nous peux le faire ? » demanda-t-elle, les sourcils froncés.

« Je sais que nous pouvons ». Il lui fit un sourire. « Je vaux plus pour eux vivant que mort, et le Talion est une sacrée prise. Ne sous-estime jamais la cupidité de la Ligue Mercarienne ».

« S’ils vous voulaient vivant, ils n’auraient pas envoyé la Faiseuse de Fantômes à vos trousses, Phinneus ».

« Eh bien . . . » Shae n’y avait pas pensé, mais il ne pouvait pas commencer à s’inquiéter pour sa propre peau maintenant, pas s’il voulait réussir son coup. « Ils vont devoir y travailler avant d’accrocher ma tête sur leur mur ».

« Bien ». Elle se rapprocha de lui et baissa la voix jusqu’à chuchoter. « Parce que je n’y renoncerai pas ».

Ses yeux s’écarquillèrent à son commentaire, mais une grêle de provenant du Tempête tout proche le ramena à la réalité.

« Talion ! Mouillez et préparez-vous à être abordé ! »

Shae jeta un coup d’oeil à leur ennemi à travers un écubier. Le Tempête se rapprochait de minute en minute, toujours à flanc, les canons sortant de leurs sabords dans une silencieuse et menaçante démonstration. Une grande femme se tenait sur le pont arrière du chasseur de pirates, l’armure scintillant sur ses épaules alors qu’elle brandissait un clairon. Shae jeta un coup d’oeil à son armure, craignant qu’il ne s’agisse d’une warcaster, mais de cet angle, il ne pouvait pas le dire. Il ne pouvait voir si de la fumée s’élevait de l’amure, mais elle pouvait avoir sa chaudière en marche et la turbine arcanique au ralenti jusqu’au combat. Il ne ressentit rien qui puisse indiquer la présence d’un warcaster à proximité, mais cela aussi pouvait être dissimulé.

«  Mouillez ou nous vous coulerons ! Nous ne voulons que le criminel Phinneus Shae ! Le reste d’entre vous sera autorisé à prendre votre navire et à partir ».

« Comme si nous allions y croire », grommela Grogspar depuis sa position sur le pont principal.

Shae lança un sourire au maître d’équipage et jeta un coup d’oeil au capitaine adverse par le sabord. Finalement, elle se tourna pour parler à ses officiers, et il la vit de profil. Son armure n’était pas mékanique, ce n’était pas une warcaster. Il respira plus facilement.

Il scruta le pont du Tempête, notant la position de leurs forces. Deux warjacks Mariniers se tenaient rapprochés au milieu du navire, les équipages des canons derrière eux soulevant des sacs de grenailles et de poudre. Derrière eux, deux Boucaniers se tenaient prêts. Il leva les yeux vers les nids de pies bondés du Tempête. Des fusiliers étaient alignés le long des cordages, mais il ne pouvait apercevoir la chevelure blanche caractéristique de la Faiseuse de Fantômes.
Peut-être était-elle à bord du Rasoir après tout.

Le silence régnait entre les deux navires. Shae pouvait clairement remarquer la frustration monter sur le visage de l’autre capitaine. Son prochain ordre pourrait envoyer six cents livres de fer dans son navire.

« Capitaine ! » appela quelqu’un depuis le grand mât du Tempête.

Shae retint son souffle. Si la vigie avait repéré quelque chose d’anormal, ils étaient morts.

« Il y a du sang qui s’écoule de ses dalots, et son flanc tribord est détruit ! Personne à la barre. Le pont arrière est en désordre ! »

Shae entendit des voix basses provenant de la dunette ennemie, mais ne parvint pas à les distinguer. Est-ce qu’ils y croyaient ? Il se mordit la lèvre et marmonna une courte prière à Morrow, pensait qu’il était peu probable que le dieu de son père écoute un pirate hors-la-loi, mais prêt à accepter toute l’aide qu’il pourrait obtenir. C’est alors que le son d’une roue à aubes battant la mer parvint à ses oreilles, et il le trouva plus beau que la voix de Morrow lui-même.

Un coup d’oeil par l’écubier confirma que Tempête manœuvrait pour s’approcher. Il fit un signe de tête à Hawk. « Ils ont mordu à l’hameçon ».

Elle acquiesça et reprit sa veille. Un coup d’oeil sur le pont intermédiaire confirma que tout était en place, son équipage étalé au hasard, éclaboussé de sang, ses deux Mariniers gisant en tas de ferraille silencieux. Des feux couvraient ici et là. Du bois brisé, des cordes emmêlées et de l’équipement cassé étaient éparpillés un peu partout. De la fumée s’échappait de l’écoutille principale, preuve des dégâts subis sous le pont.

Parfait, pensa-t-il, luttant pour rester immobile.

Le Tempête manœuvra avec précaution avec ses roues à aubes jusqu’à ce son flanc bâbord soit parallèle au flanc tribord du Talion. Le deux navires remontaient la marée, verge contre verge, les canons du chasseurs de pirates étant prêts à les ratisser sur un simple ordre.

« Grappins ! » hurla le capitaine de la Ligue, et de lourds crochets s’abattirent sur le pont du Talion.

« Ho, hisse ! »

Les cordages se tendirent, rapprochant inexorablement les deux navires. Les rambardes se rencontrèrent dans un solide craquement, et Shae se crispa. L’ordre suivant du capitaine le prit au dépourvu.

« Monsieur Kiroff, dégagez la voie s’il vous plaît ».

« Oui, capitaine ! »

Shae s’efforça de demeurer immobile, craignant le pire.

« Feu ! »

Les deux Mariniers ennemis tirèrent à bout portant avec leurs canons sur le pont du Talion. Un tir de mitraille balaya la rambarde et le pont dans un tourbillon de fer et d’éclats. Lorsque la fumée se dissipa, encore plus de sang et de débris jonchaient le sol.

Combien ? Pensa Shae, sa main serrant la poignée de Requin sir fort que ses jointures craquèrent. Combien du Talion venaient de mourir ?

Une main se posa sur son bras et le serra fort. Il croisa le regard d’Hawk et lut son silencieux murmure : « Tiens bon ! »

Il acquiesça, le coeur gonflé de fierté pour son équipage. Malgré le sang et la mort qui anéantissaient leurs rangs, ils restaient silencieux.

« Équipage d’Abordage ! »

Les fusiliers marins affluèrent sur le pont du Talion sur le pont du Talion sur l’ordre du capitaine, tandis que les équipes de tir se dépêchaient de recharger les canons des Mariniers. Puis, elle lança un nouvel appel. « Monsieur Kiroff, faites avancer vos warjacks ! ».

Les contrôleurs hurlèrent leurs ordres, et de lourds pieds mékaniques crissèrent à travers les restes des pavois du Talion alors que les deux Mariniers montaient à bord. Shae risqua un coup d’oeil à travers le bastingage du pont arrière et sourit. Un homme en armure aux cheveux rouge flamme avançait lentement à l’arrière, dirigeant deux autres contrôleurs depuis la sécurité du pont du Tempête.

Ce doit être Kiroff, pensa-t-il.

Le commandant des contrôleurs mercariens aboya davantage d’ordres à ses équipes.

Un encore un pas . . . allez.

Les Mariniers et leurs équipes avancèrent.

Phinneus Shae se leva d’un bond, un cri de vengeance féroce s’échappant de sa gorge. « Commodore ! »

Son cri attira tous le regards sur le pont. Les deux warjacks ennemi firent jouer leurs canons, mais le warcaster n’était pas la véritable menace à laquelle ils étaient confrontés. Dans un fracas d’éclats de bois, la porte menant à la soute à voile située sous le pont avant du Talion fut éjectée de ses gonds. De l’intérieur sombre surgit l’énorme masse de Bottes, son massif pied venant de céder la place aux canon de poids royal à ses côtés.

Les mercariens se tournèrent et regardèrent avec horreur la bouche du Commodore durant un instant avant qu’Une Oreille n’abaisse sa mèche lente vers la lumière.

Les flammes, la fumée et la grenaille traversèrent les fusiliers marins mercariens serrés les uns contre les autres, déchiquetèrent le Marinier le plus proche et projetèrent une pluie mortelle d’éclats d’obus sur les autres.

« Crochet ! Filou ! Maintenant ! »

Les deux tas de ferraille sur le pont du Talion se soulevèrent tandis que les Mariniers de Shae se levaient et faisaient appel à leurs canons. Plus de flammes et de fers déchirèrent les mercariens, arrachant un bras du Marinier ennemi survivant avant qu’il ne puisse lever son canon. Les chiens de mer de Shae se relevèrent, faisant feu avec leurs pistolets et fusils dans une volée mortelle. Shae dégaina son canon à main et tira sur Kiroff, mais son tir ricocha sur l’épaule d’un boucanier et le manqua.

Le champ d’énergie de Shae s’illumina de runes blanc-bleu lorsque plusieurs tirs s’y heurtèrent, mais aucun ne pénétra le halo protecteur. Il se tourna vers la dunette ennemie et lança un sort. Le capitaine mercarien était juste hors de portée du souffle dévastateur du vent arcanique, mais la force du sort fit exploser la rambarde du pont arrière en éclats, ce qui fit tomber le capitaine de la Ligue Mercarien. Un violent impact frappa son champ et quelque chose traça une ligne enflammée sur sa joue. Il jura, souleva Requin et sauta par-dessus la lisse pour se lancer dans la mêlée.

« Evlyn ! Tire ! »

Les câbles de al grue aérienne se tendirent tandis que l’ingénieure enclenchait les mécanismes à vapeur. De la fumée s’échappa de la trappe ouverte, mais ce n’était pas un incendie. Les épaules de Tireur d’Élite et de Nancy, les deux autres Mariniers de Shae, se dressèrent sur le pont tandis que la grue s’efforçait de soulever leur cargaison de la cale.

Il ordonna à Buck et Tique de se placer sur ses flancs et envoya Crochet et Filou à gauche et à droite.

Les données visuelles de six warjacks se bousculaient dans sa tête, mais c’était l’élément de Shae. Il fusionna les différents point de vue en une seule mosaïque avec une maîtrise de longue date. Ses deux Boucaniers se frayèrent un chemin à travers le mince bordage du château arrière, leurs longues gaffes dressées alors qu’ils lançaient leurs lourds filets sur les fusils marins ennemis. Crochet et Filou s’écartèrent, ouvrant un champ visuel au deux autres Mariniers.

Hawk atterrit dans une tornade d’acier, tandis que Walls mugissait de l’avant, tirant pistolet après pistolet, Stubs hurlant depuis son épaule. Bottes se battait pour sortir le Commodore de sa cachette.

Alors que les tireurs d’élite ennemis ouvraient le feu depuis le haut, Shae rassembla sa volonté pour renforcer son champ d’énergie, qui encaissa plusieurs autres coups. Il s’enflammait à chaque impact alors qu’il avançait à grand pas, balayant Requin dans de sanglants arcs. Les équipes de canonniers des Mariniers étaient en train de recharger Crochet et Filou, et un coup de pouce mental des autres lui indiqua que la lourde palette sur laquelle ils se tenaient avait dégagé l’hiloire de l’écoutille principale.

Il se concentra à travers leurs yeux, pointa leurs canons dans l’espace entre Crochet et Filou et leur ordonna de tirer.

Les deux canons rugirent à l’unisson, arrosant le pont bondé du Tempête de grenailles.

Au-dessus, Evlyn Corcorian réagit en une fraction de seconde. Alors que le recul des deux lourds canons faisait basculer la palette suspendue vers l’arrière, elle enclencha le mécanisme et fit pivoter le bras de la grue dans la direction opposée, vers le Tempête. Les deux warjacks lourds pivotèrent vers l’avant avec encore plus de force, et à l’apogée de leur arc de cercle, Evlyn desserra simplement le frein des câbles.

Les engrenages hurlèrent de protestation lorsque le câble fut relâché et que l’énorme palette dégringola. Dix tonnes de warjacks s’écrasèrent sur le pont du chasseur de pirates, aplatissant un certain nombre de fusiliers marins mercariens et plongeant presque à travers les poutres renforcées dans la cale.

Poussés par Shae, les Mariniers avancèrent à grands pas, balayant leurs mortelles ancres en arcs de cercle et tranchant la chair comme des faux les blés.

Shae se retrouva face à la bouche du canon du fusilier marin survivant. Il envoya une énergie arcanique se déverser dans son champ de puissance, même s’il doutait qu’elle puisse repousser une explosion à bout portant provenant d’un vingt-quatre livres.

« Brûle, bâtard ! » Une flamme jaillit de sa gauche, et Shae aperçut Joln Rockbottom qui titubait sous le recul de son tromblon fumant, Bouche à Feu. Le jet de flamme atteignit l’un des marins fusiliers ennemis. Shae remarqua avec un brutalement que l’homme en feu soulevant un lourd sac, sans doutue remplie rempli de poudre et de plomb.

« Couché ! »

Les charges explosèrent, et le souffle fit dévier le canon du Marinier juste assez loin pour envoyer le boulet par-dessus la tête de Shae. Ses oreilles résonnèrent sous le coup assourdissant. Le warjack ennemi était toujours debout, même s’il vacillait sur ses massifs pieds. Shae commença à se jeter en avant, mais une énorme main bleue le tira en arrière.

« Laissez-moi m’en occuper, capitaine ». Grogspar appliqua le fourneau incandescent de sa pipe sur le bâton de dynamite attaché au harpon de son arme et le tira dans le visage du warjack. La pointe en fer se logea dans l’espace entre la tête pivotante du warjack et son corps blindé. La mèche flamba.

Le warjack lâche son canon et tendit la main pour attraper le harpon, mais trop tard. La charge explosa et des éclats d’obus s’écrasèrent sur le champ de Shae. Lorsque la fumée fut dissipée, il ne restait plus qu’un trou béant dans le torse du ‘jack, à l’endroit où se trouvait sa tête. La machine mutilée tâtonnait à l’aveuglette.

Shae bondit en avant et plongea Requin profondément dans la plaie pour percer le cortex du warjack. Le Marinier remua ses membres restant et s’affala tel un tas de ferrailles déformés.

Le voie était libre.

« En avant ! » Shae inséra une cartouche dans la chambre de son canon à main et s’élança. « Les gars, avec moi ! »

Alors que les chiens de mer rugissaient d’une rage féroce, Shae concentra son énergie arcanique et l’envoya à son équipage dans un nimbe de runes. Ils chargèrent sur les cadavres de leurs ennemis, lames étincelantes, pistolets tirants, dévalant le pont dans un mur de chaos. Shae et ses deux Boucaniers chargeaient au premier plan, Hawk et Walls le rejoignant sur ses flancs. Ils sautèrent par-dessus la brèche et se rapprochèrent de Tir d’Élite et Nancy avant que l’ennemi ne puisse se regrouper. Les deux Mariniers s’étaient frayé un large chemin jusqu’au pont du Tempête, mais les fusiliers marins avaient judicieusement reculé et les tirs de précisions venant du haut causaient de sérieux dégâts. Les têtes et les épaules des ‘jacks étaient marquées par les impacts des tirs de fusils.

Shae injecta de l’énergie dans son champ d’énergie et ordonna à ses ‘jacks de se battre dos à dos, afin de maintenir intact le coin de leur assaut.

« Flanquez-les ! » cria le capitaine mercenaire à travers le vacarme.

Elle s’était relevée et dirigeait ses forces depuis la sécurité de sa dunette. Ses chiens de mer ne parvenaient pas à l’abattre. Les mercariens avaient divisés leurs forces à l’avant et à l’arrière et pressaient maintenant les pirates qui avançaient par les flancs. Shae positionna Buck et Tique, pour intercepter la manœuvre et faisait voler leurs filets pour dissuader la contre-attaque. Il tira avec son canon à main sur le capitaine mercenaire, mais le projectile se heurta à son armure, la faisant reculer, mais pas tomber.

S’appuyant à nouveau sur la vision de six paires d’yeux, Shae embrassa toute la bataille d’un seul coup d’oeil.

À sa droite, Hawk affrontait trois fusiliers marins mercenaires, incapables de percer le mur d’acier qui lui faisait face. Shae prit un moment, et des runes arcaniques s’illuminèrent autour d’elle, lui insufflant la rage d’une tempête en mer. Hawk se transforma en un tourbillon d’acier, se tournoyant et tranchant à la vitesse de l’éclair. Deux de ses trois adversaires tombèrent avant même de comprendre ce qui s’était passé.

À la gauche de Shae, Walls vida deux pistolets dans le visage d’un homme et en saisit deux autres. Mais alors qu’il dégainait la deuxième paire de pistolets de leurs étuis, un fusilier marin s’élança vers l’avant avec une pique. Stubs sauta de l’épaule du maître de quart au visage du fusilier marin attaquant, lui mordit le nez et lui creva les yeux. Cette distraction suffit à Walls pour appuyer la bouche d’un pistolet sur le ventre de son attaquant et pressa sur la gâchette, le transperçant de part en part. Stubs poussa un cri de joie et bondit sur l’épaule de Walls, le globe oculaire serré dans une main tel un trophée.

« Commodore ! »

Au hurlement de Scoriani, tous les membres du Talion sur le pont du Tempête se baissèrent et se bouchèrent les oreilles. À l’arrière, Bottes soulevait l’énorme bouche du canon pour lui donner la bonne élévation et viser le pont arrière ennemi.

Le canon tonna et le lourd Flibustier chancela sous le recul. Shae le regarda, choqué. Ils avaient tiré avec le canon sans le retenir, comptant sur le ‘jack lourd pour l’empêcher de reculer et de tuer toute l’équipe de tir. Secouant la tête, Shae déplaça sa vue en mosaïque vers la dunette ennemie. Il ne restait du capitaine et de ses officiers qu’une fine brume rouge de sang et une armure déchiquetée.

Alors même que le warcaster élevait la voix dans un cri de triomphe, un impact lui frappa l’épaule à quelques centimètres de son cou. Il chancela, la douleur lui parcourant le dos, et pendant un instant, sa concentration sur la myriade d’éléments de la bataille s’évanouit de son esprit. Il parvint à maintenir son sort sur Hawk. Un tir avait pénétré son champ d’énergie comme un couteau dans du beurre, et avait encore assez de force pour percer son armure et tracer une ligne dans son dos. Il sentit quelque chose de chaud couler sous son armure et sut qu’il saignait, mais il n’avait pas le temps de savoir à quel point.

Réalisant que cela venait d’en haut, il jeta un coup d’oeil vers le ciel. Une touffe de cheveux blancs dans le nid de pie attira son attention, puis l’éclat du cuivre et du verre et la bouche d’un fusil pointé sur sa tête.

La Faiseuse de Fantômes.

Shae n’eut que le temps de renforcer son champ avec toute l’énergie arcanique dont il disposait. Malheureusement, elle était dispersée. Aider quatre warjacks et maintenir son sort sur Hawk l’avait fortement épuisé. Le tir se heurta à son champ d’énergie, et celle-ci jailli en un arc crépitant pour le choc. Il trébucha en arrière et grinça des dents de rage.

« J’en ai juste assez de toi ! »

Shae reporta son attention sur Crochet et Filou, levant son leurs canons. Voyant à travers leurs yeux, alors même qu’il faisait décrire à Requin un arc de cercle pour dévier le coutelas tranchant d’un fusilier marin. Shae concentra toute la puissance arcanique qu’il put pour renforcer leur visée. Son champ d’énergie serait affaibli, certes, mais si cela fonctionnerait, il n’aurait plus à s’inquiéter de la Faiseuse de Fantômes.

Les deux canons tirèrent sur le nid de pie. Le tir du canon arracha la moitié de la plate-forme, projetant une explosion de viande et d’éclats de bois pleuvoir sur le pont.

Shae se concentra sur la bataille autour de lui pendant que les équipes de canonniers rechargeaient les Mariniers, observant la situation à travers leurs yeux. À son grand désarroi, cette chevelure blanche distinctive réapparut lorsque la Faiseuse de Fantômes émergea de derrière le mât gainé de fer, portant son fusil mékanique.

« Fils de pute ! » Shae se battit pour recharger son canon à main, tout en parant les lames et en dirigeant ses warjacks. S’il parvenait à renforcer suffisamment son champ d’énergie pour repousser une nouvelle salve, il savait que ses Mariniers pourraient abattre l’assassin. C’est alors qu’il se rendit compte de son erreur.

Il réalisa son erreur.

On ne peut pas tirer sur ce qu’on ne voit pas !

Il redirigea l’énergie de son champ d’énergie et des runes s’illuminèrent autour de lui. Un épais brouillard se forma , obscurcissant la vue de l’assassin.

« Trouve-moi là-dedans, espèce de- »

Comme si la Faiseuse de Fantômes avait entendu son défi, une balle traversa son champ d’énergie et frappa son armure. L’impact le projeta à terre, engourdissant son bras gauche et envoya son canon à main claquer sur le pont entre des doigts sans sensation. Les ténèbres envahirent sa vision et le sort s’évanouit de son esprit. Shae tenta de se relever, s’efforçant de concentrer son énergie arcanique dans son champ d’énergie. À travers le brouillard qui se dissipait, une lame s’abattit devant lui.

« Phinneus ! » Hawk s’était précipitée, ses deux lames s’entrechoquant.

Le sang pleuvait dans son sillage, et les mercariens reculèrent. Shae tente de se relever en se servant de Requin comme d’une béquille. Le sang dégoulinait de sa main gauche morte, suintant à l’intérieur de son armure depuis son épaule. Une douleur fulgurante lui éclaircit l’esprit lorsqu’il bougea l’épaule. Il ferma les yeux et regarda à travers la vision plus claire de ses warjacks.

La Faiseuse de Fantômes se tenait sur le bord du nid de pie détruit, son long fusil pointé sur lui, un sourire sinistre sur ses lèvres et la lueur de l’énergie arcanique flamboyant flamboyant le long de la plaque runique de son arme. Une profonde cicatrice s’étendait du coin de son œil prothétique jusqu’à son oreille, trace ancienne d’une lame ou d’une balle.

Étonnamment, elle recula pour éviter de chuter sur le pont du navire. Elle tint même son fusil jusque dans l’eau. Shae ne la vit pas frapper l’eau, mais une chute de vingt-quatre mètres ne devait pas être agréable.

Avec un peu de chance, elle se noierait ! Pensa-t-il.

Une main de la taille d’une assiette se referma sur l’épaule blessée du capitaine pirate, arrachant un juron de douleur.

« Pas de farniente, capitaine ! Il y a toujours un combat en cours, vous savez ! » Grogspar pointa son harpon sur l’un des warjacks ennemis survivants, un Booucanier malmené, et tira. La flèche se logea dans le flanc du ‘jack et la dynamite explosa. Les jambes et le torse du ‘jack tombèrent en tas séparés, les bras s’agitant toujours dangereusement, mais sans grand effet.

Avec l’explosion, la bataille retomba dans un moment de silence incongru. Les mercenaires s’étaient désengagés, se reformant en rangs serrés, lames en avant, armes à feu en arrière. L’unique Boucanier ennemi encore en action reculait, son filet et sa gaffe maintenus en position défensive. Même les tireurs embusqués ayant survécus dans les autres nids de pie de tiraient pas.

« Lâchez vos armes, et nous ne ferons de mal à personne ! » beugla Shae, retrouvant un peu de son sang-froid. Il avait toujours très mal, mais il pouvait penser correctement. Le sang qui coulait de sa main gauche avait ralenti, et il pouvait à nouveau sentir ses doigts.

« Nous ne le ferons pas ? » Grogspar mâchonna le tuyau de sa pipe et fit un nœud à la ficelle qui fixait le bâton de dynamite à son harpon.

« Il semble que nous devrions le faire », approuva Walls en rechargeant deux de ses pistolets. « Ils nous ont attaqués, vous savez ».

« Non ! Nous ne ferons de mal à personne, mais ils doivent déposer les armes ! » Il baissa la voix et ajouta : « On va faire un lot en les rançonnant à la Ligue ».

« Ça me semble bien », intervint Rockbottom, calant Bouche à Feu sur sa hanche. « Les rançons rapportent beaucoup d’argent, tu sais ».

« On ne peut pas leur faire confiance ! » s’écria une voix dans la foule. Une homme se précipitait vers l’avant, un bras pendant, mou et en sang. Shae reconnut Kiroff, le commandant des contrôleurs ennemis, à sa chevelure d’un rouge flamboyant. « Il ne sont rien d’autre qu’une bande de meurtriers et de pirates ».

« Il vous tient, capitaine ». Hawk examina ses coutelas ensanglantés et sourit comme une louve. « S’ils veulent se battre . . . »

« Ne soit pas idiot, mec ! » Shae était en colère. « Je vous propose d’épargner vos vies ! Nous vous avons battu ! »

« Nous ne sommes pas battus, Capitaine Shae, et je vais vous montrer pourquoi ! » Kiroff aboya un ordre. « Éventreur ! Avance ! »

Dans un soudain jet de fumée noire provenant de la cale principale ouverte du chasseur de pirate, une lourde hache s’éleva pour s’accrocher à la structure surélevée de la cale. La forme massive d’un warjack lourd, un Rover, s’élança sur le pont, plus grand et plus large que même les Mariniers de Shae. La chose brandissait une hache de guerre d’une main et un lourd bouclier canon de l’autre. Elle s’avança sur le pont, ses yeux, ses yeux orange rougeoyants se concentrant sur les formes abîmées de Tireur d’Élite et de Nancy, comme si elle décidait laquelle détruire en premier.

« Abats-les ! » cria Kiroff, son visage aussi rouge que ses cheveux. Le arjack lourd chargea, balançant sa hache sur Nancy, tandis que son bouclier canon rugissait en direction de Tireur d’Élite. Shae se concentra sur les deux Mariniers, faisant confiance à Buck et Tique pour continuer à défendre leurs flancs contre le soudain assaut des fusiliers marins mercariens. Malheureusement, il n’avait pas possible de recharger les deux canons des Mariniers de tête pendant la mêlée. Les pièces lourdes offraient cependant une certaine défense.

La hache du Rover fit jaillir une pluie d’étincelles provenant du canon relevé de Nancy. Le Marinier balaya son ancre dans un arc plat, mais le warjack ennemi para. Le tir du bouclier canon avait fait reculer Tireur d’Élite d’un pas, mais le Marinier était resté debout. Une plaque de blindage mutilée pendant sur son épaule en une masse tordue, même si l’articulation semblait encore fonctionner.

Malheureusement, la charge du Rover avait ouvert un passage entre les deux Mariniers. Le warjack ennemi écarta Nancy d’un coup d’épaule et se dirigea vers Shae faisant à nouveau appel à son bouclier canon.

Shae lança un vent arcanique. Le sort aurait mis à terre une cible plus petite, mais il ne parvint qu’à stopper l’avancée du ‘jack. Le capitaine du Talion se retrouva une fois de plus face à un canon.

Un éclair mental d’urgence fut le seul avertissement à Shae avant que Buck ne se jette dans la ligne de mire du warjack ennemis. Le bouclier canon tonna et le fracas du fer déchiré par l’explosion résonna dans les oreilles de Shae. Buck fut projeté en arrière telle une poupée de chiffon, et sa lourde gaffe frappa Shae au niveau des jambes. L’impact le fit tomber, même s’il causé beaucoup moins de dégâts qu’un coup de canon ne l’aurait fait. Buck lui avait sauvé la vie, mais à un prix énorme.

À cet instant, le lien qui unissait Shae au Boucanier s’estompa. L’amas de métal tordu frémit et la tête de Buck pivota pour lui faire face. La lumière dans ses yeux s’atténua, puis s’éteignit. Le cortex du warjack vacilla et mourut dans son esprit comme les derniers battements d’un coeur humain.

Shae poussa un juron, mais n’avait guère de temps pour le remords. Ses forces étaient pleinement engagées sur les flancs, et ni Filou ni Crochet n’avaient de ligne de tir sur le warjack ennemi. Le cliquetis du mécanisme de rechargement du bouclier canon se répercuta sur le pont.

Dans un éclair de désespoir, Shae saisit le seul plan qui lui vint à l’esprit.

Il reporta son attention sur Tireur d’Élite et Nancy, qui réagirent comme s’ils étaient des extension du propre corps du warcaster. Leurs canons s’écrasèrent sur le pont, et ils lancèrent leurs lourdes ancre, non pas sur le Rover, mais sur son chemin l’un vers l’autre. Avec la précision habile d’un warcaster vétéran, il manipula les deux ‘jacks simultanément, attrapant les lourds projectiles tout en gardant la main sur les massives chaînes qui traînaient derrière les ancres.

Shae inonda les Mariniers de puissance arcanique. Comme un seul homme, ils chargèrent sur le pont du Tempête.

Les chaînes claquèrent contre le bouclier canon du Rover juste au moment où l’arme faisait feu. L’explosion coupa le souffle de Shae, et l’assourdi momentanément, mais le boulet le survolé pour s’écraser sur le pont derrière lui.

Tireur d’Élite et Nancy traversèrent le pavois le plus éloigné du navire, entraînant l’infortuné Rover avec eux. Les trois warjacks plongèrent dans la mer. Les eaux profondes ne nuiraient pas aux Mariniers, mais le Rover n’étaient pas prévu pour résister à l’immersion. Alors qu’il plongeait sous la surface, de la vapeur jaillit de boite à feu éteinte.

« Commodore ! » Beugla Scoriani une fois de plus de l’arrière, et les membres du Talion s’esquivèrent de la ligne de feu dans une coordination longuement pratiquée.

Le canon de poids royal projeta une gerbe de fer sur l’unique boucanier ennemi restant, le mettant en pièce. L’épave déchiquetée traversa les mercariens massés, laissant une large tache rouge sur le pont. Shae aperçut pour la dernière fois le visage rougeaud de Kiroff l’instant avant qu’il ne disparaisse dans une grêle de sang et de fer.

Phinneus se releva d’un bond, les oreilles bourdonnant toujours si fort qu’il entendait à peine ses propres ordres. « Posez les armes, ou par Morrow, on vous tue ! »

Observant la bouche fumante du Commodore et les lames ensanglantées de l’équipage vengeurs, les fusiliers marins en eurent finalement assez. Les armes claquèrent sur le pont, et le capitaines et les siens levèrent les leurs dans un hurlement de triomphe.

* * *

7
Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Sang et Fer
« le: 26 janvier 2025 à 17:05:04 »
« Je vais bien, monsieur ! » Milo Tolbert, l’assistant du maître d’armes d’Hawk tenta de se redresser de son hamac. Il parvient à peine à passer une jambe par-dessus. « Ne m’obligez pas à boire davantage de cet infâme breuvage que Doc a concocté. Je préfère être malade ! »

« Il y a du rhum dedans, tu sais », répondit Shae.

« Oui, monsieur, mais ça a le goût de ce truc que les alchimistes utilisent pour conserver leurs cadavres ! »

Shae déglutit à cette idée. L’affirmation de Milo aurait pu être plus amusante s’il n’était pas probable que l’homme ait réellement goûté une telle concoction. Il connaissait un cas où un amiral mort en mer avait été conservé dans un tonneau de brandy, mais lorsque le vaisseau amiral était arrivé au port, il ne restait plus qu’un gallon d’alcool au fond. Des rumeurs plaisantes circulaient dans la flotte selon lesquelles l’amiral décédé avait un problème d’alcool, mais tout le monde savait ce qui s’était passé.

« Eh bien, puisque tu es en assez bonne santé pour te plaindre de tes médicaments, tu es prêt à brandir un fusil ? »

« Oh, oui, monsieur. Je ne voudrais pas prendre une lame, mais je peux tirer assez droit ».

« Bien ! Alors va sur le pont et fait ton rapport à Hawk. Mais arrêtes-toi à la cuisine en chemin et prends une dernière ». Il lança un regard noir à l’homme. « C’est un ordre ».

« Oui, monsieur ». Tolbert sortit de son hamac, vacilla sur ses jambes affaiblies et se dirigea en titubant vers la cuisine.

Shae passa au chien de mer malade suivant. Il évalua soigneusement chacun d’eux, n’ordonnant qu’à ceux qui étaient raisonnablement lucides à sortir de leur hamac. Jusqu’à présent, il avait renforcé les rangs de combattants du navire d’une vingtaine d’hommes, même s’ils ne valaient guère plus que le crachat qu’il fallait pour cirer une chaussure. Franchement, mourir au combat n’était pas pire que de rester en bas s’ils ne parvenaient pas à vaincre les chasseurs de pirates. S’ils étaient capturés, tout l’équipage serait pendu aux verges – blessés, malades et bien portants.

« Capitaine ! » Walls s’avançait à travers les hamacs, Sutbs bondissant sur son épaule. Le singe aimait la bataille plus que les bananes et semblait toujours savoir quand un combat était imminent.

« Qu’y a-t-il, Walls ? »

« Ils ont tous les deux pris la directions du nord, monsieur. Ils ont trouvé des passages à travers le récif ». Stubs poussa un cri d’affirmation et prit un moment pour jeter un coup d’œil sous le cache-œil de son maître. À la grande horreur de Shae, la dégoûtante petite créature sortit une cacahuète du vide. Walls ne sembla pas le remarquer alors que Stubs replaçait le cache-œil et grignotait.

Shae déglutit difficilement. « Quelles routes suivent-ils maintenant ? »

« Ils reviennent l’un vers l’autre, et vers nous. Le Tempête navigue vers l’ouest sous des huniers arisés, et le Rasoir se dirige vers l’est uniquement à la vapeur. Ils avancent lentement et tirent sur chaque épave qu’ils croisent ».

« Ils essaient de nous débusquer ». Shae sourit « Très bien. Prends le relais ici, Walls. Tous ceux qui savent manier un fusil en prennent un. Aligne-les sur la rambarde et donne-leur un seau pour s’asseoir s’ils ne peuvent pas tenir debout. Nous allons avoir besoin de tous les armes ».

« Oui, monsieur ! »

« Je suis sur la dunette ».

Shae grimpa l’échelle depuis le coqueron avant jusqu’au spacieux coffre à voile, puis ouvrit la porte donnant sur le pont intermédiaire. Un coup d’oeil dans la mâture confirma que Grogspar avait demandé à ses gabiers de redresser le gréement. Sur le pont, Hawk faisait distribuer des armes. Chaque chien de mer portait une paire de pistolet et aux moins deux lames. Ils le saluaient et criaient « Monsieur ! » à son passage. Ses warjacks étaient alignés au milieu du navire, et il sentait le cortex de chacun d’entre eux bourdonner d’impatience, attendant ses ordres. Les bras armé de Crochet avait été réparé pendant la nuit, et il se rappela de féliciter Corcorian pour son travail. Toute cette activité intense lui donnait envie de ronger du fer et de cracher des clous.

« Hawk ! » Il bondit vers la dunette. « Rapport ! »

« Le Rasoir et le Tempête ont tous deux franchi le récif extérieur. Le Tempête a employé le passe principale, mais le Rasoir à dû trouver un passage que nous n’avons pas sur nos cartes. Ils se frayent un chemin parmi les courants de marée vers nous, mais ils progressent lentement ». Elle tendit une longue-vue et désigna l’est juste au moment où le lointain boum des canons leur parvenait.

Rockbottom s’approcha du maître d’armes, son énorme tromblon, Bouche à Feu, coincé dans le creux de son bras. « Ils fracassent les épaves. Ils doivent sa voir que nous n’avons pas pu franchir la passe durant la nuit. Comme nous ne sommes pas sortis aux premières lueurs de l’aube, ils pensent que nous sommes toujours là ».

« Exactement comme je l’espérais. Comme deux chiens de chasse ». Il leva sa longue-vue et examina ses adversaires l’un après l’autre. Ils étaient tous les deux à au moins quatre miles de distance, mais il pouvait distinguer les imposantes formes des warjacks sur leur ponts. Il ne pouvait discerner ni le type ni le nombre de warjacks, mais à moins qu’il ne se soit trompé et qu’ils aient un warcaster pour contrôler les ‘jacks, il était confiant, il était presque certain de pouvoir battre un contrôleur expert. « À moins qu’ils n’aient de meilleurs cartes du Cimetière que nous, le Rasoir navigue dans des eaux inconnues, et le Tempête le fera bientôt. Ils seront prudents jusqu’à ce qu’ils nous voient bouger, puis ils stopperont leurs courses et se mettront à la cape ».

« Avec un peu de chance, ils s’échoueront tous les deux », intervint Hawk.

« Sur ce coup-là on touche du bois ». Il referma la longue-vue et frappa la rambarde avec ses articulations armurées pour se donner de la chance « Donnons-leur quelque chose à poursuivre et espérons qu’ils seront négligents ».

« Oui, monsieur ! » Son sourire enthousiaste était tout ce qu’il pouvait espérer.

« Foutus jeunes ». Joln les suivit d’un pas lourds alors qu’ils se dirigeaient vers la rambarde avant. « La cupidité de Ghrd, vous vous croyez tous immortels ou quelque chose comme ça ? »

Shae l’ignora, sachant que le nain se plaindrait de mettre sa peau douce en danger, puis se battrait comme un bouledogue acculé lorsque la pagaille commencerait. II pensait souvent que Rockbotom détestait le prix de la bataille en or plus que le prix en sang, surtout lorsqu’il n’y avait de douce récompense une fois l’effusion de sang terminée. Aujourd’hui, ils auraient la chance de survivre avec leur peau intacte, sans parler de réaliser des bénéfices.

« Monsieur Grogspar, larguez les amarres de carénages et d’amarrage. Hissez uniquement les ris et les focs. Je veux rester discret. Hawk, quand nous serons libres, avance d’un tiers et réduisez la fumée au minimum. Nous ne voulons pas commencer cette fête tant que tous les invités ne savant pas que nous sommes là. Oeil de Lynx et prévoyez les hauts-fonds. Je veux deux sondeurs sur les calepieds ! S’échouer maintenant serait notre perte ».

Le Talion se redressa lorsque les amarres furent relâchées et se libéra peut après. La grand-voile et les vergues avant furent entoilées, seulement les plus basses. Une vigie négligente à bord des chasseurs de pirates pourraient les confondre avec une autre épave s’ils gardaient leurs mâts nus. Hawk avança le levier d’ordre jusqu’à avant lente et les roues à aubes commencèrent à tourner. La roue tribord grinça plus que d’habitude, comme Corcorian l’avant prévenu, mais Shae pouvait s’en accommoder.

Le Talion prit progressivement de la vitesse. Les récifs passaient parfois si près des deux flancs que Shae aurait pu pisser sur la terre ferme depuis le bastingage du pont arrière si la marée avait été basse. En ce moment, la marée était haute, ce qui était à la fois une bénédiction et une malédiction. Une eau plus profonde leur offrait encore un mètre vingt sous la quille, mais s’ils échouaient maintenant et que la marée se retirait, ils seraient bel et bien coincés. Une proie facile pour les deux navires de la Ligue.

« Doucement maintenant . . . bien et doux ». Shae avait confié les commandes à Hawk, préférant garder les yeux fixés sur leurs ennemis. Il faisait autant confiance à ses compétences qu’aux siennes pour guider le Talion à travers les dangereux hauts-fonds. Jaugeant les deux navires ennemis, il envisagea de lancer un sort pour masquer la position du Talion, puis y renonça. Avec toutes les épaves qui parsemaient le paysage marin, les vigies mercariennes qui scrutaient l’horizon pouvaient repérer une déformation ou une particularité plus facilement que le simple contour d’un navire. Il espérait que ses propres vigies surveillaient davantage les hauts-fonds que leurs adversaires. Avec la lumière du jour, l’eau plus profonde peu profonde devenait plus facile à lire. Une bleu plus foncé signifiait une eau plus profonde, tandis qu’un bleu plus clair ou bleu sarcelle dénotait des bas-fonds avec un fond sablonneux. L’eau noire pouvait tromper un œil non averti, mais les vigies savent qu’elle indique des herbiers peu profonds et avertissaient Hawk de se tenir à l’écart. Le marron était la couleur la plus dangereuse de toutes, car elle signifiait un corail submergé, suffisamment solide et tranchant pour déchirer une planche de quinze centimètres comme du papier de soie.

La vitesse de croisière était d’environ cinq nœud, la marée descendante commençant doucement à se faire sentir. Le courant croissant était à la fois une bénédiction et une malédiction, car il les faisait avancer plus vite, mais rendait le pilotage plus difficile. De plus, la marée l’aiderait maintenant contre le Rasoir, mais plus tard, elle aiderait le Tempête contre lui.

Dans la guerre maritime, tout était une arme à double tranchant. Un bon commandant devait peser les aspects positifs et négatifs de chaque élément : vent, eau, artillerie et manœuvre. C’est là que le génie de Phinneus Shae se révélait. Plus encore que sa capacité à manier la magie et à guider les warjacks au combat, sa maîtrise des tactiques navales s’était révélées inestimable.

Il n’avait rien appris de tout cela à l’Académie Stratégique, où l’on enseignait uniquement les tactiques terrestres. Les tactiques de l’art du warcaster étaient totalement différentes de celles de la manœuvre d’un navire au combat. Les choses auraient pu être différentes s’il avait été éduqué dans une académie navale, mais lorsqu’il l’avait quittée, il n’avait plus envie de faire partie d’une armée – qu’elle soit terrestre ou maritime. Même les warcasters maritimes – très peu nombreux – apprenaient à s’appuyer sur des capitaines expérimentés pour gérer leurs navires. Shae avait été contrait de faire les deux, et seules des années de sanglantes batailles navales avaient mis ses talents en avant. Il se sentait souvent à bout de forces lorsque les choses devenaient risquées, même s’il avait appris à compter sur Hawk lorsqu’il se concentrait sur l’art du warcaster.

La cloche du transmetteur d’ordres sonna, attirant l’attention de Shae ; Shae utilisait les deux roues à aubes autant que le gouvernail pour guider le navire, effectuant parfois une marche arrière prudente d’un côté ou de l’autre pour changer de cap plus rapidement. Les appels constants des sondeurs et les cris des vigies sur l’avant guidaient leur progression à travers le labyrinthe acéré.

Le tonnerre retentit à l’est, attirant l’attention de tous. Le Tempête avait tiré une pleine bordée. Jusqu’à présent, chaque chasseur de pirates n’avait tiré qu’un ou deux canons à la fois sur les plus grosses épaves, essayant de faire sortir le Talion de sa cachette. Le rugissement de vingt-quatre canons à la fois, couplé au fait que le Tempête n’avait aucune cible à portée, indiqua à Shae qu’il se passait quelque chose.

« C’était un signal ! »

Deux éructions de fumée noire provenant des cheminées du Tempête et la réponse du Rasoir confirmèrent ses soupçons. « Ils nous ont repérés ! Hawk ! Toutes voiles dehors et à fond ! »

« Oui, oui, monsieur ! » Elle poussa le levier de signalisation à fond vers l’avant et hurla à Grogspar de mettre toutes les voiles.

Les voiles se gonflèrent et la fumée s’échappa des cheminées. Le Talion bondit en avant. Une navigation qui était dangereuse devint mortelle. S’ils heurtaient un récif à cette vitesse ils arracheraient le fond du navire.

Hawk prit la barre. Les vigies et les sondeurs lançaient leurs avertissements à une cadance constante. Le Talion passa devant l’épave d’un vieux galion. Ses mâts étaient tombés depuis longtemps et sa coque s’était enfoncée dans le récif, une sombre illustration de leur sort si un seul membre de l’équipage commettait une erreur.

