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Messages - elric

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INDEX DES ROYAUMES D’ACIER

Ancienne Ichtier : Une antique cité au sein du Protectorat dans le sud profond, considérée comme la source de la civilisation menite de l’Immoren occidental et le Canon de la Vraie Loi originale.

Lac Barbotal : Il s’agit d’un immense lac et d’un fleuve au coeur de Rhul, et de la soure du Fleuve Noir. Les cités rhuliques de Ghord, Ulgar et Brunder se situent sur ses rives.

Groupe de bataille : Un wacaster et les warjacks qu’il contrôle.

Berck : Ville portuaire ordique, plus grande ville d’Ord et port d’attache de la Marine Royale Ordique.

Fleuve Noir : Le plus long fleuve de l’Immoren occidental, qui relie le Rhul, le Llael et le Cygnar. Merywyn, Corvis et Caspia-Sul se reposent sur ce fleuve et forme la frontière orientale de Cygnar, la séparant des Marches Sanglantes.

Cape Noire : Terme appliqué aux énigmatiques mystiques et potentiellement dangereux faisant partie d’une ancienne société secrète s’appuyant sur le pouvoir destructeur des éléments et de la nature sauvage.

Morteseaux : Ville portuaire cryxienne et siège de sa flotte de pirates.

Marches Sanglantes : Une grande région géographique aride entre le Désert de Jaspe et l’Immoren occidental, occupées par des tribus idriennes, farrow et l’Armée de l’Extrême Occident Skorne.

Caen : Nom du monde contenant les Royaumes d’Acier, Immoren, Zu, etc. On oppose parfois le monde matériel au monde spirituel d’Urcaen.

Carre Dova : Ville portuaire ordique, située sur la rive septentrionale de la Baie de la Pierre.

Caspia : Capitale de Cygnar, la « Cité des Murs » et l’unique ville humaine à ne pas être tombée aux mains des orgoth.

Ceryl : Ville portuaire cygnaréenne, siège de l’Ordre Fraternel des Magiciens et de la flotte septentrionale de la marine cygnaréenne.

Pierres Bavardes : District de Cinq-Doigts sur l’Île de l’Hospice, remarquable pour son grand cimetière rempli lors d’une ancienne peste sur l’île.

Colosse : Massifs prédécesseurs des modernes steamjacks, ces grandes machines ont été construites à l’origine pendant la Rébellion contre les orgoth.

Cortex : Dispositif mékanique hautement arcanique conférant au steamjack son intelligence limitée.

Corvis : Ville du nord-est cygnaréen située à la jonction du Fleuve Noir et la Langue du Dragon, également appelée la « Cité des Fantômes ».

Vallée de Crael : Vallée agricole du nord de Cygnar, au sud de Brainmarché, brièvement prise et tenue par Madrak Cuirdefer et les Kriels Unis.

Cryx : Également connu sous le nom d’Empire du Cauchemar, un royaume insulaire de nécromanciens, de morts-vivants et de pirates situé au sud-ouest et dirigé par Toruk le Père des Dragons.

Cygnar : Le plus méridional des Royaumes d’Acier, gouverné par le Roi Leto Raelthorne et portant le Cygnus sur son drapeau.

Tour du Bois Profond : Forteresse frontalière septentrionale cygnaréenne, détruite en 608 AR.

Dragon : Créatures immortelles et non naturelles engendrées par le Seigneur Toruk, le premier et le plus grand d’entre eux. Les dragons sont hostiles les uns envers les autres, et en particulier envers leur géniteur, et s’intéressent rarement aux affaires des êtres inférieurs.

Fleuve de la Langue du Dragon : Le fleuve s’étend de Corvis à la Baie de Pierre séparant le Cygnar de l’Ord et sur laquelle reposent un certain nombre de villes telles que Port Bourne, Tarna et Cinq-Doigts.

Drer Drakkerung : Ruines de l’ancienne capitale orgoth sur l’Île de Garlghast, désormais revendiquée par le Cryx et considérée comme le siège du Seigneur Liche Terminus.

Mur-Levant : Forteresse cygnaréenne du sud-est, le long du Fleuve Noir.

Fellig : Ville Cygnaréenne septentrionale du Bois d’Épines, actuellement partiellement occupée par des troupes ordiques et coupée de Cygnar.

Ruissepêche : Ancienne ville cygnaréenne au nord du Fleuve de la Langue du Dragon, rasée en 607 AR par la Croisade du Nord du Protectorat.

Cinq-Doigts : Ville portuaire ordique connue pour ses jeux d’argent, ses gangs criminels et son commerce de contrebande, également sous le nom de « Port de l Tromperie ».

Garlghast : La plus septentrionale et la plus grande des îles Scharde, site de l’ancienne capitale orgoth de Drer Drakkerung.

Ghord : Capitale de Rhul, sur la rive nord-est du Barbotal.

Gobber : Race de petite taille composée d’individus curieux, agiles et entreprenants qui se sont bien adaptées aux villes humaines. La plupart des gobber mesure environ nonante centimètres de haut. Les gobber sont connus pour avoir d’indéniables aptitudes pour les appareils mékaniques et l’alchimie.

Mage Balisticien : Arcaniste capable de canaliser son énergie arcanique dans des tirs runiques tirés à l’aide de ses pistolets cinémantiques.

Hammerfall : Forteresse rhulique occidentale protégeant les approches occidentales à travers les montagnes de Ghord.

Col de l’Enfer : Ancienne cité ogrun autrefois conquise par l’Empire khardique et faisant maintenant partie de Khador.

Fort-Horgen : Forteresse rhulique méridionale protégeant les approches sud de l’intérieur rhulique, y compris la route de Leryn et le Fleuve Noir.

Haute-Muraille : Ville côtière cygnaréenne, siège de la flotte méridionale et quartier général de la Troisième Armée Cygnaréenne.

Imer : Capitale du Protectorat de Menoth, ville relativement récente située près des Collines d’Erud.

Immoren : Continent comprenant les Royaumes d’Acier, Ios, Rhul, l’Empire Skorne et les terres les séparant. Une grande partie d’Immoren reste inexplorée et ses habitants n’ont eu que peu de contacts avec les autres continents.

Ios : Nation isolationniste située à l’est des Marches Sanglantes,, Ios a été fondée bien avant les nations humaines par les survivants d’un empire détruit appelé Lyoss.

Iosien : Habitant d’Io, une race elfique d’une grande longévité subissant un long déclin progressif et confrontée à une catastrophe cosmologique imminente.

Royaumes d’Acier : Initialement, les quatre nations fondées après la Rébellion orgoth : Cygnar, Khador, Llael et Ord. Le Protectorat de Menoth, fondé après la Guerre Civile Cygnaréenne et ayant récemment déclaré son indépendance vis-à-vis de Cygnar, devint le cinquième Royaume d’Acier. Avec la conquête de Llael, il reste peu de ce royaume.

Contrôleur : Personne ayant appris à donner des ordres verbaux précis à un steamjack  pour le diriger dans la conduite du travail ou de la bataille. Une compétence professionnelle très utile, bien que dépourvu de la polyvalence ou de la finesse offerte par le contrôle mental direct des steamjacks exercé par un warcaster.

Khador : Le plus septentrional des Royaumes d’Acier, autrefois un royaume et aujourd’hui un empire. L’Empire Khadoréen est dirigé par l’Impératrice Ayn Vanar.

Khardov : Ville industrielle de l’ouest du Khador, qui est également une plaque tournante majeure du chemin de fer khadoréen.

Korsk : Capitale de Khador et la plus grande ville de ce pays, située sur la rive orientale du Lac Grand Zerutsk.

Lac Grand Zerutsk : Le plus grand des trois grands lacs entourant Korsk dans le centre de Khador.

Leryn : Ancienne ville de Llael et lieu de naissance de l’Ordre du Creuset d’Or, aujourd’hui siège de la Croisade du Nord du Protectorat. Occupé par les khadoréens pendant la Guerre Llaelaise et ensuite prise par le Protectorat.

Llael : Autrefois le Royaume d’Acier le plus oriental ; largement conquis durant la Guerre Llaelaise de 604 – 605 AR et actuellement divisé entre le Khador, le Protectorat et la Résistance Llaelaise.

Mékanique : Fusion de l’ingénierie mécanique et de la science des arcanes.

Mercir : Ville côtière méridionale cygnaréenne, siège de la Ligue Mercarienne.

Meredius, le : Océan occidental, travers avec succès par les orgoth.

Merin : Capitale de l’Ord.

Merywyn : Ancienne capitale du Llael, actuellement la plus importante ville industrielle du territoire occupé par les khadoréens.

Midfast : Ville et forteresse ordique septentrionale, le long de la frontière khadoréenne.

Empire du Cauchemar, l’ : Cryx.

Nordgarde : Ancienne forteresse de la frontière nord cygnaréenne, assiégé et prise par le Khador en 608 AR, servant actuellement de forteresse de réapprovisionnement pour l’armée khadoréenne.

Nyss : Cousin des iosiens, les nyss sont une race de chasseurs sauvages voulant revendiquer de larges portions du Khador septrional comme leur territoire. Largement décimé par l’émergence de la Légion d’Everblight, les nyss survivants sont en grandes parties des réfugiés dépendant de Khador et d’Ios.

Ogrun : Race de grande taille et physiquement puissante, réputée pour sa force et son honneur. La plupart des ogrun sont citoyens de Rhul, mais on les trouve dans tous les Royaumes d’Acier et également en Cryx.

Olgunbosque : Forêt située au su de l’Ord et principale source de bois d’oeuvre de cette nation.

Ord : Royaume d’Acier situé sur la côte ouest entre le Khador et le Cygnar, largement neutre dans les récentes guerres et considéré comme un havre pour les compagnies de mercenaires.

Orgoth : Redoutable race humaine ayant envahi et asservi l’Immoren occidental pendant des siècles. Les orgoth sont arrivés en grand nombre sur les rives occidentales d’Immoren et ont rapidement conquis les royaumes humains de l’époque, avant d’être chassés il y a un peu plus de quatre cents ans.

Protectorat de Menoth : Théocratie du sud-est dédiée au dieu Menoth. Considéré comme le cinquième royaume d’acier, il n’existait pas à l’époque des Traités de Corvis.

Rougemuraille : Forteresse llaelaise à la frontière khadoréenne, détruite en 604 AR.

Tir Runique : Balles spécialement conçues pour inscrire des runes, utilisées par les mages balisticiens pour canaliser leurs énergies mystiques.

Rhul : Nation naine du nord-est, bordant le Khador, le Llael et l’Ios ; les natifs sont appelés rhulfolk.

Rhulfolk : Nains de Rhul. Un peuple tenace et compétent commerçant depuis longtemps avec les nations humaines.

Îles Scharde : Groupes d’îles au sud-ouest de Cygnar, nommé d’après la plus grande des îles devenue le coeur de Cryx. La majorité des Îles Scharde font partie de l’Empire du Cauchemar tandis que celles qui sont contestées sont la proie de Cryx.

Sul : Ville du Protectorat occidental, anciennement la partie de Caspia à l’est du Fleuve Noir, cédée après la Guerre Civile Cygnaréenne.

Esprit d’Outre-Tombe : Quartier de Cinq-Doigts connu pour sa production d’alcools, une source majeure de revenus pour la ville.

Steamjack : Automate mékanique à vapeur conçu dans grande variété de configurations et de tailles, utilisé à la fois pour le travail et la guerre au sein des Royaumes d’Acier, Cryx et Rhul.

Tarna : Ville ordique méridionale sur le Fleuve de la Langue du Dragon, le site où les premiers ensorceleurs ont été découverts lors de la Rébellion contre les orgoth.

Thuria : Ancien royaume humain conquis par le Tordor des siècles avant l’arrivée des orgoth actuellement divisé entre le sud de l’Ord et le nord de Cygnar.

Thurien : Groupe culturel composé des peuples du sud de l’Ord et du nord de Cygnar partageant des ancêtres communs.

Tordor : Ancien royaume humain réputé pour sa grande flotte.

Tordoréen : Groupe culturel des peuples du nord de l’Ord, comprenant notamment la noblesse terrienne la plus puissante et la lignée royale.

Trollkin : Robuste race apparentée aux trolls pur-sang. Les trollkin vivent à la fois dans leurs propres communautés en marge de la civilisation et parmi les cités humaines.

Uldenfrost : Petite ville de trappeurs et de chasseurs situées à l’extrémité septentrionale et occidentale de Khador.

Umbrie : Ancien royaume humain centré sur ce qui est aujourd’hui le Khador oriental et anciennement le nord-ouest de Llael.

Urcaen : Mystérieux royaume cosmologique étant la contrepartie spirituelle de Caen, où résident le plupart des dieux et où la plupart des âmes passent pour expérimenter l’au-delà. Il est divisé entre les domaines divins protégés et les étendues sauvages infernales où rode le Ver Dévoreur.

Veld : Nom iosien de l’Urcaen.

Néant : Deux significations différentes : le vide entourant Urcaen d’où surgissent les maudits morts-vivants ; et où les âmes skorne sont jetées après la mort si elles ne sont pas abritées au sein de pierres sacrées. On ne sait si ces deux usages décrivent le même lieu.

Warcaster : Arcaniste né avec la capacité naturelle de contrôler les steamjack avec leur esprit Avec une formation appropriée, le warcaster devient un atout militaire singulier et parmi les plus grands soldats de l’Immoren occidental, chargé de commander des dizaines de troupes et leur propre groupe de bataille de warjack sur le terrain. Acquérir et former des warcasters est une priorité pour toute force militaire employant des warjacks.

Warlock : Arcaniste capable de se lier à des bêtes sauvages ou asservies et de les contrôler mentalement.

Warbeast : Bête sauvage liée à un warlock.

Warjack : Steamjack très perfectionné et bien armé, créé ou modifié pour la guerre.

Zu : Continent peu exploré au sud d’Immoren, engagé dans un lucratif commerce avec les immoréens pour certaines marchandises exotiques.

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Le sifflet du Sergent Crawley réveilla le camp bien avant l’aube. « On bouge, les Cerbères ! Nous avons une piste brûlante ».

« Toute la compagnie se mit en branle. Il n’y eut pas de grognements ni de bavardages comme d’habitudes lorsqu’ils levaient le camp et se rassemblèrent au sein des unités leurs ayant été assignées. Dans chaque unité, deux hommes portaient une lanterne au lieu de la ramener au chariot d’avitaillement. Harrow attendait déjà pour ouvrir la voie vers la piste qu’il avait découvert.

Les traces de l’étrange warjack suivaient les empreintes de griffes du Massacreur le long d’un chemin de broussailles piétinées et d’arbres marqués. Un peu plus d’un kilomètre dans le sud de l’Octelande, les Cerbères rencontrèrent les conséquences de cette poursuite.

Personne n’eut besoin d’une fusée éclairante de Harrow pour voir la lumière cryxienne fumante s’échappant du corps en ruine du helljack. Sa cheminée avait depuis longtemps cessé de produire de la fumée, et aucune vapeur ne s’élèverait du moteur à la nécrotite froid. Deux lames-scies luisantes dépassait du châssis arrière de l’imposant Massacreur, mais Crawley attira leur attention sur une ligne sinueuse brûlée à travers l’épais fer noir de l’avant du helljack.

« Qu’est-ce qui pourrait faire ce genre de dégâts sur Caen ? »

Sam fronça les sourcils. « J’ai déjà vu des éclairs brûler à ce point, mais pas de façon aussi régulière ».

« En voici une autre », déclara Burns. Il montra une profonde entaille juste sous l’une des articulations de l’épaule du Massacreur. « On dirait un impact, mais il y a la même brûlure profonde ».

Sam laissa tomber une main sur la poignée de son épée. « Si j’étais joueuse, je parierais que ce qui a frappé le Massacreur à cet endroit a donné un sacré choc à son cortex. Il ne semble pas que l’explosion provienne du warjack que nous avons combattu à l’entrepôt.

« Non », dit Crawley. « Cela doit venir de son marshal ».

« Ou du warcaster », rétorqua Sam. « Soyons réalistes, d’après le peu que nous avons vu, il s’agit de quelque chose qui peut voler. Vous ne pouvez-pas dire qu’il n’y a pas de magie là-dedans ».

Personne ne le contredit.

« Ce qui m’intéresse, c’est ce que nous ne voyons pas ici », reprit Lister.

Le bras », acquiesça Sam. « L’autre warjack a poursuivi celui-ci pour récupérer son bras »

Burns siffla. « C’est un sacré warjack, un dur à cuire ».

Crawley désigna Harrow, qui faisait signe depuis un endroit situé cinquante mètres plus au sud. « Il a trouvé quelque chose d’autre ».

La Liche surveillante gisait dans un enchevêtrement, brûlée et abattue par la même arme qui avait aidé à abattre le Massacreur. Deux de ses trois crânes avaient été brisés en éclats d’os. Le troisième regardait fixement le ciel gris

McBride revint en courant après sa rotation d’éclaireur : « J’ai trouvé le warjack. Un quart de kilomètre. Et il n’est pas seul ».

« Avez-vous vu son warcaster ? »

McBride secoua la tête. « Non, mais il se tient dans une sorte de structure métallique éclairée. Il y a un plus petit ‘jack qui a l’air de réparer le grand ».

« Le réparer ? » dit Crawley.

« C’est ce qu’il semble, oui, sergent ».

Sam ordonna que le plein de charbon et d’eau soient fait aux grands gaillards. « Nous laisserons le chariot d’avitaillement ici », dit-elle. « Crawley, demande aux deux autres chariots de nous suivre, en restant à une centaine de verges derrières. Je ne veux pas que notre cible les voie avant que nous soyons prêts à leur faire coucou, mais je veux qu’ils entrent en action dès que nous serons au contact ».

« Oui’s » Il désigna le siège du conducteur du chariot de Gully. « Lisse, bienvenue dans l’encadrement. Ne prends pas tes aises ».

Le grand homme se glissa entre les deux conducteurs, souriant en les serrant entre ses bras. « Ça va être amusant ».

« Éteignez les lanternes », prononça Sam. « Laissez-les dans le chariot ».

À la lumière diffuse de la lune, Sam divisa les Cerbères restants en trois unités. La première comprenait Burns, Dawson, Morris et Fraser. Ils la suivirent tandis qu’elle dirigeait Gully et Foyle dans la direction indiquée par McBride. Lister et Crawley prirent les autres.

« Je veux que vous serriez les flancs, à gaucher et à droite », dit-elle tout à tour en désignant Lister et Crawley. « La cible principale est celle que nous avons déjà vue, mais si le petit tente de s’échapper, arrêtez-le. J’envoie Foyle et Gully plein gaz. Nous savons qu’il ne sert à rien d’essayer de la faire tomber, alors je vais essayer de l’immobiliser. Prenons exemple sur les cryxiens, et éliminons ses bras ».

« Et si le contrôleur se montre ? »

Sam hocha la tête. « Dans ce cas, nous changeons d’objectif. Si nous agissons rapidement, nous aurons le warjack inopérant avant de devoir nous soucier des renforts. D’autres questions ? »

Il n’en eut pas.

« D’accord, Cerbères. Récupérons notre prime et sortons de ce maudit marais ».

Sam ouvrit la marche au milieu. À ses côtés, Gully et Foule aplatissaient les broussailles. Dans le sud, le tonnerre lointain faisait écho à leurs lourds pas. Sam freina Foyle pour permettre aux  warjacks d’avancer au même rythme que les autres, juste assez vite pour que les courber les fumées noires s’échappant derrière eux.

Alors que les Cerbères avançaient, un éclair en provenance du sud dessina la silhouette de la colline. Un autre coup de tonnerre retentit, bien plus proche que le précédent. Après avoir cligné des yeux pour éviter l’éblouissement de la foudre, les Cerbères virent ce que McBride avait repéré plus tôt.

La structure se trouvait à une trentaine de verges en contrebas de la crête d’une colline, abritée à l’est, à l’ouest et au sud par des bosquets de frênes et de chênes. La lumière de la structure éclairait les branches et les quelques feuilles restantes des arbres argentés. Deux lueurs mobiles et des rafales d’étincelles occasionnelles ajoutaient un sentiment d’industrie à ce lieu autrement solitaire.

Avec une base ne dépassant pas trois mètres de diamètre, le bâtiment reposait sur une fondation circulaire de ce qui semblait être de l’acier poli. Chaque surface était incrustée d’un métal plus sombre, dont a couleur réelle était masquée par les lumières bleu-blanche. Quatre gracieuses entretoises soutenaient un agencement de poutres bimétalliques qui, à leur tour, soutenaient une étrange coupole à quatre lobes à environs quatre mètres cinquante au-dessus du sol.

Il y avait un autre carré placé à l’intérieur du carré extérieur, décalé de quarante-cinq degrés. Des poutres descendaient des tuyaux de caoutchouc ondulé d’épaisseur variable, de la largeur d’un doigt d’homme à la circonférence de son bras. Les plus gros tuyaux s’ajustaient contre le châssis de gros warjack, le maintenant en place, tandis que les plus petits tubes partant des colonnes de soutien de la structure se connectaient à des ports situés dans l’abdomen du warjack. Les lentilles de verre les plus proches des ports brillaient d’énergie, bourdonnant alors qu’elles semblaient recharger la machine de guerre.

Il ne faisait aucun doute qu’il s’agissait du même warjack que les Cerbères avaient combattu à l’entrepôt d’avitaillement ordique. Les blessures étaient identiques, y compris le bras tranché, maintenant suspendu à des câbles à côté du trou béant de son épaule.

Un autre automate mékanique avança prudemment à travers les colonnes et les tuyaux de ma station et autour du gros warjack. Il se déplaçait sur trois pattes au lieu de quatre, son économie de mouvements ressemblaient plus à un mécanisme qu’à une machine de guerre, chacun de ses membres trouvant soigneusement sa place avant que l’un des autres ne bouge.

Les trois jambes de l’automate convergeaient vers une base en acier. Sous celle-ci pendant l’extrémité inférieure d’une bobine rayonnait d’une énergie blanche-bleue. Sous le socle reposait deux engrenages rotatifs en laiton supportant un cylindre trapu. Insérée dans des plaques de chrome et des lentilles bleues cette section abdominale supportait encore un rotor en laiton. Le tout était surmonté d’une « tête » d’où dépassaient une scie radiale fixe, une petite griffe en acier et le sommet de la bobine de verre formant l’axe de l’automate.

L’automate à trois jambes étendit sa scie pour découper un coin déchiqueté du châssis à l’épaule du warjack lourd. Alors que des étincelles jaillissaient du métal, deux globes de la taille d’un heaume descendit du plafond de la structure.

Elles ressemblaient à de simples sphères chromées flottantes, chacune dotée d’une lentille « oculaire » supérieure et de deux lentilles inférieures et d’une pince attachée par un simple bras à engrenage et piston. Tenant compte d’un ordre invisible, elles saisirent le métal déchiré et le maintinrent fermement pendant que l’automate de réparation cisaillait le métal endommagé.

« McBride n’a remarqué qu’une des petites tout à l’heure », dit Sam. « Descendons-les avant qu’il n’y en ait d’autres ».

Dégainant son épée paralysante, Sam regarda à gauche et à droite. L’obscurité masquait les mouvements de ses unités de flanc, mais elle hocha la tête comme si elle les avait vus – ou comme si elle leur faisait simplement confiance pour être là ou elle les avait dirigés.

« Allez, mes grands gaillards », prononça-t-elle à ses warjacks : « Tout droit au milieu, double cadence ».

Elle courut avec eux. Juste au moment où Foyle approchait sa pleine vitesse, le plus grand automate de réparation sortit de la station de recharge et tourna sa « tête » inhumaine dans leur direction. L’une des sphères flottantes le suivit, serrant sa pince dans un geste nerveux.

« Ils nous ont repérés », déclara Sam. « Chargez! »

Foyle décupla sa vitesse, levant sa lance paralysante haut alors qu’il suivait la pointe de l’épée de Sam en direction de l’automate réparant le warjack. Sam resta plus proche de Gully, qui leva son espadon au-dessus de sa tête et suivit son homologue plus petit.

L’une des sphères flottantes émit un cri d’alerte aigu, et s’agrippa à un pilier proche en simulant la peur humaine. L’autre se mit immédiatement à fuir vers l’est, en émettant des sifflements et des vrombissements d’alarme.

Tenant toujours son épée d’une main, Sam dégaina son long pistolet et visa tout en continuant d’avancer. Elle tira. Des étincelles et du verre brisée jaillirent du serviteur en fuite, faisant taire son alarme et le projetant au sol.

Se fut le seul signal dont l’unité de Crawley avait besoin. Se précipitant hors de la couverture des aulnes, l’unité de Crawley tomba sur le plus grand automate de réparation. Elle vrombit et poussa des cris d’alarme, ressemblant plus à un ‘jack sous l’assaut de soldats professionnels qu’à un orgue pris d’assaut par un enfant curieux. Sa scie fixe s’avança, mais Crawley l’écrasa avec sa pioche, Swire écrasa la bobine saillante alors que l’énergie qui s’en dégageait formait un arc de soudage. Les autres tombèrent sur les jambes de l’automate, brisant les rouages en laiton et écartant les jambes de la base.

Derrière son compagnon abattu, le warjack lourd s’agitait dans son berceau de recharge. À un signal silencieux, les supports cylindriques se retirèrent. Un gémissement de colère du bras-scie s’amplifia tandis qu’il se retournait pour faire face à ses attaquants.

Cette fois, il était trop tard. La lance paralysante de Foyle s’enfonça profondément dans le plastron argenté du warjack. Des éclairs crépitèrent le long de la lance, et le warjack frappé frissonna dans une danse d’électricité. « Gully, brise le bras ! » Sam pointa son épée.

Le grand warjack bondit de tout son poids. Son espadon cisailla les engrenages mécaniques entraînant l’axe de scie dans l’unité d’épaule. Avec un pathétique gémissement de décélération, la fureur montant du lance scie se dissipa.

L’unité de Lister avait déjà intercepté la seconde petite sphère, qui s’était enfuie dans la direction opposée. Avec de féroces mais précis coups, les Cerbères l’abattirent avec leurs pioches. La pointe de la hache de Craig attrapa le « coude » de la sphère et la cloua au sol. Bowie acheva le travail en empalant son châssis sphérique. Avec un pitoyable gémissement, l’automate émit ses dernières protestations.

De retour au berceau de recharge, sur l’ordre de Sam, Foyle retira sa lance et planta à nouveau. Cette fois, la lance creusa un profond sillon dans le châssis chromé du warjack, mais la pointe ne pénétra pas assez profondément pour paralyser la machine. Pourtant, alors que le warjack blessé levait son bras partiellement reconnecté pour frapper, Gully le trancha d’un unique coup.

Même sans bras, le warjack lourd luttait contre les grands gaillards. « Abattez-le ! » leur dit Sam. Ils frappèrent l’ennemi avec leurs boucliers. Sans bras, il n pouvait rien faire de plus que de se tordre et vrombir d’un désespoir impuissant.

« Attendez ! » appela Sam. Lorsque les machines de guerre firent une pause, elle plongea son épée paralysante dans l’abdomen du warjack ennemi. Telle une version plus petite que la lance de Foyle, son épée crépita d’un époustouflant éclair. Le warjack démembré frissonna, ses jambes  s’agitant en involontaire danse. Comme par sympathie, la foudre explosa juste au-dessus de la colline, le tonnerre éclatant en même temps que l’éclair. « Très bien, Cerbères, abattez-le ! »

Les trois unités convergèrent vers la warjack tandis que Sam ordonnait aux grands gaillards : « Dehors ! »

Une qu’ils se furent rapprochés avec leurs pioches, les Cerbères surent instinctivement où frapper, brisant les engrenages exposés et bosselant les groupes motopropulseurs au point de les rendre inutilisables. Ils continuèrent jusqu’à ce que les lentilles bleues du warjack clignotent et que Sam s’écrie : « Ça suffit. Maintenant, tenez-le bien ».

« Tu es sûr, Sam ? » demanda Lister.

« Je sais ce que je fais. Ne bougez pas ».

Tandis que les Cerbères coinçaient les membres restants du warjack, Sam plongea sa lame profondément dans le châssis. Sur son signe de tête, Lister s’approcha et retira le métal à l’aide de sa pioche. Après avoir jeté un coup d’oeil à l’intérieur, Sam poignarda à nouveau, élargissant la blessure. Elle recommença trois fois, jusqu’à ce que Lister écarte le métal pour révéler le cortex bleu brillant.

En quelques coups de lame supplémentaires, Sam coupa les connexions. Les dernières lueurs du warjack s’éteignirent, et ses membres s’affaissèrent dans un vrombissement pitoyable. Elle sortit son trophée.

« Voilà qui devrait donner au Vieux de quoi étudier. Chargez le reste de cette chose sur le chariot, ainsi que les autres ».

Il fallut quelques minutes à Lisse et aux conducteurs pour arriver, tant l’assaut avait été rapide. Une fois le chariot tourné, Sam ordonna à Gully et Foyle de faire basculer le corps du warjack ennemi dans le chariot et de le pousser sur plancher renforcer de fer. L’unité de Lister porta le bras tranché de la machine et le souleva par-dessus le côté du chariot pour qu’il rejoigne le corps.

« Ce n’est pas aussi lourd que ça en a l’air », remarqua Lister.

« Il est quand même sacrément lourd, si tu veux mon avis », grogna Burns. « Monsieur ! »

Une fois le gros du travail effectué, Lister et Burns retournèrent chercher les sphères abattues. Sam fit signe à Harrow et, ensemble, ils grimpèrent la colline pour jeter un coup d’oeil au-delà. Quelque part, la ville cygnaréenne de Calbeck se trouvait de l’autre côté du fleuve.

Les restes des Cerbères sécurisa le warjack lourd pour le transport et ajouta les plus petits automates au chargement. Au total, la cargaison était plus lourde que ce que le chariot avait l’habitude de transporter, mais Crawley approuva le travail à contrecœur.

Alors qu’ils achevaient, Lister gravit la colline pour rejoindre Sam et Harrow, mais ils revenaient déjà en courant. « On bouge ! » dit Sam. « On bouge vite ! »

Lister rejoignit Sam et Harrow. « Qu’est-ce qu’il y a ? »

« Warcaster », répondit Sam. « Cette fois, elle a amené des amis.

Les conducteurs des chariots claquèrent les rênes. Lisse se laissa tomber dans le chariot, se retournant pour s’asseoir le dos contre le siège. Il tenait son gros flingue prêt à l’emploi tandis que le reste des chiens courait à côté du chariot qui accélérait.

Ils tournaient la tête à chaque nouvel rayon de l’aube naissante, apercevant parfois leurs poursuivants. Depuis le chariot, Lisse pointa le doigt vers le haut et prononça : « Que Morrow nous préserve ! »

Sept silhouettes ailées s’élevaient au-dessus de la crête de la colline et descendaient vers les Cerbères se retirant.

Celles qui se trouvaient sur les deux flancs semblaient parfaitement identiques : dans l’éclat furtif de l’orage, leurs corps brillaient de chrome et de laiton. Leurs silhouettes toutes en courbes étaient indéniablement féminines, mais elles mesuraient plus de deux mètres de haut et étaient entièrement métalliques, de leurs visages immobiles aux bords acérés de leurs ailes en laiton. Chacune tenait dans une main de tranchantes lames d’acier. Dans l’autre, un lourd gantelet laissait entrevoir un pouvoir inédit.

Leur chef différait dans chaque détail. Ses ailes étaient trois fois plus larges que celles de ses subordonnées, chaque plume étant reliée à son propre système motorisé. Les élégantes lignes de son armure étaient à la fois plus épurées et plus élaborées que les autres, des ailes impériales de sa coiffe jusqu’aux hauts talons de ses bottes étincelantes. Elle tenait un massif bâton, lui-même doté d’un mécanisme se hérissant de la même énergie bleu-blanche que celles que les Cerbères avaient vue à la station de recharge. Pourtant, malgré tous ces traits distinctifs, ce qui distinguait la cheffe de ses serviteurs était l’expressif visage humain sous le casque, la chair humaine exposée au niveau de ses épaules et l’expression de colère humaine dans ses yeux.

« C’était un ange ! » cria Dawson à Lisse.

« Nous avons ce pour quoi nous sommes venus », hurla Sam. « Il est temps de partir. Allez, allez, allez ! »

Les chevaux furent rattrapés par la panique des humains, hennissant alors qu’ils tiraient la lourde cargaison sur le terrain accidenté. Chaque fois que les roues heurtaient une ornière, Lisse rebondissait d’un côté à l’autre. Le warjack sans bras commença à glisser vers lui. Avec sa bonne jambe, il se poussa dans le coin chariot et se prépara au pire.

Un autre éclair illumina les cieux. Plutôt qu’un coup de tonnerre, un cri lancinant accompagna l’éclat blanc-bleu. Le rayon jaillit du bâton de la warcaster. Là où il toucha l’imposant châssis de Gully, le rayon laissa une ligne chauffée à blanc. Des flammes s’élevèrent là où l’intense chaleur touchait l’huile ou des débris sur la peau métallique du warjack. La blessure passa du blanc au rouge tandis que Gully poursuivait sa route, se laissant distancer par Foyle qui s’approchait du chariot pour lui disputer la tête.

Un éclair bleu-blanc frappa le sol à côté du chariot, recouvrant ses passagers de gazon mouillé et de détritus tout en faisant tomber Burns et McBride au sol. Burns fut le premier à se relever. Il saisit McBride par la ceinture et le remis sur ses pieds. « Cesse de lambiner ! »

Une autre explosion se produisit. Dawson se retourna pour en voir la source. Les éclairs d’énergie jaillissaient des gantelets des anges mécaniques, l’un après l’autre. Ils tombèrent tout autour des Cerbères battant en retraite, les renversant et projetant le chariot d’un côté à l’autre.

Les autres répondirent à l’appel de Sam alors qu’ils s’approchaient de l’endroit où ils avaient laissé les deux autres chariots. Dans la confusion de la tempête, de la pénombre de l’aube et du chaos de la retraite soudaine, les conducteurs et les mékaniciens s’efforçaient de faire demi-tour avant que leurs soldats n’arrivent.

Dawson regarda sur le côté pour voir Morris courir à côté de lui, puis regarda en arrière juste au moment où un autre ange lançait un éclair d’énergie. La terre explosa entre eux, les couvrant tous les deux de fragments enflammés. Ils se regardèrent, incrédules et soulagés d’avoir survécu. Ils continuèrent à courir, frappant les débris brûlant sur leur peau.

Un autre rayon provenant du bâton de la warcaster attrapa Gully en fuite. Cette fois, le faisceau déchira son blindage, faisant exploser ses réservoirs en laiton et étain dans l’avarie, ainsi qu’une longue langue de flamme et de fumée noire. La machine de guerre réussit encore quelque pas avant de s’écraser dans un tas de vapeur, de feu et de fumée.

L’épée de l’ange trancha Morris en deux, des côtes à l’omoplate. Du sang chaud aspergea Dawson au visage tandis que Morris luttait pour respirer, son poumon ouvert béant à travers sa cage thoracique scindée. Il prononça un mot, mais n’en sortit que du sang. Dawson n’eut pas besoin de l’entendre. Il le reconnut à la forme des lèvres de Morris : « Isla ».

« Dawson, sors de là ! » hurla Burns.

Un autre trio d’anges descendait. Elles abattirent leurs épées à l’unisson. Telles les lames d’une charrue, ils se penchèrent pour tracer des sillons.

Une fois de plus, Dawson se jeta à terre. Il se releva plus léger et se retourna un instant, telle un chien courant après sa queue, pour voir ce qu’on lui avait arraché. Ce n’était que son paquetage.

Au-dessus de lui, un autre projectile explosa. Il leva les yeux pour voir le panache crémeux du tir de Burns se détachant des ailes d’un autre ange mécanique. Que ce soit par instinct ou par dessein, leurs ailes se repliaient pour les protéger de chaque projectile approchant.

« Ce n’est pas bon », cria Dawson, « les ailes sont des boucliers ! » Il essaya de courir, se rendit compte qu’il s’était égaré et se retourna, cherchant un signe de sa compagnie. Il se concentra sur le bruit sourd du chariot et courut vers lui.

« Te voilà ! » Burns l’attrapa par le bras et l’entraîna. « Je pensais qu’ils t’avaient eu ».

« Ils ont tué Morris », cria Dawson. « Les anges emploient leurs ailes comme boucliers ».

« OK. Dis-le à Sam. Cours ! »

Ils n’eurent pas beaucoup à courir. Sam était occupé à transformer en avantage l’encombrement des trois chariots qui convergeaient vers le même espace. « Formé un cercle ! Foyle, va à l’arrière. Écrase-les s’ils s’approchent ».

Lister et Crawley répétèrent ses ordres, chacun à sa manière. Tandis que les anges mécaniques et leur maîtresse tournaient au-dessus, les hommes se recroquevillèrent derrière un abri.

« Capitaine », dit Dawson, à moitié essoufflé. « Les anges mécaniques, ils utilisent leurs ailes pour se protéger des tirs ».

Sam secoua la tête, comme si elle ne pouvait pas croire la nouvelle.

« Si c’est vrai, Sam », dit Lister, arrivant par-derrière, « alors notre seul espoir pourrait être de couper et de courir ».

Ils se jetèrent au sol alors que les anges mécaniques déclenchaient une autre volée d’explosions d’énergie. Quelques secondes plus tard, les pilotes plongèrent vers les Cerbères, tranchant avec leurs lames acérées. Un trio d’anges balaya Foyle, qui porta un coup avec sa lance paralysante qui semblait lente comparée à la légèreté des anges. Un autre trio tomba sur deux conducteurs, dont les cadavres éviscérés chutèrent au sol.

Dawson se releva. « Lieutenant, nous avons déjà tant perdu. Gully n’est plus. Morris est mort. Nous ne pouvons pas simplement nous enfuir maintenant. Ils vont nous abattre !

« Ressaisis-toi, soldat ».

« Et le chef ? » demanda Sam. « Est-ce que ses ailes la protègent aussi ? »

« Je ne- » débuta Dawson. « Je parie que non. Ses ailes sont beaucoup plus grandes que les autres. Elle vole différemment aussi. Je ne vois pas comment elle pourrait les déplacer à temps ».

Sam réfléchit à son opinion.

« En plus », ajouta Dawson. « Elle n’est pas comme les autres. Sous cette armure, elle est de chair et de sang. Si nous la blessons, elle pourrait se retirer ».

Sam fit un calcul silencieux et hocha la tête. « D’accord, Dawson. Je vais couvrir ce pari ». Avec un coup d’oeil vers le haut, elle baissa la voix. « Faites passer le message à tous les hommes. La prochaine fois qu’ils s’approchent, la première, la première salve est pour tous ces grands anges. Rechargez rapidement. Si nous parvenons à l’attirer, nous pourrons alors concentrer tous les tirs sur leur chef ».

« Lister, Crawley et Dawson se passèrent le mot à voix basse. Les soldats préparèrent leurs gros flingues, tandis que les conducteurs et les mékaniciens dégainèrent les pistolets qu’ils portaient sur eux en cas d’urgence ou de cheval boiteux. « Deuxième salve, tous sur le chef », rappela Dawson à l’un des conducteurs.

Le tonnerre se fit entendre, mais pas en provenance du sud. Cette fois, le grondement venait de l’est, et il fut suivi par éclair.

« Oh, merde ! » s’écria Burns. « Ils nous ont encerclés ».

Sam pencha la tête, écoutant. Levant les yeux pou s’assurer qu’aucun ange n’était prêt à lui tomber dessus, elle saut sur le chariot d’avitaillement, et se tint droite, scrutant l’ouest à la recherche d’un signe de ce qui approchait.

Le bruit du tonnerre se transforma en grondement de sabots de chevaux. Une demi-douzaine d’hommes montés se dirigeaient vers les chariots des Cerbères. Devant eux se trouvaient une bannière cygnaréenne.

« Sam, descends ! » hurla Crawley.

Sans s’arrêter de regarder, Sam se pencha en avant, tombant du chariot et s’écrasant sur le sol. Un trio d’anges mécaniques passa devant l’espace qu’elle venait d’occuper, leurs épées tranchant des morceaux des panneaux du chariot.

Leur chef plongea l’instant d’après, son bâton rayonnant frappant le siège du conducteur avant de se retirer ?

Sam secoua la tête « On dirait qu’elle et moi avons eu la même idée.

« Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » demanda Crawley.

« Même plan, mais cette fois on sait qu’elle arrive. Tous tirent sur le chef ».

« Comment peux-tu être sûr qu’elle reviendra ? »

« Je vais lui donner une raison ».

Sam remonta sur le chariot, se redressa et braqua son canon à main. Alors que Crawley et Lister lui beuglaient de sauter, elle attendit que les anges descendent. Elle pointa son canon sur le trio, s’abaissant à demi accroupie, stabilisant la crosse de son pistolet avec sa main gauche. Alors qu’elles arrivaient à portée, Sam plia les genoux et bondit en arrière, se tournant pour faire face à la direction opposée.

La warcaster se dirigea directement vers Sam, son bâton débordant déjà d’énergie. Sam tira alors qu’elle retombait à l’abri entre les chariots.

Le grondement des gros flingues assourdit les Cerbères. Les projectiles ricochèrent à quelques pas du warcaster, déviées par une invisible énergie protégeant son corps. Malgré la défense, ses ailes se replièrent sous l’impact, son corps armuré s’écartant de la trajectoire prévue.

À proximité, les anges mécaniques poussèrent des cris métalliques à la vue de leur chef tombant du ciel. Ils plongèrent vers elle.

Avant qu’ils n’arrivent, la warcaster ailée se redressa d’un bond pour se percher – comme Sam l’avait fait l’instant d’avant – sur le bord du chariot d’avitaillement. Elle secoua ses ailes repliées comme une cape et regarda Sam avec des yeux bleus glacés. Puis, d’un air surpris, elle se toucha la joue et regarda le sang sur ses doigts.

Sam fixa son adversaire, tandis qu’autour d’elle, les Cerbères rechargeaient leurs gros flingues et leurs pistolets.

La warcaster leva les yeux au ciel lorsque la cavalerie cygnaréenne arriva. À leur tête se trouvait un homme aux cheveux blancs vêtu d’une armure bleue et or. Il maniait lui aussi un bâton, mais au lieu de l’étrange éclat de l’ange, le sien crépitait d’éclairs.

La warcaster ailée sauta du chariot, prenant son envol alors même que les Cerbères visaient. Avant que quiconque puisse mirer, les anges mécaniques s’approchèrent pour la protéger de leurs ailes. Ensemble, ils s’envolèrent vers le sud, dépassant la colline solitaire et s’enfoncèrent dans l’obscurité de la tempête.

L’un après l’autre, les Cerbères se levèrent pour examiner leur environnement.

« Occupez-vous de ces feux », grogna Crawley, attrapant un seau de sable et ouvrant la voie vers le coin enflammé du chariot d’avitaillement.

Sans un mot, Dawson partit dans la direction opposée. Lisse se redressa sur sa béquille et commença à le suivre, mais Harrow secoua la tête. Ensemble, ils regardèrent Dawson s’agenouiller près du corps de Morris. Ils virent qu’il parlait au mort, mais ne purent entendre les paroles. Lorsque Dawson eut terminé, il retira trois médaillons du cou de Morris et les plaça autour du sien.

Les cavaliers prirent des positions offensives autour du triangle de chariots, mais leur chef descendit de cheval et se dirigea directement vers Sam. Sans préambule, il dit : « J’ai reçu votre message ».

« Nos efforts nous permettent de vous montrer plus que depuis je l’ai envoyé », déclara Sam.

« Bon timing, Vieux », déclara Burns. « Vous êtes arrivé juste à temps pour nous voir terminer le travail sans aucune aide ».

Les sourcils blancs de l’homme se levèrent, mais au lieu de répondre à Burns, il se tourna vers Sam. « Est-ce celui qui a acheté la moitié d’un cheval qui parle ? »

D’une main, Sam étouffa un rire. « Caporal ‘Pare-balles’Burns, Général Artificier Nem o ».

Nemo regarda le trou de balle dans le casque de Burns. « Un trou dans le crâne et il est de retour sur le terrain ? C’est merveilleux ce qu’ils peuvent faire avec des blessures à la tête de nos jours ».

« Il ne faut jamais sous-estimer la détermination d’un Cerbère ». Sam ne jugea pas nécessaire de préciser comment Burns avait mérité le trou de balle. « Venez voir ce que leur sacrifice vous a apporté. Vos récompenses sont un peu plus abîmées, mais nous les avons ».

Le capitaine conduisit Nemo au chariot et lui montra le warjack démembré et les automates qui l’accompagnaient. Nemo souleva le serviteur sphérique et regarda dans sa lentille morte. Il passa un doigt dans l’orifice du projectile l’ayant fait chuter et lança un regard triste à Burns.

« Bravo, Sam. Je serai plus qu’heureux de signer ce bonus dont nous avons discuté ».

« Ne parlez pas trop vite », dit-elle. « J’ai autre chose à vous montrer ».

Elle le conduisit jusqu’au sommet de la colline, juste au moment où l’aube perçait les nuages gris. Sam fit signe à Nemo de la rejoindre au bord d’une proéminence surplombant le fleuve. Là, ils contemplèrent la Langue du Dragon. Là, ils observèrent de l’autre côté de la Langue du Dragon, le spectacle qui l’avait tellement effrayée alors qu’ils se préparaient à déplacer les chariots.

Au loin, ils aperçurent une ville riveraine grouillante d’activité dans le halo bleu-blanc. Sam regarda Nemo alors qu’il examinait la scène qu’elle avait déjà vue.

Les formes mécaniques étaient partout, mais sans l’échappement de vapeur révélateur caractéristique produit par un travail mékanique. L’étrange lumière émanant de leurs casques, et de diverses autres ouvertures, révélait leur nature inhumaine.

Celles qui gardaient les rues extérieures de la ville portaient de lourdes masses et des boucliers, illuminés de la même manière par les étranges énergies communes aux warjacks et aux « anges » que les Cerbères avaient vaincus. Les boucliers étaient particulièrement curieux, leur conception en croissant suggérant un but inconnu. Derrière ces défenseurs se tenaient des rangs de hallebardiers, leurs silhouettes n’étaient pas moins féminines en raison de leur édification en acier.

D’autre formes mécaniques – des hommes cette fois – patrouillaient dans les zones intérieures de la ville de Calbeck. Elles ne portaient pas d’armes distinctes, mais marchaient le poing levé, l’un renforcé d’une lourde lame perforante, l’autre hérissé de canons. Aux intersections des rues les plus grandes, des plus petits warjacks à trois jambes et de plus grands à quatre jambes montaient la garde.

Un nouveau bâtiment s’élevait au-dessus de tout cela, étendant es quatre vastes jambes arquées pour toucher les quatre coins de la ville. Bien plus grande que la station de recharge, c’était une tour de laiton, d’acier et de verre, imprégnée de l’étrange lumière bleu-blanc alimentant toutes leurs machines. Quatre pétales s’ouvraient autour d’un énorme orbe gris au sommet de la structure. Les élégantes lignes de la tour exprimaient autant l’art que l’efficacité, pointant vers le ciel telle la cathédrale d’un dieu extraterrestre.

Sous les yeux de Sebastian Nemo, la warcaster volante et ses anges mécaniques virent se poser au sommet de la tour inachevée. La warcaster se tourna pour regarder en arrière vers la rive ordique. Ses yeux se tournèrent directement vers la colline sur laquelle Sam et Nemo se tenaient.

Le Général Artificier baissa sa longue-vue. « Qu’est-ce que tu m’as apporté, Sam ? »

« Certains garçons s’inquiétaient que tu nous aies envoyés à la chasse au gobber ».

Nemo lui jeta un regard dur, mais son expression s’adoucit. « Je ne pensais pas que vous m’apporteriez un dragon ! Mais vous, Capitaine Samantha MacHorne, vous m’avez amenée directement dans l’antre du dragon ».

« En gardant cela à l’esprit, et compte tenu des difficultés que nous avons rencontrées, je manquerais à mon devoir envers les garçons, et les hommes, si je ne suggérais pas qu’un bonus supplémentaire soit de mise ».

Jetant un coup d’oeil de l’autre côté du fleuve, en direction de Calbeck occupée, Nemo hocha lentement la tête. « Je vais réviser votre lettre de crédit en conséquence ».

« Vous voulez qu’on vous escorte quelque part ? »

« Non », répondit Nemo. « J’enverrai un messager pour amener le reste de mes forces ici. Je ne sais pas ce que ce nouvel ennemi de l’autre côté du fleuve à l’intention de faire là-bas, mais tu peux parier que je vais le découvrir ».

* * *

Dawson compta les pièces avant de signer deux copies du reçu. L’employé de la banque les contresigna tous les deux et en remit un à Dawson, ainsi qu’une bourse en peau de veau. « Avec la courtoisie de l’établissement, Soldat Dawson. C’est toujours un plaisir de faire affaire avec les Cerbères ».

« Au moins quand nous avons les poches pleines grâce à un nouveau contrat, n’est-ce pas ? »

« Je vous assure, monsieur- »

Dawson lui fit un clin d’oeil. « Je plaisante. Quand commencera-t-elle à recevoir l’argent ? »

« Le prochain coursier arrivera à Carre Dova dans deux jours. La jeune Isla devrait recevoir la paiement le lendemain ».

« Et le médaillon ? »

« Oui, soldat, et le médaillon. Le récépissé de livraison devrait nous parvenir dans une semaine environ ». L’employé hocha la tête, impatient de s’attirer les faveurs d’un nouveau client. Dawson s’éloigna, souriant en secouant la tête.

En quittant la banque, il aperçut une trollkin familière vendant des poulets rôtis au bout d’un bâton qu’elle tenait en bandoulière. Dawson lui fit signe de s’approcher et leva un doigt. Lorsqu’il vit un cul-de-jatte se frayer un chemin sur la promenade en s’agrippant à une paire de blocs, il modifia sa commande par deux, et remit le second au mendiant.

Le mendiant lui dit ; « Je vous connais ? »

Dawson haussa les épaules et déposa une poignée de pièces dans la poche de l’homme. « Achète-toi quelque chose à boire ».

Alors que Dawson s’éloignait, le mendiant l’interpella. « J’aime ta nouvelle veste, Cerbère », dit-il. « Je me souviens de toi maintenant ».

Dawson arracha un pilon et lui fit un signe au revoir avec.

En tournant le coin de la rue, il faillit entrer en collision avec Bowie, qui arrivait de la rue transversale. « Te voilà, Dawson !  Sam veut que tous les garçons reviennent à l’entrepôt pour le premier briefing ».

« Oh, allez », se plaignit Dawson. « J’aimerais qu’elle choisisse quelqu’un d’autre pour aller chercher les garçons cette fois-ci. Je viens juste d’acheter mon dîner ».

« Elle ne t’envoie pas », déclara Bowie en le dépassant pour se diriger vers le Marché de la Rouille. « C’est moi qu’elle envoie ».


28
PARTIE TROIS

Les Cerbères trouvèrent les corps des hommes disparus non loin des ruines fumantes du dépôt d’avitaillement ordique. Les hommes n’étaient pas tombés près des flammes, mais leurs corps gisaient brûlés et tordus de l’autre bout de la structure.

Contre toute attente, Lisse insista pour rester debout à l’aide d’une béquille que Harrow avait tallée dans une branche de frêne. Les autres Cerbères surveillaient l’épais bandage enroulé autour du haut du mollet de Lisse. Le Sergent Crawley avait donné l’ordre général que dès que quelqu’un verrait du sang couler, Lisse serait ramené au chariot, quel que soit le nombre d’hommes nécessaires pour le faire.

Lisse éleva la voix par-dessus le clapotis de la pluie. « Ils ont dû tomber sur la liche de fer pendant que nous nous battions à l’intérieur de l’entrepôt ».

« Il n’y a pas pire façon de faire », déclara Burns.

Même pas brûler ? » demanda Dawson. Lui et Burns cousirent l’un des morts dans un sac de toile, tandis que Swire et McBride firent de même pour l’autre.

Burns hocha la tête, son visage inhabituellement sobre. « La brûlure est horrible, mais ce qu’est que de la douleur. Tu meurs, c’est fini. Ces cryxiens, leurs liches de fer et certains des autres monstres ne font pas que vous tuer. Ils extraient votre âme et l’utilisent pour nourrir leurs malfaisantes machines ».

Dawson n’ajouta rien.

Une fois les sacs scellés, Lister murmura une prière pour les corps. Morris et environ la moitié des autres hommes passèrent la main sous leur plastron pour toucher leur médaillon d’ascendant et ajouter leurs propres invocations silencieuses à la cérémonie improvisée.

Lorsque Lister eut terminé, Sam retira ses lunettes et s’avança. « Nous prendrons bien soin de Bates et Hughes jusqu’à ce que nous puissions les ramener chez eux », déclara-t-elle. « Il y a plus à dire sur chacun d’eux, mais pour l’instant nous avons un travail à achever. Quand nous aurons fini, nous boirons à leurs souvenirs, et je raconterai la fois où un gobber a vendu à Hughes une demi-part dans un cheval qui parle ».

Quelques-uns des hommes sourirent à la mention de l’incident par le capitaine. Burns s’essuya les yeux d’un revers de la main. « Il était tellement crédule ».

« Tu veux que je te rappelle qui a acheté l’autre moitié ? » demanda Sam.

« Je ne vois pas ce que tu veux dire, capitaine ». Burns feignit l’innocence.

Quelques-uns des hommes forcèrent un rire, mais l’hilarité n’atteignit jamais leurs yeux.

« Une fois que la pluie se sera suffisamment calmée pour le suivre, nous retrouverons ce warjack. Et cette fois, nous allons le faire tomber, peu importe à quel point ses jambes sont glissantes. Nous le livrerons au Vieux, et nous toucherons la prime, non seulement pour nous, mais aussi pour Robinson, Bates, Hughes, et pour leurs familles ».

« Bien dit, bien dit », déclara Crawley. Ses yeux étaient rougis par la fumée, mais il ne les frotta pas. Au lieu de cela, il polit les lentilles de ses lunettes et les remis en place. « Maintenant, j’ai besoin de voir nos grands gaillards ».

Les Cerbères ramenèrent les morts jusqu’au chariot, où ils déposèrent les sacs à côté de celui contenant les restes de Robinson. Alors que les autres les regardaient partir, Sam rappela Crowborough : « J’ai besoin que tu transmettes un message ».

« Oui capitaine. Où ? »

« Eh bien, c’est la partie délicate. Donne-moi ta carte ». Lorsqu’il le fit, Sam encercla trois points de l’autre côté du Fleuve de la Langue du Dragon. Elle remit à Crowborough une lettre pliée. « Uniquement pour le Vieux. Tu le trouveras dans l’une de ces zones. Commence par la plus proche en premier.

Lister remit une bourse à Crowborough. « Prends le coursier. Traverse au Bac de Callbeck s’il est en activité. Sinon tu devras passer à gué à Oxbridge.

« Oui, monsieur », répondit Crowborough, saluant tour à tour. « Oui’s ».

Il courut vers le chariot d’avitaillement, n’accordant qu’un instant pour saluer les soldats tombés au combat, avant de réquisitionner un manteau de pluie à capuchon et le plus rapide des chevaux de salle. En quelques minutes, il s’éloigna des flammes mourantes du dépôt de ravitaillement.

Le Sergent Crawley fit grimper les mékaniciens sur les deux warjacks, leurs efforts étant entravés par la pluie battante. Une fois qu’il peut assurer à Sam qu’ils étaient en état de marche, le capitaine mena les Cerbères vers le sud, la direction dans laquelle ils avaient vu pour la dernière fois le helljack Cryx et l’étrange warjack chromé s’enfuir.

« Tu penses que le lance-scie veut récupérer son bras ? » demanda Lister à Sam. Ils marchaient côte à côte avec Crawley devant les chariots. Burns, Morris, Dawson et Lisse les protégeaient, leurs gros flingues rechargés et prêts à l’action.

« C’est ce qu’il semble », dit Sam. « Tout comme il semble que la liche voulait se procurer un morceau de ce warjack. Si le Cryx apprend ses secrets avant que le Vieux n’ait une chance de les découvrir… » Elle laissa sa phrase en suspens.

« Je n’ai jamais vu un warjack comme celui-là », reprit Burns. « Ce ne sont certainement pas des cygnes ou des rouges. Pas les fanatiques non plus. Serait-ce les elfes ? »

« Il est assez bizarre pour les iosiens », déclara Lister.

« Non, la façon dont il se mouvait, ça ne ressemble pas du tout à de la magie elfique », déclara Crawley. « C’est beaucoup plus mékanique. C’est quelque chose de complètement nouveau. As-tu vu sa cheminée ? »

« Non », dit Sam.

« Moi non plus. Cette chose fonctionne avec une forme d’énergie complètement différente ».

« Tu es sûr que ce n’est juste pas une nouvelle mékanique ? »

Non, je ne suis pas sûr », déclara Crawley. « Cela ne semble pas magique. Pas seulement mékanique. C’est quelque chose de nouveau ».

« Je commence à comprendre pourquoi le Vieux est si intéressé par cette chose », ajouta Sam.

La pluie fluctuait. Au plus fort, elle fumait contre les cheminées brûlantes de Foyle et Gully. Lorsqu’elle n’était qu’une bruine, elle semblait s’évaporer avant même toucher le fer chaud.

Un tonnerre lointain annonçait une pluie plus féroce à venir, mais Sam garda les chiens en mouvement tout au long de sa soirée. Elle passa d’unité en unité, félicitant les hommes pour le courage dont ils avaient fait preuve, leur demandant comment ils voulaient dépenser leurs primes à leur retour à Tarna. Elle menaça certain d’entre eux d’une partie de cartes, un stratagème suscitant un sourire ou un refus ferme, même chez les hommes les plus traumatisés. Lorsque le crépuscule et la pluie rendirent toute poursuite inutile, elle fit halte.

Crawley ordonna à l’unité de Dawson d’ériger un abri en bâche sur les warjacks. Aussi imparfait soit-il, il empêchait la pluie de tomber sur la tête des mékaniciens pendant qu’ils martelaient les bosses que l’étrange warjack pilonné sur le corps de fer de Foyle.

Lorsqu’ils achevèrent, les hommes se tirent sous l’abri pendant un moment, profitant du refuge contre la pluie.

« Ce que je veux savoir, c’est ce que le capitaine a vu sur le toit », dit Crawley. « Qui contrôlait ce warjack ? Nous étions du mauvais côté de ce combat. Qu’as-tu vu Morris ? »

« Juste une ombre », répondit-il. « Nous étions trop occupés à essayer de faire basculer ce warjack. Peu importe le nombre de filet qu’on lui lançait, ce satané engin ne voulait pas tomber ».

« Nous n’avons pas eu plus de chance avec les gros flingues », déclara Dawson. « Mais au moins, il sait qu’il s’est battu ».

« On a joué de malchance en n’ayant pas les grands gaillards avec nous », dit Burns. « Sam a envoyé Gully partout », reprit Lisse. « Cela aurait été mieux si elle avait été là pour le guider. Le grand gaillard n’est pas des plus brillants avec autre chose que de simples instructions. Il lui a fallu une éternité pour se déplacer de l’autre côté du dépôt ».

« Dis, vous étiez dehors, Lisse », dit Dawson. « Qu’avez-vous vu sur le toit ? »

« Je ne regardais pas au début », déclara Lisse. « Plus tard, après l’explosion, j’aurais juré avoir vu quelque chose voler au-dessus.

« Voler ? » demanda Morris.

« Je sais, ça paraît fou. Au début, j’ai pensé qu’il s’agissait d’un jeu de lumière sous la pluie. Ais j’aurais juré avoir vu quelque chose avec des ailes ».

« Quelque chose comme un oiseau ? »

« Un putain de gros oiseau, peut-être », dit Lisse. « Mais non, la forme était différente. Ses ailes ne battaient pas comme celles d’un oiseau. C’était plus comme s’il planait. C’était presque comme… nah ».

« Allez, crache », dit Burns.

« Eh bien, c’était presque comme une personne avec une grande paire d’ailes sur son dos ».

« Une personne ? » demanda Burns. « Des ailes dans son dos ? »

« J’ai eu l’impression durant seconde de voir quelque chose », dit Lisse. « La bataille nous a distraits. D’ailleurs, je t’ai dit que je n’avais rien vu en réalité ».

« Ha ! » rit Burns. « Ta mortelle égratignure t’as fait voir des anges ! »

« Attention à ce que tu dis, Burns ! »

« J’ai toujours pensé que ce serait le lieutenant qui finirait pas avoir des visions divines ».

« Je te préviens… »

« Je vous crois », prononça Dawson.

« Ne lui fais pas plaisir, gamin », dit Burns. « Il a fait courir Lucille sur son cuir chevelu un peu trop souvent, il s’est entaillé le cerveau ».

« Ne parle pas de Lucille », prévint Lisse.

« Je dis juste que j’ai cru voir quelque chose, moi aussi », dit Dawson. « Quelque chose qui volait dans la pluie alors que le warjack s’enfuyait. Ça aurait pu être… vous savez… en forme d’ange ».

« C’est tout ce que je dis », déclara Lisse. « Quelque chose avec des ailes. Ce genre de forme ! »

« En forme d’ange », se moqua Burns. « Je vais vous laisser à votre réunion de prière les filles avant que vous ne commenciez à vous tenir la main et chanter des hymnes.

« Après le départ de Burns, Dawson regarder Lisse et voulu poser une question ;

« Je ne veux même pas l’entendre », reprit Lisse. Le grand homme quitta le refuge.

Quelques heures plus tard, Dawson retourna au camp après avoir fait son tour de garde. Le clapotis constant de la pluie sur son capuchon avait menacé de l’endormir, mais il était resté attentif à tout signe de lueur cryxienne verte ou de l’étrange rayonnement bleu-blanc qu’il avait vu sur le warjack chromé.

Une fois que les mékaniciens eurent fait tout ce qu’ils pouvaient pour Gully et Foyle, les hommes se relayèrent sous l’abri pour manger leurs repas de haricots blancs et de bacon. Peu après que

Dawson les ait rejoints, le Lieutenant Lister entra péniblement dans la tente, se penchant sur son bol pour le protéger de l’averse.

Dawson observa Lister ôter de sa bouche son éternel cigare et le ranger dans une pochette de sa ceinture. Les mèches grises de la barbe de l’homme scintillaient à la lumière des lanternes de travail. Contrairement au cuir chevelu soigné de Lisse, la calvitie de Lister semblait entièrement naturelle. Là où les cheveux avaient autrefois bordé son cuir chevelu, il n’avait plus que deux tatouages noirs de chien infernaux à l’arrière de son crâne.

Il mangeait avec une précision mékanique : la cuillère dans la bouche, six mastications, avaler, recommencer. À chaque bouchée, ses épais sourcils formaient un profond sillon sur son front, comme s’il se concentrait sur la bataille menée dans son bol.

Les hommes baissèrent légèrement le ton, mais ignorèrent la présence du lieutenant. Ils se demandaient quel cordonnier de Tarna fabriquait les meilleures bottes imperméables, si le Roi Baird ou le Roi Leto avait l’équipe de cuisine la plus talentueuse, et si la célèbre maîtresse Malvina était naturellement rousse ou si elle avait acheté ses cheveux à un alchimiste. Ce dernier différend inspira une série de vantardise et de dénégations sans enthousiasme jusqu’à ce que Burns vienne trancher le litige par une anecdote concise qui fit rougir même quelques vétérans.

Dawson attendit que Lister ait raclé son bol avant de s’éclaircir la gorge. « Excusez-moi, lieutenant. Je me demandais… » Il pointa l’arrière du crâne de Lister. Lorsque l’homme leva un sinistrement un sourcil, Dawson se racla la gorge à nouveau. « Je veux dire, j’ai entendu dire que vous étiez présent lorsque le Capitaine McHorne avait remporté la charte de la compagnie ».

Listers se retourna pour fixer durement les autres hommes présents. « Qui a raconté des histoires ? »

Craig et Bowie partirent sans un mot. Burns croisa les bras alors qu’il s’appuyait contre le genou de Gully, souriant comme un homme s’attendant à profiter d’un divertissement. Lisse et Harrow émergèrent de la pluie, le second portant deux bols tandis que le premier s’asseyait sur un tabouret de mékanicien et mettait de côté sa béquille. En acceptant son bol, Lisse leva les yeux, haussant les sourcils devant tous les visages muets. « Qu’est-ce qui se passe ? »

Burns haussa les épaules et tenta sans enthousiasme d’effacer le sourire sur son visage.

« D’accord », déclara Lister. Il poussa son bol vide vers Dawson, et pointa du doigt Burns. « Donne-moi ça ».

Burns lui lança un autre des tabourets de mékanicien. Lister cala son cul assez puissamment dessus que pour enfoncer les pieds de cinq centimètres dans le sol. Il sortit son cigare de sa proche et le pointa en direction de Dawson.

« On parle beaucoup de cette partie. Chaque fois qu’une petite commère en parle, elle devient de plus en plus folle. Certaines des versions que j’ai entendues, eh bien, elles ne méritent pas d’être répétées. La chose qu’elles ont toutes en commun, c’est que le type que le type qui raconte l’histoire n’était pas présent – à moins que ce ne soit moi ».

Le Sergent Crawley n’était-il pas là aussi ? »

« Qui allez-vous croire, moi ou lui ? » Il enfonça son cigare dans le coin de sa bouche.

« Vous, monsieur ».

« Vous avez sacrément raison, moi. Maintenant, ouvrez grand vos oreilles, car si j’entends encore un récit sur la façon dont Sam à séduit ce dilettante khadoréen ou lui a fait les poches après l’avoir saoulé au vin ambré, je m’occupe du ménestrel responsable ».

« C’était en 603, sur le Griffon Doré, un casino flottant naviguant sur le Fleuve Rohannor de Merin àBerck. Les festivités comprenaient un tournoi de cartes sur invitation, et c’est ainsi que nous avons été impliqués ».

« Vous et le Capitaine Sam ? » demanda Dawson.

« Et Crawley. Sam et lui se connaissent depuis le Marché de la Rouille à Merin. Ils s’étaient engagés ensemble plusieurs fois pour d’autres compagnies, uniquement en tant que mékno. C’est comme ça que j’ai connu Flippant, et il m’a présenté Sam. Quoi qu’il en soit, c’est Sam qui avait été invitée au tournoi. Elle n’aimait pas l’idée d’y aller seule, alors elle nous avait invité pour veiller sur elle.

Dawson acquiesça. L’éclair d’un large sourire attira son regard. Il se retourna juste à temps pour voir Lisse recouvrir son expression d’une autre cuillerée de haricots.

« Nous voila donc, Sam la joueuse, moi les muscles et Crawley notre observateur ».

« Observateur ? »

« Celui qui garde un œil sur les spectateurs. Tu ne connais rie au jeu sérieux ? »

« Pas vraiment, monsieur. Non ».

« Cela explique pour quoi il s’est engagé dans ce groupe », déclara Burns. « Il ne sait reconnaître un gros coup quand il en voit un ».

« Ferme-la, Burns ». Lister pointa Dawson du doigt. « C’est une chose de garder un œil sur les autres joueurs. La plupart des bons joueurs peuvent le faire sans l’aide d’un observateur. Mais dans les grandes salles de jeu, et sur les bateaux fluviaux de luxe comme celui-ci, tu dois également garder un œil sur le public. Certains joueurs ont des partenaires dans la foule, qui peuvent voir les mains des autres joueurs et donner avertir leur joueur ».

« C’est pourquoi on ne voit jamais Sam ramasser ses cartes », reprit Lisse. « Elle ne qu’incliner les coins pour jeter un coup d’oeil ».

« C’est exact. Même ainsi, c’est suffisant pour qu’un observateur aux yeux perçants récupère ta main ».

« Vous n’avez pas dit que Crawley était votre observateur ? »

« Oui, mais seulement pour chercher d’autres observateurs. Il n’était pas là pour avertir Sam ».

Bruns ricana : « Si vous le dites, lieutenant ».

« Je commence à penser que les latrines n’ont pas été creusées assez profondément aujourd’hui ».

« Tu sais, peut-être que je vais me taire et écouter un peu ».

« Bonne idée. Maintenant, où en étais-je ? »

« Crawley en train de faire un repérage », dit Dawson.

« Correct. Crawley était sur le balcon, en face de Sam. Je suis derrière elle, prêt à attraper n’importe quel observateur. Sam fait comme si elle ne connaissait aucun d’entre nous, ce qui est la façon de faire de tous. Mais tout le monde sait que la moitié des gens qui regardent sont là avec les joueurs. Ce sont surtout des gardes du corps, des maîtresses, des amants, des pickpockets, des joueurs fauchés espionnant la concurrence, de riches aristocrates cherchant un joueur à soutenir, toutes sortes de choses.

« Le premier jour, les joueurs sont divisés en deux. Cette nuit-là, une première moitié est éliminée. Fippant garde un œil sur le public. Il désigne quelques observateurs, mais avant que je n’aie à intervenir, les gardes du bateau sont déjà sur eux. La sécurité est renforcée. Je pense que c’est bon signe ».

« Le deuxième soir, le tournoi se résume à une seule table. Sam joue un jeu traditionnel. Certains des autres joueurs la testent, essayant de lui faire perdre son sang-froid. Quand ils voient qu’elle ne sera pas dupe, ils ajustent leurs propres jeux. Très vite, tout le monde devient vraiment ennuyeux avec ses paris. Tout le monde sauf un gars ».

« Dorenski », déclara Dawson.

« Ce n’était pas le nom qu’il utilisait, mais oui, c’est lui. L’arrière-arrière-petit-neveu de Grigor Dorenski, ancien kapitane de la Garde des Glaces.

Dawson tourna la tête pour cracher, mais il s’arrêta quand il vit que personne d’autre ne faisait de même. Il déglutit. Il remarqua également que les hommes qui s’étaient éclipsés auparavant se tenaient maintenant juste la lumière de la lampe, avec une demi-douzaine d’autres.

Il vit que Sam se tenait parmi les spectateurs, en retrait, comme pour éviter d’être repérée. Elle écoutait avec les autres.

« Nous ne crachons pas sur la Garde des Glaces », dit Lister. « C’est Telyev Zerkova de l’armée khadoréenne qui a trahi les Cerbères.

Aussitôt, tous les hommes présents dans la tente tournèrent la tête et crachèrent, à l’exception de Harrow. Dawson regarda autour de lui, mais personne d’autre ne donna l’impression d’avoir remarqué inaction.

« Zerkova, qui a retourné la Compagnie Cerbère contre le Khador pendant la Guerre Ordique. C’est lui qui avait engagé les Cerbères pour prendre Porte du Sanglier, ne s’attendant pas à ce qu’ils réussissent. Lorsque le commandant de la compagnie, Grigor Dorenski a pris le site en une unique action, il a chassé la garnison ordique vers le sud, où elle s’est réfugiée à Midfast, qui était attaquée par la propre armée de Zerkova. Ces renforts inattendus ont suffisamment renforcé la ville pour en chasser l’armée de Zerkova.

« Plutôt que d’admettre qu’il était lui-même à l’origine de son embarrassante défaite, Zerkova a refusé d’honorer son contrat avec les Cerbères. Après cela, Dorenski a révisé la charte de la compagnie avec son propre sang. Même s’ils étaient le dernier employeur de Caen, il n’accepterait pas un seul kuppek rouge. Nous faisons de même aujourd’hui, honorant ainsi la décision de Dorenski. Tu le sais, n’est-ce pas Dawson ? »

« Oui, monsieur », répondit Dawson. « Mais cela semble bien plus vivant qu’en vous le raconter ».

Burns toussa, mais tout le monde l’entendit distinctement dire « Lèche-cul ! »

« Hrumph ! » Lister mâchonna son cigare tandis que ses yeux étudiaient le visage de Dawson. « Bien sûr, c’est plus vivant quand je le raconte. Je suis un Cerbère depuis plus longtemps que n’importe qui, sauf Sam et Flippant ».

« Vous n’allez pas nous dire que vous étiez présent au siège de Porte du Sanglier, n’est-ce pas, lieutenant ? » demanda Burns.

« Tu es prêt à aller chercher cette pelle ? »

« Non, monsieur ».

Bon, où en étais-je ? »

« La table finale », dit Dawson. « L’arrière-arrière-petit-neveu de Dorenski ».

« C’est vrai. Il ne se faisait pas appeler Dorenski, mais ce n’était pas inhabituel. La plupart des joueurs nobles voyageaient sous une fausse identité pour épargner à leurs familles la disgrâce lorsqu’ils perdaient et la notoriété lorsqu’ils gagnaient. Bien entendu, il n’est pas difficile de découvrir la véritable identité d’un joueur. Je savais qui était assis en face de Sam, et elle aussi ».

« Savait-elle qu’il avait parié la charte de la Compagnie Cerbère ».

« Qui de nous deux raconte cette histoire ? Toi ou moi ? »

« Vous, lieutenant ».

« Je commence à penser que Burns a eu une mauvaise influence sur toi ».

« Rien de plus vrai », déclara Lisse.

Burns leva le poing pour le frapper au bras, mais Lisse l’arrêta d’un doigt menaçant.

« Ah, je vais le garder pour quand ta jambe sera guérie ».

« Je vais te battre jusqu’à ce que tu perdes connaissances avec cette mauvaise jambe. Tout comme ce warjack et son bras ».

« Les garçons », avertit Lister.

« Monsieur », répondirent à l’unisson Burns et Lisse.

Lister retira le cigare de sa bouche et pointa à nouveau Dawson du doigt. « Oui, Sam savait que Dorenski possédait la charte des Cerbères. Tout le monde le savait. C’était l’unique chose pour laquelle il était connu. De temps à autre, quelqu’un lui offrait deux kuppeks en échange ».

« Pourquoi ? » demanda Dawson.

« Tu vois, la Compagnie des Cerbères était inactive depuis si longtemps que personne ne pensait qu’elle valait deux pièces de cuivre. Peu importe que Dorenski ait dit qu’il ne le vendrait pas pour cent milles koltinas. Pour lui, la charte de la Compagnie était une question d’honneur familial. Pour les autres, c’était devenu une mauvaise blague ».

« La seule qui ne le pensait pas était Sam ». Lister tira longuement sur son cigare, comme s’il était allumé et qu’il aspirait la fumée profondément dans ses poumons. Lorsqu’il relâcha son souffle, ses yeux se fixèrent sur un point situé bien au-delà des hommes ou des warjacks se tenant devant lui. Puis, sans que personne ne le lui demande, il reprit son récit.

« Finalement, le jeu se réduisit à trois joueurs, Sam, Dorenski et un petit rynien aux yeux de serpent, pas plus grand que Flippant », Lister détendit ses paupières fin d’imiter le regard fendu d’un reptile. « Sam jouait toujours avec prudence. Dorenski et le rynien lancèrent tour à tour de grosses mises. Au point où ils avaient multiplié par cinq ou dix leurs mises d’ouvertures.

« Ils se bluffaient l’un l’autre aussi. Chacun des hommes n’étant qu’à moitié capable de lire l’autre. Chaque fois que l’un d’entre eux était sur le point de perdre, l’autre poussait une main trop loin. De temps en temps, Sam grignotait l’un ou l’autre, mais aucun d’eux ne se reculait quand elle avait une bonne main ».

« Je devenais méfiant, mais chaque fois que je regardais Flippant, il secouait la tête. S’il y avait quelque chose de bizarre, je ne le repérais pas plus. Mais ensuite, cela n’eu plus d’importance. Dorenski fit tapis et le rynien suivi sa mise. Dorenski perdit ».

« Mais comment Sam a-t-elle pu gagner la charte s’il était hors jeu ? » demanda Dawson.

Burns roula des yeux vers le toit de toile. Le ruissellement devenait plus bruyant que la pluie battante.

« La maison déclara un entracte d’une heure. Je suis allé au bar pour parler à Sam. Flippant avait eu la même idée, mais elle n’est jamais venue. Elle était restée à la table et discutait avec Dorenski. Au moment où nous revenions, ils avaient conclu un accord.

Sam partagea ses jetons pour qu’il reste dans la partie Le rynien n’apprécia pas du tout, mais la maison soutient l’arrangement ; rien dans leurs règles ne s’y opposait ? Il pouvait perdre le reste de ses jetons. Inutile de dire qu’il n’aimait pas plus cette idée. Il resta. Mais à partir de ce moment-là, le jeu changea du tout au tout ».

« Je m’attendais à ce que Dorenski et Sam oeuvrent ensemble, mais il ne sembla pas que ce soit ce qu’ils avaient en tête. Quand Dorenski avaient une main forte, il s’en prenait à Sam avec autant d’ardeur qu’au rynien. La différence c’est que le rynien ne l’appris que trop tard que Dorenski avait changé son jeu. Avant même qu’il ne s’en rende compte, Dorenski l’avait éliminé ».

« C’est alors que Dorenski a sorti la charte et l’a posée à côté de ses jetons. Ce n’est qu’à ce moment-là que nous avons compris le marché que Sam avait passé avec lui. Elle avait accepté de le soutenir à une condition : si au final, elle le battait, elle gagnerait la charte ainsi que son argent ».

« Mais s’il ne voulait pas la vendre à n’importe quel prix, pourquoi la jouait-il ? »

Lister haussa les épaules. « C’est là que beaucoup de gens se trompent quand ils racontent l’histoire. Il se peut que le fait de jouer avec l’honneur de sa famille lui ait procuré des sensations fortes. Certains pensent qu’il a vu en Sam quelque chose qui l’a poussé à perdre pour elle. D’autres disent qu’il n’a jamais pensé qu’il perdrait. Peut-être qu’il avait juste trop bu de brandy. La vérité, c’est que seul Dorenski le sait ».

Dawson acquiesça, réalisant que sa bouche était ouverte, il la referma. « Que s’est-il passé ensuite ? »

« Vous savez ce qu’il s’est passé. Sam l’a battu ».

Dawson le fixa, une expression d’attente sur le visage, mais Lister haussa les épaule, et mâcha son cigare.

« Mais n’y a-t-il pas plus dans l’histoire ? »

« Bien sûr, vous connaissez déjà cette partie. Sam a investi l’argent qu’elle avait gagné dans des warjacks, des gros flingues, des filets, tout l’équipement de qualité que vous, les Cerbères, apprécier tenir à travers des territoires abandonnés des dieux telle l’Octelande. Deux ans plus tard, les Cerbères étaient redevenus une compagnie de mercenaires respectée, même si, à vous voir, je comprends que certains puissent penser que nos standards se sont dégradés ».

« Mais vous ne lui avez pas demandé pourquoi elle a joué avec Dorenski au lieu de simplement le défier au sujet du contrat.

Lister retira son cigare, inspecta la partie humide et le remis en bouche. « En fait, je l’ai fait ».

« Qu’a-t-elle dit ? »

« Elle a dit que Dorenski avait besoin d’une raison pour mettre ce contrat sur la table, alors elle lui en a donné une ».

Lister se leva et s’étira le dos en regardant son auditoire. Près de la moitié de la compagnie s’était rassemblée autour de la tente. « Je sais que le Sergent doit être à la recherche de certains d’entre vous. Vous feriez mieux de vous présenter avant que je ne l’envoie vers vous. Les autres, allez-vous vous reposer. Maintenant que la pluie a disparu, nous allons partir ».

Le rassemblement se désagrégea tandis que Lister s’éloignait. Harrow tendit sa béquille à Lisse, et les deux grands hommes sortirent ensemble.

Dawson pensa être le dernier à partir, mais en sortant de la tente, il entendit la voix du capitaine. « Beau travail, Dawson ».

« Capitaine ? » Ses sourcils se rejoignirent en une question. « Vous avez demandé à Lister de raconter l’une de ses vieilles histoires préférées. Il n’y a rien de tel pour encourager les Cerbères après une journée noire ».

« Je ne voulais pas être indiscret », répondit-il.

« Quoi, l’histoire du jeu de cartes ? »

« C’est juste avant de quitter Tarna, les Caporaux Burns et Harrow m’ont dit… je veux dire, c’est plutôt comme s’ils avaient suggéré…c’est-à-dire qu’ils ont laissé entendre que je ne devrais peut-être pas être si curieux ».

Sam sourit : « Mais vous avez été assez curieux pour poser des questions sur la partie ».

« Eh bien, j’avais entendu une version différente, et quelqu’un a dit que j’aimerais peut-être entendre celle du lieutenant ».

« Maintenant que vous l’avez entendue, laquelle pensez-vous être la vraie ? »

Dawson hésita, réfléchit. Il haussa les épaules. « Je pense qu’elles sont toutes les deux vraies, dans la mesure du possible ».

« Dans la mesure du possible ? »

« Tout le monde voit les choses sous un angle différent. Pendant un petit moment, à l’entrepôt, Burns et moi avons vu l’arrière de ce nouveau warjack. Et nous avons vu la liche de fer avant tout le monde. Vous avez vu ce qu’il y avait sur le toit, mais seulement à travers la vitre. Et puis, il y a eu l’incendie, la fumée, et puis la pluie. Tout le monde a vu le combat sous un angle différent, certain d’entre nous mieux que d’autres, certains d’entre nous moins bien. Et il y a beaucoup de choses que personne n’a vues ».

Le sourire de Sam s’effaça. Elle regarda attentivement le visage de Dawson, tournant la tête comme elle essayait de le voir sous un nouvel angle. « Y a-t-il quelque chose que vous voulez me demander à propos de la partie, Dawson ?

« Avez-vous eu peur ? » demanda-t-il aussitôt. « Quoi que vous ayez conclu avec Dorenski, est-ce que cela vous a faire grande de perdre ? »

Sam cligna des yeux, apparemment surprise. Son sourire revint peu à peu et elle dit : « Vous savez quoi, Dawson, j’ai eu la peur de ma vie. Vous voulez savoir autre chose ? »

« Oui’s »

« C’est comme ça que j’ai su que j’allais gagner.

* * *

29

En fin de compte, il fallut un peu moins d’une heure pour positionner le chariot, ériger le trépied pour le palan et sortir Foyle du bourbier. Crawley inspecta le pied incrusté de boue de Foyle et le déclarer utilisable. Lorsque Sam ordonna au Rapace de se déplacer, le ‘jack le fit avec un léger boitillement à l’articulation de la cheville.

Dawson aida Morris à démonter et à ranger le trépied. Ils terminèrent juste au moment où Harrow revenait de sa tournée à l’arrière. Posant son sac et son arme sur le hayon du chariot, à côté de la jambe bandée de Lisse. Il ne signala aucun signe de poursuite : Cryx, Tête d’Acier ou autre.

Quelques instants plus tard, McBride et Crowborough revinrent pour signaler que tout était clair sur l’un ou l’autre des flancs. Le Lieutenant Lister vérifia sa montre à gousset et scruta les brumes devant lui. « Où diable est Robinson ? »

Les yeux de Dawson suivirent la trotteuse faisant le tour du cadran de la montre. Alors qu’elle terminait son tour, les yeux de Lister rencontrèrent ceux de Harrow. L’éclaireur ramassa son arme, laissant son sac derrière lui, et se glissa silencieusement dans le bourbier.

Sam s’approcha, les yeux rivés sur la silhouette de Harrow s’éloignant. « Qui manque ? »

« Robinson. L’éclaireur ».

« Faisons bouger la compagnie. Même configuration qu’avant, mais gardons les détachements plus proches ».

Les derniers bavardages s’estompèrent alors que les Cerbères avançaient péniblement. Le grincement des roues des chariots et le chuintement des moteurs à vapeurs semblaient d’autant plus forts que les hommes se taisaient.

Lorsqu’ils virent la fusée éclairante, quelques hommes accélérèrent le pas.

« Restez avec la compagnie », les avertit Lister. « Gardez la formation ».

Crawley répéta l’ordre du lieutenant avec emphase, et les hommes le transmirent le long de la ligne alors qu’ils s’approchaient de la fusée éclairante de Harrow et virent ce qu’il avait trouvé.

Sur un monticule luisant de terre moussue, Robinson gisait en morceaux.

L’un des coups l’avait sectionné en deux. L’autre était une blessure moins profonde, mais tout aussi mortelle. Ensemble, les blessures avaient drainé chaque goutte de sang de l’homme. Sous un masque rouge en dentelle, le visage de Robinson était blafard.

Silencieux, Crawley fit signe à deux unités de prendre position de garde de part et d’autre du cadavre. Il fit signe à la troisième de le suivre. Dawson était le plus proche, Crawley et les officiers rejoignirent Harrow à côté de sa terrible découverte.

« Ça ne ressemble pas à une lame », dit Sam. Même son murmure semblait trop élevé.

Harrow désigna les plaies brûlées. « Une sorte d’impact énergétiques, peut-être un éclair. Deux coups ».

Lister récupéra le gros flingue de Robinson. Son canon trapu avait été tranché en biais, la coupe aussi nette et tranchante que celle d’une tasse de thé qui serait tombée. Le métal sur les bords de l’entaille était décoloré, comme s’il avait été soumis à une intense chaleur.

Crawley pris Dawson par l’épaule et tranquillement transmis ses instructions pour s’occuper du corps. Avec une hâte mesurée, Dawson et Morris allèrent chercher une longueur de toile épaisse dans le chariot d’avitaillement et la posèrent à côté de Robinson. Burns et Craig les aidèrent à transférer les restes sur le tissu.

Pendant que les Cerbères travaillaient, Lister passa la main à l’intérieur de son col pour s’emparer d’un médaillon d’un ascendant entre ses doigts. Il murmura une prière en caspien.

Les hommes plièrent les extrémités du sac mortuaire. Ils le scellèrent en tissant une corde à travers les œillets en laiton de l’ourlet. Avec une économie humble, ils traînèrent le corps jusqu’au chariot d’avitaillement et le déposèrent dans l’espace à côté de Lise. Favorisant sa jambe blessée, Lisse se déplaça pour s’asseoir à l’avant avec les conducteurs plutôt que de s’asseoir à côté du mort.

« Quoi que ce soit qui lui ait fait ça… », grogna Lister dans son cigare.

« Nous allons le réduire, le briser et le livrer en pièces détachées au Vieux », répondit Sam. « Nous remplirons notre contrat et nous vengerons Robinson en même temps ».

« J’aimerais mettre la main sur celui exploite cette chose ».

Sam toucha son bras. Face au massif biceps de Lister, sa main paraissait petite. « Fais attention à ce que tu souhaites, mon vieil ami. L’important, c’est que nous faisions notre travail, et que nous prenions soins des nôtres, vivants ou morts. Mais si nous avons une chance de nous venger, nous la considérons comme un second bonus ».

Lister hocha la tête. Il garda le menton baissé et mordilla à pleines dents l’extrémité de son cigare éteint.

La marche reprit. Lister demanda à Crawley d’équiper tous les éclaireurs de fusées éclairantes. Le sergent les envoya deux par deux en leur recommandant de garder les fusées à portée de main et d’émettre un signal au premier signe de danger.

Les premiers éclaireurs revinrent quinze minutes plus tard.

Fleming salue Lister et Sam. « Nous avons trouvé un abri ».

Rose ajouta : « Ce doit être un dépôt de ravitaillement ».

« C’est donc que ce que les hommes de Baird faisaient ici », dit Sam. « Allons voir ».
Alors que les éclaireurs menaient les Cerbères hors de l’eau, la compagnie restait vigilante à tout s’approchait par les flancs ou l’arrière. Ils traversèrent une forêt clairsemée alors que le sol l’élevait et devenait plus sec.

Les nuages s’éclaircirent suffisamment pour révéler le soleil. Sa lumière dorée repeignit l’environnement sombre de couleurs vives. Une parcelle de champignons étonnamment jaunes grimpaient le long d’un arbre tombé tel un petit escalier. Une pierre couverte de lichen reposait comme une couronne de bijoux sur une colline en saillie, et à ses pieds gisait la carcasse d’un helljack défoncer. Les entailles dentelées et les lignes les plus nettes des brûlures d’énergie sillonnait son châssis en fer noir.

« Ce type n’est pas prêt de se relever », dit Lister, qui repoussa l’odeur nauséabonde des fumées de nécrotite. « Tu veux que Crawley jette un coup d’oeil ? »

Sam abaissa ses lunettes sur ses yeux et fronça les sourcils. « Vérifions d’abord le bâtiment. Ce qui a lutté avec ce monstre est probablement encore dans les parages ou pire encore, d’autres cryxiens dont nous pensions avoir vu le dernier ».

La structure hémicylindrique mesurait six mètres de haut et dix-huit mètres de long. Le bâtiment était composé de robuste pin renforcé par des contreventements en fer Des lucarnes recouvertes de treillis métalliques se trouvaient en haut des murs et du toit.

Quelqu’un s’était efforcée de dissimuler les côtés avec des broussailles et de jeunes arbres déracinés, mais les lianes rampantes n’avaient pas dépassé trente centimètres sur les côtés convexes de l’abri. À l’exception de quelques taches dépareillées, l’ensemble de la structure était peint en gris foncé, un excellent camouflage pour la brumeuse Octelande.

« Vous voyez là ? » dit Lister. Il pointa du doigt un pan de mur noir mat. « Tout cela a été construit ailleurs. Puis il a été transporté ici pour être assemblé ».

Sam acquiesça. Elle suivit des yeux Harrow et Bowie s’approchant pour jeter un coup d’oeil dans les coins les plus proches. Harrow donna le signal de fin d’alerte.

Sam emmena Gully et Foyle jusqu’à l’extrémité la plus proche du demi-tube et les fit monter la garde de chaque côté de l’entrée. Sur chaque porte, l’épée brisée d’Ord avait été peinte en gris clair au pochoir. Une lourde chaîne et un cadenas fermaient les portes.

Les chariots s’arrêtèrent derrière. Sur un signe de tête de Crawey, les conducteurs commencèrent à aller cherche de la nourriture et de l’eau pour les chevaux, mais les laissèrent attachés à leurs chariots.

Lister hocha la tête en direction des symboles. « Ton ami du village nous a fait un bon rapport », déclara-t-il. « Baird installe des dépôts de ravitaillement. Mais pourquoi ? »

« Regardons ».

Lister détacha sa pioche de son dos et cria « Swire ! ».

Un homme maigre à la moustache fine comme un crayon s’avança et salua.

« Tu te souviens du petit problème dans lequel Lisse s’était mis ? Celui dont tu l’as aidé à sortir ? »

« Oui, monsieur ».

« Tu l’as avec toi ? »

« Monsieur ! » Swire déposa son arme et son sac. D’un compartiment à l’intérieur de sa botte, il sortit un fin paquet en cuir. Il le déroula et retourna la doublure intérieure en feutre pour révéler un ensemble de rossignols en laiton, chacun avec une forme différente à son extrémité. Certains ressemblaient à des vagues, d’autres à une silhouette de femme, d’autres encore à des peignes de barbier.

S’agenouillant à côté de la serrure, Swire se déganta et attrapa le verrou d’une main nue. Il sonda le barillet à l’aide d’un simple râteau, ressentant les vibrations à l’intérieur. « Tss », dit-il en mettant le râteau de côté. Il prit un peigne et une clé à torsion. « J’aurais dû savoir que ce ne serait pas si facile ».

Pendant qu’il œuvrait, le Sergent Crawley s’approcha et jeta un coup d’oeil sur les outils de Swire. « Pourquoi ne m’as-tu pas appelé ? J’aurais pu l’ouvrir en- »

Le cadenas cliqueta. Swire le laissa pendre à la chaîne alors qu’il replaçait les peignes dans l’étui. « C’est fait, lieutenant ».


« Voilà pourquoi, Flippant. Bon travail, Swire ».
Swire replaça le kit dans sa botte et récupéra son sac et son arme. Au même instant, le soleil les quittait. Swire leva les yeux, secouant la tête avec incrédulité. « Je commençais juste à penser que je pourrais sécher ».

« Crawley prend en charge les hommes à l’extérieur », dit Sam, « Lister, je veux deux escouades à l’intérieur ».

Lister choisit ses hommes, dont Dawson, Morris et tous les garçons à l’exception Lisse. L’homme blessé les observait depuis le siège du conducteur du chariot d’avitaillement, déplaçant  son rasoir bien-aimé le long de sa mâchoire dans un geste nonchalant démenti par son intense regard, dirigé vers l’endroit où il préférerait sûrement se tenir, parmi ses compagnons.

La brume s’insinua entre les hommes, les bêtes, les chariots et les machines rassemblées. L’air s’alourdit avec la promesse de pluie, puis les premières gouttes éclaboussèrent les heaumes et les épaulières. Quelques secondes plus tard, une bruine régulière s’installait.

Lister ouvrit la voie à l’intérieur du bâtiment.

Des doigts de lumière blanche-bleue traversaient les lucarnes et effleuraient les caisses le long d’un mur, laissant l’autre côté du dépôt dans l’ombre. D’autres piles de caisses et de tonneaux se tenaient au centre de la spacieuse allées. Le bois des caisses était encore frais, les clous n’ayant aucune trace de rouille.

L’écusson ordique peint au pochoir juste au-dessus d’une étiquette collée indiquant CHARBON, MUNITIONS, PIÈCES OU PROVISIONS. Un soldat paresseux avait laissé derrière lui un seau de peinture séchée. Burns enleva le pinceau évasé et le porta à son visage en guise de moustache comique.

« Taille-les, Burns », déclara Lister.

« Relax, lieutenant Tu ne vois pas que nous avons tiré le gros lot ? »

« Nous ne prendrons que ce dont nous avons besoin » déclara Sam. « Réapprovisionnez les bennes à charbon. Crawley, tu vois s’il y a des pièces dont nous aurions besoin pour les grands gaillards. En dehors de cela, nous ne pillons pas le dépôt de ravitaillement du roi » ?

Burns laissa tomber la brosse et souleva son arme.

« Ce que je veux vraiment savoir », dit Sam, « c’est pourquoi Baird s’est donné la peine de laisser un dépôt de ravitaillement ici sans gardes.

Les Cerbères se dirigèrent vers le côté le plus éloigné de l’abri. Derrière les caisses empilées dans l’allée centrale, l’autre extrémité était plongée dans une pénombre bleue.

« Hsst ! » Lister leva le poing, les doigts fermés pour signaler l’arrêt. D’un regard, il fit signe à Harrow d’avancer.

L’éclaireur n’avança que de quelques pas avant de s’arrêter lui aussi pour écouter.

La plupart des Cerbères l’entendirent alors, le bruit d’un ressort se détendant dans une chambre bien huilée.

Harrow tenait sa volumineuse d’un bras tout en faisant des gestes avec l’autre. Ses doigts indiquaient une ombre se profilant au-dessus d’une pile de caisses distante.

L’énorme silhouette se détachait dans un dépôt plein de formes familières de boîtes et de tonneaux. Le haut de son corps courbé en parfaite symétrie, un ovale suivi de près par un carré strié. De chaque côté se trouvaient des formes plus complexes, deux rectangles avec des cylindres en saillie vers l’arrière et sur le côté. La lumière bleu-blanche se reflétait sur la carapace d’acier de la silhouette, non pas à partir des lucarnes situées au-dessus, mais depuis son propre torse, en dessous.

Sam prix en charge les signaux manuels. Elle envoya Harrow au centre pour prendre position derrière une caisse. Burns, elle l’envoya vers la gauche, Lister vers la droite. Elle fit signe à Dawson de soutenir Lister. Elle se déplaça derrière Harrow et signe aux personnes se trouvant derrière elle de se mettre à couvert.

Une ombre passa au-dessus de Sam. Elle leva les yeux vers un mouvement soudain à travers la lucarne centrale. Juste au moment où elle dégainait son pistolet à canon long et visa vers le haut, l’énorme silhouette derrière les caisses émit un bourdonnement sourd et plusieurs claquements séquentiels. Elle bondit en avant, éparpillant les caisses et les barils. Une lumière bleu-blanche jaillit des lentilles de verre sur son corps, aveuglant brièvement les Cerbères.

L’un des barils percuta la caisse que Burns avait choisie comme couverture. L’impact repoussa son arme. Il cria de surprise en tombant en arrière.

Le warjack lourd se dirigea vers lui, son allure quadrupède étrange. Chacune de ses pattes en forme de crabe s’achevait par un petit bloc en forme de sabot. Les jambes supportaient un torse massif en chrome qui, à son tour, soutenait un châssis supérieur gros et ovoïde. De chaque côté, des engrenages et des pistons en laiton soutenaient un bras : l’un court et bourdonnant, l’autre se terminant par une main mékanique à quatre doigts. Des panneaux situés sur l’abdomen et les épaules, ainsi que plusieurs lentilles autour d’un œil central en verre central.

Burns se releva en titubant et fit sauter sa pioche de son épaule. Il beugla et leva son arme. Avant qu’il ne puisse frapper, l’étrange ‘jack l’attrapa au niveau du torse. D’un geste mékanique rapide, il le projeta contre les caisses alignées contre le mur.

Un bruit assourdissant emplit le dépôt lorsque Harrow fit feu avec son arme. Un lourd projectile frôla l’articulation entre l’épaule de l’étrange ‘jack et son bras bourdonnant. Enflammé, l’obus ricorcha à travers l’une des lucarnes latérales. Alors que des fragments de verre traversaient le treillis métallique, Harrow recula, ouvrant la culasse de son arme pour recharger.

L’étrange ‘jack laissa tomber Burns sonnés et avança, chaque pas gazouillant une note aiguë de ressorts huilés. Son petit bras gauche gémit de plus en plus fort avant qu’un disque d’acier n’en sorte, déchiquetant la caisse constituant l’unique abri de Sam. Des céréales et des haricots secs se répandirent à côté d’elle.

« Reculez ! » cria Sam. Elle suivit son propre conseil et se réfugia à l’abri d’une autre caisse.

« Filets ! » rugit Sam. « Faites le tomber ! » Il fit pivoter sa lourde chaîne de filet par-desus sa tête et la lança vers les jambes de l’étrange warjack.

Dawson et Morris lancèrent leurs propres filets l’instant d’après. Deux autres furent lancés par des hommes derrière eux peu après, chacun parfaitement projeté. Les lourdes chaînes s’enroulèrent autour des six jambes du warjack, les liant l’un à l’autre.

Le warjack hésita, son châssis supérieur pivotant d’un côté à l’autre alors qu’il se penchait en avant, des lentilles lumineuses inspectant sa situation. Puis, tel un crustacé flottant, il écarta ses jambes vers l’extérieur. Les filets s’étendirent sur les jambes dépliées. Le warjack lévita vers le haut, rétractant ses jambes d’un mouvement fluide alors que les filets glissaient.

Les filets ne servent à rien », dit Sam. « Tirez à volonté ! »

Alors que les Cerbères déchargeaient leurs projectiles, l’ombre sur le toit traversa une fois de plus la lucarne. Elle avait à peu près la taille d’un homme, mais un large vêtement s’étendait de chaque côté, comme une cape dans le vent. Entre les coups de feu et le crépitement régulier de la pluie, une autre harmonique traversait le plafond du dépôt.

Sam sortit son pistolet, visa alors que l’ombre traversait la lucarne, et tira. Son tir s’écrasa sur la vitre. Elle se couvrit le visage d’un bras et détourna le regard lorsque des éclats tombèrent à travers le grillage. Elle rechargea et cria « Marshal sur le toit ! »

Une fois la nouvelle cartouche en place, Sam releva à nouveau son arme. Son viseur suivant le bruit des pas, hésitant à chaque fois qu’un projectile explosait sur le warjack ennemi ou parmi les ravitaillements.

« Bon sang, Cerbères, attention aux munitions ! » beugla Lister en battant en retraite.
Harrow et Morris battirent en retraite avec lui. Dawson hésita lorsqu’il remarqua Burns étendu parmi les débris des caisses. Celle qui se trouvait derrière lui mentionnait « MUNITIONS ».

Alors même que Lister lui criait de battre en retraite, Dawson sprinta vers Burns. Il garda la caisse basse, se jetant à plat centre lorsque le bras de l’étrange ‘jack l’atteignit. Sa griffe en chrome brillant le frappa durement sur le côté de la tête. Son casque absorba une grande partie de l’impact, mais il secoua la tête et cracha du sang alors que Burns levait un regard brouillé.

Dawson attrapa Burns par la cuirasse « Allez, on bouge. Cette chose est arrivée ici d’une manière ou d’une autre. Il doit y avoir une autre porte de l’autre côté ».

Ensemble, ils dépassèrent leur agresseur en courant vers l’extrémité du dépôt. Ce qu’ils virent les arrêta net.

Il n’y avait pas de porte à l’autre bout du dépôt, mais un énorme trou ouvert dans le sol. Un énorme passage humide partant vers l’est, assez grand pour accueillir toute la compagnie et ses warjacks. Des éclats de bois formaient des crocs tout autour de la gueule ouverte, et des empreintes sombres et boueuses s’échappaient des lèvres molles de terre.

Les cadavres étendus de part et d’autre ne faisaient l’impression d’une bouche affamée dans le sol. Trois soldats ordiques gisaient parmi les ruines des caisses les plus proches. Leurs visages exsangues fixaient le plafond.

Une odeur nauséabonde de nécrotite s’échappait du trou. Le lourd cliquetis des pistons en fer résonnait dans le tunnel, s’amplifiant à chaque pas. « Oh, bon sang », dit Burns. « Il faut sortir d’ici ».

Avant qu’ils n’aient pu faire un pas en arrière, six tonnes d’os et de fer surgirent du passage souterrain. Son châssis endommagé et les amas de terre moussue réparties sur son bras et son torse l’identifiait comme le même Massacreur qu’ils avaient vu allongé dans la lande extérieure. À chaque pas, le helljack renvoyait une motte de terre humide, jusqu’à ce que ses pieds griffus crissent sur le sol du dépôt de fourniture. Il tendit un bras griffu tout en levant l’autre au-dessus de ses énormes épaules.

Burns cria, « À plat ventre ! »

Burns et Dawson se jetèrent au sol tandis que le helljack passait à toute vitesse. Il percuta l’étrange warjack, ses griffes noires s’accrochant à l’épaule de son ennemi.

Burns bascula le canon de son gros flingue pour le recharger. « Touchons-le par derrière ».

« Lequel ? » demanda Dawson. Magnifié par la structure fermée, le choc du fer et de l’acier devint assourdissant.

« J’ m’en fiche ! » rugit Burns, « mais ne le ratez pas ».

Ils tirèrent simultanément. Les deux projectiles explosèrent contre le dos du helljack. L’un deux laissa un cratère rougeoyant dans la fournaise. L’autre éventra la cheminée du Massacreur. Des fumées de nécrotite s’échappèrent pour couvrirent les deux warjacks.

Le warjack chromé saisit le Massacreur par le bras, sa poigne à quatre doigts entaillant la lourde armure. Une lame en forme de coin traversa son poignet pour pénétrer le fer épais de l’avant-bras du helljack. Le fer hurla alors que la lame s’abattait encore et encore. De l’huile chaude éclaboussa le châssis chromé du quadrupède.

Dawson jeta un coup d’oeil en direction du passage souterrain. Une nouvelle silhouette se tenait juste à l’intérieur des mâchoires.

Au-dessus de l’entrée planait une abomination d’os noir amuré tournant lentement. Trois crânes brillaient sous un heaume tripartite, ses segments reliés par des épaulières luisant de nécrotite. Trois lanternes agitées étaient suspendues à une cage thoracique débordant de vapeurs nocives. Sous tout cela pendait un épais appendice en forme de queue entrelacée de trois petites vrilles, dont l’une était coupée à mi-longueur. Dans le gantelet noir sur l’un de ses trois bras grêles, le surveillant liche de fer agrippait son bâton à trois dents.

Muet de peur, Dawson frappa le bras de Burns jusqu’à ce que le grand homme se retourne pour voir le maître du Massacreur.

« Qu’est-ce qu’on fait ? » demanda Dawson à voix basse.