« Récif ! Bâbord avant, soixante mètres ! » cria la vigie avant.

Hawk tira la barre à tribord.

« Tribord en arrière d’un tiers! » ordonna-t-elle, et son timonier actionna le levier de signal. La roue à aubes tribord s’immobilisa et engagea la marche arrière avec un craquement, puis démarra lentement. Shae se dirigea vers le bastingage bâbord et regarda la saillie corallien déchiqueté passer à portée de main.

Le Commodore rugit et Shae plissa les eau pour voir le tir éclabousser la mer juste devant la proue du mercarien, aspergeant son pont avant d’embruns. Le Rasoir arrivait juste à portée des armes à feu.

« C’est mon signal, Hawk ».

« Oui, monsieur ! » Elle le regarda un instant, mais revint rapidement à la tâche pressante d’empêcher leur coque de se briser et d’être réduite en cendres.

« Rappelez-vous, pas plus près qu’un tir de pistolet sur son flanc si tu y parviens. Nous ne voulons pas être trop près quand il passera ».

« Je ferai de mon mieux, monsieur ».

« Toujours ». Shae lui adressa un sourire et s’avança, criant des encouragements aux équipes de fusiliers au passage. « Frappez-les forts ! Rappelez-vous, juste avant les chaînes d’artimon. Donnez-moi un joli profil serré. Ramollissez-le, et nous le défoncerons avec le Commodore ! »

Les acclamations, salutations et les blagues paillardes sur le fait de « le défoncer » le suivit. Shae se retrouva à sourire alors qu’il montait les marches menant au gaillard avant. Comme auparavant, ses quatre Mariniers l’attendaient, mais cette fois, Bottes se tenait également prêt à aider à manoeuvrer le lourd Commodore le moment venu. Quinn se tenait également prêt, travaillant toujours sur la rampe improvisée qu’il avait installée pour orienter l’énorme canon vers la poudrière du Rasoir.

« Joli travail sur Corchet, Quinn ! » dit Shae en donnant une tape dans le dos de l’ingénieur.

« Quoi ? » Quinn plissa les yeux vers le warjack et haussa les épaules. « Je ne l’ai pas touché. Ça doit-être Evlyn ». Il reprit son travail sans ajouter un mot.

Elle était en train de devenir une sacrée ingénieure, pensa Shae. Il passa la main sur la réparation sur son épaulière. Evlyn l’avait si bien lissée qu’il pouvait à peine sentir où la balle avait frappé. Bien sûr, cela lui rappelait la Faiseuse de Fantômes. Alors qu’ils se rapprochaient de Rasoir, il risquait fort d’être à nouveau dans la ligne de mire de la tireuse embusquée.

« Prêt ! » beugla Une Oreille.

Tout le monde se boucha les oreilles, et l’artilleur abaissa le boutefeu garni d’une mèche lente de la lumière de l’énorme canon. L’arme tonna et recula sur ses palans. Avec le recul, le squelette longtemps dénudé de l’homonyme du canon fut projeté vers l’avant, sa tête osseuse se balançant avec un sourire permanent.

Shae regarda le tir s’écraser sur le Rasoir. Du bois, du fer et de la chair déchiquetés éclaboussèrent le pont avant. Une acclamation retentit dans les rangs des artilleurs. Shae avait ordonné à Une Oreille de ratisser le pont du mercarien afin de mettre hors d’état de nuire le plus grand nombre possible avant qu’ils n’échangent des bordées. Chaque canon à bord du Rasoir qui ne pourrait pas tirer sauverait des vies à bord du Talion, ce qui pourrait faire la différence entre la victoire et la défaite plus tard s’ils devaient combattre le Tempête.

Encore un tir, pensa Shae, en se concentrant sur le lien qui l’unissait à ses quatre Mariniers.

Le Commodore rugit à nouveau et, avant que la fumée ne se dissipe, les pièces de chasses du Rasoir répondirent. Deux tirs frappèrent la proue blindée du Talion mais aucun n’eut la force de pénétrer.

Feu à volonté, ordonna Shae à ses Mariniers, en précisant leur objectif, et leurs canons rugirent à l’unisson. Alors que les équipes se dépêchaient de recharger, il entendit un appel urgent venant de la vigie avant.

« Récifs ! Droits devant, à deux verges ! Dégagez deux degrés à bâbord ou à tribord ! »
Shae évalua les angles en un instant. Le Rasoir se trouvait au nord des eau peu profondes. S’ils mettaient le récif entre eux, cela empêcherait le chasseur de pirates de l’approcher, et le récif pourrait fournir une certaine protection. Shae avait déjà vu des navires exploser, et l’onde de choc sous-marine pouvait faire autant de dégâts aux navires proches que les débris volants. Avant qu’il n’ait pu crier un ordre à Hawk, elle était déjà en train de tourner la roue à bâbord.

« Tu lis dans mes pensées, Hawk ».

Shae centra ses pensées et concentra toute son énergie arcanique. Des runes jaillirent et se répandirent dans tout le navire, faisant miroiter des images fantômes qui, l’espérant, gâcheraient la visée des artilleurs ennemis. Il chancela sous l’effet de l’effort, mais tint bon

Shae maintint sa concentration alors que les canons rugissaient et que deux centre livres de fer supplémentaires volaient entre les navires. Un boulet passa au ras du pont intermédiaire, et un morceau de gréement se détacha derrière lui avec un bruit semblable à celui coup de feu. Le Rasoir se tourna vers eux, essayant de garder sa proue blindée face au Talion jusqu’à ce qu’il se rapproche suffisamment pour que sa bordée soit pleinement efficace.

« Allez Gorafalo, Viens vers moi ! » Avec le soleil levant dans les yeux et un récif qui les sépare, Gorafalo risquait de foncer dans une barrière de corail.

Un autre tir de barrage des pièces de chasses secoua l’air. Lorsque la fumée se dissipa, Shae vit que le chasseur de pirates se détournait et son flanc apparaissait. Gorafalo avait soit repéré le récif, soit décidé de tirer avant qu’ils ne soient assez proches pour que Shae puisse le repérer sur la plage arrière et lui envoie un boulet de canon dans la poitrine.

Tu vas avoir une surprise, salaud. Shae sourit d’anticipation. « Prêt pour la bordée tribord ! »

Quinn envoya Bottes en avant pour aider à déplacer l’énorme Commodore en position de tir. Le ‘jack lourd souleva le canon de poids royal et le plaça sur la rampe improvisée, ses massifs pieds s’écrasant sur le pont en chêne renforcé au fur et à mesure que l’énorme poids pesait. L’équipe du canon se tenait prêt, le boulet de quarante-deux livres prêt, la mèche lente positionnée près de lumière. La poudre avait déjà été chargée, mais ils ne pouvaient pas enflammer la charge et l’enfoncer dans la gueule du canon avant d’être prêts à tirer. Si le boulet explosait trop tôt, ils ne rateraient pas juste leur tire. Shae avait déjà été témoin d’une explosion incendiaire à l’intérieur du tube d’un canon. Des éclats d’obus avaient tué toute l’équipe du canon.

Shae jeta un coup d’oeil vers la dunette et hurla : « Tiens le cap jusqu’à e qu’ils tirent, Hawk ! »

« Oui, monsieur ! » Elle tint fermement le gouvernail, se rapprochant le plus possible du récif, présentant la proue blindée du Talion à l’ennemi. Cela réduirait les dégâts, mais ils devraient prendre une pleine bordée dans les dents. Le gaillard avant subirait le plus gros de cet assaut.

« Tenez bon, les gars ! » ordonna Shae alors que les sabords du Rasoir apparaissaient.

Un long roulement de tonnerre annonça le flanc du Rasoir, chaque canon tirant au fur et à mesure qu’ils s’approchait. Environ la moitié des tirs manquèrent complètement leur cible, ce qui en disait long sur son sort de dissimulation. Shae sentit l’impact de chaque boulet de vingt-quatre livres s’abattant sur son navire. L’un d’eux frappa un hauban du mât de misaine au niveau du bastingage, traversant les caps-de-mouton dans une pluie d’échardes. Un autre traversa les pavois pour décapiter un fusilier. L’homme tomba, son arme encore dans les mains, le sang jaillissant de son cou tranché. Avec un trio de bruits horribles provenant de l’avant, le pont frémit sous les bottes de Shae.

La fumée se dissipa et un second tireur se pencha par-dessus le bastingage pour inspecter les dégâts. Il se retourna, le visage pourpre de fureur. « La Dame a été touchée ! Son épée a été arrachée ! »

Shae savait que son équipage prendrait cela encore plus à coeur que la mort de l’un des leurs. La Dame du Châtiment était leur fierté et leur joie. Ils se battaient souvent pour l’honneur de polir ses traits brunis.

« Nous leur ferons payer pour ça ! » hurla Shae. « Amène-nous à bâbord, Hawk ! Bordée avec tous ce que nous avons ! »

Shae laissa tomber son sort de dissimulation et prit fermement le contrôle de ses Mariniers. « En avant, maintenant, pensa-t-il, fixant son regard à travers les yeux des warjacks sur l’endroit qu’ils devaient frapper, juste devant les chaînes d’artimon du Rasoir. Les quatre mariniers tirèrent à l’unisson, et trois des quatre tirs firent mouche. Le quatrième s’éleva très haut, heurtant la rambarde et brisant les escaliers qui menaient au pont arrière du chasseur de pirates. Shae vit des silhouettes s’agiter et imagina Gorafalo en train de plonger pour se mettre à l’abri.

Attends, espèce de lâche, pensa Shae alors que le premier des grands canons du Talion commencèrent à s’exprimer.

Il observa chaque frappe, comptait chaque réverbération d’explosion. Plusieurs tirs passèrent à côté. Deux frappèrent l’eau juste en dessous de la cible et rebondirent pour s’écraser sur la coque. Mais une douzaines de balles s’écrasèrent à l’endroit même où il avait tracé un grand « X » sur son croquis. Lorsque la fumée du dernier coup de feu se dissipa, un trou béant était ouvert dans le flanc du Rasoir.

« Maintenant, Une Oreille ! »

« Oui, monsieur ! » Le maître artilleur enflamma la mèche lente de l’obus incendiaire, et son second se précipita vers la bouche du canon pour y déposer le lourd boulet à l’intérieur. Un autre suivit avec la charge avec de la bourre, et deux autres l’enfoncèrent avec le long refouloir.

« Quinze centimètres ! » indiqua Une Oreille, et Quinn passa l’ordre à Bottes.

Le ‘jack saisit l’énorme canon et déplaça la bouche précisément vers la gauche.

« Prêt pour la houle ! » La mèche lente planait au-dessus de la lumière tandis que le Talion se laissait emporter par la houle et se stabilisait.

Le Commodore tonna, l’éclair de la poudre et le hurlement du fer déferlant. Le canon s’abattit sur ses palans et une partie de la rampe improvisée pour lui donner la bonne inclinaison se brisa. Shae garda les yeux fixés sur la brèche dans la coque du Rasoir. Le tir s’était frayé un chemin à travers les poutres brisées.

« Tir parfait, Une Oreille ! »

Rien ne se produisit.

« Trois . . . », dit Une Oreille avec un sourire diabolique, « deux . . ., un . . . » Le feu jaillit du trou dans le flanc du Rasoir.

« Tout le monde à terre ! » hurla Shae, se plaçant devant Quinn pour protéger l’intérieur et suralimenta son champ de puissance.

Le Rasoir explosa dans un éclair de quatre mille cartouche de poudre. Tout son pont s’envola dans les airs, perdu dans la fumée et des flammes incandescentes. Ses mâts furent brisés en éclats et sa coque se désintégra dans une grêle mortelle de débris d’obus. Les poutres du navire frappèrent le Talion telle des lances, percutant ses flancs avec l’impact d’une douzaine de boulets de canon chacune. Le bois déchiqueté perfora ses voiles, et des morceaux de marins mercariens démembrés plurent dans une horrible grêle.

Une gerbe d’eau jaillit du récif séparant les deux navires. L’explosion aurait fait trembler la coque du Talion sans cette barrière amortissant. Shae chancela sous l’impact de petits débris frappant son champ énergétique, puis resta bouche bée lorsque le torse d’un warjack Marinier démembré s’écrasa dans la mer à quelques verges seulement.

« Châtiment ! » Shae bondit sur la rambarde et leva Requin.

Les acclamations et les cris de triomphe provenant du pont furent interrompus par l’horrible gémissement de métal torturé provenant de l’arrière.

Shae se pencha à la recherche de la source du bruit et regarda avec stupeur la roue à aubes tribord. Deux des épaisses membrures du Rasoir avaient frappé le logement de la roue comme des lances, brisant le blindage improvisé pour déformer la machinerie à l’intérieur. L’arrête soudain avait probablement arraché quelques dents des engrenages intérieurs ou tordu l’arbre de transmission.

« Quinn ! »

« Capitaine ? » L’ingénieur le rejoignit au niveau de la rambarde et resta bouche bée devant les dégâts. « Bon sang ! Je venais de réparer cette foutue roue ! »

« Dis-moi que tu peux la remettre en marche ». Shae regarda en l’air et grimaça devant les voiles déchirées et le gréement mutilé. « Si tu n’y arrive pas, nous sommes en quelque sorte des cibles faciles ».

Corcorian fit un signe de tête en direction de l’imposante pyramide de voiles située à environ trois mils, l’écume s’élevant de sa proue dans une crête banche alors qu’elle fonçait sur eux. « Pas avant que le Tempête n’arrive, capitaine. Désolé ».

« Merde ! » Shae porta sa longue-vue à ses yeux pour voir le navire s’approchant. Il naviguait vite, mais pas à pleine vitesse, ce qui aurait été mortel dans dans les passes et les récifs dangereux du Cimetière. Pourtant, il était plus rapide que le Talion. Même si Grogspar parvenait à réparer leurs voiles déchirées, ils ne pourraient pas distancer le chasseur de pirates sans la poussée supplémentaire des roues à aubes. Tous les avantages du vent et de la marée dont il avait bénéficié en se dirigeant vers le Rasoir appartenaient désormais au Tempête. Le désespoir lui serra le coeur.

Shae aperçut alors le pont du navire ennemi et leva son verre. Quatre warjacks étaient alignés au milieu du navire, et une masse de fusiliers-marins se tenait prête à intervenir. Son esprit s’orienta vers une stratégie désespérée.

« Capitaine ? » Hawm montait les marches du gaillard avant, le visage grave. Derrière elle venait Walls, Grogspar et Rockbottom.

« Nous allons réparer le gréement en deux temps trois mouvement, capitaine ! » dit Grogspar.

« Si nous parvenons à atteindre le passage emprunté par le Rasoir pour traverser le récif, nous pouvons gagner la haute mer ». Rockbottom semblait plein d’espoir, mais Shae se contenta de secouer la tête. Le tempête allait labourer leur poupe avant qu’ils se soient éloignés.

« Non ». Shae referma sa longue-vue et rengaina Requin, évaluant ses officiers d’un œil attentif. « Non, d’après l’apparence de leur pont, ils ont l’intention de nous accoster et de monter à bord, et je ne vois aucun moyen de les en empêcher ».

« Quoi ? » Rockbottom le regarda bouche bée.

Grogspar grogna et rongea sa pipe. Ses énormes mains agrippèrent son fusil-harpon avec une férocité à fleur de peau. « Je mourrai avant de laisser ces salauds me prendre un autre navire, capitaine ». Le trollkin avait particulièrement mal vécu la perte de l’Exeter.

Hawk se contenta de froncer les sourcils. Puis le coin de sa bouche d’un air ironique. « Et tu comptes les laisser faire, n’est-ce pas ? »

« Exactement ». Shae sourit malicieusement. « Mais pour que ça marche, nous devons ressembler à des proies faciles, sinon ils nous massacreront avant de monter à bord. Grogspar, effectue les réparation sur le gréement et inonde les fonds de cale. Hawk, barre comme si elle était endommagée, mais éloigne-nous d’eux. Nous devons garder le pont intermédiaire hors de leur vue jusqu’à ce que nous soyons prêts. Walls, j’ai besoin que tu ramènes tous les débris que tu peux récupérer sur le pont intermédiaire, et quelques incendies ici et là ne feraient pas de mal. Fais également remonter tout le bétail de la cale. Envoie Doc ici et dis-lui d’apporter son plus grand couperet. Nous avons peut-être trente minute devant nous, alors faites vite ! »

« Au nom d’Urcaen, qu’est-ce que tu comptes faire, Shae ? » Rockbottom lui lança un regard noir, ses yeux se rétrécissant jusqu’à devenir des fentes.

« Je prévois d’accueillir nos invités à bord, bien sûr ». Le capitaine tapota affectueusement la bouche chaude du Commodore. « Et j’ai l’intention de leur réserver un très chaleureux accueil ».

8
Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Sang et Fer
« le: 12 janvier 2025 à 14:00:46 »
« Par le fond, six brasses ». Le chien de mer perché sur le vibord récupère sa ligne de sonde et la lance à nouveau pour un autre sondage. Les nerfs chantaient comme des cordes de harpes sur la dunette du Talion, tous les yeux s’efforçant de percer la pénombre, chaque oreille attentive à l’appel des sondeurs et des guetteurs. Les austères squelettes des navires échoués ternissaient un horizon pourtant immaculé. Au sud, les brisants rugissaient sur le récif extérieur, une ligne blanche dans le crépuscule. Le ciel était peint de mille nuances de pourpre, mais personne ne levait les yeux pour admirer le merveilleux tableau. Par-dessus le flanc du navire, ils regardaient tous les eaux peu profondes – et les zones encore moins profondes à peine un jet de pierre des deux côtés.

« Très lentement et enroulez l’hunier », ordonna Shae.

« Très lentement, oui ». Hawk actionna le levier de signalisation pour transmettre l’ordre à la salle des machines. La cloche sonna tandis que Corcorian répondait d’en bas, et le levier de réponse se déplaça vers très lentement sur la roue à aubes de bâbord. Les aubes tribord restèrent immobile.

« Enroulez les huniers ! » Hurla Grogspar, et les gabiers frappèrent et tirèrent sur la toile.

Le Talion ralentit.

« À la marque, cinq brasses », annonça la sondeuse.

Chargé comme il était, il tirait trois brasses, pensa Shae. Il inspira et expira lentement. Le Talion avait un tirant d’eau plus faible que la plupart des navires de sa classe, mais même ainsi, naviguer dans des hauts-fonds non répertoriés rendrait n’importe quel marins nerveux. À cette allure, s’échouer ne serait pas catastrophique, mais le corail était une barrière impitoyable. Les carcasses des autres navires éventrés par les récifs tranchants comme des lames de rasoir gisaient tout autour.
Jusqu’ici, tout va bien.

« Récif à fleur d’eau à trente verges de la proue tribord ! » annonça la vigie à l’avant du navire.

« Barre à bâbord de deux degrés », ordonna Shae.

Le Talion barra à bâbord et avançait à peine à un nœud. Le Cimetière avait mérité son surnom en semant la mort et la destruction à toute une génération de navires marchands. Plus d’une vingtaine de navires échoués dressaient leurs mâts dénudés vers le ciel magnifique, un bosquet d’arbres morts en hiver sur fond cramoisi.

Leur objectif se profilait à l’horizon – un cygnaréen de premier rang s’était échoué sur un récif il y a longtemps, probablement par gros temps. Shae avait repéré cette «épave  à travers une longue-vue lors de leur passage vers le sud et avait remarqué la taille du navire. Même si la mer faisait son œuvre, la rouille et la pourriture le réduisant lentement, ce qui s’élevait restait du navire s’élevait encore à trois fois la hauteur du pont du Talion, et ses quatre mâts s’élevaient moitié plus haut que les leurs. Il espérait maintenant que l’épave en décomposition les dissimulerait.

« Profondeur, quatre et demi ! » annonça la sondeuse.

« Ferle tout sauf la misaine et l’artimon, Grogspar. Hawk stoppe complètement le moteur. Nous allons laisser la brise nous porter, puis nous stopperons et nous mettrons à couple ».

« Oui, monsieur ». Hawk transmis les ordres et toutes les voiles du Talion sauf deux, disparurent.

« C’est vraiment dommage qu’il soit détruit. Rockbottom regardait le navire de premier rang délabré. « Tu ne penses pas qu’ils ont laissé quelque chose derrière eux, n’est-ce pas ? »

« Il y a peut-être une ou deux babioles, Joln, mais nous ne pouvons pas embarquer encore plus de trésors sans sombrer nous-mêmes ».
« Non, mais si sa cale est pleine d’or . . . »

« Il serait sous trois brasses d’eau et recouvert d’un mètre cinquante de corail », répliqua Shae. « Il faudrait une semaine pour effectuer une récupération adéquate. Barre à gauche, deux degrés ».

« Oui, monsieur ».

« Il est probable qu’il n’y ait rien d’autre dans sa cale que de la pourriture et des fantômes ». Walls fit de vieux geste de marins pour éloigner le mauvais sort. « Pas de chance, je monte à bord d’une épave ».

« Préparez les grappins bâbord ! » Ordonna Shae. « Ferle tout, Grogspar ! Recule d’un tiers sur la roue bâbord, Hawk ».

Le Talion s’arrêta dans une position parfaite et Shae remercia sa chance surnaturelle que la marée soit étale. Les courants de marée s’engouffraient dans les étroits canaux du Cimetière, rendant la navigation encore plus difficile. À présent, ils s’installèrent à côté du grand navire mourant sans trop de difficulté. Les lignes de grappin s’élancèrent et s’entrechoquèrent sur le fer rouillé.

« Aussi serré qu’une punaise dans une maison de passe à Cinq-Doigts », prononça Walls avec un sourire béants. Stubs leva les yeux vers l’imposant gréement de l’épave comme pour évaluer son aptitude à l’escalader. « C’est vraiment génial, capitaine. Les bougres ne nous repérons jamais ici.

« Nous verrons bien » . Shae leva les yeux. Les mâts de l’épave étaient inclinés d’environ vingt degrés, alors que les leurs étaient droits. « La barre à bâbord, Walls. Déplacez la cargaison et faites passez des lignes de carénages depuis tribord jusqu’au côté bâbord de l’épave. Nous devons correspondre au gîte ».

« Oui, monsieur ».

« Grogspar ! Donnons à notre gréement un aspect endommagé Déchire de la vieille toile et suspend-la aux vergues, et on doit paraître en panne sous tous les angles ».

« J’ai passé chaque minute de ma vie à faire en sorte qu’il soit en bon état, et maintenant, je suis censé lui donné l’air d’une épave ». Grogspar agita le tuyau de sa pipe , cracha et s’en alla faire ce qu’on lui demandait. Le trollkin pouvait bien râler, mais Shae savait qu’il pouvait compter sur lui lorsque les choses devenaient sérieuses.

« Hawk . . . » Il s’arrêta et cligna des yeux devant le regard qu’elle lui lançait. Sa précédente crise l’avait-elle bouleversée à ce point ? Mais non, il n’y avait pas de venin dans ses yeux. Son expression lui parut mi-approbation à contrecoeur, mi-inquiétude. « Qu’est-ce qui ne va pas ? »

« Rien du tout, capitaine ». Elle haussa les épaule et l’inquiétude disparut de ses yeux. « J’espère juste que les mercariens vont gober le tour ».

« Veillons à ce qu’ils le fassent. Poste quelqu’un avec des yeux perçants tout en haut. Grog et repas froid pour le quart de repos, et envoies coucher tous ce qui ne travaillent sur les réparations. Pas de bruit, pas de lumière visible et pas de fumée ».

« Oui, monsieur ». Elle partit transmettre les ordres, efficace et calme comme toujours.

Cinq minutes plus tard, alors que Shae arpentait la dunette, scrutant l’horizon sud qui s’assombrissait à la recherche de leurs poursuivants, l’ingénieur en chef Corcorian montait les marches et lui faisait face, un regard meurtrier sur son visage taché de graisse et de suie.

« Capitaine ! Hawk vient de me dire qu’il n’y aurait ni fumée ni bruit ce soir ».

« Oui, ce sont mes ordres ».

« Eh bien, pardonnez-moi de vous le demander, monsieur, mais comment suis-je censé réparer ce carter de roue défectueux si je ne peux pas faire fonctionner une forge ou le mettre en forme ? »

« Dans environ deux heures, ces deux chasseurs de pirates seront à quelques miles, Quinn. S’ils voient de la fumée ou t’entendent frapper, toute cette ruse ne servira à rien. Ils jetteront l’ancre sur le récif et nous réduiront en miettes ».

« Je comprends, monsieur, mais . . . bon sang ! Je ne peux pas forger du fer froid à main nues ! »

« Officier de pont ! » cria le guetteur. « Des flèches en vue au sud ».

Shae pencha la tête en direction du guetteur. « Je vous donne jusqu’à ce que les deux coques soient visibles, Quinn, mais réduis la fumée au minimum ». Il évalua les distances et haussa les épaules. « Peut-être deux heures, puis tout sera silencieux. Tu m’as compris ? »

« Je vous ai compris, capitaine ». Quinn serra ses poings le long de son corps. « Je ferai ce que je peux, mais je ne peux pas promettre que cette roue tournera vraiment d’ici demain ».

« Utilise Bottes et les Boucaniers pour le gros du travail, mais garde leurs feux aussi bas que possible. Cela devrait te donner un peu de force brute ».

« Oui . . . » Quinn haussa un sourcil optimiste. « Oui, ça pourrait faire l’affaire. Je ferai de mon mieux, monsieur ».

« C’est tout ce que je peux demander ».

Shae congédia Quinn d’un signe de tête et scruta à nouveau l’horizon à l’aide de sa longue-vue. Dans la lumière déclinante, il pouvait tout juste distinguer les mouchetures blanches des huniers des deux navires. Il les regarda longtemps s’approcher, écoutant le grondement du ressac et le martèlement du plus profonde du navire alors que Quinn travaillait frénétiquement sur la roue à aubes. Les étoiles s’animèrent une à une au-dessus d’eux, jusqu’à ce que finalement, dans l’obscurité totale, Shae entende l’appel du guetteur.

« Pont en approche ! Des lumières arrivent par le sud. Coque haute ! »

Shae grimpa jusqu’au sommet de l’artimon et repéra rapidement les feux des deux navires. Ils viraient de bord sous son regard, comme des requins à la recherche d’une proie. Ils ne se dirigeaient pas vers la passe à l’est comme il l’avait espéré.

« Merde ! »

Généralement, les navires arrivant trop tard pour traverser le Cimetière en plein jour s’ancraient à l’embouchure du passage ou mouillaient au haute mer pour attendre l’aube. Shae avait espéré que les mercariens penseraient qu’il avait traversé le passage et qu’il avait jeté l’ancre lorsque la lumière avait fini par disparaître. En fait, il aurait pu faire exactement cela s’il avait eu une avance légèrement plus grande. Les chasseurs de pirates savaient qu’il avait été ralenti par sa roue à aubes endommagée ou pensaient qu’il se cachaient quelque part dans l’espoir de revenir sur sa route une fois qu’ils seraient passés. Shae ne doutait guère qu’ils passeraient la nuit et l’attendraient au matin.

Le capitaine du Talion replia sa longue-vue, descendit sur le pont et ordonna à l’équipage de quart de faire passer le mot pour que tout soit calme. Il avait du pain sur la planche s’il voulait survivre le lendemain.

Il pénétra dans sa cabine et grimaça à nouveau devant les dégâts. La grande cabine du Talion, avec son gracieux arc de fenêtres de la galerie arrière, ses belles boiseries et ses cuivres étincelants dans tous les coins et recoins, avait été son foyer pendant des années. Deux boulets de canons de vingt-quatre livres avaient envahi ce foyer comme deux vandales. L’un deux avait cisaillé un pied de sa table à manger et réduits l’une de ses chaises ornées à l’état de copeaux avant de continuer en défoncer la cloison avant. L’autre avait détruit l’un de ses plus précieux chronomètres, un coffre contenant ses plus belles pièces d’orfèvrerie et six bouteilles de vin llaelais se trouvant dans le casier à côté de sa bibliothèque. Ses chiens de mer avaient fait le ménage, clouant des planches sur les trous et balayant les échardes et les bris de verre, mais le mal était fait.

D’une manière ou d’une autre, après toutes les épreuves de la journée, la destructions de ces quelques viens personnels lui avait fait l’effet d’une gifle. Il jeta sa veste et s’assit à la table à cartes. Quelqu’un avait préparé un dîner froid et une bouteille de vin, mais l’idée de manger lui retournait l’estomac. Au lieu de cela, il ouvrit le journal le journal de bord du navire et se força à consigner en détail les événements de la journée. En parcourant les rapports de Walls, Doc et Hawk, il nota chaque mort et chaque blessé. Chaque nom qu’il écrivait, chaque mort, c’était comme un coup de couteau supplémentaire. Lorsqu’il eut terminé, il ferma le livre et arracha le bouchon de la bouteille de vin. Il reconnut l’étiquette de la bouteille, elle provenait d’un vignoble situé au nord-ouest de Mercir, non loin des domaines de sa famille – ou de ce qui avait été les domaines de sa famille.

La ligue avait ruiné les finances de la famille, et les accusations calomnieuses selon lesquelles son père avait engendré un traître et un criminel avait été trop fortes pour l’homme. Le jour où il avait apprit la mort de son père, Shae était toujours en fuite, acceptant n’importe quel travail de mercenaires se présentant à lui, se battant juste pour nourrir son équipage. Les lettres délirantes de sa mère alors qu’elle sombrait dans la folie avaient presque détruit sa détermination, mais pas tout à fait. Il avait rassemblé assez d’argent pour acheter le Talion et enfin offrir une meilleure existence à l’équipage, du moins au quotidien.

Il se demanda si la Ligue cesserait un jour de le pourchasser. Il leur avait fait payer cher la destruction de sa famille, les calomnies et la ruine de tous ceux qui avaient été associés à la mutinerie de l’Exeter. Le journal de bord sous sa main ressemblait à une vendetta personnelle.

Il serra et ouvrit sa main gauche, et baissa les yeux vers l’endroit où il avait senti le dernier battement de coeur de Sartori à travers le manche de la dague.

« Il n’y a pas de retour en arrière possible », dit-il à voix haute. Ces paroles firent renaître le dernier regard du chien de mer, sa détermination face à la mort. « Il n’y a rien d’autre à faire que de riposter . . . » Un élan de sa vieille détermination, son désir de vengeance transpercèrent la brume de son humeur. Il se versa un verre de vin et but, savourant la saveur enivrante et la bouffé de chaleur qui picota ses doigts et ses orteils ».

Mais comment ?

Il se versa un autre verre de vin et analysa la carte du Cimetière, une copie des originaux de Rutter qu’il avait complétés pendant leur voyage vers le sud. S’il pouvait emprunter un passage ou une passes que ses poursuivants ne pourraient pas emprunter, il pourrait les attirer sur un récif. Le Talion avait un tirant d’eau inférieur à celui du Rasoir d’une demi-brasse. S’il parvenait à immobiliser l’un des chasseurs pirates  à marée descendante, il pourrait se mettre hors de portée et le tailler en pièce avec le Commodore. Malheureusement, le second navire ne resterait pas inactif pendant qu’il décimerait l’autre, et les attirer tous les deux sur un  récif semblait impossible.

Gorafalo était un lâche qu’il pouvait battre dans un combat loyal, mais il se ferait battre comme il l’avait été aujourd’hui. Avec le Talion si endommagé, il doutait de pouvoir affronter le Tempête et s’en sortit vivant. Et il y avait cette maudite tireuse embusquée, la Faiseuse de Fantôme, à considérer. Était-elle sur le Rasoir ou sur le Tempête, Il savait qu’il pouvait tenir à l’assassine en tête-à-tête, mais diriger un engagement contre un navire, gérer ses warjacks et protéger son navire et son équipage nécessiterait toute son attention et son énergie arcanique. Cela ne laissait pas grand-chose pour sa défense personnelle. S’il ne pouvait pas renforcer son champ d’énergie ou lancer des sorts de dissimulation, il doutait qu’il puisse résister aux tirs punitifs de son fusil lourd.

Pas d’issue . . . Il sentit ses pensées repartir vers la culpabilité.

Pour se distraire, il sortit une feuille de parchemin blanc fin et commença à dessiner de mémoire la disposition des ponts du Rasoir. Chaque détail des mois passés à bord lui revint en mémoire, et il ajouta de plus en plus d’éléments à son dessin avec une méticuleuse précision. La dunette, le pont intermédiaire, le pont-batterie, les cabines arrières, les cales à marchandises, les coffres à voiles et, au fond de ses sections arrière, en sécurité sous la ligne de flottaison, sous la boulangerie - la cuisine, la poudrière.

Il marmonna pour lui-même : « il va falloir l’assouplir pour- »

Un coup discret frappé à sa pote le sortit de sa rêverie.

« Qu’est-ce qu’il y a ? » Le ton de Shae fut juste assez dur pour exprimer qu’il n’était pas content d’être interrompu.

Le porte s’ouvrit. Hawk entra sans un mot et ferma doucement la porte derrière elle. Elle déboucla sa ceinture d’épée, les rangées de pièces d’or qu’elle y avait cousues tintèrent tandis qu’elle accrochait ses coutelas à la patère à côté de la porte.

Cela ne pouvait signifier qu’une seule chose, mais Shae se trouvait d’humeur trop sombre même pour cela.

« Je ne t’empêcherai pas de réfléchir. Je voulais juste m’assurer que tu avais les idées claires ». Hawk lui lança à nouveau ce regard, mi-inquiet, mi-approbateur. « Tu avais raison de le cacher dans le Cimetière. C’est parfait ».

« Merci ». Il souleva la bouteille de vin et l’inclina vers elle. « Je te serre un verre ? »

« Non merci ». Elle fit un signe de tête aux papiers devant lui. « Comme se déroule le plan ? »

« Je n’y suis pas encore, mais j’y travaille ».

« Bien ». Elle fit le tour de l’immense cabine, observant les meubles cassés et le casier à vin abîmé. « J’aime ce que tu as fait de cet endroit ». Elle déboutonna le revers d’un gant haut et commença a tirer sur les doigts. « Il dit : ‘Embrasse mon cul rouge et rose !’ sur le ton qui convient ». Elle réussit à faire glisser le gant sur l’une des chaises de la salle à manger, puis commença à s’occuper de l’autre.

« Vraiment, Hawk, je ne suis pas d’humeur ». Il se leva de la table à carte, se versa un autre verre de vin et désigna ses dessins. « Je dois trouver un moyen de nous en sortir sans nous faire tuer ».

Elle libéra le gant droit et le plaça à côté de son jumeau. « Je vois ce que tu fais, Phinneus, et tu dois arrêter ». Les boucles en laiton retenant l’une de ses cuissardes s’ouvrirent sous ses doigts et elle s’assit.

« Arrêter d’essayer de trouver un moyen de nous en sortir ? »

« Non ». La cuissarde résista à ses efforts mais finit par céder. Alors qu’elle tombait au sol avec un bruit sourd, elle lui lança un regard égal. « Arrête de t’en vouloir à propos de ce qui s’est passé aujourd’hui, viens ici et aide-moi avec cette foutue autre cuissarde ».

« Me faire du mal ? » répéta-t-il incrédule. Comment pouvait-il cesser de s’en vouloir pour des choses dont il était responsable ? Son humeur s’enflamma. Il vida son verre et le posa soigneusement. « Tu veux que j’arrête de me soucier des hommes et des femmes qui sont sous mes ordres ? Que j’arrête de m’inquiéter que chacune de mes décisions puisse coûter des vies ? » Il s’approcha d’elle et se tint les mains sur les hanches. « Comment puis-je faire cela tout en restant un commandant efficace, Hawk ? »

Son second-capitaine souleva sa jambe galbée, posa la semelle de sa botte contre la poitrine de Shae et dit : « Tire ».

Il l’observa un instant, puis soupira et saisit fermement la botte.

« Je ne dis pas que tu devrais arrêter de t’en soucier, Phinneus. C’est ce qui fait de toi un bon capitaine. C’est ce qui a gagné ma confiance et conquis tout l’équipage ». Elle grimaça alors qu’il tirait, et la botte resta fermement en place. Un sourcil sombre s’arqua vers lui. « As-tu besoin de ton armure de warcaster pour faire ça correctement ? »

« Est ce que je . . . » Il rit et resserra sa prise.

« Ce que tu dois faire, Phinneus, c’est d’arrêter de penser que tout cela est en quelque sorte de ta faute ».

Il s’arrêta à mi-course. « Mais c’est ma faute. Si je n’avais pas cette prime sur ma tête- »

« Depuis l’Exeter, chacun d’entre nous ici a sa tête mise à prix. La tienne est juste plus . . . impressionnante. Et qui a mis cette prime sur ta tête ? Toi ? »

« Bien sûr que non ! Ce trou du cul d’Etan Starke qui l’a fait. Tu le sais ».

« Oui, je le sais, mais tu semble l’avoir oublié. Rappelle-toi de la charte du Talion. Nous jurons de nous venger de la Ligue Mercarienne, qui a injustement noirci nos noms et consacré sa trésorerie à notre ruine ». Elle passa les orteils de son pied non chaussé sous sa ceinture et lui adressa un carnassier.

« Je m’en souviens » . Il avait personnellement écrit ces mots.

Elle remua les orteils sous sa ceinture. « Alors, parle-moi de ton plan pour échapper à ces deux mercariens, et tire ! »

La colère de Shae se dissipa. Elle avait raison, bien sûr Il s’en voulait de la mort de son équipage et de la ruine de sa famille, mais aucune de ces horreurs n’était arrivée à cause de ses actions. Il s’était mutiné contre un capitaine qui avait tenté de l’assassiner sans preuve ni provocation. Qu’état-il censé faire, demander pardon pour un crime qu’il n’avait pas commis ? Il avait déjà fait face à ces sentiments, ou pensait l’avoir fait. D’une manière ou d’une autre, il les laisserait s’accumuler à nouveau. Il regarda Hawk dans les yeux et pensa, Bon dieu, je déteste quand elle a raison.

« Je te parlerai de mon plan demain matin ». Il lui sourit, saisit fermement sa botte et posa un pied sur le bord de sa chaise.

Alors que Shae commençait à tirer, Hawk sortit son autre pied de sous sa ceinture, le posa sur sa poitrine et le poussa violemment. La botte se détacha d’un seul coup, et avec un pied sur la chaise, il tomba à la renverse sur le pont. Il atterri durement et la regarda fixement.

Elle lui lança un regard menaçant. « C’est du chantage, Phinneus ! »

Shae réalisa immédiatement son erreur. Hawk passait rarement toute la nuit dans sa cabine, préférant s’éclipser aux petites heures du matin. Plus d’une fois il lui avait demandé de rester, mais elle avait toujours refusé, prétextant qu’elle ne voulait que des rumeurs courent sur le navire. Visiblement, elle pensait qu’il essayait de faire pression sur elle pour qu’elle reste, mais ce n’était pas du tout son intention.

« Non ». Il considéra la botte qu’il tenait dans sa main et la jeta de côté. « Ce n’est pas du chantage. Comme je l’ai dit, je n’ai pas encore élaboré de plan magistral. Une fois que je l’aurai - demain matin - je te le dirai, ainsi qu’au reste des officiers ».

« Oh ». Ses lèvres retrouvèrent leur ancien sourire. S’avançant, Hawk posa ses pieds de chaque côté de ses hanches. « Eh bien, alors peut-être que je peux stimuler ton imagination ». Ses doigts ouvrirent habilement chacun des fermoirs en forme de crâne doré retenant son corsage ajusté, et elle s’en débarrassa en haussa les épaules pour l’enlever.

Shae admira les délicieuses courbes de son torse nu à la lumière de la lampe et décidé qu’il était d’humeur après tout. « Oui, peut-être que tu y parviendras ».

Hawk lui adressa un sourire que peu d’autres avaient jamais vu et s’agenouilla. Shae découvrit que tous les soucis avaient disparu de son esprit troublé, son imagination – et bien plus encore – complètement stimulée.

* * *

Le coup violent porté sur la porte de sa cabine sortit Phinneus d’un profond sommeil. La lampe était éteinte et la lueur de l’aube commençait à peine à envahir la cabine à travers les fenêtres drapées de la galerie arrière. Il avait l’impression d’avoir dormi pendant un mois. Il s’étira, et sa deuxième surprise de la matinée s’agita contre lui. Hawk était allongée contre lui, leurs jambes entrelacées, sa tête sur son épaule, et sa main sur sa poitrine. Elle leva les yeux sur lui et lui sourit.

Elle était restée, pensa-t-il en lui rendant son sourire.

« Bonjour », murmura-t-elle, démêlant ses jambes des siennes et s’étirant sous le drap fin.

« Bonjour à toi ».

Un autre coup retentit, plus urgent cette fois.

« Capitaine ? » C’était la voix de Walls.

« Un instant ! » Shae glissa du lit, attrapa son pantalon et regarda autour de lui.

Le baudrier d’épée d’Hawk était toujours accroché à côté de la porte et ses vêtements étaient éparpillés sur les chaises. Il haussa un sourcil interrogateur. Il n’avait pas vraiment de moyen de cacher sa présence, mais elle s’efforçait de rester discrète lors de ses visites. Aucun des deux ne se faisait d’illusion sur le fait que leur relation était un secret de polichinelle pour l’équipage du Talion, mais que ce soit par respect pour eux ou par peur flagrante d’Hawk, pas une seule rumeur ou de blague obscène à propos du capitaine et du second-capitaine n’avait jamais été entendue à bord du bateau. Du moins, pas à la connaissance de Shae.

« Réponds ». Elle se glissa hors du lit et enroula le drap autour d’elle. « Walls est déjà au courant, et il se taira ».

« Sans aucun doute ». C’était ça ou Hawk allait lui en faire voir de toutes les couleurs. Il enfila son pantalon et entrouvrit la porte. « Oui, Walls?

« Nous avons besoin de vous sur le pont, capitaine ». L’unique œil valide du maître de quart passa par-dessus l’épale de Shae jusqu’au fourreau pendant seulement à trente centimètre de là, et il déglutit. Son omniprésent compagnon, Stubs, regarda Shae, les yeux écarquillés, un « Hoot-hoot » timide s’échappant de ses lèvres pincées. « Nous avons des problèmes ».

« J’arrive tout de suite ». Il commença à fermer la porte, puis se retourna et fixa son quartier maître d’un regard sévère. « Oh, et Walls . . . »

« Oui, monsieur ? » Walls croisa le regard de son capitaine sans broncher, mais le quartier maître était connu pour foncer dans un barrage de mitraille.

« Mieux vaut réveiller l’équipage tôt. Petit-déjeuner froid et abandonnez la routine matinale habituelle ». Il entendit le raclement d’une chaise derrière lui et jeta un coup d’oeil par-dessus son épaule pour remarquer qu’Hawk avait déjà enfilé ses jambières et était en train de tirer sur son corsage, dos à eux. Il se retourna vers Walls et garda un visage soigneusement neutre. « Nous n’aurons pas le temps de nettoyer les ponts ».

« À vos ordres ». Walls salua et s’éloigna. Stubs, quand à lui, poussa un hululement sonore et un cri déchirant avant que la porte ne se ferme.

Shae alla récupéré ses bottes, sa chemise et sa veste. Hawk avait fini avec les fermoirs de son corsage et s’assit sur une chaise, travaillant sur ses bottes hautes.