Burns répondit avec une improbable vulgarité avant d’ajouter :  « Retourne voir les autres ! »

Les hommes baissaient la tête et courait vers les warjacks s’affrontant. Alors qu’ils évitaient la titanesque bagarre, une autre volée de projectiles explosa contre l’étrange warjack. La grosse machine trembla et relâcha son emprise sur le helljack.

Le Massacreur repoussa son ennemi dans des débris de caisse, mais le warjack chromé ne bougea que de quelques pas avant que ses quatre pattes n’accrochent. Il recula, slammant le Massacreur contre le côté éclairé de l’entrepôt.

« Ne tirez pas, ne tirez pas ! » cria Burns alors que lui et Dawson traversaient les décombres. Ils coururent jusqu’à Sam. À côté d’elle, Lister et Harrow alternaient les tirs et les rechargements de leurs gros flingues.

« Qu’est-ce que tu pensais faire ? » cria Sam à Dawson. Derrière elle, Foyle s’avança dans l’entrée de l’entrepôt, maintenant élargie sous la forme de ses larges épaules.

« Sauver mon cul », répondit Burns à la place de Dawson, qui restait sans voix. « Et au fait, on a une putain de liche de fer de l’autre côté ».

« Gully ! » cria Sam au warjack se trouvant à l’extérieur. « Déplace-toi vers l’arrière ! » Tous les Cerbères tressaillirent lorsqu’un effroyable bruit de métal tranchant résonna dans l’entrepôt. Avec ses deux massifs bras, le Massacreur serra le bras de son ennemi. Ses griffes s’enfoncèrent dans la plaque chromée et elle tordit le membre de son ennemi vers l’arrière. Alors que les rouages de l’épaule hurlaient de protestation, le Massacreur arracha le bras, le déchirant de l’épaule du warjack.

Le warjack chromé recula, le torse se tordant d’un côté à l’autre comme s’il était confus.

« Continuez à tirer ! » hurla Sam.

Les Cerbères lâchèrent une nouvelle volée. La plupart des projectiles ricochèrent sur l’épaule arrondie du warjack, mais quelques-uns bosselèrent légèrement son blindage.

Son prix à la main, le Massacreur écarta son ennemi et fonça dans l’allée, loin des Cerbères, vers le grand trou dans le sol.

Le warjack chromé le poursuivit. Dans un autre hurlement de métal, il lança une lame de scie sur le helljack en fuite. Le disque hurlant frôla l’épaule du helljack et alla creuser un trou dans le mur du fond.

« Foyle, frappe-le ! » Sam pointa son épée paralysante sur le warjack restant.

Les chiens s’écartèrent d’un bond tandis que le rapace fronçait à travers le bâtiment, repoussant de lourdes caisses en courant. Son massif ennemi se retourna juste au moment où la lance paralysante projetait des étincelles sur son abdomen incurvé. Le warjack lourd frissonna et recula, mais seulement pendant une seconde avant que son bras-lame de scie ne vienne frapper le petit Foyle contre les caisses situées dans l’ombre.

D’autres Cerbères affluèrent dans le dépôt. « Capitaine ! » cria Fleming. « Il y a quelqu’un sur le toit ! »

« Je sais » cria-t-elle en retour. « Un problème à la fois. Cerbères, arrachez-lui les pattes ! »

Alors que ses hommes passaient des gros flingues aux pioches, Same leva les yeux vers la lucarne. Ce qui s’y trouvait n’était plus visible.

Burns et Lister menèrent l’assaut contre le warjack ennemi. Les pointes de leurs pioches produisaient des étincelles et laissaient des égratignures, mais le warjack lourd réagissait à peine aux coups. Au lieu de cela, il lança un autre projectile à bout portant sur Foyle.

La lame de scie s’enfonça profondément dans le châssis du Rapace. Des éclairs scintillèrent sur les bords de la plaie alors même que de la fumée noire se déversait à l’arrière de sa fournaise détruite.

« Abattez-le ! », tonna Lister. À peine s’était-il exprimé que l’étrange warjack courut devant la ligne de front tel un crabe, chargeant les Cerbères se tenant entre lui et l’entrée du dépôt. « Arrêtez-le. Ne le laissez pas s’échapper ».

« Attendez ! » cria Sam, et l’instant d’après, tous purent voir ce qu’elle avait remarqué. Le warjack se précipitant ne laissa aucune trace dans son sillage, ne dérangea aucune des caisses sur son passage.

Ce n’était rien d’autre qu’une apparition.

Derrière eux, des tonneaux tombèrent au sol tandis que le véritable warjack ennemi fonçait vers le passage dans lequel le helljack s’était engouffré.

« Poursuivez-le » dit Sam. Comme s’il comprenait ses paroles, le warjack ennemi s’arrêta juste à l’intérieur de l’abri de l’entrepôt. Il se retourna, ajustant la visée de son lance-scie.

« À couvert ! » cria Lister.

Les Cerbères se dispersèrent, mais ils n’eurent pas besoin de s’en soucier. La lame-scie du warjack ne visait pas une cible vivante, mais une caisse portant l’inscription MUNITIONS. Des dizaines de boîtes de cartouches de fusil s’éparpillèrent sur le sol.

Lister explosa en une litanie de jurons en caspien. Sam cria : « Dehors ! Dehors maintenant ! Dehors ! »

Le warjack continuait de lancer des lames-scie sur les caisses de munitions tandis que les Cerbères se précipitaient pour sortir du dépôt. Son second tir déclencha une série de boum lorsque les étincelles trouvèrent la poudre.

La troisième brisa une autre caisse au moment où Foyle élargissait encore l’entrée, s’échappant juste derrière les Cerbères. La quatrième explosa lorsque la lame-scie traversa les cartouches qu’elle contenait.

À l’extérieur, les Cerbères se précipitèrent sous un torrent de pluie. L’entrepôt trembla tandis que les explosions cascadaient sur toute la longueur. Les lucarnes furent les premières à exploser, inondant les Cerbères de fragments de verre et de fer. Les flammes envahirent Foyle alors que la masse du Rapace abritait les hommes fuyant devant lui.

Les chevaux hurlèrent. Dans leur panique, ceux qui étaient attelés au chariot de Gully s’enfuirent alors que les conducteurs les conducteurs leur criaient de s’arrêter. Les autres équipes réussirent à peine à contrôler leurs animaux, les détournant du dépôt explosant.

Quelques instants après, l’ensemble du bâtiment se gonfla et fissura lorsque la réaction en chaîne atteint les charges les plus importantes. En quelques secondes, tout le bâtiment crépita de flammes, et la pluie sifflait son mécontentement en tombant sur l’incendie.

Secouant la tête et tapant sur leurs oreilles assourdies, les Cerbères se relevèrent. Sam fut la première à parler. « Allez de l’autre côté. Ce tunnel doit débaucher quelque part à proximité de cette maudite butte avant qu’elle ne plonge sous la ligne de flottaison.

Sam courût à côté de Dawson, qui pointa du doigt une forme brillante émergeant d’un trou à environ à vingt-quatre mètres. « Là ! »

« Gully ! » cria Sam au Nomade se tenant à l’autre bout du dépôt. Elle pointa la machine reculant. « Stop moi ce ‘jack ! »

Elle courut après le Nomade, Dawson et quelques Cerbères sur ses talons.

Le warjack chromé courait après l’ennemi lui ayant volé son bras, ignorant apparemment le massif Nomade chargeant pour l’intercepter, l’espadon levé. Le warjack chromé pivota à la taille et lança une lame-scie au moment même où l’épée de Gully s’abattait. Des étincelles explosèrent lorsque la lame rencontra la lame. L’impact projeta Gully assez loin de sa position pour que son corps effleure le warjack ennemi et tombe en avant à travers dans un bosquet de jeunes arbres.

Sam pointa son pistolet mais l’abaissa à nouveau lorsque le warjack chromé disparut dans le voile gris d’une pluie battante.

Gully s’efforça de se relever. Une énorme bosse froissait le haut de son châssis, mais tous ses membres fonctionnaient toujours.

Sam se tourna vers l’entrepôt en flammes. La lumière orange de l’incendie colorait les verres de ses lunettes. Elle leva la tête lorsque quelque chose se déplaçait à contre courant de la fumée et de la pluie au-dessus d’elle. Sans hésiter, elle releva son pistolet et tira.

Tous les Cerbères s’accroupirent. Ceux ayant un gros flingue visèrent plus le ciel, mais ils ne remarquèrent aucune cible.

À l’intérieur de l’entrepôt en feu, des caisses de pin crépitaient. Une autre volée d’explosions suivit.

« Sortez ces chariots de là ! », cria Sam. « Cerbères, éloignez-vous. Je ne veux pas que quelqu’un soit touché par une foutue caisse de munitions ».

Alors qu’elle éloignait les Cerbères, Crawley signala la disparition de deux hommes. Sam lui répondit d’envoyer une reconnaissance rapide autour du feu, mais de ne pas perdre plus d’hommes.

« Qu’as-tu vu, Sam ? » Lister toussa. « Qu’est-ce qu’il y avait sur le toit ? »

Elle releva ses lunettes, révélant une bande claire là où la fumée n’avait pas réussi à noircir ses yeux. « Je ne sais pas », dit-elle. « Mais je te promets que nous allons le découvrir ».


30
Dites, les amigos.. dans le nouveau lore, à quelle date débute la seconde invasion Orgoths par rapport au début du setting de Requiem (619 AR).. pas moyen de trouver une indication dans ma recherche..

Je n'ai pas plus d'indication que toi. La ligne temporelle s'arrête à 617 AR pour l'instant.

Et sinon les Sea Raiders Orgoths apparaissent dans le dernier monternomicon ou bien il s'agit toujours des Orgoths "fantômes" de la première invasion ?
Merci pour votre aide .

Ce sont tj les "fantômes" de la première invasion.

31
PARTIE DEUX

« Gully, Foyle, virage à gauche. Maintenant, avance lente ! »

Sam guidait ses warjacks à travers un labyrinthe de flaques d’eau et de ruisseaux lents. Les feuillages suspendus des saules étaient moins une barrière qu’une gêne, mais elle évitait les arbres les plus arbres les plus épais après que les Cerbères eurent passé dix minutes à dégager la lance paralysante de Foyle pour la libérer de la moitié d’un saule qu’il avait arraché.

Alors que Sam manoeuvrait le Nomade et le Rapace sur une bande de terre relativement ferme, sur le flanc Morris poussa un cri en plongeant dans une zone molle.

Morris lutta pour sortir du trou, mais il ne pouvait pas bouger sa jambe. Il mit de côté le lourd gros flingue et se débarrassa de son sac. Même avec ses deux mains libres pour pousser sur le sol, il ne réussit qu’à s’enfoncer davantage dans la boue molle. « Que quelqu’un me donne un coup de main ! »

Dawson fut le premier à l’atteindre. Il attrapa Morris sous les bras et tira, mais la terre humide retenait l’homme.

« Pousse-toi, Dawson ». Posant son arme et son paquetage, Lisse prit Morris par le bras gauche. Dawson lui attrapa le droit et, ensemble, ils tirèrent. Morris grogna et cria de douleur, mais il fut extirpé. Avec un bruit profond de succion, sa jambe sortit, d’un noir brillant.

« Bon sang », grommela Morris, « Ma botte est pleine de boue ! »

« De rien », dit Lisse. Il rangea son arme sous son bras et repris sa marche.

« Il fait un froid de canard ».

« Au moins, il n’y a pas de vent », déclara Dawson. Il frissonna de sympathie en expirant un panache de buée.

Morris pesta en claquant des dents. Il enleva une poignée de boue, de feuilles mortes et un ver de terre rouge, se tortillant, aussi épais que son index. « Pouah ! »

« Cela aurait pu être pire », déclara Dawson « Le Sergent Crawley dit qu’il y a des centaines d’hommes involontairement enterrés dans l’Octelande ».

Morris secoua la tête. « Bien sûr qu’il y en a. Le Cryx a assassiné des milliers de personnes dans cette lande ».

« Le sergent ne parlait pas de morts au combat », déclara Dawson. « Il parlait des voyageurs et des forestiers qui venaient juste d’être engloutis par des entonnoirs comme celui-là. Ils sont tout autour de nous, à quelques centimètres sous terre, encore debout là où ils se sont enfoncés. Nous marchons sur leurs crânes ».

Morris railla. « Il dit çà pour effrayer les chiots comme toi. C’est une autre raison pour laquelle on l’appelle Flippant ». Malgré ses paroles courageuses, Morris frissonna alors qu’il continuait à gratter la boue de sa jambe.

« Je ne sais pas. J’ai l’impression que nous marchons dans un cimetière. Il y a peu, Robinson a marché sur une cage thoracique ».

Au son d’un sifflement dissimulés, les deux hommes regardèrent autour d’eux. Dawson serra fort son armure, mais il n’y avait rien.

La brume s’épaississait à mesure qu’ils s’enfonçaient dans l’Octelande. La lumière du soleil filtrait à travers les nuages. Il offrait peu de lumière et encore moins de chaleur.

« Arrête, Dawson. Là, tu me donnes la chair de poule ». Morris détourna son regard de la brume et baissa les yeux sur sa botte détrempée avant de lâcher un lourd soupir. « Allons-y. Ils nous devancent ».

Dawson hocha la tête en direction de la jambe noircie de Morris. « Fais attention ».

Bientôt, ils rattrapèrent le reste de la compagnie et se plaçèrent à côté du chariot d’avitaillement. Les roues renforcées de fer patinaient dans la terre molle, les conducteurs suivant l’exemple de Gully et Foyle pour rester sur la terre ferme.

Le Lieutenant Lister menait une escouade à une cinquantaine de verges devant les warjacks. Il s’arrêtait de temps en temps pour s’assurer qu’ils restaient à portée visuelle des personnes qui escortaient le chariot de tête. Il disparut brièvement dans la brume s’épaississant, pour réapparaître alors qu’ils se rapprochaient. Habituellement, il se matérialisait en regardant une carte et une boussole, car les nuages obscurcissant rendaient la navigation par le soleil au mieux incertaine.

Loin devant, perdus dans les brumes, les éclaireurs des Cerbères guidaient la compagnie dans le sillage des pillards Cryx. Toutes les demi-heures, ils revenaient près de Lister à quelques minutes d’intervalle, faisant leur rapport trop discrètement pour les autres puissent l’entendre.

Les éclaireurs cherchaient des signes d’embuscade, pas la piste elle-même. Il n’était pas nécessaire d’être spécialement entraîné pour voir les plantes piétinées et la terre retournée que les morts-vivants avaient laissés dans leur sillage. Même les hommes près des chariots distinguaient les empreintes de bottes de fer des nécroserfs. Des plus grandes empreintes à trois doigts marquaient le passage des bonejacks et des helljacks, ces derniers étant deux fois plus gros que les premiers.

Morris se retourna, levant son gros flingue au bruit d’une brindille cassée. Jusqu’à ce qu’elle ait marché dessus, Sam se déplaçait silencieusement dans la lande. Elle tendit la main pour écarter le canon de l’arme.

« Cet endroit donne la frousse à tout le monde », dit-elle. « L’astuce, c’est qu’elle reste à l’intérieur ».

« Oui’s » répondit Morris.

Sam regarda Dawson. Sous le regard de son capitaine, il relâcha sa prise sur le gros flingue pour le porter librement mais prêt à la hanche. Ses propres yeux semblaient durs même dans la lumière tamisée, mais elle lui fit un signe de tête confiant.

Tandis que Sam poursuivait sa route prenant des nouvelles des autres Cerbères, Morris se retourna pour regarder Dawson, qui lui offrit un haussement d’épaules compatissant.

De temps à autre, l’un des Cerbères se penchait pour récupérer un artefact d’une bataille antérieure : douilles, sangles de toile, boucles de laiton, éclats d’obus et d’écrous de ‘jack aussi gros que des pommes. La plupart du fer était rouillé depuis longtemps, mais certains des débris semblaient neufs. Ces objets étaient remis au Sergent Crawley, qui les examinait avant de les jeter ou de les glisser dans la pochette de son ceinturon.

« Récent ? » demanda Sam alors que le sergent examinait la nouvelle babiole.

Crawley secoua la tête. « Pas assez pour être du lot que Brocker poursuit ».

Harrow quitta les éclaireurs pour adresser quelques mots à Lister. Le lieutenant acquiesça et renvoya Harrow avant de s’approcher de Sam.

« Nous avons trouvé quelque chose », lui dit-il. « Une étrange piste ».

« Foyle, Gully, marche en avant ! » Sam les accompagna, se déplaçant à une vitesse prudente.

« Attention ! » Lui cria Lister. Le grand homme glissa alors qu’il se dépêchait de les rattraper. Il désigna les hommes les plus proches. « Dawson, Morris, Robinson, avec moi ». Tandis que Sam trottinait entre le grand Rapace et le Nomade encore plus grand, Lister et son unité pressait pour suivre.

La jambe trempée de Morris gargouillait à chaque pas tandis que les Cerbères suivaient Sam et ses warjacks. Le bruit des roues des chariots s’estompait au fur et à mesure que les soldats avançaient.

Une fusée éclairante traversa la brume devant eux. Alors qu’ils se rapprochaient, les Cerbères virent Harrow s’agenouiller pour examiner quelque chose par terre. La lumière cramoisie de la fusée projetait des ombres infernales sur son visage. Lorsqu’il leva les yeux vers les mercenaires s’approchant, Dawson et Morris détournèrent le regard.

Sam ralenti et arrêta ses ‘jacks avant de rejoindre Harrow. Lister fit signe aux hommes de se mettre en position de garde en tournant le dos à la fusée éclairante.

Sam et Lister examinèrent une flaque rectangulaire légèrement plus grande qu’une brique. Une extrémité était légèrement plus large que l’autre et trois lignes parallèles formaient d’étroits ponts sur toute la largeur. « Je n’ai jamais rien vu de tel auparavant », dit Sam, « mais je parierais que ce n’est pas cryxien ».

Harrow se releva, faisant un geste avec la torche pour indiquer d’autres empreintes à proximité. Elles étaient toutes identiques, espacées en larges motifs répétitifs.

« C’est étrange », déclara Sam après avoir longuement observé. « Faites devenir Crawley. Je veux son avis ».

« Morris », dit Lister, en faisant un geste du pouce en direction du train de chariots. « À double cadence ! »

« Monsieur ! » Morris se mit à courir, pataugeant à chaque pas.

Sam suivit Harrow alors qu’il montrait de plus en plus d’empreintes. Il indiqua deux pistes parallèles, une large piste d’empreintes de cryxiens piétinées, l’autre les empreintes rectangulaires du voyageur solitaire.

Sam demanda : « Le Cryx le suivait, tu crois ? »

Harrow secoua la tête.

« Tu penses que ça les suivait ? »

Il acquiesça.

Crawley arriva, essoufflé. Derrière lui, Morris appuya ses mains contre ses cuisses, haletant.
Sam s’empara de la fusée d’Harrow et montra les étranges empreintes à Crawley. Le sergent baissa les lunettes autour de son cou et plissa les yeux vers la dépression rectangulaire. Son front se plissa alors qu’il suivait le tracé des pas.

« Qu’en penses-tu ? » demanda Sam. « Quadrupède ? »

« Certainement. Et extrêmement régulier. Trop régulier, si tu veux mon avis. Même pour un nouveau ‘jack fraîchement sortit de la forge, on s’attend à plus de variations dans les pas en fonction de sa charge d’armes, de la façon dont il tourne, s’il transporte quelque chose, Ces pas sont parfais ».

Crawley s’agenouilla. Il plongea sa main dans la flaque rectangulaire pour en mesure la profondeur. Il enfonça son pouce dans la terre comprimée à la base de la flaque, tâtant la fermeté des stries à l’intérieur de l’empreinte. Les yeux mi-clos, il effectua un calcul silencieux : « En supposant qu’il ait quatre jambes, je dirais environ sept tonnes. Peut-être huit ».

Lister siffla tout bas. « Aussi gros que Gully ».

« Combien de présent ici ? » demanda Crawley.

« Juste celui-là ? » Sam jeta un coup d’oeil à Harrow, qui hocha la tête pour confirmer. « Oui, juste un ».

« Des empreintes d’un contrôleur ? » demanda Sam.

Harrow secoua la tête.

« Est-ce la chose que nous recherchons, Sam ? » demanda Lister.

« Le message du Vieux indiquait que je le saurais quand je l’aurais vu », déclara Sam. « Maintenant que je le vois, je pense que oui ».

Ma question est : est-ce que le Cryx le cherche aussi ? »

« C’est possible », dit Sam. « Mais à en juger par la position des ces traces, je parierais que cette chose à vu les cryxiens avant qu’ils ne la voient. Peut-être qu’ils ne savaient même pas qu’il était là ».

« Et Brocker ? »

Sam haussa les épaules. « Il se peut qu’il ait dit la vérité. Ou peut-être que le Cryx s’est mis en travers de son chemin alors qu’il cherchait notre mystérieux ‘jack ».

« On suit ces traces ou les cryxiens ? »

« Pour l’instant, ça n’a pas d’importance. Elles ne se croisent peut-être pas, mais elles reviennent dans la même direction. Assure-toi que les autres éclaireurs voient ces empreintes. Places-en un de chaque côté des pistes, puis Harrow au milieu, entre les pistes ».

« Oui’s », répondit Lister.

« Je ramène les grands gaillards aux chariots. Je veux qu’ils soient entièrement chargés et prêts à l’action ».

« Ça marche, Sam », déclara Crawley.

« Trouvons cette chose avant que quiconque ne le fasse », dit-elle. Puis, presque pour elle-même, elle ajouta : « Et prions que le Cryx ne nous trouve pas en premier ».

* * *

La troisième fois que le chariot d’avitaillement s’embourba, le Sergent Crawley demanda à toute la compagnie de s’arrêter. Après s’être entretenu avec Lister et le capitaine, il ordonna aux hommes décharger les réserves d’eau et de nourriture et de répartir le chargement de manière égale entre les chariots vides. Un peu plus d’une heure plus tard, la marche reprit avec moins d’haltes pour les chariots en retard.

Les éclaireurs revinrent et signalèrent pour signaler un terrain traite devant eux. Sam dirigea les warjacks loin des terrains les plus périlleux. Cela nécessitait parfois un détour, mais Sam insistait sur la prudence. Poussez un chariot dans une ornière était déjà assez pénible. Personne ne voulait sortir d’un warjack d’un entonnoir.

Lorsque le Sergent Crawley donna le coup de sifflet d’arrêt, les Cerbères étaient trempés et épuisés. Ceux qui avaient été choisis comme piquets et sentinelles pestaient tandis que les autres se mettaient au travail pour établir le campement sur le terrain relativement sec qu’ils avaient choisi.

En moins d’une heure, les mékaniciens, sous le regard attentif du Sergent Crawley et du capitaine, étaient plongés jusqu’au coude dans Gully après que Foyle eut passé l’inspection et reçu un plein chargement de charbon et d’eau. Crawley arracha le pistolet à rivets de l’un des hommes et refixa la plaque renforçant le châssis de Gully brûlé par le venin.

« Regarde ça », déclara Robinson. Vétéran maigre à la barbe rousse, il souleva un objet concave de sous une jonchée de feuilles. Il balaya les détritus pour révéler la partie supérieure du crâne d’un bonjack. « Cela évitera à mon sac de couchage ne touche le sol humide ».

« Ne touche pas à ça », avertit Burns, « ça porte malheur.

« Ne sois pas un nigaud si superstitieux ».

Burns lui montra son poing. « Si tu ne contrôles pas tes paroles, la malchance arrivera plus vite que tu ne le penses ».

« Tu fais ce que tu veux blondinet », répondit Robinson. « Personne ne t’empêche de dormir sur le sol humide ».

Morris revint de ses recherches avec un torchon rempli de champignons. « Hé, caporal », dit-il. « Que pensez-vous de ces champignons ? »

Harrow jeta un coup d’oeil à la récolte de Morris. Piochant dans le tissu, il jeta un champignon au chapeau vert pâle et l’écrasa sous ses pieds. Quand il eut fini, il prit quelques champignons coniques pour les grignoter et s’éloigna sans un mot.

« Merci ». Morris goûta les champignons, plissa les yeux et hocha la tête e signe d’approbation.

« Que s’est-il passé ? » demanda Dawson.

« Avant de rejoindre la compagnie, Harrow était au SRC du Roi Leto ».

« Le Service de Reconnaissance Cygnaréen ! »

« Shh », dit Morris. « Baisse d’un ton. Il n’aime pas qu’on en parle ».

« Pourquoi est-il parti ? »

« Personne ne le sait — ne pense même pas le demander à Harrow. Il n’aimerait pas ça. De toute façon, on dit qu’on peut l’abandonner pendant un an dans n’importe quel endroit abandonné des dieux, et qu’il reviendra avec cinq kilogrammes de plus, avec les noms et les emplacements de chaque horrible chose vivant sous un rocher ou sur une branche d’arbre. Il connaît toutes les choses qui sont bonnes à manger et toutes celles qui te tueraient ».

« C’est un homme à avoir dans les parages ».

« Oui », acquiesça Morris. « Tant qu’il veut t’avoir à ses côtés ».

Dawson grimaça. « À Tarna, il m’a pris pour un espion de Khador ».

Morris étudia le visage de Dawson. « Non, il ne l’a pas fait ».

« Quoi ? »

« S’il t’avait pris pour un espion, nous n’aurions pas cette conversation. Tiens, essaye celui-là ». Morris lui tendit un morceau de champignon.

Dawson regarda le champignon cramoisi avec méfiance avant d’en prendre une bouchée. Au fur et à mesure qu’il grignotait, il se mit à sourire. « C’est vraiment bon ».

Morris divisa les champignons en deux tas inégaux. Le plus petit, il le posa dans un tissu et le rangea dans la pochette de sa ceinture. Il apporta le plus gros à Sam, qui assise sur le hayon ouvert du chariot de ravitaillement, mangeait un repas froid à côté de Lisse.

Elle mit de côté son assiette en fer-blanc de corned-beef, de fromage jaune dur et de pain plat pour accepter le butin de Morris. « Harrow les a vus ? »

« Voyons, capitaine ».

Sam grignota un morceau et approuva d’un signe tête. Elle en mit deux dans son assiette et passa le reste à Lisse. « Fais-les circuler, Lisse et annonce à tous que nous avons un intrépide chasseur de champignons parmi nous »

Morris salua Sam et se détourna avant qu’un sourire idiot n’envahisse son visage. Dawson le suivit jusqu’au chariot d’avitaillement, où Morris sortit une brosse rigide pour nettoyer sa botte souillée.

« Deux », déclara Dawson.

Ils retournèrent à l’endroit qu’ils avaient choisi pour faire leurs lits. Dawson regarda le crâne que Robinson avait posé sous lui pour rester au sec. Il frissonna et jeta un coup d’oeil à Morris. D’un commun accord, ils ramassèrent leurs sacs et s’éloignèrent vers un autre endroit sec.

Morris enleva sa botte détrempée, détacha sa genouillère et se débarrassa de son pantalon de cuir. Après l’avoir vigoureusement secoué, il le suspendit à une banche voisine.

« Donne-moi ça », dit Dawson en attrapant l’armure. Pendant que Morris frottait sa botte, Dawson brossait la boue accumulée sur sa genouillère. Morris fit un signe de tête appréciateur à Dawson.

Ils travaillèrent en silence pendant un moment avant que Morris ne demande : « Qu’as-tu fait pour que tu penses que Harrow te prenais pour un Rouge ? »

En grimaçant, Dawson décrivit comment il avait été surpris en train d’espionner le briefing des garçons. Plutôt que de le réprimander, Morris s’esclaffa. « Rose a fait la même chose au printemps dernier Burns lui a fait tellement craindre qu’Harrow lui tranche la gorge pendant qu’il dormait qu’il a failli renoncer à son contrat. Cela arrive de temps en temps – pas l’égorgement, mais le fait de jeter un coup d’oeil furtif au premier briefing. Chaque nouveau chiot veut être l’un des garçons.

« Qu’est-ce qu’il faut pour cela ? »

Morris haussa les épaules. « Je ne sais pas vraiment. Lister et Flippant étaient avec le capitaine bien avant la partie. Je suppose qu’ils ont été les premiers ».

« Lorsque je me suis engagé, le sergent m’a raconté comment le Capitaine MacHorne avait gagné la charte de la compagnie lors d’une partie de cartes. Avant d’entendre son histoire, je n’aurais pas pensé qu’elle était une tricheuse. C’est pour ça qu’aucun membre de la compagnie ne veut jouer aux cartes avec elle ? »

« As-tu entendu la version de Lister ? »

« Non ».

« Cela vaut la peine de lui demander un jour, en supposant qu’il soit de bonne humeur ».

« Et les caporaux ? Ce sont tous des garçons, n’est-ce pas ? »

« La plupart d’entre eux, mais pas tous : Robinson, par exemple. Et j’ai entendu parler de simples soldats qui étaient considérés comme des garçons, mais c’était avant mon arrivée. De toute façon, ce n’est pas qu’une question de rang ou d’ancienneté, pour autant que je sache ».

Dawson hocha la tête, mais son expression restait perplexe.

« Il n’y a pas d’annonce ou quoi que ce soit d’autre. Un jour Crawley t’annonce de te présenter au premier briefing, et tout le monde sait que tu n’es plus un homme. Tu es un garçon ».

« Huh ». Dawson eut un regard lointain dans ses yeux.

« Ne sois pas trop excité, gamin. Il n’y a pas d’augmentation ou quoi que ce soit ».

Morris mis sa botte de côté et commença à brosser la boue séchée de son pantalon. Lorsqu’il se pencha, trois talismans sortirent de sa chemise. Deux étaient en bronze poli, le troisième en or brillant.

« Je ne te savais pas si pieux » déclara Dawson.

Morris se leva et pris l’un des médaillons de bronze entre son pouce et son doigt. « Pas plus qu’un autre. Celui-ci est de ma soeur ».

Dawson se leva pour regarder le disque circulaire. Sur sa face était gravée une épée enveloppée dans une bannière inscrite de mots caspiens. « Ascendant Solovin », déclara Dawson. « Le patron des guérisseurs ».

« Murdina est sage-femme dans notre village natal, juste à l’ouest de Carre Dova. Chaque fois qu’elle m’écrit, elle me rappelle de rester près du chirurgien ».

« Mais nous n’avons pas de chirurgien de campagne dédié ».

Morris porta un doigt à ses lèvres. « Ne le dis pas à Murdina ».

Il laissa tomber le premier médaillon de bronze et souleva le suivant. Une épée contre un mur crénelé était estampée sur sa face.

« Ascendant Markus », déclara Dawson. Il toucha sa cuirasse. « J’en ai un tout pareil ».

« Cela te donne le courage de défier quatorze chefs barbares pour briser un siège ? »

« Eh bien… peut-être treize. Markus est mort en tuant le dernier ».

Morris rit. « Tu veux dire qu’il s’est ‘élevé’ ».

« Bien sûr. Mais il est d’abord mort ».

« Ne laisse pas Lister t’entendre parler comme ça. Il te menotterait pour blasphème ».

« Il est si pieux ? »

« Surtout à propos de l’Ascendant Markus. Ses meilleurs jurons sont en caspien ».

« Qui parle le caspien de nos jours ? »

« Le Primarque, ses Exarques, tous leurs prêtres, et le Lieutenant Lister », répondit Morris. « Mais je pense que Lister est plus à l’aise en particulier avec les jurons ».

« Que j’aimerais entendre ».

« Tu dis cela maintenant, mais tu ferais mieux de prier d’être à bonne distance quand ça arrivera. Tes oreilles vont bourdonner ».

« Et le troisième médaillon ? »

« Ah, c’est mon trésor ». Il leva le disque d’or. « Ascendant Katrena, défenderesse de la foi, patronne de la bravoure, de la chevalerie et de la noblesse – bien trop beau pour des hommes comme moi. Et regarde ici ». Il retourna le disque pour révéler un éclat d’ivoire incrusté dans le métal. « Un éclat de l’os de sa jambe. Je l’ai acheté à un homme ayant voyagé jusqu’au Sancteum ».

« Il doit valoir une fortune ».

« La plupart de mes gains de la première année », répondit Morris. « C’est pour ma fille. Tu sais, un jour ».

Dawson acquiesça. « Je ne savais pas que tu as une femme ».

« Je n’en ai pas ». Son sourire s’estompa. « Sa mère a épousé un autre homme. Un avec des perspectives d’avenir ».

« C’est pour cela que tu as rejoint la compagnie ? Pour faire fortune et la reconquérir ? »

« Non, je voulais juste partir. Je travaillais dans un village où je risquais de voir ma petite fille se balader sur les épaules du poissonnier en l’appelant papa ».

« Quel est son nom ? »

Morris s’illumina. « Isla. Ses yeux ont la couleur du bleuet ».

Après le souper, Dawson prit le quart suivant tandis que Morris se couchait. Il s’assit au sud du camp, à l’abri de la lumière des feux allumés par le chariot de Foyle, et regarda dans le brouillard. Après une fine pluie, les lunes fantomatiques apparurent à travers les troués dans les nuages. Dawson écouta la sérénade rythmée des grenouilles jusqu’à ce que Parks le remplace. Il retourna ensuite dans son lit et dormit jusqu’à ce que le sifflet sur sergent réveille la compagnie.

* * *

Après une matinée au cours de laquelle les éclaireurs signalèrent des bruits étranges dans la brume, Lister chargea Dawson et Robinson de partir en tant que deux paires d’oreilles fraîches. Ils venaient de quitter la compagnie depuis dix minutes qu’ils rencontrèrent un autre chenal d’eau stagnante leur barrant le chemin.

Dawson traversa le premier, tenant son fusil et sa pochette de munitions par-dessus l’eau atteignant sa taille. Il sortit de l’autre côté et se retourna pour voir Robinson faire de même. Lorsque le caporal émergea de l’eau, sa chemise se souleva, révélant de grosses sangsues brunes couvrant son corps.

« Remonte ta chemise », dit Dawson. « Ne bouge pas. Il pinça la sangsue juste au-dessous de l’une de ses extrémités effilées, forçant ses ventouses, avant de la décoller. Deux plaies sanguinolentes apparurent sur la peau de Robinson.

« Oh, Morrow », dit Robinson. « Enlève-les. Enlève-les maintenant ! »

« Ne fais pas le bébé. Ce ne sont que des sangsues ».

« Je ne les supporte pas ».

« Tu peux dormir sur le crâne d’un bonejack, mais ça te dérange ».

« Elles me mangent vivant ! »

Dawson jeta une autre sangsue de côté et tourna Robinson pour examiner le reste de son torse. « Enlève tout »

« Quoi ? »

« Elles ont peut-être pénétré dans tes vêtements ».

Frissonnant, Robinson retira son pantalon de cuir. Dawson l’examina de près. « Tu es propre. Maintenant, vérifie-moi ».

Robinson remit sa ceinture en place avant de vérifier que Dawson n’avait pas de sangsues. Il n’en trouva qu’une sur la hanche de Dawson, mais il ne put se résoudre à la toucher. Dawson l’enleva lui-même ».

« Tu as entendu ? » demanda Robinson.

Dawson s’immobilisa. Il entendit un cri d’oiseau au loin et quelques clapotis d’eau de grenouilles dans les flaques d’eau voisines. Puis il entendit un léger bruit de ressorts se comprimant et se relâchant. Ce n’était pas le bruit d’une machine à vapeur, mais il s’agissait indubitablement d’un mouvement mécanique.

« Devrions-nous aller voir plus près ? » chuchota Dawson.

« Je ne- » Robinson regarda dans la direction du bruit. D’autres chenaux et flaques stagnantes se tenaient devant eux. « Non, nous ferions mieux de faire notre propre rapport d’abord ».

Lorsqu’ils rapportèrent à Lister ce qu’ils avaient entendu, le gros lieutenant loucha sur Dawson en baissant son cigare. « Vous êtes sûrs que c’est ce que vous avez entendu ? » dit-il « Certains d’entre vous ne savent pas faire la différence entre une grenouille et un engoulevent ».

« J’ai entendu quelque chose de similaire », déclara Harrow, sortant de nulle part. « Et un bruit de cliquetis, plus comme un clocher que comme un warjack ».

« Avez-vous au moins jeté un coup d’oeil ? »

Harrow secoua la tête. « D’autres traces ? »

« Aucune que j’ai pu voir. Toute la zone est inondée ».

« Aucune que j’ai pu remarquer. Toute la zone est inondée ».

Lister se tourna vers Sam. « Qu’en dites-vous capitaine ? »

« Quoi qu’il en soit, il est assez intelligent pour cacher ses traces ».

« C’est probable », acquiesça Lister.

« Je n’aime pas l’idée d’emmener nos grands gaillards patauger. Pourtant… »

Elle ordonna à la compagnie de s’arrêter : « Je veux que six de nos plus grands hommes marchent en ligne devant Gully et Foyle. Deux hommes en arrière-garde et deux de chaque côté. Garde une escouade à portée de main ».

« Ça ne laisse pas beaucoup d’éclaireur », reprit Lister.

« Débrouille-toi ».

« Oui’s. Sergent, tu choisis les demoiselles d’honneur ».

« Des grandes, hein ? » Crawley ajusta ses lunettes et regarda Lister.

« D’accord, d’accord. Compte sur moi ».

« Écoutez, Burns, Lisse, Harrow !  Vous trois, escortez ce jeune marié costaud jusqu’à l’autel ». Il frappa sur le genou de Gully. « Fraser, Bowie, vous accompagniez la mariée avec le lieutenant ». Il indiqua Foyle.

Les Cerbères prient leurs nouvelles positions, menant les ‘jack et les chariots à travers l’eau jusqu’aux mollets. Lorsque Bruns et Lisse plongèrent jusqu’aux hanches dans une mare, Sam stoppa les ‘jacks jusqu’à ce qu’il trouve une voie moins profonde.

« C’est stupide ». Burns coupa une longue branche et en détacha les brindilles. Avec le bâton, il sonda le sol pendant que les Cerbères avançaient. L’un après les autres, les autres suivirent son exemple, à l’exception de Harrow, qui se baladait dans l’eau croupie sans l’aide d’une sonde, laissant à peine une ondulation dans son sillage.

À quelques minutes d’intervalles Robinson et McBride revinrent de leurs repérages et ne signalèrent aucune observation inhabituelle. Robinson confirma que leur chemin aquatique s’éloignait de la piste laissée par le Cryx.

« Ce qui les suivait venait de cette direction », dit Crawley. Il fit signe aux éclaireurs de repartir.

Sam acquiesça. « Nous nous rapprochons de la Langue du Dragon. Qu’en penses-tu ? Cinq ou six kilomètres ? »

Crawley sortit une boussole et une carte de sa poche. « Laisse-moi vérifier la carte ».

Sam se retourna, Harrow leva cinq doigts d’une main, trois de l’autre.

« Huit kilomètres », répondit Crawley. Il laissa la carte pliée et remit la boussole dans sa poche.

« Qu’est-ce qu’il y a ici, si près du fleuve ? demanda Sam à personne en particulier. Personne n’eut de réponse. Ils avançaient en pataugeant dans la boue.

« Nous y voilà. Regarder ». Burns pointa son bâton.

Il indiqua une étendue d’eau sombre au sud-est. Un reflet irisé se mêlait à des tourbillons plus sombres sous la surface de l’eau. Au-delà du noyau sombre de la tache, l’eau brillait.

« De l’huile et du venin cryxiens », déclara Lister. « Soyez attentif ».

S’aidant de leurs bâtons, Lister Harrow avancèrent. Bientôt, ils s’enfoncèrent dans la boue jusqu’aux hanches.

Burns sauta pour les rejoindre, mais il glissa sur le côté, s’écrasant sous l’eau. Il remonta en bafouillant : « Au secours ! Il plongea à nouveau sous l’eau, puis remonta en ajoutant : « Quelque chose m’a attrapé ! »

Lister et Harrow se retournèrent. Lister mis son gros flingue, mais se ravisa. Harrow avait déjà sa pioche en main. Il la balança en arc pour frapper près du pied de Burns. La pointe frappa avec un bruit sourd sous l’eau. Quoi qu’il en soit, le coup fut suffisant pour libérer Burns. Lister se releva.

Harrow frappa à nouveau, mais l’eau resta immobile.

« Qu’est-ce que c’était ? » demanda Lister.

« Ça m’a attrapé la jambe », déclara Burns, sans pour autant se mettre à hurler d’inquiétude.

Harrow enfonça sa hache sous l’eau, frappant un objet sous la surface. Comme l’objet ne réagissait pas, il déplaça l’arme, tâtant la forme de l’objet. D’un simple mouvement de tête, il remit sa hache sur son épaule et enfonça ses mains sous l’eau.

« Fais attention, mec » l’avertit Burns. « Il a avalé mon pied en entier dans sa gueule ».

Après avoir tâté l’objet englouti, Harrow recula et tendit sa main, Lister lui donna la perche qu’il avait lâchée. Ensemble, ils utilisèrent leurs perches comme levier pour soulever le crâne d’un bonejack en ruine.

Sous une mâchoire pleine de crocs, une paire de défenses renforcée de fer se recourbaient en pointes acérées. Des pistons les reliaient à des mékanismes situés à l’intérieur d’un dissipateur thermique en laiton formant un collier derrière la « tête » du ‘jack. Les Cerbères voyaient pas grand choses du corps blindé du mékanisme, mais la plupart hochèrent la tête en reconnaissant la forme la plus commune des machines de guerre de Cryx.

« Dépeceur », déclara Crawley.

« Attention », cria Burns. « Ça glisse ».

Il tomba à genoux, mais le bonejack ne s’enfonça pas avec lui. Avec un craquement de fer et un gargouillis d’eau du marécage, la tête du Dépeceur remonta à la surface, révélant les dégâts ayant presque séparé la tête du châssis.

La coupe semblait parfaitement droite à l’exception d’un motif régulier de points cisaillés le long du bord de la plaie.

« Cela ne provient pas d’un espadon », déclara Lister. Il testa le bord de l’entaille dentelée avec le doigt d’une main gantée. En sifflant, il le porta à sa bouche, mais s’arrêta avant de passer sa langue sur la blessure. Même en l’effleurant, le métal taillé tranchait le cuir.

« On dirait que quelqu’un a passé cette chose à la scie à bois » fit remarquer Crawley. Il examina la tache d’huile, d’abord avec ses lunettes, puis en plissant les yeux après les avoir rabattues autour de son cou. « Cela ne fait pas longtemps qu’elle est là. Je dirais que ce qui a trouvé ce Dépeceur l’a fait juste avant que Brocker et ses hommes ne rencontre les cryxiens pour la première fois au nord-ouest.

« Alors », répondit Sam, « il est possible que les cryxiens l’aient recherché, trouvé, puis aient été entraînés dans un combat ».

« Ce qui pourrait suggérer que Brocker le cherchait également, et c’est pourquoi il était ici », déclara Lister.

Sam regarda par-dessus son épaule avant d’acquiescer. « Peut-être. Dans tous les cas, nous devons continuer à surveiller nos arrières ».

Ils reprirent leur marche. Les bavardages se réduisirent à des chuchotements, ponctués par de sifflements d’avertissements au silence par les hommes les plus éloignés de l’agitation des warjacks.

« Tu as entendu ça ? » demanda Morris.

Dawson ferma les yeux pour mieux écouter. « Je pense que c’est juste les arbres. Il se retourna lorsqu’il aperçut un mouvement inattendu du coin de l’œil. « Attention Burns ! »

Foyle trébucha en avant. Son ombre se profila au-dessus de Burns tandis que le Rapace s’inclinait vers lui, levant sa longue lance paralysante dans une désespérée tentative de se rattraper.

Burns se retourna, les yeux écarquillés par le danger. Il commença à bouger, mais la boue l’enserrant le retint.

Sam se précipita vers lui, bondissant pour plaquer le grand homme de tout son poids. Même si elle ne faisait que la moitié de sa taille, elle le frappa avec le bon angle pour l’écarter de la trajectoire du warjack. Ils plongèrent dans le bourbier. L’instant d’après, Foyle s’abattait à côté d’eux, éclaboussant tous ceux que se trouvaient à moins de six mètres.

L’eau du marais siffla lorsqu’elle toucha la fournaise sur le dos de Foyle. Le warjack toussa lorsque atteignit son moteur.

Sam émergea la première, crachotant. « Foyle, stabilise-toi ! Accroche-toi ! »
Le Rapace sortit sa lance paralysante et planta sa crosse dans le sol. Il fit de même avec son bras-bouclier, poussant sur le côté tout en tirant son arme vers l’avant. Ses pistons s’élancèrent et se bloquèrent, ses engrenages sous pression.

Burns se leva et se déplaça pour pousser le warjack par-derrière. Tous les hommes à proximités se mirent en position pour l’aider dans ses efforts. Morris posa une main trop près de la fournaise, criant alors que le métal chauffé au rouge brûla sa paume à travers son gant de cuir.

Lister poussa une litanie d’obscénités dans un mélange d’ordique, de cygnaréen et de caspien à une vitesse folle. Les yeux de Dawson s’écarquillèrent, mais personne d’autre n’esquissa le moindre sourire.

Sous la direction de Sam, les hommes poussèrent au rythme des propres efforts de Foyle pour sortir de l’entonnoir. Alors que l’alarme s’estompait, leurs efforts se coordonnèrent. Malgré tous leurs efforts, le résultat demeura le même : Foyle était coincé.

« Très bien, Cerbères, reculons », dit Sam. Les hommes reculèrent avec précaution tandis que Foyle chancelait et s’immobilisait.

Sam remonta ses lunettes sur son front et s’essuya les yeux d’un revers de main. « Cela demande un peu plus de réflexion. En attendant, il ne faut pas baisser la garde. Crawley ? »

Le sergent assigna deux unités à la garde tandis que les autres se mettaient à l’aise, attendant de nouvelles instructions.

« Comment est-ce arrivé ? » demanda Lister. Il paralysa Burns d’un regard. « Tu as posé le pied sur ce trou ! »

« Je ne sais pas, lieutenant. Je n’ai rien senti ».

« Dit l’actrice à l’Exarque » ajoute Lisse, souriant et en cherchant l’approbation autour de lui. N’en voyant aucune, il leva ses mains vides tel un acteur s’excusant auprès du public. Il s’éloigna d’un projecteur imaginaire.

« Ow ! Fils de- » Lise s’éloigna d’un point près du genou gauche de Foyle. En Sifflant, il leva la jambe. Du sang coulait d’une plaie située sur son mollet, juste sous le pli du genou. Il la serra fort.

« Attrapez-le », dit Lister. Il saisit Lisse sous les bras. Burns et Harrow prirent ses jambes, d’un pas rapide et court, ils emportèrent le grand homme jusqu’au chariot le plus proche. Un autre Cerbère baissa le hayon, et ils posèrent Lisse dessus.

Lister déchira la déchirure de la jambe de pantalon de Lisse et pressa ses mains contre la blessure. Du sang coula entre ses doigts. « C’est une sacrée coupure ».

« Je l’ai à peine touché », dit Lisse.

« Alors, c’est tranchant comme la rancune ».

L’un des conducteurs était déjà sur place avec de l’eau, des chiffons propres et des bandages. Il nettoya la plaie avec de l’eau fraîche, l’épongea avec un chiffon propre et saupoudra la plaie d’une poudre coagulante. Une fois qu’ils eurent maîtrisé le saignement, Fleming sortit le kit de suture et enfila une aiguille incurvée.

Tandis que Fleming recousait la blessure de Lisse, Lister se dirigea vers Foyle, mâchonnant son cigare.

« Regardez », dit Sam. Elle pointa du doigt Dawson, Morris et Harrow qui sortaient avec précaution un objet pointu hors de l’eau.

C’était un disque d’acier bleui de près de soixante centimètres de diamètre. Son pourtour extérieur était hérissé de dents. Les mauvaises herbes du marais s’accrochaient à un trou en son centre.

« Vous voyez », dit Burns. « Ce n’était pas de ma faute. Cette chose devait être coincée dans le trou et les mauvaises herbes ou quelque chose comme ça. Quand Foyle a marché dessus, son poids l’a fait basculer ».

« Quelque chose me dit que ça ne vient pas d’un laborjack » dit Morris. « D’ailleurs, nous aurions remarqué quelque chose si quelqu’un avait scié des arbres à proximités ».

« Non », dit Dawson. « Cette lame n’a pas été conçue pour couper du bois. Les dents ne sont pas bonnes, les creux trop peu profonds. Il n’y a pratiquement pas d’avoyage. L’acier doit être incroyablement solide. Et regardez cette lancette ! ». Il regardait la lame avec admiration jusqu’à ce qu’il se rende compte que tout le monde l’observait.

« Lister enleva son cigare. « Tu parles quelle langue, Dawson ? »

« Désolé, monsieur. Je suppose que le jargon des bûcherons semble étrange pour les autres ».

« Tu as grandi dans une scierie ? »

« Pas exactement », répondit-il. « Mais j’ai travaillé avec mon oncle à la scierie du village jusqu’à ce que mon frère soit assez grand pour prendre ma place et que je quitte la maison pour rejoindre l’Ordique- »

« Je suis sûr que c’est une histoire très touchante », reprit Lister, « mais ma question est la suivante : tu t’y connais en scies ? »

« Oui, monsieur ».

« Que peux-tu me dire d’autre sur celle-ci ? »

« Eh bien, il n’y a pas beaucoup d’usure près du moyeu. Ce trou sert à son soutien, mais pas à la faire tourner régulièrement. Mais il y a une éraflure près du centre. On l’a fait tourner au moins brièvement, mais ensuite… Je ne sais pas. On dirait qu’elle a été sortie de son étau ».

« C’est soit cette lame, soit une lame similaire qui a coupé ce bonejack », dit Sam « Ça te semble juste, Dawson ? »

« Oui’s. Ces dents sont conçues pour couper le métal, pas le bois. Bien sûr, si on les fait tourner assez vite, elles couperont le bois aussi… ou presque n’importe quoi d’autre ».

Burns prononça les paroles. « Chasse au dragon ». Lister lui lança un regard noir.

Sam se frotta la nuque. « Cela devient de plus en plus excitant. Bien, que quelqu’un m’amène Crawley. Je veux qu’il voie ça. Lister, demande aux conducteurs d’apporter le treuil. Foyle doit être debout dans l’heure. Et Dawson ? »

« Oui, capitaine ? »

« Beau travail ».

« Mais j’ai seulement- » Dawson ferma sa bouche. « Oui’s ».

Sam lui sourit, lui fit un clin d’oeil et s’éloigna.

* * *

32

Le lendemain après-midi, Sam arrêta le train de chariots près d’un village à la lisière de l’Octelande. Les nuages s’étaient écartés juste assez pour révéler une parcelle de ciel bleu entre d’interminables bancs de nuages gris étain. Un seul rayon de soleil drapait d’un voile doré la lande qui s’étendait entre le village et la lisière du marais.

« Harrow, Lister et toi – ah, Dawson. Vous êtes avec moi. Les autres restent ici avec les grands gars. Crawley, abreuve les chevaux ».

Le sergent répéta les ordres de Sam pour la forme, mais les conducteurs étaient déjà en mouvements, impatients de se dégourdir les jambes après être restés assis pendant les deux dernières heures.

Les soldats se débarrassèrent de leurs sacs. Environ un tiers d’entre eux montaient la garde, tandis que les autres s’asseyaient pour se reposer, partageant une cigarette ou s’abreuvant à leurs gourdes en cuir.

Sam ouvrit la voie vers le village. À côté de l’une des chaumières, un homme et sa femme attachaient une chaise à bascule au sommet d’une charrette déjà remplie de meubles et d’autres affaires. Ils jetèrent un coup d’oeil nerveux aux Cerbères avant de se précipiter à l’intérieur pour un autre chargement.

Le chef de village et quelques adolescents virent à la rencontre des Cerbères. L’homme salua Sam d’une poignée de main.

« N’est-ce pas Samantha MacHorne. Ça fait combien de temps ? »

« Trop longtemps, Wilkie », répondit-elle. « Je peux encore goûter les sablés de Rona. Fondant sur nos langues ».

« Si nous avions sur que vous veniez, elle en aurait fait une grande quantité ».

« Ce fut soudain. Nous ne resterons pas ». Elle jeta un regard significatif vers le couple abandonnant leur maison.

« Tout le monde n’aime pas vivre si près de l’Octelande ». Wilkie haussa les épaules, mais déglutit nerveusement. « Vous chassez du Cryx, n’est-ce pas ».

Sam fit un signe de tête au couple s’en allant atteler une paire d’ânes à leur chariot. « Quelque chose les effraie. Je suppose qu’il y a eu des signes ».

« Aucun que j’aie vu de mes propres yeux », dit Wilkie. « Chaque fois que quelqu’un aperçoit une ombre dans l’Octelande ou sent une odeur nauséabonde, il est question de Cryx ».

« Ce genre de propos ne suffit pas à faire fuir les gens ».

« Non, c’est vrai », dit-il avec une certaine réticence. « Un forestier est passé hier. Il a raconté quelques histoires de lueurs cryxiennes et d’âmes perdues et peut-être a-t-il vu quelque chose qui l’a effrayé. Quoi qu’il en soit, il a couru jusqu’à ce qu’il tombe sur un groupe de Têtes d’Acier ».

« Brocker ? » demanda Sam.

« Oui », répondit Wilkie. « Lui et son horrible cheval ».

Lister tourna la tête et cracha sans déloger son cigare éteint.

« Combien ? » dit Sam.

Wilkie haussa les épaules. « Assez de fusils et de hallebardes pour qu’ils campent autour de quatre feux.

« Où étaient-ils ? »

« Peut-être à six kilomètres à l’est sud-est ».

« Dans quelle direction se dirigeaient-ils ? » demanda Sam.

« Le forestier n’a pas pu le dire, ils l’ont renvoyé avant de lever le camp ».

« Le forestier est encore là ? »

Wilkie secoua la tête.

« Ce forestier semblait-il pressé de partir ? »

Wilkie hocha à nouveau la tête avec une certaine réticence. « Si j’y pense trop, je commence à me dire que je devrais déménager ma propre famille à Tarna ».

« Et il a dit que les Têtes d’Acier cherchaient le Cryx ? »

« Il n’en a pas dit autant, mais il n’arrêtait pas de laisser entendre qu’il y avait pire que des mercenaires. En plus des histoires de feu de camp, certaines personnes se sont mis ça dans la tête… Eh bien, vous savez ce que c’est ». La curiosité plissa ses sourcils. « Qu’est-ce que vous cherchez exactement ? »

Sam haussa les épaules. « Je le saurai en le voyant. Sais-tu autre chose qui pourrait nous aider ? »

« Les hommes du Roi Baird sont entrés dans l’Octelande il y a quelques mois. Ils y sont allés avec six grands chariots comme le tien, certains remplis de matériaux de construction, les autres remplis de provisions, suffisant pour tenir un siège hivernal. Ils sont revenus moins d’une semaine plus tard, les chariots vides. Ils ne semblaient pas avoir essuyé de tirs, mais ils ne se sont pas arrêtés pour discuter ».

Sam acquiesça : « C’est bon à savoir. Ils vous manquent des produits de premières nécessités ? »

« Maintenant que tu le dis… »

Après un cours troc informel, Sam envoya Dawson chercher quelques outils de rechange et l’une des pioches de rechange de la compagnie. Le Sergent Crawley l’interrogea sur ce que les habitants avaient dit à Sam. Alors qu’il approuvait la libération du matériel de la compagnie, il prononça, : « Tu as l’air confus, soldat ».

« Je comprends que le capitaine veuille interroger les habitants, mais pourquoi troquer avec eux ? »

« Cela crée de la bonne volonté », répondit Crawley. « Ils sont susceptibles de nous en dire bien plus que ce qu’ils confieraient à une brute comme Stannis Brocker. De plus, regarde ce que nous obtenons en retour ».

Sam se dirigeait vers les chariots, un panier de légumes colorés de fin saison dans les bras. Harrow portait un gigot de mouton et Lister un sac de céréale par-dessus son massif épaule.

« Il y a des provisions que nous n’avons pas eu besoin de transporter depuis Tarna ». dit Crawley.
« Et regarde ces poivrons frais ! »

Après cet échange, le capitaine ordonna à la compagnie de se diriger vers l’ouest. Ils ne s’arrêtèrent que lorsqu’ils furent hors de vue du village, Burns déclara, « Pour rassurer les pères de toutes les jeunes filles ».

Sam ordonna que l’on prépare la nourriture pour le soir même. Avant de les laisser dormir, elle se tint devant les soldats rassemblés. « La mauvaise nouvelle, c’est que nous risquons d’avoir de la concurrence pour la prime », déclara-t-elle. « La bonne nouvelle, c’est que c’est Stannis Brocker ».

« C’est une bonne nouvelle ? » demanda Burns.

« Il est peut-être une terreur sur cette bête de guerre qu’il appelle un cheval, mais il n’a pas notre talent pour abattre un warjack ».

« Cela n’aura pas d’importance s’il le trouve avant nous », déclara Lister. « Il le ramènera en morceau et sifflera jusqu’à la banque ».

« Tu crois qu’il a eu le même contrat que nous ? » demanda Crawley.

« Bien sûr que non », déclara Sam. « Le Vieux est venu nous voir pour une raison, et il ne traiterait jamais avec un bâtard comme Brocker ».

« Quelqu’un d’autre aurait pu l’engager » dit Burns.

Les Cerbères marmonnèrent à propos des griffes des khadoréens s’enfonçaient en territoire ordique.

« Ça n’a pas d’importance », répondit Sam. « S’il y a quelque chose d’inhabituel dans l’Octelande, nous serons les seuls à le trouverons. Demain matin, nous partons à la première heure. Allez-vous le Sergent Crawley pour connaître votre affectation. Certains d’entre vous seront en reconnaissance demain ».

* * *


Dans les brumes d’automne, les gaz des marais et divers miasmes fétides entourant les souches d’arbres en décomposition, les Cerbères ne voyaient guère à plus d’un jet de pierre. Les vapeurs mélangées s’accrochaient au sol marécageux ou pendaient comme des toiles d’araignées entre les troncs des aulnes.

Ici et là, les brumes s’accumulaient au sein de creux. Ailleurs, des taches d’un jaune terne suggéraient qu’une imposante bête observait les mercenaires intrus.

Parfois, une vague lumière montait du sol, sa source obscurcie par la brume et la distance. Quand  l’un des cerbères s’avançait vers lui, un camarade posait une main sur son bras et secouait la tête.

« Ne suis pas les lumières cryxienne », dit Lisse à Dawson. « Certaines d’entre elles sont des âmes perdues. Elles te noieront si elles le peuvent ».

Les cris des vrais oiseaux étaient étouffés par le brouillard, mais aucun d’entre eux n’était un chant. Les corbeaux criaient des plaintes ou des avertissements rauques. Des moineaux gazouillaient leur inquiétude, s’envolant brusquement des branches nues de leurs perchoirs lorsque les Cerbères s’approchaient trop près.

Les habitants les plus surprenant de la tourbière étaient les soudaines puanteurs. Certaines jaillissaient lorsqu’une roue de chariot éclatait une poche peu profonde dans la boue. D’autres semblaient dériver dans une bise que personne ne pouvait sentir, ou sourdre des feuilles desséchées d’un arbre mourant.

À voix basse, Sam et Crawley ordonnèrent aux Cerbères de décharger Gully et Foyle. Les mékaniciens effectuèrent une inspection de dernières minutes pendant les ingénieurs chargeaient les foyers en charbon. Crawley enflamma les moteurs et, après avoir réchauffé les chaudières, les warjacks se mirent en mouvement.

Gulliver se tenait droit, levant son monstrueux espadon pour le reposer sur les « épaules » de son large châssis en fer. Le lourd warjack s’éloigna du chariot. De sa main gauche, il plaça sa solide tarde sur son flanc.

Foyle saisit sa lance paralysante et souleva son propre bouclier, beaucoup plus grand, avant que le warjack léger ne s’avance et ne se mette au garde-à-vous.

Une fumée noire s’élevait de l’unique cheminée des jacks. Elle disparut presque immédiatement dans la soupe grise de l’Octelande.

La première sentinelle arriva, essoufflé. Elle salua le capitaine mais fit son rapport au Lieutenant Lister. « Des bruits de bataille, monsieur. J’ai essayé de m’approcher, mais j’ai vu des nuages verts et j’ai estimé qu’il était plus prudent de rentrer ».

« Foutus Cryx », déclara Burns.

« As-tu vu contre qui ils se battent ? » demanda Lister.

« Oui, Monsieur. J’ai vu les contours de leurs hallebardes à travers la brume. Ce doit être les Têtes d’Acier ».

« S’ils combattent le Cryx, je dis qu’il faut avancer ». Lister se tourna vers Sam. « Laissons-les mener leurs propres batailles ».

« Ouais », répondit Burns. « Cela ne sert à rien de risquer nos vies ou nos âmes ».

Sam réfléchit à la question. « Il y a toujours la question de courtoisie professionnelle ».

« Courtoisie avec Brocker. » demanda Lister, incrédule.

« J’emmerde Brocker », cracha Burns, « il ne lèverait pas le petit doigt pour aider un Cerbère ».

« Quand on aura besoin de ton avis, Burns- », répondit Lister.

« Non, il a raison », repris Sam. « Stannis Brocker donne une mauvaise réputation aux mercenaires. Pourtant, je veux savoir pourquoi il est ici. Peut-être chasse-t-il réellement le Cryx. Dites ce que vous voulez à propos de Brocker, mais il est assez courageux pour être aussi fou. Mais s’il en a après notre prime, nous devons le savoir ».

« Je n’aime pas ça, Sam », déclara Lister. « Les Cerbères ne sont pas faits pour combattre le Cryx. Les Têtes d’Acier ont la portée et la vitesse, les fusils et la cavalerie ».

« À moins que quelque chose n’ait changé, Brocker n’a pas de warjacks. Si le Cryx a ne serait-ce qu’un seul helljack, les Têtes d’Acier auront des ennuis. Ce ne sont pas tous des salauds comme Brocker. À tout le moins, nous ne voulons pas que des Têtes d’Acier morts gonflent les rangs de Cryx, n’est-ce pas ? »

Lister secoua la tête.

« Mieux vaut eux que nous », déclara Burns.

« Nous allons regarder de plus près », dit Sam. « Nous nous rapprochons, prêt à tout. S’il semble que les Têtes d’Acier ont les choses bien en main, nous les féliciterons par la suite. Si nous apercevons des helljacks, eh bien, nous sommes les Cerbères. Quoi qu’il en soit, c’est une chance de découvrir pourquoi ils sont ici. Compris ? »

« Oui’s », répondirent les garçons.

« Équipement complet, prêts au combat ».

Les Cerbères avaient déjà leurs lourds filets en bandoulière, leurs gros flingues à la main. Ils avançaient par escouades de quatre. Dawson accompagnait Harrow, Burns et un vétéran de l’armée ordique au visage balafré nommé Morris.

« Qu’est-ce qui ne va pas avec Brocker ? » demanda Dawson. « J’ai entendu dire qu’il était l’un des meilleurs ».

« Il a tellement travaillé pour le Khador qu’il est pratiquement rouge lui aussi », annonça Burns.

« Mais la charte de la compagnie dit que nous ne travaillerons jamais pour le Khador. Cela
n’inclut-il pas d’aider les compagnies qui- ? »

Harrow les fit taire d’un regard sinistre.

À moins de cinquante verges, ils aperçurent au loin de brefs éclairs jaunes. L’instant d’après, ils entendirent le bruit sourd d’un coup de fusil. Bientôt, les Cerbères purent distinguer les cris de voix humaines, le grincement de mécanismes de ‘jacks et d’horribles explosions.

Harrow leva la main pour stopper les autres, puis courut vers l’avant, le pied léger. Il s’agenouilla et toucha quelque chose par terre avant de faire signe aux autres de le rejoindre.

Un homme en armure gisait sur le sol. Ses yeux morts fixaient le ciel, les iris blanchis de la couleur du lait caillé, sa peau de la couleur de la moisissure. Les yeux de Dawson s’écarquillèrent lorsqu’il vit le bas de la cuirasse de l’homme. Le reste du corps avait disparu, il ne restait plus qu’un amas de tripes ravagées répandues sur le sol.

Burns frappa le plastron d’acier de l’homme et regarda Dawson. « Assurément Tête d’Acier ». Il grimaça devant la dévastatrice blessure « Cryx, sans aucun doute ».

Dawson hocha la tête, bouche bée. Un instant d’après, il ferma la bouche contre la répugnante odeur de la puanteur montant du corps mutilé.

« Transmet au capitaine ». Harrow fit un signe de tête à Morris, qui partit en courant.

Harrow détacha sa pioche. Il commença à la lever au-dessus de la tête du mort, mais s’arrêta et se tourna vers Dawson. « Tu n’as jamais fait ça avant », dit-il. Il tendit sa pioche à Dawson. « Achève-le ».

« Mais— Mais il est déjà mort ».

« Assure-toi qu’il le reste », dit Harrow.

Dawson hésita, mais après un regard dans les yeux froids de Harrow, il balança la hache et fendit le crâne du mort en deux. Il eut un haut-le-cœur à ce qu’il avait fait, mais il réussit à ne pas vomir.
Harrow reprit son arme sans un mot de plus.

Les trois Cerbères restant poursuivirent leur progression. Par deux fois, ils s’arrêtèrent pour retourner les signaux manuels des escouades à leur gauche et à leur droite.

Morris revint en courant. « Ils arrivent ».

Un renard paniqué passa devant la jambe de Dawson fuyant la clameur venant de l’arrière.

Harrow leur fit signe de s’écarter alors qu’un bruit de pas de fer géants se fit entendre. Les jeunes arbres se brisèrent sous les warjacks. La tension et le soupir des pistons s’accéléraient à chaque pas. L’atmosphère déjà brumeuse de l’Octelande était assombrie par la vapeur et la fumée de charbon.

Foyle émergea de la brume, se dirigeant à grandes enjambées vers la bataille. Sam le suivait, l’énorme Gully à ses côtés. Lister trottinait juste derrière avec sa propre escouade.

Harrow accéléra le rythme. Les autres s’efforçaient de suivre, tout en se penchant pour mieux voir la bataille la bataille se déroulant devant eux. Les cris de l’infanterie des Têtes d’Acier s’intensifièrent, d’abord par soif de sang, puis en reculant, lorsque la voix grave de leur commandant ordonna une retraite tactique.

Les Cerbères virent les hommes fuir deux imposantes formes aussi grandes que Gully. En silhouette, leurs membres semblaient à la fois plus gracieux et plus anguleux que ceux du lourd Nomade. Dans des nuages de fumée et de vapeur, leurs seules caractéristiques distinctes étaient leurs armes : les réservoirs bouillonnants de venin vert au-dessus de leurs pinces de crustacés sur un bras, et le bulbe obscène de leurs canons nécrocanons à fange sur l’autre.

« Corrupteurs », gueula Harrow. « Si du vert frappe l’homme à vos côtés, éloignez-vous de lui rapidement ».

Des soldats nécropantins décharnés avançaient entre les helljacks. Autrefois humaines, ces choses étaient maintenant des cauchemars de chair et de métal. À chaque bond, leurs articulations mékaniques criaient leur soif de graisse. Leurs mâchoires décharnées claquèrent tandis qu’ils levaient des poings de fer au-dessus de leur crâne, prêts à briser les armures et les organismes vivants qui rejoindraient un jour leur légion de morts-vivants.

« Bougez, bougez, bougez ! » La voix du commandant des Têtes d’Acier résonnait par-dessus tous les autres sons. Les Cerbères l’aperçurent au sommet d’une bête trop épaisse et trop grande pour être un cheval, et qui pourtant dansait parmi l’infanterie en retraite avec la grâce d’un pur-sang. « Bougez, bougez… Couverture ! Feu ! »

Des tirs de fusils ponctuèrent la cacophonie. La volée sembla débarrasser le champ des nécroserfs, mais quelques-uns se précipitèrent, et quelques autres se relevèrent. Préparé pour la charge, les hallebardiers abattirent les monstres avant que leurs poings n’atteignent leurs crânes.

Derrière eux arrivait une autre vague de nécropantins, cette fois soutenus par de corpulentes silhouettes brandissant de fins canons corrodés laissant échapper une vapeur verte.

Comme excités par le carnage, les helljacks crachèrent leurs ignobles distillations. Une goutte verte enveloppa un arbre, faisant fondre le bois alors qu’elle s’enfonçait autour de son tronc. Une autre atterrit par un groupe de fusiliers. L’un réussit à s’enfuir avant que le corps de son camarade n’éclate en un bain de sang. L’autre tomba, déchiqueté par les éclats d’os brisés de son compatriote.

« Fusiliers, retraitent », hurla le commandant. « Bougez, bougez, bougez ! »

Le Cryx suivit les Têtes d’Acier battant en retraite, passant devant les Cerbères sans sembler s’apercevoir de leur approche. Ils avaient l’intention de tuer.

Sam fit un signe. Lister aboya un ordre. Le Sergent dit retentir un sifflement strident.

Harrow pointa du doigt le helljack le plus proche. « Notre cible ».

Foyle s’élança en premier. Le rapide Rapace intercepta le Corrupteur. Au moment où le helljack entamait sa rotation, Foyle enfonça sa lance entre son armure en forme de carénage et sa tête avec défenses. Des éclairs crépitèrent dans le creux sombre alors que la tête du helljack tressaillait de souffrance spastique.

« Tirez le vers le bas », beugla Burns. Il lança son filet, emprisonnant le bras-pince du Corrupteur contre l’articulation pointue de son genou. « Bon sang ! Pas bien ».

Dawson, Morris et Harrow firent de même. Ensemble, les filets lièrent les jambes du helljacks. Le Corrupteur paralysé chancela.

« Reculez ! » cria Sam.

Gully chargea, bouscula le helljack enchevêtré. Le Corrupteur s’écrasa dans la terre marécageuse, l’impact projetant des mottes de terre humides et de la végétation fétide.

Le Nomade abattit son espadon, cisaillant le châssis du Corrupteur. De l’huile noire et du venin vert jaillirent de la blessure.

« Gully, en arrière », cria Sam. « Les garçons ! »

« Démontez-le ! » Burns leva sa pioche et sauta sur le monstre tombé.

Telle des coléoptères sur un rat mort, les Cerbères déferlèrent sur le Corrupteur tombé à terre. Tandis que deux escouades les couvraient avec des gros flingues prêts à tirer, les autres employèrent leurs pioches pour soulever le blindage et exposer les parties vulnérables en dessous. Ils brisèrent les engrenages et coupèrent les tubes alimentant en venin le canon et l’injecteur de la pince.

Sam dégaina son épée et la planta à deux reprises dans les châssis du helljack. La seconde fois, l’énergie coruscante sur la lame démontra qu’elle avait trouvé son cortex. Le Corrupteur sursauta une dernière fois et s’immobilisa.

Lorsqu’ils eurent terminé, le second Corrupteur avait disparu dans la brume, à la poursuite des Têtes d’Acier battant en retraite.

« Garder l’oeil ouvert pour repérer le contrôleur des helljacks, ce n’est pas parce que vous ne le voyez pas qu’il n’est pas juste derrière vous ».

« Par les dents de Morrow, Flippant ! », s’écria Burns. « Cesse d’essayer d’effrayer les gamins ». Burns fut le premier à regarder par-dessus son épaule, les yeux écarquillés de peur.

« Très bien », dit Sam en pointant son épée. « On recommence ».

Les Cerbères coururent à toute allure pour rattraper leur retard. Sam les dirigea en biais pour éviter la ligne de tir des fusils des Têtes d’Acier. Tous les trente verges environ, les Têtes d’Acier faisaient une pause dans leur retraite.

Les Cerbères aperçurent bientôt leur ennemi commun. Les nécroserfs étaient au corps à corps avec les hallebardiers tandis que les fusiliers rechargeaient et visaient, attendant le prochain ordre de tir.

Le sifflet de Crawley retentit trois fois. Sue le flanc gauche des Cerbères, une foule de nécroserfs de Cryx émergea des brumes. Il ne s’agissait pas des soldats décharnés, mais de cœliaques. Les corpulentes silhouettes gargouillaient clapotaient à chaque pas. Des pompes bouillonnaient à l’intérieur de leurs corps autrefois vivants, alimentant en fluides corrosifs les nocifs canons brandit par leurs poignes sans vie.

Sam poussa un juron. « Avancez et tirez ! »

Le Lieutenant Lister et le Sergent Crawley répondirent à son ordre. Certains des récents Cerbères clignèrent des yeux en entendant l’ordre, mais ils obéirent. Les vétérans s’étaient déjà rapprochés à courtes distance et commençaient à tirer.

Les projectiles des gros flingues rugirent sur les morts-vivants boursouflés. Les nécroserfs touchés par le tir de barrage éclatèrent en morceaux fumants, les gaz toxiques dans leurs ventres amplifiant la force des explosions.

Le Cryx riposta. La plupart de leurs charges pestilentielles tombèrent derrière les Cerbères alors que les mercenaires avançaient après chaque tir de barrage. Le temps que les cœliaques ajustent leur portée, les Cerbères firent feu à nouveau.

Crawley fit signe aux hommes autour de lui, leur ordonnant de faire feu sur les nécroserfs se dandinant le plus près. « Ne les laissez pas s’approcher de vous, Cerbères ! »

Les autres nécroserfs firent feu également, mais leur cible n’était pas les Cerbères. Ils tournèrent leurs armes vers les warjacks. Sam tourna Gully et Foyle afin de faire face au Cryx juste au moment où un barrage de bile pulsée se dirigea vers eux.

« Boucliers levés ! » ordonna Sam. Elle bondit derrière Gully, s’abritant derrière le warjack lourd.
Les charges corrosives éclaboussèrent le large bouclier de Foyle et les épaules plaquées de Gully. Au fur et à mesure que le pernicieux liquide bouillait, le châssis du warjack devint brûlant, ses bords extrêmes se teintant de blanc.

Sam s’éloigna d’un bond, examinant les dégâts. « Pas trop de mal », décida-t-elle. « Gully, Foyle, chargez ! »

La vision de deux warjacks se précipitant vers eux attira l’attention des nécroserfs. Alors que les monstruosités dandinantes luttaient pour ajuster leur portée, les Cerbères les abattirent avec leurs gros flingues. À l’instant où tirs cessèrent, Foyle en empala un et Gully en trancha un autre, répandant l’immonde contenu de leurs corps corpulents sur le sol marécageux. En quelques instants, il ne restât de Cryx qu’une odeur nauséabonde et un terrain suintant d’un gaz lourd, vert-jaune.

« Nous n’en avons pas encore fini », annonça Sam. « Lister, fais-moi un rapport sur les blessés. Crawley, reformation autour de moi. Gully, Foyle, faites face ».

Au moment où les warjacks faisaient à nouveau face à la bataille battant en retraite, Lister ne signala aucune perte sérieuse.

« Très bien, alors », répondit Sam. « Abattons cet autre Corrupteur ».

Alors qu’ils se rapprochaient à nouveau, le helljacks restant tenait un hallebardier hurlant dans sa pince. De son autre bras, il bombardait une escouade de fusiliers en retraite avec son nécrocanon à fange. L’obus visqueux frappa l’une des Têtes d’Acier, faisant éclater le corps de l’homme en un bain de sang jaune vert. Les hommes à proximité hurlèrent tandis que les vapeurs infernales faisaient fondre la chair de leurs os.

« Foyle, charge ! » lança Sam en courant à côté de Gully. Les Cerbères suivirent.

Avant que le ‘jack n’ait parcouru la moitié de la distance, le Corrupteur brandit son prisonnier se tortillant. La bouche de l’homme s’ouvrit en grand. Au lieu d’un cri, un e vapeur bilieuse s’échappa. Il secoua la tête d’un côté à l’autre, les bras tremblants se dressant en griffes tordues. Des énergies noires crépitaient autour de ses doigts, ratatinant la chair alors même qu’elles conjuraient des magies noires.

« Reculez ! », tonna la voix du commandant Tête d’Acier. « C’est l’œuvre d’une liche de fer ».

Des flammes noires jaillirent des mains du captif, décrivant un arc de cercle à travers le champ de bataille brumeux. Elles tombèrent près d’une silhouette à cheval, à peine visible à travers la brume. Son cheval s’éloigna en dansant du feu nécromantique, mais les maléfiques flammes frappèrent un fusilier se trouvant à proximité. L’homme hurla tandis qu’un spectre cendreux s’élevait de son corps pour voler vers la source du sort. Sa carcasse décharnée tomba au sol.

« oh, Morrow », marmonna Burns. « C’est un harceleur d’âmes ».

Foyle atteignit le Corrupteur, sa lance paralysante glissant sur le plastron lisse du helljack. Le Rapace recula pour un autre coup, mais le Corrupteur se retourna.

« Merde » s’écria Sam. « Gully, charge ! « Cerbères, avec moi ! »

Cette fois, elle courut devant le warjack lourd, levant son épée alors qu’elle chargeait.

Le Corrupteur laissa tomber la carcasse vidée de son captif et s’approcha de Sam.

Foyle slamma le helljack avec sa targe, mais le ‘jack Cryx tint bon. Il repoussa le Rapace avec son bras-canon, les pinces claquant en prévision d’une mortelle étreinte.

Juste avant que le helljack ne l’atteigne, Sam se précipita sur le côté et plongea entre les jambes de Foyle. Rentrant son épée d’un geste habile et pratiqué, elle bascula vers l’avant pour remonter. Le Corrupteur se retourna, mais le warjack léger leva sa lance, parant pour protéger son marshal.

Sam leva son épée vers le haut, la lame crépitant d’électricité alors que sa pointe se plantait juste sous les défenses jaunies du helljack.

Un instant après, l’espadon de Gully s’abattait, sectionnant le nécrocanon à fange du helljack de son réservoir. Le Corrupteur riposta en serrant ses pinces autour du bras armé du Nomade.

Avec un cri, les Cerbères lancèrent leurs filets restants. La plupart atteignirent leur but, nouant les jambes du Corrupteur ensemble et bloquant son équilibre en un seul point. Le helljack bascula. Le premier des Cerbères sauta sur son châssis avant qu’il ne touche le sol.

« Attention au venin ! » Crawley avertit Dawson lorsque le soldat fracassa les récipients en verre. Le fluide corrosif siffla en brûlant profondément le limon.

« Oui, Sergent ! » Dawson leva sa pioche pour frapper à nouveau, enfonçant profondément dans les soudures de l’armure du helljack.

À proximité, les fusils des Têtes d’Acier tiraient dans la direction opposée. Alors que les nécroserfs de Cryx se retiraient, leurs sergents ordonnèrent aux fusiliers de se regrouper derrière les hallebardiers. L’un deux annonça que le gros des forces du Cryx s’était replié vers le nord. Un autre siffla le silence et pointa du doigt les Cerbères grouillant autour du Corrupteur tombé.

Sam essuya l’huile de sa lame et rengaina son arme. « Des pertes ? » demanda-t-elle à Lister.

Le grand lieutenant compta avec son pouce sur ses doigts. « Où est Swire ? »

« Ici, monsieur », répondit un soldat debout derrière la fournaise du Corrupteur.

« Tous présents et mobile, capitaine ».

« C’est ce que j’aime entendre ».

De tonitruants bruits de sabots se rapprochèrent. Un immense homme émergea des brumes par l’est. Sur une épaule, il portait une lame de combat presque assez grande pour Gully. De son autre main pendait un bol noir festonné contenant trois crânes et une masse de viscères de chair et de métal, ou du moins c’est ce qu’il semblait à première vue. Au fur et à mesure que l’homme s’approchait, il devint évident que l’objet était en réalité un groupe de tête coupées de la liche de fer surveillant qui dirigeait les Corrupteurs. Trois coups d’estoc les avaient tranchées du haut du corps armuré de la créature.

Burns siffla faiblement. « J’ai entendu dire que Brocker était un monstre avec cette lame, mais je serai damné si je pensais qu’il pouvait faire ça ».

Les Têtes d’Acier qui pouvaient encore se tenir debout le firent, acclamant le retour triomphal de leur commandant, mais leurs voix étaient tempérées par la perte. Trop de leurs compagnons soignaient les blessés ou gisaient sur le sol, impuissants.

« Pourquoi Stannis ? » demanda Sam. « Tu m’apportes toujours les cadeaux les plus charmants ».

« Que diable faites-vous ici ? » Stannis Brocker donna un coup de genou à son cheval pour s’approcher d’elle. En s’approchant, les Cerbères purent constater qu’il était de la taille des chevaux de train de leur train chariots. Seul son gigantesque cavalier le faisait paraître plus petit de loin.

« Tu veux dire à part te sauver de ces Corrupteurs ? »

« Je les avais sous contrôle ».

« Si vous aviez reculé plus vite, vous seriez déjà en train de pelleter de la neige à Korsk ».
Après avoir prononcé le nom détesté, Sam tourna la tête et cracha par terre. Tous les garçons et la plupart des hommes firent de même à l’unisson.

Un rire de surprise échappa à Dawson. Brocker lui lança un regard furieux jusqu’à ce qu’il le couvre d’une toux feinte.

Les autres Têtes d’Acier regardèrent leur chef, retenant leur souffle en attendant sa réaction.

« Vous les entraîner à cracher, n’est-ce pas ? »

« Nous avons tous nos petits plaisirs. Ces tâches sur ta lèvre, par exemple. Est-ce que quelqu’un les a déjà prises pour de vraies moustaches ? »

Brocker montra ses dents. Contrairement à son visage bronzé et balafré, elles étaient très grandes et très blanches. Lorsqu’il grimaça, ses moustaches en brosse apparaissaient d’autant plus ridicules. « Tu es drôle, MacHorne », répondit-il. « Pour une femme. D’habitudes, je n’aime pas que mes femmes soient drôles, mais dans ton cas, je ferai une exception. Quand nous aurons fini d’écraser ces nécroserfs, tu pourras venir dans ma tente et me raconter quelques mauvaises blagues ».

Les Cerbères se hérissèrent. Burns s’avança, mais Liter posa une main sur sa grosse épaule.

« Une mauvaise blague est à peu près tour ce que je trouverais dans ta tente, Brocker ». Sam couvrit la poignée de son épée, ne laissant que cinq centimètres entre sa main et la crosse.

Même les Têtes d’Acier gloussèrent, du moins jusqu’à ce que Brocker les fasse faire d’un regard de mort.

« Mais assez parlé de tes défauts », déclara Sam. « Qui t’a engagé pour chasser le Cryx ».

« La meilleure question est, qui diable embaucherait votre bande de rebuts ? Ou êtes-vous ici par vous-même, à la recherche de pièces détachées ? Je vous que vous en avez trouvé assez pour fabriquer deux warjacks pour un spectacle de marionnettes ».

« Tu veux dire les gros bras qui viennent de vous sauver la mise ? » demanda Sam. « Tu n’as pas répondu à ma question. C’est Baird, n’est-ce pas ? »

Brocker haussa les épaules. « Je n’ai aucune raison de te dire quoi que ce soit ».

« Je peux », dit-elle en haussant le ton. « Pense à combien d’autres de tes hommes ces Corrupteurs auraient pu bouleverser si nous ne nous étions pas montrés. À tout le moins, tu me dois des remerciements ».

Quelques soldats Têtes d’Acier hochèrent la tête jusqu’à ce qu’ils voient Brocker les observer. Celui-ci se renfrogna et réfléchit avant de répondre. « Le Roi Baird fait très attention lorsqu’il engage ses propres troupes, en particulier dans des endroits comme l’Octelande. Oui, nous collectons des primes sir les unités d’infiltration de Cryx et nous aurions pu nous en sortir sans ‘aide’, mais cette opération était différente, comme s’ils recherchaient autre chose que de supprimer des tombes standard ».

« Tu vois ? Ce n’était pas si difficile. Un jour où l’autre, tu vas pouvoir me dire « Merci de m’avoir sauvé la peau, Sam’ ».

« Je préférerais te mettre son mon genou », répondit-il. Son rictus disparut et fut remplacé par un regard lubrique. « Et t’apprendre à aimer ça ».

« Pourquoi, fils de pute rouge, lécheur de bottes- » Burns s’élança en avant. Cette fois, il fallut le poids combiné de Lister, Lisse et Crawley pour le retenir ».

Sam ne quitta pas Brocker des yeux ». Je ne peux pas dire à quel point j’ai apprécié notre petite discussion, mais je remarque tu es pressé. Si tu ne parts pas maintenant, tu ne rattraperas jamais le reste de Cryx ».

« Tu ne pas toujours pas dit ce que tu faisais dans l’Octelande » déclara-t-il.

« C’est exact ».

« Mais je t’ai dit- »

« Et je l’apprécie. Laisse-moi te témoigner ma reconnaissance ». Elle s’inclina et fit un geste de la main : « Merci Stannis. Tu vois comme c’est facile ? »

Alors que Brocker lui jetait un regard noir, Sam poursuivit. « Venez les Cerbères. Laissons les Têtes d’Acier bénir leurs morts et rassembler les primes ».

Sam appela Foyle et Gully, ce dernier développant un gémissement strident à chaque pas. Les Cerbères retournèrent vers leurs chariots, passant devant les corps des nécroserfs de Cryx et des Têtes d’Acier.

Lorsque Sam s’arrêta pour jeter un coup d’oeil en arrière, ceux qui étaient les plus proches d’elle firent de même. Derrière eux, les Têtes d’Acier ratissaient les champs pour récupérer leurs morts. Ils collectèrent les mains des nécroserfs morts et découpèrent les cortexes des helljacks.

« Tu sais qu’il ment probablement », déclara Lister. « Cette collecte de primes pourrait n’être qu’un spectacle ».

Sam acquiesça. « Probablement. Mais son histoire a du sens. Pendant qu’il poursuit ces cryxiens, je veux revenir sur leurs pas, découvrir d’où ils viennent. Même si Brocker ne s’en prend pas à notre objectif, il y a de fortes chances que les cryxiens le soient. Ils sont toujours à la recherche - Fils de pute ! »

Les garçons se retournèrent pour voir ce qui avait fait jurer leur capitaine. Les Têtes d’Acier empilaient les cadavres de leurs camarades tombés au combat avec du bois mort et du petit bois. Sous les yeux des Cerbères, les hommes de Brocker jetaient des brandons enflammés sur les hâtifs bûchers.

« Ce n’est pas une façon de traiter un camarade », grogna Lister.

« Pourquoi brûlent-ils les corps, demanda Dawson.

« Pour empêcher le Cryx de les récupérer en pièces détachées », répondit Burns. Il frissonna. « Et les âmes ».

« Les âmes ? » dit Dawson. « Je pensais que c’était juste- »

Burns l’éloigna et s’exprima doucement, ses yeux sur Sam alors que ses épaules se voûtaient et qu’il regardait fixement les Têtes d’Aciers brûler leurs camarades. « Nous ramenons nos morts à la maison », déclara Burns. « Et nous bénissons leurs corps pour préserver leurs âmes contre le Cryx. Nous les brûlos jamais. Ce sont les règles de Sam. Pas d’exception ».

Les Cerbères observèrent en silence Sam serrer et desserrer ses poings.

Enfin, Lister rompit le silence lorqu’il se tourna vers Sam. « Vos ordres, m’dame ? »

« Demande à Crawley et aux mékaniciens d’examiner de près les ‘jacks. Gully à besoin d’attention. Une fois qu’ils seront prêts nous laisserons ses gros idiots marcher un peu. Garde la moitié de la troupe sur les chariots, les autres soutiennent des ‘jacks. Envoie aussi deux hommes en reconnaissance à l’arrière, avec un rapport toutes les demi-heures. Je veux savoir si les Têtes d’Acier nous suivent. Il se peut qu’ils aient le même travail que nous ».

« Je n’arrive pas à croire que le Vieux ait engagé un animal comme Bocker ».

« Il ne le ferait pas », répondit Sam. « Mais quelqu’un d’autre aurait pu le faire. Le Vieux n’est peut-être pas le seul à avoir entendu parler de cet étrange ‘jack dans l’Octelande ».

« C’est génial », déclara Burns. « Nous allons danser avec les Têtes d’Acier, le Cryx et qui sait quoi d’autre, et nous ne savons toujours pas si nous sommes participons à une putain de chasse au gobber ».

« Je ne pense pas que ce soit le cas », dit Sam. « Avec une telle concurrence dans la lande, je parierais même que nous poursuivons un dragon ».

33
PARTIE UNE

Dawson dévalait Lantern Street en criant : « Crawley ! Harrow ! Pamuk ! Burns ! Lieutenant Lister ! Cerbères ! »

Il trébucha sur un mendiant cul-de-jatte agrippant à une paire de blocs de bois pour marcher sur les mains. L’homme tomba sur ses moignons. Jurant, il secoua un bloc boueux après Dawson. « Regarde où tu vas, espèce de bon à rien- »

« Désolé ! » Dawson sortit quelques piécettes de son sac et les jeta par-dessus son épaule. Elles tombèrent dans une flaque d’eau à côté du mendiant.

« Ça me dérangerait pas de les empocher ? » grommela l’homme. Il se planta à côté de la flaque pour en extraire les pièces.

Dawson continua à courir, criant en direction des balcons du deuxième étage : Cerbères ! Lieutenant Lister ! Caporal Pamuk ! »

Dawson tenta de s’écarter de la trajectoire d’une vendeuse trollkin, mais son épaule fait tomber deux des poulets rôtis suspendus au bâton de son épaule. Ils s’écrasèrent sur rue boueuse. « Désolé ! »

« Quatre poids d’argent ». La trollkin tendit une main de la taille d’une pelle. Par-dessus son menton bleu, elle fixait Dawson, qui mesurait 5 centimètres de mois qu’un mètre quatre-vingts et paraissait plus petit qu’elle.

Cette fois, Dawson s’arrêta en retirant la somme de son sac. Il plaça les pièces dans la main caillouteuse de la trollkin avant de reprendre sa recherche.

« Gaspillage de nourriture parfaitement bonne », grommela la trollkin. Avant qu’elle ne puisse se pencher pour récupérer les poulets tombés au sol, le mendiant en avait calé un entre son menton et sa poitrine et s’éloigna à grands pas sur ses blocs.

« Crawley ! Harrow ! Pamuk ! Burns ! Lieutenant Lister ! Cerbères ! N’importe qui ? »
« Chéri, tu cherches Lisse Pamuk ? » Une courtisane se penchait sur la balustrade de son balcon. Deux lanterne éponymes de la rue brillait à chaque extrémité de la balustrade, annonçant sa disponibilité.

« Savez-vous où je peux le trouver ? »

« Cela dépend », dit-elle. « Tu sais payer sa notre ? »

Dawson pesa son sac d’une main. « Combien ? »
« Vingt-six royals ».

« Vingt-six ?! »

Elle haussa les épaules et se détourna, faisant signe à un homme de l’autre côté de la rue.

« Attendez ! Attendez ! J’arrive tout de suite ».

Dawson fit irruption dans le salon de la maison close, évitant une femme peu vêtue montée sur le dos d’un client jouant le rôle d’un âne. L’homme se cabra et braya sur Dawson alors qu’il passait devant lui.

« Désolé ! Désolé ! »

La maquerelle trop maquillée leva les yeux de derrière un comptoir sur lequel elle comptait des jetons colorés, chacun peint avec une variation différente sur un thème commun de deux – parfois trois, ou plus – corps enchevêtrés. À la vue de Dawson, elle posa un chiffon sur les jetons et souris. Ses chaussures claquèrent sur le sol alors qu’elle contournait le comptoir.

« Si pressé, jeune homme ? Asseyez-vous et dites-moi exactement ce que vous aviez en tête- » Elle repéra l’emblème peint sur son épaulière. « Cerbères ! J’avais l’intention d’avoir un mot avec votre sergent au sujet de l’exceptionnel Lisse — Où pensez-vous aller ? »

« Désolé ! » Dawson contourna la maquerelle et s’élança dans les escaliers. La courtisane qu’il avait aperçue dans la rue l’attendait dans le couloir, la paume ouverte.

Dawson compta vingt-six pièces d’or dans sa main. Ses sourcils se haussèrent de surprise, mais elle désigna le couloir vers la grande suite. Dawson enleva une casquette invisible et dit : « Merci beaucoup ».

Il courut dans le couloir et franchit la double porte de la suite. À l’intérieur, le Caporal Pamuk était assis dans une baignoire fumante. Le corps de l’homme brun était une masse de muscles, presque trop pour la baignoire, mais une jolie jeune femme était assise derrière lui dans l’eau. Elle passait un rasoir argenté sur son cuir chevelu. À la soudaine arrivée de Dawson, elle leva les yeux. Pamuk siffla. Une tache de sang apparut sur la lame brillante.

« Bon sang, soldat ! » dit Pamuk en touchant la blessure. Il goûta le sang et se renfrogna. « Tu as intérêt à avoir une sacrée bonne - »

« Réunion d’urgence, monsieur », déclara Dawson. « Le capitaine a dit : Allez chercher tous les garçons, vite ».

« Mais nous n’avons pas- »

« Elle a un contrat, caporal. Un travail rémunéré ».

« Pourquoi ne pas l’avoir dit dès le début ? Et ne m’appelle ‘caporal’. C’est Lisse ».

Sa coiffeuse caressa son crâne rasé et dit : « C’est certainement le cas ».

Lisse se leva, éclaboussant la prostituée avec l’eau du bain. Il mesurait bien vingt centimètres de plus que Dawson. Apparemment, sa tête était la dernière partie de son corps à avoir été rasée.

« Ne reste pas planté là, soldat- »

« Dawson, monsieur ! J’ai signé la semaine dernière ».

« C’est très bien, Dawson. Maintenant, donne-moi cette serviette ».

Dawson s’exécuta. Lorsqu’il remarqua la femme le fixer depuis la baignoire, il alla lui en chercher une autre pendant que Lisse enfilait son équipement : un pantalon en cuir épais, de grosses botte, des épaulières en acier, des protège-coudes et des genouillères. Enfin, il s’empara de sa veste en cuir. Sur son dos était peint un féroce chien cornu, emblème de la Compagnie Cerbère.

La jeune femme essuya soigneusement le rasoir sur une serviette avant de le tendre à Lisse. Il lui donna un baiser et glissa le rasoir dans une poche de sa veste. « Merci poupée ».

Dawson se tourna pour sortir par la porte de la suite.

« Pas par là », dit Lisse. « C’est le moment de faire les comptes ».

Le claquement d’un pas rapide se fit entendre dans le couloir. Dawson grimaça en reconnaissant le bruit des chaussures à semelle rigide de madame. Il jeta un coup d’oeil par la porte pour la voir s’approcher, les épaules carrées, le menton rentré, prête au combat.

« Tout va bien », dit Dawson, «  j’ai payé votre note ».

« Tu as apporté un jeton ? »

« Quoi ? Non bien sûr que non ».

« Alors, je t’assure que tu n’as pas payé ma notre ». Lisse referma la porte de la suite. Après un moment de réflexion, il poussa une vanité devais eux.

« Lisse ! » Beugla la dame. Elle frappa la porte de la suite avec la force d’un berserker ogrun, faisant trembler le miroir de la vanité. « Je sais que vous êtes là ».

Lisse et Dawson passèrent par-dessus le rebord de la fenêtre, se glissèrent sur l’avant-toit et se laissèrent tomber dans la rue.

« Où sont les autres ? » Demanda Lisse.

« J’espérais que vous pourriez me le dire, caporal », répondit Dawson. « Je veux dire, Lisse ». Lisse le fixa et secoua la tête. « Pourquoi le capitaine t’a envoyé, alors ? » demanda-t-il.  « Très bien, suis-moi ».

Ils descendirent la Rue de la Lanterne jusqu’au Marché de la Rouille, quelques rues plus loin. La fraîcheur des ombres commençaient à s’accumuler aux pieds des bâtiments. Des nuages voilaient le soleil couchant.

« Flippant ! » cria Lisse.

Le Sergent Crawley leva les yeux d’une table pleine de pistons. Ses lunettes pendaient autour de son cou maigre. Le bout de son bonnet tombait mollement sur ses épaules. Il reporta son attention sur un piston de warjack, l’une des nombreuses pièces récupérées disposées sur des tables abîmées sous la tente du marchand. « Qu’est-ce que tu veux, Lisse ? »

« Le Capitaine MacHorne veut que les garçons rentrent rapidement », déclara Dawson.

Crawley leva les yeux, comme s’il remarquait Dawson pour la première fois. « Tu as de l’argent ? »

« Plus grand-chose », répondit Dawson en secouant le sac. « Mais le capitaine a un nouveau contrat ».

« Pourquoi ne pas l’avoir dit dès le départ ? » Crawley repoussa le piston sur la table.
« C’est ce que je lui ai dit », déclara Lisse.

« Je ferais mieux d’aller chercher le lieutenant », dit Crawley. « Il est quelque part dans le coin, en train d’engueuler le patron d’un bazar.

Les trois hommes passèrent encore deux coins au milieu de l’ensemble déroutant d’étals de bric-à-brac du marché avant d’entendre la preuve de la déclaration de Crawley.

Sur une plate-forme en bois, deux grands hommes se tenaient nez à nez, chacun essayant d’assommer l’autre avec des mots avec des mots durs lancé d’une voix forte. Derrière eux se tenaient deux rangées de warjacks déclassés recouverts de bâches. Chaque géant d’acier était enchaîné à d’énormes ancres de pierre enfoncées dans le sol. À proximité, un panneau en fer rouillé indiquait : « Achat & Vente ».

Lisse et Crawley grimacèrent face à la querelle et se regardèrent avant de se tourner vers Dawson.

« Passe ton message, Dawson », déclara Lisse.

Dawson déglutit avant de se rapprocher des belligérants. « Lieutenant Lister, Monsieur ! »

L’homme chauve et à la barbe noire continuait de jurer à la face du marchand de ‘jack à la barbe rousse. Un gros cigare éteint dansait à chaque syllabe, menaçant de chatouiller le nez du vendeur. « Je n’ai jamais accepté une majoration de trente-cinq pour cent sur le rachat ! »

« Si vous tardez, les prix grimpent ! », beugla le marchand. « Ce n’est pas de ma faute si vous, les cerbères, ne pouvez pas payer vos factures ».

« Vous ne savez rien des vicissitudes du mercenariat, petit ramasseur de ferraille crasseux ».

« Lieutenant, Monsieur ! »

« Calme-toi, soldat. Tu ne vois pas que je suis au milieu d’une délicate négociation ? »

« Ordres du capitaine, Monsieur ! Regroupement rapide, Monsieur. JOB, Monsieur ! »

Lister fit volte-face, tournant le dos au vendeur, qui fit un geste vulgaire sous le menton.

« Eh bien, pourquoi ne l’as-tu pas dit en premier lieu ? » Il sauta de la plate-forme, s’éclaboussant de boue ainsi que les autres cerbères. « Qui manque à l’appel ? »

« Harrow et Burns, Monsieur ! »

Lister fit un vague signe de la main au-delà du Marché de la Rouille, vers une rangée de boutiques. « Harrow est là-bas, quelque part ».

Ils se séparèrent pour scruter les devantures jusqu’à ce que le Sergent Crawley fasse retentir son sifflet de signalisation. Ainsi appelés, ils s’entassèrent dans une boutique sous l’enseigne d’une paire de pistolet.

À l’intérieur, un homme au visage dur se tenait en face du propriétaire et examinait l’intérieur du canon d’un nouveau gros flingue. Ses yeux et ses cheveux courts étaient à la couleur de l’acier nouveau. Entre lui et l’armurier se trouvait un plateau de jeu dont la plupart des pièces avaient été mises de côté, capturées.

Dawson fit un pas en avant. Harrow se retourna et le paralysa d’un regard. Dawson recula pour se placer à côté de Crawley. « Si cela ne vous dérange pas, sergent, peut-être pourriez-vous être celui qui le dira au caporal- »

« Harrow, boulot ! » aboya le Lieutenant Lister.

Harrow posa son arme et s’éloigna sans prononcer un mot à son adversaire.

Alors que les hommes quittaient la boutique, Lisse frappa Dawson à l’épaule, juste assez fort pour laisser une ecchymose. « Tu vois, C’est la façon de faire ».

« Maintenant, où est Burns ? » demanda Crawley.

« Où d’autre ? » dit Harrow. Sa voix était le bruit d’un obus chargé dans une chambre.

« Il y en a un », déclara Lisse. Il fit un signe de tête en direction d’une taverne à l’enseigne d’un cochon sifflant sous les jupes d’une dame effrayée. « Je crois que j’entends sa voix ».

Ils passèrent devant une statue de Madruva Dagra. Des flammes de gaz s’échappaient de chacune des paumes en coupe. Un trio de corbeaux humides étaient perchés sur ses bras, les yeux scrutant la rue à la recherche de nourriture.

Alors qu’ils s’approchaient du Cochon Sifflant, les hommes entendirent l’interprétation de Burns, de « Blue Rose in Winter ». Le grand homme était assis sur le rebord de la fenêtre, ses cheveux blonds bouclés rejetés en arrière tandis qu’il entonnait la chanson. Ses bras étaient aussi épais et durs que ceux de Lisse. Un public d’ouvriers d’usine frappaient leurs chopes sur les tables en rythme avec sa chanson.

« Euh, oh », dit Crawley, sa voix fluette se brisant. « Il interprète sa version spéciale ».

« C’est bien », dit Lisse. « Ce n’est pas comme s nous étions près de la frontière khadoréenne ».

« Dis-le à ces types ». Crawley pointa du doigt la taverne bondée.

Des mercenaires aux longues moustaches étaient accoudés au bar. Leurs insignes avaient été arrachées depuis longtemps, mais leurs longs manteaux étaient incontestablement khadoréens. À proximité, quatre autres khadoréens costauds étaient assis à une table, ne buvant pas leurs bières. Leurs mines renfrognées s’accentuaient à mesure qu’ils écoutaient les paroles révisées de Burns. Dans sa version de la chanson, l’amant de la princesse était un habile rétameur ogrun.

Lorsque Burns en vint à la partie où la princesse avoue son amour dans un couplet de rime obscènes, les mains des étrangers se portèrent à la poignée de leurs épées. Alors qu’ils s’avançaient vers Burns, leurs compatriotes se levèrent de table pour les soutenir.

« Sortez-le delà », déclara Lister.

« Oui, Monsieur ! » répondit Dawson. Il courut après le Sergent Crawley, qui se frayait déjà un chemin à travers la porte bondée. Désireux d’assister à une bagarre, les clients ne firent aucun effort pour s’écarter de son chemin.

Burns semblait inconscient à la fois des mercenaires qui s’approchaient et des cris de ses compagnons Cerbères. Alors que l’un des khadoréens dégainait son épée, Burns attrapa son casque d’acier et le balança avec force. L’homme tomba en arrière, serrant son nez qui ressemblait maintenant à une fraise écrasée.

La main de son partenaire quitta son épée et sortit un pistolet de l’intérieur de son manteau. Alors qu’il braquait l’arme sur le visage du chanteur, Burns balança à nouveau son casque. Le pistolet fit feu. Un ricochet frappa le casque et fit exploser un morceau de pierre de l’âtre avant de faire voler en éclats de bouteilles derrière le bar.

« Pas de pistolets ! » cria le barman avant de plonger à l’abri.

Burns donna un coup de tête au deuxième khadoréen, faisant du nez de l’homme un équivalent de celui de son compagnon.

Les clients applaudirent. Certains se levèrent pour attraper les gardes du corps des khadoréens. D’autres portaient des coups de poing à des cibles aléatoires.

« Tiens-toi loin de ma fille ! » cria quelqu’un avant de frapper l’homme à côté de lui.

« Tu ne paies jamais une tournée ! » Un autre homme sauta d’une table pour étrangler son compagnon de beuverie.