« Dommage ». Elle attacha une boucle et attrapa l’autre botte. « Quoi ? » Elle enfila une chemise et enfonça sa botte droite. L’autre s’était retrouvé d’une manière ou d’une autre sur la table à manger. Il se pencha devant elle et l’attrapa.

« Qu’on n’ait peu le temps de nettoyer les pots ce matin ». Elle se leva, enfonça son pied dans sa botte et lui fit e sourire carnassier.

« Je suis sûr que les ponts auront besoin d’être nettoyé après que nous nous soyons occupés du Rasoir et du Tempête ». Il la regarda un moment et sentit dans ses tripes un émoi au-delà de la simple attirance physique. L’étouffante culpabilité qui avait embrouillé ses pensées la nuit précédente avait disparue, et il avait dormi profondément, l’esprit apaisé. Elle avait raison. Il s’en voulait d’avoir vécu des événements qui avaient redéfini sa vie, des événements qu’il n’aurait pas pu éviter. Ce matin, il voyait clairement que chaque élément de leur dilemme. Il n’avait pas encore de plan précis, mais toutes les pièces étaient là, prêtes pour le premier mouvement. « Et merci, Hawk. Tu avais raison ».

« Bien sûr que j’avais raison ». Elle l’attrapa par le col de sa chemise et le poussa en avant, déposant un solide baiser sur sa bouche. « Maintenant, mettez-vous au travail, capitaine. Je vous verrai sur la dunette ».

« Sur la dunette ».

Elle jeta ses gants et ses épées sur son épaule et quitta la cabine avec un sourire.

Shae chassa son autre botte, enfila une veste, attacha Requin autour de sa taille et se dirigea vers le pont arrière, pensant qu’il était probablement le pirate le plus chanceux sur l’océan.

Les officiers du Talion étaient tous là. Corcorian arborait le seul sourire du groupe, ce qui était à la fois de bon et de mauvais augure.

« Quelles nouvelles, Quinn ? »

« La roue bâbord fonctionnera, monsieur ». Il essuya la crasse qui couvrait son visage De profondes rides de fatigues creusaient son front. Il était probablement resté debout toute la nuit pour effectuer les réparations. « Elle va grincer un peu, mais elle fonctionnera. Ce matin, nous travaillons sur le blindage, mais sans la forge pour chauffer les rivets, ce sera au mieux un travail bâclé ».

« Bon travail ». Il se tourna vers les autres officiers. « Alors, pourquoi ces visages de déterrés ? »

« Ils se sont séparés, monsieur ». Walls lui tendit une longue-vue. « Le Tempête va vers l’est et le Rasoir vers l’ouest. Ils avancent lentement, près des hauts-fonds. Ils doivent être à al recherche d’un passage à travers le récif extérieur ».

« Bien ! » Ignorant leurs regards incrédules, il prit un verre et monta les marches jusqu’à la dunette pour avoir une meilleure vue.

« Bien ? » Rockbottom le suivait, la jambe de bois du nain faisant son toc-toc sourd distinctif sur le bois. « Qu’y a-t-il de bon à ce que deux chasseurs de pirates manœuvrent pour nous attaquer de part et d’autre comme les mâchoires d’un foutu piège à ours ? »

« Ce qui est bien, c’est que c’est exactement ce que j’espérais qu’ils feraient ». Shae scruta l’horizon qui s’éclairait et sourit sinistrement. Le Tempête, légèrement plus grand, se dirigeait vers le vent sous voiles d’étai et à la vapeur, tandis que le Rasoir naviguait vers l’ouest, ses voiles réparées gonflées à bloc, bien qu’il lui en manquait encore un tiers. Il referma le longue-vue, la rendit à Walls et se dirigea vers la dunette. « Gardez un œil sur eux. Je veux être informé immédiatement si l’un ou l’autre vire vers le nord. Ils savent que nous sommes cachés quelque part ici », - il fit un large arc de cercle avec son bras, désignant les restes délabrés des dizaines d’épaves qui parsemaient le Cimetière - « mais ils ne savant pas exactement où. Ils vont s’éparpiller et viendront vers nous dans les deux directions, avec l’espoir de nous débusquer et de nous piéger entre eux ».

« Je ne vois toujours pas en quoi c’est une bonne chose ! » dit Rockbottom en lui emboîtant le pas.

« Diviser pour mieux régner, mon petit ami ». Haw lança au nain un regard calculateur.

« Exactement ! » dit Shae en lui adressant un sourire.

Evlyn Corcorian attendait Shae sur le pont arrière, un lourd sac de toile à ses côtés et ses outils prêts. Shae s’approcha et ôta sa veste, se tenant à la rambarde avant, à la vue de tous sur le pont. Evlyn lui adressa un sourire et commença à attacher ses jambières sans un mot.

« Alors, votre plan magistral . . . » Hawk s’appuya sur la rambarde et le regarda avec un air amusé.

« N’a jamais consisté à leur échapper ». Shae lança à ses officiers un regard dur et impitoyable. « J’ai l’intention d’exécuter les proclamations de la charte du Talion, de me venger de la Ligue Mercarienne, qui a injustement noirci nos noms et consacré son trésor à notre perte ! Ils ont imprudemment divisé leurs forces, et nous allons en profiter. Je connais le Rasoir comme ma poche. C’est le moins fort des deux. Nous allons détruire ce navire, puis faire demi-tour et s’en prendre au Tempête également ».

« Il était temps ! » Walls sortit dégaina deux de ses pistolets et actionna ses verrou pour vérifier leur leur charge. Stubs se balançait sur son épaule, souriant. « Dommage que votre second-capitaine insiste pour apporter des couteaux lors d’une fusillade ».

« Tu n’est pas lassé de te répéter ? » Hawk dégaina un de ses coutelas si vite que Shae vit à peine la lame briller avant que la pointe ne se retrouve juste sous le nez du quartier maître. Stubs regarda la lame et émit un « Eep ! » d’alarme, et se mordit la queue. « La meilleure chose à propos d’une épée, Walls, est que tu n’as jamais besoin de recharger ».

Ils rirent touts les deux de leur habituelle plaisanterie d’avant-combat et rangèrent leurs armes. Leur enthousiasme pour le sommaire plan de Shae n’était cependant pas partagé par tout le monde.

Joln Rockbottom se redressa pour lancer un regard noir au capitaine. « Qu’est ce qui te fait penser que nous pouvons si facilement détruire le Rasoir ? Si nous nous faisons massacrer comme auparavant, nous ne serons pas à la hauteur du Tempête ».

« Deux raisons : premièrement, comme je l’ai dit, je connais ce navire. Je sais exactement ou le frapper. Si nous plaçons un tir incendiaire du Commodore juste au bon endroit, nous toucherons sa poudrière ».

« Fils de . . . »

« Tout comme l’Exeter ». Grogspar sourit derrière sa pipe.

« Oui, comme l’Exeter, mais le Rasoir est un navire beaucoup plus petit et un chasseur de pirates, pas un cargo. Il est surarmé, et quand son magasin explosera, ça ne le brisera pas seulement, - il explosera en deux. Avec le Rasoir plus là, le commandant du Tempête réfléchira à deux fois avant de nous engager. S’il le fait, nous aurons un combat difficile, mais ils n’ont pas de warcaster ! »

Evlyn place l’élément principal de son armure dans son dos. Une fois les sangles fixées, il alluma la chaudière. La turbine arcanique se mit à tourner, envoyant une vague d’énergie magique dans chaque jointure de l’armure, augmentant ainsi sa force.

Rockbottom plissa les yeux. « Tu es sûr qu’ils n’ont pas de warcaster ? »

« Je suis sûr ». Il accepta son canon à main d’Evlyn, vérifia le chargement et le rangea dans sa ceinture. « Même la Ligue Mercarienne ne peut se permettre d’avoir un warcaster parfaitement formé sur chaque navire mercenaire ».

« Mais tu as servi sur le Rasoir », lui rappela le nain.

« Pour ma toute première mission, oui ». Shae eut un sourire dangereux. « S’ils m’opposent un novice, je lui apprendrai ce qu’est l’art du warcaster ».

« Et la Faiseuse de Fantômes ? As-tu pensé à un moyen de l’éliminer ? » Joln croisa les bras sur sa poitrine, la mine renfrognée.

« Franchement, non, mais nous avons une chance sur deux qu’elle soir à bord du Rasoir. Si ce n’est pas le cas, je devrai m’occuper d’elle séparément ».

Rockbottom le regarda. « Elle a déjà tué au moins un warcaster, Phinneus. Tu devrais peut-être la prendre plus au sérieux ».

« J’ai un navire entier, sept warjacks, deux cent quarante-deux chiens de mer, quarante-et-un canons et un singe dont je dois m’occuper, Joln ». Stubs poussa un cri comme pour affirmer son inclusion dans les préoccupations du capitaine. « La Faiseuse de Fantômes n’aura qu’à faire la queue ».

« J’ai une question, monsieur ». Une Oreille Scoriani s’avança.

« Oui ? » Shae fit un signe de tête à son maître canonnier. « C’est le moment ».

« Comment peut-on mettre un incendiaire dans le poudrière du Rasoir ? Même le Commodore ne transpercera pas autant de bois et de métal d’un seul coup, et la poudrière doit se trouver sous la ligne de flottaison, tout comme la nôtre ».

« Nous devons d’abord l’assouplir avec une bordée. Ensuite, nous abaisserons la bouche du Commodore pour tirer à un ange descendant depuis notre gaillard avant le plus élevé. C’est la que Quinn va vous aider ». Il fit un signe de tête confiant à l’ingénieur. « Tu penses pouvoir faire quelque chose pour mettre le Commodore en position ? »

« Si cela ne vous dérange pas de percer un trous dans notre propre pavois, monsieur ». Quinn fit un signe de tête vers l’avant. « Nous pouvons l’étayer, mais il lui faut une ligne de feu dégagée ».

« Fais-le. Et je vais demander à Bottes d’aider aussi. Il peut positionner le Commodore rapidement. Oh et Une Oreille, je te veux toi et tous tes capitaines d’armes en réunion, dans ma cabine. J’ai des croquis de la disposition du pont du Rasoir et je veux vous montrer exactement où le frapper ».

« Oui, monsieur ! »

« Autre chose ? » demanda le capitaine en regardant autour de lui.

Il faudra quelques minutes pour redresser le gréement du Talion avant que nous puissions faire plus que tourner en rond ». Grogspar s’inquiéta du tuyau de sa pipe, soufflant des nuages nocifs de fumée bleue.

« Attendez qu’ils soient à bonne distance. Je ne veux pas qu’il nous repèrent avant que ce soit fait ».

« Oui, monsieur ».

« D’autres questions ? » Son regard parcourut la dunette mais ne rencontra que le silence et une ferme détermination. « Bien. Je sais que nous n’avons que du porc salé froid, du fromage dur et des biscuit de mer, mais prenez un copieux petit-déjeuner avant de vous occuper tous de vos tâches. Après avoir rencontré les capitaines d’armes, je vais rendre visite à Doc et voir comment vont nos patients fiévreux.

* * *

9
Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Sang et Fer
« le: 29 décembre 2024 à 17:06:33 »
PARTIE DEUX

Le Moindre des Deux Maux

L’écume de mer sifflait sous les pied ballants de Shae tandis qu’il inspectait les dégâts causés à la roue à aubes. Son ingénieur en chef avait déjà retiré une partie du blindage déchiqueté, avec l’aide de Botte. Le capitaine, l’ingénieur et le Flibustier étaient tous suspendus de façon précaire à la grue d’artimon improvisée par Grogspar. Les réparations toutes voiles dehors étaient toujours délicates, mais suspendre un warjack de cinq tonnes dans les airs à flanc d’un navire en mouvement faisait paraître une bordée ennemie sans danger en comparaison. Grogspar avait attaché une douzaine de cordes au warjack pour empêcher Bottes de se balancer pendant qu’ils exerçaient ses énormes pinces sur le blindage de la roue à aubes.

Le métal crissa et une autre lourde plaque se libéra sous l’emprise du warjack. Ce que Bottes soulevait facilement d’une seule massive pince, trois costauds marins devaient le hisser sur le pont à l’aide de poulies et de palans bricolés. Shae et Quinn jetèrent un coup d’oeil à l’intérieur de la roue à aubes.

« Le carter de roulement s’est détaché ! » Cria Quinn par-dessus la mer rugissante. Il montra quatre boulons de cinq centimètres d’épaisseur qui avaient été arraché par un boulet de canon. « Le boîtier est probablement fissuré aussi ! Nous aurons de la chance si l’arbre de transmission n’est pas tordu ! »

« Et si c’est le cas ? » Shae n’était pas un grand mékanicien, mais il pouvait bien voir les dégâts : des éclats de bois et de métal déchiqueté partout. L’ensemble de la roue à aubes avait été arraché de son support. Plusieurs des plaques de bronze renforçant les aubes avaient également été cisaillées, mais le principal problème semblait être l’arbre d’entraînement en fer de trente centimètres d’épaisseur actionnant l’ensemble du mécanisme.

« Un arbre de transmission tordu signifie chantier naval, capitaine. Je ne peux pas démonter toute la roue à aubes en mer, et même si je le pouvais, je n’ai pas d’arbre de rechange et je ne peux pas redresser celui qui est endommagé ». Il plissa les yeux dans le recoin sombre de l’immense carter. « Il se peut que l’autre extrémité se détache, ce qui de qui impliquerait de forger de nouveaux boulon et de la menuiserie. Je saurai à quel point la situation est grave dans une heure ».

« Fais-le fonctionner ». Shae se retenait de s’énerver. Aboyer sur Quinn pour avoir dit la vérité ne servirait à rien. « « Nous aurons besoin de la propulsion si ces deux chasseurs de pirates nous poursuivent. Pas besoin que ce soit joli, il fait juste que ça marche ».

« Oui, capitaine ! »

« Remonte-moi, Grogspar ! » Shae atterrit sur le pont arrière et laissa son bosco retirer les cordes qui l’attachaient au siège en planches. Hawk, Walls et Rockbottom se tenaient tous là, la mine sombre.

« Mauvais, capitaine ? » demanda Hawk.

« Assez mauvais ». Il se libéra de la dernière corde et étira ses épaules endolories. « J’ai bien peu que nous naviguerons avec les voiles pour un moment, mais avec ce vent, nous devrions atteindre une bonne vitesse. Nous en saurons plus dans une heure ».

« On peut juste faire fonctionner l’autre roue à aubes ? » demanda Rockbottom.

« Nous pourrions, mais la poussée inégale mettrait trop de pression sur le gouvernail. Cela ne serait rien pendant une courte période ou à petite vitesse, mais si nous la faisons fonctionner toute la journée, nous risquons de réels dégâts. La dernière chose dont nous avons besoin, c’est d’une tringlerie de direction cassée. Si nous ne pouvons pas diriger, nous sommes à l’arrêt sur l’eau, et avec ces chasseurs de pirates à nos trousses, à l’arrêt sur l’eau signifie la mort ». Shae jeta un coup d’oeil à l’arrière. « Aucun signe de nos amis ? »

« Aucun », répondit Hawk. « Je nous ai mis sur une ligne de rhumb de zéro deux zéro degrés pour traverser l’Ossuaire. Nous ne faisons qu’environs sept nœuds. Les aubes nous ralentissent beaucoup ».

« je sais, mais nous ne pouvons même pas laisser la roue bâbord tourner librement sans exercer la même pression sur le gouvernail ». Il laissait souvent les deux roues à aubes tourner librement lors de longs voyages en mer, pour économiser le charbon. Maintenant, elles ralentissaient le navire comme une paire d’ancres marines. Shae jeta un coup d’oeil aux voiles. Toutes les voiles étaient gonflées et réglées comme jamais, mais sept nœuds par ce vent était une vitesse nulle pour le Talion.

« Nous allons voir ce que nous pouvons faire pour gagner encore quelques nœuds ». Il aperçut Evlyn Corcorian attendant patiemment derrière Walls, pratiquement cachées par la masse du maître de quart. Sa vue lui rappela son armure de warcaster endommagée. Il lui fit signe d’avancer et elle commença à ôter son armure tandis qu’il lançait ses ordres. « Deux des sabords tribord ont été défoncés. Que les charpentiers réparent les dégâts et qu’Une Oreille vérifie les canons ».

« Oui, monsieur » Hawk se dirigea au bastingage avant et aboya pour que quelqu’un aille chercher le maître canonnier.

« Walls, assure-toi que les équipes de réparations ont tout de dont elles ont besoin ». Il fait travailler ses épaules douloureuses pendant qu’Evlyn soulevait le composant d’armure le plus lourd de son dos. « S’ils ont besoin de bois, nous transportons environ cinquante tonnes de solide teck et de bonne qualité ».

« Oui, et il est emballé dans les niveaux les plus bas de la cale ! » Walls s’empressa de s’atteler à la tâche peu enviable de traverser trois étages de marchandises serrées les unes contre les autres pour atteindre les fournitures entreposées.

« Grogspar, gréons le foc libre et réduisons un peu les huniers d’artimon. Si nous parvenons à enfoncer légèrement la proue, nous réduirons la résistance des roues à aubes. Va avec Walls et déplace toute la cargaison que vous pouvez vers l’avant des grands voiles.

« Je suis dessus comme un ogrun, capitaine ».

Venant d’un trollkin, c’était drôle, mais en ce moment, Shaes doutait que quoi que ce soit puisse le faire rire. Il se tenait debout, en chemise, bottes et pantalon, son armure de warcaster gisant en tas sur le pont.

Il se sentait nu sans elle. Il fléchit à nouveau ses épaules douloureuses et appela son second.

« Le pont est à toi, Hawk. Je vais chercher une veste et voir Doc pour le bilan ».

« Oui, monsieur ». Hawk retourna à sa position habituelle à côté de la barre, où deux chiens de mer étaient en train d’effacer les taches laissées par le précédant timonier.

« Evlyn, fais-moi savoir quand mon armure sera réparée ».

« Oui, monsieur ». Elle souleva les pièces et les mit dans un sac en toile. Heureusement, contrairement à certaines armures de warcasters, la sienne n’était pas si lourde qu’elle pouvait la soulever seule. Le fait d’utiliser des clés à molettes et de porter des plaques de blindage avait donné à sa fine carrure des muscles filiformes. « Dois-je l’apporter à votre cabine ? »

« Non, envoie juste un message ». Il s’éloigna sans un regard en arrière.

Après un rapide et déprimant arrêt dans sa cabine en partie détruite pour récupérer une veste de rechange, Shae trouva Doc Killingsworth dans la cuisine, qui servait d’infirmerie improvisée lorsqu’il y avait des blessés graves. À bord du Talion, c’était souvent le cas.

Killingsworth avait probablement découpé plus de chair humaine que de bœuf ou de porc dans ce compartiment sombre et étouffant. Il y avait bien de trop de rumeurs sur ce qu’il advenait des bras, des jambes, des mains et des orteils que Doc retiraient avec ses divers couteaux et scies, et les chiens de mer avaient tendance à éviter tout « ragoût de viande » qu’il servait après des actions sanglantes. Shae ne croyait pas aux rumeurs, mais avec leurs récents succès, il avait aussi mis en place une bonne quantité de magasins privés. Lui et ses officiers mangeaient rarement les mêmes plats que l’équipage.

Les gémissements des chiens de mer blessés accueillirent le capitaine lorsqu’il entra dans la macabre enceinte. Ses bottes crissèrent sous la boue collante de sable et de sang lorsqu’il se baissa sous une poutre basse et pénétra à l’intérieur. Le pont avait été jonché de gravier pour empêcher que le sang ne devienne glissant sous les pieds. La puanteur cuivrée lui plissa le nez. Six chiens de mer gisaient dans des lits improvisés le long d’une cloison, les membres, les moignons et la tête bien bandés. Plusieurs autres étaient allongés sur le pont, de l’autre côté de la pièce, attendant un traitement ou l’appel de la faucheuse.

« Tenez-le bien, bon sang de bonsoir ! » Doc jurait depuis la table centrale de la pièce, un épais bloc de boucher soutenant actuellement la forme se tordant de l’homme que Crochet avait piétiné pendant la bataille. Les quatre « compagnons chirurgiens » de Killingsworth s’arc-boutant contre l’homme, le maintenant appuyé pendant que Doc aiguisait un long couteau de boucher incurvé.

« Comment va Barducci, Doc ? » Shae déglutit difficilement à la vue de la jambe du marin, complètement écrasée sous le genou. Doc avait déjà appliqué un garrot au-dessus de l’articulation.

« Chanceux ». Il appliqua sa lame sur la chair enflé, ignorant la giclée de sang contre son tablier détrempé. « L’articulation n’était pas si mal. Si ça ne s’envenime pas, il sera comme neuf dans un mois ».

Shae se força à regarder les habiles coups de Doc mettant à nu l’os écrasé. Quatre rapides tours de la lame sectionnèrent les tendons. Puis il ligatura les veines et les artères principales. La jambe réduite en pulpe se détacha avec un bruit sec, comme le bruit d’un pilon extrait d’un poulet trop cuit, et Doc versa un tiers de bouteille de tord-boyaux dans la plaie ouverte. Barducci se débattit, mais ses cris furent étouffés par un épais bâillon en bois enveloppé de cuir. En moins de temps qu’il n’en fallut à Shae pour enfiler ses bottes le matin, Doc recousit les deux lambeaux de peau sur l’articulation et desserra le garrot. Finalement, il fit un signe de tête à ses compagnons et ils relâchèrent leur emprise. Heureusement, Barducci s’était évanoui.

« Tiens ! » Le docteur fourra la bouteille de rhum à moitié vide dans la main d’un assistant. « Emballe ça et donne-lui la bouteille quand il reviendra à lui. Ensuite, amène Feltic ».

« Quel est le total des dommages, Doc ? » Shae les regarda traîner le patient suivant vers l’avant. Un éclat de bois dur de 25 centimètres traversant l’avant-bras du tireur.

« Je vais bien, Doc ! » Feltic s’éloigna de la table ensanglantée. « C’est juste une écharde ! Je l’enlèverai plus tard, et je serai en pleine forme ! »

« Tais-toi ! » Doc fit signe aux hommes d’avancer. « Quatorze morts pour l’instant, capitaine, et probablement deux de plus avant que je puisse les atteindre. Dix-huit sont trop blessés pour se battre pendant un moment ». Il fit une pause et se pencha plus prêt, baissant la voix jusqu’à un murmure. « Vous voudriez peut-être parler à Sartori là-bas. Mauvaise blessure au ventre. Il fouilla sous la table et en sortit une autre bouteille de tord-boyaux. « Tenez ». Il mit la bouteille entre les mains du capitaine. « S’il la boit entièrement, cela facilitera son décès ».

Shae hocha la tête d’un air sombre. Cette partie n’était jamais facile. Il prit la bouteille et se tourna vers le coin, où un homme gisait, la tête et les épaules appuyées sur une toile à voile.

Le ventre du chien de mer était enveloppé dans une bande de toilé détrempée, imbibée de sang et encore d’autre choses. Il reconnut Sartori comme étant capitaine de tir sur le flanc tribord arrière, là où le plus gros du tir de barrage avait été le plus violent. Les yeux de l’homme étaient ouverts, mais ses traits étaient tirés, avec la pâleur de la perte de sang et la connaissance de son avenir proche. Shae se mit à genoux à côté de lui et retira le bouchon de la bouteille.

« Bonne nouvelle, Sartori ». Il se força à sourire. « Doc dit que tu es assez en forme pour avoir un gamin avant de s’occuper de cette égratignure ». Il tendit la bouteille.

« Merci, monsieur, mais ne me mentez pas ». Le chien de mer accepta la bouteille avec un sourire sinistre. Il prit une longue gorgée et secoua la tête, puis grimaça en déglutissant. « Je reconnais une vilaine blessure au ventre quand je la vois ».

« Comment c’est arrivé ? »

Shae jura dans sa barbe face au sort de cet homme, à toutes les souffrances que la Ligue Mercarienne avait engendrées. Plus les primes s’abattaient sur eux, plus la mort pleuvait. Se battre pour un butin était une chose, mais échapper aux constantes poursuites et aux incessantes attaques des chasseurs de primes en était une autre. Il en avait marre, marre de voir des hommes et des femmes qu’il connaissait réduits à des morceaux de viande déchiquetée, marre de leur tenir la main pendant qu’ils agonisaient parce que la Ligue avait mis leur tête à prix. Tout cela remontait aux lendemains de sa mutinerie, lorsque le besoin de vengeance avait chassé toutes les autres pensées, y compris ce qu’il adviendrait du reste d’entre eux. Des années d’infamies, de mort et de fuite d’un port mal famé à l’autre avaient multiplié leurs crimes au centuple.

« Un vingt-quatre livres a touché le bord du sabord juste après que nous ayons fait volé le gréement de ce salaud de mercarien ». Il prit une autre longue gorgée. « Environ soixante centimètres de chêne m’ont traversé les tripes ».

« Je suis désolé, Sartori ». Shae serra les dents si fort que sa tête se mit à battre.

« Ne soyez pas désolé, monsieur. Vous n’avez rien fait ». Il but encore du rhum et grimaça à nouveau, reprenant son souffle. La douleur s’aggraverait jusqu’à ce que l’homme se mette à hurler. Il n’y avait pas grand-chose à faire. « Je . . . J’aimerais bous demander une faveur, si je peux me permettre, monsieur ».

« Vas-y ».

« J’aimerais que nous ayons une petite conversation avant que je parte, comme . . . comme si nous étions amis ».

« Nous sommes amis, Sartori ». Il prit la bouteilles des mains tremblantes de l’homme et but. L’alcool âpre fit disparaître la boule de sa gorge. « Nous sommes plus que des amis. Nous sommes frères. Tu as laissé ta marque sur un bout de papier lorsque nous avons reçu le Talion ; cela fait de nous une famille ». Il lui tendit la bouteille. « Vous, les Talions, êtes la seule famille qui me reste ».

« Merci, monsieur ». Sartori sourit et renversa la bouteille. Puis son visage prit une expression lointaine. « Je n’ai jamais . . . pensé être un pirate, capitaine. Je voulais juste gagner ma vie. Mettre de côté un petit peu, peut-être acheter un petit endroit, un magasin peut-être, trouver une une jolie fille dodue ».

« C’est tout ce que chacun d’entre nous veut ». Ce n’était bien sûr pas toute la vérité. Avoir une famille avait disparu de la liste des objectifs de Shae au moment où il avait juré de se venger de la Ligue Mercarienne. Sa vie était différente de ce qu’il avait imaginé, et il n’était pas prêt à regarder en arrière et à regretter la décision de la changer. Toutefois, les conséquences n’avaient jamais été faciles à gérer.

« Mais toi . . . pardonnez-moi, monsieur, mais vous êtes un warcaster ! Vous êtes fait pour être un guerrier ».

« C’est ce qu’on m’a dit, oui. Ils m’ont envoyé dans la meilleure académie militaire de Cygnar pour apprendre à utiliser mon don pour mener leurs guerres. J’y ai même cru pendant un moment ».

« Alors, pourquoi le faire, monsieur ? Je veux dire . . . si vous n’avez jamais voulu le faire ».

« Quand j’étais jeune, je me suis laissé happer par le frisson ». Shae se souvenait de ces années, de l’offre de fréquenter la prestigieuse Académie de Stratégie Militaire et des éloges de ses parents. « Il n’y avait pas beaucoup de warcasters, alors mon avenir semblait aussi brillant que le soleil levant. Gloire, renommée, argent . . . Mais je n’ai jamais vraiment aimé l’Académie. Puis l’Exeter a tout changé. Désormais, je ne peux plus faire marche arrière ».

« Pas de retour en arrière . . . » Le chien de mer mourant porta à nouveau la bouteille à ses lèvres, puis la baissa sans avoir bu. « Monsieur, si je peux . . . demander encore une faveur . . . »

« Bien sûr. N’importe quoi ». Comment pouvait-il refuser la dernière volonté d’un homme ?

« Ma botte droite, l’extérieur. J’ai un poignard ».

Shae trouva la lame et la dégagea. Elle était fine, droite, à double tranchant et aiguisée comme un rasoir. Elle scintilla lorsqu’il la tourna à la lumière de la lampe.

Sartori l’a regarda : « Mes amis et moi, mon équipe d’artillerie, avons acheté un ensemble assorti à Cinq-Doigts. Nous avions conclu un pacte . . . Si l’un de nous était dans un état tel qu’il ne pouvait plus continuer, nous avons dit que nous . . . aiderions ». Shae laissa tomber la bouteille de rhum et saisit le bras de Shae. Sa poigne était douloureusement forte et sa voix tremblait. « Ils sont tous morts, monsieur. Le même tir qui m’a tué a touché Vieille Compassion . . . et l’a fait éjecter de ses moufles. Une demi-tonne de fer, en pleines faces . . . »

Shae regarda le couteau dans sa main, puis les yeux suppliants de l’homme.

« Je ne veux pas mourir en hurlant et en me faisant dessus, monsieur. Je n’ai pas peur de la mort, mais je ne veux pas . . . ça ». Il sourit à son capitaine et baissa la voix. « Vous m’aiderez, n’est-ce pas, monsieur ? »

« Bien sûr ». Shae prit la bouteille et la leva. « Un pour la route, mon ami ». Il l’inclina et avala, puis la passa.

« Merci, monsieur ». Il but et grimaça à nouveau de douleur, puis soupira et posa la bouteille de côté.

« Merci, Sartori ».Shae prit la dague dans sa main gauche et tendit la droite. « Merci de m’avoir été fidèle, d’avoir bien servi, et d’avoir eu le courage de prendre la route que je t’avais tracée ».

« Cela a été un honneur, monsieur ».

Le chien de mer lui prit la main et la serra avec une fermeté tremblante. Shae sourit et, rapide comme voilier, enfonça le poignard jusqu’à la garde, directement dans le coeur de l’homme. Un bref air de surprise traversa le visage de Sartori : puis son dernier souffle s’échappa de ses lèvres et ses yeux se fermèrent.

Shae sentit le dernier battement du coeur de l’homme à travers la poignée de la lame. Il la dégagea et desserra les doigts de Sartori de sa main. Il pressa la poignée de la lame dans la main de Sartori, puis replia les mains de l’homme sur sa poitrine. Après un moment, le capitaine du Talion se leva et revint à la table, où Doc finissait de soigner le bras de Feltic.
« Autre chose, Doc ? »


Killingsworth leva les yeux de son patient, puis regarda la forme immobile de Sartori dans la coin, et secoua la tête. « Non, monsieur. L’autre chance, c’est un traumatisme crânien. Si elle se réveille, elle vivra. Sinon . . . »

« Très bien ». Shae commença à partir, puis se souvint de l’autre raison pour laquelle il était venu ici. « Je voulais te poser des questions sur ce breuvage que tu prépares avec les racines de bois de fièvre. Quand sera-t-il prêt ? »

« C’est déjà fait ». Doc désigna une énorme marmite posée sur un énorme poêle en fonte, près d’un ensemble bricolage en laiton. « Il faut juste qu’il refroidisse. Une gorgée toutes les heures jusqu’à ce que la fièvre tombe ».

« Bien. Apporte-leur dès que tu le peux. Nous aurons besoin de tout le monde si ces mercariens décident de nous poursuivre ». Il se dirigea vers le fourneau et jeta un coup d’oeil dans l’énorme marmite en cuivre. Elle sentait le rhum avec une pointe d’astringence qui lui fit monter les larmes aux yeux. « Je vais en apporter une tasse à Holt tout de suite. Il est le plus mal en pointe et nous avons besoin de lui ».

« Oui, monsieur ».

Shae prit une tasse en fer blanc du support et la remplit du breuvage fumant, puis se dirigea vers les cabines de Dame Aiyana et de Maître Holt.

* * *

« Capitaine Shae, quelle agréable surprise ». Dame Aiyana avait ouvert la porte et s’écartait. Ses mèches blondes platine étaient ébouriffées et ses yeux étaient cernés. « Entrez, je vous prie. J’espère que la récente clameur n’avaient rien grave ».

« Assez grave, je le crains ». Il s’interrogea sur sa supposition. Comment le bruit d’une bordée pleine pouvait-il être interprété comme quelque chose de rien de grave ? Mais encore une fois, ils avaient survécu. Peut-être que sa définition de sérieux était différente de la sienne. « Nous avons été attaqué par deux chasseurs de pirates de la Ligue Mercarienne. Nous avons réussi à échapper au piège, mais une roue à aubes a été endommagée. Nous essayons d’effectuer les réparations avant qu’ils nous poursuivent ».

« Je vois ». Elle frotta ses yeux fatigués et fit un geste vers la tasse qu’il tenait dans sa main. « Avez-vous concocté un médicament pour cette fièvre ? »

Shae acquiesça. « C’est une infusion de racines de bois de fièvre que Doc a préparée. Il dit que ça fera l’affaire. J’espère qu’il a raison ».

Shae posa la tasse sur la petite table pliante à côté de la couchette. Maître Holt gisait transpirant, sa respiration était superficielle et laborieuse. Il ne portait qu’un pantalon de pyjama, trempé de sueur. Une bassine d’eau et une serviette humide étaient posées sur la table, un éventail orné à ses côtés.

« Comment va-t-il ? »

« Je crois que la langue vernaculaire dit ‘malade comme un chien’, mais honnêtement, je ne comprends pas cette expression ». Elle s’approcha d’Holt et lui tamponna le front avec la serviette humide. « Je n’ai jamais vu un chien aussi malade, et lorsqu’il tombe malade, c’est généralement bref et violent. Cette fièvre boutonneuse, comme vous l’appelez, semble le tuer à petit feu ».
Shae pouvait entendre l’inquiétude dans son ton et se demandait, pas pour la première fois, s’il y avait plus entre le pistolier et sa protégée que la simple relation « dame et gardien » qu’ils décrivaient publiquement.

De toute façon, ce n’était pas son affaire, mais il avait du mal à imaginer une iosienne, même aussi aimable et affable que Dame Aiyana, avoir des sentiments pour un humain. La plupart des membres de sa race n’avaient jamais considéré les humains avec plus d’affection qu’un maître ne pouvait en avoir pour son animal de compagnie favori.

« Eh bien, ce breuvage devrait aider. Doc a dit de lui donner une gorgée par heure jusqu’à ce que la fièvre tombe ».

« Cela m’offre de l’espoir, capitaine, mais je crains que Maître Holt ne se réveille pas suffisamment pour boire la mixture. Au mieux, il est à peine conscient ». Elle posa une main fine sur l’épaule du pistolier et le secoua légèrement. « Maître Holt ! Le capitaine est là ».

Les yeux d’Holt papillonnèrent, puis se refermèrent, et ses lèvres remuèrent sans former autre chose que d’incohérents murmures.

« Je peux vous aider », dit Shae.

Il passa devant Aiyana et soutint les épaules d’Holt avec l’oreiller trempé de sueur. Il prit la tasse, souleva la tête du grand homme, lui pinça le nez et lui versa une unique gorgée du breuvage chaud dans la bouche. Holt toussa une fois et cracha un peu, mais avala la plus grande partie par réflexe. Shae le reposa sur l’oreiller, posa la tasse sur la table d’appoint et recula.

« Faites cela une fois par heure et la fièvre devrait tomber ».

« Merci, capitaine ». Aiyana fit une étrange mais gracieuse révérence. « Je me retrouve une fois de plus redevable envers vous ».

« Vous me remercierez en remettant Holt sur pied. Si nous avons d’autres problèmes avec ces mercenaires, nous aurons besoin de ses armes - et de votre magie, aussi ». Il lui fit un signe de tête et se dirigea vers la porte. « Envoyez simplement quelqu’un voir Doc Killingsworth pour obtenir davantage de ce breuvage lorsque vous en manquerez. Si vous avez besoin d’autre chose- ».

Le bruit de quelqu’un frappant à la porte l’interrompit.

Aiyana s’approcha de la porte, ouvrit le judas et regarda à travers. « Oui ? Ah, Monsieur Grogspar. Capitaine, je crois que c’est pour vous. Elle s’éloigna de la porte pour révéler l’imposante forme bleue du bosco trollkin dans le couloir.

« Hawk m’envoie vous chercher, capitaine ». Grogspar scruta la pièce, ignorant Dame Aiyana. Il ne s’était jamais habitué à la présence des deux nouveaux venus à bord.

« J’arrive ». Shae fit à nouveau un signe de tête à Aiyana ? « Faites savoir par quelqu’un si vous avez besoin de quoi que ce soit ».

« Je le ferai, capitaine, et à nouveau merci ».

Au moment où Shae montait les marches menant à la dunette, son esprit se tourna vers de plus urgents préoccupations. Bottes pendait sur le flanc, aidant Quinn à démonter le mécanisme endommagé de la roue à aubes. Des membres d’équipages transportaient des morceaux de machineries mutilés depuis le pont jusqu’à l’atelier dans l’atelier d’ingénierie dans la chaufferie. Shae vérifia sa montre à gousset. Cela ne faisait pas encore une heure.

« Des nouvelles des dégâts ? » demanda-t-il à Hawk.

Elle répondit à sa question par un prodigieux froncement de sourcils. Sans même son habituel salut, elle dit : «  Pas exactement, capitaine. Suivez-moi ».

Il la suivit jusqu’à la dunette, remarquant qu’elle n’avait toujours pas quitté ses vêtements tachés de sang. Le sien portait encore les traces de la bataille et de sa visite à l’infirmerie. Il serra inconsciemment sa main gauche, le souvenir des derniers battements du coeur de Sartori pesant encore lourd dans son esprit.

À la surprise de Shae, au lieu de le conduire vers le bastingage tribord pour regarder la roue à aubes endommagée, Hawk se dirigea vers les échelles de cordes menant au sommet de l’artimon et commença à grimper. Il la suivit sans un mot, montant en paumoyant jusqu’à ce qu’ils atteignent la large plate-forme à l’articulation du mât de hune. Hawk se dirigea vers le nid de pie avec une facilité éprouvée. Son agilité le surprenait parfois. Avec plus d’attention, il s’assura de ses prises avant de relever ses jambes sur l’épaisse plate-forme de bois. Chaque mouvement lui demandait plus d’efforts sans son armure de warcaster amplifiant sa force.

Il s’agrippa à l’un des haubans du mât pour se stabiliser. Hawk ne prit pas la peine de s’agripper, comme si le mouvement amplifié du roulis du navire ne pouvait pas la précipiter vers la mort à tout moment. Elle lui tendit une longue-vue et pointa l’horizon à l’arrière.

« Jetez un coup d’oeil ».

Shae leva la lunette. La montagneuse île où ils avaient été pris en embuscade n’était plus qu’une tache brumeuse, ressemblant davantage à un banc de nuages lointain qu’à de la terre ferme. Il balaya la lunette le long de la ligne, où la mer rencontrait le ciel et trouva ce qu’il cherchait : deux épais panaches de fumée sous le vent.

« Les mercariens ».

« D’après la fumée, ont dirait qu’ils sont en train de naviguer à toute vapeur », déclara Hawk. « Avec le gréement du Rasoir en lambeaux, ils ne sont probablement pas plus rapide que nous mais avec cette roue à aubes nous ralentissant, ils gagnent probablement du terrain ».

« Zut ! »

De toute évidence, le Rasoir n’avait pas été aussi gravement endommagé qu’il l’espérait. Sa tactique avait fonctionné, mais seulement temporairement. Il lui manquait maintenant deux dizaines de chiens de mer, le Talion était endommagé et les chasseurs de pirates étaient toujours à ses trousses. Tout ce qu’il avait accompli, c’était de tuer quelques officiers et détruire un peu le gréement.

« Génial, Phinneus », marmonna-t-il dans sa barbe. « Et maintenant ? »

« Nous pourrions changer de cap », suggéra Hawk. « Sans panache de fumée, nous pourrions les perdre avant la tombée de la nuit. Mais c’est un risque ».

« Un risque ? L’ensemble de l’océan austral est inexploré ! » Il scrutait l’horizon, à la recherche de quelque chose, n’importe quoi. « Si nous sortons de notre route cartographiée, nous pourrions nous heurter à un récif ». Les mercariens le savaient, bien sûr. Le Talion était comme un train sur des rails. Tout ce qu’ils avaient à faire était de suivre la route commerciale établie et ils le trouveraient.

« Avez-vous une autre idée ? » demanda Hawk. « Nous ne pouvons pas les affronter tous les deux ».

« Je sais. J’ai juste besoin de réfléchir une minute ».

Ils devaient trouver un endroit où se cacher, au moins assez longtemps pour effectuer des réparations, mais les îles qu’ils avaient déjà dépassés étaient les seules à proximité assez grande pour cacher un navire. Au nord, il aperçut une faible ligne de nuages éclairés par le dessous d’un voile vert, la lumière du soleil se reflétant sur les hauts-fonds blanc et sablonneux. Les nuages marquaient la limite sud du Cimetière, un dangereux labyrinthe de récifs et de hauts-fonds qui avaient emporté des dizaines de navires avant qu’un pilote ordique chanceux ne trouve un passage sûr.

« Le Cimetière . . . » L’esprit agile de Shae parcourut les cartes, fouillant les souvenirs de leur passage vers le sud. Jetant un coup d’oeil à l’angle de la lumière, il hocha la tête. « Trois heures avant le coucher du soleil, peut-être quatre avant la tombée de la nuit. Nous pourrions peut-être y arriver ».

« Tu vas nous emmener dans le Cimetière dans le noir ? » Les sourcils d’Hawk se froncèrent d’inquiétude.

Shae referma la longue-vue et la lui rendit. « Nous arriverons juste avant la nuit tombée et la marée basse. Juste à temps pour trouver un endroit où se cacher ».

« Cacher ? » Elle passa la lunette dans sa ceinture et lui lança un regard renfrogné. « Il n’y a pas un seul rocher plus haut que le cul d’un gobber dans tout le Cimetière ! Derrière quoi, bon sang, on pourrait se cacher ? »

« Pourquoi ne me fais-tu pas confiance, Hawk ? »

Elle recula devant la réprimande, et Shae sut instantanément qu’il avait prononcer ce qu’il ne fallait pas.

« Je te fais confiance ! Tu le sais bien ! »

« Je sais. Je suis désolé ». Il tendit la main et attrapa un étai arrière. « Je vais prendre la dunette. Pourquoi tu ne te reposerais pas une heure ou deux ? » Il descendit de la plate-forme et accrocha son talon à l’épaisse aussière, échappant à de nouvelles disputes en descendant en paumoyant jusqu’à la dunette. Si seulement il pouvait échapper aux mercenaires aussi facilement. Si seulement, il pouvait faire quelque chose au sujet de cette maudite prime qui lui pendait au cou comme un albatros mort, attirant les chasseurs et les assassins comme des mouches.

Et si seulement des amis n’avaient pas à mourir chaque fois que quelqu’un essayait de la réclamer.

Quinn Corcorian le rejoignit sur la dunette. Shae pouvait voir sur le visage de l’ingénieur que les nouvelles n’étaient pas bonnes.

* * *

10
Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Sang et Fer
« le: 29 décembre 2024 à 17:02:03 »
« Ça va marcher, capitaine ? » Doc regardait le lourd filet alors que le navire approchait. Il plongea dans l’eau, projetant des embruns.

« Nous ramons directement dans le filet à marchandises et nous serons récupérés comme le poisson dans une nasse. C’est simple ! » Shae avait mit toute l’assurance dont il était capable dans son ton. Doc se contenta de le regarder et de mâcher le mégot de son cigare.

« Simple, hein ? » gronda le grand homme.

« Ne perds pas ce foutu sac de racines, Doc. Nous avons traversé l’enfer pour l’obtenir et je ne suis pas prêt d’y retourner pour en récupérer plus’.

« Oui, monsieur ». Doc attacha le sac autour de son imposante taille et cracha son mégot de cigare dans la mer.

« N’oubliez pas », lança Shae à son équipage alors que le Talion fonçait sur eux, « si la chaloupe bascule, accrochez-vous au filet à marchandise. Nous ne pouvons pas perdre le bateau, mais je ne veux perdre aucun d’entre vous ! »

Un choeur de ‘Oui » suivit, mais il pouvait remarquer l’endurance des chiens de mer faiblir. La fatigue se lisait sur leurs visages après la longue marche sur la montagne, la course folle pour redescendre, le combat sur la plage et la dure traversée de la baie. Shae le sentait aussi, mais même si le poids de son armure l’épuisait tout autant, il n’était pas prêt de s’en débarrasser. Cette armure lui avait sauvé la vie à plus de reprises qu’il ne pouvait le compter, et avec un autre combat à venir, il aurait besoin de sa protection.

Le Talion lançait des embruns depuis sa proue et créait une importante vague. Shae les fit pivoter afin que le sillage du navire ne les déplace pas, luttant contre le gouvernail pour les maintenir en ligne droite. Le flanc du navire se profilait, des visages impatients l’observant d’en haut.

« Stabilisez maintenant ! » Le bosco du Talion, un trollkin nommé Balasar Grogspar, était penché par-dessus le bastingage, ses énormes mains bleues saisissant une épaisse aussière de chanvre qui traversait un billot jusqu’au pied du filet. Puis Shae aperçut Hawk perchée sur la lisse du pont arrière. Elle se penchait, une main saisissant un hauban, ses tresses noires et ses manchettes en dentelles flottant au vent tandis qu’elle criait des ordres au timonier, dirigeant la progression du navire avec une habilité consommée. En la regardant, il se sentait confiant dans sa survie. Si quelqu’un pouvait réussir cette manœuvre, c’était bien Hawk. Elle avait gagné son respect par son courage et sa conviction, sans parler de ses talents de marin et de son habilité avec une lame.

« Cessez de ramer et larguez les ! Accrochez-vous ! » Hurla Shae.

La force de l’impact projeta la chaloupe tel un fétu de bois, malgré le poids d’une douzaine d’hommes et d’un warjack de trois tonnes. Les cordes gémirent.

Grogspar hurla : « Actionnez le cabestan ! »

Le pont de la chaloupe se déroba sous eux, projetant Doc vers l’avant, dans la cale. Shae lança un cri silencieux à Buck pour qu’il s’agrippe au filet à cargaison, et le ‘jack obéit. Deux chiens de mer s’agrippèrent à Buck plutôt que d’essayer de s’accrocher au filet. Puis la chaloupe commença à glisser sur le bord, les mailles tendues du filet raclant contre les planches lisses de la coque.

« Abandonnez le navire et choppez le ! » Shae attrapa Doc par sa chemise crasseuse et le souleva. Les chiens de mer grimpaient sur le filet comme une troupe de singes, mais Shae avait oublié que son armure ne lui offrait plus de force supplémentaire. Sous le poids de deux hommes adultes et de son armure, sa prise sur le filet de chargement céda. Il commença à glisser vers l’intérieur du bateau. Il passa un bras à travers le filet, mais il lâcha. Il n’avait tout simplement pas la force. Le poids de Doc l’entraînait par-dessus bord. Quatre points de vue défilèrent dans son esprit alors qu’il commençait à glisser vers la mer déchaînée : celui de Buck, celui de Tireur d’Élite, une de chacun de ses warjacks Marinier à bord du Talion et le sien. L’image multiple fusionna en une mosaïque familière pour le warcaster.

Shae prit le contrôle direct de Buck.

L’une des énormes mains du warjack relâcha son emprise sur le filet et saisit le lourd anneau situé à l’avant de la chaloupe, la stoppant brusquement. Le bateau s’inclina presque à la verticale et les deux hommes commencèrent à glisser, mais Shae accrocha sa jambe à la banquette. Il retint un cri lorsque son genou se tordit. Le chemise de doc se déchira, mais la poigne puissante de l’homme s’accrocha au canon d’avant-bras de Shae et ils réussirent tous deux à rester à bord.

La grue à ‘jack commença à crier de protestation et le cabestan à vapeur hurla en choeur. Shae les regarda se faire hisser à bord depuis le point de vue de Tireur d’Élite. Il y eu une embardée à donner mal au coeur, puis ils atterrirent avec un craquement de bois fendu, de prodigieux jurons et le hurlement d’un malheureux chien de mer lorsque le plat-bord lui atterrit sur l’orteil. Shae lâcha Doc et le bateau, s’efforçant de se dégager du banc de la chaloupe, du filet et des marins étalés.

« Bienvenue à bord, capitaine ! » Le Maître de Quart Walls se pencha pour l’aider à se relever, sa barbe noire hérissée et son unique œil plissé. Le singe excité de Walls, Stubs, était perché sur l’épaule du pirate, regardant les dégâts d’un air renfrogné comme s’il voulait facturer les réparations.

« C’est vraiment bon d’être à bord, Wall ». Shae testa son genou tordu, qui supportait son poids, et évalua les dégâts. L’orteil du chien de mer devrait probablement être amputé, mais l’embarcation pouvait être réparée, et Buck, bien qu’il ait été sévèrement cabossé et marqué par des balles et des lames, ne semblait avoir subi aucun dommage critique. Mieux encore, ils n’avaient pas perdu un seul membres d’équipage par-dessus bord. « Doc, occupes-toi des blessez et commence à préparer cette mixture pour nos patients. Walls, j’ai besoin de Corcorian toute de suite ! Mon armure a pris une balle dans la chaudière ».

« La jeune Corcorian alors, monsieur. Evlyn est plus à l’aise avec le travail de précision ».

« Bien sûr ». L’Ingénieur en Chef Quinn Corcorian s’occupait de la machine à vapeur du Talion et des warjacks avec une compétence exceptionnelle, mais lorsqu’il s’agissait des complexités des armures des warcasters, des turbines arcaniques, des cortexes et des dispositifs mécaniques, la fille de Quinn, Evlyn avait un doigté spécial et une attention presque pathologique aux détails qui lui servait bien. Shae regarda vers l’avant et fit un signe de tête à son bosco. « Beau boulot avec le filet de chargement, Grogspar ».

« Bah ! Rien d’extraordinaire, mais j’aurais pu utiliser un peu plus de tension sur ce palan de bordure, n’est ce pas ? » L’imposant trollkin tripota le tuyau de sa pipe et haussa ses énormes épaules bleues. « Putain, je t’ai presque jeté à la mer ».

« Ça a fonctionné, Balasar. Assez Parlé ». Shae était le seul à bord qui ait jamais employé le prénom du bosco. Il se sentait un peu redevable envers Grogspar. Le trollkin avait sauvé la vie de Shae lorsque le capitaine de l’Exeter avait tenté de le faire assassiner.

Shae fit un signe d’approbation à son bosco et monta les escaliers jusqu’à la dunette du Talion. Son pas traînant sous l’effet de la fatigue et du poids de son armure inerte, mais il était vivant. Hawk l’accueillit avec un sourcil froncé et un regard qui le balaya de la tête au pied.

« C’est bon de vous revoir à bord, capitaine ». Le coin de sa bouche se crispa, tirant sur la cicatrice qui traversait son visage en deux Elle posa ses poings sur ses hanches dans une caricature de désapprobation. « Tiré, tranché, et à nouveau à moitié noyé, je vois. À peu près dans la moyen pour un séjour à terre. Tu t’es amusé ? »

Sa gaieté ironique et son attitude confiante soulagèrent un peu du poids des épaules de Shae. « Pas autant que la dernière fois que je me suis fait tirer dessus, trancher et à moitié noyé, je te l’assure ». Il fit une signe de tête vers le navire mercenaire. « Qui est notre visiteur ? »

« Elle s’appelle Rasoir. Chasseur de pirates de Bercks avec quarante-deux canons ».

« Bon sang ! Je ne connais que trop bien ce navire et son capitaine, Jamis Gorafalo. J’ai servi à son bord lors de ma première mission quand la Ligue m’a engagée ». Alors que Shae acceptait une longue-vue de son second, la forme légère d’Evlyn Corcorian monta les marches menant à la dunette. Une ceinture d’outils pendait autour de ses hanches, et la graisse maculait sa salopette en lambeaux. Walls la suivait, son visage buriné affichant un rictus perpétuel de mécontentement.

« Un problème avec votre armure, capitaine ? » Elle écarta une mèche de cheveux blonds de son front, laissant une trace de graisse, et lui adressa un sourire hésitant. Elle avait tendance à traiter le capitaine avec un mélange de respect et de peur qu’il trouvait gênant. « Mr. Walls a dit … Je veux dire, que vous avez. Que vous aviez un problème, je veux dire ».

« Une balle dans la chaudière ». Il lui tourna le dos. « Travaille vite. Nous sommes dans une situation difficile et j’ai besoin de vapeur ».

« Oui, monsieur ! Vous devrez enlever votre geste une fois que j’aurai enlevé les épaulettes ».

Le ton d’Evlin sembla instantanément plus confiant maintenant qu’elle était dans son élément. Il déboutonna sa veste tandis qu’elle retirait les deux lourds épaulettes en plusieurs adroits mouvements. La brise marine rafraîchit ses épaules alors qu’il ôtait sa veste en soupirait. Avec un tintement et un crissement de ses outils, elle retira la plaque de protection recouvrant les fonctions les plus délicats de la chaudière, de la boite à feu et de la turbine arcanique de son armure.

« C’est un sacré coup, monsieur ! Quelqu’un a un très bon fusil pour tirer une balle à travers votre champ et trouer cette plaque. Ça ne sert à rien de tout enlever. Ne bouger pas et je vais placer un patch ».

Pendant qu’Elvin travaillait, Shae observait le chasseur de pirates. Le Rasoir était un navire plus rapide et légèrement plus lourd que le Talion, transportant un nombre comparable de marins combattants et quelques warjacks. Hawk avait détruit une verge de misaine avec le Commodore, et le canons royal avait quelque peu ralenti la progression du navire approchant, mais il continuait d’avancer. Shae était persuadé que le Talion pourrait l’emporter dans un bon jour, mais ce n’était pas le cas aujourd’hui. Avec un tiers de son équipage alité, il préférait ne pas s’embrouiller avec le Rasoir.

« Fermez les écoutes et les étançons ! Hawk, pleine voile et pleine vapeur pour l’autre cap. Avec nos cales pleines et la fièvre à bord, je pense que je vais lui montrer une belle vue de mon cul disparaissant rapidement ».

« Je ne veux rien dire de désobligeant à propos de vos fesses, capitaine, mais je ne pense pas que ce soit une option viable », déclara Hawk.

« Quoi ? » Shae se tourna vers elle et Evlyn lui murmura de rester immobile. Son second regardait vers l’avant, pas vers l’arrière, en direction du Rasoir. Avant qu’il ne puisse lui demander ce qu’elle avait trouvé à redire à sa stratégie, un appel de la vigie du mât avant répondit à sa question.

« Voiles ! Un trois-mâts arrive par le cap est ! »

« Bon sang de bonsoir ! » Shae leva sa longue-vue. Trois huniers et un autre fanion de la Ligue Mercarienne flottaient au-dessus des rochers du cap est. Leur fuite était interrompue.

« Il semblerait que nous soyons au coeur d’une piège bien ficelé, capitaine », dit Hawk.

Le beaupré du deuxième navire contourna la pointe et Shae distingua sa plaque. « Tempête ? Je ne connais pas ce navire, mais il semble avoir- » Il compta les sabords d’armes au fur et à mesure. « quarante-huit canons. Fils de- » Shae jura dans sa barbe, mais sa tirade fur interrompue par un cri retentissant par-dessus son épaule et une paire de pinces étroites tenant une balle déformée lui fut présentée.

« Projectile de fusil lourd . . . obus perforant à chemise d’acier. Vous avez de la chance d’être en vie, capitaine ». Evlyn laissa tomber le projectile dans sa paume. Shae déglutit, fixant la balle. Le tir avait traversé son champ d’énergie et son armure. Si elle n’avait pas été arrêtée par la chaudière, elle lui aurait sectionné la colonne vertébrale ».

« On dirait que quelqu’un ne t’aime pas, Phinneus ». Shae savait qu’il valait mieux ne pas ignorer la nouvelle voix. Elle appartenait à Joln Rockbottom, leur financier privé rhulique et demi-propriétaire du Talion. « Ou quelqu’un de nouveau, au moins ». Le nain aurait eu l’air comique, paré de tous les atours que sa substantielle richesse pouvait lui procurer, mais le lourd tromblon, Bouche à Feu, calé sur sa hanche, offrait une certaine létalité à son attitude. La mine renfrognée de Rockbottom aurait fait cailler du lait, et son regard intransigeant fixaient le capitaine avec un regard accusateur.

Shae ne pouvait pas lui en vouloir. Il n’y avait personne d’autre à blâmer pour ce gâchis. Il semblait qu’à chaque fois qu’ils se retournaient, un autre chasseur de pirate ou corsaire de la Ligue Mercarienne apparaissait, essayant de s’emparer de prendre la tête de Shae pour obtenir la prime. Bien sûr, tous les anciens membres de l’équipage de l’Exeter avait sa tête mise à prix, mais la Ligue avait fait en sorte que la sienne soit particulièrement attrayante.

« C’est vrai, Joln ». Il jeta la balle déformée par-dessus bord. « Il ne me reste plus qu’à trouver comment me sortir de ce piège ».

Hawk prononça, « Ils nous ont enfermés, capitaine, mais aucun des deux navires ne nous surpasse de beaucoup. Je ne voudrais pas me faire aborder avec autant de personnes atteintes de la fièvre, mais fusil contre fusil, avec les fusiliers marins et le Commodore, nous pouvons tenir tête à l’un d’entre eux ». Son optimisme pragmatique apaisa les nerfs de Shae.

« Nous n’allons pas nous en sortir sans nous battre, c’est certain ». Shae peut s’en rendre compte d’un seul coup d’oeil. S’il essayait de naviguer entre les deux navires qui convergeaient, ils se retourneraient tous les deux et l’attaqueraient de plein fouet. Il pouvait les atteindre avec le Commodore avant qu’ils ne puissent déployer toute leur puissance, mais même un canon de poids royal ne pouvait couler un navire d’un seul coup.

Pris entre deux bourrasques et une côte sous le vent, pensa-t-il, évaluant ses chance contre l’un ou l’autre navire. Il entendit un crissement de métal par-dessus son épaule, puis un cliquetis, et sentit la réconfortante pulsation de la turbine arcanique de son armure se mettant à tourner à plein régime.

« Je l’ai ! »

Avec le cri de triomphe d’Evlyn, le poids de son armure disparut et son champ d’énergie se raffermit autour de lui.

« C’est juste une sangle avec un joint en plomb pour assurer l’étanchéité. Il y aura une fuite, mais cela devrait vous permettre de fonctionner pendant environ une heure. Ici ». Elle attacha son armure de plate et lui tendit sa veste. Le temps qu’il la boutonne, elle lui avait remit ses épaulières. Elle recula d’un pas et le regarda avec fierté. « Soyez prudent, monsieur ».

« Merci Evlyn, mais la prudence n’a jamais gagné une bataille ». Il lui adressa un sourire de reconnaissance, et elle sourit à travers les taches de suie et de graisse la couvrant.

« Allez, gamine ! » Walls attrapa le bras d’Evlyn et la fit presque tomber. « J’ai un Boucanier qui a plus besoin de tes tendres soins que le capitaine ».

La réparation de son armure donna à Shae le sentiment qu’on lui avait donné une nouvelle vie. Il jaugea les deux navires qui leur faisaient face, les lignes d’attaques et les allures potentielles, et pris une décision.

« Changez d’armure et naviguez droit vers le Rasoir ».

« Directement sur eux ! Oui, capitaine ! » Hawk transmit ses ordres à Grogspar et au timonier.

« Vous allez attaquer ? » Rockbottom était abasourdi.

« Vous préférez négocier ? » Shae lança un regard d’avertissement au nain. La dernière chose était que quelqu’un remette en question ses décisions. « Jamis Garofalo commande ce navire. C’est un salopard de sadique, mais il manque vraiment de courage. Il virera et nous ratisserons son gréement à coups de boulets chaînés ». Shae dégaina son canon à main et chargea une cartouche. « Avec un peu de chance, nous couperons la tête de ce serpent ! »

Phinneux Shae avança à grand pas, lançant des ordres au fur et à mesure. « Hawk, le pont arrière est à toi Je vais à l’avant pour saluer mon vielle ami. Pleine bordée lorsque nous passerons. Tir de boulets chaînes avec élévation complète. Je ne veux pas qu’un mat soit debout quand nous aurons fini ! Nous serons peut-être un peu malmené, mais le Talion peut le supporter ».

« Nous allons les tailler en pièces, monsieur ! » Hawk aboya des ordres, prenant les commande du navire d’un souffle.

L’équilibre et le courage de Hawk le fortifièrent comme une gorgée d’un bon vin, encourageant son équipage au fur et à mesure, ses cheveux et son manteau flottant au vent. Il rencontra son ingénieur en chef sur les marches du gaillard avant et sourit à la ligne des sept warjacks – quatre Mariniers, deux Boucaniers et son lourd Flibustier – dont la fumée s’échappait de leurs cheminées.

« Tireur d’Élite, Crochet, Filou et Nancy avec moi ». Au nom de son quatrième et nouveau Marinier, il sourit intérieurement. Il avait acheté la machine directement à la sortie de la chaîne de production et elle brillait comme un sou neuf. L’un des chiens de mer l’avait appelé belle Nancy, et le nom était resté.

« Tu garderas Bottes en réserve en cas de problème, Quinn. Buck et Tique, dans la cale. Il rompit son lien avec le Flibustier pour que Quinn puisse agir en tant que contrôleur. Buck s’agita d’être relégué dans la cale pour la rencontre. Son rudimentaire psychisme aspirait au combat, mais il était toujours endommagé, et il n’y avait pas grand-chose que le Boucanier puisse faire dans un engagement en une seule passe. Shae ne voulait pas risquer que l’un d’entre eux prenne un projectile de la bordée du Rasoir.

« Oui, capitaine ! » Quinn récita le complexe code verbal qui permettait à Bottes de le reconnaître en tant que conducteur autorisé.

Les quatre Mariniers et les équipes d’artilleurs suivirent Shae sur le pont avant. Chaque fusilier marin portait un canon de navire de taille normale capable de projeter un boulet de canon de vingt-quatre livres ou une gerbe mortelle de mitraille sur l’ennemi. Chacun portait également une énorme ancre et une chaîne dans l’autre main. En mêlée, ces pattes de fer transperçaient la chair, les os et les armures.

« Une Oreille, vieux chien. Je savais que je te trouverais ici en train de bichonner le Commodore ! » Shae sourit et donna une tape sur l’épaule de son maître cannonier.

« Coupable, capitaine ».

Une Oreille Scoriani accueillit Shae avec un salut et un sourire un peu croche. Croche était la seule façon dont Une Oreille pouvait sourire depuis le jour où un boulet de canon lui avait arraché une oreille et brisé la pommette, détruisant les nerfs contrôlant la moitié de son visage. Mais il pouvait toujours tirer droit avec un canon que quiconque à bord, et en ce moment, Shae avait besoin de cette compétence sous le pont. Le Commodore était une arme fantastique, mais même un poids royal ne pouvait pas projeter une masse de métal comparable à la seule bordée de vingt canon du Talion. Il tapota affectueusement le massif canon. Les restes squelettiques de son homonyme et ancien maître, le Capitaine Laross Fargen de l’Exeter, pendaient, enchaînés, sous la bouche fumante de l’arme. Fargen était encore en vie lorsque Grogspar l’y avait enchaîné en guise de représailles pour ses nombreux excès tyranniques qui avaient conduit à la mutinerie. Le bosco avait ensuite plusieurs fois fait feu avec le canon jusqu’à ce que la chaleur et les chocs tuent son ancien capitaine puis avait laissé les restes suspendus là comme un sinistre rappel de leurs origines.

« J’ai besoin de toi sur le pont-batterie, Une Oreille. Boulet chaîné dans le gréement. Nous n’aurons qu’une chance d’y parvenir, et je ne veux plus qu’il y ait un seul morceau de toile en l’air quand nous en aurons fini avec le Rasoir.

« Oui, monsieur ! On va leur en mettre plein la vue ! » Scoriani se dirigea vers l’arrière.

« Brave homme! » Shae prit le commandement de l’équipe du Commodore et de équipes de chiens de mer chargés de recharger les canons des Mariniers. « Boulet chaîné pour le Commodore et élévation maximale. Vous, les équipes des Mariniers, chargez à la mitraille. Nous partons à la recherche d’officiers ».

Tandis que les équipes de canonniers applaudissaient et s’exécutaient, Shae évalua leur ligne d’attaque. Fidèle à sa parole, Hawk avait fait pivoter le Talion pour viser le beaupré du Rasoir. Il regarda l’équipe du Commodore charger deux lourd boulets avec trois mètres de chaîne les reliant, et grimaça. Ils n’avaient pas l’habitude d’employer des boulets chaînés avec le Commodore. Sa portée et sa pénétration avec les projectiles standard, sans parler de l’enfer qu’il pouvait provoquer avec des projectiles incendiaires ou les boîte à mitraille, étaient bien plus dévastateurs. Le boulet chaîné n’était bon qu’à découper les gréements, et c’est ce qu’il devait faire au Rasoir. S’ils parvenaient à le mettre hors d’état de nuire, le Talion pourrait distancer le chasseur de pirate en pleine mer, et le commandant du Tempête n’oserait pas abandonner l’autre navire. Et même si cela se produisait, Shae se tiendrait à distance et le briserait en morceaux un coup après l’autre.

Les deux navires se rapprochèrent à toute allure et arrivèrent à portée du Commodore. Le capitaine de tir averti à l’équipe du canon et tout le monde sur le pont avant se boucha les oreilles. La commotion de l’explosion rendrait sourd quiconque se trouverait à l’avant de la bouche du canon.

Le canon rugit et recula sur es lourds palans. Le tir monta très haut et percuta une vergue avant, envoyant des échardes et de la toiles déchirées s’écraser sur le pont.

« Rechargez, fissa ! » ordonna Shae, donnant un coup de main avec le long refouloir.

Le rechargement d’une arme de cette taille n’était pas une tâche facile et nécessitait des compétences coordonnées pour l’accomplir rapidement, chaque membre de l’équipe s’occupant de sa tâche. Après avoir nettoyé le canon des cendres brûlantes, ils enfoncèrent la cartouche de poudre, la bourre, les boulets chaînés et à nouveau de la bourre. Le capitaine de tir piqua la cartouche à travers la lumière et l’amorça. IL ordonna ensuite un réglage de la hausse et l’équipe souleva la lourde pièce avec de longues barres à mines.

Le capitaine de tir brandit sa mèche lente. « Prêt ! »

Shae recula et se boucha les oreilles. L’explosion le secoua jusqu’au bottes, et le tir percuta le mât de misaine du Rasoir, envoyant 9 mètres d’espars de bois dur s’écraser comme une lance, traînant de la toile déchirée et des cordages battant l’air. L’équipage du Talion applaudirent à nouveau.

« On continue comme ça ! » ordonna Shae, ramenant son attention sur sa spécialité.

Ils arrivaient à portée des deux pièces de chasse du Rasoir, un duo de canons de neuf livres en laiton orientés vars l’avant, capable de projeter du métal avec une précision remarquable, même s’ils n’avaient pas autant de punch que des canons principaux, à la portée plus courte. Il envoya un ordre silencieux aux quatre Mariniers, leur donnant une image mentale de Jamis Gorafalo. Ne tirez pas jusqu’à ce que vous puissiez attendre leur pont arrière, puis faites-leur la peau. Dès que nous serons passez, venez à l’arrière avec moi. Maintenant, Shae devait s’occuper de son navire, et cela nécessiterait toutes ses compétences de warcaster.

Le sort était le même que celui qu’il avait employé pour masquer la position de la chaloupe, mais le Talion était cent fois plus grand. Étendre le sort pour couvrir l’ensemble du navire étendrait ses compétences arcaniques à l’extrême et ne lui laisserait que peu de protection magique. Cependant, cela permettrait de sauver des vies, et en ce moment, avec tant de malades, chaque vie à bord du Talion était doublement précieuse.

Le sort se propagea à travers le navire. Il saisit le massif bras de Crochet alors que ses jambes tremblaient et que sa vision s’obscurcissait. L’air autour du Talion scintillait et tanguait du à la distorsion magique, juste au moment où les premiers tirs des pièces de chasse du Rasoir retentissaient.

La vision de Shae s’éclaircit lorsque deux boulets de canon passèrent devant le Talion en vrombissant. L’un deux fit un trou dans la misaine tandis que l’autre les survola au niveau des yeux, à peine à une portée de main. Qu’ils aient manqué leur cible à cause de sa magie ou d’une mauvaise adresse au tir, Shae s’en fichait. Une échappée belle équivalait à un kilomètre. Il maintint son sort – qui nécessitait un peu moins d’énergie que le lancement initial et laissa le peu de son énergie acanique s’écouler dans son champ de puissance.

Alors que les navires se rapprochaient, trois autre coups furent échangés. Au dernier, Shae put voir les équipes d’artillerie des pièces de chasse du Rasoir pointer leurs pièces. Plusieurs voiles du mercarien étaient déjà en lambeaux. Des flammes et de la fumée s’échappaient et un boulet frappa la rambarde de proue bâbord. L’explosion ratissa la plage avant.

Le bouclier protecteur de Shae s’illumina de bleu sous l’impact des débris volants. Rien ne le toucha. Trois chiens de mer tombèrent, l’un avec un morceau de bois dur de trente centimètres de long dans la poitrine, les autres avec de vilaines lacérations.

« Du calme ! » Shae s’avança. « Tenez vos positions ! Préparez les fauberts et les cartouches ! Portney, fais passer ce corps par-dessus bord et occupe-toi du bras de Feltic ».

Alors que les chiens de mer se précipitaient pour obéir, Shae lança un regard noir à son adversaire. Rasoir fonçait toujours sur eux, et Hawk n’avait pas changé de cap. Il jeta un coup d’oeil vers la dunette. Il se tenait juste à côté du timonier, ses deux sabres dégainés. Connaissant Hawk, elle avait probablement dit au timonier qu’elle l’abattrait s’il changeait de cap. Hawk était parfois dur avec l’équipage.

« Ça va être serré », marmonna l’un des chiens de mer.

« Silence là ! » Shae se demandait s’il avait mal jugé Garofalo. Peut-être que le vieux Jamis s’était fait pousser une paire quand je ne regardais pas, pensa-t-il.

Un autre tir des pièces de chasse du Rasoir. Un boulet effleura la plage avant du Talion, son passage faisant voltiger la veste de Shae. Il regarda vers l’arrière juste au moment où le tir pulvérisa le timonier dans une gerbe de sang et de chair. Hawk s’avança, éclaboussée et s’empara de la roue brisée. Elle repoussa les restes déchiquetés d’un coup de pied et demanda de l’aide.

En se tournant vers l’avant, Shae réalisa son erreur. Le Rasoir fonçait toujours sur eux, non pas parce que son capitaine avait soudainement trouvé du courage, mais parce que le sort de Shae dissimulait la position du Talion. Il laissa le sort s’estomper et la distorsion disparut. Le Rasoir vira immédiatement à bâbord.

C’est mieux ainsi !

« Préparez-vous à la bordée tribord ! » Shae bondit en avant pour réaligner le massif Commodore pour un tir latéral. Alors qu’ils soulevaient le grand canon, il redirigea son énergie arcanique dans son champ de puissance. « Hausse maximale ! »

« Équipe de canonnier ! À mon signal ! » Hawk appela depuis l’arrière, reculant lorsque deux chiens de mer prirent sa place à la barre. Elle essuya les traces de sang sur son visage avec un mouchoir et le jeta de côté.

Les deux navires passèrent si près que l’un des gabiers aurait pu tendre la main et toucher l’espar extérieur du Rasoir.

« Feu avec tout ce que nous avons ! » Cria Hawk.

Des flammes et la fumée jaillirent des deux navires au même moment. Le Commodore rugit et recula sur ses palans Shae ne pouvait pas voir à travers la fumée, mais il entendit les impacts sonores du fer frappant le fer et sentit son champ de puissance s’enflammer. Un choc mental lui apprit qu’un de ses Mariniers avait été touché. Crochet recula sous l’impact, et le cri aigu d’un homme s’éleva au-dessus du vacarme. Shae tressaillit lorsque Crochet se remit en position et vit que la jambe de l’homme qui criait était réduite en bouillie sous le genou Le warjack avait été projeté en arrière par l’impact, et son massif pied s’était abattu sur la jambe de l’artilleur. Le tir avait mutilé l’articulation de l’épaule gauche du warjack, et son canon s’était affaissé dans sa prise.

« Descendez Barducci ! Crochet, jette ton ancre et change ton canon de bras ». Sur l’ordre de Shae, un chien de mer traîna l’artilleur tombé , toujours en train de hurler. Crochet jeta son énorme ancre et changea son canon de main pour viser.

La fumée se dissipait.

Le gréement du Rasoir pendant dans une masse de toiles en lambeaux et de cordages déchiquetés. Un certain nombre d’espars avaient été brisés et son pont n’était plus qu’un enchevêtrement de cordes tombées. Shae dirigea son regard vers le pont arrière du navire adverse, cherchant sa cible. Deux warjacks Marinier se tenaient là, les canons pointés vers le pont arrière du Talion. Gorafalo avait manifestement la même idée que Shae : tuer des officiers.

Hawk . . .

« Gorafalo, fils de pute atteinte de vérole ! » Shae sauta sur le bastingage du gaillard avant, saisit une voile et dégaina son canon à main. Il repéra son adversaire, un un épouvantail courbé aux yeux froncés, debout derrière l’un de lourds Mariniers. Shae visa et tira avec son canon main, mais le tir heurta la jambe de l’homme armuré. « Affronte-moi, espèce de lâche immondice ».

La raillerie de Shae fonctionna. Les museaux des canons des deux Mariniers se tournèrent vers lui.

Il regarda à travers les yeux de ses propres Mariniers et stabilisa leur visée.

« Feu ! » beugla-t-il.

Sous l’impulsion mentale du warcaster, les quatre Mariniers du Talion déchaînèrent une gerbe mortelle de grenailles, perforant la dunette arrière. Gorafalo plongea pour se mettre à couvert. Quatre officiers mercariens disparurent sous la grêle et les deux warjacks ennemis chancelèrent. Puis ils tirèrent
Une grêle mortelle
 s’abattit sur le pont avant du Talion. Shae recula en titubant, son champ de puissance flamboyant de chaque parcelle d’énergie arcanique qu’il put y mettre. Malheureusement, ses équipes d’artilleur n’étaient pas aussi bien protégées. Il grimaça devant le carnage – des hommes et des femmes qu’il connaissait réduits à n’être que de la chair déchiquetée – mais il n’avait pas le temps de se lamenter maintenant. S’il voulait une autre chance contre Gorafalo, il devait se dépêcher.

« Grogspar, envoie une nouvelle équipe au Commodore ! Équipes d’artilleurs, rechargez les Mariniers avec de la grenaille sur le chemin arrière ! »

Les équipes survivantes des Mariniers oeuvrèrent à recharger les armes des warjacks tandis que Shae courait vers l’arrière. L’équipage du pont intermédiaire avait mieux résisté aux tirs de barrage que ceux du pont avant, même si quelques chiens de mer étaient tombés. La plupart des tirs ennemis semblaient avait été dirigés vers le pont-batterie et la roue à aubes, qui émettait maintenant des bruits grincement déconcertants à chaque révolution. Leur gréement, grâce à Morrow, était resté intact.

« On dirait que nous nous en sommes sortis assez proprement, capitaine. Hawk essuyait encore plus de sang sur son front. « Enfin, pas tout à fait, mais- »

« Nous n’avons pas encore fini » Il la dépassa et monta les marches jusqu’à la dunette, exhortant ses warjacks à le suivre avec précaution. Tout le pont du Talion était renforcé pour supporter le poids des ‘jacks lourds, mais les marches menant à la dunette n’étaient pas conçues pour supporter le choc. « J’ai raté Gorafalo, le lâche ! Il va virer pour raser notre poupe. Maintient le cap et la vitesse ! »

« Oui, monsieur ! Mais d’après le bruit, la roue à aubes tribord ne nous aidera pas beaucoup ».

« Donne-lui tout ce qu’elle peut supporter ! »

Sur la dunette, Shae dirigea ses ‘jacks autour autour des cheminées du Talion. Il jeta un coup un regard vers l’arrière et aligna ses Mariniers au niveau de la lise de pavois de dunette. Une fois de plus, il lança un sort d’occultation pour empêcher le Rasoir de viser. La poupe du Talion, comme celle de tout navire était son point le moins blindé et le plus vulnérable, mais avec le Tempête toujours en train de fondre sur eux et le Rasoir s’approchant, il n’osait pas ralentir son allure en virant. Avec un peu de chance, son sort permettrait d’éviter le pire des dégâts.

D’un ordre mental à ses ‘jacks, les quatre canons tonnèrent.

L’instant d’après, la bordée du Rasoir se déchaîna en longues langues de feu et de fumée. Le Talion résonna sous l’impact de plusieurs projectiles, mais plusieurs d’entre eux s’abîmèrent inoffensivement dans la mer. Un tir frappa une cheminée juste au-dessus de la tête de Shae avec un bruit retentissant, et le boulet tomba dans le tube en fer en direction de la fournaise. Un autre s’écrasa sur le blindage déjà mutilé de la roue à aubes tribord, et deux autres traversèrent les fenêtres de la grande cabine, réarrangeant sans doute le mobilier de Shae.

« Rechargez ! » ordonna Shae en plissant les yeux à travers la fumée.

Mais au moment où les Mariniers furent rechargés, le Rasoir se trouvait à une distance extrême, ferlant ses quelques voiles restantes. Les warjacks tirèrent, mais trois des quatre tirs échouèrent et celui qui frappa ne fit que peu de dégâts.

« Maintenant, nous allons voir si nous sommes à l’abri ». Shae leva sa longue-vue pour observer le Tempête foncer vers son compagnon mutilé. S’il devait maintenir son cap, ils devraient le combattre en espérant que le Rasoir était trop endommagé pour les rejoindre. S’il louvoyait, ils étaient en sécurité. Shae retint son souffle et observa les voiles du plus grand navire. Elle s’approcha un peu du vent, modifiant sa ligne pour laisser de l’espace au Rasoir. Enfin, il remonta au vent et gonfla ses voiles.

« Oui ! »Shae se tourna avec un sourire et trouva ses officiers debout à l’autre coin de la lise de pavois de dunette. Au lieu des navires de guerre ennemis, la lunette de Rockbottom était pointé sur la plage. « Qu’est-ce que vous regardez tous ? »

« La femme qui a essayé de te tuer ». Rockbottom baissa sa longue-vue, l’expression sombre.

« Beaucoup de personnes ont essayé de me tuer aujourd’hui ». Shea les rejoignit et leva sa propre longue-vue. Il ne pouvait distinguer aucun détail des silhouettes massées sur la plage.
« Pourquoi tant d’intérêt pour celle-ci ? »

« Parce que je la connais », répondit Rockbottom. « Tiens, utilise la mienne ».

« Vraiment ? » Shae s’empara de plus fine longue vue et la pointa sur la plage. Il repéra une petite femme et aux larges épaules, visiblement rhulique par le sang. Ses cheveux blancs coupés courts étaient relevés dans des angles bizarres, et un éclat de lumière se reflétaient sur une pièce de laiton et de verre enfoncé profondément dans son orbite gauche. « Qui est-elle ? Quel-est son nom ? »

« Elle n’en a pas ».

« Quoi ? » Cela attira l’attention de Shae. Quel genre de personne n’avait pas de nom ? « Que veux-tu dire ? »

« Elle s’appelle la Faiseuse de Fantômes ». Rockbottom lança un regard oblique à Shae. « Je l’ai rencontrée environ quatre ans avant l’Exeter. C’est une tueuse à gages, rhulique, mais elle travaille surtout pour le Khador et le Cryx actuellement. Je ne savais pas qu’elle avait accepté un contrat de la Ligue Mercarienne. Ce n’est pas bon, gamin ».

« Ça ne peut pas être prise que la moitié d’Immoren voulant ma tête ! » Il toucha le trou dans son épaule. « Elle raté on coup, de toute façon ».

« Oh, c’est pire, d’accord. Elle a peut-être raté le premier coup, mais elle est têtue – et elle est plus qu’un peu folle. Elle te regarde comme si elle décidait du montant à facturer pour te coller une balle dans la tête. Elle parle à son foutu fusil mékanique comme si elle croyait réellement que c’est une personne. La chose ne la quitte jamais, et elle a déjà tué un homme juste pour l’avoir touché. On dit qu’elle n’a jamais manqué un contrat ».

« Eh bien, je déteste la décevoir, mais je vais devoir être son premier ». Shae n’allait pas se laisser effrayer par un autre tueur à gages tentant de lui ôter la vie, même s’il s’agissait d’une folle. Les menaces de morts n’avaient rien de nouveau pour un homme avec un quart de million de couronnes sur la tête. « Hawk, sécurise la dunette et voyons ce que cela nous a coûté. Et nettoie-toi. Tu as un morceau d’oreille coincé dans la manchette de ton gant ».

« Maudit gâchis ». Hawk fronça les sourcils et arracha le morceau de chair de sa manchette et la jeta par-dessus bord.

Shae guida ses warjack vers le pont principal, mais avant qu’il ne l’atteigne, Quinn Corcorian vint à sa rencontre, le visage figé comme une pierre tombale.

« Nous avons des problèmes, capitaine ! »

Shae grinça des dents. Il avait un tas de problèmes.

« Quoi donc ? » Puis il remarqua que la roue à aubes tribord s’était arrêtée. Il semblait que les choses pouvaient toujours empirer.

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Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Sang et Fer
« le: 02 décembre 2024 à 20:47:43 »
PARTIE UNE

L’Île

« Doucement, Buck ! » Phinneus Shae tendit son esprit pour calmer le warjack agité. « Tu es comme un foutu chien de mer en permission à terre ».

Le Boucanier tapait des énormes pieds et crispait ses mains mékaniques sur sa longue gaffe. Buck avait en quelque sorte développé la manie de s’agiter comme un cheval de course attelé au trait chaque fois qu’un danger se profilait. Shae ne s’en serait pas soucié sur la terre ferme, ni même sur le pont d’un navire, mais lors d’une lancement de vingt-cinq pieds, chaque mouvement effectué par le warjack menaçait de faire chavirer le bateau. Avec trois tonnes de fer et de bronze et quatorze marins à bord, la chaloupe avait à peine un pied de franc-bord.

Le warjack se calma légèrement, sa structure métallique fermement ancrée sur le siège renforcé, mais continua à crisper sa main sur son arme. Shae n’aurait pas su dire si son malaise provenait de l’approche du sable blanc et de la jungle qui se profilait à l’horizon ou de l’eau d’un bleu profond se trouvant à quelques centimètres seulement. Bien que le Boucanier ne connaisse pas de véritable peur, quelque part au fond de l’intellect artificiel de son cortex, il se rendit compte qu’un plongeon par-dessus bord ne serait pas une bonne chose. Contrairement à ses autres warjacks, les lourds Mariniers et Flibustiers, le Boucanier ne pouvait pas gérer l’eau profonde. Une immersion totale inonderait son foyer et transformerait la masse de fer, de bronze et de magie semi-sentient en un amas inerte poids mort.

Pourtant, la montage perdue, couverte de jungle, qui se rapprochait à chaque coup de rame, représentait une menace plus inquiétante. L’île n’avait pas de nom, du moins pas sur le cartes sommaires, de Shae, des vastes océans méridionaux de Caen, mais aucune de ces îles n’offrait bien plus qu’une mort atroce. Lorsqu’ils perdirent un de leurs compagnons lors d’une escale de ravitaillement au cours de leur voyage vers le sud, l’ensemble de l’équipage apprit que si les arcs et les sarbacanes ne faisaient pas le poids face aux armes à feu et aux épées dans un combat rapproché, l’emploi de la furtivité et du poison par les indigènes égalisait les chances. Les flèches empoisonnées n’était peut-être pas une menace pour un warjack, mais le warcaster et son équipage n’étaient pas immunisés, et c’était exactement la raison pour laquelle il emmenait Buck dans cette petite escapade.

La quille du bateau frappa le fond dans un creux entre les vagues avant que la prochaine déferlante ne les soulève et ne les pousse plus loin sur le rivage. L’embarcation tenta de pivoter latéralement et chiens de mers de Shae se battirent pour maintenir la proue pointé vers le creux de la vague. Yeux Globuleux Bart Traphone, le barreur unijambiste de Shea, jurait de manière inventive et tirait sur la barre tandis qu’ils embarquaient de l’eau par dessus le tableau arrière. S’échouer dans les vagues était toujours dangereux, mais c’était une autre bonne raison d’emmener le ‘jack. « Attention aux rames et aux avirons ! » ordonna Shae. « D’accord, Buck ! Tire-nous sur le rivage ! »

De la fumée s’échappa de la cheminée du ‘jack qui mettait sa chaudière en marche. La carcasse de fer et de bronze ayant vaguement la forme d’un homme se leva et sortit à grands enjambée de la chaloupe. N’importe quel autre warjack serait probablement tombé à cause su violent roulis du bateau, soit trébuché sur le plat-bord, mais le Boucanier avait le pied aussi sûr qu’une chèvre de montagne. Il plongea dans l’eau peu profonde, accrocha sa gaffe à l’épais boulon fixé à la proue de la chaloupe et traîna le bateau, l’équipage, Shae et Doc Killingsworth jusqu’à la plage.

« Même pas besoin de mouiller tes bottes ! Le marin souriant rangea sa rame et s’avança sur le sable nacré.

« Arrête de t’inquiéter pour tes bottes et garde les yeux ouverts ! » Yeux Globuleux émit un bruit sec en se jetant sur le côté, sa jambe de bois s’enfonçant dans le sable. « Les gens du coin te serviront probablement pour le souper, les bottes et tout ! »

Cela provoqua quelques marmonnements inquiets de la part de ses chiens de mer, mais Shae les stoppa d’un ton dur et autoritaire. « Prenez votre équipement et n’oubliez pas les pelles ! » Il mit pied à terre d’un pas léger, essuya la sueur perlant de son front et plongea son regard dans la jungle dense. Le soleil tropical frappait de plein fouet le plastron d’acier de son armure de warcaster, le cuisant comme un crabe dans sa carapace. « Nous quitterons bientôt ce rocher. Nous sommes ici pour la racine de bois de fièvre de Doc et rien d’autre ».