« Je ne te connais même pas ! » Un homme costaud donna un coup de poing dans le ventre à un étranger et regarda autour de lui en souriant, à la recherche d’un autre adversaire.

La taverne explosa en une bagarre générale lorsque les clients virent l’occasion de régler des querelles latentes ou simplement de se défouler après une journée de travail dans les moulins.

Lise bondit par la fenêtre ouverte derrière Burns. Il enroula ses bras massifs autour de la taille de Burns et le tira en arrière. « Nous n’avons pas le temps pour ça ».

« Qu’est-ce que tu fais, Lisse ? » beugla Burns. Il passa un doigt dans le trou de balle de son casque et fronça les sourcils de chagrin.

Lisse grimaça sous l’effet de l’haleine de bière. « Nous te sortons d’ici ».

« Boulot, caporal ! » cria Dawson, essayant de se frayer un chemin vers l’extérieur de la taverne. « Le capitaine à un boulot ».

« Oh, d’accord »,répondit Burns. Lorsque Lisse le relâcha, il se retourna vers la bagarre. « Je veux apporter un dernier point ».

Alors que les belligérants khadoréens se redressaient sur leurs pieds, Burns balança son casque dans un large arc horizontal, les faisant tomber tous les deux d’un seul coup.

Crawley souffla un puissant coup de sifflet de son sifflet de signalisation en cuivre. « Cerbères, dehors maintenant ! »

« Eh bien, merde », dit Burns. « Je ne faisais que m’échauffer. Serrant son casque cabossé, il s’empara de la chope d’un étranger et suivit Lisse par la fenêtre de la taverne.

« C’est ma bière », hurla l’homme en tenant son adversaire inconscient par le col.

Le tavernier se fraya un chemin à travers la foule de ses clients. « Vous n’irez nulle part tant que vous n’aurez pas payé les tournées que vous avez achetées ».

« Combien cette fois ? » demanda Crawley.

Burns s’arrêta pour roter. « Deux ou trois, peut-être ».

« Neuf ! » cria le tenancier de la taverne. « Vous, les Cerbères, vous me devez nonante six royal, sans parler des dommages ! »

« Ça pique ! » dit le lieutenant Lister. « Courez, Cerbères ! ».

« Restez groupé », cria Crawley. « Ouvre la voie, Dawson ».

Ils se frayèrent un chemin hors du quartier du marché et coururent vers le Fleuve de la Langue du Dragon. Un khadoréen au nez ensanglanté les poursuivit deux de ses hommes derrière lui. Quelques rues plus loin, les sifflets et les cris de la Garde de Tarna se joignirent à la chasse.

S’éloignant de la promenade fluviale, Dawson se précipita dans les tortueuses ruelles de la Rue des Moulins, espérant semer ses poursuivants dans les vapeurs de charbon et de teinture. L’eau de javel lui piquait les yeux, et le cliquetis mékanique des métiers à tisser actionnés à vapeurs submergeait les cris de leurs poursuivants.

Les Cerbères émergèrent dégoulinant et noircis par la suie, mais personnes les avait suivis hors du passage rempli de vapeur. Le ciel s’était assombri. Une brise fraîche soufflait sur Tarna depuis la Langue du Dragon.

Dawson ouvrait la voie vers l’entrepôt loué par la compagnie. À côté de la massive porte, l’un des hommes avait dessiné à la craie l’emblème du chien cornu de la compagnie. Une bruine de pluie provoquait un crépitement sur le toit en tôle du bâtiment.

« Bon travail, Dawson », déclara Crawley.

Dawson se tint plus droit jusqu’à ce que Burns ajoute : « Ouais, nous saurons qui taper la prochaine fois que nous devrons fuir un combat ».

« Harrow fit glisser la porte et les autres entrèrent. Dawson voulu les suivre, mais Crawley lui barra la route. « Désolé, Dawson. Le briefing est réservé au ‘garçons’. Va rejoindre les reste des hommes. J’expliquerais tout lors du deuxième briefing ».

Dawson ne savait pas ce qu’il fallait faire pour devenir l’un des ‘garçons’, mais il était évident que cela n’incluait pas les fantassins comme lui.

« Mais je… » Les épaules de Dawson s’affaissèrent. « Oui, sergent ».

Crawley lui adressa un sourire, mais ses dents tachées étaient plus effrayantes que réconfortantes. Il referma la porte.

* * *

Le Capitaine Samantha ‘Sam’ MacHorne se tenait sur un échafaudage en bois, un pied posé sur une caisse portant l’inscription « Graisse pour Engrenages de Qualité n°4 ». Appuyant un coude sur son genou, elle regardait ses hommes, les vétérans de la compagnie de mercenaire Cerbère. Ses longs cheveux blonds tombaient négligemment sur son visage, sauf là où les lunettes qu’elle portait sur son front les empêchaient les maintenaient hors de ses yeux.

Derrière elle se profilait le warjack Gulliver, un modèle Nomade de trois mètres soixante de haut et sept tonnes de destruction à vapeur. Son châssis en fer ressemblait à une caricature musclée d’un fantassin en armure. Au lieu de fragiles articulations et ligaments humains, il reposait sur des lourds engrenages et des pistons suffisamment solides pour faire avancer un bateau fluvial. Son énorme espadon et sa solide targe étaient posés contre le mur de l’entrepôt.

« Le vieil homme a un travail pour nous », dit-elle. « C’est potentiellement lucratif ».

« Il était temps », déclara Lister. Le lieutenant était assis au bord d’un autre échafaudage, se grattant sa tête chauve juste à côté d’un tatouage de Cerbère. Derrière lui se tenait l’autre warjacks opérationnel, un Rapace nommé Foyle. Un mètre plus petit et deux fois moins lourd que le Nomade, le Rapace tenait une énorme lance paralysante dans une main et un large bouclier dans l’autre. « Je commençais à croire qu’il ne nous aimait plus ».

« Ce n’est pas ça », répondit Sam. « Tu sais qu’il aime faire correspondre l’unité au job ».

Le reste des Cerbères était assis en demi-cercle grossier sur des caisses et des demi-tonneaux. Ils se penchèrent en avant, observant leur capitaine. Seul Harrow ne semblait pas intéressé. Les yeux fermés, il était assis par terre, les bras croisés, le dos appuyé contre une table chargée de lourds filets de chaînes et de pioches.

« Donc, il a besoin qu’on lui démolisse quelques ‘jacks », dit Crawley.

« Pas exactement ».

« Nous rejoignons les Cygnes ? » demanda Lisse.

« Non, nous sommes seuls. Le vieux dirige sa propre opération dans les environs. Entre les unités khadoréennes qui testent les frontières et le Cryx se faufilant à travers chaque marais et vallon, il a du pain sur la planche ».

« Cryx ». Crawley frémit en prononçant le mot.

« Alors, lequel est-ce cette fois-ci ? » demanda Burns, étouffant un rôt avec son poing. « Rouges ou morts ».

« Cela pourrait être les deux », déclara Sam. « Plus probablement aucun des deux. Ce que nous cherchons, c’est quelque chose de nouveau. Le vieux a entendu parler d’un étrange ‘jack dans l’Octelande.

« Oh, non », déclara Burns. « Il nous envoie à la chasse aux gobber ».

« Arrête, Burns », dit Crawley. « Si près de la frontière, se serait plutôt quelqu’un testant une nouvelle technologie cygnaréenne ? »

« Une nouvelle technologie que le Vieux ne connaît pas déjà à fond ? » répondit Sam. « Je n’y crois pas. Peut-être quelqu’un d’autre a mis la main sur les schémas de Cygnar et y a apporté quelques modifications ».

« Et maintenant, ils sont prêts à tester ce nouveau ‘jack sur ses propres créateurs. C’est ça ? »
Lisse passa ses doigts sur sa tête, fronçant les sourcils lorsqu’il toucha les poils de son rasage inachevé.

« C’est possible, mais ça n’a pas d’importance. Notre travail consiste à aller là-bas, à trouver cette chose et à la ramener. Le Vieux pourra décider lui-même de quoi il s’agit ».

« Remarquable », dit Burns. « Nous ne savons pas ce qu’il fait ni qui le contrôle, mais nous devons le trouver et le ramener. Et nous, avec la plupart de nos affaires misent au clou ! Cela ne me dérange pas si c’est une chasse au gobber. J’espère juste que ce n’est pas une chasse au dragon ».

« Qu’est-ce qui te fait peur, Burns ? » demanda Lisse. « Tu es toujours à l’épreuve des balles, n’est-ce pas ? »

Burns passa un doigt dans un trou de son casque. « Plus autant que je l’étais. Comment sommes-nous censés faire notre travail avec des trou dans nos casques ? »

« Si nous réussissons ce job, Burns », dit Sam, « tu auras assez pour acheter dix nouvelles armures, toutes de couleurs différentes ».

« Burns s’illumina. « Oui’s », répondit-il intelligemment. Dans toute autre compagnie, cela n’aurait été qu’une reconnaissance légèrement informelle de son rang. Mais au sein de la Compagnie Cerbère sa compagnie, c’était aussi une contraction de « Oui, Sam ». Pour elle, et ses hommes qui l’utilisaient, cela signifiait plus que « Oui, m’dame » ne pourrait jamais le faire.

« Quelle est la structure du contrat ? » demanda Lister.

« Tarif de base pour notre temps, avec un bonus pour la livraison », déclara Sam.

Les Cerbères marmonnèrent.

« Un bonus très conséquent. Maintenant, écoutez, nous n’allons pas là-bas pour nous dégourdir les jambes et cueillir des champignons. Mon but est de trouver ce nouveau ‘jack et de le livrer. Si nous touchons cette prime, nous serons tous à l’abri, plus du nouvel équipement. Et les parts seront plus que suffisantes pour acheter à Burns sa nouvelle garde-robe et pour sortir Lisse de ses ennuis avec Madame Jinty ».

Lisse jeta un regard noir dans la salle. Les autres évitèrent son regard ou haussèrent les épaules face à son accusation tacite.

« Où sommes-nous censés l’emmener ? On ne peut pas transporter un ‘jack jusqu’à Caspia, même sur ces plates-formes ». Lister frappa le côté de l’un des trois chariots ferrés garés dans l’entrepôt. La plate-forme trembla sur sa suspension à ressorts.

« Je sais où envoyer un messager lorsque nous aurons repéré notre cible », dit Sam. Elle sauta de la plate-forme, se retournant pour révéler une jolie version chiot du symbole des Cerbères peinte au dos de sa veste en cuir. « Comme je l’ai dit, le Vieux n’est pas loin. Nous organiserons le transfert en fonction de l’endroit où nous trouverons notre cible. C’est tout pour les questions ? »

Comme personne ne prit la parole pendant une demi-seconde, Lister dit : « Oui’s ».

Les garçons saluèrent avec plus ou moins d’enthousiasme. Harrow le fit sans ouvrir les yeux.

« Alors nous sommes prêts à partir ». Sam fit un signe de tête à Foyle et désigna Gulliver d’un geste du pouce par-dessus son épaule. « Crawley, je veux que ces grands gaillards soient chargés avec deux semaines de carburant et de provisions. Briefez les hommes et mettez-les au travail avant qu’ils n’aient le temps de s’enivrer. Nous fêterons cela après avoir touché notre prime. Nous partons demain à la première heure ».

« Oui’s ! » Crawley envoya les caporaux rassembler les troupes, les mékaniciens, et les pilotes.

Lister ajouta : « Et les ingénieurs ? »

« Nous pouvons nous en permettre deux », répondit Sam. « Et j’aurais besoin que tu t’occupes de la logistique par toi-même ».

Lister acquiesça. Son éternel cigare éteint à la bouche plongea alors qu’il considérait le travail qui l’attendait.

« Ce sera plus facile la prochaine fois », promis Sam. « Après avoir rempli le grand livre ».

« Je sais, capitaine. Ce n’est pas de votre faute. Nous n’avons pas eu de chance, c’est tout ».

« Ce n’est peut-être pas ma faute », répondit-elle. « Mais c’est ma responsabilité. Celui va nous remettre devant la scène. Je le sais ».

Lisse, Burns et Harrow sortirent sous la pluie. Le porte de l’entrepôt gémit lorsque Burns la referma.

« Je vais chercher les mékaniciens », déclara Burns. « Je les ai vus au Marché de la Rouille ».

« Non », dit Lisse. « Il vaut mieux que personne ne remarque ton visage près du marché pendant un moment. Je vais les chercher. Tu secoues les pilotes. Harrow ? Tu l’expliques aux hommes ? »

Harrow acquiesça. Lisse retourna vers le centre de Tarna, tandis que les autres se déplaçaient dans l’autre sens.

Au coin de l’entrepôt, Harrow s’arrêta près d’une pile de caisses vides. Il se racla la gorge. Penaud, Dawson sorti de sa cachette.

« J’étais juste- » Quoi que Dawson s’apprêtait à dire, le regard de Harrow lui bloqua les mots dans la gorge.

Harrow s’approcha pour examiner un trou dans le mur de l’entrepôt. L’ouverture offrait une vue dégagée sur les warjacks, les chariots et le Capitaine MacHorne.

« Ça ne s’annonce pas très bien pour toi, petit », dit Burns. Il attrapa Dawson et le poussa contre le mur. Les pieds de Dawson pendaient à quelques centimètres du sol. « Quel genre d’homme espionne nos briefings ? Je pense à une compagnie rivale ou à un espion khadoréen. Lequel est-ce ? »

« Aucun ! » Dit Dawson. « J’étais juste curieux ».

« La curiosité a écorché le chat », déclara Burns. « Ou quelque chose comme ça ». Il jeta un coup d’oeil à Harrow, qui étudia le visage de Dawson à travers les yeux fendus. « Qu’en penses-tu, Harrow ? Nous, les Cerbères, avons-nous un chat ou un rat ? »

Harrow secoua la tête. « Amenez-le » dit-il à Burns avant de s’éloigner.

Burns entraîna Dawson par le bras. Devant eux, la pluie dessinait les silhouettes des bâtiments. Leurs toits en pointe se teintaient de bleu-gris dans le crépuscule.

Dawson essayait de garder ses pieds alignés alors qu’ils se déplaçaient dans la boue. « Où allons-nous ? Le Sergent Crawley va me manquer au briefing ».

« Le vieux Flippant n’aime pas être dérangé par les détails du nettoyage ». répondit Burns.

« Caporal Burns, je ne suis pas un rat ! »

Au bout de la rue, Harrow tourna vers une rangée de pensions et d’auberges bon marché. À l’autre bout se trouvait l’immense écurie où les conducteurs des Cerbères gardaient les chevaux de trait nécessaire au transport des warjacks et la réserve apparemment inépuisable de charbon nécessaire pour les alimenter. Harrow s’adressa à deux conducteurs fumant leur pipe sous l’avant-toit de l’écurie. L’un d’eux hocha la tête et se précipita à l’intérieur de la pension.

Burns poussa Dawson sous le surplomb et s’appuya contre le mur à côté de lui. « Détends-toi, chiot. Les espions sont entraînés à ne pas se pisser dessus sous la pression. Tu n’es manifestement pas un espion ».

« Je n’ai pas pissé- » Dawson se ravisa et prononça « Merci ».

Burns étira son cou. Ils restèrent là pendant un moment alors que le crépitement de la pluie s’amplifiait. Bientôt, le bruit d’un pas descendant les escaliers de la pension s’y ajouta.

« Caporal, qu’est-ce qu’une chasse au gobber ? » demanda Dawson.

« Tu sais ce qu’est une chasse au gobber ? »

« C’est quand tes amis t’envoient chercher quelque chose qui n’existe pas pour rire. Tu as beau chercher, tu ne le trouves pas ».

« Quelque chose me dit que tu as eu une expérience de première main ».

« C’était il y a des années. Je n’étais qu’un enfant ».

« Tu es toujours un enfant, Dawson. Tu devrais espérer que ce n’est qu’une chasse au gobber. Lors d’une chasse au dragon, la différence est que tu trouves ce que tu cherches, d’accord », dit Burns. « Ensuite, tu regrettes de l’avoir fait ».

* * *

Les Cerbères passèrent la première moitié de la journée à charger et à conduire les trois grands chariots jusqu’au Fleuve Molhado. Ils passèrent la seconde à le traverser.

Le Rapace, Foyle, traversa sans incident, une garde d’honneur de huit Cerbères escortant sa silhouette allonge sur le ferry. Sous le contrôle du Sergent Crawley, et avec l’aide des conducteurs, deux mékaniciens et deux ingénieurs à lunettes, ils hissèrent le warjacks sur le chariot renforcé de fer ayant effectué la première traversée. Au signal du conducteur, six lourds chevaux de trait éloignèrent le chariot de la berge.

Le soldat Dawson observa la procédure tandis que le ferry revenait du côté de Tarna. À côté de lui, le Caporal Burns se penchait sur une barre d’attelage et cracha un glaviot de tabac brun sur le sol. « Si tu étais encore un bleu, tu devrais attraper du poil au menton maintenant ».

Les joues de Dawson rougirent de colère.

« Je ne te traite pas de couillon, petit. Tu es encore un bleu. Tu vas grandir et attraper de la bouteille. Tu comprends. Quoi qu’il en soit, c’était très courageux d’espionner le briefing du capitaine ».

Un sourire soulagé se dessina sur le visage glabre de Dawson.

« Stupide », déclara Burns. « Mais courageux tout de même. As-tu remarqué à quel point Harrow semblait furieux ? »

« Non », dit Dawson. « Il n’avait pas l’air en colère du tout ».

« C’est comme cela que tu sais qu’il est en vraiment en colère. Je suis surpris qu’il ne t’ait pas tranché la gorge sur le champ ».

Dawson déglutit. « Oui, caporal ».

« Si tu recommences sans y être invité, je m’occuperai de ton cas en personne. Tu attends avec le reste des hommes, ou un jour quelqu’un te prendra vraiment pour un informateur khadoréen ».

Le visage de Dawson jaunit et verdit. « Oui, caporal. Je veux dire, non, caporal ».

Burns gloussa. « Quel âge as-tu, petit. Dix-sept ? »
« Vingt ! »

« Avec ce visage imberbe ? Ou tu es sorti en cachette avec Lucille ? »

« Qui ? »

« La copine de Lisse ».

« Je n’avais jamais mis les pieds au bordel avant- »

« Le rasoir, mon chiot ».

Dawson grimaça au terme dédaigneux utilisé pour désigner les bleus de Compagnie Cerbère. « Oh, d’accord ». Au moment où l’agacement se dissipait de son visage, un nuage de perplexité s’installait à nouveau. « Il a nommé son rasoir Lucille ? »

« Il adore cette lame. Les chiots que Harrow ne tue pas pour avoir espionné, Lisse leur tranche le gosier pour avoir regardé Lucille de travers ».

Dawson sourit, détourna le regard, essaya de rire mais n’y parvint pas. Il déglutit difficilement et regarda à nouveau Burns. « Vous plaisantez, n’est-ce pas ? »

Burns haussa les épaules. « Je sais que je ne toucherais pas à ce rasoir si ma vie en dépendait Quoi qu’il en soit, c’est ta première traversée, n’est-ce pas ? »

« Ouaip », répondit Dawson. En regardant une seconde fois Burns, il ajouta : « Oui, Caporal ».

Burns gloussa à nouveau. Il recula pour regarder Dawson des pieds à la tête, secouant la tête.

Dawson demanda : « Pourquoi n’avons-nous pas envoyé les warjacks sur leurs chariots ? »

« Tu n’as pas compris ? »

« Je vous ai dit que  c’est ma première traversée, n’est-ce pas ? »

« Tu l’as dit », répondit Burns. Il inclina la tête en direction du ferry approchant. « Tu le remarqueras par toi-même bien assez tôt. Très bien, allons-y. Tu te tiendras là-bas ».

Dawson se dirigea vers l’endroit indiqué par Burns, à environ trois mètres de l’endroit où le ferry s’était amarré à la berge.

« Non », dit Burns. « Un peu plus à droite ».

Dawson se rapprocha de quelques pas du rivage.

Sur le chemin menant au quai, Sam guidait Gulliver vers le ferry. À chaque pas du warjack lourd, la terre tremblait. Il laissait dans son sillage une traînée de mottes de terre de la taille d’un chien de chasse. « Un peu à gauche », dit-elle. « Très bien, accroupis-toi. Avance, prudemment ».

Alors que Gully s’appuyait de tout son poids sur le pont, le ferry bascula sue le côté, éclaboussant le passeur. Il arracha son bonnet trempé de sa tête et l’essora.

« Gully, monte », dit Sam.

Gully posa son autre pied sur le ferry. Le mouvement soudain projeta une vague de la taille d’un ogrun  juste à l’endroit où se tenait Dawson, le trempant de la tête aux pieds.

Une fois que Sam eut fini de guider Gully en position assise sur le ferry, elle secoua la tête en direction de Burns, qui s’était allongé sur le sol, riant à s’en tenir les côtes. « Burns, je t’avais demandé de laisser le bizutage en ville ».

« Oui », haleta le grand homme. « Je n’ai tout simplement pas pu résister. Ce chiot est trop parfait ! »

Sam se tourna vers Dawson. « Ne laisse pas Burns t’atteindre », dit-elle. « Malgré toutes les apparences, c’est un homme de terrain. Réfléchis-y à deux fois avant de te laisser convaincre par quoi que ce soit ».

« Oui, capitaine », dit Dawson. Il retira une botte et versa une pinte d’eau de rivière. « Merci, capitaine ».

Sam lui fit un signe de tête. « Mais sérieusement, ne touche pas à Lucille. Si tu le fais, même moi je ne pourrai pas garantir ta sécurité ».

Seuls Sam et les bateliers traversèrent ave Glly. Malgré cela, les vagues déferlaient sur le pont, s’écrasant sur leurs bottes. Lorsque Dawson vit à quel point un seul warjack pesait sur le ferry, il comprit. « Ah ! »

« Ouais », déclara Burns. « Tu as besoin d’un plus gros bateau pour transporter le ‘jack avec le chariot. Maintenant, viens, petit ». Burns monta à bord d’un des canots. Se méfiant d’une autre farce, Dawson le suivit. Avec les autres Cerbères, ils atteignirent la rive opposée bien avant que Sam ne rejoigne la rive avec Gully.

Le reste relevait du travail classique, fourni par des soldats, des mékaniciens, des ingénieurs et des conducteurs travaillant côte à côte. Les garçons travaillèrent avec les hommes jusqu’à ce que les deux ‘jacks soient attachés sur leurs chariots pour le transport. Quatre chevaux de trait tiraient le chariot d’avitaillement, six celui de Foyle et huit celui de Gully. Deux chevaux de selle suivaient le chariot d’avitaillement, l’un sellé, l’autre non. Dawson observait, les sourcils froncés, les conducteurs enlever la selle de l’un et le brosser pendant qu’ils sellaient l’autre.

Sam le surpris en train de regarder. « Parfois, nous devons envoyer un message rapidement ».

« Mais nous n’avons pas de renforts », répondit Dawson.

« Non. Mais il y a toujours une chance que nous nous retrouvions dans un combat que nous ne pouvons pas gagner », déclara Sam. « Quand ce jour viendra, je veux les gens sachent que les Cerbères l’ont affronté avec courage ».

Dawson la regarda, mais son visage ne trahissait aucun signe de gaieté.

À l’exception des mékaniciens, qui chevauchaient avec leurs warjacks, ceux qui ne conduisaient pas se déplaçaient devant, à côté ou derrière le chariot. Même Sam, Lister et Crawley allaient à pied.

Les soldats enroulaient leurs chaînes autour de taquets sur le côté du chariot, leurs haches de démolition pendant en dessous, laissant les deux armes accessibles en cas d’action soudaine. Ils portaient leur sac à dos, les gros flingues dans les bras.

Dawson commença à se déplacer à côté de Burns. Après avoir franchi une petite colline, il se retourna pour dire quelque chose, mais il vit Lisse à sa place. Burns avait trottiné vers un bosquet pour soulager sa vessie.

Lisse passait son rasoir droit sur sa gorge, l’inclinant avec précaution sur l’arête de sa mâchoire. Il essaya la lame contre son bracelet en cuir et sourit aux vêtements mouillés de Dawson. « Je vois que tu as été oint ».

Dawson lui rendit un sourire amusé en retour. Il plissa les yeux, ne remarquant pratiquement aucun poil sur le cou de Lisse. Pourtant, le grand homme continuait à se raser. Dawson finit par demander : « Il nous manque pas un chariot ? »

« Qu’est-ce qui te faire dire ça ? »

« Eh bien, nous sommes censés capturés un ‘jack. Où allons-nous le mettre si nous le trouvons ? »

« Quand » dit Lisse. « Ne laisse pas le capitaine t’entendre dire ‘si’ ».

« Mais où allons-nous le mettre ? »

« Si nous manquons de carburant, nous le placerons dans le chariot à charbon. Si nous avons beaucoup de carburant, nous allumerons Foyle et le ferons marcher jusqu’à ce que nous soyons à court de charbon. Tout est une question d’équilibre ».

Daon hocha la tête. « Bien sûr. Je n’y avais pas pensé ».

« Tu es un chiot, c’est tout », répondit Lisse. Il loucha sur le petit homme. « Tu as déjà vu l’action. N’est-ce pas ? »

« Bien sûr, j’ai fait mon service dans l’armée ordique. J’ai bien aimé ça, mais pas la solde… » Il se frotta les doigts et montra ses mains vides.

« Alors tu t’es dit que tu ferais fortune avec les Cerbères ».

« Quelque chose comme ça ».

« Je parie que tu t’en es voulu pour ça ».

« Non ! Je veux dire, pas vraiment. Il y a beaucoup plus d’exercices que prévu. Et beaucoup plus d’attente. Mais maintenant, je peux lancer un filet et toucher plus souvent qu’à mon tour ».

« Tout ce dont tu dois te soucier, c’est de suivre les ordres. Quand tu n’en as pas, regarde ce que nous faisons. Maintenant que tu as été oint, tu n’auras plus à te faire engueuler… tant que tu n’auras pas les yeux rivés sur les judas ».

Dawson grimaça. « Est-ce que toute la compagnie est au courant ? »

Lisse sourit et le frappa sur l’épaule, juste assez fort pour lui faire un bleu.

* * *

La pluie avait rendu le sol meuble mais pas impraticable. Le train de chariots des Cerbères suivait les chemins de terre quand il le pouvait, traversant une fois un champ en jachère pour atteindre un sentier menant à l’est dans l’Octelande. Lorsqu’il aperçut le fermier local sortant d’une cave, Lister envoya un coureur avec cadeau provenant des provisions pour apaiser toute rancœur.

Au crépuscule, les Cerbères commencèrent à installer le camp sans un mot de leur sergent. Crawley garda son souffle pour haranguer les mékaniciens alors qu’ils vérifiaient et revérifiaient les warjacks et leurs chariots. Lorsqu’il lit ses lunettes sur ses yeux et grimaça pour révéler ses dents en forme de chevilles à travers un souffle de vapeur, Dawson comprit finalement pourquoi l’homme avait gagné le surnom de « Flippant ».

Malgré leur rang et leur rôle dans le cercle intime de Sam, les « garçons » travaillaient côte à côte avec les « hommes ». Dawson s’était retrouvé à nettoyer la boue des roues du chariot de Foyle, en face de Burns. Si le grand homme avait encore des soupçons sur la loyauté de Dawson, il n’en laissa rien paraître.

Lister s’entretenait avec Sam. À tour de rôle, ils regardaient à travers une longue-vue et griffonnaient une carte posée sur le hayon du chariot d’avitaillement. Lisse supervisait la préparation d’un repas composé de porc salé et de pains achetés à Tarna le matin même. Avec un autre homme, il remplit quatre marmites en fer avec de l’orge, des légumes secs et des cubes de bœufs. Ils laissèrent les marmites mijoter jusqu’au petit matin.

Lister envoya des sentinelles en piquet autour des chariots, entre lesquels les Cerbères s’installèrent autour des feux. Burns leur fit part de sa version de « The Roundabout Girl », qu’il avait en quelque sorte rendue encore plus blasphématoire. Dawson hésita à se joindre à eux jusqu’à ce qu’il entende la voix de Sam entonner les refrains les plus vulgaires. Après trois chansons, le capitaine dit « Dormez bien, mes Cerbères ». Quelques minutes après, le camp n’était que silence, à l’exception du crépitement du feu, de la brise d’automne et des ronflements rythmés.

* * *

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LISTE DES COMBATTANTS DE LA COMPAGNIE CERBÈRE
Fin de l’Automne, 608 AR

Commandant

Samantha « Sam » MacHorne, Capitaine

« Les Garçons »

Lister, Lieutenant
Reginald « Flippant » Crawley, Sergent
« À l’Épreuve des Balles » Burns, Caporal
« Pas de Prénom » Harrow, Caporal
Vernom « Lisse » Pamuk, Caporal


« Les Hommes »

Bates, Soldat
Bowie, Soldat
Craig, Soldat
Crowborough, Soldat
Dawson, Soldat
Fleming, Soldat
Fraser, Soldat
Hughes, Soldat
McBride, Soldat
Morris, Soldat
Robinson, Caporal
Rose, Soldat
Swire, Soldat

35
LA PAIE DU DIABLE

DAVE GROSS

LISTE DES COMBATTANTS DE LA COMPAGNIE CERBÈRE

PARTIE UNE

PARTIE DEUX

PARTIE TROIS

INDEX DES ROYAUMES D’ACIER


36
Texte en entier  :)

Merci à Cyriss-Adept pour son aide

37
À PROPOS DE L’AUTEUR

Richard A. Knaak est l’auteur à succès du New York Times et de USA Today pour The Legend Of Huma, WoW : Wolfheart, et près de cinquante autres romans et de nombreuses nouvelles, y compris des œuvres dans des séries telles que Warcraft, Diablo, Dragonlance, Age of Conan, ete son propre Dragonrealm.  Il a scénarisé un certain nombre de mangas de Warcraft avec Tokyopop, comme la Sunwell Trilogy, et également écrit du background pour des jeux. Ses œuvres ont été publiés dans le monde entier et dans de nombreuses langues.

Outre « Fléau des Dragons », ses publications les plus récentes comprennent Shade – un tout nouveau roman de Dragonrealm mettant en scène le sorcier tragique , The Horned Blade – le dernier roman de The Turning War - et Dawn of the Aspects, le dernier de la série à succès World of Warcraft. Il travaille actuellement sur plusieurs autres projets, dont d’autres Dragonrealm et le début d’une nouvelle série de fantasy urbaine Black City Saint, qui sera publiée par Pyr Books en mars.

Partageant actuellement son temps entre Chicago et l’Arkansas, il est joignable via son site web : wwww.richardaknaak.com, où plus d’informations sur cette trilogie peuvent être trouvées. Bien qu’il ne puisse pas répondre à tous les e-mails, il les lit. Rejoignez sa liste de diffusion pour recevoir les annonces électroniques des prochaines sorties et apparitions. Rejoignez-le également sur Facebook et Twitter.

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La raison de l’expédition étant désormais susceptible de les chasser, les survivants de Venethrax reprirent le chemin du retour en moins de la moitié du temps qu’il fallut pour atteindre la grotte. Le reste de la force de débarquement les rejoignit peu après.

La méfiance de Venethrax ne se relâcha pas, même une fois de retour à bord de la Griffe. Il grinça des dents lorsque les fragments découpés dans le rejeton draconique furent ramenés à terre. Aussi importants que soient ces fragments, ils n’étaient pas à la hauteur de son véritable objectif.

Alors que Talyn disparaissait sous le pont, Venethrax jeta un coup d’oeil au ciel. Il ne vit aucun dragon, mais demeura catégorique sur le fait que le navire devait partir dès que possible.

Lorsque le capitaine donna l’ordre de lever l’ancre, la liche commença enfin à se détendre.

Une corne d’alarme retentit.

Les équipages d’artillerie coururent vers leurs positions sur le côté bâbord, faisant face au rivage. Venethrax sentit qu’il faisait demi-tour, mais un court ordre mental empêcha le Faucheur de revenir sur le pont. Venethrax avait besoin du helljack pour se débarrasser de son fardeau.

Les cornes continuaient de beugler. Dégainant Fléau des Dragons, Venethrax se dirigea vers le bastingage. Dracia était déjà là, une main sur le bastingage et l’autre empoignant son épée.

Elle ne dit rien alors que son seigneur s’approchait, ne le regarda pas. Venethrax avait compris. Comparé au spectacle qui s’offrait à eux – aussi lointain soit-il – même un seigneur liche pouvait sembler insignifiant.

Plus à l’intérieur des terres, une forme énorme et ténébreuse se posa sur la plus haute des collines. C’était une créature gigantesque qui éclipsait le rejeton draconique et presque toutes les créatures que Venethrax avait vues, à l’exception de Toruk lui-même. Elle avait des ailes coriaces, chacune plus large que le navire, et un puissant corps qui réduirait le Griffe en petits bois s’il se posait dessus. Sa gueule pourrait engloutir tout le monde à bord en même temps. Une longue rangée de plaques s’étendait du sommet du crâne à l’arrière de sa queue. Son ventre était ocre et la toile de cuir de ses ailes avait une teinte orangée, le tout brillant comme s’il était éclairé de l’intérieur. L’air autour du dragon scintillait, que ce soit sous l’effet de sa chaleur, de sa corruption ou des deux.

Certains des canons tirèrent, mais ils étaient hors de portée. Même si Blighterghast avait été assez proche pour être touché, les tirs n’auraient fait que l’ennuyer. S’il le voulait, Blighterghast pourrait les anéantir totalement. Le dragon le faisait remarquer à Venethrax, qui l’appréciait beaucoup. Cependant, le dragon devait considérer qu’il s’agissait peut-être d’un piège, qu’une force cryxienne plus importante pouvait être à l’affût, que Toruk en personne pourrait se révéler s’il s’exposait. Ces suppositions étaient tout ce que Venethrax avait pour conserver l’espoir qu’il ne serait pas anéanti dans les prochains instants.

Le dragon déploya ses ailes et s’éleva dans les airs. Aussi soudainement qu’il était apparu, Blighterghast disparut derrière les collines.

Dracia leva les yeux au ciel. « Monseigneur, que faisons-nous ? »

« Nous partons comme prévu », répondit-il calmement, « en supposant que Blighterghast ne change pas d’avis et ne revienne pas nous achever ».

Ce serait de la folie que d’essayer de retrouver le dragon maintenant. La liche ne ferait que s’attirer les s’attirer les foudres du dragon. Blighterghast passerait à l’étape suivante de son jeu contre le Père des Dragons et ceux qui le servaient. Pour l’heure, Venethrax retournerait dans son château, étudierait et attendrait son heure.

Le navire mit les voiles, l’équipage étant plus que désireux de retourner dans l’empire. Si Venethrax estimait que ce n’était pas le moment de se battre, qu’il en soit ainsi.

Alors qui continuait à fixer la colline vide, le seigneur liche sentit sa confiance augmenter. Blighterghast aurait pu se montrer plus rusé, plus puissant, pour le moment, mais il avait fait une erreur en laissant Venethrax survivre. Certes, il l’avait fait pour envoyer un message au Père des Dragons, mais Blighterghast n’avait pu regarder au-delà de son arrogance et de se demander pourquoi Toruk avait choisi Venethrax endosser le rôle de chasseur.

Le Père des Dragons dans sa sagesse avait vu les échecs de son premier choix. Venethrax avait été choisi parce que Toruk avait trouvé en lui un moyen de corriger ces défauts. Le Père des Dragons savait que son Limier ne serait pas parfait – quelle créature l’était, à part Toruk ? - mais il
en avait choisi un qu’il pensait capable de s’adapter, d’apprendre.

Un bref contact de Talyn dans son esprit lui indiqua que le Faucheur avait sécurisé son fardeau. Plus précieux que l’or, plus précieux que les morceaux du rejeton draconique, la tête et le corps de l’Écho de Blighterghast attendaient d’être disséqués et examinés. Pour le dragon, la perte n’avait été qu’un pion de plus, une expression de plus de son mépris pour les efforts de la liche.

Venethrax jura qu’en plus de passer en revue chaque mouvement que Blighterghast avait fait pour l’attirer ici, il découvrirait tous les secrets que le corps pourrait révéler. Il ordonnerait au seigneur exhumateur de Cryx et à ses pairs de l’étudier, en appliquant les arts de la nécromancie médico-légale. À Cryx, on pouvait forcer les morts à parler à nouveau. Cet émissaire avait été touché directement par l’esprit de Blighterghast, avait été rendu fou par ce contact. Tout ce qu’il savait des secrets du dragon, ils l’extrairaient. La liche démontrerait au dragon pourquoi Venethrax avait été choisi pour traquer les enfants traîtres de Toruk.

Lors de leur prochaine rencontre, ce serait Venethrax qui déterminerait le jeu et déciderait de son issue.

39
PARTIE TROIS

Un rejeton draconique. La chose pour laquelle Venethrax avait tant sacrifié, pour laquelle il avait voyagé jusqu’à cette terre désolée n’était qu’un rejeton draconique.

« Seulement » n’était peut-être pas le bon terme. Il n’y avait rien d’insignifiant dans ce rejeton draconique. En fait, alors qu’il tombait sur la liche et le helljack, Venethrax détermina qu’il représentait quelque chose d’inédit, à sa connaissance. C’était le rejeton draconique le plus ressemblant à un  dragon qu’il avait jamais vu ou dont il avait jamais entendu parler, au-delà de tout ce qui se trouvait dans les volumineux récits de rencontres draconiques stocké aux Archives de Skell. La liche fit un rapide calcul basé sur sa propre taille et estima que la bête mesurait neuf mètres de haut et près de trente mètres de long, avec des ailes – actuellement à moitié déployées – qui s’étiraient probablement encore large que cette dernière mesure.

Aussi immense soit-il, le rejeton attaquant offrait à la liche de nouvelles opportunités. Combattre un vrai dragon aurait été impossible était donné l’état de son groupe et de son armure, mais contre un rejeton draconique, il aurait peut-être une chance. S’il triomphait, il obtiendrait de précieuses informations, ce qui rendrait cette expédition intéressante malgré sa tournure inattendue. Il se mit en position, requinqué par cette pensée.

Le rejeton approcha. Venethrax bondit juste au moment où la créature l’attrapait avec ses lourdes et acérées griffes. Sous l’ordre de la liche, le Léviathan s’avança et tira.

L’explosion ralentit suffisamment le rejeton draconique pour que Venethrax puisse se repositionner, mais rien d’autre. Il grogna. Tous les ‘jacks avait été armé d’une puissance de feu capable d’abattre un rejeton draconique. Une fois encore, il semblait que ce monstre était unique, qu’il ressemblait à aucune des bêtes que Venethrax avait combattues, étudiées ou lues.

Elle se détourna du Léviathan comme si le ‘jack n’était pas un problème ; Venethrax était son seul centre d’intérêt. Elle bondit après lui, rugissant alors qu’elle le poursuivait.

Bien qu’intimidé, Venethrax pris néanmoins une nouvelle position et prépara Fléau des Dragons. Les runes le long de la lame brillèrent, mais le rejeton draconique agissait comme si la légendaire épée de Venethrax n’était qu’une épingle. La créature se rapprocha de son petit adversaire.

Même s’il était pris dans la bataille, le seigneur liche continuait d’analyser tout ce qu’il voyait concernant le monstre. Bien qu’extérieurement semblable à un dragon, le rejeton draconique ne possédait pas certaines des puissantes protections de ce dernier. Il y avait des trous dans sa peau écailleuse, en particulier sur la partie inférieure où la mâchoire se connectait à son crâne. La tête elle-même était malformée, tout comme les membres. Le crâne avait une nette crevasse définie, et les mâchoires étaient tordues vers la gauche. L’une des pattes avant était plus courte que l’autre, et d’après le peu d’aperçu que Venethrax avait des griffes arrière, au moins l’un d’entre elles était plus un moignon qu’une patte. Il soupçonnait également que, aussi larges qu’elles soient, les ailes ne pourraient pas vraiment supporter le lourd corps en vol prolongé. Pourtant, cela importait peu – sa forme difforme était plus mortelle dans ses imperfections que la plupart des monstruosités dans la fleur de l’âge.

esse du monstre, Venethrax prépara Fléau des Dragons pour une frappe. Le rejeton se rapprocha de lui. Il plongea.

Le rejeton draconique déploya ses ailes et plana au-dessus, hors de portée de sa lame. Alors que Venethrax se retournait pour compenser, le rejeton baissa son aile la plus proche, frappant le seigneur liche et l’envoyant au tapis.

Fléau des Dragons échappa à l’emprise de Venethrax. Bien qu’elle n’ait pas glissé loin, être désarmé ne serait-ce qu’un instant était potentiellement mortel. Ce rejeton draconique ne fit rien comme ceux qu’il avait auparavant combattu. Son attaque révéla une certaine conscience non seulement de qui était Venethrax, mais aussi du danger que Fléau des Dragons pouvait représenter. Il agit avec ruse, semblant plus être un vrai dragon que la progéniture d’un autre.

Le seigneur liche le sentit faire une embardée pour attaquer à nouveau. Il serra les dents. Le rejeton draconique avait peut-être une inhabituelle ruse pour l’un de ses semblables, mais il faisait toujours face au dévoué serviteur de Toruk.

Maintenant, commanda-t-il.

Le Léviathan ouvrit le feu à nouveau. Alors que Venethrax s’était positionné pour faire face au monstre, il avait coordonné la localisation du ‘jack. S’il avait tenu le rejeton draconique à distance, le Léviathan aurait tiré sur le dos non protégé de la créature. Bien que cela ne se soit pas produit, le ‘jack était dans la position parfaite pour tirer sur une cible en approche.

Trois tirs rapides arrêtèrent le rejeton draconique en plein vole. Malheureusement, aucun des tirs ne réussit à toucher le dessous de la mâchoire ou à causer le moindre dommage au torse écailleux.

Mais Venethrax n’avait ordonné l’attaque du Léviathan que comme distraction. Lorsque le dernier coup fut tiré, la liche porta sa véritable attaque à travers l’arc nodal de l’Équarrisseur en attente. De vives flammes verdâtres jaillirent des runes tourbillonnantes dans l’air autour de son poing tendu, et ces flammes atteignirent le rejeton draconique en plein essor, mais le rejeton évita habilement l’attaque magique, comme s’il s’était préparé à un tel tour. Pire, s’éloignant de Venethrax, la créature se jeta sur le Léviathan par le haut malgré un tir de barrage de dernière minute dans sa direction. D’énormes griffes saisirent le helljack et le soulevèrent comme si le Léviathan ne pesait rien.

D’un coup sec, le rejeton draconique arracha le bras-canon. Le laissant tombé avec un évident mépris, la bête mordit le Léviathan.

Les énormes mâchoires du rejeton déchirèrent le ‘jack. Il recula, arrachant la majeure partie de la tête en fer du Léviathan. Puis, avec ce qui ressemblait à une intention délibérée, la bête creusa profondément dans le torse central. Le souffle suivant, le rejeton draconique retira ses griffes. Avec elles, un objet sphérique : le cortex du Léviathan.

La partie inférieure du ‘jack convulsa puis se relâcha. Le rejeton draconique jeta le cortex sur le côté, puis laissa tomer l’épave du Léviathan. Un grondement sourd s’élevant du fond de sa gorge, la créature regarda à nouveau Venethrax.

La liche ne put s’empêcher de penser qu’il y avait plus dans cette bête qu’un simple instinct animal. Ses actions semblaient dirigées.

Le rejeton draconique gratta le sol, arrachant d’énormes morceaux de roche et de terre, et projeta les débris sur Venethrax.

Esquivant la mortelle pluie, le seigneur liche avança. Son champ éloigna la plupart des rochers atterrissant sur lui ou à proximité, mais Venethrax fit de son mieux pour s’assurer qu’il ne se retrouverait pas sous aucun des plus gros morceaux.

Les griffes vides, le rejeton s’élança vers Venethrax. Elle battit des ailes en chargeant, son intention révélée par le nuage de poussée s’élevant autour de la liche. Venethrax n’avait pas besoin de respirer, mais il avait besoin de voir son adversaire. En quelques secondes, la visibilité disparue complètement.

Il écouta le battement d’ailes, mais la forme de la chambre faisant que le son se répercutait dans toutes les directions. Encore une fois, Venethrax ne put s’empêcher de penser qu’il faisait face à un ennemi plus rusé, pas seulement au rejeton lui-même. Les rejetons draconiques étaient des bêtes, des prédateurs animalisés.

Ce qui signifiait que le maître de la créature pouvait être proche. Peut-être trop près.

Une rafale de vent frappa Venethrax. Sans le poids de son corps armuré, il aurait été projeté à plusieurs mètres de l’endroit. Même là, le seigneur liche tint à peine. Venethrax garda son emprise sur Fléau des Dragons et taillada le rejeton draconique au passage.

Le rejeton draconique rugit de douleur. Son sang, épais et visqueux, se déversa sur Venethrax, et son champ d’énergie flamba. Un sifflement se fit entendre alors que les fluides éclaboussaient son environnement. Le seigneur liche remarqua la nature hautement acide du sang du rejeton draconique, un autre trait qu’il partageait avec Blighterghast bien connu pour son souffle caustique. Le rugissement du monstre empêcha la liche de se concentrer davantage.

Venethrax chercha son adversaire. Avec la poussière retombée, il ne lui pas fallut longtemps pour localiser le rejeton draconique, perché au sommet d’un massif rocher, du sang suintant de la blessure à son ventre.

La blessure n’était que superficielle, mais les dragons ne sont pas comme la plupart des créatures vivantes — leur autonomie et même l’emplacement de leurs organes vitaux varient énormément. Pour les tuer, il fallait souvent trouver et exploiter ces endroits vulnérables. C’était simplement une question de chaos organique non dirigé causée par la corruption draconique chez les créatures vivantes. Pourtant si les soupçons de Venethrax quant au dragon responsable de la création de ce rejeton avaient du mérite, le warcaster avait une idée de l’endroit où il devait frapper la prochaine fois.

Le seigneur liche envisagea de se tourner vers les sorts les plus puissants, mais la situation n’en était pas encore là. Malgré la précarité de sa situation, Venethrax avait des questions auxquelles il voulait des réponses. Puisqu’il s’agissait d’un rejeton draconique, où était exactement le dragon l’ayant créé ? Comment ce dragon a-t-il pu concevoir une bête aussi unique ? L’effort pour créer une telle manifestation contrôlée de corruption serait monumental, voire impossible même pour l’un des rejetons de Toruk.

Alors que ces pensées et d’autres lui traversaient l’esprit, le seigneur liche sentit de nouveaux yeux se poser sur lui. Tout en gardant Fléau des Dragons en ligne de mire, il jeta un rapide coup d’oeil sur sa gauche, où le fond de la grotte s’enfonçait à nouveau dans l’obscurité la plus totale.

Il n’y avait rien, du moins pas pour l’oeil perçant de la liche.

Le rejeton draconique profita de sa distraction pour attaquer à nouveau. Mais avant que la bête ne puisse l’atteindre, Venethrax s’était déjà positionné pour faire face à son assaut et le transformer en une attaque de son propre chef. La lame du seigneur liche rencontra les griffes sauvages du rejeton, ce qui provoqua un bref mais violent duel qui ne s’acheva que lorsque le dernier coup de Venethrax trancha la principale de ces griffes.

Mais la perte de la griffe s’avéra être une feinte. La longue queue hérissée du rejeton draconique surgit de derrière lui, renversant d’abord l’Équarrisseur puis frappant le seigneur liche tel un serpent.

Venethrax bondit avant que la queue ne l’atteigne. Alors qu’elle balayait sa précédente position, il se laissa tomber et la trancha avec Fléau des Dragons.

La lame incandescente ne fit qu’une bouchée de la pointe, l’envoyant glisser le long du moignon. Le rejeton draconique siffla et battit des ailes. Plus de poussière envahirent le champ de vision de Venethrax, mais cette fois il était préparé. Concentré, il dispersa la poussière d’un geste de la main, laissant le rejeton draconique visible.

Le rejeton se tenait simplement debout et le regardait fixement, comme s’il attendait que quelque chose se produise.

N’aimant pas du tout cette idée, Venethrax leva Fléau des Dragons – et faillit perdre sa prise lorsqu’une accablante léthargie le prit. Sa tête donnait l’impression que le rejeton draconique l’entourait de ses deux griffes et le serrait lentement mais sûrement.

 Venethrax n’eut qu’à regarder sa main décharnée pour savoir ce qui lui arrivait. Le sang du rejeton avait pénétré son armure et humidifié la fournaise à nécrotite l’alimentant.

Venethrax. Vacilla. Il parvint à retrouver son équilibre en se concentrant sur la colère que lui inspirait sa propre faiblesse. Tu es le serviteur choisi par Toruk ! Pensa-t-il. Personne n’est maître de ton existence, à l’exception du Père des Dragons. Tu n’as pas le droit d’être victime d’un ennemi, surtout d’un ennemi aussi humble qu’un rejeton draconique.

Venethrax versa sa volonté dans son armure, exploitant le mékanisme générant son champ d’énergie pour brûler le sang altérant la fournaise. La léthargie s’estompa. Alors que son esprit s’éclaircissait, il se rendit compte une fois de plus du comportement étrange du rejeton. La bête devrait déjà être en train de l’achever. Pourquoi ne l’avait-elle pas fait ? Que voulait-elle ?

Il sentit quelque chose bouger sur sa droite. L’instinct poussa la liche à agir. Il amena Fléau des Dragons dans cette direction et y concentra toute sa puissance.

L’ennemi qu’il attendait n’apparut pas.

Puis une massive griffe s’abattit et le cueilli, épinglant les bras de Venethrax le long de son corps. L’attaque venant de la direction opposé laissa le seigneur liche momentanément étourdi. Pourtant, alors même que les mâchoires baveuses s’apprêtaient à lui arracher la tête, il se ressaisit suffisamment pour se concentrer. Son sort partit juste au moment où les dents acérées s’approchaient de son crâne. Venethrax n’avait jamais lancé feux de l’enfer à l’intérieur d’un ennemi, mais, là encore, il n’en avait jamais eu l’occasion, pas en combat. Pourtant, le seigneur liche expérimentait souvent des variations de ses sorts pour des circonstances aussi extrêmes.

Le rejeton draconique rugit tandis que l’intérieur de sa bouche grésillait et brûlait. Il vacilla et projeta Venethrax au loin. La liche s’écrasa au sol, mais son champ d’énergie absorba le plus gros de l’impact. Malgré tout, la force avec laquelle son adversaire l’avait projeté laissa Venethrax perplexe quant à l’ampleur des dégâts que son corps blindé pourrait supporter.

Même s’il toussait et hoquetait encore, le rejeton draconique semblait en bonne santé. La bête cracha du sang, puis secoua la tête comme si elle essayait d’effacer le sort de cette façon.

Cette fois, Venethrax avait conservé Fléau des Dragons malgré le choc violent. Il leva la lame et chargea le rejeton draconique pendant qu’il était encore distrait.

La bête le remarqua au dernier moment. Il l’atteignit- S’attendant à une telle réaction, Venethrax concentra toute sa volonté et sa puissance dans l’épée. Avec l’habilité d’un maître épéiste ayant des siècles d’entraînement et d’expérience sanglante, il abattit Fléau des Dragons sur l’appendice venant en sens inverse. L’incandescente lame traversa la patte du rejeton juste au-dessus de la griffe.

Le rejeton draconique hurla et secoua le membre blessé. L’intelligence que Venethrax avait aperçu dans les yeux du rejeton disparut. Quelle qu’ait pu être l’influence dominante la contrôlant, il sembla que la douleur l’avait chassée et remplacée par la rage.

Hurlant toujours, le rejeton draconique envoya sa queue endommagée s’écraser sur plusieurs stalagmites à proximité. Des tonnes de calcaire et de roche volèrent vers Venethrax, frappant son bouclier et son armure. Le rejeton draconique ne s’arrêta pas pour autant, sa queue se déplaçant pour frapper d’autres formations à mesure qu’elle poursuivait son attaque.