Buck se tourna vers lui et Shae comprit la question muette du ‘jack aussi clairement que s’il avait parlé e Boucanier était avec lui depuis longtemps, et Shae se surprenait à utiliser les yeux et les oreilles du ‘jack aussi facilement que les siens. Tout warcaster devait maîtriser l’art de voir à travers plusieurs yeux simultanément, et Shae n’avait même plus besoin d’y penser. Il donna un ordre mental à Buck et regarda avec satisfaction le ‘jack traîner la chaloupe bien au-dessus de la ligne de marée haute. Une fois sur place, Yeux Globuleux attacha la bosse du bateau à un palmier voisin, maudissant chaque pas dans le sable mou.

« À quoi ressemble cette plante déjà, Doc ? » Shae observait la jungle d’un air dubitatif. Le feuillage était si épais qu’ils devraient se frayer un chemin L’ombre pourrait cependant les soulager de la chaleur torride.

« On dirait un petit manguier. Des feuilles longues et fines, avec de nouvelles pousses d’un brun brillant. Mais nous ne le trouverons pas près du rivage. Il aime les terrains plus secs ». Le cuisinier du navire à la peau sombre chiquait le mégot de son cigare, inclina son haut-de-forme en lambeaux et montra du doigt la pente densément envahie par la végétation. « Là-bas ».

« Ce que nous n’aurions pas eu besoin de si cette gueuse aux oreilles pointues et aux talents de lanceuse de sort n’avait pas apporté cette fichue fièvre noire à bord ! » Le juron marmonné par le chien de mer suscita un concert de grognements de la part des autres membres de l’équipage.

« Cesse ça ! » claqua Shae.

Il avait été suffisamment en colère lorsqu’il avait appris que la sorcière iosienne, Dame Aiyana, et son compagnon pistolier, Maître Holt, avaient désobéi à ses ordres de rester à bord du Talion lors de leur brève visite à Konesta. Sa colère avait redoublé lorsque Holt était tombé malade de la fièvre boutonneuse. Maintenant, avec un tiers de l’équipage faible comme des chatons avec des pustules noires et de la fièvre, sa colère ne connaissait plus de limites. Il ne voulait cependant pas que l’équipage dise du mal de Dame Aiyana. Elle et Holt avaient prouvé leur valeur à plusieurs reprises. Ses sorts et son étrange adresse au tir en faisaient un duo utile, et il n’était sage de mépriser quoi que ce soit d’utile, surtout maintenant. Avec une mise à prix sur sa tête suffisamment élevée pour que tous les chasseurs de pirates et trafiquants de tout l’Immoren occidental soient à ses trousses, Shae profiterait de tous les avantages qu’il pourrait obtenir.

« Arrêtez de râler et suivez Buck ! Nous récupérerons ces racines et lèverons l’ancre avant le coucher du soleil. Ensuite, ce sera un voyage retour tranquille vers Bottomton avec une cale pleine de trésors mercariens ».

Cela les fit terre, et sans aucun doute les fit penser au deux marchands mercariens qu’ils avaient emmenés au nord de Zu, lourdement chargés des richesses de ce mystérieux continent austral. Le Talion était bas sur l’eau, bourré jusqu’aux plats-bords de suffisamment de bois de tecks, d’ambre gris, de café et d’épices rare pour satisfaire même Joln Rockbottom . . . pour un moment.

Je dois admettre que le plan du nain avait parfaitement fonctionné, pensa Shae tandis qu’ils suivaient le warjack sur la plage.

N’avoir découvert qu’un paquet de cartes après leur récent siège du Fort Lamis avait semblé une compensation pour le sang qu’ils avaient versé en prenant la forteresse. Ensuite, l’examen des papiers par Rockbottom avait révélé leur véritable nature : des itinéraires détaillés de la navigation de la Ligue Mercarienne, y compris une série complexe d’instructions pour atteindre le continent auparavant inaccessible de Zu. Les cartes étaient pratiquement inestimables.

La chasse avait été bonne dans l’océan austral. Ils ne s’étaient arrêté à la forteresse de Konesta pour se ravitailler, une halte rapide d’une nuit, en espérant qu’elle ne susciterait aucun intérêt. L’épidémie de fièvre les avait fait reculer d’un pas.

Il n’y avait rien d’autre à faire que de continuer.

Shae s’arrêta devant le mur de verdure inhospitalier et regarda par-dessus son épaule. Le Talion était au mouillage, les voiles roulées et un léger filet de fumée s’échappant de ses cheminées. Les lignes épurées de la frégate ne cessaient de lui faire chaud au coeur, aussi séduisantes à ses yeux que les courbes sensuelles d’une femme. Ses ferrures brillaient et sa figure de proue, la Dame du Châtiment, brillait au soleil. Le Talion n’était pas qu’un de ces trois-ponts ventrus que tant de constructeurs navals semblaient privilégier ces jours-ci, mais il était équipé de quarante canons, de trois imposants mâts et d’une puissante machine à vapeur à double roue. Shae pouvait déjouer plus de la moitié de la Marine Cygnarénne – et ceux qu’il ne pouvait pas combattre, il pouvait les distancer. Ils ne l’échangerait contre aucun navire de première catégorie.

« Un problème, capitaine ? » demanda Doc en tripotant l’énorme couperet à sa ceinture.

« Je déteste juste la quitter, c’est tout ». Le Talion était son chez lui plus que sa maison à Bottomton, où il ne se rendait presque jamais. Sa vie avait radicalement changé depuis la mutinerie de l’Exeter. La Ligue Mercarienne y avait veillé. Sa famille survivante l’avait renié, ses quelques connaissances de ses années à l’Académie Stratégique étaient devenues des ennemis, et la ligue avait ruiné financièrement ou persécuté tous ceux qui lui étaient fidèles en les traitant de traîtres. Tout cela parce qu’il avait mené une mutinerie contre un homme qui avait tenté de l’assassiner de sang-froid. Avec le Talion, Shae avait commencé à se venger de ces torts. Son équipage était désormais sa famille.

« Elle est entre de bonne mains, capitaine ». Doc mâcha son cigare et sourit. « Hawk gardera un œil sur la situation. Elle n’a pas reçu ce surnom sans raison, après tout ».

« Oui. Ce qu’elle n’était certainement pas ». S’il y avait quelque sur Caen, Shae faisait confiance au Talion, c’était bien second-capitaine.

Après un dernier regard à son navire, il suivit Buck dans l’épaisse jungle. Il s’avéra qu’il s’était trompé au sujet de l’ombre. Le brise fraîche marine disparut, le bourdonnement des insectes e resserra autour d’eux et la sueur commença à couler le long de son cou.

Deux heures plus tard, malgré l’étouffante chaleur, Shae était heureux de porter sa lourde veste et son armure de warcaster.

« Sale suceur de sang ... » Un chien de mer frappa un insecte boursouflé et laissa une trace sanglante sur son cou.

« Regarde ça ! » Un coutelas fila et un autre marin poussa un cri triomphale. « Je l’ai eu, ce salaud ! » Elle souleva le cadavre sans tête d’un serpent d’un mètre vingt de long sur le dos de sa lame.

« Une vipère royale ! » Doc attrapa le cadavre écailleux. « Mortellement venimeux, mais sacrément bon à manger !’ Il fourra le serpent mort dans un sac et poursuivit sa route.

« Rappelez-moi de ne pas prendre de ragoût ce soir », marmonna un autre chien de mer.

« Si tu crois que c’est le pire qui ait fini dans la marmite de Doc, c’est que tu n’as pas fait attention mon pote ». Yeux Globuleux ricana en voyant le visage pâle du nouveau membre d’équipage.

Shae évita une liane arborant des épines assez longues pour lui arracher un œil et décida d’économiser son souffle. Ils avaient progressé d’à peine trois kilomètres à l’intérieur de l’île et n’avaient trouvé rien d’autre que la jungle. Seule l’indomptable force et l’infatigable endurance de Buck leur permettaient de continuer, même à ce rythme d’escargot. La lourde gaffe du ‘jack, maintenant équipée d’une lame incurvée, balayait d’avant en arrière telle une grande faux, se frayant un chemin à travers la végétation autrement impénétrable. Les chiens de mer suivaient en double file, les coutelas taillant dans les quelques lianes ou serpent qui échappaient aux pas de Buck. Shae fermait la marche, regardant derrière et devant à travers les yeux tout en écoutant le son lointain des tambours tribaux. La rumeur voulait que les cannibales de ces îles fabriquaient leurs tambours avec de la peau humaine, et que leurs chamans liaient les âmes de ceux qu’ils avaient consommés aux instruments pour qu’elles soient à jamais tourmentées par leurs tambours. Jusqu’à présent, il n’avait entendu que les malédictions de son équipage.

Des histoires pour effrayer les marins idiots, se rassura-t-il, même sis sa main ne s’éloignait jamais de Requin, son épée mékanique ou du canon à main passé à sa ceinture. Les cannibales et les chasseurs de têtes étaient des préoccupations suffisamment réelles, et il avait passé trop d’années à surveiller ses arrières pour écarter complètement toute menace.

Finalement, ils arrivèrent à une brèche dans la canopée, creusée par la chute d’un arbre vraiment immense. Dans cette zone ensoleillée se tenaient une douzaine de petits buissons aux fines feuilles brunes et luisantes.

« Bois de fièvre ! » Doc se fraya un chemin à travers les broussailles.

« Très bien, vous tous ». Shae fit signe à ces chiens de mer d’avancer. « Actionner vos pelles. Heure et marée, heure et marée ... »

Tandis que les chiens de mer enthousiastes s’exécutèrent, trop impatients de terminer ce travail et de remonter à bord du Talion, Shae ordonna à Buck de prendre position sur le tronc d’arbre tombé La hauteur supplémentaire lui donnerait une meilleure vue, même si ni le warcaster ni le warjack ne pouvaient voir à plus de quelques mètres à travers la végétation luxuriante. Shae grimpa sur l’immense tronc, dont le diamètre faisait deux fois sa hauteur et s’étendait sur soixante mètre depuis ses racines évasées jusqu’à sa couronne encore feuillue.

Heureusement, Rockbottom n’était pas de la partie, pensa Shae. Il regarda l’énorme tronc. Il aurait insisté pour nous le ramenions avec nous pour le vendre.

Un tel fût ferait un beau mât principal et pourrait rapporter mille couronnes, mais le transporter jusqu’à la plage nécessiterait probablement plusieurs de ses warjacks et beaucoup d’ingénierie. Il n’avait pas le temps pour une telle entreprise, encore moins l’espace à bord du Talion pour le ranger. Il faisant face vers le bas tandis que Buck faisait face vers le haut, essayant d’ignorer l’incessant bourdonnement des insectes et la sueur qui coulait sur ses côtes. Sous le soleil direct, les épaulettes de son armures devinrent rapidement trop chaudes pour être touchées. Il écouta les tambours, par dessus les paroles de Doc donnant des ordres et les craquements des chiens de mer au travail.

« Ça suffira ! » Dis finalement Doc en soulevant un lourd sac.

« Bien ! » Shae sauta du tronc, impatient de partir. Il frappa quelques chiens de mer sur les épaules en souriant. « Bon travail ! Rangez les pelles et mettez-vous en rang. Retour au navire et une tournée de grog pour tout le monde ! »

Leurs acclamations furent interrompues par l’écho d’une balle frappant l’armure de Shae, ayant pénétré d’une manière ou d’une autre son champ de puissance sans l’activer.

* * *

La balle percuta l’épaule de Shae avec suffisamment de force pour le faire tourner sur lui-même. La balle ricocha et vint frapper Yeux Globuleux au visage. Le sang et les os brisés giclèrent à l’impact et le vieux chien de mer tomba, tenant sa mâchoire détruite.

« À terre ! » Shae réagit de façon innée, portant son armure à plein régime, un sort lui vint à l’esprit. Un nimbe de runes s’enflamma autour sa main revêtue d’une armure tandis que le warcaster invoquait un linceul de brume dissimulatrice pour les cacher du tireur embusqué. Il savait qu’il s’agissait d’une tireur embusqué – et à une certaine distance, car la détonation du coup de feu arriva bien après la balle. Les chiens de mer réagirent comme des vétérans, pistolets sortis, prêts  à tout. Deux d’entre eux tirèrent même dans la forêt pour tenter de dissuader l’agresseur, mais le bruit et la fumée interféraient avec la perception de Shae alors que lui et Buck scrutaient le feuillage.

« Pas de tirs ! Ç’est venu de loin, mais je ne sais pas . . . » Il scruta les collines environnantes, heureux que le brouillard invoqué n’obscurcisse pas sa propre vision comme c’était le cas pour celle de son ennemi.

« Ne bouge pas, toi ! » Doc jura et appuya sur la poitrine d’Yeux Globuleux avec un genou. « Attrapez ses mains, matelots. J’dois suturer ce saignement ! » Le grand homme appliquait une paire de pinces rouillées et une aiguille à voile sur l’horrible blessure au visage du chien de mer.

Les gargouillis distrayaient davantage Shae.

« Silence, Bon sang ! » Ils étaient en sécurité pour le moment, mais il ne pouvaient pas rester là indéfiniment. Il vérifia l’entaille dans son armure aussi large et profonde que son doigt. Le tir avait transpercé son champ d’énergie avec suffisamment de force pour lui faire exploser la cervelle, s’il avait frappé quelques centimètres sur la droite.

Un fusil lourd, et un tir presque mortel. Bientôt, le tireur embusqué va-

Une deuxième balle frappa le blindage de Buck assez fort pour faire chanceler le warjack. Shae réprima l’envie du ‘jack de s’élancer dans la jungle à la poursuite du tireur embusqué. Il lança un autre sort. Des runes flamboyèrent autour du warjack, tourbillonnant en fantasmatiques illusions pour masquer la position de Buck. Se tournant vers le bruit du coup de feu, Shae leva son canon à main pour riposter. Un reflet lumineux provenant du sommet d’un affleurement rocheux lointain attira son attention – trop loin pour être touché avec un pistolet. Il baissa son arme tout en jurant silencieusement.

« Il faut bouger ! » Il regarda Doc, qui enroulait un morceau de tissu crasseux autour de la mâchoire rapiécée à la hâte d’Yeux Globuleux. « Peut-il marcher ? »

« P’ux courir ! » dit Yeux Globuleux, luttant pour se relever alors même que le dernier nœud était noué dans la bandage imbibé de sang.

« Brave gars ! » Shae jaugea son adversaire.

Attendre le prochain coup ou courir maintenant ?

Le bruit d’une autre balle traversant le groupe de chiens de mer en position couchée l’empêcha de prendre sa décision. Celle-ci frôla l’épaule d’une homme, arrachant un morceau de peau et de muscle de la taille d’un œuf de poule. Le pirate jura et plaqua un mouchoir trempé sur la blessure béante avant que Doc ne puisse utiliser son aiguille et ses pinces.

« Maintenant, courrez vers les arbres ! » dit Shae. Il ordonna à Buck de prendre l’arrière-garde en espérant que la masse du ‘jack les protégerait, puis sortit de son couvert.

Il attrapa un chien de mer en retard et le poussa en avant hors de la brume dissimulatrice de son sort pour se diriger pour se diriger vers l’extérieur. Une autre balle ricocha du blindage de Buck, des fragments impactant le champ de puissance de Shae dans un éclat de lumière incandescente. Ils atteignirent le couvert des arbres et ralentirent, cachés par l’épais feuillage.

« Qui diable essaie de nous tuer maintenant ? » lança l’un des chiens, troquant son pistolet contre un coutelas pour tailler dans les lianes.

« Nous nous en soucierons plus tard. Maintenant, nous devons_ »

Une autre balle traversa le feuillage, rasant l’oreille de Shae pour faire voltiger ses cheveux. Malheureusement, la balle frappa me chien de mer, à qui il parlait, en plein entre les omoplates. Elle bascula en avant dans une gerbe de sang, et Shae sut qu’elle était morte avant même que Doc ne s’agenouille à côté d’elle. Les arbres n’étaient pas la couverture qu’il avait espéré.

« Allez, on y va ! Nous devons nous mettre hors de portée de ce tireur embusqué ! »

Shae envoya Buck en avant, parcourant le chemin qu’ils avaient emprunté à un rythme effréné. Il faisait confiance au ‘jack pour suivre leur propres piste jusqu’à la plage et prit l’arrière, déversant de l’énergie arcanique dans son champ de puissance avec l’espoir de dévier les tirs du tireur embusqué. Ce qu’il fit, trois fois encore avant qu’ils ne soient hors de portée. Chaque tir le stupéfia par sa force, mis ne parvint pas à le pénétrer.

« Enfin ! », dit-il en leur ordonnant de ralentir et de marcher rapidement alors que les tirs au loin se taisaient.

La descente plus facile et la piste déjà battue les menèrent à la plage en une fraction du temps qu’il leur avait fallu pour s’y frayer un chemin. Il remarqua avec une certaine satisfaction que Doc portait toujours le lourds sac de racine de bois de fièvre, mais ils l’avaient de leur sang. De plus, Shae se rendait compte que quelqu’un était peut-être venue sur l’île dans le but exprès de le tuer, ce qui le tourmentait à chaque pas. Le tireur embusqué, manifestement compétent, le visait personnellement ou avait décidé qu’il serait plus prudent d’abattre d’abord le warcaster. Il avait trop d’ennemi pour deviner qui en voulait à sang, mais la liste se raccourcissait lorsqu’il considérait qu’il se trouvait à des milliers de kilomètres de la plupart d’entre eux.

Probablement un chasseur de primes en quête de récompense.

Shae maudit une fois de plus la ligue Mercarienne pour avoir accroché un boulet à son cou.

Alors qu’ils s’approchaient de la plage, cependant, le bruit lointain et plus profond d’un canon les arrêta.

« C’est le pistolet de détresse du Talion, ou je suis un agent de Carre Dova ! » dit l’un des chiens entre deux difficiles respirations.

Shae savait que l’homme avait raison. « Allons-y ! Rassemblez-vous maintenant ! Il y a un problème à bord du navire ! »

Il poussa Buck à avancer, mais lorsqu’ils franchirent le dernier feuillage de la jungle, ils furent confrontés à deux autres surprises. Une escouade de vingt fusiliers marin s’efforçait de tirer la chaloupe de Shae dans l’eau, les bloquant ainsi sur ce rocher abandonné de Morrow. Au-delà, contournant le cap occidental de l’île, un trois-mâts s’approchaient à pleine voile et vapeur. Il ne pouvait pas voir sa coque, mais un fanion de la Ligue Mercarienne flottait au sommet du mât.

« Dents de Thamar ! » Shae attrapa son canon à main et dégaina Requin.

Cela répond à la question de savoir qui essaie de me tuer.

Ils avaient manifestement été enfumés. La ligue disposait d’un avant-poste solide à Konesta et avait dû repérer le Talion parmi les dizaines d’autres navires. Ils l’avaient suivi, avaient débarqués une escouade y compris leur tireur embusqué, sur la rive au vent, puis avaient amené leur navire pour les enfermer. Hawk avait déjà coupé leur ancre et empilait du charbon et de la voile pour permettre au Talion de manœuvrer dans les limites de la baie. Elle devait soit s’aventurer dans les bas-fonds pour tenter d’aider l’équipage à terre – une perspective hasardeuses dans des eaux inexplorées – soit elle affronterait les mercariens. Quoi qu’il en soit, Shae et ses chiens de mer n’avaient qu’une seule option.

« Attaquez-les, Talions ! » Shae envoya un ordre mental à Buck et chargea la force ennemie. « Avec moi ! » Des runes flamboyèrent autour de lui et se dirigèrent vers son équipage, les remplissant de puissance. Sous l’influence du sort, ses chiens de mer se précipitèrent à toute allure, imprégnés de sa rage, de sa passion et de sa soif de vengeance.

Le warjack chargea, sa gaffe dressée telle une lance, un filet lourdement lesté se balançant au-dessus de sa tête. Les chiens de mer traversèrent la plage avec leur capitaine, hurlant et tirant avec leurs pistolets. Trois des mercariens tombèrent avant même de s’être retournés.

Buck lança son filet, jetant deux autres fusiliers marin de la ligue au sol alors même que des tirs de pistolets ricochaient sur l’armure du ‘jack. Le boucanier chancela mais continua à avancer, sans se soucier des dégâts. Shae fit appel à sa magie une fois de plus, frappant le premier de la force adverse avec une rafale de vent arcanique. L’impact fit littéralement décoller l’homme de ses bottes et tomber deux autres derrière lui.

Le warcaster chargea dans la mêlée, brandissant Requin dans une main et son canon à main dans l’autre. Son champ de puissance s’éclaira en bleu tandis que les lames et les balles s’entrechoquaient. La gaffe Buck frappa le crâne d’un homme, projetant une gerbe d’os brisé et de cervelle sur le visage de ses camarades. Shae se rapprocha du flanc du ‘jack et fit tournoyer son sabre mékanique dans un arc dévastateur qui fit reculer deux autres mercariens en arrière, serrant leurs blessures béantes.

« Sécurisez la chaloupe ! » Shae esquiva un coup de gaffe de Buck et s’élança vers l’avant.

Warcaster et warjack se battaient comme un seul homme, unifié par leur lien arcanique, parant et poignardant, tailladant et frappant dans une synchronisation mortelle. Les chiens de mer se déversèrent par la brèche que Shae et Buck avaient ouverte dans la force ennemie et saisirent la chaloupe par les plats-bords.

« Poussez, bande de cadets ! » Doc jeta son sac de racines dan le bateau et plaqua sa considérable masse sur tableau arrière de l’embarcation.

La chaloupe s’élança vers l’avant. Shae et Buck fermaient la marche derrière eux, protégeant leurs arrières avec des coups de gaffe et d’épée mékanique pour garder les mercariens à distance.

Le bateau s’enfonça dans le ressac derrière eux. Les bruits et les jurons chaotique de l’équipage grimpant à bord et maniant les rames parvint aux oreilles de Shae par-dessus le fracas des armes et le tonnerre des coups de feu. C’était le moment où trop de personnes risquaient d’être tuées. Alors qu’ils s’éloignaient à la rame, les mercariens restant purent faire usage de leurs pistolets. En ce moment même, des tirs frôlaient et des chiens de mer criaient de douleur.

Sur une pensée de Shae, Buck lança un autre lourd filet sur l’ennemi. L’ordre qu’il donna ensuite ne plut pas tellement au ‘jack : Dans le bateau !

Buck hésita, ne semblant pas vouloir laisser son capitaine derrière lui « Bouge, espèce de lourdaud plaqué de fer ! » Shae projeta une explosion arcanique de vent sur l’ennemi, projetant un homme en plein dans la pique d’abordage d’un autre.

Buck devait monter à bord de la chaloupe avant qu’elle n’atteigne l’eau profonde. Le warjack lança sa lourde gaffe sur l’ennemi et fonça vers le bateau. Shae encouragea le construct et continua à se battre, reculant dans les vagues à chaque coup d’épée pour empêcher les mercariens de l’encercler.

Sans se retourner, il remarqua à travers les yeux de Buck que le ‘jack grimpait à bord, la faisant presque basculer avec son poids. Une balle frappa le bouclier de Shae, qui manqua sa parade. L’épée traça une entaille peut profonde dans sa cuisse. Il riposta par un coup dévastateur de Requin, sectionnant le bras de son assaillant et le projetant vers ses camarades.

« Capitaine ! »

Au cri de Doc, Shae sut qu’il était temps de courir.

Avec une autre auréole tourbillonnante de runes arcaniques, Shae invoqua une nuage de brume obscurcissant pour couvrir sa retraite et se précipita dans les vagues. Les balles et les gros mots harcelèrent sa fuite, mais rien n’entravait sa progression. L’équipage de la chaloupe ramait comme des fous, et le bateau était déjà en eau profonde, mais contrairement à Buck, l’armure de warcaster de Shae fonctionnait lorsqu’elle était immergée. Il s’élança vers l’avant et plongea directement dans une vague montante, sans être gêné par le poids de l’armure. Il entendit des coups de feu étouffés par l’eau et observa la bataille à travers les yeux de Buck. Son barreur, Yeux Globuleux accroupi à l’arrière du bateau, le visage pâle par-dessus son bandage ensanglanté, tirait coup sur coup pour couvrir son capitaine. Un autre chien de mer rechargeait aussi vite qu’il pouvait tirer, une boîte de munitions ouvertes sur ses genoux.
Shae nageait avec acharnement, les balles frappant l’eau tout autour de lui. Une fois de plus, il vit à travers les yeux de Buck que Doc avait lancé une ligne dans le sillage de la chaloupe. Il tendit le bras et saisit la corde avec toute la force que son armure de warcaster pouvait exercer, puis s’accrocha pendant que Buck le tirait. Le warjack tendit la main pour le hisser à bord, trempé et crachant, mais en pleine santé.

« Maintenant ! Ramez pour vos vies ! » Shae s’assit au gouvernail, où son champ de puissance aiderait à protéger le reste de l’équipage de la chaloupe, et lança un autre sort, cette fois-ci sur le bateau lui-même.

Des anneaux concentriques de runes arcaniques tourbillonnèrent autour d’eux, formant un miroitement illusoire d’image fantasmatiques pour masquer leur position exacte. Shae maintint le sort tandis que les chiens de mer ramaient vers le navire au milieu des éclaboussures des projectiles. Lorsque la chaloupe fut enfin hors de portée des pistolets, le warcaster laissa son sort expirer. Plusieurs de ses chiens de mer étaient blessés par balle, mais personne d’autre n’avait été tué. La chance des dieux, pensa-t-il, en diminuant le feu de son armure de warcaster et en ordonnant à Buck à faire de même. Ils ne pouvaient pas continuer à fonctionner à plein régime pendant longtemps, et il semblait qu’un autre combat les attendait.

Le bruit tonitruant d’un canon attira son regard vers le Talion. De la fumée s’échappa de son haut gaillard avant en direction du vaisseau ennemi.

« Le Commodore ! » cria l’un des chiens de mer en souriant.

« Yep ! Hawk leur donne un avant-goût de l’enfer ! » Shae se leva et sourit en signe d’approbation. Hawk avait manoeuvré le Talion suffisamment près pour que les canons royaux, plus lourds, puissent atteindre leur visiteur sans s’aventurer à portée des canons mercariens. Le Talion avait fait demi-tour pour faire face au vent, aidé par un bref retour en arrière de sa roue à aubes bâbord. Les voiles se gonflaient et il fonçait à pleine vitesse sur la chaloupe. « Ha ! Brillant ! »

Le champ de puissance de Shae s’étendit autour de lui, et quelque chose frappa son dos tel un bélier, le projetant en avant dans l’eau de mer ensanglante clapotant dans le fond de la chaloupe. La douleur s’épanouit entre ses épaules et il se demanda s’il était en train de mourir.

« Capitaine ! » Avant que Doc ne puisse l’atteindre, l’énorme main de Buck le saisit par la cheminée de son armure et le souleva.

« Dents et yeux de Thamar ! » Shae fléchit les épaules. Au moins, il pouvait respirer. « Au nom de tous les légataires . . . ? » Un sifflement provenant de son épaule stoppa sa tirade. Un poids oppressant se posa sur lui et le champ de puissance de son armure venait de s’effondrer.

« Vous évacuez de la vapeur, capitaine ! » dit Doc, mais ce n’était pas une nouvelle pour Shae. « Il y a un impact de balle en plein milieu de ton dos ».

« Heureusement, il n’est pas dans ma tête ! » Il jeta un coup d’oeil vers la plage. Là, parmi les mercariens survivants, se tenait un homme armé d’un fusil. Il était plus petit que les autres, avec des cheveux courts, couleurs neige, et le fusil qu’il brandissait était plus long que lui. Shea regarda son assaillant recharger et lever à nouveau le fusil, mais le warcaster était déjà en train de puiser son énergie pour un autre sort. Des runes flamboyèrent, et l’ensemble de la chaloupe scintilla à nouveau sous eux, des fantômes fantasmagoriques tourbillonnant pour masquer leur position.

Shae fixa le tireur embusqué alors qu’une bouffée de fumée s’échappait du long fusil. L basse rasa sa tête, la manquant de peu. Le bruit du fusil arriva l’instant d’après, le craquement du tonnerre en écho.

« On dirait que quelqu’un veut vraiment votre mort, capitaine », offrit Doc, mais ce n’était pas vraiment une nouvelle pour Shae non plus.

« Je vais devoir les décevoir, alors ». Il se remit à la tâche de maintenir son sort et de diriger leur progression sur la trajectoire du vaisseau approchant. L’énorme grue à ‘jack était orientée à tribord. Un large filet de chargement était en train d’être descendu par-dessus bord. De lignes menait à une bôme  improvisée depuis des coins lestés.

Shae sourit. Bonne idée, Hawk, pensa-t-il. Arrêter le navire pour les récupérer prendrait beaucoup trop de temps avec le navire ennemi s’approchant rapidement. Le temps de réduire les voiles et de pagayer pour ralentir le Talion, ils seraient sous le feu des canons. L’utilisation du filet serait dangereuse, mais ils auraient une chance de monter à bord avant que l’ennemi n’arrive à portée.

« Ramez, Talions ! » cria-t-il. « Nous n’aurons qu’une seule chance, et ce ne sera pas aisé ».

Il donna un ordre silencieux à Buck alors que le navire fonçait sur eux. Ils allaient tous les deux devoir faire attention, avec son armure de warcaster hors d’usage et le warjack incapable de gérer l’eau profonde. Si l’un d’eux tombait par-dessus bord, il coulerait sûrement comme des pierres.

* * *

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Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Sang et Fer
« le: 02 décembre 2024 à 20:38:35 »
BIENVENUE AU SEIN DES ROYAUMES D’ACIER

Le monde dans lequel vous vous apprêtez à pénétrer est celui des Royaumes d’Acier, un endroit où le pouvoir et la présence des deux sont incontestables, où l’humanité se bat contre elle-même ainsi que contre toutes sortes de races fantastique et de bêtes exotiques, et où un mélange de magie et de technologie appelé la mékanique façonne l’industrie et la guerre. En dehors des Royaumes d’Acier eux-mêmes – les nations humaines du continent appelé Immoren – le vaste et inexploré monde de Caen s’étend ver des étendues inconnues, attisant l’imagination et les ambitions d’une nouvelle génération.

Les conflits secouent fréquemment ces nations, et parmi les batailles de la région, l’arme la plus puissante est le warjack, un automate à vapeur doté d’une grande mobilité, d’un épais blindage et d’un armement dévastateur. L’efficacité d’un warjack est maximale lorsqu’il est dirigé par un warcaster, un puissant soldat-sorcier capable de forger un lien mental avec la grande machine afin d’en décupler les capacités. Maîtres des arcanes et des combats martiaux, ces warcasters sont souvent le facteur décisif d’une guerre.

Pour les Royaumes d’Acier, le passé n’est qu’un prologue. Aucun événement en définit plus clairement ces nations que l’âge sombre prolongé subi sous l’oppression des orgoth, une race brutale et impitoyable venue de terre inexplorées à travers le grand océan occidental connu sous le nom de Meredius. Pendant des siècles, ces redoutables envahisseurs ont réduit en esclavage la population de l’Immoren occidental, maintenant un étau jusqu’à ce qu’enfin la population se révolte. C’est le début d’un long et sanglant processus de batailles et de défaites. Cette rébellion aurait été voue à l’échec si un sinistre arrangement des dieux n’avait pas conféré le Don de Magie aux immoréens, débloquant des pouvoirs jusque-là insoupçonnés.

Toutes les efficaces armes employées par la Rébellion contre les orgoth sont le fruit du travail de grands esprits ayant mit à profit leurs talents arcaniques. Non seulement la sorcellerie permettait l’évocation du feu, de la glace et de la tempête sur le champ de bataille, mais les érudits combinaient les principes scientifiques pour allier la technologie aux arcanes. Les rapides progrès de l’alchimie ont donné naissance à la poudre explosive et à l’invention d’armes à feu mortelles. Des méthodes ont été mises au pont pour fusionner des formules arcaniques avec des plaques de métal, créant ainsi des outils et des armes amélioriées : l’invention de la mékanique. Le point culminant de ces efforts fut l’invention des premiers colosses, précurseurs des warjacks modernes. Ces imposantes machine de guerre ont donné aux immoréens une arme que les envahisseurs ne purent pas contrer. Avec les colosses, les armées de la Rébellion chassèrent les orgoth de leurs forteresses et les renvoyèrent à la mer.

Les habitants des terres ravagées ont tracé de nouvelles frontières, donnant naissance aux Royaumes d’Acier : Cygnar, Khador, Llael et Ord. Il ne fallut pas longtemps pour que d’anciennes rivalités éclatent entre ces nouvelles nations. La guerre devint un simple fait de la vie. Au cours des quatre derniers siècles, les guerres périodiques ont été entrecoupées de brèves périodes de paix tendue mais prudente, tandis que la technologie progressait constamment. L’alchimie et la mékanique ont simultanément facilité et compliqué la vie des habitants des Royaumes d’Acier tout en faisant évoluer les armes utilisées par leur armées en ces temps de révolution industrielle.

L’inimité la plus ancienne et la plus amère dans la région est celle entre le Cygnar au sud et le Khador au nord. Les khaodréens sont un peuple militant occupant un territoire hostile et impitoyable. Les armées de Khador se sont battues périodiquement pour récupérer les terres que leurs ancêtres avaient conquises. Les deux plus petits royaumes, le Llael et l’Ord, ont été forgé à partir de territoires contestés et ont donc souvent servi de champ de bataille entre les deux puissances les plus fortes. Le Cygnar, nation méridionale prospère et peuplée, s’est périodiquement allié à ces nations pour tenter de contrer les aspirations impériales de Khador.

Il a y un peu plus d’un siècle, le Cygnar a connu une guerre civile religieuse ayant abouti à la création du Protectorat de Menoth. Cette nation, la plus récente des Royaumes d’Acier, une théocratie impitoyable entièrement dévouée à Menoth, l’antique dieu à l’origine de l’humanité.

À l’époque actuelle, la guerre a éclaté avec une férocité particulière. Cela commença avec l’invasion khadoréenne de Llael, qui réussit à faire s’effondrer le petit royaume en 605 AR. Le chute de Llael a déclenché une escalade de conflit qui embrasa le région au cours des trois dernières années. Seul l’Ord est resté neutre dans ces guerres, profitant du fait qu’il est devenu un refuge pour les mercenaires. Le Protectorat a lancé la Grande Croisade pour convertir toue l’humanité au culte de Menoth. Alors que les autres nations étaient occupées par la guerre, cette croisade a pu réaliser des gains significatifs et s’emparer des territoires du nord-est de Llael

D’autres puissances ont été entraînées dans ce conflit, soit entraînées par les événements, soit profitant des événements pour leurs propres objectifs. Les Îles Scharde, à l’ouest d’Immoren, abritent l’Empire du Cauchemar de Cryx, dirigé par le dragon Toruk et qui envoie d’incessantes vagues de morts-vivants et de leur maîtres nécromanciens pour renforcer ses armées avec les cadavres des autres nations. Au nord-est, la nation elfique insulaire d’Ios abrite une secte radicale appelée le Châtiment de Scyrah, qui traque les arcanistes humains, qu’elle considère comme des anathèmes pour ses dieux.

Les étendue sauvages à l’intérieur et au-delà des Royaumes d’Acier abritent diverses factions qui se battent pour leurs propres intérêts. Depuis le nord glacé, un dragon désincarné appelé Everblight dirige une légion de warlock augmenté par la corruption et des rejetons draconiques. La fière race tribale connue sous le nom de Trollkin s’efforce d’unir son peuple autrefois disparate pour défendre ses terres. Au plus profond des étendues sauvages de l’Immoren occidental, un ordre secret de druides ordonne aux bêtes naturelles de s’opposer à Everblight et de faire avancer leurs propres plans Loin à l’est, à travers les Marches Sanglantes, la nation guerrière de l’Empire Skorne se rapproche inexorablement, déterminée à conquérir ses anciens ennemis d’Ios pour mieux les dominer. D’obscures conspirations ont surgi des forteresses cachées pour jouer leur propres rôle dans les événements qui se déroulent. Il s’agit notamment de la Convergence de Cyriss, un énigmatique culte des machines vénérant une lointaine déesse des mathématiques, ainsi que leurs ennemis acharnés, les cephalyx, une race esclavagistes extrêmement intelligents et sadiques qui transforment chirurgicalement leurs captifs en asservis sans cervelle.

Les Royaumes d’Acier sont un décor dont les habitants doivent compter sur des héros ayant le courage de les défendre en utilisant la magie et l’acier, que ce soit sous la forme d’armes de guerre actionnées par la vapeur ou d’armes à feu chargées de runes. Les factions de l’Immoren occidental sont vulnérables à la corruption de l’intérieur et sujettes aux intrigues politiques et aux luttes de pouvoir. Pendant ce temps, d’opportunistes profitent des conflits en vendant leur allégeance temporaire contre de la monnaie ou d’autres faveurs. C’est un monde de légendes épiques et de sagas sans fin.

Entrez dans les Royaumes d’Acier et découvrez un monde nul autre pareil !

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Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Sang et Fer
« le: 02 décembre 2024 à 20:37:05 »
LES CHRONIQUES DES WARCASTERS : VOLUME TROIS

SANG ET FER

CHRIS A. JACKSON

BIENVENUE AU SEIN DES ROYAUMES D’ACIER

PARTIE UNE

PARTIE DEUX

PARTIE TROIS

ÉPILOGUE

GLOSSAIRE

14
Fin de la Partie II

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Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Poudrière
« le: 24 novembre 2024 à 17:30:35 »

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À l’Ouest de Croix-des-Fleuves, Llael Occupé

STRYKER SE TENAIT SUR L’UN DES RARES remparts encore intact du côté ouest de Croix-des-Fleuve. Il contemplait la vaste plaine qui s’étendait sur des kilomètres dans toutes les directions. Une seule route traversait l’espace, disparaissait à l’horizon vers Rynyr et Laedry.
« Jusqu’à quel point ? Demanda-t-il à l’homme se tenant à côté de lui. C’était le Sergent Sharp. Horgrum, le compagnon trollkin de Sharp, se tenait à proximité.

« Nous les avons repérés à une quinzaine de kilomètres d’ici, répondit Sharp. « Nous n’avions pas patrouillé beaucoup plus loin que cela »

« Combien ? » demanda Magnus. Lui aussi avait rejoint Stryker sur les remparts après que les rapports concernant l’approche d’une armée khadoréenne furent parvenu à Stryker. Les éclaireurs avancés, dirigés par Sharp, cherchaient depuis des jours des signes de l’inévitable.
Le visage de Sharp pâlit.

« C’est grave, hein ? » dit Stryker avec un sourire sinistre.

« Monsieur, nous avons compté trois bataillon complets d’infanterie et plus de chevaux lourds que ne pensais qu’il y en avait dans ce foutu monde. Dix mille, je dirais ».

« Avez-vous vu des warcasters ? Des warjacks ? » demanda Stryker.

« Oui, monsieur », répondit Sharp. « Ils ont beaucoup de warjacks lourds et deux Conquêtes. Harkevich est avec l’armée, mais il ne la dirige pas ».

Le nom qui suivit celui d’Harkevich ne fut pas une surprise pour Stryker.
« C’est Tzepsci », dit Magnus.

« Le grand prince commande, et il semble qu’il ait ramené le plupart de ses chevaux lourds d’Umbrie », déclara Sharp.

« Combien de temps nous reste-t-il ? » demanda Stryker.

« C’est une grande armée », dit Sharp. « Ils avancent lentement, mais ils seront là dans deux jours ».

« Merci, sergent », dit Stryker. « Retirez-vous. Allez chercher à manger et reposez-vous. Vous en aurez besoin. Je veux un briefing complet dans une heure ».

« Monsieur », dit Sharp et il partit, empruntant les marches menant à la ville en contrebas. Horgrum le suivit.

Stryker se tourna vers Magnus. Le warcaster regardait par-dessus les remparts, ses mains agrippant la pierre. Stryker s’attendait à ce qu’il se réjouisse, qu’il reproche à nouveau à Stryker d’avoir laissé Harkevich partir.

« Nous ne pouvons pas les tenir à l’écart de la ville », déclara Magnus.

« Non », approuva Stryker. Ils avaient réussi à poursuivre une partie du travail effectué par Harkevich sur les fortifications occidentales, mais il y avait plus de brèches que de murs debout. « Nous devons le rencontrer sur le terrain et l’affronter là-bas ».

« Il a plus de chevaux lourds que nous », dit Magnus, « et probablement aussi les deux bataillons de Rynyr, sans parler de plus de warjacks et de colosses. Je n’aime pas nos chances dans un affrontement direct ».

« Que suggérez-vous alors ? » demanda Stryker, se demandant où Magnus voulait en venir. Ses yeux brillaient comme ils le faisaient lorsqu’il complotait, et cela inquiétait Stryker. Il voulait tenir compte des conseils de Maddox et écouter Magnus, utiliser son expertise martiale, mais les événements de ces derniers jours ne permettaient pas à autre que d’être méfiant. Magnus avait pris des mesures pour atténuer certains de ces soupçons ; il avait impitoyablement passé en revue ses propres hommes, les interrogeant et recherchant toute implication d’Harrow. Or, il y avait actuellement une cinquantaine d’anciens mercenaires enfermés dans la prison reconstruite au centre de la ville. Magnus lui avait assuré que tous les autres étaient dignes de confiance, mais Stryker se demandait si c’était parce qu’ils étaient des hommes loyaux ou parce qu’ils craignaient Magnus.

« Je ne sais pas », dit Magnus, et Stryker remarqua le mensonge dans ses yeux. Il cachait quelque chose. « Nous avons besoin de plus d’informations avant de décider d’une ligne de conduite ».

« Alors, rassemblez les officiers supérieure dans l’hôtel de ville », dit Stryker. « Je vous y rejoindrai bientôt ».

« Comme vous voulez, monsieur », dit Magnus en le laissant là sur les remparts.

Stryker posa les mains sur les créneaux – la chaleur de la fin de l’été les avait réchauffés – et se pencha en avant. C’était le milieu de l’après-midi et le ciel était clair. Il pouvait voir un panache de poussière au loin, à l’horizon. Il était petit pour l’instant, mais il ne cesserait de grandir jusqu’à ce qu’il devienne assez grand pour les avaler tous.

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Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Poudrière
« le: 24 novembre 2024 à 17:28:49 »

- 32-
À l’Ouest de Croix-des-Fleuves, Llael Occupé

LE GÉNÉRAL ASHETH MAGNUS REGARDAIT fixait un trou dans la muraille ouest, assez grand pour faire passer une armée, ce qui était exactement ce qu’il cherchait. Il se tenait sur un tas de gravats à vingt verges du trou, imaginant les chevaux lourds khadoréens s’engouffrer dans la brèche. La zone étai trop jonché de gravats pour permettre une entrée facile aux cavaliers. Il faudrait qu’il y remédie.

Il avait évité les funérailles du Capitaine Tews, non pas par sentiments de culpabilité ou de responsabilité dans la mort de l’homme, mais parce qu’il avait besoin d’une occasion de repérer certaines sections de la ville sans que Stryker ne lui pose beaucoup de questions.

« Capitaine Silus », dit-il à un homme aux larges épaules et au crânes rasé se trouvant à proximité. L’homme était brutal, mais il servait Magnus depuis de nombreuses années, et il avait été capitaine Tête d’Acier à un moment donné de sa longue carrière de mercenaire. Magnus l’avait promu capitaine de l’Armée Cygnaréenne pour remplacer Harrow. « Je veux que les décombres soient déblayées dans cette zone dès que possible. Dans la journée, si c’est possible. Réquisitionnez autant d’hommes et de warjacks que nécessaire.