Venethrax lâcha Fléau des Dragons. Un bras protégeant ses yeux, le seigneur liche tomba à genoux. Le rejeton draconique continua à fouiller le sol de la caverne, balayant tout ce que sa queue trouvait sur la liche s’affalant.

De la bave et du sang s’écoulant de sa bouche, le rejeton draconique blessé se rapprocha du seigneur liche.

Maintenant, ordonna Venethrax. Maintenant, on bouge.

L’entrée détruite explosa vers l’intérieur, bombardant le monstre surpris d’énormes morceaux de pierre et de terre. Une seconde explosion suivit rapidement la première, ajoutant au carnage.

Talyn traversa l’éboulement, visant déjà le rejeton draconique grâce à un bref ordre de Venethrax. Le rejeton se retourna pour faire face à ce nouvel ennemi.

Venethrax taillada une des pattes du rejeton draconique, créant une blessure superficielle mais douloureuse.

En hurlant, le mastodonte se retourna vers la liche, qui avait exagéré l’étendue de ses blessures juste pour que Talyn puisse entrer dans la mêlée à ce moment précis. Venethrax avait été conscient de la possibilité qu’un effondrement soit utiliser comme pour le piéger – bien qu’à l’époque il ait supposé que ce serait l’œuvre d’un véritable dragon – et avait calculé comment employer au mieux ses réserves. Il n’était pas dupe. Seul contre un dragon en bonne santé, il n’aurait eu aucune chance de survivre, surtout s’il s’agissait de Blighterghast. Même face à un rejeton draconique de cette taille, il risquait fort de périr. Ainsi, alors même qu’il combattait son monstrueux adversaire, une partie de l’esprit de la liche s’était ouvert à Grendov, qui relayait tout ce que les autres avaient besoin de savoir.

En fait, même la nouvelle blessure que le seigneur liche avait infligée au rejeton draconique avait été une distraction supplémentaire. Cela empêcha la bête de remarquer les silhouettes s’écartant dans des directions opposées alors qu’elles passaient devant Talyn. Agitant une Fléau des Dragons ensanglantée d’avant en arrière, Venethrax avait provoqué le rejeton draconique et s’était assuré que le reste de son plan avait le temps d’aboutir.

Le fracas de roche provenant de la gauche du monstre l’alerta de la menace grandissante, mais il était déjà trop tard. À côté d’une Dracia souriante se tenait le Léviathan encore lourdement endommagé, réparé à la hâte par Kankur. Il tirait de sa seule arme en état de marche, un canon à pointes.

Guidés par les pensées de Venethrax et en grande partie par Grendov, les autres fidèles du seigneur liche s’étaient glissés derrière Talyn au moment où l’attention du rejeton draconique s’était tournée vers Venethrax. Ils s’étaient mis en position en quelques secondes.

Le rejeton draconique recula sous l’assaut inattendu du Léviathan. Talyn tira à nouveau, envoyant le monstre ailé trébucher dans une autre direction, où Grendov s’inclina devant lui.

« Salutations », murmura l’acolyte.

Trois nécropantins reconstruits et le reste de l’unité d’ogrun chargèrent le rejeton draconique, plaçant un filet de fer entre eux. La bête ouvrit grand la gueule.

Grendov découvrit son autre œil.

À première vue, on aurait pu croire que le vide le plus total régnait dans l’orbite derrière la chair. Seul un léger scintillement révéla la présence d’une gemme noire.

Des tentacules de ténèbres jaillirent de l’œil – de longs tentacules nerveuses qui, contre des ennemis mortels, et même certains moins mortels, donnaient vie aux plus sombres horreurs de Cryx. Contre un rejeton draconique, ces forces n’étaient pas aussi terrifiantes, mais elles pouvaient jouer leur mortel rôle. Les tentacules s’accrochèrent immédiatement sur le visage du mastodonte, cherchant à s’infiltrer par ses narines et sa gueule et finalement à pénétrer ce qui tenait lieu d’esprit au rejeton draconique.

Les ogrun et les nécroserfs lancèrent le lourd filet de fer. Il tomba sur le dragon aveuglé, et bien que le filet ne soit pas assez grand pour couvrir complètement la bête, son poids fut suffisant pour forcer la créature à momentanément se recroqueviller.

Grendov se couvrit à nouveau l’œil, ce qui fit disparaître les tentacules. Venethrax observa la scène avec une certaine satisfaction. L’infernal entraînement qu’il avait infligé à ses troupes les avait bien servis, du moins pour le moment. Le seigneur liche n’avait pas l’intention de crier victoire tant qu’il n’aurait pas la tête de la monstruosité et, avec un peu de chance, un indice sur son créateur. Dès que le rejeton draconique fut pris au piège, Dracia s’approcha et plongea sa lame dans le flanc de la créature. Ce ne fut qu’une petite piqûre, mas le but de Dracia n’était pas simplement de blesser. La satyxis avait enduit sa lame d’un puissant poison. Venethrax et elle l’avaient mélangé avant le voyage, mais il n’y avait aucun moyen de le tester au préalable. Venethrax avait concocté le poison uniquement sur la base d’expériences antérieures.

Pourtant, il semblait qu’il avait bien calculé. Le mastodonte s’effondra et ses mouvements ralentirent.

Venethrax s’élança pour porter le coup fatal, puis s’arrêta. Après tout ce qu’il avait été témoin de cette bête, cela le surprenait toujours que même l’assaut bien coordonné ait au raison du rejeton dragon si rapidement et si totalement.

Il fit signe au Léviathan et à la force d’ogrun d’avancer. Le helljack se déplaça docilement, les ogrun avec plus de prudence. Venethrax devait s’assurer que le filet était aussi sûr qu’il y paraissait. Pour ce faire, il demanda à l’une des nécrobombes de se rapprocher de la tête du monstre.

Le Léviathan pointa son canon à pointes vers le rejeton draconique. Le poids du visage maintenait la gueule du rejeton draconique vers le sol, mais la tête se déplaçait comme si elle suivait les mouvements du Léviathan – mieux qu’elle n’aurait dû le faire.

Venethrax regarda Grendov.

L’acolyte claqua des doigts. Le Léviathan et les ogrun commencèrent à reculer.

Le rejeton draconique se cabra. Le filet s’avéra finalement peu gênant. À la moindre expiation, le rejeton répandait un panache d’acide brûlant sur le filet, le Léviathan, le nécrobombe et plusieurs ogrun.

Partout où l’acide entrait en contact, le filet fondait. Le fer se ratatinait avant de finalement s’effriter, le tout en l’espace d’un seul souffle.

L’ogrun s’en sortit pas mieux. Les guerriers endurcis hurlèrent tandis que leur chair se consumait. Le Léviathan parvint à survivre, bien que l’acide ait rongé une grande partie de sa carapace. Venethrax n’eut pas besoin de lui ordonner d’ouvrir le feu.

Malheureusement, l’acide avait affecté le mécanisme de l’arme. L’arme et le bras du Léviathan se brisèrent dans l’explosion qui suivit. Le helljack chancela. Il aurait pu échapper à la destruction, mais avec une aisance que son étant précédent avait démentie, le rejeton draconique déchira ce qui restait du filet, puis s’abattit sur le Léviathan. Il déchira facilement la machine en ruine, écrasant finalement la section contenant son cortex.

Le seigneur liche attendit un moment de plus avant d’envoyer un ordre à une nécrobombe à proximité, qui explosa aussitôt.

L’explosion assomma le rejeton draconique. Venethrax nota lequel de ses autres serviteurs avait manœuvré le plus près du monstre. Quatre immédiatement attirèrent son attention : l’Équarrisseur, deux ogrun et Dracia.

Il prit une décision.

Son armure s’illumina plus que jamais. Un rayonnement d’un vert maladif en jaillit dans une vague aux proportions draconiques. Venethrax sentit l’épuisement immédiat, mais il poursuivit.

La vague déferla sur les deux ogrun et l’Équarrisseur et contourna de justesse Dracia. Les deux ogrun hurlèrent et l’Équarrisseur trembla violemment. L’ogrun se tordit à mesure que la corruption s’amplifiait. Des gémissements s’échappèrent du corps du ‘jacks alors que le rayonnement l’affectait également.

Talyn. La simple mention de son nom par Venethrax fut tout ce dont le Faucheur avait besoin pour comprendre ce que son maître désirait. Talyn visa et tira sur les ogrun peureux.

Les malheureux guerriers explosèrent, leur destruction ponctuée par le rayonnement révélateur du feu magique, la plus puissante des sorcelleries de Venethrax, appelées flammes funéraires. Deux grands nuages de cendres sombres se formèrent dans le sillage des redoutables flammes, qui enveloppèrent le rejeton draconique étourdi.

Talyn ne perdit pas le temps à tirer sur l’Équarrisseur tremblant. Le ‘jack explosa avec des résultats non moins cauchemardesques. Sur le côté, une Dracia pâle, son regard écarquillé sur son maître, recula en titubant devant la bête. Elle semblait bien consciente que Venethrax l’avait laissée en vie, mais ne l’avait pas épargnée.

Le rejeton draconique siffla et rugit et essaya de se dégager de la cendre. Sa peau grésillait et il se tordait d’agonie tandis que ses traits prenaient une couleur cramoisie brûlante à cause de la cendre chaude.

La bête réussit finalement à se cabrer et à déployer ses ailes. À la frustration du seigneur liche, la force avec laquelle il battait des ailes réussit à disperser une grande partie des cendres.

Pourtant, bien que le rejeton draconique ait réussi à éliminer la majeure partie de la cendre brûlante de son corps, sa forme écailleuse continuait de brûler. Il se débattait d’avant en arrière, cherchant un soulagement qu’il ne trouvait pas encore.

Venethrax ne demeura pas inactif. Dès que l’occasion se présenta, le seigneur liche s’élança sur le flanc non protégé de la bête. Il porta un coup de Fléau des Dragons. La légendaire arme trancha l’écaille et s’enfonça dans la chair tendre.

Oubliant ses autres proies, le rejeton draconique frappa Venethrax de sa griffe blessée. La liche s’écarta d’un bond, puis envoya un ordre à Talyn.

Le Faucheur tira son harpon. Le tir coup était dirigé vers le bas qui, à certains yeux, aurait semblé médiocre, jusqu’à ce qu’il perce l’autre griffe postérieure et la traverse. Plus important encore, le harpon s’enfonça dans le sol de la grotte.

Le rejeton draconique tenta de dégager sa griffe. Venethrax avait depuis longtemps amélioré la puissance de feu du canon à harpon, car la lance avait besoin d’une énorme vitesse pour faire plus que simplement rebondir sur la peau du dragon. Le mécanisme du treuil vrombissant, Talyn entreprit de rétracter le câble au bout du harpon. Le câble se tendit.

Avec les ogrun écarté, Grendov découvrit à nouveau son œil. Les tentacules se précipitèrent vers le rejeton draconique, comme s’il s’agissait d’entités distinctes et non une partie de l’acolyte. Dracia, du poison frais sur son épée, guettait la moindre occasion de frapper à nouveau.

Assailli de tous côtés et cloué au sol, le rejeton draconique encore brûlant s’accroupit et siffla. À moitié aveuglé par les flammes funéraires, il s’en prit à son entourage, parvenant à écraser un nécroserf, s’étant trop approché, d’un coup sec de sa queue mutilée. Le rejeton tira encore et encore sur sa griffe, le sol où elle était coincée, se fracturant lentement mais sûrement.

À ce moment, le dernier spectre chasseur se matérialisé à côté de la gorge du rejeton draconique. Le spectre tiré sur la gorge, réussissant à la toucher directement, bien que superficiellement, avant de se volatiliser à nouveau.

Le rejeton draconique se retourna, cherchant ce nouvel attaquant.

Venethrax s’approcha de l’autre côté. Le mastodonte le remarqua au dernier moment et essaya de s’adapter. Évitant les mâchoires claquantes, la liche coupa le membre antérieur le plus proche. Fléau des Dragons coupa deux autres orteils, puis entailla profondément le dessous de la griffe. Malgré le sang acide du rejeton draconique qui brûlait son armure et même les os lui restant, Venethrax se précipita sous la créature se débattant. Il balança Fléau des Dragons avec force, tranchant la peau du bas-ventre avec une telle énergie qu’il laissa une entaille cramoisie de plus de deux verges de long et dégoulinante.

La créature libéra son autre griffe, envoyant Talyn voler dans les airs. De gros morceaux de chairs restèrent attachés au harpon, mais la créature ne semblait plus se soucier de rien, si ce n’est de détruire l’ennemi qui lui avait fait le plus de mal.

Mais Venethrax ne se trouvait pas là où le rejeton l’attendait. Alors que Talyn heurtait un stalactite, Venethrax sauta sur le dos de la bête, tailladant l’aile la plus proche. L’arme déchira la membrane comme du chiffon, garantissant que la rejeton draconique ne prendrait pas l’ait de si tôt.

Le rejeton draconique se jeta sur Venethrax mais ne parvint pas s’approcher que pour être une menace. Il tenta de souffler sur lui, mais la liche était trop près de la tête pour qu’elle puisse l’atteindre.

Venethrax s’approcha de la nuque et leva son épée. Il abattit Fléau des Dragons, et bien que le tranchant s’enfonçât à peine pour faire le couler le sang, cela suffit à pousser le dragon à redoubler d’effort pour atteindre la frustrante petite bête se trouvant sur son dos.

Le spectre chasseur se matérialisa à nouveau, arme levée. Le rejeton draconique en difficulté se retourna juste avant le tir. La créature expira avant que le spectre ne puisse réagir.

Le spectre chasseur laissa échapper un cri lugubre et tomba en cendres. Au milieu de l’agitation, Dracia bondit, tranchant le membre le plus proche. La satyxis ne préleva qu’une petite quantité de sang, mais cela correspondait aux plans de Venethrax. Le rejeton draconique tourna la tête, cherchant à mordre, essayant de souffler sur la satyxis, mais elle avait déjà reculé hors de portée.

Les tentacules de Grendov s’enroulaient maintenant autour de la gorge de la bête, et bien qu’elles soient faites d’ombres, elles se resserraient douloureusement. Le rejeton draconique s’acharna sur elles, mais des griffes passaient à travers.

Talyn ouvrit à nouveau le feu, visant la gorge. Au dernier moment, le rejeton draconique réussit à souffler sur les tentacules qui, malgré leur état incorporel, se dissipèrent immédiatement. L’action fit également changer la bête de position, juste assez pour que la salve du Faucheur frappe son épaule à la place. Talyn fut récompensé par un sifflement de douleurs, mais ce n’était pas la blessure espérée.

Le rejeton rugit si fort que le bruit ébranla plusieurs stalactites. Elle se cabra, le torse couvert de des propres fluides vitaux brûlants, dont une grande partie se répandit sur le seigneur liche. Venethrax ignora les dommages causés à son corps. En fait, à cet instant, il se délectait de la bataille. C’était pour cela qu’il avait été choisi. Certes, ce n’était pas un véritable dragon qu’il affrontait – un heureux coup du sort, il en était toujours conscient – mais ce monstre était un indice sur le mystérieux mastodonte – un morceau de celui-ci, pour ainsi dire. Le rejeton draconique détenait de nombreux secrets qui conduiraient très probablement la liche à ce que lui et son maître recherchaient.

Pour accéder à ces secrets, tout ce que Venethrax avait à faire était de le tuer.

Il connaissait désormais toutes ses faiblesses. Lame prête, Venethrax attendit que la bête enragée tente de l’écraser d’un coup de griffe. Venethrax leva Fléau des Dragons en arc de cercle lorsque la griffe s’approcha. Cette fois, il trancha ce qui restait des orteils griffus. Les doigts ensanglantés tombèrent de chaque côté de lui. Comme Venethrax l’avait prédit, la nouvelle blessure poussa le rejeton draconique rétracta le membre mutilé, évitant ainsi à la liche d’être écrasée.

Venethrax ne resta pas pour autant sur place. La liche s’était déplacée avant même que le rejeton draconique n’ait fini de retirer sa griffe. Il atteignit l’une des pattes arrière et enfonça Fléau des Dragons dans la partie inférieure, coupant à travers le tissu conjonctif.

Le rejeton draconique faillit basculer, mais elle se mit à quatre pattes, ou presque, sur ses membres abîmés. Venethrax s’était échappé de sous son corps. Toujours en mouvement, il fit ce qui aurait semblé être un choix suicidaire pour certain, en affrontant la bête de face.

Parce que Venethrax était si proche, l’instinct poussa le rejeton draconique à se jeter sur lui plutôt qu’à cracher de l’acide. Une fois de plus, les calculs de Venethrax, basés sur ses recherches s’avérèrent exacts. Il accueillit la morsure, regardant les mâchoires se tourner sur le côté pour l’attraper. Le rejeton draconique se souvenait manifestement assez bien de ce qui s’était passé la dernière fois et savait que le sort de brûlure de Venethrax aurait beaucoup mois d’effet avec la tête tournée comme elle l’était.

Mais Venethrax n’avait pas l’intention de répéter sa précédente attaque, Fléau des Dragons était l’unique outil dont il avait besoin. Le sort avait déjà fait son œuvre ; l’intérieur du gosier du rejeton était à vif, sensible.

Parfait pour Fléau des Dragons

Venethrax entendit Dracia haleter lorsqu’il la bouche du rejeton se refermer sur lui. Plaçant la grande épée au niveau de sa poitrine, le seigneur liche laissa le haut de la gueule de la monstruosité venir à lui.

Les runes le long de la lame flambant d’un vert brillant, Fléau des Dragons brûlait dans la palais. Venethrax tordit la lame alors qu’elle s’enfonçait.

En gémissant, le rejeton draconique s’éloigna tant bien que mal. Venethrax tenait à peine l’épée. Des crachats et du sang coulaient partout, brûlant tellement son armure, qu’elle commençait à ressembler à la carapace de Talyn. Il sentait que la fin était roche, mais peut-être pas celle du rejeton draconique.

Il n’attendit pas que le dragon se rétablisse. Venethrax avait appris tout ce qu’il pouvait du monstre. Il était temps d’en finir. La bête balançait la tête d’avant en arrière, essayant en vain de trouver un moyen de soulager ses souffrances toujours croissantes. Les flammes avaient déjà brûlé une grande partie de sa peau écailleuse, atteignant la chair tendre en dessous. Ses ailes battaient follement, mais l’une d’entre elles étant abîmées, le rejeton draconique ne pouvait même pas se soulever. Le seul avantage du battement d’ailes était qu’il empêchait les forces de Venethrax de s’approcher. C’était une petite victoire, car la liche n’avait plus besoin de personne que lui-même.

Il brandit Fléau des Dragons, puis cria : « Tu veux mettre fin à ton agonie, créature ? Tu la trouveras ici, sur la pointe de cette lame ! »

Sa voix grave résonna dans la grotte. Le dragon furieux pencha ta tête à la recherche de la liche. En voyant Venethrax si proche, il inspira. Le rejeton s’appuyait maintenant sur la seule arme ne lui ayant pas fait défaut.

« Merci », murmura le seigneur liche.

Il poussa la puissance de son armure à son maximum, s’élançant vers la gorge exposée que Talyn n’avait pas réussi à atteindre. Le dragon s’aperçut de son approche. Il cessa de respirer et tenta de l’avaler à nouveau.

Mais le rejeton draconique se déplaça trop tard. Venethrax enfonça la pointe profondément dans sa gorge exposée.

La bête parvint à émettre un gargouillis. Elle recula en luttant pour respirer. Venethrax n’eut pas besoin de retirer l’épée. D’autres fluides s’écoulèrent de la fente que Fléau des Dragons avaient taillé. Alors qu’il s’éloignait du rejeton se tordant, le seigneur liche s’émerveilla que cette créature ait pu survivre aussi longtemps avec autant de blessures.

Le rejeton draconique trébuchait d’avant en arrière. Ses yeux injectés de sang perdirent leur concentration. Ses ailes battaient faiblement. La bête pouvait à peine lever la tête.

Venethrax changea de position. Malgré son état, le rejeton draconique mourant le sentit. La tête pivota, les mâchoires s’ouvrirent à nouveau. Luttant, les poumons se gonflèrent.

Avant que la créature ne puisse souffler sur lui, le seigneur liche passa sous la tête et planta Fléau des Dragons sous la mâchoire. La lame surnaturelle perça les écailles, la chair et les os.

La bête noire tomba dans une attaque qui arracha Fléau des Dragons de Venethrax. La griffe mutilée passa à quelques centimètres de Venethrax, qui la laissa passer calmement en observant son épée et son adversaire.

Le rejeton draconique laissa s’échapper un autre long soupir puis se laissa tomber sur le côté. La queue oscilla deux fois avant s’immobiliser. Le mastodonte réussit à relever la tête une fois de plus, puis finalement, la laissa retomber.

Venethrax s’approcha doucement. Il dégagea Fléau des Dragons de sous la mâchoire du cadavre géant.

Une petite explosion secoua la grotte. Talyn rengainé son arme. De la fumée s’éleva de ce qui avait été les narines du rejeton draconique. La liche pensa à réprimander le Faucheur, puis laissa passer.

Malgré l’apparente victoire, et le savant en Venethrax cherchant à s’emparer de l’animal pour l’étudier, le danger ne s’était pas éteint avec la bête. Venethrax pointa du doigt l’endroit ou Talyn venait de tirer. « Notez la courbure de la mâchoire là-bas. Le bord arrondi des écailles. Chacun des enfants de Toruk porte des marques uniques ». Utilisant Fléau des Dragons, il fit un geste vers l’aile en ruine. « L’arc de l’aile. L’emplacement exact de celui-ci sur le dos du rejeton draconique. Tous les indices possibles quant à savoir qui a créé… »

Le seigneur liche eut l’impression que quelque chose les observait à nouveau. Avant même qu’il ait pu se tourner vers les zones sombres de la grotte, une voix semblable à celle d’un millier de serpents émergea. « Si intelligent, le petit étudiant, mais il devrait s’épargner des efforts avec le jouet du maître. S’il cherche un nom pour le maître, il peut l’avoir ».

Venethrax resserra sa prise sur son arme. Il connaissait le nom. Il le connaissait trop bien.

« Oui, c’est clair. Il sait déjà. Allons-nous le dire ensemble, liche ?  Allons-nous le dire ? »
Faisant toujours face à son interlocuteur, Venethrax acquiesça. « Oui, je connais votre maître. Je connais Blighterghast ».

« Un nom si glorieux, n’est-ce pas ? Blighterghast. Grand, magnifique Blighterghast ».

Venethrax se tourna enfin vers les ombres. Là où il n’y avait que les ténèbres, se tenait maintenant ce qui semblait n’être qu’un manteau et une capuche animées. Une main à peine enveloppée de peau – une main humaine – pointa la liche. Un rire creux résonna dans la grotte.

Oui, la liche connaissait bien ce nom. C’était à cause de Blighterghast qu’il se tenait icià à cause de Blighterghast que Toruk avait convoqué Venethrax et en avait fait son chasseur en chef. C’était Blighterghast qui, à peine deux siècles après la création de l’Empire du Cauchemar, avait détruit le prédécesseur de Venethrax.

La chose devant Venethrax, c’est ce que l’on pourrait appeler l’Écho de Blighterghast. Parfois, un dragon asservissait des mortels pour les soumettre à sa volonté, les employant comme les acolytes servaient les seigneurs liches. Exposés à la corruption, et à l’esprit étrange du dragon, ces mortels devenaient invariablement fous, si la corruption ne les tuait pas avant qu’ils ne puissent être utiles. Pourtant, certains se portaient volontaires, par espoir, par misère ou par vénération. Par choix ou contre son gré, ce serviteur humain du dragon était devenu un tel messager. Blighterghast touchait chacune de ses pensées.

« J’ai longtemps observé comment le nouveau jouet de Toruk furetait, cherchant telle ou telle trace ! Un jouet beaucoup plus intrigant que le précédent, qui manquait d’imagination, de qualités divertissantes et d’espoir de survivre face à moi lorsque nous nous sommes enfin battus ».

Ce n’étaient pas mots exacts de Blighterghast, mais plutôt une traduction dérangée du dédain du dragon. Pourtant, servir de canal à la volonté de Blighterghast impliquait une certaine proximité. Il se demanda à quel point le dragon pouvait être proche. Pour contrôler le rejeton draconique, et maintenant cet émissaire, il semblait probable qu’il soit très proche.

Un rire grinçant s’échappa de l’Écho. « Je vois ton esprit courir dans une douzaine de directions au moment même où nous parlons ! Mon maître est-il proche ? Mon petit couteau suffit-il. Ah, ce test est bien plus intéressant que le précédent, qui s’est terminé de façon si rapide et décisive ».

Venethrax secoua la tête. Tout ce que Blighterghast avait dit indiquait qu’il avait organisé toute cette expédition – et toutes les recherche qui l’avaient précédée – comme un moyen d’évaluer le Limier de Toruk. Le seigneur liche voulait nier qu’il pouvait être manipulé ainsi, mais soudain il voyait comment chaque mouvement, chaque indice l’avait conduit ici, exactement au moment où Blighterghast le désirait. Comment expliquer autrement que la corruption se soit répandu juste assez pour être détectable, ou que les rejetons draconiques semblait avoir anticipé l’arrivée de Venethrax ? Tant d’autres petites choses se mettaient en place, si elles étaient bien le fruit de la manipulation de Blighterghast.

« Tu ne devrais pas te sentir si bête », poursuivi l’Écho. « Je t’ai observé de près. J’ai vu l’invasion à venir. Si tu viens me chercher, je serai prêt ».

La liche sentit un frisson parcourir son corps immortel. Il sentit que ces derniers mots n’étaient pas traduits par l’esprit fou du mortel comme les autres, mais qu’ils venaient plus directement du dragon. D’autres pièces du puzzle se mirent en place dans son esprit. Les préparatifs de Daeamortus et de Terminus, les mouvements des flottes, la guerre à venir, Blighterghast avait observé et soupçonné que ces efforts étaient dirigés directement contre lui, le seul dragon assez audacieux pour demeurer à proximité de Cryx. C’est lui qui avait mené l’alliance de la progéniture de Toruk lors de la révolte ayant banni le Père des Dragons, et c’est lui qui avait prédit la répétition de cet affrontement. En vérité, même si le Cryx n’avaient pas l’intention de s’attaquer immédiatement à Blighterghast, il s’attaquerait à son repaire en temps voulu.

« Tu tomberas », dit le seigneur liche. « Nous finirons par te faire échouer, et ton athanc rejoindra ton père, comme il devrait l’être ». Alors même qu’il s’exprimait, Venethrax calcula que l’égocentrisme de Blighterghast laissait entendre qu’il était encore possible de s’échapper. Les dragons étaient extrêmement prudents, une caractéristique pouvant être exploitée. Si Blighterghast avait organisé cette rencontre pour tester le seigneur liche et jauger ses capacités, la destruction immédiate de Venethrax ne devait pas être son objectif.

La folie revint dans le ton de l’Écho lorsqu’il prononça : «  j’ai vu tout ce qui m’intéresse en ce qui te concerne, petit pantin. Lors de notre prochaine rencontre, vous tomberez, oui, périrez, ainsi que les armées de Toruk, son empire et tous ses plans.

Venethrax s’élança. Lui et Fléau des Dragons brillaient d’une énergie magique. Le seigneur liche atteignit l’Écho de Blighterghast avant que la forme encapuchonnée ne puisse réagir. Venethrax décrivit un arc de cercle au-dessus de la poitrine de la silhouette.

Dans la lueur ardente, Venethrax entrevit le vrai visage de l’Écho – un visage humain, certes, mais plus grotesque que la liche ne l’avait imaginé. La corruption du dragon avait totalement pris le contrôle, ne laissant que peu de peau tachetée sur un crâne étroit.

Il fit pivoter Fléau des Dragons, décapitant l’Écho de Blighterghast. Alors que Venethrax regardait les deux parties du corps se séparer, il pensa à la façon dont il avait probablement rendu service à l’humain – une honte, en fait.

Pourtant, à peine avait-il tué le serviteur de Blighterghast qu’un sifflement s’échappa de la direction de la tête. Venethrax se retourna et vit les yeux noirs enfoncés le fixant. « Ce corps n’a pas d’importance… » Sur ces paroles, les yeux s’obscurcirent et tout sentiment de la présence du dragon s’estompa.

Serrant les dents, Venethrax se tourna vers les autres. « Nous partons. Immédiatement. Prenez autant du rejeton que vous pouvez en transporter ».

Ils ne remirent pas en cause son urgence. Ils ne s’étonnèrent pas non de l’immobilité soudaine qui s’empara de la liche l’instant d’après.
Venethrax se connecta au navire, pour donner à Jediah le seul objectif qui restait à l’autre acolyte. La liche pouvait imaginer la figure de proue remuer, le bois se détachant  du long du visage vulpin de Jediah.

Commence les procédures d’évacuations, ordonna Venethrax au capitaine à travers l’acolyte déchu. Nous rapporterons du matériel pour la recherche.

Ses ordres transmis, la liche renferma Jediah sous la figure de proue. L’acolyte fit une brève tentative pour demander grâce, mais la liche le fit taire.

Son attention à nouveau fixée sur la grotte, Venethrax jeta un coup d’oeil par-dessus son épaule. Le sentiment d’inquiétude qu’il avait ressenti depuis son entrée ne le quittait pas, malgré la destruction de l’Écho.

Il se tourna vers Talyn qui, comme toujours, attendait à proximité, la tête penchée sur le côté.

« J’ai besoin que tu portes quelque chose que ne peut pas être endommagé », dit-il au Faucheur.

40
La liche fit une halte à midi. « Cet endroit devant nous. Laissez-moi l’examiner un peu plus en détail ».

« Qu’attendez-vous de nous ? » demanda Grendov.

La liche toucha une feuille, cherchant des signes de corruption. Les enfants de Toruk étaient habiles à se cacher sinon le Père des Dragons se serait occupé d’eux tout seul, il y a très longtemps. Mais aucun dragon ne pouvait s’empêcher de propager la corruption, aussi habile soit-il.

« Grendov, les arbres là-bas. Regarde si de la mousse pousse dessus ». Venethrax ne donna aucun ordre aux Quatre. Ils n’en avaient pas besoin.

Reprenant leurs positions habituelles, ils procédèrent à ce pour quoi ils avaient été refaits. Kankur ne reçut également aucun ordre. Le nécrotech se tenait prêt au cas où un besoin soudain de réparation surviendrait

Les ogrun noirs se déployèrent, certains suivant Grendov, d’autres prenant des positions de sentinelles mobiles se déplaçant au fur et à mesure que la liche se déplaçaient. Comme Kankur, ils n’étaient pas adaptés à cette partie particulière de la chasse. La bataille était leur point fort, pas le pistage.

« Dracia », dit Venethrax. Quand la satyxis s’inclina devant lui, il ordonna : « Trouve une fourmilière ».

« Une fourmilière ? »

« Vas-y ».

Avec un haussement d’épaules, elle poursuivit.

« Talyn, sécurise le périmètre est ».

« Le Faucheur se dirigea vers la partie la plus épaisse de la forêt voisine. Talyn remarqua une branche tellement particulière avant si loin que ses orbes brûlants touchèrent presque le morceau de bois. Puis il passa à la suivante.

Venethrax saisi un moustique qui passait et le retint. Sa magie gardait l’insecte tremblant, piégé au-dessus de sa paume, permettant au seigneur liche au seigneur liche d’inspecter les moindres détails.

Mais la créature n’offrait que la pathétique fragilité de la vie. Venethrax l’écrasa et se concentra sur l’écorce d’un arbre voisin. Il observa les crêtes, notant toutes les décolorations et la santé des créatures sur l’écorce.

Elle n’était pas corrompue. La forêt insistait pour rester intacte.

Venethrax s’accroupit près des racines, remarquant dans quelles directions elles se tordaient avant de s’enfoncer dans le sol. Il prit une poignée de cette terre et l’a tamisa.

Derrière lui, les Quatre réalisaient leurs propres expériences. Venethrax captait des bouffées de diverses odeurs. Des sons aléatoires associés à leur travail attiraient parfois son attention, mais ils n’avaient rien trouvé d’important jusqu’à présent, sinon l’orateur l’aurait signalé.

Enfin, il y eut un bruit aux conséquences possibles : les pas légers, presque silencieux, ne pouvant appartenir qu’à Dracia.

Elle attendit qu’il finisse son étude du dessous d’une feuille. « J’ai trouvé une fourmilière ».

Elle tendit une petite pochette. D’une petite cache dissimulée dans son bras gauche, Venethrax retira une petite pince et un globe violet conçu pour grossir au-delà même de ses capacités. Alors que le globe planait entre son regard et la pochette, la liche utilisa la pince pour retirer l’un des fourmis à l’intérieur.

La fourmi rouge se tortilla avec une force que Venethrax pouvait admirer, intrépide, elle cherchait à mordre ce qui la retenait mais ne pouvait tourner suffisamment la tête pour le faire.

Mettant de côté son intérêt pour les capacités naturelles de la fourmi, la liche commença son inspection.

« Si je peux », prononça Dracia, « quand j’ai rassemblé celle-ci et les autres dans la pochette, elles semblaient se déplacer un peu au hasard. Mais je ne connais rien aux fourmis.

« ‘Au hasard’ ». Venethrax posa la fourmi se débattant sur son bras et la relâcha. Au lieu de courir le long de son armure à la recherche d’une issue, la fourmi marcha en rond, puis le sur le côté, puis un autre cercle. Laissant l’insecte errer à sa guise, la liche en trouva une autre dans la pochette et l’étudia. Une fois de plus, il ne remarqua rien d’extraordinaire. Il posa la seconde fourmi à côté de la première et observa.

Pas une seule fois les deux interagirent. La seconde se déplaçait comme la première, errant clairement ‘au hasard’, comme l’avait dit Dracia.

Il leva les yeux en direction d’où œuvraient les acolytes dévoilés. L’acolyte au visage vide avait l’oreille droite dressée, comme s’il avait entendu quelque chose. Il se déplaça pour que son oreille gauche gagne puissance. L’acolyte fit cela encore et encore d’une manière non conforme à ses habitudes, mais l’orateur ne bougea pas pour alerter son maître.

Étrange, pensa-t-il.

Grendov choisit ce moment-là pour revenir. Adoucissant ses traits, il s’agenouilla devant Venethrax. « J’ai inspecté une cinquantaine d’arbres ».

« Suffisant pour l’instant. Qu’as-tu trouvé ? »

« La mousse pousse sur chacun. Ils ont l’air normaux. Aucun signe de corruption. L’écorce en dessous est saine et solide ».

Alors que Grendov faisait son rapport, Venethrax observait les deux fourmis. Elles continuaient à agir sans réfléchir.

Il regarda dans la pochette et repéra une troisième fourmi. Ignorant les deux sur son bras, le seigneur liche jeta un autre coup d’oeil aux Quatre.

L’acolyte poursuivait son constant mouvement d’oreilles, comme s’il cherchait à entendre quelque chose étant juste au-delà de ses capacités.

« Voulez-vous que j’inspecte plus d’arbres », demanda Grendov.

Venethrax lui fit signe de se taire. Laissant les deux fourmis sur son bras tomber ou continuer à s’accrocher à leur guise, la liche sortit de son armure un petit artefact ressemblant à une oreille pointue, mais en argent et tordue, de sorte que la pointe revenait dans le trou.

Tu as trop bien écouté pour ton propre bien, Marun. Maintenant, sers-moi à nouveau correctement.

Venethrax tendit l’artefact vers la troisième fourmi, qui se débattait comme les autres l’avaient fait.
Le sifflement secoua les personnes entourant le seigneur liche et fit raidir Venethrax.

« Cela vient de cette petite bestiole ? » demanda le satyxis.

Venethrax retourna la fourmi. Le sifflement fut plus prononcé, plus sauvage. Venethrax remarqua que de minuscules gouttelettes de ce qu’il pensait être de l’acide formique s’échappaient de la zone des mandibules. Il aurait ignoré l’acide, que toutes les fourmis possédaient, si quelques gouttes n’avaient pas touché son armure – et brûlé profondément le métal. Si les gouttelettes n’avaient pas été si petites, son armure aurait pu subir de réels dommages.

Il inspecta la fourmi de plus près. En augmentant le grossissement, Venethrax finit par trouver ce qu’il cherchait : une unique tache sur la face inférieur du thorax, blanc verdâtre et en train de suppurer.

Corruption.

Il employa les pinces pour écraser la fourmi, puis reporta son attention sur la paire de fourmis toujours sur son bras. Maintenant la liche remarquait de minuscules taches d’acide.

Énergisant son armure, Venethrax brûla les autres armures. Pour faire bonne figure, ils pris la pochette de Dracia et la détruisit, ainsi que son contenu. Laissant tomber les restes consumés sur le sol, Venethrax se tourna vers la satyxis. « Montre-moi cette fourmilière. Grendov, la colonne se déplace avec nous »

« Oui, mon seigneur ». Grendov se dirigea vers les ogrun.

Inclinant la tête, Dracia conduisit son maître à l’avant. Avec Grendov supervisant le reste de la force de Venethrax, Talyn et les helljacks prirent place derrière le seigneur liche. Bien que le Faucheur ne s’arrêtait à aucun moment, il jetait constamment un coup d’oeil sur les branches et les buissons le long du chemin comme s’il soupçonnait qu’ils étaient des ennemis. Les Léviathans ne faisaient pas preuve d’une telle imagination, se contentant de suivre le sillage de Venethrax tels d’obéissants animaux domestiques.

« Comment avez-vous su pour les fourmis, mon seigneur ? » demanda Dracia.

« Les systèmes complexes d’habitations des insectes communautaires comme les fourmis peuvent s’étendre sur des distances et des profondeurs inimaginables. De cette manière, elles sont souvent les premières créatures à rencontrer la corruption et en être affectées.

« Et la mousse ? »

« Susceptible à l’aura de la corruption qui se répand, elle prend une couleur grise distinctive lorsqu’elle est affectée. Même si ce gris n’est pas encore visible, une inspection de l’écorce des arbres environnants pourrait également révéler la décomposition et la mutation ».

Dracia inclina à nouveau la tête. « Grande est l’intelligence de mon seigneur. Le Père des Dragons n’aurait pas pu choisir un serviteur plus intelligent ».

Venethrax ignora le compliment. « Nous sommes proches ? »

« Juste là ». La satyxis pointa devant elle et à sa gauche. Vous voyez. Cette clairière ».

Au premier coup d’oeil, la zone ne révélait aucun signe de corruption. Les arbres et les autres plantes semblaient en bonne santé Pourtant, Venethrax ralenti prudemment son pas.

« La fourmilière est de ce côté-ci ». Dracia se dirigea vers un imposant chêne se penchant vers le groupe venant en sens inverse.

« Arrête », ordonna la liche. Alors que Dracia obéissait, Venethrax fit quelques pas devant elle, puis mit un genou à terre pour examiner le sol.

Quelques fourmis s’approchèrent de son imposante forme. Venethrax ne leur prêta pas attention, plus intéressé par le sil lui-même. Il écarta les brins d’herbes, étudiant le dessous de chacun.
Et, enfin, il trouva plus de corruption. Seulement à la base de deux brins, mais sans équivoque.

Observant toujours l’herbe corrompue, Venethrax ordonna : « Que Grendov répartisse les autres sur cette zone. Je veux que même les ogrun surveillent la flore. Nous devons découvrir de quelle direction elle se propage ».

« Oui, mon seigneur ».

Talyn et les Léviathans demeurèrent à proximité, gardant le seigneur liche afin qu’il puisse poursuivre son enquête sans souci. Kankur se tenait également à proximité, silencieux et immobile comme une statue. Le reste de ses forces se déployait comme ordonné. En se rapprochant de la fourmilière, la liche ressentit un frisson, une sensation presque vivante. C’était la raison de son existence, le genre de moment pour lequel il servait…

Il arriva au bord de la fourmilière, où comme Dracia l’avait dit, les fourmis se déplaçaient de manière aléatoire, ce qui n’illustrait en rien la détermination naturelle pour laquelle Venethrax les admirait. Il semblait même qu’ils n’avaient trouvé l’entrée du tertre que par accident. Une fourmi tomba alors qu’il observait.

Il arasa la base de la fourmilière. Les fourmis prises dans son action ne semblaient pas vraiment le remarquer. Au moment où elles furent libérées de sa main, elle poursuivirent leur errance sans but au lieu de s’enfuir en courant paniqué.

Il regarda de plus près le sol. Sa main avait révélé d’autres traces de corruption étrangère. Venethrax ne craignait pas la contamination par de si petites quantités ; l’énorme pouvoir qui lui conférait la propre corruption du Père des Dragons le protégeait de celle de tout dragon mineur.

En suivant les zones présentant la corruption la plus avancée, le seigneur liche s’aperçut que, bien que fragmentaire et bien caché, il s’étendait jusqu’au chêne. Il regarda en haut. Dracia et Grendov étaient de retour. Derrière eux traînaient plusieurs ogrun anxieux, le regard furtif, sursautant au moindre bruit.

« Mon seigneur » prononça Dracia. « Certains ogrun ont trouvé des signes visibles de corruption, mais ils ont peur de la toucher.

« J’apporte des rapports similaires de l’autre côté de cette clairière », ajouta Grendov en adoucissant ses traits.

Venethrax les récompensa d’un vague hochement de tête, l’esprit encore occupé par ses propres observations.

Mais au fur et à mesure que les rapports arrivaient, quelque chose lui apparut, une image qu’il aurait dû comprendre depuis longtemps. Le seigneur liche se leva d’un bond, faisant sursauter ses deux lieutenants.

Il tourna en rond. Un sifflement de colère lui échappa alors qu’il comprenait à quel point il avait sous-estimé le danger. Il y avait plus de corruption à proximité, plus de corruption dans toutes les directions.

Il avait été assez stupide pour ne pas réaliser à quel point elle pouvait se répandre sous terre.
« Sonne la retraite. Pour tout le monde- »

Venethrax s’interrompit alors qu’un liquide blanc suintait du sol non loin devant eux. Seulement, alors qu’il se répandait sur le sol, il remarqua que ce n’était pas un liquide, mais plutôt des millions et des millions de fourmis corrompues.

Grendov tenta d’appeler à une retraite ordonnée comme il l’avait ordonné, mais la zone sous l’acolyte céda. Dracia se jeta vers lui, mais le rata, car son pied se déroba.

Venethrax eut le temps de voir des fourmis corrompues plusieurs fois de la taille des premières surgirent à la surface près de ses pieds avant que le reste de la clairière ne s’effondre. Son armure lourde lui servit et agit contre lui. Elle protégea Venethrax alors qu’il chutait au sol, l’armure subissant le gros de l’effondrement alors que des tonnes de roches et de terres lui tombaient dessus, mais la liche coula telle une ancre, grâce à son poids.

Ils chutèrent tous.

Les ténèbres entourèrent Venethrax. S’il avait été une créature vivante, il aurait suffoqué à cause de la poussière remplissant sa bouche.

Mais un autre danger se profilait, alors que Venethrax luttait pour retrouver son équilibre. Les fourmis continuaient d’envahir son champ de vision, rampant sur son armure malgré son champ d’énergie qui aurait dû rendre leurs incursions impossibles. Il semblait qu’elle se déplaçaient maintenant avec intention, cherchant des brèches dans son armure – n’importe quelle brèche, aussi petite soit-elle.

Il parvint à se rétablir. Lorsque le grondement de l’effondrement s’estompa, il fut remplacé par le sifflement des fourmis corrompues.

Des mandibules aussi larges que la main de Venethrax traversa la poussière en direction de son visage. Il leva sa main et réussi à attraper l’énorme fourmi derrière la tête juste avant que les mandibules ne l’atteignent. Venethrax écrasa la fourmi. Ses infects fluides vitaux se répandirent sur lui.

Des sifflements l’assaillirent de toutes parts alors qu’il poussait pour se dégager. De plus petites fourmis continuaient de ramper sur lui, le forçant à les brosser bien que cela ralentisse sa progression. Si les créatures pénétraient dans son armure, elles ou leurs plus grosses cousines deviendraient mortelles pour lui.

Une autre paire d’énorme mandibules se brisa sur son poignet gauche. Venethrax pointa sa paume vers l’insecte, puis se concentra.

Un feu vert éclata autour de la fourmi corrompue. Avec un cri aigu la créature se tordit et se retourna, se recroquevillant finalement en une boule consumée.

Avançant sa main devant l’attaquante morte, Venethrax fini par trouvé l’air libre. Il creusa dans cette direction, repoussant enfin assez de terre et de roche pour voir ce qui l’attendait.

Ce ne fut pas un spectacle l’emplissant de plaisir.

Il se tenait au pied d’une fosse géante. Des fourmis corrompues se répandaient sur tout. Leur domaine se situait clairement sous toute la clairière et même au-delà. Avec des fourmis si grosses, les tunnels devaient être encore plus grands. Dans des circonstances normales, le complexe serait resté sécurisé sous la surface. Malheureusement, la compagnie de la liche s’était avérée trop lourde pour le sol.

Ou y avait-il plus dans cet effondrement ? Venethrax avait essayé de comprendre l’esprit sournois des enfants de Toruk pendant tant de siècles, qu’il ne pouvait s’empêcher de noter son opportunité.

Alors même qu’il réfléchissait à cette possibilité, le seigneur liche se leva et trouva une grande partie du reste de sa compagnie luttant contre des ennemis corrompus. Les Quatre se tenaient dans un coin éloigné, dos à dos, abattant habilement toutes les fourmis s’approchant alors qu’ils harmonisaient leurs sens. Plus proche de Venethrax, Dracia frappait les fourmis avec une arme à chaîne tout en lançant un sort mettant les autres en pièces. Malgré tous ses efforts, les rangs apparemment sans fin affluaient vers elle, un problème qu’elle partageait avec les Quatre.

De Grendov, Venethrax ne remarqua aucun signe. Mais l’instant d’après, les pensées de l’acolyte touchèrent son esprit. Grendov avait réussi à s’accrocher au bord lorsque la colonie de fourmis s’était effondrée. Il n’était pas à l’intérieur.

Je regroupe nos forces au-dessus dès maintenant, mon seigneur.

Dépêche-toi, répondit Venethrax, conservant son attention sur les événements au fond du trou. Les guerriers ogrun frappaient les insectes. L’un des spectres chasseurs tirait sur une colonne, en détruisant plusieurs. Pourtant, des fourmis rampaient sur la forme du mort-vivant. Même un spectre chasseur n’était pas insensible à leur pouvoir draconiqe corrompu lorsqu’il était corporel.

Tout en écartant les petits ennemis de son armure, Venethrax libéra Fléau des Dragons. La lame surnaturelle s’enflamma au fur et à mesure qu’elle était dégainée. Il l’abattit sur d’autres fourmis, tuant des centaines d’entre elles d’un seul coup.

À courte distance, l’un des Léviathans se retourna pour essayer de repousser l’attaque sur son chariot. Le helljack tira plusieurs coups de feu, touchant l’un des ogrun. Alors que l’ogrun tombait, le ‘jack tira encore et encore, forçant les alliés à fuir les environs.

Un autre ogrun tomba à genoux, le corps couvert. Le guerrier, autrefois redoutable, agrippa sa bouche tandis que les fourmis affluaient. Il s’agita follement jusqu’à ce qu’il finisse par succomber, l’écume à la bouche et s’effondrant face première sur le sol.

« Lâchez-moi, bon sang ! » dit Dracia. Malgré son admirable travail avec l’arme à chaîne, la satyxis risquait toujours de subir le sort de l’ogrun.

Un craquement près de son poignet avertit la liche d’une nouvelle menace. Surpris, il découvrit que certaines fourmis avaient abandonné l’armure et avaient mordu sa main sans chair. L’acide formique amélioré brûlait ses os.

Venethrax ressentit également les dégâts sur son armure.

Il brûla les fourmis en amplifiant sa fournaise. Puis, plus déterminé que jamais, Venethrax fonça sur les autres assaillants, brûlant vivants des centaines d’insectes avec une pluie magique de liquide caustique. Des milliers de petits cris se joignirent aux sifflements sans fin.

Et pourtant, aux yeux de Venethrax, l’armée de la colonie semblait sans fin.

La liche se concentra. Talyn, en avant.

L’imposante forme de Talyn s’approcha de la liche. Sur son ordre, il cracha de l’acide. Le mortel panache retint temporairement les créatures.

À droite de la liche, un nécropantin s’effondra sous les incessantes attaquent des insectes, des parties de son corps à moitié dissoutes par d’immenses quantités d’acide contaminés par la corruption. Près du nécropantin, un autre ogrun chuta en hurlant. Il se tordit un instant de plus dans une ultime tentative pour évacuer des dizaines de fourmis de son corps.

Encore et encore, Fléau des Dragons tuait des centaines, voire des milliers de fourmis à chaque coup. Et d’autres se déversaient du sol, des parois et d’au-dessus. Venethrax se demanda à nouveau si cette colonie n’était pas un piège tendu par le dragon qu’il recherchait, un piège n’attendant que les curieux serviteurs de Toruk.

La vois de Grendov remplit son esprit. Monseigneur, j’ai réuni le capitaine ogrun et nous avons organisé suffisamment d’assistance pour vous aider à remonter à la surface. Si vous-

Une obscurité recouvrit l’effondrement. Une grande agitation au-dessus fit s’arrêter la liche dans ses efforts. Il chercha un signe de Grendov mais ne vit rien.

Dans un bruit sec, quelque chose s’écrasa à côté de lui. D’autres choses tombèrent à proximité.
L’ombre s’estompa. La source du bruit à côté de lui s’avéra être un ogrun, sans tête mais toujours par l’insigne de Venethrax. C’était le capitaine dont Grendov avait parlé.

Ce ne fut pas le seul corps. Plusieurs autres cadavres d’ogrun gisaient le sol, tous dans un état au moins aussi ravagé que l’officier. Un certain nombre de nécropantins étaient également empilés parmi le groupe de combattants, certains d’entre eux dans un état encore plus lamentable.

Entre les coups, Venethrax regarda le corps du capitaine ogrun. Quelque chose lui semblait étrange. Le cou, réalisa-t-il. Ce qui aurait dû être une blessure sanglante était à la place soigneusement cautérisée. Il serra les dents, en regardant vers le haut. Il fallait un puissant acide pour cautériser de cette manière, si puissant que même le venin des fourmis corrompues n’était pas à la hauteur - le type d’acide qu’il associait à un dragon ou au moins à un rejeton draconique.

Et si Grendov avait réussi à éviter le trou plus tôt, la force ayant privé l’ogrun de sa tête avait également projeté l’acolyte dans la section effondrée. Coincé sous la roche, Grendov gisait aussi immobile que l’un des cadavres. Venethrax ne pouvait pas atteindre Grendov, même s’il sentait que son serviteur vivait toujours, et qu’il n’y avait personne d’autre qu’il pouvait envoyer pour libérer l’acolyte.

Mais il y avait un serviteur qui pouvait apporter à Grendov une certaine défense. Venethrax sentit que l’Équarrisseur se redressait au fond de la fosse. Sur l’ordre de la lichen le bonejack prit position près de l’acolyte piégé.

Satisfait pour le moment, Venethrax retourna défendre sa propre position. Alors qu’il se battait, il entendit une voix s’élever au-dessus du vacarme.

« Et un autre, et un autre », commentait Kankur d’un ton clinique. Le nécrotech avait les quatre bras en action, mais surtout celui qui maniait une aiguille. Tel un scorpion, Kankur poussait encore et encore, empalant fourmi après fourmi en une rapide succession. Pendant ce temps, le couteau chirurgical tranchait les têtes des autres fourmis, parfois avec une telle précision que les corps continuaient à bouger quelques secondes de plus.

Un autre ogrun en fut chuta, le corps couvert de la tête aux pieds. Ses camarades restants s’étaient rassemblés en un groupe défensif, se tournant le dos les uns les autres. Bien que le plan ait du mérite, les fourmis continuaient à ramper sur les guerriers.

C’était le chaos. Si Venethrax ne prenait pas rapidement le contrôle de la situation, son expédition s’arrêterait ici.

Comme pour souligner ce point, un carillon d’alarme provenant de l’un des Léviathans résonna dans son esprit. Criblé d’acide, le helljack tourna en rond puis vacilla en avant comme s’il était étourdi. Venethrax senti des problèmes avec les connexions corticales du Léviathan. Les insectes corrompus avaient trouvé leur chemin dans son châssis et presque dans le cortex. Ils n’avaient pas percé de brèche dans sa coque extérieure, mais les conduits permettant de communiquer avec ses membres étaient compromis. Il ne pouvait pas se défendre.

Frissonnant, le Léviathan trébucha et bascula.

Talyn cessa de cracher de l’acide. Avec un son semblable à de la frustration, le Faucheur ouvrit le feu sur la mer de fourmis. Les tirs détruisant des légions d’insectes corrompus, arrosant plusieurs des autres défenseurs de morceaux de roche et de terre.

Alors que la liche appréciait la détermination du Faucheur, l’excessive réaction de Talyn distrayait encore plus ses camarades. Venethrax pris le contrôle du Faucheur mettant fin aux imprudentes explosions.

Plusieurs fourmis aussi grandes que le point charnu d’un ogrun arrachèrent un guerrier au groupe en diminution. Au moment où il fut privé de la protection de ses camarades, des centaines d’autres fourmis rampèrent sur son corps se tortillant. La brèche dans leurs défenses s’avéra fatale pour le reste des camarades de l’ogrun mort. Les fourmis se déversèrent dans l’ouverture, attaquant le reste des guerriers par-devant et par-derrière.

Fléau des Dragons dévasta des milliers de fourmis, mais Venethrax devait en faire plus pour empêcher le reste de son groupe – et lui-même – de tomber. Le seigneur liche s’arrêta à contrecœur, ce qui permit aux fourmis de remplir les espaces qu’il avait dégagés. Il essaya d’ignorer la vague d’adversaires corrompus s’approchant, tout en tenant Fléau des dragons au de sa poitrine et en se concentrant. Il n’avait jamais canalisé ce sort à travers l’épée, mais cela semblait l’unique option.

Par la pensée, Venethrax saisit les deux âmes récemment capturées du vaisseau cygnaréen. Alors qu’elles hurlaient d’agonie, il employa leurs essences pour restaurer sa force magique. Cet effort consuma ce qu’il restait des deux hommes morts, mais Venethrax n’avait pas le choix. S’il survivait, il pourrait en récolter davantage.

Le corps de la liche brilla alors qu’il canalisait sa volonté le long du tranchant de Fléau des Dragons. Les Feux de l’Enfer se propagèrent de la liche à sa lame, où ils coulèrent jusqu’à la pointe. La consommation d’énergie de Venethrax fut énorme, mais la liche s’en ficha.

Il pointa Fléau des Dragons vers les fourmis les plus proches. Les Feux de l’Enfer se jaillirent de la pointe de la lame, se déversant sur les légions. Ils drapèrent tout devant la liche, en l’espace d’un souffle – pour ceux qui respiraient – éradiquant toutes les fourmis auxquelles Venethrax faisait face.

Pourtant, il y en avait encore beaucoup, beaucoup plus.

Malgré l’épuisement croissant de son pouvoir, Venethrax tourna son épée vers la droite. À nouveau, les feux de l’enfer enveloppèrent les insectes, les tuant rapidement, quelle que soit leur taille.

Les feux de l’enfer enflammèrent la colonie effondrée. Enfin, Venethrax consolida sa position et repoussa les fourmis. S’armant de courage, le seigneur liche fit un pas en avant puis un autre.

Les fourmis corrompues cessèrent finalement leur attaque contre lui. Venethrax se fraya un chemin jusqu’à Dracia, sans se soucier de savoir si les feux de l’enfer pouvaient l’effleurer. Il supposait qu’elle préférait être blessée plutôt qu’être détruire.

Avec les insectes fous chassés, Dracia réussi finalement à reprendre son souffle. Ce fut l’unique moment de répit que son maître lui accorda.

« Récupère Grendov ! Que Talyn l’emmène. Suivez cette voie. Le seigneur liche amena Fléau des Dragons et les feux de l’enfer vers l’endroit où se trouvait l’acolyte.

« Oui, mon seigneur ! » Dracia craignait à juste titre Venethrax plus que la colonie corrompue. Risquant le contact avec les feux de l’enfer, elle se précipitât vers Grendov.

Venethrax renforça le lien avec le Faucheur puis ordonna à Talyn de suivre Dracia. Tandis que Talyn se mouvait, Venethrax jeta un regard autour de lui. À part Kankur, un Léviathan et trois ogrun tentant d’escalader le mur, il n’y avait aucun survivant visible.

Serrant les dents, la liche renforça son sort avant de balayer Fléau des Dragons de sorte que la lame surnaturelle couvre toutes les zones, sauf celles où Dracia et Talyn avait traîné Grendov en sécurité.

Les feux de l’enfer ravageaient la colonie. Les fourmis corrompues s’enfuyaient dans les murs et le sol. Bien qu’elle soit sur le point de s’effondrer, la liche poursuivait son attaque. Il tenta également de déclencher une pluie de sang, mais choisit de ne pas le faire tant que Dracia et les autres étaient encore dans le trou. Le seigneur liche avait besoin de ses serviteurs.

Un sifflement résonna dans sa tête. Venethrax entendit le bruit de plusieurs membres derrière lui. Trois massives fourmis attaquaient le seigneur liche depuis le haut de son dos. En employant le sort feux de l’enfer d’une manière si inhabituelle, il avait épuisé une grande partie de l’énergie de son bouclier magique. Il n’était pas sûr de pouvoir les retenir, maintenant qu’ils avaient fini.

Sa tension mentale augmentant, Venethrax attrapa aveuglément la première fourmi. Il la rata. À la seconde tentative, la fourmi vint à son aide, ses mandibules cherchant à briser les os de sa main en deux. Au lieu de cela, la liche projeta la fourmi accrochée en avant, assez fort pour desserrer son emprise. Elle atterrit juste devant Venethrax. Le seigneur liche l’écrasa rapidement de son massif pied, laissant une flaque de boue grise sous sa botte.

La deuxième atteignit la faille dans son champ de force. Il réussit à attraper une patte et à la tirer – seulement pour découvrir que les mandibules de la fourmi l’avaient attrapé. Venethrax tira plus fort. Malheureusement, cela ne servit qu’à laisser libre la déchirure des mandibules de la fourmi.

Il sentit la fourmi chercher à ramper à l’intérieur. Avec une grande frustration, la liche cessa finalement son sort feux des enfer. Des flammes brûlaient toujours dans son voisinage, mais elles n’étaient plus sous son contrôle. Le feu commença à se propager vers lui, en fait coupant sa voie de retraite.

Malgré cette nouvelle menace, Venethrax devait se préoccuper de s attaquant restants. Laissant tomber Fléau des Dragons, il attrapa la créature intruse à deux mains.

Cette fois, il arracha le corps par le thorax. La tête se balançât un moment, puis tombât. Jetant le corps tremblant, Venethrax chassa la dernière fourmi. Il la saisit avant qu’elle ne puisse grimper plus haut, l’écrasant entre ses mains, et essuya ses fluides vitaux de ses paumes.

Venethrax récupéra Fléau des Dragons. Accrochant son épée dans son dos, il se dirigea vers le mur de terre presque vertical à sa gauche, son seul espoir d’évasion. Il creusa profondément et commença à s’élever. Son emprise demeurait précaire, mais lentement il progressa.

En dessous, les feux de l’enfer se propageaient furieusement dans toutes les directions. Les cris aigus des fourmis mourantes atteignirent un crescendo, puis chutèrent jusqu’à un quasi-silence.

Une courte missive mentale de Grendov l’informa que Dracia et Talyn avaient non seulement sauvé l’acolyte de sa situation, mais qu’ils s’étaient échappés du trou avec lui et l’Équarrisseur. En ayant cela à l’esprit, Venethrax ordonna à Talyn de revenir et de l’aider.

Le bord supérieur du mur apparut. Venethrax tenta une nouvelle prise, mais la massive tête d’une fourmi traversa le mur juste au-dessus de lui. Avec un long sifflement, la fourmi s’abattit sur la liche, l’acide dégoulinant de ses mandibules.

Utilisant ses mains griffues comme les pitons d’un alpiniste, Venethrax poussa vers le haut. Quelques fourmis corrompues rampèrent hors du mur tandis qu’il grimpait, mais elles étaient minuscules, insignifiantes. La principale préoccupation de Venethrax était que le ur puisse supporter son poids. À mi-chemin, cette inquiétude atteignit son paroxysme lorsque la terre sous sa main droite s’effondra. Il faillit tomber. Seuls les rapides réflexes permirent à Venethrax de renforcer sa prise à temps.

Incapable de relâcher son emprise très longtemps sans tomber, Venethrax tenta de calculer une autre défense.

Il fut sauvé par une longue pointe qui transperça habilement la fourmi juste derrière la tête. Talyn regarda son maître. Il secoua d’abord le cadavre pour le libérer, puis étira la pointe pour que Venethrax puisse s’agripper.

Atteignant la surface, la liche se retourna pour inspecter les résultats des feux de l’enfer. La fosse où se trouvait la colonie brûlait toujours. Il n’y avait plus de cris, mais davantage de fourmis restaient cachées dans les bords extérieurs de la fosse en ruine où elles avaient fui.

Talyn visa le centre du trou et tira.

Une énorme explosion secoua la fosse. Des flammes s’élevèrent dans les cieux, résultat de la charge incendiaire que Talyn avait tirée. Des fragments de roches et de terre se détachèrent de chaque mur, ajoutant au chaos. Rien de ce qui avait évité les feux de l’enfer ou caché dans les murs ne viendrait les poursuivre.

Talyn tira une seconde salve, moins puissante, sur la colonie dévastée. Il se pencha pour jeter un coup d’oeil à l’endroit où il venait de tirer, puis, apparemment satisfait, s’éloigna du bord et attendit le prochain ordre de la liche.

Grendov, le visage toujours légèrement de travers, vint aux côtés de Venethrax. « Mon seigneur, pardonnez à mon- »

« Demande aux ogrun de préparer les torches et poussez ce qui reste de ces choses dans la fosse, puis veillez à ce que tout le monde se déplace à l’ouest ». La liche regarda le sol voisin. « Revenez me voir immédiatement après ».

Tandis que l’acolyte obéissait, Venethrax examina ce qui restait de ses forces. De nombreux ogrun et la plupart des nécropantins n’étaient plus. En plus de Grendov, Dracia et Kankur avaient survécu, mais Venethrax n’avait repéré qu’un seul des spectres chasseurs.

« Où est l’autre ? » demanda-t-il à la satyxis en indiquant le spectre restant.

« Je n’en ai aucune idée, mon seigneur. Il était en bas avec nous ».

Il fallait une grande puissance pour abattre un spectre chasseur. Le niveau de corruption infestant la zone était pire que ce que Venethrax avait soupçonné. En effet, il n’avait qu’à chercher les autres ‘jacks pour voir combien de dégâts de simples insectes – même s’ils étaient radicalement modifiés par la corruption – avaient causés à ses serviteurs personnellement entraînés. Il ne restait qu’un seul Léviathan. Sa colonne était réduite à moins de la moitié de ses effectifs, même si Kankur voyait ce qu’il pouvait faire avec les restes des autres pour augmenter la puissance des survivants.

Et pourtant, pas un instant le Limier de Toruk ne pensa à battre en retraite. Bien que désastreux, cet événement l’encouragea à penser que le but ultime de ses siècles de recherches était devant lui. Un dragon. Un nouveau dragon.

Force-moi à traverser un millier de colonies infectées, à affronter une légion d’ours corrompus, ou d’autres massives bêtes tordues par votre présence, Venethrax défia silencieusement le dragon invisible. Je te traquerai quand même.

Le seigneur liche inspecta les vestiges de la clairière. Il remarqua la forme de la colonie telle que définie par l’effondrement. Il observa le trou, puis les collines vers lesquelles ils se dirigeaient, puis Grendov. L’acolyte, sentant les besoins de son maître, se précipita vers lui.

La liche savait déjà la plupart de ce que Grendov avait vu, fait, et pensé ; l’esprit de l’acolyte lui était presque toujours ouvert. Il fouilla plus attentivement maintenant. Le seul survivant à avoir vu tout ce qu’il s’était passé depuis le haut, il n’avait pas vu grand-chose d’important. Grendov avait été renversé par-derrière, puis projeté dans la fosse par le coup du mystérieux attaquant. Mais suffisamment de fragments d’images passèrent du serviteur à son seigneur pour aggraver les soupçons de Venethrax. Il vit des griffes, des dents, des morceaux d’ailes.

« Grendov. Concentre-toi. Pense au moment où tu as été frappé pour la première fois. Réfléchis ».

Venethrax aurait pu tenter de prendre ce qu’il voulait de l’acolyte sans l’invoquer, mais le seigneur liche cherchait des informations minutieuses, un fragment de fragment, et préférait les obtenir sans potentiellement détruire l’esprit de Grendov. Ce n’était pas souci pour l’acolyte que son maître le préservait, mais une conscience aiguë de la valeur de Grendov s’ils devaient affronter la source de la corruption. Ils étaient déjà trop peu nombreux.

Grendov s’inclina puis leva les yeux. Son unique œil visible rencontra celui de Venethrax. La liche le fixa.

À nouveau, de brefs aperçus du bain de sang apparurent. Une ombre enveloppant tout. Des morceaux d’ogrun défilant. La vue de Grendov changeait alors qu’ils essayaient de se tourner. Dents. L’aile. Une griffe.

Et c’était tout. Les souvenirs de Grendov après cela consistaient à être coincé sous la roche.

Pourtant, ce fut suffisant. À partir des fragments, Venethrax put calculer la direction d’où venait le dragon. C’était le dernier élément dont le seigneur liche avait besoin pour ses calculs.

Il s’était trompé. Les collines vers lesquelles ils se dirigeaient étaient probablement un leurre. La forme de la colonie dictée par l’avancée de la corruption, l’aplatissement du terrain sur le côté des collines et le vol du dragon permirent à Venethrax de trianguler l’endroit qu’il cherchait.

C’est là, pensa-t-il avec triomphe alors qu’il regardait par-dessus Grendov, en direction d’une parcelle de terre légèrement arrondie parsemée d’arbres. C’est là que tu te caches.

La liche ne doutait plus de ses calculs. Venethrax dépassa la dévastation, le massacre d’une grande partie de ses forces étant maintenant un sacrifice digne de ce nom. Il savait où se trouvait sa proie. C’était tout ce qui comptait.

Grendov avait les restes de la force de la liche prête. Venethrax fixa l’acolyte. Cela débute. Tu connais ta place. Occupe-toi de la colonne.

Grendov s’inclina profondément.

La liche passa devant Talyn. Le Faucheur se plaça silencieusement derrière lui. Le Léviathan restant et l’Équarrisseur emboîtèrent le pas. Avec une grimace, la satyxis rengaina son arme et se dirigea vers Grendov.

Venethrax se fraya un chemin à travers la forêt. Talyn et le Léviathan restèrent silencieux alors que la liche s’approchait de la butte. La forêt elle-même était calme, réalisa le warcaster. Avant la colonie de fourmis, les choses avaient au moins eu un semblant de normalité, ici il était clair pour l’œil aiguisé, l’oreille sensible, que quelque chose avait changé.

Les premiers signes visibles de la corruption commencèrent à apparaître sur les feuilles, les troncs d’arbres et mêmes les rochers. Un mortel stupide aurait en premier pensé que ces traces étaient une sorte de lichen bizarre, mais pour Venethrax, chaque signe était comme si le dragon avait griffonné son nom. La seule frustration du seigneur liche était de ne toujours pas pouvoir lire ce nom, ne pouvait toujours pas dire qui était ce dragon.

Pourtant, il y avait des indices de quelques choses de familier, quelque chose que Venethrax mit un moment à reconnaître, ou du moins à croire qu’il l’avait fait.

Blighterghast. Il me rappelle d’une certaine façon Blighterghast. Cette preuve renforça sa théorie, que cette créature pourrait être liée au grand dragon des Montagnes du Mur du Dragon., l’un de rejetons les plus puissants de Toruk. Ce le surprenait un peu de voir la réalité corroborer ses spéculations les plus folles, ou même les pointer du doigt, même s’il lui manquait encore des preuves.

Le sentier serpentait à travers un lit de ruisseau asséché, puis remonta une petite pente. Le chemin s’avérait parfois difficile pour les deux imposants ‘jacks, et le groupe était épuisé, mais Venethrax continuait.

Son œil exercé suivait la corruption. La présence était de plus en plus forte. Il était sur la bonne piste.

Et puis ils arrivèrent à la grotte.

Bien que proche du sol, la bouche était non seulement plus qu’assez large, elle était en fait très haute, ce que Venethrax remarquait mieux en descendant. Pourtant, en la voyant et en pensant à l’emplacement, le seigneur liche soupçonnait que ce qu’il cherchait était plus petit que n’importe quel dragon dont il avait entendu parler jusqu’à présent. Soit c’était un descendant direct du Père des Dragons, toujours en train de se reformer et faire repousser son corps après une quasi-destruction, soit, comme il venait de le penser, un autre l’avait engendré, ce qui faisait de lui une deuxième génération.

Il n’y avait qu’un seul moyen de le savoir.

Venethrax fit un geste, et le Léviathan s’avança. À travers ses yeux, il étudia l’entrée pendant un moment puis l’envoya à l’intérieur. Venethrax lui permit de faire une douzaine de pas avant d’envoyer l’Équarrisseur. Une fois qu’il eut fait une douzaine de pas, la liche suivit. Talyn s’arrêta à l’extérieur, attendant des nouvelles de son maître.

La puissance de son champ d’énergie était poussée à ses limites. Cela pourrait être fatal s’il était pris au dépourvu. Le seigneur liche fit une pause à l’intérieur et échantillonna l’air avec ses sens mystiques, détectant les détails de sa composition. Il n’y avait aucune trace de chaire pourrie ou de matière fécale, mais cela ne signifiait pas que la grotte était inoccupée. Il pourrait y avoir une autre bâte que sa proie à l’intérieur, mais chaque fibre de Venethrax insistait pour que ce soit le dragon inconnu.

Le seigneur liche était bien conscient qu’il ne pouvait pas affronter un dragon en bonne santé, mais Toruk s’attendait à ce qu’il fasse tout son possible pour y parvenir. Venethrax avait navigué jusqu’ici pour prendre toutes les mesures qu’il pouvait de présence de ce mystérieux dragon, puis revenir intact pour rapporter à son seigneur ce qu’il avait appris. Bien sûr, si Vendredi découvrait un dragon très affaibli, comme il l’espérait, cela changeait complètement les choses. Revenir avec un athanc serait un inimaginable succès. Pourtant, d’après ce qu’il avait vu à travers les yeux du Léviathan jusqu’à présent, il semblait de plus en plus que le bête ayant habité ici était partie depuis longtemps.

Quelques pas de plus à l’intérieur, et tout changea. La visibilité au-delà du Léviathan se réduisit à deux ou trois verges. Un pressentiment frappa la liche et Venethrax dégaina Fléau des Dragons. Il avait l’impression qu’une autre présence planait tout près, une mortelle et puissante présence.

Il s’adressa à Talyn par la pensée. Avance vers-

Le plafond derrière Venethrax gronda soudainement. Des tonnes de roches et de terres s’effondrèrent sans avertissement à l’entrée. La liche se retourna juste à temps pour voir Talyn reculer pour éviter d’être prise dans l’effondrement. Malheureusement, le Faucheur était bloqué à l’extérieur, Venethrax et le Léviathan étaient emprisonnés à l’intérieur.

D’une pensée, le Limier de Toruk attisa la fournaise de l’armure. Le feu s’embrasa illuminant les parties les plus proches de la cavité. Lorsque cela se produit, la vérité concernant l’éboulement se révéla dans tout sa terrible splendeur.

Une forme monstrueuse tomba du plafond en ruine. Elle surplombait la liche et le ‘jack et rugissait avec une telle véhémence que Venethrax pensa qu’il pourrait retourner à Skell sourd, s’il survivait à cette mission. C’était un rugissement terrifiant, digne de n’importe quel dragon, sauf de Toruk lui-même.

Pourtant, même avec la menace se dressant au-dessus de lui, Venethrax ne pouvait s’empêcher d’être attiré par un point particulier. À travers les faibles rayons de lumière traversant les minuscules interstices de l’effondrement, il pouvait suffisamment distinguer de détails de la gargantuesque créature – peau noire écailleuse, gueule reptilienne et larges ailes coriaces. Ces sont tous les éléments de la proie chassée par Venethrax, autant de preuves que finalement il affrontait le mystérieux dragon.

Sauf que ce qui s’élançait vers lui n’était pas un dragon.

41
PARTIE DEUX

« Le Golfe de la Berge-du-Milieu », dit Dracia, visiblement peu impressionnée. Venethrax et elle se tenaient à la proue, regardant le rivage banal alors que le l’équipage touchait terre. « Un si grand nom pour si peu de grandeur ». Elle réfléchit un moment, puis ajouta : « Bien sûr. C’est pourquoi cela semble familier. Mon seigneur n’est-ce pas proche du territoire où vous avez dit que le dragon Blighterghast a été vu ? »

« Le repaire de Blighterghast se trouve à une centaine de kilomètres d’ici, dans le Mur du Dragon », répondit Venethrax, sans la regarder, « mais oui, il a été signalé volant le long de  cette côte. Pas récemment et,, pour notre bien, espérons-le, pas aujourd’hui. Si cet autre dragon n’est pas une progéniture perdue de Toruk, il peut s’agir d’une plus petite de Blighterghast. Mais je ne comprends pas pourquoi ce dragon se rabaisse de la sorte ».

Le regard de Venethrax balaya le rivage. Dracia n’avait pas tort. Il ne pouvait s’empêcher de penser, en fait, que cette quête pouvait être liée à Blighterghast. Bien que la liche ne dispose d’aucun renseignement fiable à ce sujet, il n’était pas inconcevable que Blighterghast ait pu produire une progéniture. Mais cela l’aurait obligé à abandonner une partie de son propre pouvoir, ce que les dragons répugnaient à faire.

« Peut-être aurions-nous dû toucher terre ailleurs, mon seigneur ».

« C’est un bon endroit pour commencer, assez proche de notre objectif. D’ici, nous coupons soit vers l’est, soit vers le sud-est, dans les montagnes ». Ses pensées étaient déjà tournées vers le potentiel dragon, Venethrax ordonna : « Va t’assurer que les autres le savent ».

« Oui, mon seigneur ». Avec une révérence, Dracia le quitta.

La Griffe du Père des Dragons jeta l’ancre. Comme Dracia l’avait recommandée, Venetrahx laissa le navire au second. Ceci fait, le seigneur liche ordonna à ses forces tirées sur le volet de rejoindre le rivage.

Une fois que tout ce qui devait l’être fut le sur le rivage, le seigneur liche prit une décision tactique. Un groupe trop important errant sur ce terrain pourrait attirer l’attention d’une patrouille cygnaréenne, qui pourrait à son tour alerter des forces supplémentaires. Le seigneur liche décida de laisser le gros de sa force ogrun sur le rivage, n’emmenant qu’une unité d’élite dans l’expédition.

Venethrax prit la tête. Grendov et Dracia suivaient, à leur place, derrière lui, avec Talyn derrière.

Les deux spectres chasseurs n’étaient pas visibles, mais ils restaient près du contingent ogrun.
Les Quatre flottaient derrière le Faucheur, masqués et voilés, tournant leur attention d’une direction à l’autre, à la recherche d’un signe de dragon.

L’unité d’ogrun noir marchait à leur suite, les robustes guerriers encadrés par les Léviathans et un Équarrisseur, qui faisait claquer ses mâchoires osseuses en trottinant le long de la colonne. L’arc nodal au sommet de son dos fournissait un conduit supplémentaire pour les sorts, augmentant la portée à laquelle Venethrax pouvait les lancer.

Kankur suivait ensuite, semblant assez satisfait de son travail de nuit. En effet, un bon nombre de nécropantins qui se déplaçaient auprès du nécrotech avaient été augmentés par des membres et d’autres partie que Kankur avait rassemblées après la bataille.

C’était une force de bonne taille malgré les ogrun laissés derrière. En effet, après avoir étudié de plus près la couverture que le paysage pouvait offrir, Venethrax avait recalculé la force minimale qu’il voulait avec lui.

Ils se déplacèrent vers l’intérieur des terres. À la fin du premier jour, ils pénétrèrent dans les collines et les régions boisées. Leur chemin évita soigneusement les quelques villes et villages qui, selon les rapports, étaient encore habités, ce qui entraîna quelques détours. Venethrax n’avait ordonné aucune reconnaissance du territoire qu’ils avaient traversés jusqu’ici, certain de ses études passés que s’il y avait un dragon ici, il n’aurait pas choisi cette zone particulière pour se cacher ou même influencer.

Ils poursuivirent vers l’est pendant le jour et demi suivant, puis tournèrent vers le sud dans les Montagnes du Mur du Dragon. Alors qu’ils pénétraient dans les contreforts boisés, le seigneur liche ralentit son groupe à un rythme lent. Pendant que les nécropantins, les ‘jacks et les ogrun attendaient, Venethrax et une partie plus précise du groupe débutèrent leur recherche d’indices de la corruption.

Si un dragon vivait à proximité, il ne pouvait pas s’empêcher de répandre sa corruption sur son environnement, même si les signes peuvent être subtils au début. Sous la direction de Venethrax, Dracia avait appris à utiliser ses yeux perçants de satyxis pour discerner des indices, même infimes. Quel que soit l’indice, aussi minuscule soit-il, que Venethrax lui demandait de trouver, aussi petit soit-il, Dracia le recherchait avec les compétences qui lui avaient été transmises par d’innombrables générations de chasseurs indigènes, des connaissances datant avant même la corruption de Satyx.

Grendov, véritable extension de son maître, se déplaçait dans les bois, à la recherche de signes du dragon. Il coordonnait également les efforts des autres, y compris la mise en place d’un périmètre de sécurité. Après tout, il n’était pas improbable qu’ils soient découverts par le même dragon qu’ils recherchaient.

Les Quatre se répartirent, chacun faisant face à une direction de la boussole. Un par un, ils tournèrent leurs capuchons vers le ciel, puis vers le sol. Ensemble, ils levèrent leurs mains droites vers leurs voiles, puis déplacèrent les voiles sur le côté.

Dire que les quatre acolytes étaient sans visage aurait été incorrect. Ils avaient un visage, ne serait-ce qu’un seul combiné entre eux. Le premier avait une paire d’orbes d’onyx pour yeux mais rien d’autre, le second un ensemble de fentes angulaires qui servaient de nez. Le troisième, l’orateur, avait une bouche étroite, et le quatrième n’avait pas de visage du tout, sauf une pare d’oreilles pointues.

Il avait fallu de longues années à Venethrax et d’innombrables sorts pour créer ce quatuor. Les tortures que leurs  corps avaient subies avaient été époustouflantes, ce qui avait permis au seigneur liche de recréer leurs personnalités pour servir leur objectif commun. Il avait bien servi Toruk en composant les Quatre ; ils formaient une élégante équipe.

Le premier acolyte tourna en rond. Son regard embrassait tout au-dessus, en dessous et au-delà. Il ne cligna pas des yeux une seule fois, et son regard ne faiblissait pas. Rien de ce qui était en vue ne lui échappait.

Le second leva sa paume droite vers le ciel. Un vent s’éleva de la paume, balaya et commença à attirer les odeurs des environs vers l’acolyte, qui huma l’air, son esprit concentré divisant chaque odeur dans sa propre catégorie et notant celles qui faisaient allusion au dragon.

L’orateur leva également sa paume, mais au lieu d’une brise, il invoqua une petite flamme. La peau sous la flamme était noire et brûlée, mais l’acolyte ne prêtait aucune attention aux dégâts. De son autre main, il avait invoqué de petits objets -feuilles, cailloux, terre, etc – et les avait fait tomber dans le feu. Quelle que soit la substance – cailloux et pierres inclus – l’objet qui touchait les flammes se consumait immédiatement en cendres.

Inhalant, le troisième acolyte absorba la cendre de chaque fragment, goûtant sa substance. Il secoua la tête Jusqu’à présent, il n’avait rien trouvé. Des longs doigts tendus du dernier acolyte jaillirent de petits ruisseaux d’eau qui s’écoulèrent dans toutes les fissures et crevasses à proximité. Alors que le ruisseau se prolongeait, l’acolyte pencha la tête de sorte que son oreille gauche soit face à la zone où la majeure partie de l’eau s’écoulait dans le sol. Au fur et à mesure que l’eau pénétrait plus profondément, elle écoutait d’étranges sifflements et fissures marquant d’inhabituelles variations dans la terre elle-même – tous les signes de la corruption.

Venethrax assimila les réponses silencieuses des Quatre, aussi intéressé par leur manque de découvertes qu’il l’aurait été par le moindre indice découvert. Même l’absence de corruption ou de tout signe de dragon était une connaissance précieuse.

Le seigneur liche étudia le feuillage, puis fit quelques pas dans la partie la plus épaisse du bois. Venethrax s’arrêta pour inspecter l’écorce d’un arbre Il regarda le vol d’un oiseau lointain. Il écouta les cris de la faune, et retourna les feuilles pour voir quelles minuscules créatures, le cas échéant, se cachaient en dessous.

Une nuit d’études s’acheva sans aucun indice valable, mais la liche ne considéra pas ce temps comme perdu. L’effort a vérifié certaines notions qu’il avait concernant le potentiel dragon.

En général, les ténèbres avaient tendance à appartenir à l’Empire du Cauchemar, mais ici, Venethrax avait choisi de voyager de jour. Il ne voulait pas affronter son potentiel ennemi de nuit, où l’avantage appartiendrait au dragon, pas à la liche. Au moins avait-il une chance égale de repérer son adversaire à la lumière du jour.

Étant vivant, les ogrun avaient besoin de nourriture et de repos. Venethrax utilisa ces périodes pour écouter les analyses de Grendov, Dracia et des Quatre. Leurs conclusions correspondaient aux siennes. Il n’y avait pas de corruption ici.

Les bois s’épaissirent, devenant enfin une forêt à part entière. Les montagnes se dressaient juste devant, offrant plusieurs endroits où un dragon pourrait se cacher. Les potentiels voies devinrent si nombreuses à ce moment-là que Venethrax dû finalement s’arrêter à nouveau.

Quelque chose dans leur environnement mit le seigneur liche sur les nerfs. Venethrax supposa que cela avait à voir avec l’emplacement du groupe, qui selon ses études récentes précédentes des cartes d’Immoren, marquait la région où il pensait avoir le plus de chances de trouver des résultats.

Cependant, plus profondément dans les terres désolées, Venethrax connu son premier moment d’incertitude concernant ses recherches. Des siècles d’études auraient dû aiguiser ses compétences, son intuition, mais maintenant il se retrouvait à se demander s’il y avait quelque chose à découvrir ici. Bien sûr, la liche avait participé à de nombreuses autres expéditions sans résultat, mais ce voyage le touchait différemment. La pensée qu’il était sur la piste d’un dragon potentiellement nouveau l’avait ému plus que toute autre mission au cours de ses générations de service. Maintenant, cependant…

Tout ce qui compte, se dit-il, c’est que j’accomplisse mon plus grand devoir pour mon seigneur. Venethrax avait trouvé grâce aux yeux de Toruk, même après d’autres expéditions qui n’avaient donné les mêmes résultats. Le Père des Dragons verrait sûrement la nécessité d’aller jusqu’au bout.

Mais malgré ses doutes, Venethrax n’était pas prêt à rentrer les mains vides.

* * *

Après un jour de plus dans en Immoren sans aucun indice, Venethrax commençait à douter de la mission. Il ne cachait pas sa frustration, ce qui encourageait ses partisans à ne pas l’approcher. Têtes baissées, les ogrun affûtaient leurs armes. Kankur testait ses outils sur des petits lézards et autres minuscules créatures ayant le malheur de passer à sa portée. Le reste du groupe trouvait diverses façons d’êtres ailleurs qu’à côté de leur maître – tous sauf Grendov, qui n’avait pas le choix en la matière.

« Champignon ! » Venethrax brandissait ce qui avait jadis semblé être un indice intriguant et possible. « Tu remarques, Grendov ? Un champignon très simple, très banal. Pas la moindre trace de corruption ».

Il jeta le lichen de côté.

« Le Père des Dragons sera sûrement ravi de savoir que cette terre est nettoyée de ses traites d’enfants », proposa l’acolyte.

« Toruk préférerait que nous trouvions ces traîtres. Je préférerais que nous les trouvions ».

« Oh, mais naturellement, mon grand et glorieux seigneur. Et s’il y a la moindre chance que l’un d’entre eux soit encore ici, vous trouverez sûrement le monstre ».

Venethrax n’était pas d’humeur à être apaisé. « Laisse-moi maintenant, Grendov, et je me souviendrai de tes services passés - »

La liche s’arrêta lorsque son regard se posa sur trois hautes collines au pied du premier pic majeur. Il fit un pas vers eux. La forme du paysage lui rappelait un souvenir.

« Nous allons par là », dit-il en pointant du doigt. Grendov ne dit rien mais hocha la tête.

Venethrax continua à observer les collines, la façon dont elles s’élevaient, l’angle sous lequel elles faisaient face au coucher du soleil. La progéniture de Toruk avait tendance à suivre certains schémas, à avoir certaines préférences. Les collines rappelaient une expédition passée et les notes que Venethrax avait rassemblées au cours des siècles sur certaines des espèces connues.

Il pouvait se tromper, mais il devait investiguer.

La petite colonne s’était regroupée. Venethrax rapprocha Talyn du front, mais sinon, les positions demeurèrent telles qu’elles étaient. Une plus grande méfiance ce répandit dans la force de Venethrax, une fois que le groupe repris la route. Le seigneur liche ne fit rien pour les rassurer. La peur les garderait en alerte plus que n’importe quel ordre qu’il pourrait donner.

Ils n’atteignirent pas les collines avant le coucher du soleil, et encore une fois, Venethrax avait choisi de ne pas voyager de nuit. Le cantonnement demeura vigilant à tout moment, même les morts-vivants n’avaient aucune confiance dans leur maîtrise de l’obscurité.

Venethrax ne resta pas longtemps dans sa tente, arpentant le périmètre, surveillant les environs tranquilles. Plus d’une attaque d’un rejeton draconique survenaient à ces moments là se souvenait la liche.

« Mont seigneur ? » prononça Dracia.

« Approche ».

Son épée prête, la satyxis le rejoignit. « Il y a quelque chose dans l’air… ou… une absence de quelque chose ».

Venethrax hocha la tête, ses paroles confirmaient ce qu’il ressentait. Tout semblait normal, mais pour la liche, c’était comme si la terre se prêtait à une mascarade. La corruption est présente ici, quelque part, jura-t-il silencieusement. Qu’est-ce que nous ratons tous ?

« Je serai dans ma tente », dit-il. « Monte la garde ».

Venethrax se pencha sur ses recherches le reste de la nuit, mais cela ne révéla aucun secret. Il mena sa force à l’aube, déterminé à atteindre la plus proche des collines ce jour-là. Malgré cela, il insista pour que l’on étudie continuellement leur environnement, ce qui obligeait Grendov, les Quatre et Dracia à continuellement longer la colonne d’ogrun tout en recherchant un potentiel indice après l’aube.

Les recherches ralentissaient leur rythme, et un jour de plus passa sans que rien ne vienne récompenser leurs efforts, si ce n’est que la première colline les surplombait désormais. Les orgrun montèrent leur camp et s’installèrent pour la nuit. Les spectres chasseurs prirent position sur les côtés opposés du camp, puis disparurent. Les Quatre débutèrent leurs rituels.

Le même pressentiment tranquille s’installa sur le camp. Cela le rongea, mais au lever du jour, Venethrax était convaincu d’être sur la bonne voie. Dracia l’avait bien dit. Il y avait une absence dans l’air, pas la présence ennuyeuse de la vie ordinaire à laquelle on s’attendait en Immoren. Quelque chose était caché. Et les dragons faisaient de leur mieux pour cacher leur présence. Si la liche avait raison, ils étaient proches, et le dragon qu’ils chassaient était un vrai maître.

* * *

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Iron Kingdoms - RPG / Re : NE
« le: 09 août 2023 à 17:54:39 »
MàJ

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Iron Kingdoms - RPG / NE
« le: 09 août 2023 à 17:53:47 »
LES ÎLES SCHARDE

L’île principale de Cryx est entourée d’innombrables plus petites îles, dont la taille varie de la formidable Garlghast à celle de simples écueils de roche noire surgissant des vagues déferlantes. Nombreux d’entre eux sont habités, soit par des restes des tribus molgur, soit par des flottes de pirates indépendantes, soit par des agents du Père des Dragons – ou dans certains cas, tout cela à la fois.

Ces îles sont assez grandes pour accueillir la vie – ou ce qui en tien lieu dans l’Empire du Cauchemar – sont généralement truffées de criques et de grottes naturelles, entourées de récifs récifs qui sont souvent un terrain propice à la reproduction des poissons brise-coque, qui peuvent se rassembler par milliers à certaines périodes de l’année. Ainsi les Îles Scharde ont connu d’innombrables naufrages au cours des siècles et, en de nombreux endroits, les carcasses des navires perdus font partie du paysage, rejoignant les récifs les ayant coulés ou échoués sur le rivage comme un sombre rappel des périls de la mer.

Le temps est orageux la majeure partie de l’année et les marées de Meredius sont notoirement capricieuses, ce qui rend la navigation périlleuse, ce qui rend la navigation périlleuse dans les meilleures circonstances. Pourtant, les équipages de pirates prolifèrent dans les Îles Scharde comme nulle part ailleurs au sein de l’Immoren occidental, la plupart d’entre eux payant la dîme à l’Empire du Cauchemar, même s’ils ne naviguent pas expressément sous les couleurs cryxiennes.

Parmi ces innombrables îles et souvent sans nom, beaucoup abritent des pirates et des corsaires qui s’installent dans des criques soigneusement dissimulées et s’attaquent les uns aux autres ou aux navires marchands d’autres nations. D’autres îles restent le domaine des tribus Molgur chassées du continent il y a des siècles, dont certaines s’accrochent encore leurs antiques traditions tandis que d’autres se sont converties au culte du Père des Dragons. D’autres encore ont été investies par des nécrotechs déments prospérant dans l’isolement, transformant des populations entières – ainsi que toute personne assez malchanceuse pour y faire naufrage – en esclaves morts-vivants fournissant une main-d’œuvre infatigable à leurs projets tordus.

Même si la principale force militaire de Cryx se trouve sur l’île principale ou parmi les centaines de navires qui composent les redoutables flottes cryxiennes, les forces de l’Empire du Cauchemar contrôlent pratiquement toutes les îles qui l’entourent,  à un degré plus ou moins important. Même celles qui n’abritent pas de fortifications de nécrofactoriums, ou d’exploitations minières de nécrotite jurent fidélité à Toruk et envoient leurs meilleurs guerriers grossir les rangs de ses armées ou rejoindre les flottes de corsaires naviguant depuis Morteseaux.

La domination de l’Empire du Cauchemar sur cette région est rendue possible presque entièrement grâce à la puissance de sa marine. Alors que des dizaines de navires des flottes cryxiennes peuvent se trouver au port de Morteseaux, Becdedregg ou Pic du Dragon à tout moment, les marines de Cryx n’ont pas de base d’opérations centrale. Au lieu de cela, les flottes sont dispersées sur l’ensemble des Îles Scharde, cachées dans un millier de criques et de ports isolés, attendant l’appel pour voguer contre le continent ou toute autre cible choisie par le Père des Dragons.

44
Deux nuits plus tard, les navires étaient au rendez-vous avec la Flotte Noire de l’empire, qui était revenue de ses propres opérations pour renforcer l’invasion. Venethrax aurait préféré que la flotte combinée parte immédiatement, mais après tant de mois en mer, Skarre Ravenmane et ses pirates avaient besoin de refaire de se réapprovisionner. La Flotte Noire avait été très occupée ces trois derniers mois, comme pouvaient en témoigner les mortels de la Côte Brisée.

Une missive arriva du Veuf, navire amiral non seulement de la Flotte Noire mais aussi de toute la marine cryxienne. La reine des pirates souhaitait une rencontre personnelle avec Venethrax. Il n’avait envoyé aucune réponse. Peu de personnes rejetaient une telle demande de Skarre, mais lambiner avec la politique n’aurait pas aidé la mission. Ils n’avaient pas beaucoup de temps. Avec Terminus et Daeamortus à bord d’autres navires, Skarre ne manquerait pas de compagnie pendant qu’elle œuvrait à renforcer les alliances au sein de l’empire. Daeamortus, en particulier, appréciait les machinations, car il faisait tout ce qui nourrissait son sentiment d’importance personnelle.

Au matin, les pirates avaient été réapprovisionnés. La flotte d’invasion était prête à appareiller. Ce n’était pas trop tôt pour le seigneur liche, qui s’irritait des constants retards.

La flotte se glissa vers sa destination, silencieuse comme une brise froide dans la nuit. Pendant le voyage, Venethrax ne quittait ses quartiers que par nécessité, maintenant une présence suffisante pour rappeler à tous les membres de l’équipage le but de leur voyage. Ses apparitions changèrent le comportement de la plupart des membres de l’équipage, les faisant fuir son ombre. Il appréciait leur peur.

Ce soir, Venethrax venait de débuter sa ronde quand il entendit la voix du capitaine.
« Si délicat, comme un nouveau-né de sexe masculin ».

Ses paroles n’étaient pas un compliment. Les bébés mâles de son espèce étaient généralement les plus dignes de sacrifices. Venethrax se déplaça vers les voix. Il était probable que Mave faisait référence à Dracia. La capitaine portait une cicatrice intéressante en travers son visage la lame qui l’avait créée lui avait également coupé le nez. Elle se moquait souvent de Dracia qui paraissait si « intacte » en comparaison, malgré sa cicatrice proéminente.

« Viens en ajouter une autre, si tu le peux ». La voix de Dracia s’éleva en réplique. Malgré les avertissements de Venethrax, elle ne s’était pas éloignée de son ancienne rivale.

Venethrax atteignit le pont principal, et se dirigea vers les voix. Il les rencontra près de la rambarde bâbord. Là, Dracia lançait un regard furieux à Mave, qui se tenait près du pont central. Deux autres pillardes flanquaient le capitaine, les mains sur la garde de leur épée. Dracia n’avait pas semblé impressionnée par les chances de trois contre un. Sa main agrippait la poignée de son épée longue.

L’une des camarades du capitaine remarqua que Venethrax approchait. Elle murmura quelque chose à Mave, qui relâcha le pommeau de son lacérateur.

Dracia regarda dans la direction de Venethrax. Elle parut bouleversée de son arrivée – et elle se redressa de toute sa taille alors qu’elle et Mave rétrécissaient. Ils les dévisagèrent tous les deux avec un malaise croissant. Quand il parla, elles pâlirent toutes les deux.

« Je n’ai pas été clair », grondât-il. « J’ai vu de l’idiotie et la folie dans ce voyage, mais je permettrai pas à votre petite arrogance de compromettre ma mission. Vos gorges ».

Quelque chose bougea en bordure de sa vision. C’était Maleevus Zendt qui s’éloignait de l’incident en rampant, ce qui fit que le seigneur liche se demanda si Daeamortus avait participé à l’organisation de ce conflit.

Je devrais exiger ta gorge aussi, pensa-t-il alors que Maleevus regardait en arrière pour voir s’il était suivi. Ou peut-être devrais-je te forcer à te décapiter toi-même. La faire flotter à travers les eaux pour que Daeamortus la pêche et la pleure.

« Mon seigneur ? » demanda Mave.

« Gorges ». Je vais les trancher toutes deux maintenant.

Dracia semblait sur le point de sauter par-dessus bord, mais elle leva lentement le menton, fermant les yeux, jusqu’à ce que Venethrax puisse voir sa gorge exposée.

« Qui sera la capitaine du - ? » Débuta Mave, mais Venethrax l’a coupa.

« Tu n’as pas besoin d’être en vie pour que j’atteigne mon objectif ». Venethrax posa une main gantée sur Fléau des Dragons. « Je ferai en sorte que ta mort soit aussi rapide que tu avais l’intention d’offrir à Dracia.

Lentement, comme la marée attirée contre sa volonté par la lune, Mave releva le menton. Elle garda les yeux ouverts, fixant Venethrax.

« Mon seigneur », la voix de Grendov provint de derrière lui. « Puis-je vous m’exprimer ? Cela concerne Talyn ».

Venethrax fixa la paire un moment de plus, imaginant la terreur qu’elles ressentaient toutes les deux, attendant son action. Avec amusement, il retira la main de son arme.

« Encore deux nuits », les prévint-il. « J’irai seul à terre pendant que tout l’équipage de ce navire gît mort dans les eaux derrière moi si je le dois. Je suis fatigué des distractions inutiles découlant de l’arrogance et de la stupidité. Il meurt maintenant, ou c’est vous qui mourrez ».

Un scylla se posa sur le bastingage à proximité. Alors que Venethrax et les autres observait, l’un des membres se précipita vers l’oiseau et retira un petit parchemin de la poche située en dessous.

Bien que le protocole stipule que tout message de ce type doit être apporté au capitaine, le warcaster intercepta le membre d’équipage et lui tendit la main. Le pirate n’était pas assez stupide pour choisir Mave plutôt que Venethrax.

« Nous somme sur les premiers cygnaréens », murmura Venethrax. Il transmit le message à la pillarde, puis chercha Maleevus. Loin d’être surpris, l’acolyte était absent quand le seigneur liche quand le seigneur liche le voulait vraiment. Il se demanda si Daeamortus avait une connaissance préalable du changement de position des cygnaréens. Certes, ils étaient déjà assez près de la côte pour avoir été sur leurs gardes avant de rencontrer l’ennemi, mais Venethrax se demanda quand même si quelqu’un avait négligé de le tenir informé.

Il sentait la trahison, à la fois délibérée et déraisonné, tout autour de lui.

La Griffe du Père des Dragons vacilla en prenant un nouveau cap. À présent, Mave avait lu les nouvelles. Si elle tenait à la vie, elle ferait en sorte que le navire soit prêt à se séparer au moment où les deux forces s’engagerait. Les silhouettes des navires impériaux se matérialisaient et disparaissaient dans le brouillard tandis que la Griffe du Père des Dragons se dirigeait vers l’extrémité sud de la flotte. Le vaisseau de Venethrax fendait l’eau avec aisance. Le silence régna pendant quelques minutes encore, ce silence de mort présageant toujours une bataille sanglante. Une partie de Venethrax s’agita en prévision du carnage, mais même le plaisir de la bataille pâlit à côté de la glorieuse tâche de servir Toruk comme il le faisait.

Puis, loin devant, des coups de canon éclatèrent. Un autre tour suivit immédiatement, tous deux provenant de la flotte impériale. Une réponse tonna dans la direction opposée, donnant enfin à la liche une idée de l’endroit où se trouvait l’ennemi.

Trop proche.

Le Limier de Toruk ne craignait pas les mortels, mais il redoutait les répercussions possibles sur son expédition s’il était pris dans la bataille. Il avait besoin de réponses qu’un seul membre d’équipage pouvait lui donner.

« Trouvez-moi Maleevus Zendt. Maintenant ».

« Ce n’est pas nécessaire ». L’acolyte était revenu. « Je suis là. Mon seigneur Daeamortus souhaite vous informer que le Seigneur Terminus et lui ont tout en main et que la Griffe du Père des Dragons peut toujours partir comme prévu. Cette rencontre n’était pas imprévue, bien sûr. Il y avait des rumeurs de modifications possibles dans le parcours des cygnaréens qui correspondent à ces - »

« J’aurais dû être informé. Qui a choisi de me laisser dans l’ignorance ? »

L’acolyte s’inclina. « Mon seigneur à des remords face à cette évidente erreur. Il voulait vous en parler en personne », le son des coups de canon résonnait au-dessus d’eux, « mais comme vous pouvez l’entendre, il est très occupé ».

Venethrax réfléchit un instant puis dit à l’acolyte : « Peut-être que la bonne fortune permettra aux cygnaréens de nous priver de l’opportunité de cette conversation plus tard ». Il fit un signe à Grendov, qui s’approcha. « Assure-toi que le capitaine ne mène plus au sud ».

Un autre coup de canon explosa cette fois plus près. Venethrax entendit le plouf d’un boulet de canon heurtant l’eau. Il doutait que l’ennemi puisse voir son navire, mais même une frappe fortuite comportait trop de risques.

L’élégant navire vira à nouveau, se détournant des tirs proches. Venethrax jeta un coup d’oeil par-dessus la balustrade et repéra d’abord les lanternes, puis la forme d’un autre navire, beau coup plus grand, qui s’approchait — clairement pas un navire de l’Empire du Cauchemar.

À son crédit, Mave continua à tourner plus au sud bien qu’elle n’ait pas reçu les instructions de Venethrax. Le navire de guerre cygnaréen disparut à nouveau dans la brume noire.

La Griffe du Père des Dragons se frayait un chemin dans les eaux froides à un rythme soutenu. La volée suivante que Venethrax entendit était éloignée, mais le seigneur liche savait qu’il ne fallait pas abaisser sa garde ; son vaisseau n’était pas encore à l’abri de la lutte. D’ailleurs, le brouillard commençait à se dissiper. Bien qu’il ne soit pas gênant pour la flotte, il présentait un potentiel nouveau problème pour lui.

Une explosion se répercuta parmi les flottes combattantes. Des flammes vertes brûlèrent suffisamment le brouillard pour révéler un trois-mât englouti. Ce n’était ni un vaisseau impérial ni l’énorme navire cygnaréen que le seigneur liche avait vu plus tôt. Il observa un instant avec plaisir le feu fantasmagorique dévorer chaque planche du bateau. Des cris rejoignirent le crépitement des flammes, une symphonie à ses oreilles. Il voulut attraper Fléau des Dragons, tant sa soif de combat était forte. Mais ce combat n’était pas destiné à être le sien. Un autre, plus important, l’attendait.

Le navire en ruine dérivait latéralement, devenant un fantôme vert, puis juste un soupçon de flamme dans la brume.

Un lourd bruit sourd vint du dessous du pont. Venethrax regarda dans le vide, se concentrant. Reste tranquille, Talyn ! Cette bataille n’est pas la nôtre !

Il sentit la force bestiale se calmer à contrecœur. Le bruit sourd cessa.

« Comment se déroule la bataille, Maleevus ? » demanda la liche. « Tout est en ordre ? Avons-nous eu la chance de perdre ton maître ? »

L’ogrun s’immobilisa, puis répondit : « il vit. Son ardeur et son plaisir sont un régal pour mon esprit. La bataille doit bien se dérouler jusqu’à présent ».

Ce n’était pas une réponse aussi satisfaisante que Venethrax l’aurait souhaité – il aurait préféré l’entendre que c’était résolu ou, à tout le moins, que Daeamortus avait été tranché en deux – mais c’était plus que ce à quoi il s’était attendu. Il reporta son attention sur les événements au-delà du bastingage. À travers la brume qui s’amenuisait, la liche remarque plus de formes. Certains qu’il pouvait identifier par leurs contours ou par leur lueur comme des vaisseaux impériaux ou l’ennemi ; d’autres qu’il devinait, en fonction de leurs positions.

Une autre salve traversa le grand mât d’un vaisseau impérial. Une partie du tir explosa, déversant une substance ardente sur le pont. Elle se répandit comme si elle était vivante, engloutissant à la fois la structure et l’équipage.