Silus regarda autour de lui, confus. « Monsieur, je ne veux pas vous remettre en question, mais pourquoi ? Il n’y a rien à part un tas de maisons détruites. Rien d’important. De plus, ne voulons-nous pas rendre la pénétration des khadoréens plus difficile ? »

Magnus sourit. « Je comprends votre confusion,mais j’ai besoin que vous suiviez mes ordres. Sans question ».

Silus jeta un coup d’oeil derrière lui, où une douzaine d’autres hommes de Magnus déplaçaient avec précaution des caisses, chacune marquée d’un cercle à pointes. La compréhension apparut dans les yeux de l’homme. « Bon Morrow », murmura-t-il.

« Voyez-vous un problème ? » Magnus n’aimait pas être interrogé par l’un de ses hommes. Après la trahison d’Harrow, il était plus que sensible au éventuels mécontentements parmi ceux qui l’avaient servi en exil. Il n’avait jamais fait confiance à Harrow, mais il croyait avoir mesuré l’homme et compris ce qui le motivait. Il s’était trompé, et cela leur avait coûté à tous. La mort de Tews était regrettable. Malgré ses agaçantes fanfaronnades, c’était un chef de bataille compétent. Ils ressentiraient sa perte. Mais c’était la perte des navires du Seigneur Aleshko et du Seigneur Aleshko en personne qui remplissait Magnus de rage à chaque fois qu’il y pensait. L’avantage tactique qu’ils avaient perdu et probablement transmis à l’ennemi était un coup dur. Harrow et Akeshko se rendraient directement à Rynyr, et Harrow offrirait à leurs ennemis les renseignements dont il disposait sur la force d’invasion cygnaréenne. Aleshko était son billet, et le kayazy avait probablement proposé à Harrow une sorte de marché pour sa liberté, une marché qui était meilleur que celui proposé par Magnus.

« Monsieur, j’ai vu ce genre de choses utilisés sur le terrain », déclara Silus. « Mon chapitre l’a déployé lors d’un contrat pour l’Ord contre un kriel trollkin dans l’Olgunbosque. Je n’ai aucun problème à tuer un homme ou un trollkin, pour le devoir ou pour l’or, mais personne ne mérite de mourir comme ça ».

Mon dieu, celui-ci serait à l’aise avec Stryker, pensa Magnus. C’était irritant, mais cela disait quelque chose sur Silus. Cela disait qu’il avait une confiance, une limite à ce qu’il ferait pour de l’argent ou un pays. C’était quelque chose que Magnus pouvait utiliser. Le problème avec les hommes comme Harrow était qu’ils n’avaient pas de limites, pas de frontières, et qu’il était difficile de prédire ce qu’ils pourraient faire. Pas avec des hommes comme Silus ; leurs limites étaient établies, ils suffisait de pousser un peu.

Magnus s’approcha du nouveau capitaine et posa une main sur son épaule – sa main de chair et de sang. L’ancien mercenaire tressaillit, mais ne recula pas.

« Je comprends votre réticence, Capitaine », dit Magnus. « Je l’ai vu aussi, et le souffle diabolique est épouvantable, sans aucun doute. Mais cous comprenez ce qui est en jeu ici, n’est-ce pas ? »

« Bien sûr, monsieur », dit Silus. « Je vous ai servi pendant longtemps, et vous savez que je m’en fous de la liberté des llaelais. Mais j’aimerais vivre un peu plus longtemps. Vous êtes bon avec moi ; vous avez rempli ma bourse, et je vais où vous allez, mais je ne vous mentirai pas ; ça ne me convient pas ».

« Tu es un bon soldat, Silus », dit Magnus, notant la subtile expression de plaisir traversant le visage de l’homme. La plupart des mercenaires, même les plus mauvais, aimaient se considérer avant tout comme des soldats, en particulier ceux comme Silus, qui avaient servi des organisations mercenaires comme les Têtes d’Acier.

« J’apprécie que vous soyez honnête avec moi. Je vais vous dis ceci. Je suis convaincu que le seigneur général nous mènera à la victoire et que nous écraserons les khadoréens à l’extérieur de ces murs ».

« Toutes mes excuses, monsieur, mais je pensais que vous détestiez le Seigneur Général Stryker », déclara Silus, exposant ses racines mercenaires. Aucun honnête soldat ne dirait une chose pareille à son commandant.

« Je ne déteste pas le général », répondit Magnus. « Lui et moi avons un passif, et nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais Stryker est un bon combattant et un bon chef ». Il s’était rapproché de Silus, rendant leur conversation intime, voire conspiratrice.

« Alors, pourquoi avons-nous besoin du souffle diabolique », demanda Silus, « si vous et le seigneur général nous meneront à la victoire ? »

« Parce que je n’aime pas mettre tous mes espoirs dans une seule stratégie, quelle que soit la compétence de ceux qui la mettent en œuvre. Le souffle diabolique est notre dernier recours, notre mesure tout est perdu. Tu y vois certainement une certaine sagesse ? »

Silus frotta son menton chauve. « Je suppose que je peux », dit-il. « Je suis désolé de vous avoir interrogé, monsieur. Si c’est un dernier recours, si c’est tout ce qui nous empêche de vivre ou de mourir, alors c’est peut-être un avantage que nous ne devrions pas ignorer ».

« C’est exactement ce que je pense, Capitaine », dit Magnus. « Maintenant, déblayons ces décombres pour pouvoir poser ces explosifs ».

Silus fronça les sourcils. « Sans ce fou d’ordique, qui va amorcer ces foutues choses ? »

« Je suis un élève attentif », dit Magnus. « J’avais demandé à Magnus de me montrer comme préparer le souffle diabolique avant son … accident ».

Silus frémit. « Ce fut moche, monsieur », dit-il, puis il leva les yeux vers Magnus, le regard interrogatif. « C’est une grâce que vous lui avez accordée, n’est ce pas ?

« Tu as vu le souffle diabolique à l’oeuvre », demanda Magnus d’un ton neutre. Il devait être prudent ici – il avait fait preuve de pitié lorsqu’il avait tiré sur l’alchimiste, mais il avait tué l’un de ses propres hommes de sa propre main, et de telles choses devaient être traitées avec délicatesse.

« Bien », dit Silus. « Je prendrai une balle, moi aussi ».

« Encore une chose », dit Magnus. « Assure-toi qu’il n’y ait pas de civils dans cette zone ».

Silus s’en réjouit. Cela correspondait bien au limite morales que l’homme s’était fixées. « Bien sûr. Nous ferons un balayage minutieux ».

« Bien, et choisis tes hommes avec sagesse. Des hommes qui savent se taire. C’est censé être un piège, une surprise, alors qu’il ne faut pas que trop de gens soient au courant, même de nos propres rangs. Nous le ferons en deux étapes. Tout d’abord, nous ferons exploser la moitié du souffle diabolique derrière Vlad ou Harkevich ou quiconque viendra lorsqu’ils pénétreront assez loin dans la ville. Cela les coupera et infligera des pertes démoralisantes. Ensuite, nous feront exploser le reste juste au-dessus d’eux. Tu auras besoin de deux hommes avec les détonateurs, toi et un autre. Choisis un homme en qui tu as confiance ».

« Oui, monsieur », dit Silus puis il se tourna pour accomplir les tâches que Magnus lui avait assignées. Magnus le regarda partir. De tels hommes étaient utiles, et il était clair qu’il avait besoin de plus de personnes comme Silus. Harrow et ses semblables avaient été une erreur, une erreur que Magnus ne répéterais pas.

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Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Poudrière
« le: 17 novembre 2024 à 19:29:34 »

- 31-
À l’Est de Croix-des-Fleuves, Llael Occupé

ILS PARTIRENT EN SILENCE, le corps de Tews attaché à son cheval. Stryker essayait de ne pas regarder, de ne pas voir son ami suspendu à la selle telle un simple chargement.
Il y avait un cimetière temporaire à Croix-des-Fleuve. Ils l’avaient commencé après avoir pris la ville, et il allait bientôt s’agrandir. Tews y reposerait jusqu’à ce que son cadavre soit renvoyé à Caspia pour un enterrement en bonne et due forme.

Personne ne parla pendant qu’ils chevauchaient vers Croix-des-Fleuve, et une atmosphère de tristesse planait sur leur petit groupe. Magnus demeurait en arrière. Peut-être se sentait-il un peu responsable de ce qui s’était passé, Stryker ne pouvait le dire. Il espérait que le warcaster souffrait d’une culpabilité telle qu’elle l’empêchait de les regarder dans les yeux, mais il connaissait mieux Magnus que cela.

Lorsqu’il atteignirent Croix-des-Fleuve, Stryker rompit le silence. « Magnus, informez les officiers supérieurs de ce qui s’est passé aujourd’hui », dit-il alors qu’ils s’arrêtaient au-delà de la Grande Porte. « Je vais emmener Tews ... ». Sa voix tremblait. Les paroles suivants furent difficiles. « Je vais emmener Tews à la morgue de l’infirmerie. Ceux qui souhaitent m’accompagner peuvent le faire ».

* * *

QUAND STRYKER QUITTA L’INFIRMERIE, il ne se rendit pas dans ses quartiers actuels près du fleuve, une petite maison bien entretenue qui avait été abandonnée par son propriétaire, même s’il avait envie de fermer les yeux pendant un moment, peut-être après quelques verres ou la bouteille entière d’eau-de-vie caspienne qu’il y gardait. Au lieu de cela, il se dirigea vers la fonderie du Sergent-Major Halls. Une fois de plus, la partie orientale de Croix-des-Fleuve leur avait fourni d’inattendues ressources, en l’occurrence une fonderie de ‘jack entièrement fonctionnelle. Tous les outils du métier s’y trouvaient, et Halls avait été tout à fait satisfait de s’installer dans le bâtiment.

Alors qu’il s’approchait de la fonderie, une présence familière se fit sentir au fond de son esprit. Arsouye l’accueillit avec un mélange d’enthousiasme et d’irritation – la warjack avait été tenu à l’écart de la plupart des combats pendant qu’il était réparé, et le vieux ‘jack acariâtre n’aimait rien de plus qu’une bonne bagarre.

La fonderie état un grand bâtiment en briques doté d’une vaste série de portes coulissantes donnant sur le fleuve. À l’intérieur, on pouvait voir la lueur des fourneaux et les bruits des marteaux et des outils s’en échappait.

Harkevich avait rasé certains bâtiments voisins et fait enlever les décombres. La raison en était claire : cela lui permettait de rapprocher ses colosses de la fonderie pour les réparer. Halls utilisait l’espace pour la même raison, et la forme gargantuesque d’un Mur-Tempête se profilait au-dessus du bâtiment, sa coque parsemée d’impacts de balles et de bosses. Les gobbers grouillaient autour de l’énorme warjack, outils à la main, effectuant des réparations dans une marée frénétique de peau verte. L’un des gobbers, debout au pied de l’énorme machine, criait des ordres dans sa langue aux autres avec un débit rapide.

Le cortex du Mur-Tempête état nettement différent de celui d’Arsouye. Il avait commandé des colosses à plusieurs reprises, et leurs esprits étaient directs et sans nuance. Cela avait beaucoup à voir avec le fait que les Murs-Tempête et les Ouragans, encore plus récents, n’étaient pas en service depuis plus de quelques années et n’avaient pas eu la chance de développer les bizarreries et les personnalités que de nombreux warjacks avaient acquises au cours de leur service. C’était comme contrôler un enfant de six mètres, un enfant ayant le pouvoir de raser des bâtiments et de tuer des hommes par centaines.

« Vous êtes venu voir Arsouye, monsieur ? » demanda le mékanicien gobber au pied droit du Mur-Tempête. Il avait des galons de chef d’équipes sur son tablier. Les gobbers au service de Cygnar portaient leur tablier de mékanicien en guise d’uniforme.

« C’est bien ça, chef… ? »

« Sergent Filk, monsieur » répondit le gobber avant de se retourner et de crier quelque chose d’incompréhensible à un gobber rivetant une plaque de coque sur la jambe gauche du Mur-Tempête.

« Il vous a donné du fil à retordre ? » demanda Stryker.

Le gobber sourit, exposant une forêt de dents en forme d’aiguille. « Beaucoup, monsieur », répondit-il. « Il est méchant comme un homme-gator, et il n’aime pas écouter les contrôleur, c’est sûr ».

Stryker s’esclaffa. « Il est difficile à gérer, c’est certain ».

« Ce fut un honneur de travailler sur lui, monsieur », dit Filk. « C’est le warjack le plus célèbre de l’Armée ».

Stryker aimait que Filk qualifie Arsouye de lui et non ça. Stryker en fit de même ; Arsouye avait cessé d’être un ça pour lui depuis des années. « Merci, Chef ».

« Monsieur », dit le gobber, et il se retourna vers le Mur-Tempête en criant à nouveau en gobberish.

Stryker entra dans la fonderie et fut immédiatement frappé par des souvenirs de son enfance. Son père était un mékanicien de ‘jack et avait travaillé dans un endroit semblable à celui-ci. Lorsque sa mère était tombée malade, Stryker avait souvent considéré la fonderie comme un refuge, un endroit chaleureux et sûr où le chagrin pouvait être dissimulé par le bruit des marteaux et la simple présence des cortexes de ‘jack.

Arsouye était suspendu à un palan à ‘jack, un appareil lourd suspendant un warjack au-dessus du sol pour que les mékaniciens puissent travailler dessus. Il maintenait également des warjacks imprévisibles comme Arsouye immobiles. C’était bon de revoir le warjack en entier ; Halls avait remplacé ses membres endommagés et soudés des plaques d’acier sur les déchirures de sa coque. Le sergent-major n’avait pas pris la peine de repeindre Arsouye, mais Stryker préférait que ses warjacks ressemblent à ses soldats - qu’ils aient l’air brutaux et prêts au combat.

« Seigneur Général », dit Halls, apparaissant de derrière Arsouye. « Content que tu sois là. Peut-être que tu faire en sorte que ce fils de pute grincheux reste immobile pendant que j’ajuste ses relais cortex ».

« Bien sûr, Sergent-Major ». Il joignit Arsouye et l’irritation du warjack s’épanouit au fond de son esprit. Aucun soldat n’aimait être en convalescence lorsqu’il y avait des combats à mener ; Arsouye n’était pas différent. Reste tranquille, intima Stryker au grand ‘jack. C’est pour ton bien, espèce d’énergumène. Son lien avec le warjack lui renvoya de la résignation, et les bras d’Arsouye s’abaissèrent le long de son corps. Le warjack émit un faible sifflement de vapeur ressemblant beaucoup à un soupir.

« Allez-y », dit Stryker à Halls.

Le sergent-major disparut derrière Arsouye.

Les souvenirs d’Arsouye affluèrent dans l’esprit de Stryker, qui tenta de se concentrer sur la bataille contre Ivan le Noir. C’était comme voir le monde à travers le prisme d’un rêve, déformé et confus, principalement les émotions brutes du warjack plutôt que les images réelles . C’était ce que Stryker pensait – sans son marteau sismique, Arsouye avait été désavantagé, même si Stryker le guidait activement par endroits.

Les souvenirs de la bataille s’estompèrent, puis quelque chose d’inattendu arriva par le lien. C’était une image, claire comme du cristal, du Capitaine Tews, chargeant le pont, le glaive-tempête scintillant alors qu’il tranchait deux Man-O-War. Il avait l’air provocateur, fort et indestructible. Ce n’était pas son propre souvenir qu’il voyait, c’était celui d’Arsouye. Plus étonnant encore, le warjack avait pénétré dans son esprit pour le récupérer.

Le souffle de Stryker se bloqua dans sa gorge et il regarda, stupéfait, l’image de Tews passer de la vision du champ de bataille, qui était clairement le souvenir d’Arsouye, au corps froid et sans vie sur le quai, qui était le souvenir de Stryker. Quelque chose d’autre passa par le lien, quelque chose dont il avait cru le warjack incapable : un sentiment de questionnement, comme sir Arsouye essayait de comprendre les deux souvenirs.

L’émotion brute se fraya un chemin dans les tripes de Stryker et les larmes lui montèrent aux yeux. Il avait réussi à oublier la mort de Tews, ou du moins à l’isoler, afin de pouvoir vaquer à ses occupations. Mais la question enfantine d’Arsouye avait fait resurgir toutes ces émotions, et Stryker repoussa le cortex loin de son esprit, rompant ainsi le lien. Les warjacks développaient des personnalités, voire des émotions basiques, mais il avait toujours pensé que la compréhension de concepts abstraits comme la vie et la mort les dépassait. Il venait d’apprendre que c’était faux de la manière la plus douloureuse possible.

« Monsieur, vous allez bien ? »

Le Sergent-Major Hall le regardait fixement, le visage de Hall mêlé de surprise et d’inquiétude. Il réalisa à quoi il devait ressembler du point de vue du mékanicien. Son seigneur général était debout, le regard perdu dans le vide, les larmes aux yeux. « Je vais bien. Juste un peu fatigué ».

« Bien sûr, monsieur », répondit Hall. « Peut-être qu’un peu de repos est la meilleure chose à faire, alors ».

« Vous avez raison. Je vais me retirer et vous laisser travailler ». Il partit immédiatement, la présence d’Arsouye et le souvenir que la warjack avait déterré s’estompant dans la nuit.

* * *

ILS ENTERRÈRENT TEWS LE LENDEMAIN MATIN, alors que le soleil se pointait à l’horizon. Le cimetière de fortune se trouvait près du fleuve, sur un terrain qui avait peut-être été marqué par Harkevich en vue d’une construction à un moment donné. Il s’agissait d’une parcelle de terre nue, assez friable pour être creusée, et le bruit du fleuve voisin et les chants de la sauvagine avaient quelque chose d’apaisant. Il y avait déjà trop de personnes qui reposaient ici.

La tombe avait été creusée la veille, et Tews avait été placé dans un cercueil en bois, le Cygnus gravé à la hâte sur le dessus. Ce n’était pas un cercueil approprié pour un homme comme Tews, mais c’était ce qu’ils avaient en ce moment.

Tous les chevaliers de la compagnie de Tews, soit plus de deux cents soldats, étaient présents aux funérailles. Ils entourèrent le cimetière d’une mer d’acier et de bleu. Maddox était également présente, ainsi que d’autres personnes qui avaient connu et combattu aux côtés du capitaine Lame-Tempête. Stryker ne fut pas surpris de voir Vayne di Brascio. Le mage balisticien llaelais était devenu plus qu’un allié, et Stryker n’était le seul à avoir une opinion favorable de l’homme. De nombreux chevaliers saluèrent discrètement le mage balisticien qui, dans des circonstances normales, aurait pu être considéré comme un étranger.

L’Aumônier guerroyeur Dominic Hargrave se tenait à la tête de deux tombes lorsque le cercueil y fut descendu. Le chevalier morrowéen portait l’armure blanche archaïque de son ordre, le rayon de soleil de Morrow en or sur le plastron. Il tenait dans sa main droite un immense livre relié de métal, Prières pour la Bataille, les principes sacrés de la guerre transmis par Morrow et ses ascendants bénis. Hargrave était depuis longtemps l’aumônier guerroyeur de la compagnie et avait combattu aux côtés de Tews et de ses chevaliers pendants des années. Il n’y avait pas de meilleur homme pour envoyer Tews sur le chemin vers Urcaen, le royaume des morts où les dieux des hommes possèdent leurs domaines.

Stryker et Maddox se tenaient au pied de la tombe, et Stryker pouvait voir le haut du cercueil. Magnus était absent, et bien que Stryker ne lui ait pas ordonné de rester à l’écart, la nouvelle de l’assassinat de Tews s’était répandue dans le camp. Il était probable que la plupart des chevaliers présents ne blâmeraient pas Magnus pour la mort de Tews, mais Stryker était soulagé que le warcaster n’ait pas créé l’occasion d’un scandale. Magnus était à blâmer, et sa présence serait une insulte à l’homme qui était mort pour ses erreurs.

« Frères et soeurs », dit l’aumônier Hargrave, et dont la voix grave et claire se répandit sur l’assemblée comme une couverture réconfortante. Il y avait peu de discussions entre les hommes, mais elles cessèrent et tous les regards se tournèrent vers l’aumônier. « Aujourd’hui, en cette occasion des plus sombres, nous enterrons l’un des plus ardents soldats de Morrow, un homme qui s’est battu et est mort courageusement pour défendre les croyances qui nous sont chères à tous ».

L’aumônier s’arrêta et sourit, son regard balayant les homes et les femmes silencieux devant lui. « Mais nous ne devons pas nous affliger, frères et sœurs. Non, nous devons nous réjouir, car même si notre ami et frère d’armes a disparu de nos vies, il continue à vivre à Urcaen. Il est vraiment béni, car il entrera en présence de notre seigneur, qui accueillera un grand guerrier dans une bataille bien plus grande que toutes celles de ce royaume terrestre. Le Capitaine Garvin Tews se tiendra aux côtés de Morrow, au sein de son domaine, son épée rejoignant celles de leurs frères et sœurs vertueux dans la lutte éternelle ».

Hargrave fit une nouvelle pause, laissant ses mots pénétrer. Stryker n’était pas excessivement religieux, mais il était conscient de la guerre en Urcaen pour les âmes des hommes à laquelle faisait référence l’aumônier guerroyeur, de la lutte contre le tyrannique Menoth et des ténèbres perverses du Ver Dévoreur. En vérité, tout cela ne lui semblait qu’une histoire fantaisiste qui ne lui apportait que peu de réconfort. Mais il pouvait lire sues les visages des hommes qui l’entourait que les paroles d’Hargrave apportaient du réconfort à certains, et il entendit des prières chuchotées à travers l’assemblée des chevaliers.

Hargrave ouvrit Prières pour la bataille et lut. « Alors que l’Ascendante Katrena s’est sacrifiée pour protéger le premier primarque, nous honorons la valeur et la noblesse de notre frère tombé au combat ».

« Nous l’honorons », répondirent les chevaliers rassemblés. Stryker fit écho à leur réponse. Il avait assisté à bien trop d’enterrements comme celui-ci.

« Alors que l’Ascendant Markus a résisté à une horde barbare avec rien d’autres que sa foi et son épée, nous honorons le dévouement et la loyauté de notre frère tombé au combat ».

« Nous l’honorons », fut la réponse.

«  Et en tant qu’Ascendant Solovin, qui offre guérison et réconfort à tous, nous accordons à notre frère tombé au combat le repos qui lui est dû jusqu’à ce que son épée soit à nouveau nécessaire ».

« Repose-toi maintenant, frère ». La réponse finale annonça un long silence alors que tous inclinaient la tête et offraient des prières à Morrow pour un passage en toute sécurité à Urcaen pour Tews. Stryker ne pouvait pas se résoudre à prier ; la mort de son ami était trop insensée, trop récente pour qu’il puisse simplement l’assigner à la volonté de Morrow.

« Seigneur Général », dit Hargrave en refermant Prières pour la bataille, « avez-vous quelque chose à ajouter ? »

Tous les regards étaient désormais tournés vers lui, et l’attente de paroles plus réconfortantes lui pesait lourdement. Il jeta un coup d’oeil à Maddox. Son visage était strié de larmes, mais son regard était fermes et durs. Elle attendait aussi quelque chose de lui.

« Mes frères et soeurs », commença Stryker, employant la forme de discours la plus archaïque appropriée à l’occasion, « j’ai combattu aux côtés du Capitaine Tews pendant de nombreuses années, et il était parmi les hommes les plus courageux et les plus fidèles que j’ai eu le plaisir de commander. Sa perte me serre le cœur, et je sais qu’il n’y a qu’un seul remède à mon chagrin et au vôtre ».

Les mots commencèrent à prendre forme dans son esprit, et bien qu’il y ait un mensonge derrière, ils allumèrent quelque chose en lui, un brasier qui lui manquait depuis longtemps.

« Frères et sœurs, nous devons prendre notre douleur, notre chagrin, notre peine et les forger dans les flammes d’une juste colère. Qu’elle devienne la lame avec laquelle nous frapperons l’ennemi, l’oppresseur, le tyran. Notre frère est mort pour une cause que nous tenons tous sacrée - protéger les innocents et combattre les ténèbres où elles se trouvent.

Les soldats hochèrent la tête et murmurèrent leur accord, et leurs émotions devinrent ne vague de chaleur qui le poussa à aller de l’avant.

« Maintenant, dégainer vos armes et tenez-les en l’air ».

Le cliquetis de l’acier contre l’acier résonna au sein du cimetière silencieux alors que deux cents glaive-tempête étaient dégainés et levés haut. Stryker souleva Vif-Argent au-dessus de sa tête.

« Maintenant, illuminez les cieux et rappelez à ce monde que même si une lumière s’éteint, un millier d’autres brûlent encore ! Il appuya sur la gâchette à la poignée de Vif-Argent, et un éclair d’électricité brillante jaillit de la pointe de l’arme. Deux cents autres les rejoignirent, et le ciel gris acier s’embrassa de la fureur cygnaréenne.

Stryker adressa alors une prière à Morrow. Vois notre lumière et donne-moi la force de la maintenir allumée.

18
Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Poudrière
« le: 17 novembre 2024 à 19:19:11 »

- 30-
Au Nord de Croix-des-Fleuves, Llael Occupé

ILS DESCENDIRENT L’ÉTROITE ROUTE longeant le fleuve, se dirigeant vers le nord et s’enfonçant dans le territoire contrôlé par le Protectorat. Il était peu probable que les menites remarquent une si petite force de quinze hommes, mais Stryker se sentait exposé sans warjacks sous son commandement. Ils devaient se déplacer rapidement, et aucun ‘jack ne pouvait suivre un cheval au galop.

Les dix hommes que Maddox avait recrutés étaient de bons soldats et d’honorables chevaliers. Stryker connaissait la plupart d’entre eux par leur nom et il avait combattu à leurs côtés. Ils avaient compris la gravité de leur mission et ils donneraient leur vie pour la mener à bien. Cela fégoûtait Stryker que certains d’entre eux puissent mourir à cause d’Harrow, à cause de la confiance que Magnus lui avait accordé. Un terrible gâchis. Mais il n’y avait rien d’autre à faire pour l’instant.

« Monsieur, regardez », cria Maddox en désignant le nord, dans la direction où ils chevauchaient. Une subtile lueur rouge flottait à l’horizon, illuminant l’obscurité du petit matin.

« Feu », déclara Stryker. « Le Protectorat ? »

Bientôt, ils arrivèrent au petit quai où étaient amarrés les navires de Pytor, le même quai où ils avaient capturé le kayazy. Tous ces navires, sauf un, étaient en flammes, leur mâts flambants comme de sinistres grandes bougies luisant dans l’obscurité. Stryker poussa un bref cri de douleur. C’était déjà assez grave qu’Harrow soit devenu un traître, déjà assez grave qu’il ait libéré Aleshko, mais l’homme avait également veillé à saper leur mission en Llael, quoi qu’il arrive dans les prochaines minutes. Des hommes se déplaçaient sur les quais de l’unique navire intact, des hommes en armure cygnaréenne qui n’avaient pas le droit de la porter.

« Sur eux ! » Cria Stryker en dégainant Vif-Argent.

Ils descendirent un abrupt talus tandis que des coups de feu retentissaient. Stryker pouvait maintenant voir que certains mercenaire avaient formé une ligne de tir et tiraient lentement et méthodiquement. Des balles frappèrent son champ d’énergie et des étincelles jaillirent lorsqu’elles touchèrent les champs de Magnus et de Maddox.
Stryker poussa son cheval au galop, puis repéra l’architecte de cette calamité, debout en haut de la passerelle du navire restant, criant des ordres aux hommes en contrebas. Harrow avait son épée et son pistolet en main, et il pointait la position de Stryker.

Puis il aperçut les canons et réalisa que le plan d’Harrow était de l’attirer plus près, à découvert, entre la route et le fleuve. Un soudain tonnerre et une vague de fusées éclairantes jaillirent du plat-bord du navire, et le cri révélateur de l’artillerie retentit en leur direction.

« À terre ! » Cria Stryker une seconde avant que les obus ne frappent et n’explosent. Il se jeta de sa monture alors que son champ d’énergie s’enflammait, mais la force de l’explosion l’envoya voler. Il s’écrasa au sol, grimaçant alors que son plastron était douloureusement enfoncé dans son flanc.

Il était le plus proche de la jetée et avait subi le plus gros du barrage de canons. Stryker se releva lentement, grimaçant alors qu’une douzaine d’ecchymoses et de coupes se manifestaient. Un certain nombre de ses chevaliers était à terre, et la plupart des chevaux s’étaient dispersés. Les chevaliers se déplaçaient mais étaient visiblement abasourdis.

« Repoussez-les ! » Cria Stryker à voix haute, et les chevaliers encore debout, y compris Tews et Maddox, commencèrent à tirer leur s compatriotes assommés vers la berne.

Un mouvement sur le pont du navire annonçait un nouveau tir de de canon, et Stryker capta la brillante spirales de runes se formant autour du pistolet cinémantique de di Brascio, puis le craquement sec de sa décharge. Un homme s’apprêtant à déclencher un nouveau tir de canons à bord du navire se raidit lorsque la balle ensorcelée le frappa en pleine poitrine, et il sembla que son corps tout en entier se grippa comme une machine à vapeur endommagée. Il tomba à la renverse.

Les canons tirèrent à nouveau, moins un, et les obus sifflèrent en direction des cygnaréens. Ils s’étaient assurés du berne et s’étaient jetés à plat derrière. Les obus de canon frappèrent juste devant lui, soulevant une pluie de terre. L’onde de choc s’écrasa contre le champ d’énergie des warcasters et les sorts de protection qu’ils avaient lancés. L’explosion fit trembler les dents et réduit l’audition à un cri aigu, mais personne n’était blessé.

Tews roula pour s’allonger à coté de Stryker. « Ils n’ont pas la portée nécessaire pour nous toucher de là », dit-il en criant. Leurs oreilles mettraient du temps à s’adapter.

« Oui, mais ils ont une portée suffisante pour nous réduire en menu morceaux avant que nous puissions atteindre le navire », déclara Stryker. Certains d’entre eux pourraient réussir, et il était peu probable qu’Harrow et Aleshko tirent avec leurs canon si près du navire ou sur le quai où un certain nombre de leur hommes attendaient toujours que Stryker et ses hommes se rapprochent d’eux.

« Si nous laissons Harrow et Aleshko s’échapper, ils iront directement chez les kahdoréens », déclara Magnus . Le warcaster s’était également déplacé à côté de Stryker.

« Vous devez le savoir. C’est votre homme », dit Stryker.

« Vous avez raison. Je le connais », répondit Magnus, d’une voix égale, bien que ses yeux se détournent du regard de Stryker. « C’est davantage la raison pour laquelle nous l’arrêtons ».

Stryker ne pouvait pas contester cela. Il se concentra sur leur problème immédiat. « Options ? » dit-il, puis il invoqua sa magie et renouvela le bouclier arcanique au-dessus d’eux. Les canons n’avaient pas encore tiré, mais la protection supplémentaire apportée par le sort atténuerait considérablement leur impact si Harrow ouvrait davantage le feu sur eux.

« Je n’aime pas le dire », cria Maddox depuis l’autre côté de la ligne de Chevaliers-Tempête collant leurs ventre au sol. « Mais nous devons nous précipiter sur lui, nous approcher suffisamment pour employer nos glaives-tempête et trop près pour qu’il puisse nous tirer dessus ».

« Vous peut-être raison », déclara Stryker. « Mais il n’y a pas de couverture, et quinze Chevaliers-Tempête sont une cible importante ».

« Et un warcaster », demanda Magnus. « Je peux encaisser un coup de canon, et je serai plus difficile à toucher ».

« Non », déclara Stryker. « Personne n’y va seul ».

C’était une vérité qui cachait un mensonge. Il n’enverrait pas un seul homme dans une telle mission suicide, mais il n’aimait pas trop l’idée que Magnus s’approche aussi près du navire tout seul. Il doutait qu’il agisse de concert avec Harrow, d’autant plus que Magnus avait semblé sincèrement surpris par la trahison de l’homme, mais Stryker ne lui faisait pas suffisamment confiance pour tester cette notion sous une telle contrainte.

« Ils se préparent à partir », déclara di Brascio. « Nous n’avons pas beaucoup de temps ».

« D’accord. Voici ce que nous faisons. Magnus, Maddox, nous trois serons en tête, et je veux des enchantements protecteurs sur toute l’unité ». Stryker avait une bonne connaissance des sorts dont Maddox disposait et il connaissait également le répertoire de Magnus. Ensemble, ils pourraient probablement se protéger ainsi que les dix Chevaliers-Tempête, des pires conséquences d’un inévitable bombardement de canon. Les deux warcasters hochèrent la tête et Stryker se tourna vers Tews. « Capitaine, vous dirigez l’unité derrière nous. Dès que vous êtes à portée des glaives-tempête, priorité aux canonniers de ce navire. Je me fiche de savoir si vous les touchez, mais empêchez-les de tirer avec ces satanés engins ».

« Je peux aussi empêcher certains d’entre eux de tirer », déclara di Brascio. « Je serai derrière les Chevaliers-Tempête ». Le mage balisticien était le seul membre de leur force capable de frapper les hommes à bord du navire à une distance aussi extrême et Stryker était content de le compter parmi eux.

« Merci », dit Stryker. « Comme toujours, toute aide que vous pourrez nous apporter sera la bienvenue ».

Stryker regarda les chevaliers les uns après les autres ; il y avait de l’acier et de la détermination dans leurs yeux. C’étaient des femmes et des hommes bon, courageux et inébranlables. Il était fier de les commander. « Maddox, protège-nous un peu ».

Des runes se formèrent autour de la main de Maddox, des particules d’énergie bleu vives, et son sort s’établi sur les Chevaliers-Tempête. Les hommes de Stryker étaient maintenant aussi protégés que Stryker pouvait le faire.

Le seigneur général s’empara de Vif-Argent d’une main. « À mon signal ». Quelques secondes s’écoulèrent, et l’adrénaline de la bataille à venir le parcourut. « Aller ! »

Il se releva d’un bond, accompagné de Magnus et Maddox, et chargea. Un cri féroce résonna derrière lui tandis que les Chevaliers-Tempête le suivaient.

Les canons tirèrent presque aussitôt. Harrow les avait attendus.

Il y avait environ cent verges de terrain à découvert entre les Chevaliers-Tempête de Stryker et le quai, et ils furent touchés par la première volée aux trois quarts de cette distance. Les sorts de protection atténuèrent quelque peu l’impact, mais pas suffisamment. Des panaches de terre et de débris retombèrent en cascade, les Chevaliers-Tempête furent projetés au sol.

Stryker parvint à rester debout, tout comme Magnus, mais Maddox fut renversée. Le craquement aigu du pistolet cinémantique retentit, mais il y avait trop de fumée et de débris pour voir s’il avait touché quelque chose.

Harrow était probablement en train de recharger.

Quelqu’un attrapa Stryker par l’arrière de son armure et le fit pivoter. C’était Tews. Du sang coulait sur le visage du grand Lame-Tempête, mais son regard était dur et fixe.

« Nous n’allons pas y arriver en tant que groupe », cria Tews. « Magnus avait raison. Un homme est une cible plus petite ».

« Non, Capitaine », répondit immédiatement Stryker. « J’y vais ».

« C’est foutu, monsieur », dit Tews. « Vous êtes un seigneur général. Je suis juste un capitaine ».
Puis il ne fut plus là, disparaissant dans la fumée persistance des obus.

« On bouge ! On bouge !  Entendit-il Maddox crier, et les Chevaliers-Tempête – tous, heureusement – se relevèrent.

Ils se remirent à courir, sortant de la fumée et retrouvant la clarté. Il pouvait maintenant voir que Tews avait presque atteint le quai, et que les canons étaient toujours braqués sur Stryker et son groupe. Harrow était maintenant à bord du navire, criant des ordres aux hommes rechargeant les canons. Aleshko se tenait à côté de lui, immobile, les mains liées devant lui. Quel que soit l’accord qu’Aleshko avait conclu avec Harrow, cela n’impliquait clairement pas sa liberté totale. Du moins, pas encore.

« Couvrez le capitaine », cria Stryker. Ils étaient encore trop loin du navire pour frapper avec leurs glaives-tempête, et les explosions de leurs armes furent trop courtes lorsque les Chevaliers-Tempête les tirèrent en courant, mais elles eurent tout de même un effet positif, car deux des chargeurs de canons arrêtèrent ce qu’ils faisaient et se baissèrent.

Ils étaient suffisamment proches pour que Maddox puisse faire feu avec Tempête. Elle pointa la grande épée vers le navire, et sa lame se fendit au milieu, se séparant pour ressembler à une énorme diapason. Les accumulateurs tempête à l’intérieur de la lame flamboyèrent et elle projeta un éclair. L’un des hommes chargeant les canons fut touché par le feu bleu et tomba sur le flanc du navire.

di Brascio tira à nouveau avec son pistolet cinémantique et un autre chargeur tomba.

Les mercenaires sur le quai ajoutèrent maintenant des tirs de fusils au mélange, mais grâce aux protections que Stryker et sa force avaient érigées, les balles étaient inoffensivement déviées. Certains mercenaires avaient dégainé leur épée lorsque Tews les atteignit. Stryker ne s’inquiéta pas outre mesure pour son ami. Il avait vu Tews en action à de nombreuses reprises, et les compétences de cet homme étaient exceptionnelles. Au combat, Tews tourbillonnait telle une tempête en armure, son glaive-tempête se déployant en un arc azur brillant tandis que la bobine de puissance de la lame flamboyait. Il abattit deux hommes du premier coup, puis un troisième du suivant. Il avançait sans cette, s’enfonçant vers la passerelle et le navire au-dessus.

Les canons se remirent à tirer ; cette fois, les tirs furent moins nombreux et leur visée plus erratique. Tews leur donnait clairement matière à réflexion. Les projectiles tombèrent sur les côtés et derrières les Chevaliers-Tempête qui chargeaient, les éclaboussant de terre, mais ne faisant pas grand-chose d’autre.

Tews avait franchi la passerelle et les Chevaliers-Tempête étaient désormais à portée de tir.

« Ligne de tir ! » Lança Stryker, et les Chevaliers-Tempête s’immobilisèrent et pointèrent leurs glaives. Stryker leva également Vif-Argent. « Visez le quai ».

Certains mercenaires tentèrent de grimper la passerelle derrière Tews.

« Feu ! » Ordonna Stryker.

Douze éclairs frappèrent les mercenaires sur le quai, projetant plusieurs d’entre eux dans l’eau. Le fusil à mitraille de Magnus aboya, tout comme le pistolet cinémantique de di Brascio, et deux autres cadavres tombèrent.

Tewes était maintenant à bord du navire, et il semait la mort parmi les chargeurs de canons, jetant leurs cadavres par-dessus bord. Il avait neutralisé les canons, mais pas Harrow. Stryker regarda le mortel mercenaire s’abattrent sur le Lame-Tempête avec son sabre.

 Il ne pouvait pas laisser Tews seul plus longtemps. « En avant ! » dit-il. « On prend le navire ! »

Ils sprintèrent à nouveau vers le quai. Un certain nombre de mercenaires étaient toujours rassemblés là, armés de fusils, et ils commencèrent à tirer alors qu’ils se repliaient vers la passerelle.

Seulement dix verges séparaient désormais les cygnaréens du quai, mais un énorme jet de fumée s’échappa de la cheminée principale du navire alors que son moteur à vapeur se mettait en marche. Il ne lui faudrait pas longtemps pour atteindre son plein régime et remonter le fleuve, emmenant Harrow et Asleshko.

Les balles rebondissaient sur le champ d’énergie de Stryker ou heurtaient son armure pendant qu’il courait. Un coup chanceux lui toucha la joue, mais il continua à avancer. Sur le pont du navire, le glaive de Tews crépita, Harrow para le coup, riposta et fit jaillir des étincelles sur l’épaulière gauche de Tews.

Ils avaient atteint le quai et les mercenaires étaient montés à bord, laissant les quais vides. Stryker sprinta vers la passerelle, mas avant qu’il ne puisse l’atteindre, le navire commença à bouger. Ils ne prirent pas la peine de remonter la passerelle alors que le navire s’éloignait du quai. La passerelle tomba à l’eau avec fracas, laissant Stryker bloqué sur le quai.

Tews se battait pour sa vie, son glaive était une chose vivante qui tranchait et taillait Il tenait Harrow à distance, utilisant l’allonge de son glaive pour empêcher l’arme plus courte de Harrow porter une efficace attaque.

« Feu à volonté », cria Stryker aux Chevaliers-Tempête l’ayant rejoint sur le quai.

Des éclairs d’électricités jaillirent du quai, mais l’angle n’était pas le bon. Ils étaient trop bas et le navire trop haut. La plupart des explosions des Chevaliers-Tempête ne firent que carboniser la coque du navire.

La panique s’insinua dans l’esprit de Stryker tandis qu’il tirait sur le navire en fuite. Tews était seul et il ne pouvait pas l’atteindre. Tout ce qu’il pouvait faire, c’est regarder Tews reculer jusqu’au pont du gaillard avant. Harrow le laissait battre en retraite et ses hommes se massaient derrière lui.

Ce qui allait se passer était clair, mais Stryker ne pouvait rien faire pour l’empêcher. Plus d’une douzaine de fusils étaient braqués sur Tews, et Harrow recule derrière la ligne de tir et leva son épée.

Stryker n’entendit pas Harrow prononcer le mot alors que son épée s’abattait, mais il semblait être tout autour d’eux, au milieu des navires en feu s’enfonçant lentement dans le Fleuve Noir.

Feu.

Les fusils firent feu une fois et Tews trébucha en arrière. Son armure résisterait à certaines balle, mais pas à toutes.

Autour de lui, les Chevaliers-Tempête continuaient à tirer, et il entendit un cri épouvantable et déchirant. Il se retourna pour voir Maddox faire feu avec Tempête sur le navire en fuite, di Brascio et même Magnus continuaient à tirer, mais en vain.

Tews tomba à genoux, se soutenant avec son glaive. Les fusiliers s’écartèrent, et Harrow passa entre eux, traversant le pont pour se tenir devant le capitaine Lame-Tempête. Il rengaina son sabre lentement, avec désinvolture, comme un homme sachant qu’il avait un public. Il sortit son pistolet, le lourd à répétition dont il ne semblait jamais se passer. Tews tenta de se redresser lorsque Harrow pointa le pistolet sur sa tête.

« Garvin ! » Maddox criait et courait vers le bord du quai.

Stryker entendit le claquement sec du pistolet, vit la tête de Tews reculer, puis le grand Lame-Tempête, un guerrier sans égal et un homme plus loyal que tous ceux qu’il n’avait jamais connu, tomba en avant sur le pont.

Stryker avait affronter la mort à de nombreuses reprises sur le champ de bataille, il avait combattu et survécu aux horreurs nécromékaniques de l’Empire du Cauchemar. Il avait appris à vivre avec tout cela. Mais alors que les hommes d’Harrow jetaient le corps de Tews passa par-dessus bord, Stryker sait que cette blessure ne guérirait jamais.

* * *

ILS TIRÈRENT LE CORPS DE TEWS DU FLEUVE. Il avait été jeté sans cérémonie dans une zone relativement peu profonde, et le poids de l’armure du Lame-Tempête l’avait entraîné directement au fond de l’eau. C’est di Brascio qui avait plongé dans l’eau glacée, l’extrémité d’une corde à la main. Il l’avait nouée autour du corps de Tews à trois mètres de profondeur, et l’un des chevaux avait tiré l’ami de Stryker des eaux sombres.

Ils se rassemblèrent autour du corps, et Stryker s’accroupit au-dessus de Tews. Il pouvait entendre Maddox pleurer doucement, et même Magnus affichait un ait de léger remords. Harrow avait tiré sur Tews au-dessus de son oeil droit et son plastron état criblé de nombreux impacts de balles.

di Brascio s’accroupit à côté de Stryker, les yeux pleins de sympathie. Il comprenait ce que signifiait perdre un ami au combat.

« Je suis désolé, mon ami », dit-il. C’était une simple déclaration, et di Brascio ne l’agrémenta pas de paroles inutiles ou de platitudes. Stryker fut reconnaissant, et la sincérité des mots du mage balisticien en toucha plus d’un.

« Coleman … Stryker, je suis ... » commença Magnus, puis ils sembla chercher ses morts, comme si la simple compassion était un état étranger. « C’était un bon ... »

« Vous n’avez pas besoin de dire quoi que ce soit, Général », déclara Stryker. « Rien du tout ». Son dos le démangeait au fond de son cerveau, voulant se déchaîner, frapper l’homme responsable de tant de souffrance dans sa vie. Mais ce ne serait qu’un geste de dépit insignifiant. Magnus le sentit et se tut.

Tews fixait les cieux nocturnes, les étoiles, et Stryker espérait que la mort l’avait emporté sans douleur. N’était-il pas déjà là-bas. Aux côtés d’un autre bon soldat tué inutilement, mais celle-ci lui avait transpercé le coeur.

Il tendit la main et ferma les yeux de Tews, ne voulant rien d’autre que de fermer les siens, de faire taire la douleur de son monde bouleversé. Il leva les yeux ; le reste des Chevaliers-Tempête se tenait à une distance respectueuse. Ils avait tous ôté leur casque et leur visages étaient un masques de chagrin. Certains d’entre eux pleuraient ouvertement.

« Frères », déclara Stryker. « Emmenez-le aux chevaux ».

Les Chevaliers-Tempête avancèrent et soulevèrent doucement Tews du sol et l’emportèrent. di Brascio les accompagna.

« Tu es responsable de ça », dit soudainement Maddox en se tournant vers Magnus. « C’était ta … créature. Tu l’as amené parmi nous, et maintenant un homme brave est mort ». Ses poings se resserrèrent autour de la poignée de Tempête, et Stryker se demanda si elle allait essayer d’abattre Magnus. Il se demanda s’il allait essayer de l’arrêter.

Magnus ne bougea pas. Il faisait face à la colère de la jeune femme avec une sprte de résignation stoïque. « Vous avez raison », dit-il enfin. « Je l’ai laissé tomber. Je le reconnais ».

« Maddox », prononça Stryker.

Elle se tourna vers lui, des larmes coulant sur son visage. Elles lui donnait un air encore plus terrible que l’émotion qui avait déformé ses traits en un masque de chagrin. Elle avait été proche de Tews, il y avait eu entre eux bien plus qu’une simple amitié et de la camaraderie à un moment donné par le passé. Elle recula d’un pas et s’essuya furieusement les yeux.

« Je suis désolée, monsieur », dit-elle. « J’ai dépassé les bornes ». La rage présente l’instant auparavant disparut, laissant le masque, le mur qu’elle avait érigé pour se protéger de tout le chagrin et de toute l’horreur qu’elle avait subis. Encore un éclat de douleur à cacher dans le noir.

Stryker regarda Magnus, mais le warcaster refusait de le regarder dans les yeux. Il se tourna donc vers Maddox. « Non, Beth. Ne t’excuse pas. Laisse-le vivre avec ça un moment ».

« Je le ferai », déclara Maddox, « mais je ne pense pas qu’il s’en apercevra ».

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« le: 10 novembre 2024 à 20:28:30 »

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À l’Ouest de Croix-des-Fleuves, Llael Occupé

STRYKER FIXAIT DEUX CADAVRES devant une cellule de prison ouverte et essayant de garder son sang-froid, essayant de ne pas crier et de ne pas se mettre en colère face à la mort inutile de deux bons soldats. Il avait devant lui Maddox et Magnus, ainsi que le Lieutenant Sims, à qui ces hommes relevaient.

Les deux soldats tués, tous deux rangers, gardaient le Seigneur Pytor Aleshko, devant la cellule de détention de l’une des garnisons du guet de Croix-des-Fleuve. Le bâtiment était toujours intact, et ses cellules étaient parfaites pour détenir un prisonnier aussi important. Stryker n’avait pas souhaité d’une garde importante pour le kayazy, principalement parce qu’il ne voulait pas que la rumeur ce qui lui avait été fait se répande. Maintenant qu’Aleshko avait disparu et que deux hommes étaient morts dans son sillage, il était clair que cela avait été erreur de laisser cet homme avec si peu de surveillance.

Stryker se pencha sur les cadavres – chacun ayant été tué à l’aide d’une lame, d’une épée ou d’un couteau – et récupéra les plaques d’identité des hommes. Il se leva et se dirigea vers Sims, mit les plaques dans ses mains. « Je suis désolé, lieutenant. C’étaient des hommes courageux et ils sont morts au combat ». C’était également vrai, car il y avait un troisième cadavre, celui d’un homme nommé Tibbs, un homme ayant rejoint l’armée cygnaréenne il y a seulement quelques mois, un homme ayant servi Asheth Magnus pendant que le warcaster était en exil.

« Y a-t-il des survivants ? » demanda Stryker à Sims.

Le jeune lieutenant acquiesça. « Oui, monsieur, le Soldat Conners. Il est gravement blessé – ces salopards lui sont passés dessus – mais il est dur et il tient le coup.

Stryker dirigea son regard vers Magnus. Le warcaster ne détourna pas son regard, mais il y avait fissure dans son habituel masque d’indifférence. Ce désordre l’avait ébranlé. Maddox avait l’air en colère et elle observait Magnus, serrant et desserrant les poings.

« Nous devons parler à Conners tout de suite », dit Stryker. « Nous serons rapides ».

« Il a été emmené à l’infirmerie principale », répondit Sims.

« Très bien. Occupez-vous de vos hommes. Je m’occupe du reste. Maddox, Magnus, avec moi ».
Stryker quitta la garnison du guet avec Magnus et Maddox, et ils se dirigèrent vers l’infirmerie qui, par chance, était installée dans le seul hôpital intact de Croix-des-Fleuve.

« C’était Harrow, n’est-ce pas ? » dit Stryker après qu’ils se soient éloignés de la garnison.

Magnus ne dit rien pendant un moment, pesant probablement sa réponse. « Probablement », dit-il. « Cela ressemblait à ses œuvres au couteau ».

« Je vous tiens pour responsable de cette situation, général », répondit Stryker, essayant de maîtriser ses émotions et de maintenir une attitude professionnel. Il y parvint. En grande partie. « Vous avez fait confiance à cet homme, en sachant de quoi il était capable, et vous l’avez mis dans une position de nous nuire ».

« J’accepte cette responsabilité, monsieur », dit Magnus, surprenant Stryker. « C’était mon homme ». Les lèvres du warcaster étaient pincées et il y avait une véritable rage dans ses yeux. Stryker pouvait sans doute deviner pourquoi. Harrow avait surpris Magnus. Il avait fait confiance à l’ancien mercenaire.

Stryker ne prononça rien d’autre jusqu’à ce qu’ils atteignent l’infirmerie, un grand bâtiment de trois étages situé au centre de la partie orientale de la ville. Les médecins les emmenèrent immédiatement à Conners, dans un aile de l’hôpital réservées aux blessés graves. Ils passèrent devant des rangées de lits contenant des hommes souffrant des terribles blessures, la plupart ayant été infligées lors de la courte bataille contre Harkevich. Il y avait des hommes avec des membres disparus, d’horribles brûlures et des corps criblés de balles. Ceux qui le purent saluèrent Stryker au passage, mais ce n’était pas lui qui incitait les blessés à se relever ou à murmurer des salutations. C’était Maddox.

Les visages s’illuminèrent dès qu’elle entra dans la pièce. Elle était la Libératrice de Llael, la femme qui avait survécu au Protectorat de Menoth et qui en était ressortie plus forte de cette épreuve. Le travail de Leto et de l’Armée pour la promouvoir en tant qui figure d’émancipation et de fierté national avait fonctionné avec brio.

Elle était souvent mécontent de ce rôle, mais ici, à cet endroit, Stryker ne le vit pas. « Monsieur, allez-y », lui dit-elle. « Je vais rester pour parler à certains d’entre eux ».

« Bien sûr ». Stryker la regarda se diriger vers le chevet d’un homme qui ne devait pas avoir plus de vingt ans. Ses deux jambes se terminaient par des moignons bandés sous les genoux, mais la douleur et le désespoir qui se lisaient sur son visage disparurent, ne serait-ce que pour un instant, lorsqu’elle s’approcha.

Stryker et Magnus suivirent l’infirmier jusqu’à l’extrémité sud de la pièce, où un rideau blanc avait été tiré autour de la salle des blessés, la séparant en deux moitiés. La noirceau de l’odeur de putréfaction et de morts les frappa alors qu’ils s’approchaient du rideau. Il se prépara à ce qui se cachait derrière ; des hommes si gravement blessés qu’ils n’avaient aucune chance de survivre.

L’infirmier écarta le rideau ; il n’y avait que six lits au-delà – leurs pertes avaient été légères jusqu’à présent. Les hommes dans ces lits ne remarquèrent pas sa présence ; la plupart d’entre eux étaient loin d’avoir remarqué quoi que ce soit.

Le lit de Conners était au bout, et il était allongé sur les draps, dépouillés de ses sous-vêtements. Sa poitrine n’était qu’une masse de bandages tachées de pourpre à cause de l’hideuse blessure qu’ils couvraient.

« Il n’y plus rien à faire pour lui » déclara le médecin. « Honnêtement, je ne sais pas comment il a pu survivre aussi longtemps ».

Stryker se tourna vers Magnus, croisant le regard du warcaster et le tenant. Voici le résultat de votre œuvre, de votre confiance mal placée, voulut-il dire, mais il y avait des préoccupations plus immédiates.

Il se déplaça au chevet de Conners. Les yeux de l’homme étaient ouverts, son visage gris cendre et sa chair relâchée. « Monsieur … » prononça-t-il faiblement, et du sang coula le long de son menton.

« Ne parle pas, soldat », dit Stryker en tendant la main au médecin. L’homme lui tendit un linge blanc et propre. Stryker essuya doucement le sang de la bouche de Conners et prit la main droite du soldat dans la sienne. « Je vais te poser quelques questions, et tu presseras une fois pour oui et deux fois pour non. Tu peux le faire, soldat ? »

Une pression.

« Brave gars. Tu as vu les hommes qui t’ont attaqué ? »

Une pression.

« Le Capitaine Harrow était-il parmi eux ? »

Une pression. Cela confirmait ce qui était déjà un fait dans l’esprit de Stryker, mais il avait besoin que Magnus le remarque.

« Est-ce qu’ils ont emmené le prisonnier avec eux ? »

Une pression. C’était aussi une question dont il connaissait déjà la réponse, mais c’était une confirmation de plus.

« Est-ce que le Seigneur Aleshko est parti avec eux volontairement ? »

Une pression. Stryker grimaça. Cela signifiait que le kayazy avait conclu une sorte d’accord avec Harrow, l’homme qui l’avait torturé. Cela avait un certain sens - infliger des tourments n’était que le prix à payer pour faire des affaires pour les deux hommes.

« Encore une question, Conners, et ensuite tu pourras te reposer. Ont-ils donné une indication de l’endroit où ils allaient ? »

Deux pressions.

« Je sais où ils se rendent », déclara Magnus. « Les bateaux ».

Stryker leva les yeux vers Magnus, qui se tenait au pied du lit de Conners. Le warcaster faisait de son mieux pour éviter de regarder le soldat mortellement blessé. Était-ce de la culpabilité sur son visage, une culpabilité qui le faisait détourner le regard ? Se demanda Stryker. À cette idée, Magnus paraissait presque humain. « Attends-moi dehors, général », dit Stryker.

« Oui, monsieur ». Magnus s’éloigna. Il semblait soulagé.

Stryker se retourna vers Conners pour lui exprimer à quel point il avait été courageux, pour lui dire à quelle point il appréciait son sacrifice, mais le jeune homme n’entendrait plus rien. Le jeune soldat pionnier fixait le plafond, ses yeux aveugles par la mort.

Stryker plaça les mains Conners sur sa poitrine, puis ferma les yeux. Il se pencha et murmura : « Ce ne sera pas pour rien. Je te le promets ».

* * *

« IL A TROIS HEURES D’AVANCE », déclara Tews.

« Combien d’hommes avec lui ? » demanda Stryker en se tournant vers Magnus. Ils étaient à nouveau sous sa tente, juste les personnes en qui il avait le plus confiance … et Magnus. Il ne pouvait pas laisser la nouvelle de la trahison d’Harrow se répandre dans le camp.

« Une vingtaine », répondit Magnus. « Tous des mercenaires de carrière, des hommes durs, parmi les meilleurs que j’ai ».

« Les meilleurs ! » dit Tews. « C’est drôlement riche. Les meilleurs quoi ? Traites ? Voleurs ? Meurtriers ? »

Stryker leva la main pour demander le silence. « Il ne manque aucun cheval, donc ils sont à pied. Nous pouvons toujours les attraper s’ils se dirigent là où vous pensez qu’ils se dirigent ».

« Les navires sont la seule chose qui ait du sens », déclara Magnus. « Harrow doit traverser le Llael occupé, et il ne peut pas le faire en traversant la ville ».

« Je suis d’accord », dit Vayne di Brascio. Toutes les personnes présentes s’étaient mises d’accord pour inclure le féroce mage balisticien llaelais dans cette réunion et à ce qui allait suivre. « C’est leur meilleure et unique chance de s’échapper ».

Les navires qu’ils avaient pris à Pytor Aleshko étaient amarrés plus loin sur le fleuve, à l’écart de la ville. Ils avaient été laissés là, car ils auraient fait des cibles tentantes, mais Stryker en avait toujours besoin. « Alors, il a le personnel navigant, quoi ? Pour un ? »

« Avec les hommes qu’il a avec lui, je pense que oui », répondit Magnus.

« Il ne s’agit pas seulement de la trahison d’Harrow », déclara Maddox. Elle était restée silencieuse depuis qu’ils avaient quitté l’infirmerie. « Ce salaud à de nombreuses précieuses informations à vendre. Il connaît les moindres détails de notre opération en Llael ».

Stryker se tourna vers Magnus. « Combien ? »

« Tout ».

« Sang et enfer » cracha Tews. « Et vous lui avez fait confiance ».

Le grand Lame-Tempête faisait preuve d’insubordination, et Stryker l’avait laissé faire jusqu’à présent. Sa propre colère contre Magnus l’emportait sur sa dévotion au devoir et au protocole, mais il ne pouvait pas le laisser poursuivre. Magnus n’aillait nulle part. Il ne le traduirait pas en cours martiale ; Magnus n’avait commis aucun crime, si ce n’est d’avoir fait confiance à la mauvaise personne. « Capitaine, ça suffit », dit Stryker. « Vous vous adresserez au général comme il se doit, compris ? »

Les yeux de Tews s’écarquillèrent. « Oui, monsieur ».

« Nous avons déjà trop gaspillé », dit Stryker, fatigué de la discussion et du poids de celle-ci. « Maddox, trouves dix Lames-Tempête en qui tu as confiance. Je m’occupe des chevaux. Nous nous retrouverons à la Grande Porte ».

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« le: 10 novembre 2024 à 20:21:02 »

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À l’Ouest de Croix-des-Fleuves, Llael Occupé

MAGNUS ET L’ALCHIMISTE XAVIUS se déplaçaient à travers les ruines de Croix-des-Fleuve occidentale au son des marteaux sur la pierre. Les travaux sur le mur extérieur en ruine avait repris après le retrait d’Harkevich et des forces khadoréennes d’occupation. Stryker avait affecté des centaines d’hommes et une poignée de warjacks pour aider les citoyens de la ville à reconstruire les fortifications occidentales de Croix-des-Fleuve.

Magnus soupira. Stryker consacrait des hommes et des ressources au mur parce que c’était là que se produirait la prochaine attaque. De Rynyr ou de Laedry, et elle serait sûrement renforcée par la force largement intacte d’Harkevich. Oui, ils avaient forcé le warcaster khadoréen à laisser derrière lui des warjacks et de l’artillerie, et cela émousserait un peu la force d’Harkevich, mais pas assez.

Stryker avait ignoré des conseils tactiques irréfutables, dans l’esprit de Magnus, tant de sa part que de celle de Maddox, mais pour quoi faire ? Pour sauver quelques paysans ? Où était-ce simplement pour exercer un contrôle sur lui, pour prendre des mesures à conditions qu’elles contrecarrent celles de Magnus ? Non, Stryker n’était pas stupide, et il n’avait pas survécu à quinze ans de combat actif en ignorant une solide stratégie tactique. Il accordait autant d’importance à la vie des hommes et des femmes de Croix-des-Fleuve qu’à celle de ses propres hommes. C’était ce genre de réflexion qui avait tant coûté à Cygnar : une folie douce qu’ils ne pouvaient pas se permettre. Magnus ne se considérait pas comme un homme cruel, quoi qu’en pensent des hommes comme Stryker, mais ils avaient une mission, une mission qui serviraient en fin de compte les habitants de Llael même s’ils devaient en souffrir. Si quelques milliers d’entre eux devaient mourir pour renforcer le Cygnar et, par là même, le Llael, c’était un sacrifice qui en valait la peine.

L’exil ne lui manquait pas, mais la liberté qu’il lui avait accordée lui manquait. A l’époque, c’était lui qui prenait les décisions tactiques, et les hommes suivaient ses ordres, et non l’inverse. Réintégrer la chaîne de commandement contraignante de l’Armée Cygnaréenne était parfois extrêmement difficile.

« Il devrait se trouver plus loin », dit Xavius en désignant un bâtiment effondré, peut-être une tour, près d’une partie intacte du mur d’enceinte ».

Cela faisait des heures qu’ils parcouraient le quadrant nord-ouest depuis des heures. Lui, Xavius et un petit contingent d’hommes lui étant fidèles. Il avait dit à Stryker qu’il superviserait la reconstruction du mur ouest, et il avait laissé Harrow et certains de ses autres officiers sur place pour s’en charger. Mais il avait accepté de superviser les efforts de reconstruction afin de pouvoir explorer cette partie de la ville avec Xavius, à la recherche des ruines de la guilde de l’Ordre du Creuset d’Or.

« Cela fait des heures que nous cherchons, Xavius », dit Magnus. « Savez-vous s’il y avait même une maison de guilde à Croix-des-Fleuve ».

L’ordique hocha vigoureusement la tête. « Il devrait y en avoir une. Le souffle diabolique n’est pas le genre de chose que l’Ordre laisserait hors de sa vue à moins qu’il n’ait pas le choix ».

« C’est juste », dit Magnus. « Cela signifie qu’Harkevich ou ses hommes ont dû trouver le stock, donc nous devrions trouver des preuves de constructions ou au moins déblaiement, mais il y a toujours la possibilité que les khadoréens aient embarqué ce qui restait ».

« Je ne pense pas que ce soit le cas. Ils ont dû partir trop vite », dit Xavius. « Nous avions bien trop d’yeux dans la ville pour le remarquer ».

Ils s’approchèrent du bâtiment en ruine indiqué par Xavius, et Magnus se tourna vers les six hommes qui les suivaient de près. Ils étaient armés et armurés comme des pionniers, mais c’étaient des hommes qui l’avaient servi en exil, des mercenaires qui lui devaient une allégeance personnelle.

« Dispersez-vous et empêchez quiconque de nous déranger ou de s’approcher de ces ruines » dit-il. La ville était une véritable ruche. Le gros de la force d’invasion cygnaréenne s’était déplacé en ville, et les citoyens de Croix-des-Fleuve s’aventuraient hors de chez eux, essayant de reprendre leur vie au milieu du chaos.

Le bâtiment en ruine semblait avoir été touché par des tirs d’artillerie. La plupart des blocs de pierre blanche étaient roussis et noircis. Il devait avoir trois étages, et il semblait s’être écroulé plutôt que de s’être simplement effondré. La plupart des débris de pierre blanche gisaient sur deux maisons à l’est.Le symbole du Creuset d’Or était clairement visible sur certaines de ces pierres. Donc, ils avaient au moins trouvé le hall de la guilde.

« Là », dit Xavius en pointant du doigt.

Magnus regarda vers l’endroit qu’il indiquait, vers les tas de débris ordonnés – du genre de ceux formés par hommes effectuant des fouilles.

Magnus suivit l’alchimiste jusqu’au site. Les tas de débris étaient hauts, mais Xavius n’y prêta aucune attention. Il cherchait entre eux et la tour en ruine.

« Il n’aurait pas été conservé dans la guilde », dit Xavius. « La plupart d’entre elles disposaient de chambres fortes souterraines pour abriter les substances les plus dangereuses et les plus volatiles que nous utilisions ». Il commença à parcourir le périmètre des ruines, les yeux rivés sur le sol. Magnus le suivait, intrigué.

Quelque chose de noir sur les tas de pierres blanches attira l’attention de Magnusui s’enfonça dans les ruines. C’était une bâche noir, étalée et alourdie de pierres. Elle s’inclinait au milieu, comme si elle recouvrait une dépression ou un trou.

« Xavius », dit-il. « Aide-moi à déplacer cette pierre ».

Magnus portait son armure de warcaster et il pouvait facilement déplacer de gros morceau de pierre. Xavius, en revanche, maigre et peu habitué au travaux de force, avait du mal à les déplacer. Ils découvrirent la bâche assez rapidement et Magnus la tira en arrière, révélant un passage en escalier de pierre taillée descendant dans le sol. Une légère odeur s’échappait de l’ouverture – de la poussière et quelque chose d’âcre et de chimique.

Xavius recula, se couvrant la bouche et le nez avec un morceau de tissu qu’il avait apporté à cet effet. « Nous devons être prudents », dit-il. « Certains vaisseaux ont pu être brisé lors de l’attaque initiale ou voire lors de la récente. Nous ne voulons pas respirer ces fumées ».

Magnus enroula un tissu autour de sa bouche et de son nez.

Xavius fouilla dans une pochette à son flanc et en sortit une petite fiole d’un liquide clair. Il la secoua et elle se mit à briller. Un peu d’alchimie, et la lumière en bouteille était courante sur les marchés de la plupart des grandes villes.

« On y va ? » demanda-t-il, sa voix prenant une tournure nerveuse. L’alchimiste était excité et cela mettait Magnus mal à l’aise.

Magnus lui tendit la main. « Donne-moi la lumière. Tu me suivras ».

Xavius lui tendit la bouteille de lumière et Magnus posa le pied sur la première marche, éclairant le passage. Il descendait sur environ trois mètres puis se terminait dans un hall ou une pièce plus large en contrebas.

Il descendit les marches, ajustant la chaudière de son armure de warcaster pour réduire la quantité de fumée qu’elle produisait. Au bas des marches se trouvait une grande salle vide, d’environ dix mètres de côté. Elle était construite en pierre solide, et un froid irradiait de la roche. Il y avait trois lourdes portes en bois le long des murs est et ouest, toutes fermées et toutes barrées sauf une.

Magnus se dirigea vers la porte non barrée, ses pas résonnant dans la pénombre. Il s’arrêta et s’écarta du passage. « Maintenant, tu peux y aller en premier, Xavius », dit-il.

L’alchimiste s’approcha de la porte et passa ses mains sur le bois. Il souffla un peu de poussière et découvrit un symbole, un cercle entouré de pointes. « Ça y est », dit-il. « Ce symbole signifie pericula, ‘grand danger’ en vieux caspien. Cela signifie qu’il y a des substances très dangereuses au-delà des éléments les plus dangereux avec lesquels l’Ordre travaille.

« Eh bien, ouvre-là, alors », dit Magnus.

Xavius se tourna vers lui,visiblement tremblant d’excitation. « S’il est là-dedans, s’il y en a suffisamment, nous l’emploierons, n’est-ce pas ? J’ai toujours rêvé de voir le souffle diabolique en action ».

Magnus fronça les sourcils. Il avait déjà vu cette infâme substance en action,et il n’avait pas envie de la revoir. « Comme je te l’ai dit, nous ne faisons que confirmer sa présence, et si c’est le cas, nous la sécuriserons ». Les paroles suivantes qu’il allait devoir prononcer était comme un serpent lui mordant la langue. « C’est au seigneur général de décider si nous l’utiliserons au combat. D’après notre dernière conversation, je dirais que c’est peu probable ».

« Non, non, non », dit Xavius, son visage se décomposant en une moue. « Je ne peux pas être si proche de cela et ne pas le voir utilisé. Comment peux-tu laisser cet imbécile te commander ainsi. Je me souviens- »

Magnus tendit sa main droite la main mékanique, tel un piston pour attraper Xavius à la gorge. L’ordique poussa un cri effrayé lorsque Magnus le plaqua contre la porte avant de pousser son visage contre celui de l’alchimiste.

« Écoute-moi bien parce que je me répéterai pas », dit Magnus en sifflant les mots. « Alors, tu m’écoutes ? »

L’alchimiste acquiesça, du moins autant que la poigne de Magnus le lui permettait.

« Cet ‘imbécile de pacotille’ est le Seigneur Général de l’Armée Cygnaréenne, et je suis sous ses ordres ... » Il grimaça. « Parce que c’est ce que le roi ordonne. Il me l’ordonne, et il te l’ordonne. Ne prend pas mon adhésion à la chaîne de commandement pour de la faiblesse ou de une incapacité à voir la volonté du roi s’accomplir. Nous sécuriserons le souffle diabolique, et s’il est nécessaire de l’utiliser, je convaincrai le seigneur général que c’est la meilleure chose à faire ».

Magnus relâcha Xavius et recula. L’alchimiste se frotta la gorge et déglutit. « Mes excuses, Général », prononça-t-il. « Je suis encore en train de m’adapter à une profession plus … légitime ».

Le sous-entendu était assez clair : lorsqu’ils étaient en exil, ils faisaient ce que Magnus pensait être de mieux. Xavius n’était sans doute pas le seul à avoir remarqué un changement dans l’influence personnelle de Magnus. Il devrait probablement en « corriger » d’autres à l’avenir, comme il venait de le faire avec Xavius.

« Tu es pardonné », dit Magnus « Maintenant, ouvre la porte ».

Xavius se retourna et posa la main sur la poignée. Son bras se tendit et une alarme soudaine traversa le cerveau de Magnus. Ce n’était pas tout à fait une prémonition, mais la mort semblait laisser une trace de son passage, et il les remarquait maintenant.

Magnus entendit le déclencheur céder avec un claquement sec. Il se jeta sur le côté. La porte s’ouvrit et l’explosion fut faible, mais suffisamment puissante pour projeter Xavius vers l’arrière et vers le bas. L’explosion n’était cependant qu’un vecteur – le panache de brume verdâtre qui enveloppait l’alchimiste était la véritable charge utile du piège.

Magnus recula vers les marches menant à la surface, ses oreille bourdonnant. Il avait laissé tomber la bouteille de lumière, mais il pouvait encore entendre Xavius à proximité. L’alchimiste émettait de terribles bruits de toux et de haut-le-coeur. Magnus déjà entendu quelque chose de semblable. Le souffle diabolique était plus lourd que l’air, dont après l’explosion initiale, il avait tendance à se déposer comme une brume au-dessus du sol. C’est ce qu’il faisait maintenant, et

Magnus pouvoir voir au-delà de la porte que Xavius avait ouverte. La bouteille de lumière avait roulé dans la pièce au-delà, illuminant des ranges de caisses en bois, chacune marquée du symbole du cercle et des pointes. Ils avaient trouvés le stock, mais une personne parmi les hommes d’Harkevich, peut-être Krupin, s’était assuré que sa découverte serait coûteuse.

Il n’y avait aucun courant d’air dans la chambre souterraine et le gaz s’était en grande partie déposé. Magnus recula vers la sortie, vers la sécurité du soleil de l’après-midi venant du haut. Il se retourna, traversa la pièce en trois rapides enjambées et bondit vers l’escalier Xavius se mit à cracher et à tousser derrière lui.

Il émergea à la surface et inspira profondément une grande bouffée d’air frais, puis se retourna et redescendit les marches en courant. Le souffle diabolique ne traversait pas la peau ; il fallait le respirer pour qu’il soit efficace, et il pouvait retenir sa respiration suffisamment longtemps.

Magnus pouvait voir la forme sombre de Xavius affalé contre le mur opposé à la porte truquée, et il se dirigea vers l’alchimiste. Il ramassa l’ordique, le jeta par-dessus son épaule et remonta les escaliers en courant.

Lorsque Magnus atteignit la surface, ses hommes l’attendaient. Ils avaient entendu l’explosion en contrebas.

« Éloignez-vous », ordonna-t-il en se précipitant hors de l’ouverture souterraine en portant Xavius. Il déposa l’alchimiste sur le dos à six mètres de distance.

Le visage et la poitrine de Xavius étaient noircis et une grande partie de ses vêtements avaient brûlé. Les brûlures étaient graves, mais on pouvait y survivre – le composé toxique dans ses poumons, cependant, était une autre affaire. Le bouche, le cou et la poitrine de Xavius étaient couverts de sang. Il ne toussait plus, mais luttait pour faire pénétrer de l’air dans ses poumons qui se désintégraient rapidement. Ses yeux étaient écarquillés comme des soucoupe – il comprenait ce qu’il se passait. Il avait aussi probablement compris qu’il lui restait, cinq, peut-être dix minutes d’agonie avant que la mort ne l’emporte.

Magnus se leva et dégaina son canon à main. Il le tendit pour que Xavius puisse le voir. « C’est plus rapide », dit-il doucement.

L’alchimiste le regarda fixement puis toussa violemment, projetant du sang de sa bouche dans un panache de brume rouge. Il acquiesça faiblement.

Magnus n’hésita pas. Il visa, injectant un peu de sa magie dans le tir. Il était peu probable qu’il rate son coup à cette distance, mais il voulait le tuer d’un seul coup. Il appuya sur la gâchette et le canon à main déchaîna tonnerre et fumée. La lourde balle frappa Xavius au front, là où Magnus avait visé, et le sang gicla sur la tête de l’alchimiste. Il ne bougea plus.

Magnus rengaina son arme et réalisa que ses hommes le fixaient. Une sombre acceptation imprégnait leurs yeux, bien que la peut et même le dégoût fussent évidents dans certains d’entre eux.

« J’aurais fait la même chose pour n’importe lequel d’entre vous », dit-il. « Pour vous sauver d’une telle mort ».

Certains des hommes acquiescèrent ; c’étaient des hommes durs, mais ils avaient aussi vu Xavius, vu ce qui lui arrivait, et la plupart d’entre eux auraient accepté la balle tout comme lui.

« Assurez-vous que personne ne s’approche de ces ruines pendant le reste de la journée », dit Magnus. « Le gaz devrait se dissiper d’ici là ».

Il baissa les yeux sur Xavius, les yeux de l’alchimiste écarquillés et fixés sur la mort. Son vœu avait été exaucé, après tout.

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« le: 27 octobre 2024 à 18:49:13 »

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À l’Est de Croix-des-Fleuves, Llael Occupé, 1er Solesh, 611 AR

IL PLEUVAIT LE MATIN SUIVANT, et les gouttes qui tombaient sur les chaudières des deux Défenseurs qui se déplaçaient derrière Stryker produisaient un incessant grésillement. Lui, Magnus et Maddox avaient traversé le pont et la partie de la ville occupée par les cygnaréens, pour finalement arriver à un no man’s land entre les moitiés ouest et est de la ville.

Stryker n’avait pas de troupes supplémentaires avec lui – les warjacks étaient là pour le spectacle, une démonstration de force, pas pour le combat. Pourtant, des tireurs embusqués se déplaçaient au sommet des bâtiments au sommet des bâtiments dans leur sillage, parmi lesquels Sharp et Horgrum, et même si Stryker ne s’attendait pas à une trahison de la part d’Harkevich, l’idée du Raevhan Express du tireur trollkin qui veillait sur lui était réconfortante.

Harkevich l’attendait à une intersection semblant former une ligne de démarcation entre la moitié est de la ville, en grande partie intact, et la moitié ouest, en grande partie en ruine. Il n’y avait aucun citoyen de Croix-des-Fleuve dans la rue, même si quelques courageux regardaient par les portes ouvertes ou par les fenêtres pour assister à la réunion qui déciderait du sort de leur ville.

Harkevich n’avait qu’un seul warjack avec lui, le redoutable Destructeur noir à la main droite en forme de griffe. Il était accompagné de deux autres hommes, l’un portant l’uniforme d’un soldat khadoréen de haut rang, l’autre n’étant manifestement pas un soldat, un homme plus âgé aux cheveux courts et grisonnants et au physique robuste témoignant d’une vie de dur labeur. Harkevich, comme Stryker, Magnus et Maddox, portait son armure de warcaster. Il était armé de sa masse mékanique, qu’il tenait devant lui, la tête plantée au milieu de la rue.

« Seigneur Général », dit Harkevich alors que Stryker et son groupe s’approchaient. Le warcaster khadoréen fit quelques pas en avant, et Stryker remarqua avec une certaine satisfaction qu’il boitait de la jambe que Stryker avait blessée lors de leur court duel. Harkevich tendit une énorme main en guise de salutation.

Stryker s’avança et prit la main d’Harkevich. L’homme serra, et sa oigne était d’une force immense, écrasante. Il ne doutait pas qu’Harkevich aurait pu lui briser le bras avec cette poigne, armure ou pas. « Kommandeur Harkevich », prononça Stryker en relâchant la main du warcaster khadoréen.

« Je vous présente mon officier supérieur, le Kovnik Alexi Turpin », dit Harkevich, et l’homme en uniforme se redressa. « Et voici Andrei Ladislav, un aîné de cette ville, un homme qui représente tout ce qu’il y a de bon chez ses citoyens ».

Une pleurnicherie ? Se demanda Stryker. La présence de Ladislav était importante. Elle aillait sans doute peser dans leurs négociations.

« Voici le Général Asheth Magnus et le Commandant Elizabeth Maddox » répondit Stryker en présentant les deux warcaster.

Harkevich sourit, ce qu’il semblait faire assez souvent, surtout pour un homme à la réputation si redoutable. « Asheth Magnus en chair et en os », s’émerveilla-t-il. « J’ai toujours espéré vous affronter un jour, mais je n’aurais jamais pensé que vous seriez sous la bannière du Cygnar ».

« Votre surprise n’est pas injustifiée, Kommandeur », dit Magnus. « Moi-même, j’ai du mal à y croire certains jours ».

« Hah ! » Harkevich rit

« Kommandeur, ne nous laissons pas distraire. Nous devrions discuter de la raison pour laquelle nous sommes ici », déclara Stryker.

« Bien sûr, Seigneur Général », déclara Harkevich. « Mais d’abord une question ».

Stryker attendit.

« Qu’avez-vous fait du Seigneur Pytor Aleshko ? » Il prononça la nom avec un évident dégoût. Stryker ne pouvait guère le blâmer pour cela ; le prince kayazy était un être humain détestable.

Stryker ne vit aucune raison de mentir. « Actuellement, il est un invité de Cygnar », répondit-il. « Et il le restera ».

Harkevich ricana à la réponse. « Je ne doute pas que c’est lui qui vous a donné les informations dont vous aviez besoin pour désamorcer les explosifs sous le pont. Faites-en ce que vous voulez. L’Empire n’as pas besoin de traîtres ».

« Il ne sera pas mal traité », déclara Stryker. Plus.

« Enfermez-le dans le donjon le plus sombre que vous ayez, afin qu’il puisse profiter de la compagnie d’autres victimes », répondit Harkevich en crachant.

« Kommandeur, vous avez dit que vous vouliez négocier un retrait de la ville », dit Stryker, pressant le khadoréen d’en venir à l’essentiel de leur rencontre.

« Vous tenez le pont, vous avez plus d’hommes, plus de warjacks et plus d’artillerie. Et je ne suis pas idiot », déclara Harkevich. « Je pourrais rester et vous combattre » - il pointa un gros doigt en direction de Stryker - « et ne vous y trompez pas, je pourrais vous coûter cher ».

« Vos prouesses sur le champ de bataille ne sont pas en cause, Kommandeur », dit Stryker. « Je n’ai aucune envie de me battre contre vous si je n’y suis pas obligé ».

Stryker déplorait parfois le fait qu’il soit souvent contrait de combattre des hommes qu’il appellerait volontiers ses amis dans d’autres circonstances. Le Kommandeur Izak Harekvich était l’un de ces hommes. Stryker pouvait lire sur le visage du warcaster combien il lui était difficile d’admettre la défaite, qui plus est sans combattre, mais son souci n’était pas sa propre fierté martiale, mais les hommes et les femmes innocents qui étaient sous sa garde.

« Kommandeur, vous êtes un adversaire digne de ce nom, et je salue l’intérêt que vous portez à des hommes comme Andrei », dit Stryker. « Tout homme ou femme souhaitant rester à Croix-des-Fleuve peut le faire et bénéficier de la protection de l’Armée Cygnaréenne. Ceux qui souhaitent partir et s’installer ailleurs seront également autorisés à le faire ».

Harkevich inclina la tête. « C’est noble de votre part, Seigneur Général. Alors voici mes conditions. Je vais quitter la ville immédiatement, en emmenant avec moi tous les soldats, armes et warjacks khadoréens. Demain soir, nous serons partis ».

« Seigneur Général, un mot en privé », dit Magnus. Maddox et lui le regardaient fixement, et à la surprise de Stryker, ils avaient tous les deux le même regard : la désapprobation.

Un moment, Kommandeur, que je m’entretiennent avec mes officiers supérieurs », déclara Stryker.

« Bien sûr », Seigneur Général », déclara Harkevich.

Stryker, Maddox et Magnus s’éloignèrent de quelques verges et se rapprochèrent. La pluie s’était intensifiée et l’averse allait étouffer leurs voix. « D’accord, dites-moi », dit-il.

« Nous ne pouvons pas le laisser partir », dit Magnus. « Si nous le laissons sortir de la ville, il va se diriger directement vers Rynyr, rejoindra les deux bataillons s’y trouvant et probablement les cinq de Laedry, et nous devrons nous battre à nouveau contre lui d’ici deux semaines. Mais cette fois, il aura toute une armée à ses côtés ».

« Je suis d’accord, monsieur », poursuivit Maddox. « Je n’aime pas l’idée de se battre dans les rues, et il y aura des dommages collatéraux, mais nous courons trop de risques si nous les laissons partir ».

« Harkevich va nous saigner », déclara Stryer, se sentant miné par Maddox. Il s’attendait à cela de la part de Magnus, peut-être, mais pas de la sienne. « Il a suffisamment d’hommes et d’armes pour qu’il faille des semaines pour l’éliminer, et nous perdrons des hommes, sans parler des centaines, voire des milliers de citoyens de Croix-des-Fleuve qui mourront entre les deux feux.

« Il existe peut-être un moyen de minimiser les dégâts », déclara Magnus, « mais nous perdrons un énorme avantage stratégique si nous le laissons partir. Non seulement ses ressources s’ajouteront à celles de Rynyr et Laedry, mais il connaît également la composition de notre armée. Cela suffit pour que la bataille en vaille la peine ».

Maddox déglutit et détourna le regard. « Encore une fois, je suis d’accord avec le général, monsieur », dit-elle en se retournant. Il pouvait voir la lutte se déroulant derrière ses yeux entre sa loyauté envers lui et ce qu’elle considérait comme un bon conseil tactique.

Stryker se retourna vers Harkevich. Andrei Ladislav se tenait à côté de l’imposant warcaster. Il avait l’air petit et misérable à côté du kommandeur, un homme sans voix à la décision de son propre destin. Stryker avait vu des hommes comme lui des milliers de fois, dans chaque ville où il avait combattu, dans chaque village qu’il avait vu rasé par le Cryx ou le Protectorat de Menoth. Il avait rarement eu l’occasion d’aider de tels hommes, et il se retourna vers Magnus, un homme qui trouvait rarement le besoin d’aider les personnes comme Andrei Ladislav.

« Non », déclara Stryker. « Nous allons permettre à Harkevich de se retirer. Une bataille dans la ville coûterait trop cher ».

« Monsieur, s’il vous plaît », dit Maddox. « Ce n’est pas- »

« Ce n’est pas un conseil » dit Stryker. Il ne voulait pas discuter de ce point avec elle ou avec Magnus qui, pour une fois, demeurait silencieux. « Je comprends vos doutes, et je ne laisserai pas Harkevich sortir d’ici dans laisser quelque chose sur la table ».

« Comme vous le souhaitez, monsieur », répondit-elle.

Stryker jeta un coup d’oeil à Magnus. « J’ai dit ce que j’avais à dire », prononça le warcaster. « Tenez en compte ou pas, monsieur ».

Stryker se détourna et revint vers Harkevich, Maddox et Magnus dans son sillage.

« Kommandeur, voici mes conditions », dit Stryker. « Je vous autorise à quitter la ville, mais vous devez laisser votre artillerie et vos warjacks derrière vous, et n’emporter avec vous que vos armes personnelles ».

Les yeux d’Harkevich s’écarquillèrent. « C’est ridicule ! » dit-il en écartant les bras, le faisant ressembler encore plus à un ours. « Vous en demandez trop, Seigneur Général ».

« Ou restez et combattez, et je vous éliminerai de Croix-des-Fleuve s’il me faut un mois pour le faire. Vous ne pouvez pas gagner ; vous êtes en infériorité numérique et en armes. Vous pourriez me rendre les choses difficiles et, oui, des hommes comme Andrei en souffriront, mais vos soldats aussi. Vous pouvez dépenser leur vie ici inutilement, ou les laisser se battre un autre jour, quand leur mort pourrait signifier quelque chose ».

Stryker ne se retourna pas vers Maddox et Magnus ; il ne se souciait pas de ce qu’ils pensaient de ses conditions. C’était le meilleur plan d’action – il préférait combattre Harkevich et tous ceux qu’il pourrait amener avec lui à l’extérieur de la ville plutôt que de s’engager dans une coûteuse guérilla qui pourrait s’éterniser pendant des mois.

L’officier subordonné d’Harkevich, le Kovnik Krupin, se pencha et prononça quelque chose en khadoréen.

« Un moment, Seigneur Général », dit Harkevich et s’éloigna avec Krupin, laissant Andrei Ladislav derrière lui.

« Je suis désolé, Monsieur Ladislav », dit Stryker. « Je ne suis pas ici pour vous causer davantage de souffrances à vous et aux habitants de Croix-des-Fleuve, et je ferai tout ce que je peux pour vous aider ».

« Vous et le kommandeur n’êtes pas si différents », déclara Ladislav en adressant à Stryker un sourire fatigué. « Mais en fin de compte vous n’avez qu’une seule maîtresse, et son nom est guerre. Elle ne se soucie pas de ce qui arrive aux hommes comme moi ».

Stryker ne sut pas quoi répondre à cela, mais Harkevich revenait, un air sinistre sur le visage. « Je suis d’accord avec vos conditions, Seigneur Général », dit-il, « mais je laisserai pas Ivan le Noir derrière moi ». Il regarda le warjack Destructeur, debout sous la pluie, de la vapeur s’élevant de sa coque telle des nuages de gaz toxique.

Ladislav avait raison ; lui et Harkevich se ressemblaient beaucoup. Cet Ivan le Noir était probablement aussi important pour Harkevich qu’Arsouye l’était pour Stryker. « Convenu. Ivan le Noir, et seul Ivan le Noir, peut vous accompagner ».

Harkevich tendit à nouveau la main et Stryker la serra. « Nous nous reverrons, Seigneur Général ».

Derrière lui, Stryker entendit la voix de Magnus, juste assez forte pour qu’il puisse l’entendre. « Je n’en doute pas ».

* * *

LE RETOUR À TRAVERS LA VILLE fut tendu. Magnus s’était excusé peu de temps après la rencontre avec Harkevich, déclarant qu’il devait informer ses hommes. Stryker avait été plus que disposé à le laisser partir, mais cela le laissait avec Maddox, et sa colère de cette dernière était dirigée vers lui telle une tempête de couteaux.

« Dites-moi juste une chose, monsieur », dit-elle après qu’ils eurent marché en silence pendant un certain temps, se faufilant à travers la ville, regardant les bâtiments se transformer de carcasses incendiées en structures intacts et même magnifiques. « Dites-moi que vous avez laissé Harkevich partir parce que vous pensiez que c’était la bonne chose à faire et non parce que Magnus vous avait suggéré le contraire ».

Ses paroles le choquèrent et il s’arrêta et se tourna vers elle. « Major, je suis le Seigneur Général de l’Armée Cygnaréenne. Je ne prend pas de décisions qui pourraient coûter la vie à des hommes par dépit. Si vous vous souvenez bien, vous aviez suggéré la même chose ». Lui aussi était agacé, surtout d’être défié de cette façon, mais une partie de lui espérait sincèrement qu’elle n’avait pas raison.

« Avec respect, monsieur », dit-elle. « Il avait raison, il a raison. Nous allons nous battre à nouveau contre Harkevich, et il aura un avantage la prochaine fois ».

Il ne voyait aucune raison de continuer à expliquer sa décision, mais les mots vinrent malgré tout. Peut-être avait-il besoin de les entendre lui aussi.

« Tu te souviens des combats en Caspia et Sul ? « demanda-t-il. C’était un coup bas ; elle avait été capturée par le Protectorat durant la Guerre Caspia-Sul. « Tu te souviens des combats de rues, des hommes brûlés vifs ? »

Le visage de Maddox se tordit en un rictus de dégoûts. « Comment pouvez-vous me faire cela ? J’étais là, en plein milieu, respirant la même odeur de chair brûlée que vous. Mais Harkevich n’est pas le Protectorat, et ce n’est pas Caspia ».

Bien sûr, elle avait raison. Ce n’était pas Caspia, mais une bataille dans les rues serait néanmoins brutale. Il ajusta son approche. « Je ne risquerai pas des hommes quand nous n’avons pas à le faire, Commandant, pas quand nous en aurons désespérément besoin au cours des jours et des mois à venir. Ce n’est que le début, rappelez-vous ; nous allons bientôt passer à Rynyr, et j’ai besoin d’autant de soldats en bonne santé que possible ».

« Vous savez que vous n’avez pas à vous expliquer avec moi », déclara Maddox, même si son ton disait tout autre chose. « Je suivra vos ordres, sans poser de questions, et je n’en parlerai plus, mais Magnus a de la valeur, quelque chose à offrir dont nous avons besoin, si vous parvenez à surmonter votre méfiance à son égard ».

Stryker pencha la tête. « J’écoute les conseils du Général Magnus comme j’écoute les vôtres ».

« Je ne pense pas ce que soit le cas. Vous écoutez, mais vous ne l’entendez pas. Vous entendez toujours la voix de l’homme qui vous a trahi il y a des années, l’homme qui a soutenu le Roi Vinter- »

« Arrêtez », dit Stryker. « C’est un ligne à ne pas franchir, Commandant ». Il était frustré, la rage et le doute semblant entourer Magnus à tout moment crépitant dans son cerveau telle une tempête électrique. « Je n’ai pas besoin que vous remuiez le passé à chaque fois que nous parlons de Magnus. Il est ici, et il a les faveurs du roi. Je ne peux rien y faire, mais je ferai mon devoir ».

Maddox le regarda sans broncher. Elle avait les larmes aux yeux, mais ce n’était pas de terreur ou de chagrin, c’était des larmes de rage. Il avait invoqué son passé, aussi douloureux soit-il, et il s’en était pris à elle lorsqu’elle lui avait rendu la pareille. Sa propre frustration s’évapora, le laissant froid et vide.

« Mes excuses, Major », proposa-t-il sans conviction. « Ce n’était pas … élégant de ma part ».

« Oui, monsieur », répondit-elle d’une voix égale et glaciale. « Y a-t-il autre chose ? »

« Non », dit-il. « Rompez ».

Il resta là, sous la pluie, pendant un certain temps, tandis qu’elle s’éloignait, ne serait-ce que pour éviter de la rattraper sur le chemin du retour au camp.

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« le: 27 octobre 2024 à 18:42:33 »

- 26-
À l’Est de Croix-des-Fleuves, Llael Occupé


STRYKER ÉTUDIAIT LES DOMMAGES causés aux bâtiments de l’autre côté du pont. C’était grave, mais pas autant que ça aurait pu l’être. Une fois le pont pris et l’artillerie rapprochée, Harkevich aurait replié la plupart de ses hommes et de ses canons plus profondément dans la ville. Le commandeur khadoréen avait également fait sa part de dégâts, et l’un des Murs-Tempête cygnaréens avait rejoint son homologue khadoréen dans le fleuve.

Pourtant, Harkevich était en infériorité numérique et en armement, et des informations circulaient selon lesquelles Magnus avait frappé durement les khadoréens toute la journée avec des attaques de type guérilla.

Les troupes cygnaréennes progressaient et sécurisaient leurs positions de l’autre côté du fleuve, utilisant en grande partie les fortifications khadoréennes laissées à l’abandon après la retraite de l’ennemi. Ils seraient bientôt prêts plus profondément dans la ville dans la ville, ce que Stryker n’attendait pas avec impatience. Ce genre de combat, dans les quartiers étroits de la ville, impliquait de nombreux dégâts collatéraux. Il y avait encore des milliers de citoyens innocents llaelais à Croix-des-Fleuve, et il souffriraient sans aucun doute des combats à venir.

« Seigneur Général », dit une voix derrière lui.

Stryker se tourna pour voir Maddox. Son armure était cabossée et entaillée à de nombreux endroits ; elle avait été au premier plan lors des derniers combats. Son commandement des Murs-Tempête avait été exemplaire et elle avait détruit les deux Conquêtes avec l’aide de l’artillerie cygnaréenne.

« Vous devriez retourner au camp de base, monsieur », dit-elle. « manger quelque chose et faire examiner votre bras ».

Il acquiesça, et une puissante et douloureuse lassitude s’installa en lui. Il n’était plus un jeune homme, et les rigueurs du combat lui peseraient pendant des jours, voire des semaines, après coup. « Bien, tu as le commandement alors. Des rapports arriveront des lignes avancées. Envoie un message si Harkevich décide de faire autre chose que panser ses blessures.

Elle sembla réfléchir à l’opportunité de poursuivre. Finalement, elle ajouta. « Magnus est revenu. Il vous cherche ».

Il sourit d’un air las. « Pourquoi ne pas l’avoir dit dès le début ? »

« Ça m’a échappé », dit-elle d’un ton égal. « Vous devriez aussi aller voir Halls ; il travaille sur Arsouye ».

Une vague d’inquiétude s’abattit sur Stryker. Le Sergent-Major Halls était l’officier mékanicien de warjack de la force d’invasion cygnaréenne, et s’il travaillait sur Arsouye au lieu de confier cette tâche à l’un de ses nombreux assistants, les choses risquaient de mal tourner.

Maddox s’approcha et posa une main sur le bras de Stryker. « Il s’en sortira », dit-elle. « Ce vieux ‘jack est plus résistant qu’un crachat de dragon ».

« Merci, Beth », dit-il. Il n’arrivait pas à exprimer son attachement au warjack. Certains warcasters considéraient leurs machines comme de simples outils, même si leur cortex se développaient et apprenaient. Stryker les avait toujours considérés comme des soldats d’abord et des machines ensuite. Arsouye était avec depuis plus d’une décennie, et le grand ‘jack était plus un compagnon d’armes que beaucoup de soldats en chair et en os aux côtés desquels il s’était battu.

« Allez-y », dit Maddox. « Nous avons mené le bon combat aujourd’hui, monsieur. Savourez un peu ».

Il accepta, même s’il ne pouvait pas se réjouir de la victoire. Il y avait encore du sang et des flammes à l’horizon.

* * *

L’ARMÉE CYGNARÉENNE AVAIT DÉPLACÉ la majeure partie de son camp militaire près du fleuve. C’était risqué – l’artillerie khadoréenne pouvait encore les atteindre – mais la capacité de déplacer rapidement hommes et machines à travers le pont en faisait un risque crédible.

Stryker traversa les rangées de tentes, saluant les soldats s’affairant parmi elles. Il y eut de nombreux sourires et cris d’encouragement – ils avaient gagné aujourd’hui et le nombre de victimes était faible. Ils n’avaient perdu que 127 hommes, même si beaucoup d’entre eux étaient des Chevaliers-Tempête lors de l’assaut initial sur le pont. La perte du Colonel Bartlett le peinait toujours et le ferait souffrir pendant des années encore. Il avait réussi à retrouver ses plaques d’identité sur le pont et il les renverrait personnellement à sa famille à Corvis.

Il se dirigeait vers l’arrière du camp, où résonnait le bruit des marteaux sur le métal. L’atelier du Sergent-Major Nathaniel grouillait d’activité, et pas moins de six warjacks se tenaient silencieusement à proximité, attendant les attentions du maître mékanicien.

L’atelier lui-même était l’une des structures les plus permanentes du camp, un atelier et une fonderie portables installées dans quatre chariots qui pouvaient être tractés par voie terrestre par des chevaux ou des laborjacks. Une fois assemblés, ils créaient un carré d’une dizaine de mètres de côté, doté d’une forge, d’un palan à vérin, de diverses tables de travail et d’un nombre incalculable d’étagères pour ranger les outils. Bien sûr, l’atelier état plus une base d’opérations, car la plupart des travaux de réparation se déroulaient sur le terrain, en particulier pour le monstrueux Mur-Tempête.

Halls hurlait des ordres à ses subordonnés, dont beaucoup étaient des humanoïdes de petite taille appelés gobbers. Ces créatures à la peau verte avaient une tête étroite avec des oreilles surdimensionnées, des dents pointues et de grands yeux jaunes. Ils se déplaçaient rapidement, presque à la manière d’un oiseau, se précipitant les uns autour des autres alors qu’ils se hâtaient de suivre les ordres de Halls. Bien que les gobbers avaient une réputation bien méritée de voleurs. L’armée cygnaréenne employait des centaines d’entre eux comme mékaniciens, souvent à la consternation de leurs supérieurs humains.

Alors qu’il se rapprochait de l’atelier, un accès de panique le parcourut. Arsouye – ou ce qu’il en restait – était suspendu au palan. Le grand Cuirassé avait perdu ses deux jambes et don bras droit. Sa coque était déchirée à plusieurs endroits, exposant ses entrailles mékaniques à l’intérieur. La culpabilité nouait l’estomac de stryker. Il avait forcé Arsouye à abandonner son marteau sismique lors de l’assaut du pont. Les poings du warjack étaient puissants, mais le marteau était une arme dévastatrice, et il aurait pu offrir à Arsouye un avantage sur les Destructeur modifié d’Harkevich.

Halls le vit arriver, et il posa un lourd marteau, criant quelque chose à l’un de ses subordonnés gobbers. Il sortit de l’atelier et s’approcha de Stryker.

Le sergent-major était un homme costaud, à la poitrine large et aux bras musclés par des heures passées à manier de lourds outils et à soulever des morceaux de coques de warjacks pour les mettre en place. Son visage était rouge et taché de suie, et il avait l’apparence d’un vulgaire ouvrier. Rien n’était plus éloigné de la vérité. Halls était un mékamancien, et il possédait le don de magie au même titre que Stryker, même si ses compétences se concentraient sur la subtile mékanique arcanique plutôt que sur le champ de bataille.

« Comment va-t-il ? » demanda Stryker, en essayant de ne pas laisser transparaître l’inquiétude dans sa voix.

« Il est très amoché, monsieur », répondit Halls. « Mais son cortex est intact ».

Stryker fut soulagé. Si le cortex, le cerveau mékanique d’un warjack, était intact, le warjack pouvait être sauvé, même si le cortex était inséré dans un châssis entièrement différent.

« Désolé de vous inquiéter, Seigneur Général », dit Halls. « J’aurais dû vous informer immédiatement ».

Stryker secoua la tête. « Non, non. Vous avez beaucoup à faire. Dans combien de temps Arsouye sera-t-il à nouveau opérationnel ? »

Halls réfléchit à la question. « Nous avons plus qu’assez de pièces de Cuirassés supplémentaires. Même des membres entiers ».

« Alors, j’aimerais que vous accordiez une attention particulière à Arsouye ».

« Oui, monsieur, nous ne pouvons pas imaginer notre Seigneur Général sans son warjack personnel. Accordez-moi deux jours ».

Stryker s’approcha et serra la main d’Halls. « Vous êtes un sacré faiseur de miracles, Halls ».

Le mékanicien gloussa. « Ne l’oubliez pas lorsque de ma demande de pièces détachées arrivera sur votre bureau ».

* * *

MAGNUS L’ATTENDAIT dans sa tente quand Stryker arriva. De la nourriture avait été disposée sur la petite table à l’intérieur, et le warcster était en train de manger quand Stryker entra.
« J’ai entendu dire qu’Arsouye avait été prit cher sur le pont », déclara Magnus en posant son couteau et sa fourchette.

Pourquoi Magnus avait-il choisi d’ouvrir la conversation par cela, Stryker ne put le dire, mais c’était probablement le premier tir d’une salve imminente. « Oui il a été endommagé. Halls a la situation en main ».

« Et Bartlett ? »

Stryker se détourna de Magnus pour ne pas qu’il remarque son visage se tordre de colère. Il commença à déboucler les sangles de son armure. « Oui, nous avons perdu le colonel sur le pont. Elle est morte courageusement. Aviez-vous prévu de me lire le rapport complet des pertes, général ? »

« Je suis désolé », répondit-il. « Je connaissais juste le père de Bartleet ; c’était un bon soldat, tout comme elle ». Il avait l’air sincère, et cela rendit les paroles suivantes de Stryker un peu plus faciles.

« Vous vous êtes bien débrouillé avec le pont », dit-il, bien qu’avec une certaine difficulté.

« Eh bien, c’était soit désarmer ces satanées choses, soit laisser les khadoréens nous tuer tous les deux », répondit-il. « Mais merci … monsieur ».

« Vous pouvez sûrement trouver un autre endroit pour vous reposer et manger que ma tente », dit Stryker en soulevant son plastron par-dessus sa tête et en le plaçant sur le support en bois devant lui. Il ne s’embêterait pas avec l’armure de ses jambes – les armures de cuisse et les jambières étaient pénibles à mettre et à enlever, et elles ne le dérangeaient pas autant que le lourd plastron et les épaulettes.

Magnus rit. « C’est vrai, mais je ne suis pas là pour rompre le pain avec vous ». Il tendit la main vers une sacoche en cuir à ses pieds et en sortit un paquet enveloppé de tissu. Il posa celui-ci sur la table, qui émit un lourd bruit sourd. « Nous avons récupéré l’un des explosifs du pont, et il est d’une origine et d’une qualité remarquables ». Il déballa le paquet, révélant deux cylindres de verre remplis de liquide verdâtre. Un dispositif mékanique – un détonateur, devina Stryker – avait été fixée au sommet des deux cylindres.

Stryker s’approcha pour jeter un coup d’oeil. Il put remarquer le symbole de l’Ordre du Creuset d’Or imprimé sur l’un des cylindres. « Ils ont été manufacturés par le Creuset ? » dit-il, en supposant qu’Harkevich avait probablement attaqué la guilde de l’Ordre lorsque les khadoréens s’étaient emparés de Croix-des-Fleuve.

« Ils sont bien plus que cela, Seigneur Général », répondit Magnus. « C’est le souffle diabolique ».

Stryker retira sa main des cylindres. Il avait fait partie du conseil ayant interdit l’emploi de cette terrible arme par le Cygnar, avant même que le Creuset d’Or n’arre^te de fabriquer ce produit. Mais il n’avait jamais vu le souffle diabolique en personne.

« Xavius m’a dit qu’il était inerte à moins qu’une charge voltaïque ne soit appliquée », déclara Magnus.

« Je ne pense pas qu’Harkevich utiliserait une telle arme », dit Stryker, réévaluant soudainement le warcaster khadoréen.

« C’est aussi ce que je pense », dit Magnus. « Mais c’est un khadoréen, et ils ont tendance à être … pragmatiques avec ce genre de choses ».

Stryker grimaça. « Magnus, ne le suggérez pas ».

Magnus inspira profondément et posa ses mains à plat sur la table. « Écoutez, j’ai vu ce truc en action, et malgré ce que vous pourriez en penser de moi, je ne suis pas pressé de l’utiliser, même sur les khadoréens. Mais je pense que nous devrions gardes nos options - »

« Non », déclara Stryker. « J’étais membre du conseil de Leto lorsque nous avons décidé d’empêcher l’emploi de cette … cette substance, et savez-vous quel a été le facteur décisif ? »

« Éclairez-moi, monsieur », dit Magnus. Son ton était à la limite de l’insubordination.

« Qu’il n’est guère mieux qu’une arme cryxienne ; en fait elle ressemble à certaines des armes horribles qu’ils ont utilisées contre nos propres troupes. Vous l’avez vu de vos propres yeux, n’est-ce pas ? »

La bouche de Magnus se tordit en une ligne dure et la colère brilla dans ses yeux. « Vous n’avez pas besoin de me rappeler les horreurs de l’Empire du Cauchemar, monsieur. J’ai combattu lors des Invasions Scharde … avec votre père ».

« Et il est revenu avec une brûlure si terrible à la jambe, causée par un cœliaque, qu’elle n’a jamais guéri et l’avait laissé souffrir pour le reste de sa vie. Utiliser une arme comme celle-ci est inhumaine, Magnus ». Magnus prouvait, une fois de plus, qu’il n’était pas différent de l’impitoyable warcaster que Stryker avait connu et déposés toutes ces années auparavant. Qu’il envisage même d’employer quelque chose comme le souffle diabolique sur d’autres êtres humains, même sur des ennemis, était inadmissible.

« Coleman », dit Magnus, son ton s’adoucissant, « dans les semaines à venir, nous nous attendons à un combat long et difficile. Nous ne pouvons pas négliger un avantage, même aussi terrible que celui-ci ».

« Général je ne vous ai pas autorisé à me tutoyer », reprit avec raideur. Entendre Magnus l’appeler par son prénom lui faisait grincer des dents. Cela lui rappelait  l’époque où il avait fait confiance à cet homme, et cette époque était révolue. « Vous m’appellerez ‘monsieur’ ou ‘Seigneur Général’. Vous comprenez ? »

Magnus ne répondit pas.

« Bien, Alors vous pouvez disposer ». Il désigna le souffle diabolique sur la table. « Laissez ça, et envoyez une équipe d’ingénieurs pour détruire ce qui reste sous le pont ».

Le rabat de la tente s’ouvrit avant que Stryker ne puise ajouter quoi que ce soit. C’était un caporal pionnier, un jeune homme au regard effrayé.

« Monsieur », dit-il, « je suis désolé de vous déranger, mais le Major Maddox m’envoie depuis le pont ».

« C’est bon, Caporal », dit Stryker. « Rapport ».

« Nous venons d’accueillir un émissaire des khadoréens ».

Même Magnus sembla surpris. « De quoi parlez-vous ? »

« Le Kommandeur Harkevich, monsieur. Il a envoyé un émissaire. Il veut rencontrer le seigneur général pour discuter des conditions ».

« Quelles conditions, Caporal ? » demanda Stryker, l’esprit tourmenté par les implications du message du warcaster khadoréen.

« C’est ce qui est étonnant, monsieur. Il veut discuter des conditions de son retrait de la ville ».

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« le: 21 octobre 2024 à 20:13:38 »

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À l’Est de Croix-des-Fleuves, Llael Occupé

MAGNUS RENDIT LE PISTOLET LANCE-FUSÉE à Harrow et secoua l’eau de ses cheveux. Le fleuve était froid et le poids de sa prothèse l’avait envoyé directement par le fond. Ils avaient atterrit dans une partie peu profonde du fleuve, et Magnus avait rapidement remonté le lit du fleuve, traînant Xavius à moitié noyé en lieu sûr. L’ordique n’avait pas beaucoup aidé à résoudre son propre sort et avait serré contre sa poitrine l’explosif khadoréen qu’il avait détaché du pont pendant tout le trajet.

Il avait laissé le courant les emporter plus loin en aval pour éviter le troupes khadoréennes qui leur tiraient dessus. Harrow, Tews et le reste de ses hommes les retrouvèrent rapidement. Avec la bataille faisant rage au-dessus, il n’avaient pas été poursuivis.

« Nos propres hommes ont dû en s’apercevoir », dit Magnus. « Ils vont bientôt attaquer la partie est de la ville ».

« On repasse par la ville pour les rejoindre ? » demanda Tews. Le ton de l’homme s’était adouci et la rancune qui teintait chacune de ses paroles quelques heures auparavant avait pratiquement disparu. Son instinct de soldat avait repris le dessus, et il suivait les ordres à présent.

« Oui. Les forces khadoréennes vont être désorganisée et probablement paniquées maintenant que le pont reste intact. Nous allons nous fondre dans la masse et passer au travers ». En plus des soldats attendant son retour, il y avait quatre warjacks, de puissants Cuirassés-Tempête armés d’épées voltaïques qui seraient dévastatrices dans l’étroitesse de la ville. L’armure de Magnus était là aussi, et il avait hâte, au sens figuré comme au sens littéral, d’y retourner.

« Monsieur, jetez un coup d’oeil à ceci », dit Xavius. L’homme ressemblait à un insecte géant gorgé d’eau. Ses vêtements se plaquaient contre ses membres grêles et accentuaient son aspect décharné. Il tendait l’engin explosif qu’il avait ôté du pont. Il s’agissait de deux tubes de verre remplis d’un liquide vert visqueux. Chaque tube était surmonté d’un détonateur mékanique et d’un cordon de détonation. Les deux avaient été coupés.

Magnus accepta le dispositif et le tourna soigneusement dans ses mains. Il avait quelques connaissances en matière d’explosifs, et il compris ce que qui se trouvait dans ces tubes était hautement volatile.

« C’est sûr », dit Xavius, comme s’il lisait dans ses pensées. « Une charge voltaïque est nécessaire pour enflammer la substance.

« Qu’est-ce que je dois regarder ? » demanda Magnus. « Sais-tu de quel genre d’agent alchimique ou non ? »

« Regardez la marque sur le premier tube ».

Un large creuset surmonté d’une étoile flamboyante à cinq branches avait été dessiné au pochoir sur le tune. Elle était effacée, mais Magnus la reconnu.

« L’Ordre du Creuset d’Or », dit-il en nommant l’ordre arcaniste auquel Xavius avait appartenu.

« Tout à fait », confirma Xavius. « Mais surtout, savez-vous ce que c’est ? »

Magnus commençait à s’énerver. C’était le genre de jeu auquel Xavius aimait jouer, imposant son savoir à ceux qui n’en possédaient pas. Cela donnait toujours envie à Magnus de lui tirer dessus. Il résista. « Accouche. Maintenant ».

Un sourire ravi s’afficha sur le visage de Xavius. Cela mit Magnus très mal à l’aise.

« C’est le souffle diabolique », dit-il.

Magnus fronça les sourcils. « Je croyais que l’Ordre avait interdit sa création ». Il avait entendu parler du souffle diabolique, il l’avait même vu utilisé une fois. Ce n’était pas seulement un puissant explosif, le souffle diabolique créait des nuages de gaz persistants d’une puissance insidieuse. Le gaz dissolvait les tissus des poumons des hommes qui le respiraient, leur assurant une mort lente et atroce se terminant par la noyade des victimes dans leur propre sang.

« Oh, ils l’ont fait, mais les stocks existants n’ont pas été détruits. Ils avaient juste été cachés. Je pense qu’Harkevich a trouvé un de ses stocks dans les ruines de Croix-des-Fleuves. Si nous pouvions trouver - »

« On en parlera une autre fois », dit Magnus, et il rendit le souffle diabolique à Xavius. S’ils parvenaient à trouver davantage de substance, cela pourrait constituer un puissant atout. Stryker n’accepterait jamais de l’utiliser, bien sûr, mais il serait stupide de négliger un avantage possible. Cela aussi, c’était une discussion pour un autre moment, quand l’un des officiers les plus fiables de Stryker ne serait plus parmi eux.

Un énorme bruit provenant d’en hait attira leur attention vers le pont. L’un des Conquêtes venaient soudainement d’être touché par des massifs obus d’artillerie, probablement tirés par les Murs-Tempête qui avançaient sur le pont. L’énorme warjack émit ce qui ressemblait plus à un halètement douloureux de vapeur s’échappant et chancela sur le côté, s’écrasant à travers les garde-corps du pont. C’était fini. Cinquante tonnes de vapeur et d’acier s’écrasèrent dans le fleuve, puis explosèrent dans un énorme jet d’eau et de débris alors que la chaudière chauffée au rouge rencontrait l’eau glacée du fleuve.

« C’est bon signe », déclara Magnus.

« D’accord », dit Magnus. « Maintenant, sortons d’ici et voyons si nous ne pouvons pas aggraver un peu la situation des khadoréens ».

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Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Poudrière
« le: 21 octobre 2024 à 20:06:15 »

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À l’Est de Croix-des-Fleuves, Llael Occupé

UNE ÉRUPTION VERTE BRILLANTE S’ÉLEVA AU-DESSUS de la ville de Croix-des-Fleuves et une vague de soulagement déferla sur Stryker. C’était le signal qu’il attendait. Magnus l’avait fait.

Le médecin s’occupant des blessures de Stryker grogna d’irritation. « Monsieur, s’il vous plaît, restez tranquille », dit-il. Il avait retiré l’épaulière gauche de Stryker et s’occupait de la blessure en dessous. Le sort d’Harkevich avait à la fois gelé et coupé la chair, et le médecin faisait de son mieux pour refermer la plaie. Stryker avait laissé Maddox réparé son nez cassé peu de temps après qu’ils se soient retirés vers la seconde tour, après qu’Harkevich ait battu en retraite. Elle avait pris un certain plaisir à remettre le cartilage en place et à la grimace douloureuse que cela avait provoqué.

« Et bien, peut-être ne vous n’affronterez pas le prochain warcaster comme si vous étiez une sorte de cadet sans cervelle, monsieur », avait-elle dit.

Le médecin acheva et aida Stryker à remettre son épaulette. Il bougea son bras. Il était sensible, mais il pouvait désormais manier son épée à deux mains.

« Maddox », dit Stryker en se tournant vers le commandant se tenant au-dessus de l’épave de Vî Arsouye, faisant le point sur les dégâts. Ils avaient utilisés les Cyclones pour ramener le warjack à l’abri de la seconde tour. Stryker essayait de ne pas regarder l’épave – c’était comme regarder le cadavre d’un vieil ami. « Faites venir les Murs-Tempête ici. Je veux neutraliser ces Conquérants tout de suite. Ils ne pourront peut-être pas faire sauter le pont avec des explosifs, mais les canons de ces engins pourraient faire le travail à leur place. « Et déplacez l’artillerie jusqu’au rivage. Je veux commencer à frapper les emplacements des canons khadoréens immédiatement ».

Maddox se retourna et cria des ordre à deux commandos pionniers, qui partirent en direction de la ligne de front cygnaréenne pour transmettre les ordres de Stryker. Stryker les accompagna avec l’un de ses Cyclones. Le warjack couvrirait les pionniers jusqu’à ce qu’ils atteignent le Sergent-Chef Halverson, l’expérimenté pionnier contrôleur actuellement en charge des colosses cygnaréens.

Les Cyclones et les Défenseurs restants rendaient la cour sous la tour plus qu’encombrée, sans parler de l’étouffement de la fumée provenant des cheminées de warjacks. Ce qui restait des Lances-Tempête de Stryker se trouvait également ici ; il avait perdu plus de la moitié d’entre eux, y compris le Colonel Bartlett. Elle avait été frappée par un projectile d’un Man-O-War et on n’avait pas trouvé suffisamment de morceaux d’elle pour la retrouver. Cela le rendait malade ; elle avait été une sacrée soldate et une chef respectée, et sa perte leur ferait mal. Mais il ne pouvait pas se concentrer dessus – elle ne serait pas le dernier bon soldat qu’il perdrait dans les jours et les mois à venir. Il ne pouvait qu’honorer leur mémoire en se battant avec tout le courage et la conviction qu’i possédait.

En plus des Lances-Tempête, il avait toujours une escouade complète de rangers, et ils avaient pris d’assaut le niveau supérieur de la tour, tuant les tireurs embusqués et les Gardes des Glaces s’y trouvant. C’étaient désormais eux les tireurs embusqués qui ripostaient contre les soldats khadoréens dans la troisième tour. Stryker dit, « Je vais de l’avant avec les Défenseurs et le Cyclone briser cette troisième tour. Reste ici et prend le contrôle des Murs-Tempête à leur arrivée. Ensuite, je veux que tu lances tout ce que tu as sur ces Conquêtes. Compris ? »

« Oui, monsieur », répondit Maddox en souriant. « Ce sera la première fois que je contrôle deux de ces monstres. J’ai hâte d’y être ».

« Lieutenant Sims », dit Stryker en se tournant vers l’expérimenté ranger qui aurait été l’homme idéal pour interroger Pytor Aleshko si Magnus n’était pas intervenu. « Couvrez-moi, je vais m’occuper de la porte de la troisième tour ».

« Parfaitement, monsieur ». Il se déplaça pour transmettre les ordres au rangers dans la tour au-dessus.

Stryker ferma les yeux et se concentra, renforçant son lien avec les trois warjacks qu’il commandait. Il en avait contrôlé jusqu’à sept à la fois, mais au-delà de quatre ou cinq, les capacités d’un warcaster vétéran étaient mises à rude épreuve ; c’était comme essayer de résoudre des équations mathématiques complexes dans sa tête tout en essayant de ne pas se faire tirer dessus, poignarder ou exploser.

Stryker puisa au sein de ses réserves arcaniques et lança l’un de ses sorts les plus puissants. Des runes l’enveloppèrent ainsi que les warjacks sous son commandement, remplissant d’une énergie furieuse qui finirait par préserver son propre pouvoir.

« Allons-y », cria Stryker, et il s’élança sur le pont. Ses warjacks le suivirent, et derrière eux, les Lances-Tempête survivants, désormais à pied, arrivèrent avec une escouade complète d’infanterie Lame-Tempête qui avait été avancée.

Les balles commencèrent à marteler la pierre devant et autour de Stryker et il exhorta ses Défenseurs à ouvrir le feu sur la tour devant lui. Leurs canons lourds pivotèrent et visèrent avant de décharger dans explosion de flammes et de fureur. Les obus frappèrent la tour en plein centre, faisant exploser la pierre et l’acier et créant un trou béant dans le mur, exposant les silhouettes des soldats khadoréens à l’intérieur.

Le Cyclone tira ensuite, ses mitrailleuses plus légères et plus précises visant les ennemis à l’intérieur du bâtiment, envoyant une pluie de balles à travers la brèche faite par les Défenseurs et déchiquetant les hommes.

La pluie de balle en provenance de la tour ralentit et Stryker cibla de suite la herse. Il envoya les Défenseurs en avant attaquer la herse de fer et d’acier avec leurs marteaux disruptifs. Le herse se déformait, mais ce n’était pas les Man-O-War qui menaçaient les warjacks – ils s’agissaient d’hommes vêtus de lourdes plaques baroques, non propulsé par la vapeur et étaient armés de boucliers et de longues piques à pointes coniques, des charges creuses pouvant percer un trou dans le blindage d’un warjack. Les marteaux des Défenseur avaient fait leur œuvre. La herse s’effondra, mais pas avant qu’une demi-douzaine de Crocs d’Acier n’aient frappé l’un des warjacks avec leurs lances. Des gerbes de flammes éclatèrent autour de la coque du Défenseur, l’acier et le système hydraulique se rompirent, puis brusquement la présence du Défenseur disparut dans l’esprit de Stryker lorsqu’un coup chanceux d’une pique explosive d’un Croc d’Acier détruisit le cortex du warjack.

Alors qu’ils fonçaient sur l’ennemi, les canons lourds d’un Mur-Tempête retentirent, projetant un énorme projectile siffler par-dessus le pont. Il heurta l’un des Conquêtes, faisant reculer la gargantuesque machine d’un pas et laissant un cratère roussi dans sa coque. Stryker sourit alors que d’autre obus suivirent, et furent rejoints par le retentissant tonnerre de l’artillerie cygnaréenne.

Un mur de boucliers et de piques de Crocs d’Acier les attendaient dans la troisième tour. Derrière eux venaient deux warjacks, de massifs Juggernauts, les effroyables bêtes de somme de l’armée khadoréenne. Chacun d’eux était armé d’une redoutable hache mékanique générant un froid glacial. Harkevich n’était pas avec les ‘jacks ; ils suivaient les ordres criés d’une officier Croc d’Acier.

Les cygnaréens ne ralentirent pas leur charge. Au contraire, ils foncèrent tête baissée sur les piques des Crocs d’Acier. Une série d’explosions ébranla les dents de Stryker, alors même qu’il évitait la pointe d’une pique et abattait l’homme derrière. Il poussa le Défenseur dans la mêlée. Il balaya les piquiers pour s’attaquer aux deux Juggernauts. Son Cyclone s’avança également, utilisant ses poings pour écraser les troupes, bien que quelques lances explosives explosèrent contre sa coque alors qu’il fonçait sur l’ennemi. Heureusement, les dégâts n’étaient pas critiques.

Stryker traversa les Crocs d’Acier et se retrouva face à l’officier, une homme de grande taille maniant une lourde hache à deux mains. L’officier était plus qu’un vétéran expérimenté – il contrôlait probablement les warjacks khadoréens, une manière non-magique de commander des machines par des instructions verbales et des signaux manuels. Stryker espérait que l’éliminer rendrait les Juggernauts beaucoup moins efficaces. Il frappa de taille les jambes de l’homme, mais le khadoréen sauta agilement par-dessus la lame et abattit sa hache dans un coup direct. Stryker se tordit sur le côté, et son champ d’énergie clignota lorsque la hache le frappait en oblique. Il s’avança, à portée de la hache du Croc d’Acier, et enfonça le pommeau de Vif-Argent dans la gorge de l’ennemi. Le gorgerin du Croc d’Acier, le morceau de métal protégeant sa gorge, se froissa et il chancela, haletant. Stryker recula, inversant la direction de sa lame, pressa la gâchette sur la poignée de Vif-Argent et tira un éclair sur l’homme à bout portant. L’officier Croc d’Acier fut projeté en arrière, un trou fumant dans son plastron et sa poitrine. Il chuta au sol mort et Stryker reporta son attention sur ses warjacks. Le Défenseur frappait l’un des Juggernauts avec son marteau disruptif, envoyant des vagues d’énergies voltaïques à travers les cortexes de warjacks ennemis Le Cyclone ne s’en sortait pas aussi bien avec ses poings, et Stryker sentit l’impact tressaillant d’une hache de glace sur sa coque. Il canalisa une plus grande partie de sa volonté dans ses coups, les guidant, les rendant plus précis et plus percutants, puis il reporta son attention sur le bataille autour de lui. Ses chevaliers étaient engagés brutal combat avec les Crocs d’Acier, mais il était clair qu’une fois passées les lances des troupes khadoréennes, les cygnaréens étaient plus habiles au corps à corps. Les cadavres en armure rouge s’accumulaient.

Le tonnerre résonnait de plus belle au-dessus de nous tandis que les Murs-Tempête poursuivaient leur assaut. Puis un autre son submergea tous les autres. L’un des Conquêtes, la coque criblée de trous déchiquetés et roussis, vacillait sur le bord du pont telle un énorme marin ivre. Puis il s’écrasa contre la balustrade en pierre et plongea dans le fleuve en contrebas. Lorsque la chaudière du colossal heurta les eaux froides du Fleuve Noir, elle explosa comme une bombe, projetant un geyser d’eau et de débris de trente mètres de haut.

Une acclamation saccadée s’éleva des troupes cygnaréennes, une acclamation qui résonna sur le pont. Ils gagnaient.

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Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Poudrière
« le: 13 octobre 2024 à 21:52:27 »

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À l’Est de Croix-des-Fleuves, Llael Occupé

MÊME SI LA PERTE DE SON BRAS lui faisait souvent mal et lui rappelait d’autres choses qu’ils avait perdues, il y avait des moments où Magnus était reconnaissant de la force mékanique de son remplaçant. Il était actuellement suspendu à une solide corde sous un massif pont de pierre, le tonnerre des canons et des coups de feu ébranlant les fondations de la structure au-dessus de lui. Il tenait la corde avec sa main mékanique, laissant sa force supporter la plus grande partie de son poids.

Xavius et lui étaient attachés à un harnais d’alpiniste, quelque chose qu’un homme utiliserait pour escalader un flanc de montagne. La corde fonctionnait tout aussi bien sous le pont, et les pitons forgés par les rhuliques s’enfonçaient dans pierre d’un simple coup de marteau. Les khadoréens avaient été suffisamment distraits par l’attaque ci-dessus pour ne pas l’avoir remarqué, lui et l’ancien alchimiste du Creuset d’Or escalader le dessous de leur pont et, ce n’était pas un geste de salutations entre voisins. Les petites faveurs sont des bénédictions, pensa-t-il.

« Tu le vois ? » lança-t-il à Xavius, qui se balançait à quelques pas sous le tablier le pont au dessus de lui.

« Oui », répondit l’ordique. « Mais ce ne sont pas des explosifs khadoréens ».

« Je m’en fiche. Désarme juste cette foutue chose ».

Xavius ne dit rien pendant un moment, et le pont trembla à nouveau, cette fois non pas à cause des tirs, mais du lourd pas des warjacks. Les choses devenaient sans doute désespérées là-haut. « C’est plus compliqués que ça. Les explosifs sont connectés, mais ils sont beaucoup plus sophistiqués que je ne l’avais prévu ».

« Combien de temps ? » Pas le temps de s’attarder sur les implications de la découverte de Xavius.

« Dix minutes », répondit Xavius.

Magnus laissa pendre sa montre à gousset pour pouvoir y jeter un coup d’oeil. Ils auraient peut-être ce temps, ou bien il finiraient ses jours suspendu au-dessous d’un pont juste avant qu’il ne lui tombe sur la tête.

« Cesse de causer et bouge ton cul », dit-il.

Une soudaine pluie d’éclats de pierre s’abattit sur le visage de Magnus, tandis qu’une balle ricochet sur le pont à quelques centimètre de sa tête. Il fut soudainement très conscient de l’absence du champ d’énergie généré par son armure de warcaster. Il baissa les yeux. Un groupe de Garde des Glaces se tenait sur le rivage, leurs fusils pointés sur lui.

Il invoqua rapidement sa magie, les runes se formant autour de son corps en une barrière protectrice. Il laissa le sort englober Xavius, et le contour du corps de l’ordique vacilla et devint flou et indistinct. D’autres balles claquèrent sous le pont, manquant leur cible mais remplissant l’air d’éclats de pierre.

« Tu sais faire quelque chose à ce sujet ? L’interpella Xavius, irrité. Il s’accrochait au pont telle une araignée géante, son visage pressé contre ce que Magnus devinait être suffisamment d’explosifs pour le réduire à l’état de brouillard rouge.

Magnus ne répondit pas ; au lieu de cela, il dégaina son canon à main de son étui de la main gauche et visa. Il avait laissé son tromblon derrière lui, sachant que la portée accrue du canon à main serait plus utile. Un autre projectile le rasa et Magnus aperçut l’un des Gardes des Glaces sur le rivage. Il canalisa sa puissance arcanique dans le tir et sa visée se stabilisa. Sa cible était à deux cents verges – un tir incroyablement difficiles dans des circonstances normales. Il pressa sur la gâchette et l’arme aboya dans sa main. La lourde balle, guidée par sa magie, trouva sa cible. Le chef des Gardes des Glaces recula brusquement et il s’effondra au sol.

Le canon à main de Magnus, bien que puissant, était un modèle à un coup, et il ne voulait pas lâcher la corde dans autre main pour recharger. D’autres tirs retentirent d’en bas, mais ils ne visaient ni lui ni Xavius. Un autre membre de la Garde des Glaces s’effondra au sol. Trois hommes chargeaient sur l’étroite bande de plage en direction des gardes – ils étaient en infériorité numérique, mais Magnus ne doutait guère qu’Harrow, Tews et un autre de ses hommes, un ex-Tête d’Acier, ne feraient qu’une bouchée des soldats. Il avait une vue plongeante littéralement, sur le massacre qui s’ensuivit.

Tews n’avait pas pris la peine de dégainer son arme et il abattit le premier Garde des Glaces qu’il rencontra – le khadoréen avait tenté de parer la grande épée caspienne à l’aide d’une hache courte. Tews trancha la hache, puis le cou de l’homme derrière elle. Harrow abattit deux gardes avec son arme à répétition, et Silus s’était occupé du dernier avec son tromblon.

Harrow fit signe de main à Magnus après la mort du dernier garde. Ils restèrent sur la plage, probablement au cas où d’autres troupes khadoréennes se présenteraient. Vu le bruit sur le pont, Magnus ne pensa que cela soit probable.

« Où en es-tu avec cette foutue bombe ? » appela Magnus.

« J’y suis presque » répondit Xavius. « Nous avons de la chance. Le relais du détonateur est connecté à celui-ci. Si je peux l’enlever … Voilà ».

« Tu as fini ? »

« Pas tout à fait. Je veux embarquer l’appareil avec nous ».

« Attends. C’est une mauvaise idée. As-tu identifié l’agent chimique ? »

« Je l’ai fait, et crois-moi, Général, tu voudras voir ça ».

D’autres coups de feu retentirent en bas. Magnus s’avait qu’il s’était trompé, et maintenant ce n’était plus seulement d’autres gardes en route. Des Man-O-War escortaient ce qui semblait être un duo de tireurs embusqué prendre des positions de tir. Harrow, Tews et Silus battirent en retraite, déchargeant leurs armes sur l’ennemi au fur et à mesure.

Magnus rengaina son pistolet et sortit Pourfendeur. « Xavius, nous devons partir maintenant. Tu sais nager ? »

L’ordique le regarda, les yeux écarquillés. Magnus ne lui laissa pas le temps de répondre et trancha les cordes qui les retenaient au pont.

Ils chutèrent.

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