La Griffe du Père des Dragons poursuivait son rapide départ. En étudiant la scène du carnage qui s’amenuisait, Venethrax vit, avec un moment de soif de sang frustrée, que l’ennemi n’avait pas remarqué son navire. Les Seigneurs Terminus et Daeamortus avaient fait leur part. Maintenant, ils n’avaient plus qu’à s’occuper de l’invasion. Le reste dépendait de Venethrax et de son équipage.
Le warcaster grinça des dents d’anticipation. Comparé au potentiel affrontement auquel lui et ses subordonnés devaient faire face, les autres seigneurs liches avaient une mission facile.

* * *

La Griffe glissait sur les vagues, mais malgré sa vitesse, le navire cygnaréen se rapprochait. Une nouvelle couche de brouillard s’était levé, mais elle ne serait pas suffisante pour cacher même leur vaisseau noir à une distance aussi proche. Le warcaster ne recherchait pas activement la bataille, mais il semblait que le destin ne lui accorderait pas le choix.

Le navire cygnaréen était maintenant si proche que les personnes à bord du vaisseau de Venethrax pouvaient distinguer les détails. Venethrax prit le mesure de l’ennemi. Il était hérissé de canons. Un warjack Chargeur, un double canon attaché à son bras gauche, montait la garde à la proue. Ce warjack et le complément de canons du navire n’était que des fragments de la puissance de l’ennemi.

Mais là encore, la liche avait ses propres surprises.

Le navire de guerre cygnaréen arrivait par bobard. Venethrax jugea la distance, comptant les secondes qu’il faudrait à l’ennemi soit à portée d’une bonne bordée.

Les canons bâbords de la Griffe ouvrirent le feu.

Venethrax grinça des dents, car la plupart des tirs furent gaspillés dans l’eau. Quelques-uns réussirent à frapper l’ennemi, mais même ceux-ci s’écrasèrent sur le bastingage. Trop tôt, imbéciles ! Le seigneur liche maudit. Trop tôt !

Dracia fit écho à ses pensées. « Maudite Mave ! Maintenant, nous devons recharger avant qu’ils- »

Le vaisseau cygnaréen s’était approché et riposta avec un bien meilleur effet. Deux membres de l’équipage furent projetés dans les airs, l’une heurtant un mât et l’autre volant par-dessus le pont, dans l’eau au-delà du bastingage opposé. Le mât d’artimon fut fissuré par un autre tir, mais ne se brisa pas. Venethrax n’eut pas besoin de voir la coque pour savoir qu’elle arborait maintenant plusieurs planches brisées.

Il saisit Dracia par le bas. « Qu’elle ralentisse le navire et laisse passer l’ennemi. Aller ! »

Alors que Dracia obéissait, la présence de Grendov se manifesta dans l’esprit de Venethrax. Mon grand et-

« Parle ! »

Maleevus Zendt a donné l’ordre aux canons de faire feu.

« Ou est-il maintenant ? »

Près de la proue.

Appelant Toruk a dévoré tous les crétins, le seigneur liche se dirigea vers la proue.

Daeamortus doit sacrifier son saboteur maintenant.

Les canons de la Griffe s’exprimèrent à nouveau, cette fois avec un meilleur effet. Plusieurs sections du bastingage du navire de guerre explosèrent en shrapnels qui augmentèrent considérablement les dégâts sur le pont et l’équipage ennemi. Un canon du navire cygnaréen fut repoussé dans la coque, où il se coinça. Malgré cela, Venethrax ne voulait pas relâcher sa colère envers Maleevus qui avait interféré. Oui, les canons avaient fait un meilleur travail lors de la deuxième volée, mais sous une bonne direction, ils auraient pu causer dix fois plus de souffrance.

Finalement, il repéra l’acolyte ogrun parmi les pillardes, donnant des ordres, profitant de l’autorité que lui conférait sa position d’acolyte de Daeamortus. Venethrax ne savait pas encore si Daeamortus avait donné à Maleevus la permission d’un tel acte, ou même s’il l’avait ordonné. Et il ne s’en souciait pas vraiment.

Une autre volée ennemie éclata. Venethrax ouvrit la bouche pour crier sur l’acolyte – et se retrouver en train de dégringoler à travers le pont lorsqu’un tir rasant lui fit perdre pied. Il s’agrippa aux planches en ruine à temps. Bien qu’il ne craignît pas de mourir en plongeant – il était déjà au-delà de la mort – s’il se retrouvait coincé en bas, cela signifiait plus de temps perdu à essayer de renverser ce qui devenait déjà une débâcle.

Sa force alimentée par le nécrotite l’empêcha de perdre sa prise, mais remonter sans créer un trou plus grand et plus traître demanda toute sa concentration. En atteignant le pont et en se relevant enfin, Venethrax dégaina Fléau des Dragons et se dirigea vers Maleevus Zendt.

La confiance hautaine de l’acolyte rappelait tellement Daeamortus en personne que Venethrax imagina qu’il se débarrassait de son rival. Il chargea, Fléau des Dragons relevé. Juste au moment où il atteignit le nécroserf ogrun, Maleevus fut touché par le feu ennemi, le mettant à genoux. Il regarda Venethrax balayé Fléau des Dragons à travers lui, puis revenir pour le coup final. Les restes de l’acolyte éclaboussèrent les pillardes se tenant à proximités des canons.

Venethrax n’eut pas le temps d’admirer son œuvre, car la cause de la vulnérabilité de l’acolyte était la même raison pour laquelle le warcaster avait failli tomber au fond de la cale. Et c’était presque sur eux. Deux warjacks bleus tiraient sur les cibles se présentant à la proue de la Griffe. Chacun utilisait un lance-grenade à bon escient, malgré l’écart important entre les navires. En effet, alors que Venethrax regardait avec de plus en plus d’agacement, un des canons proche de l’endroit où se tenait Maleevus rejoignit l’acolyte dans l’oubli, emportant deux membres d’équipage avec lui.

Les dégâts n’auraient peut-être pas été si importants si la Griffe avaient ralenti suffisamment pour laisser passer l’ennemi, mais l’ordre que Venethrax avait donné à Dracia n’avait pas été respecté dans son intégralité. En conséquence, le navire cygnaréen avait pu compenser, ralentissant suffisamment pour obtenir plus de bons tirs à la fois de ses canons et de ses warjacks.

Le pont gronda à nouveau, mais ce ne fut pas une frappe ennemie qui en fut la cause. Venethrax hocha la tête en donnant l’ordre silencieux à Talyn et aux autres de finalement rejoindre le combat.

La Griffe fit une embardée, s’éloignant finalement du cygnaréen, mais à un rythme qui inquiétait Venethrax. Le navire continuait à virer brusquement, rapprochant sa poupe du navire de guerre cygnaréen.

Imaginant ce que n’importe quel commandant capable ordonnerait à ses artilleurs de faire si la poupe était pleinement visible, la liche se retourna et cria à Dracia. « Le capitaine fait trop tourner le navire ! Qu’elle nous ramène ! Dis-lui- »

« L’estimé capitaine n’est plus », cria Dracia en retour.

En effet, ce que Venethrax put distinguer de la rivale de Dracia l’instant d’après était un cadavre ravagé, à moitié étalé sue le bastingage proche de la barre. Le torse et le pont près de a roue étaient couverts de sang. Au-delà de la barre, une partie du crâne de Mave observait le ciel, comme si la pillarde morte demandait à un invisible esprit pourquoi cela devait lui arriver.

Curieusement, la zone autour de la barre était dépourvue de tout autre dommage. La liche regarda durant un instant Dracia, son expression aussi innocente qu’une satyxis pouvait l’être, s’éloigner de la barre pour appeler le second.

Elle peut me croire dupe. Pour l’instant. Il y aura des conséquences du défi plus tard.

Venethrax mit de côté la question de savoir comment Mave avait pu périr en l’absence d’un coup direct de l’ennemi. Ce qui était important pour le moment était de trouver un moyen de mettre fin à la bataille le plus rapidement possible. Près d’une douzaine d’autres victimes gisaient sur toute la longueur du pont, du mieux que la liche pouvait évaluer à partir des parties de corps. Au moins autant étaient probablement morts sur le vaisseau cygnaréen, mais que le navire de l’ennemi soit plus large que l’élégante Griffe, cela n’offrait pas beaucoup de réconfort à Venethrax.

En raccrochant Fléaux de Dragons, il leva son bras gauche et invoqua sa magie.

Feu de l’Enfer enveloppa l’un des warjacks ennemis. Il trébucha alors qu’il cherchait à faire face aux flammes fantasmagoriques – et un tir provenant de plus loin sur le bastingage de la Griffe traversa sa tête, achevant la machine.

Grendov, ordonna Venethrax. Soigne-moi.

Grendov s’était repositionné après le tir. L’arme qu’il brandissait ressemblait à un petit canon portable, une pièce d’artillerie que Venethrax avait fourni à l’acolyte. Le fait que Grendov ait réussi à tirer aussi rapidement après le sort de Venethrax n’était pas une surprise ; en tant qu’extension de la liche, Grendov savait où Venethrax désirait porter ses efforts, parfois avant même que le seigneur liche ne sache lui-même.

Mais les chances étaient à peines égales. Venethrax fit signe aux hommes armés de baisser la ligne de visée des canons. Compte tenu de la mer agitée, il risquait de tirer dans l’eau devant le navire cygnaréen, mais si le moment fut juste comme le seigneur liche le souhaitait…

Un autre canon et son équipe volèrent en morceaux, beaucoup trop près. Venethrax félicita les artilleurs ennemis pour leur précision.

Venethrax était finalement satisfait de l’emplacement des armes de la Griffe. Il ne perdit pas de temps à donner l’ordre.

La bordée frappa juste. Une bonne partie de la coque cygnaréenne se brisa. Trois autres canons ennemis furent hors d’usage.

« Beaucoup mieux », déclara Venethrax. « Léviathans — maintenant ».

Le grincement d’une écoutille résonna sur le pont. La liche vit à travers les yeux de ses deux helljacks alors qu’ils s’enfonçaient dans l’eau avec des mouvements arachnéens et tournaient autour de la poupe.

Malgré les dommages causés par la dernière volée de la I, le navire cygnaréen étaient loin d’être terminés. Ses derniers canons demeuraient fixés sur la ligne de flottaison de l’impérial alors même que les warjacks tournaient leur attention vers Venethrax.

Il essaya de localiser le manipulateur des warjacks – soit un warcaster, soit un contrôleur – mais jusqu’à présent, son ennemi restait caché. La liche s’étira de toute sa hauteur et laissa les warjacks l’observer attentivement.

Comme il s’y attendait, ceux qui ne s’étaient pas encore tournés vers lui le firent immédiatement. Même si ses ennemis pouvaient remarquer son visage, son sourire carnassier ne pouvait pas refléter sa réelle satisfaction quant à la façon dont son plan se déroulait maintenant.

Il sentit les Léviathans, presque à portée de tir, et calcula les secondes avant que leurs canons ne puissent tirer ou que le premier des warjacks ne puisse viser correctement. C’était juste assez d’écart.

« Feu ! » Hurla-t-il aux artilleurs.

Deux salves jaillirent de l’eau près de la poupe.

L’une frappa fort juste au-dessus de la ligne de flottaison. L’autre frappa le gouvernail, l’endommageant gravement.

Le navire cygnaréen vacilla. Quels que soient les tirs que l’ennemi avait espéré faire sur Venethrax furent perdus. Ce répit permis à Venethrax de se cacher, comme il l’avait prévu depuis le début.

Une autre salve toucha le gouvernail et la poupe de l’ennemi. Le cygnaréen pencha. Un des warjacks perdit pied et tomba par-dessus le bastingage.

La collision avec la mer projeta des vagues sur les deux ponts. Le warjack cygnaréen pataugea brièvement. La vapeur se répandit sur l’endroit alors que le ‘jack coulait.

Les canons ne pouvaient pas tirer sur les helljacks, mais les Chargeurs le purent. Réajustant leurs positions, ils se déchaînèrent sur les deux ennemis aquatiques.

Un Léviathan recula comme prévu, mais le second se heurta à la Griffe du Père des Dragons. Aussi minime que fut la pause, elle condamna le helljack. Les deux Chargeurs les plus avancés firent feu, réduisant le Léviathan à l’était d’épave.

Mais Venethrax était tout à fait prêt à sacrifier un Léviathan pour mettre fin au combat. Un gigantesque helljack avec les défenses caractéristiques d’un Faucheur fit irruption par les portes de la cale et grimpa sur le pont avec une incroyable agilité pour une chose aussi massive. Le Faucheur avait un blindage supplémentaire sur les épaules s’achevant sur des pointes acérées et un bras se terminant par un long harpon. Une paire d’orbes maléfiques teintées de vert nécrotique observait sous une épaisse arcade sourcilière. Une couronne de petites pointes s’élevait de son front jusqu’à l’arrière de ses épaules.

Comme le reste des ‘jacks, Talyn servait le volonté de Venethrax. Mais contrairement aux autres, le Faucheur le faisait avec une touche bien à lui. Venethrax tolérait ces touches et les appréciait même, car aucun autre ‘jack ne le servait aussi bien.

Malgré son apparence voûtée, Talyn était plus grand et plus large que les Chargeurs qu’il affrontait. Le faucheur ressemblait à d’autres de son modèle, sauf que sa rangée de pointes allait jusqu’à l’arrière et que la défense sur sa gauche était à moitié fondue. Cette défense avait été détruite lors de la première sortie de Talyn pour Venethrax, lorsque le rejeton avait failli le mettre en pièces. Malgré les considérables dégâts, le faucheur avait réussi à porter le coup fatal à son maître.

Lorsque les nécrotechs avaient essayé de réparer la défense, ils découvrirent à la leur grande consternation – et démembrement – que Talyn ne voulait pas qu’elle soit remplacée. Le Faucheur n’avait pas non plus permis que les plaques d’épaule et de tête désormais rouillées et usées par l’acide soient changées une fois le groupe revenu en Cryx. Venethrax laissa le Faucheur garder la défense et les plaques telles quelles, curieux de voir si d’autres idiosyncrasies apparaîtraient que la liche pourrait employer à son avantage.

Guidé par les ordres mentaux de Venethrax, Talyn s’était dirigée vers le bastingage, comme s’il ne savait pas qu’au moins deux Chargeurs le visaient déjà. Derrière le Faucheur se trouvaient deux autres Léviathans, semblant plus petits que Talyn malgré leur immense carrure. Ils se bousculaient pour prendre position, manœuvrant sur les côtés du Faucheur alors que celui-ci levait son bras droit et faisait feu.

Les warjacks à bord du vaisseau cygnaréen tirèrent en même temps. Les deux Léviathans subirent un barrage qui occasionna une collection de bosselures et un bras manquant, l’autre avec un œil brisé, du gaz de nécrotite s’échappant du torse avec un fort sifflement.

Au milieu de ce chaos, Talyn demeurait intact, faisant un pas en arrière et se protégeant partiellement avec les Léviathans. Le harpon traversa la coque de l’ennemi juste en dessous de la ligne de flottaison. Alors même que des tirs l’entouraient, le Faucheur retira la lance. Normalement, Talyn utilisaient le harpon pour traîner un adversaire empalé – machine ou autre – à sa portée, où il terminait le travail avec la pointe au bout de son autre membre. Maintenant, Talyn retira simplement  le harpon, créant un plus grand trou dans la coque de l’ennemi. La mer s’y engouffra.

Ce fut la goutte d’eau de trop pour le vaisseau cygnaréen. La gîte s’aggrava. Toujours en train de tirer, un deuxième Chargeur plongea dans les eaux sombres. Les Léviathans ouvrirent le feu sur l’équipage en fuite, les explosifs et les pointes en fer découpant l’ennemi à gauche et à droite.

Un tube sortit de la bouche du Faucheur. C’était une modification que Venethrax avait conçue lui-même, plus efficace contre un rejeton draconique mais utile dans n’importe quelle bataille.

Un panache d’acide noir traversa l’espace et éclaboussa le pont ennemi. Le bois, la chair, tout ce qu’il touchait brûlait immédiatement. Des hommes et des femmes hurlèrent quand l’acide brûla des trous dans leur corps.

Le navire cygnaréen embarquait de plus en plus d’eau. Certains des artilleurs tentèrent une dernière volée sur la Griffe, mais les tirs filèrent directement dans la mer. Deux warjacks restaient la seule menace viable, mais n’ayant pas d’assise stable, ils pouvaient à peine tirer sans tomber par-dessus bord. Au fur et à mesure que le navire cygnaréen gîtait davantage, il vira vers la Griffe du Père des Dragons. Ce fut un changement de cap soudain et anormal et, en effet, Venethrax remarque que le warcaster ennemi – un homme brun et barbu, probablement la quarantaine – se trouvait sur le bastingage opposé du vaisseau endommagé, et dirigeait une action avec ses mains.

La bataille n’était pas encore terminée.

Plusieurs membres de l’équipage cygnaréen se précipitèrent vers le bastingage le plus proche et sautèrent par-dessus dans une massive attaque sur la Griffe. L’équipage de Venethrax, y compris un contingent d’ogrun de la liche émergeant des ponts inférieurs, se précipita à leur rencontre. Le fracas des armes retentit et les guerriers cygnaréens et impériaux tombèrent. Aussi redoutables que puissent être les pillardes et les ogrun, l’équipage cygnaréen avait l’habilité et le désespoir de son côté. S’emparer du navire impérial était leur seule option de survie.

Talyn tira à nouveau avec son harpon, cette fois empalant l’un des marins et ramenant l’infortuné ennemi vers lui. Le Faucheur enfonça sa pointe dans la gorge de l’homme, un coup quelque peu redondant compte tenu du trou que son harpon avait laissé dans la poitrine du marin.

L’un des Chargeurs tira sur deux pillardes venant rejoindre les autres. Le tir souffla complètement la moitié supérieure d’une satyxis tout en transformant la deuxième pillarde en une masse méconnaissable de chair et d’os explosés.

Une forme squelettique vêtue d’un grand manteau noir apparut à côté de l’un des marins attaquants. Le cygnaréen eut à peine le temps d’ouvrir grand la bouche de peur avant que le spectre chasseur ne fasse un trou dans sa poitrine.

Une deuxième silhouette surnaturelle se forma de l’autre côté de la lutte et tira dans la gorge du marin le plus proche avec une paire de pistolets à long canon. La tête penchée sur le côté, le mortel fit quelques pas en arrière, puis se laissa tomber par-dessus le bastingage.

Les deux spectres chasseurs disparurent à nouveau, laissant les combattant ennemis proches si effrayés par leur retour que certains s’exposèrent aux satyxis, qui les massacrèrent joyeusement. Les spectres chasseurs étaient des créatures solitaires, même pour les habitants de l’Empire du Cauchemar, des vaisseaux de ténèbres dotés de capacités de combat exceptionnelles. Venethrax les utilisait souvent pour prendre le dessus aux moments cruciaux.

Les deux spectres chasseurs se matérialisèrent là où le warcaster ennemi ne pouvait manquer de les voir. Il devait réaliser que l’une de leurs utilisations les plus significatives était contre les warcasters. Le cygnaréen au nez crochu regarda autour de lui, comme s’il s’attendait à ce que d’autres apparaissent à tout moment.

Venethrax ordonna à Talyn et aux autres ‘jacks l’ordre général de poursuivre la bataille, puis sauta du bastingage vers le navire en perdition. Les épaisses planches du pont du navire cygnaréen craquèrent sous ses pieds mains tirent bon.

Il dégaina Fléau des Dragons et libéra sa magie. Un cri lugubre en jaillit, le cri de ceux qu’il avait tués. Les runes le long de sa grande lame incurvée flamboyaient d’un vert mortel.

Des runes arcaniques se formant autour de son bras, Venethrax fit un geste vers son homologue cygnaréen, qui demeurait distrait par les spectres chasseurs. Une averse cramoisie assaillit l’autre warcaster juste au moment où il remarqua la présence de la liche. L’armure lourde protégeant se troua.

Un éclair d’énergie jaillit de la main tendue du cygnaréen et s’abattit sur le champ d’énergie de Venethrax. Le seigneur liche repoussa l’attaque. Il gloussa, se moquant des effort des efforts désespérés du cygnaréen. Clairement conscient qu’il n’avait pas de bonne défense, le warcaster ennemi recula. Alors qu’il le faisait, son armure a vapeur crissa. Le sort initial du seigneur liche continuait de corroder.

Venethrax s’avança et balafra la poitrine de son adversaire avec Fléau des Dragons. Le champ d’énergie du cygnaréen s’enflamma lorsque la lame traversa, diminuant sa puissance, mais Fléau des Dragons ne parvint pas à pénétrer l’acier derrière lui. La liche, cependant, ne fut pas déçue, car elle avait déjà une seconde cible en tête. Il attendit que l’humain tende la main gauche pour toucher les dégâts, puis fit tourner Fléau des Dragons et trancha l’appendice de l’homme.

Hurlant d’agonie, l’autre warcaster tendit sa main droite vers l’avant. Bien que le sort n’ait effleuré qu’une partie du bras de la liche, le choc qui traversa Venethrax aurait suffi pour tuer un être vivant. La liche eut du mal à maintenir sa concentration, mais heureusement, il ne fut pas assez forte pour la briser.

Alors que le navire basculait dangereusement, Venethrax se rapprocha du côté mutilé du cygnaréen. Avec le sort corrosif poursuivant son œuvre, il fut facile pour Fléau des Dragons de se glisser sous les défenses poussives de l’humain.

Cette fois, Fléau des Dragons s’enfonça profondément dans l’entaille de l’armure, traversant d’abord le métal, puis la chair et les os.

Le cygnaréen laissa échapper un soupir horrifié. Son visage se tordit et sa peau devint grise.

Avec un dernier effort qui étonna même Venethrax, le warcaster adverse repoussa Fléau des Dragons. L’impulsion rapprocha l’humain du bastingage, mais il ne fit rien pour s’en empêcher. Avec une expression proche du soulagement, il se laissa tomber en arrière à travers la rambarde en bois, dans la mer.

Venethrax n’attendit même pas le plouf pour se retourner vers la Griffe. D’une certaine manière, son ennemi avait sauvé une victoire. Plutôt que de laisser le seigneur liche prendre son âme, l’humain avait utilisé ses dernières secondes pour embrasser la mort. Une honte, pensa le seigneur liche, car l’humain avait fait preuve de résilience, le trait le plus important de toute âme à capturer.

Venethrax se jeta sur les survivants en difficultés, que les pillardes avaient repoussées vers leur navire en perdition. Ouvrant deux encensoirs à âmes à sa taille, la liche s’empara des essences s’échappant du second et d’un autre officier cygnaréen, puis scella les deux âmes à l’intérieur pour une utilisation ultérieure. Se frayant un chemin jusqu’au bastingage, Venethrax sauta sur la Griffe.

Grendo lui faisait face.

« Finissez-en », ordonna le seigneur liche en accrochant sa grande épée dans son dos.
L’acolyte cria un ordre. Les canons de la Griffe furent pointés sur ce qui restait du navire cygnaréen.

La bordée se fraya un chemin à travers la coque du navire ennemi, emportant avec elle le pont et la plupart de l’équipage restant.

Le second-capitaine – maintenant, capitaine par intérim – éloigna la Griffe aussi vite qu’elle pouvait. Quelques mortels restés à bord du navire impérial sautèrent par-dessus le bastingage plutôt que de devenir prisonniers. Si Venethrax l’avait ordonné, l’équipage aurait pu empêcher certains d’entre eux de se suicider, mais la liche avait hâte de passer à autre chose. Rassembler des prisonniers serait une distraction de plus.

Avec un dernier gémissement, le navire de guerre cygnaréen coula. Les mâts s’écrasèrent dans l’eau, éparpillant des débris et entraînant avec eux deux membres d’équipages en difficulté. La force d’attraction du navire en perdition emporta les survivants que Venethrax pouvait remarquer dans l’eau sombre.

Le second mena la Griffe du Père des Dragons. Ils devaient s’assurer qu’il ne restait plus personne pour signaler leurs activités. Les mâts et les voiles brisés, toujours attachés au navire de guerre par le gréement, furent finalement entraînés sous la surface. Lorsque cela se produisit, la plupart des membres de l’équipage de satyxis étaient retournés à leur poste. Venethrax se tourna vers Grendov, qui faisait partie des personnes le servant directement et commença à leur ordonné de retourner en bas.

Les Léviathans survivants descendirent, mais Talyn demeurait obsédé sur les débris se raréfiant. Grendov se rapprocha du helljack, seulement pour battre en retraite quand il tourna sa pointe vers lui. Grendov regarda son maître avec inquiétude.

« Va-t’en, Talyn », ordonna Venethrax.

Avec une nette réticence, le Faucheur se détourna de la scène de mort, puis fit demi-tour et tira avec l’arme plus petite attachée à son bras pointe.

L’explosion frappa la mer turbulente, projetant un panache d’eau à plusieurs mètres dans les airs. Talyn regarda le panache se dissiper, puis se dirigea vers la cale.

« J’apprécie un bon massacre autant que n’importe qui, mais faut-il qu’il tire après coup ? » prononça Grendov en revenant vers son maître.

« Son premier ennemi a presque été son dernier. Tu ferais bien de te souvenir de tes propres erreur, Grendov ».

L’acolyte porta une main à son visage. « Ce n’est pas ce que je voulais dire, monseigneur. Je suis seulement curieux. Cela fait si longtemps que Talyn a tourné le dos à ce maudit rejeton de dragon. Avec un armement au moins dix fois supérieures à ce qu’il avait ce jour-là, il n’a sûrement pas besoin de- »

Venethrax jeta un coup d’oeil à son serviteur, ce qui le fit taire. « Talyn sert. Sers aussi, Grendov ».

L’acolyte hocha la tête et recula à quelques pas de son maître, juste au moment où Dracia s’approchait. Un objet sanglant de la taille d’une grosse pomme dans sa main, la satyxis se dirigea vers le bastingage voisin. Alors qu’elle le jetait à l’eau, Kankur sortir de la cale. Le nécrotech ignorât à la fois son maître et les autres alors qu’il se déplaçait de cadavre en cadavre avec un vif intérêt. Kankur pouvait toujours trouver une utilisation pour les membres et autres parties du corps. L’avoir à portée de main s’avérait très efficace.

« Je fais juste mes derniers adieux à Mave », déclara Dracia avec plus qu’un peu de joie. « Le second-capitaine fait un capitaine compétent, mon seigneur. Je la recommande pour ce rôle de façon permanente ».

Venethrax pesa le pour et le contre, fixant Dacia jusqu’à ce qu’elle commence à montrer des signes évidents de malaise. Même lorsque son silence dépassa les limites de l’affront, il tint bon, attendant qu’elle assume ses actes. Attendant qu’elle craigne qu’il ne soit pas aussi dupe qu’elle l’avait espéré. Attendant qu’elle craque.

« Je suis désolé pour votre perte, mon seigneur », souffla-t-elle enfin. « Je sais qu’elle vous accompagnait depuis longtemps ».

« Assure-toi de la promotion du second. Dis à Kankur de faire ses choix rapidement. Je veux que le pont soit nettoyé et que tous les dégâts soient réparés. Nous allons rattraper ce retard. Nous pouvons encore discuter du malheureux accident de Mave, Dracia. En attendant, impressionne-moi ».

Beaucoup moins joyeuse maintenant, Dracia rejoint Grendov en hochant la tête.

Le seigneur liche congédia le duo et se dirigea vers la proue. Il vida son esprit du tableau l’entourant. Tout ce qui comptait, c’était le rivage à proximité et ce qui se trouvait au-delà. Il le sentait plus que jamais. Cette expédition se terminerait par quelque chose à montrer pour ses efforts. Venethrax le savait comme il savait que son ancienne âme appartenait à Toruk.

45
PARTIE UNE

Skell, Cryx, 584 AR

La nation de Cryx était connue sous de nombreux noms le long de la Côte Brisée de Cygnar. Ses voisins l’appellent Dragonberth, ses victimes l’Île Maudite, mais aucun titre chuchoté ou pesté à voix haute ne correspond mieux à Cryx que celui que ses propres habitants ont adopté : l’Empire du Cauchemar.

Même dans l’humide et brumeux royaume, parmi les maudits et affligeants travaillant jour et nuit pour la gloire de Toruk le Père des Dragons, les images et les odeurs horribles troublaient les esprits déjà brisés. Un regard sinistre d’un seigneur liche de passage pouvait faire hurler les morts-vivants aussi follement que n’importe quelle créature vivante, et les énergies malignes émanant des corps faits d’os et de métal des seigneurs contraignaient les esclaves de Cryx sans poser de questions. Les actions d’un seigneur liche étaient l’extension de la volonté de Toruk, dont la parole était absolue à tous égards.

Sauf, bien sûr, lorsque la parole du Père des Dragons était en conflit avec les besoins du Seigneur Venethrax.

Venethrax était l’un des plus anciens serviteurs du Père des Dragons, et il servait Toruk comme aucun autre. Même sa forteresse était forteresse était différente. Alors que d’autres seigneurs liches se blottissaient derrière d’épais mur de pierres et de fer, Venethrax a construit un siège de pouvoir sur son environnement. En effet, si n’importe quelle structure de la capitale de l’empire, Skell, pouvait être qualifiée d’accueillante, alors le sanctuaire du Seigneur Venethrax, avec ses colonnes de marbre et sa porte en fer ornée marquant l’entrée, aurait pu correspondre à cette description. Mais même le repaire le plus accueillant de Cryx ne pouvait être qualifié d’accueillant que dans la mesure où une toile d’araignée pouvait l’are pour une mouche.

Des corbeaux corrompus entraient et sortaient des fenêtres cintrées qui bordaient la structure principale et la haute et étroite tour en son centre. Beaucoup de ces oiseaux portaient de petites pochettes en cuir attachées à leurs pattes ou à leur corps. Alors que le Seigneur Malathrax contrôlaient le réseau d’espion impérial, aucun serviteur du Père des Dragons n’était plus doué que le Seigneur Venethrax pour glaner le type d’information que leur maître désirait le plus. La forme de collecte d’informations de Venethrax convenait à sa tache ultime. Il avait été créé, après tout, pour chasser les dragons.

Un coursier noir comme l’encre plongea dans les recoins inférieurs du sanctuaire, dans une vaste chambre bordée de profondes étagères, planches après planches remplies de rouleaux, de tomes, de cristaux et d’autres réceptacles de connaissances du monde entier. Tout cela ne représentait qu’une fraction des idées que le seigneur liche avait rassemblées au cours de ses plus de douze cents années de recherches de la seule menace que le Père des Dragons considérait comme pertinente. En fin de compte, toutes les recherches de Venethrax, ainsi que toutes les guerres, tous les massacres et tous les complots dont l’Empire du Cauchemar était responsable, avaient pour but la destruction de tous les autres dragons, de la propre progéniture rebelle de Toruk.

Des ombres voltigeaient dans la faible lumière des cristaux rouges incrustés dans les murs du niveau inférieur, des ombres sans substance pour les projeter. Pourtant, elles se drapaient sur les étagères, s’arrêtant ici et là, apparemment au hasard, et des parchemins ou des livres enveloppés dans ces ombres glissaient, puis se posaient sur l’une des nombreuses tables de la pièce.

Une silhouette squelettique vêtue d’une cape et d’une capuche d’ébène se dirigea vers l’un des rouleaux, le déroula et en traça le contenu avec des doigts pâles et sans chair.

« Non… pas celui-là », râla Grendov.

Il roula le parchemin. Une autre ombre s’abattit sur le parchemin, et celui disparut, transporté à sa place.

Grendov se raidit et tira sa capuche d’un centimètre en arrière, révélant des traits blancs décharnés avec seulement des traces d’une beauté ancienne. La peau de son visage ondulait bizarrement, et son œil droit demeurait masqué par l’obscurité de sa capuche. Il leva les yeux, inclinant la tête sur le côté alors qu’une seule parole emplissait ses oreilles et ses pensées.

Grendov.

« J’arrive, monseigneur. Immédiatement ».

Les ombres s’écartèrent autour de lui alors que Grendov traversait le sanctuaire jusqu’à l’escalier en spirale en son centre. Les escaliers étaient la seule entrée physique de la tour supérieure, qui serpentait jusqu’aux chambres du Seigneur Venethrax. La plupart des seigneurs liches gardaient leurs sanctuaires ultimes dans les profondeurs de leurs domaines, mais Venethrax s’asseyait aussi près du ciel qu’il le pouvait. De l’avis de Grendov, son maître cherchait à imiter le Père des Dragons en personne, même s’il ne serait jamais assez fou pour l’avouer.

Il accéléra son allure. Que son maître l’ait convoqué à ce moment critique ne pouvait signifier qu’une chose.

* * *

Venethrax sentit l’arrivée de Grendov avant même que l’acolyte ne pénètre dans ses appartements. Le seigneur liche ne prit pas la peine de se retourner Son serviteur était une extension  de sa volonté et rien d’autre.

Un oiseau mort-vivant corrompu – un scylla – perché sur le poignet armuré du seigneur liche. Il tendit ses doigts gantés et scella la minuscule pochette sur le dessous du messager. La créature laissa échapper un sifflement, puis s’envola.

Avec un grincement de l’acier contre l’acier, le Seigneur Venethrax se tourna finalement vers Grendov. Comme les autres seigneurs liches, il était plus machine que chair, son crâne et ses os de ses mains étant les seuls vestiges de sa forme originelle, supplantés par un nouveau corps d’armure de fer noir. De l’énergie verte se dégageait dans tout ce corps, et des fumées s’échappaient des deux tuyères derrière ses épaules.

L’acolyte tomba à genoux.

« Grendov » Venethrax brandit un minuscule parchemin. « Toutes les recherches en cours doivent prendre fin. Toi et moi, nous devons nous préparer immédiatement ». En jetant un coup d’oeil à l’étagère sur laquelle le crâne brisé de son prédécesseur faisait office de presse-livre, Grendov répondit : « La Griffe peut être mise à la mer dans la nuit, très auguste. Les Messagers de Dracia, Kankur et les autres peuvent être envoyés d’un seul mot de votre part » Grendov inclina sa tête encapuchonnée. « J’attends ce mot ».

« Non ».

L’acolyte osa froncer les sourcils, ce à quoi Venethrax envisagea de l’étrangler. Puis le masque charnu – qui faisait autrefois partie de son visage original jusqu’à que monstruosité implacable – un rejeton draconique issu du sang d’un dragon, l’ait arraché – se remit en place et permit à Grendov de mieux exprimer sa confusion.

« Si je peux m’exprimer, mon glorieux seigneur ? »

« Tu le fais déjà, Grendov. Veille à ce que tes prochaines paroles cessent de m’ennuyer ».

Même agenouillé, l’acolyte réussi à s’incliner convenablement, ce qui apaisa quelque peu Venethrax. L’obéissance de Grendov était la principale raison pour laquelle le seigneur liche l’avait gardé auprès de lui pendant deux cents ans. « Vous avez dû découvrir une trace de l’un des descendants maudits du Père des Dragons. C’est la seule raison pour laquelle vous voudriez me convoquer au milieu de nos recherches. Par conséquent, vous auriez sûrement l’intention de partir pour cette région dès que possible, non seulement pour vérifier les faits, mais aussi, que le Père des Dragons soit loué, pour localiser la bête elle-même- »

Venethrax serra ses dents sans lèvres, ses gouttes de lueur verte de nécrotite s’échappant entre elles. « Je t’avais prévenu. J’ai d’autres livres qui ont besoin d’être classés ».

Le crâne sur l’étagère trembla. Il n’y avait pas de libération après la mort pour les morts-vivants. À deux exceptions près — ce qui contrariait le seigneur liche encore aujourd’hui – tous ceux qui avaient échoué avec le Limier de Toruk décoraient maintenant sa demeure ou d’autres propriétés. Servir de serre-livre était la moindre des punitions qu’ils infligeaient aux indignes. Ni Grendov ni l’ancien propriétaire du crâne tremblant ne voulait changer de place avec Sylus, qui était venu servir Venethrax au troisième siècle de la mission du seigneur liche. Le hurlement sans fin de Sylus se répercutait dans six endroits différents de la citadelle, mais seul Venethrax pouvait l’entendre. En puis il y avait Jediah…

L’acolyte poursuivit. « La missive que vous avez envoyée à mon arrivée est une notre destinée au Seigneur Terminus, j’imagine. Une note déclarant la nécessité d’une rencontre. Il est nécessaire de parler directement avec lui… »

La voix de Grendov s’éteignit. Venethrax nota la compréhension de son second, ou du moins son absence d’ignorance totale.

« Oui, Grendov. Il y a un besoin, une raison. Une simple raison. Le continent. Le continent sud, pour être précis ».

« Le sud… Monseigneur, vous faites référence à l’invasion ? Ce n’est pas une raison si simple - »

« Oui ». Venethrax ordonna à son serviteur de se lever. « L’invasion, si nécessaire. Tout ce qui est nécessaire. L’empire n’existe que pour ça, après tout ».

Grendov acquiesça, mais une lueur sur son visage trahissait sa méfiance. « Le Seigneur Terminus ne sera pas content ».

« À peine un sujet de préoccupation. Le corps du seigneur liche s’illumina de plus belle alors qu’il passait devant l’acolyte. « Daeamortus ne sera pas content non plus ».
S’il avait eu une gorge portant plus que quelques vestiges de chair, il aurait été probable que Grendov les aurait avalés à en juger par les minauderies qu’il émettait. « Daeamortus aussi ? Grand et glorieux seigneur- »

Venethrax se retourna et saisit l’infortuné acolyte par cette même gorge pourrie. Avec aisance, le warcaster souleva Grendov à plus de trente centimètres du sol.

« Nous n’existons que pour servir la volonté de Toruk », murmura froidement le seigneur liche. « Nous. Terminus. Daeamortus, Toi. Moi plus que tout. Y a-t-il un doute là-dessus ? » Il laissa une étincelle des énergies nécrotiques en lui toucher Grendov, juste assez pour faire frissonner l’acolyte de douleur.

Venethrax laissa son second tomber au sol. Grendov atterrit durement sur ses deux pieds, comme il l’avait souvent fait au cours de ses deux siècles de servitude. Ajustant son visage, il érailla : « Je ne remettrais jamais en question notre servitude au Père des Dragons, mon… mon seigneur. Je remets seulement en question leur compréhension des priorités ».

« Cela n’a pas d’importance qu’ils remettent en question », répondit Venethrax. « Ce qui compte c’est qu’ils obéissent à la volonté du Père des Dragons… que je représente dans ce cas ». Le seigneur regarda dans le vide, sentant la présence de Toruk à travers lui, de son crâne à la fournaise de son ventre. « Ce qui compte, c’est de récupérer n’importe tout fragment de l’athanc de Toruk quand l’occasion se présente, quel que soit le sacrifice ».

« Si seulement il n’avait jamais accordé la vie à ses enfants, et encore moins s’ils les avait bénis avec sa propre essence, sa propre pierre de coeur… »

« Notre seigneur était magnanime. Il voulait partager le monde et sa gloire avec eux. Il a créé ses enfants et a pensé que recevoir un peu de son athanc les rendrait obéissant, ou reconnaissants à tout le moins ».

Grendov prit sa place à une enjambée en arrière et à gauche de son maître. « Je suis certain qu’ils comprendront la sagesse de ce que vous exigez d’eux’, dit-il, « même si cela signifie retarder l’invasion ».

« Ils comprendront, même si cela signifie annuler complètement l’invasion », remarqua le Seigneur Venethrax presque distraitement, son esprit étant déjà tourné vers la chasse à venir. Les éventuelles objections de ses homologues n’étaient pas pertinentes. « Maintenant, apporte-moi Fléau des Dragons. Je dois être vêtu correctement pour la réunion ».

* * *
« Cette invasion que nous avons si méticuleusement organisée, elle sert votre but ultime », déclara le Seigneur Terminus. Ses vastes ailes squelettiques se déployèrent largement, puis se replièrent alors qu’il luttait contre son objection à l’annonce de Venethrax. « Votre objectif, Venethrax… et vous le jetteriez dans le chaos à ce moment critique ? »

« Je ne fais que refléter les désirs de Toruk, Terminus ».

Venethrax regarda l’autre seigneur liche s’approcher d’une massive table, où s’étalait une complexe carte de l’Immoren occidental. De petites miniatures lumineuses représentant des navires et d’autres forces martiales – à la fois de l’empire et de Cygnar – se tenaient aux dernières positions que les officiers de Terminus et les espions du Seigneur Malathrax avaient déterminées. Alors même que le warcaster observait la carte, une flotte de vaisseaux cygnaréens, changea de position. Les pièces glissèrent sur la surface comme si elles naviguaient.

« Ils sont en position privilégiée », grogna Terminus, caressant l’une des trois encensoirs à âme à sa taille. L’image d’un visage humain hurlant remuait à l’intérieur. Les encensoirs transportaient les commandants ennemis de trois des plus belles victoires de Terminus au nom de Toruk, Venethrax devait encore choisir de nouvelles victimes pour ses propres encensoirs, mais il en aurait bientôt assez. « Si nous nous lançons à temps, toutes les pièces sont en place pour détourner les flottes du continent et débarquer nos forces destinées à des incursions plus profondes sans affrontement. Nous pouvons implanter des installations si profondément qu’ils ne pourront jamais les extraire ». À nouveau, ses ailes se déployèrent, puis se replièrent. « Un magnifique triomphe ».

Venethrax avait plus de respect pour Terminus que beaucoup de leurs autres homologues. Pourtant, rien n’important plus que sa mission, qui était celle du Père des Dragons. Toruk avait créé l’empire pour des moments comme celui-ci. « Je n’ai pas dit que l’invasion devait être retardée ou reculée, Seigneur Terminus. J’ai seulement indiqué que cela pourrait devenir nécessaire si plus d’informations venaient à être révélées ».

Terminus ne répondit pas, mais ses ailes s’agitèrent derrière lui lorsqu’il croisa le regard de Venethrax. Chaque seigneur liche prenait la mesure de l’autre. Terminus avait l’avantage de la taille et de la force sur Venethrax et était connu comme un maître stratège et un général, mais Venethrax ne reculait devant aucune autre liche, surtout pas lorsqu’il poursuivait son principal objectif. Il fit un  pas en arrière et changea de posture, libérant son bras pour saisir son arme. Le regard de Terminus se porta sur la poignée de la grande épée incurvée, suspendue au dos de Venethrax. Cela plut à Venethrax de voir son homologue hésiter à la vue de Fléau des Dragons, un demi-crâne avec une longue et mortelle lame comme langue. Venethrax là considérait comme la main de Toruk, dont il était le prolongement à tout moment, mais surtout lorsqu’il dégainait l’épée que son maître avait créée pour lui seul, afin de la brandir contre les rejetons du Père des Dragons.

Terminus grogna. Lui aussi portait une épée légendaire, Promesse de Mort, mais son arme avait été conçue pour faucher les armées mortelles qui se trouvaient sur le chemin des desseins du Seigneur Toruk. L’autre liche laissa tomber sa main gantée de l’encensoir d’âmes. Venethrax relâcha sa posture alors que le visage hurlant s’estompait. Il n’y avait pas besoin de violence. Pas encore.

« Et de quoi avez-vous besoin ? » demanda Terminus avec résignation.

Tout ce que vous pouvez donner, bien sûr. Une autre voix répondit avant que Venethrax puisse s’exprimer, les paroles n’étant qu’un murmure dans leurs esprits. Ni l’un ni l’autre ne réagirent avec surprise à cela ou à l’ombre émergeant du coin de la chambre en pierre. Seul Grendov bougea, prenant position défensive près de son maître.

La forme décharnée qui émergeait de l’ombre ressemblait beaucoup à Grendov dans sa façon de se tenir sous sa cape sombre. Dans cette cape, un visage d’ogrun tordu fixa Venethrax puis Terminus, avec des yeux sans pupille. Les ogrun généralement ne faisait pas de bon acolyte, mais celui-ci avait été spécialement amélioré pour ce rôle.

« Maleevus Zendt », grogna Terminus, « où est ton maître ? »

L’ogrun s’inclina. « Il est ici. Je ne suis qu’un canal pour lui… »

Alors même que l’ogrun finissait de s’exprimer, ses yeux devinrent livides et sa bouche se relâcha.

Pardonnez-moi de ne pas être présent en chair et en os, prononça la voix initiale. Votre convocation est arrivée à un moment inopportun, alors j’ai envoyé Maleevus. Vous avez min attention.

La mâchoire de l’ogrun bougeait comme s’il parlait, bien que la voix ne produise aucun son audible. Une faible lueur verte émanait de l’intérieur de sa tête, notamment à travers une large fissure au sommet de son crâne. Venethrax n’aurait pas créé un tel acolyte, à peine plus qu’une coquille animée pour donner à son maître des yeux, des oreilles et une voix là où il ne pouvait être. Au cours de ses siècles en tant que seigneur liche, Venethrax avait fini par favoriser l’individualité et la personnalité de ses acolytes, des traits qui les rendaient plus puissants à son service.

« Je ne vous retiendrai pas longtemps loin de vos tâches », dit Venethrax. « J’étais en train d’expliquer mes besoins à Terminus, mais - »

Laissez-moi deviner, dit l’acolyte de Daeamortus. Vous êtes sur le point de vous lancer dans une expédition. Vous êtes sur le point de partir à la chasse au dragon, c’est bien ça ? Comme c’est choquant.

Si Daeamortus n’avait pas été assigné à son propre rôle important dans les machinations de l’empire, Venethrax aurait peut-être pris plus ombrage à son ton. C’était un problème de longue date entre eux, car Daeamortus, bien plus que Terminus, en voulait à la position de Venethrax. Il y avait du vrai dans ce que la troisième liche laissait entendre, qu’une grande partie du service de Venethrax à Toruk consistait à se lancer dans une expédition de collecte d’informations après l’autre, perturbant souvent les plus à plus long terme des autres liches. Cependant, comme les deux autres warcasters le savaient bien, la recherche de la progéniture de Toruk était prioritaire. Daeamortus comprenait sa place, même si cela lui déplaisait, aussi Venethrax ignora l’affront.

« La chasse de notre seigneur peut nécessiter le report d’une partie de l’invasion », déclara Terminus, ses ailes repliées s’agitant.

Oh, naturellement, poursuivi Daeamortus, le ton maintenant ouvertement provocateur. Il semble que dans ces moments-là, Venethrax, vous oubliez que nous servons aussi la volonté de Toruk. Cette invasion est l’une des opérations les plus complexes et les plus précises que notre empire ait menées depuis l’assaut sur Drer Drakkerung. Chacun de ses mouvements a été exécuté en parfaite harmonie, comme nos propres mécanisme. Cette invasion existe uniquement pour votre propre bénéfice, pour préparer le terrain pour de longues excursions sur le continent, pour ouvrir la voie à la progéniture du Père des Dragons-

« Oui », dit Venethrax. « Terminus a souligné tout ce que vous dîtes Daeamortus ».

Et ça ne change rien… rien… ça ne change jamais.

Comme Daeamortus parlait, l’acolyte ogrun leva un poing de colère. Venethrax attrapa Fléau des Dragons, mais Terminus intervint. « Vos inlassables efforts pour le Père des Dragons ne sont pas oubliés, Venethrax, mais comme nous l’avons tous deux souligné, nous avons le devoir de nous tourner vers l’avenir. Cette invasion est vitale pour notre maître, comme vous le savez, puisqu’elle a été mise en œuvre sur la base de vos propres propositions. Nous ne pouvons pas l’arrêter et la relancer sur un coup de tête, simplement parce que vous percevez une opportunité qui peut ou non se traduire par des gains importants ».
« Néanmoins- »

Néanmoins, dit Daeamortus, vous êtes en contradiction avec vous-même. Combien de vos expéditions nous ont rapprochés des objectifs de Toruk ? Je comprends bien la nécessité de conserver une force prête à poursuivre la progéniture de Toruk, mais c’en est une autre de mettre en péril le travail de vos pairs et égaux, surtout lorsque nous travaillons à ce que vous-même vous recommandez. À quoi cela sert-il ? Quel insaisissable ou douteux indice nous amène à cela ?

« Aucun indice, Daeamortus. C’est une piste, contrairement à toutes celles que j’ai suivies jusqu’à présent ».

Terminus et l’ogrun fixèrent Venethrax, qui demeura silencieux, les laissant mijoter.

Qu’est-ce que ça pourrait être ? Demanda Daeamortus. Vous avez trouvé la trace d’un des enfants traîtres du Père des Dragons, n’est-ce pas ? En quoi cela est-il différent de toutes les chasses précédentes ?

« Les preuves que j’ai collectées indiquent que nous pourrions avoir un nouveau dragon, dont nous ne savons absolument rien. Les informations doivent être recueille ».

Un gémissement s’échappa de l’encensoir d’âme de Terminus. Le bout de ses ailes se redressa. « Vous savez que c’est le cas ? »

« Pas avec certitude », déclara Venethrax. « C’est la nature de mon travail, de ma fonction. Les suppositions doivent être poursuivies et étudiées. Mais les preuves dans cette affaire sont très convaincantes. J’ai reçu des rapports de sources fiables concernant un dragon différent de tous ceux que nous connaissons. S’il s’agit d’une nouvelle progéniture, encore inconnue, cela pourrait changer l’équilibre du pouvoir entre Toruk et sa progéniture. Cela pourrait affecter la forme et les objectifs de votre invasion. C’est une question qui ne peut pas attendre.

Un dragon dont on ne sait rien ? L’ogrun pencha sa tête en arrière, puis en avant, son crâne fissuré émettant une lumière verte nécrotique. Comment est-ce possible ? N’êtes-vous pas la volonté de Toruk ? N’êtes-vous pas guidés par Toruk ?

« Toruk nous a laissé, à moi et à mes prédécesseurs, le soin de cataloguer sa progéniture, et notre liste n’a jamais été complète. Comme vous, on m’informe précisément tout ce que notre maître juge bon de dire ou non. Des milliers d’années se sont écoulées depuis que Toruk a créé sa progéniture, et ils étaient aussi inférieurs à lui que les mortels le sont pour nous. Pourquoi Toruk se donnerait-il la peine de connaître leurs noms ? De plus, des dragons se sont dressés au cours des ères ayant suivi la première division de l’athanc. Dans l’est lointain, les géants qui ont vaincu le dragon Erdross ont bêtement divisé son athanc, donnant naissance à Ashnephos et Charsaug à sa place. Certaines preuves suggèrent que Scaefang a donné naissance à Halfaug. Il s’agit peut-être d’un cas similaire. Quelle que soit la raison, la possibilité d’un nouveau dragon nécessite un minutieux examen. Toruk s’attend à ce que nous, ses plus fidèles serviteurs, adaptions nos plans. Ceux qui coopèrent pas lui seront signalés ».

L’ogrun ferma la bouche. Le ton de Daeamortus fut plus humble lorsqu’il demanda : « Cette information vous est-elle parvenue par Malathrax ? A-t-elle été confirmée ? »

Venethrax s’approcha de la table et de la carte. « J’ai mes propres sources, comme vous le savez ». Le Seigneur Malathrax et son réseau de renseignement avaient plus souvent retardé Venethrax plutôt que d’accélérer son travail par le passé. Venethrax n’avait pas de temps à perdre avec de telles préoccupations. Il avait déjà perdu assez de temps à essayer de vérifier les rapports initiaux, refusant de croire qu’ils lui disaient.

Un dragon inconnu. Un nouveau danger pour l’empire et le Père des Dragons. Il comprenait les doutes de ses compagnons d’armes. La parole de la plupart des seigneurs liches n’était pas digne de confiance, même de ceux qui servaient le même cause. Bien que Venethrax ne voyait pas l’utilité des subterfuges, de la ruse et de la trahison, en cas de nécessité absolue, il n’hésitait pas à les utiliser. Mais la justesse évidente de cette mission rendait les manipulations et les intrigues superflues. La volonté de Toruk se révélerait, jour après jour. En attendant, Venethrax garderait un œil prudent sur les autres serviteurs de Toruk, en particulier Daeamortus et Malathrax.

« Je suppose qu’il n’y a rien d’autre à ajouter, alors », dit Terminus, son regard balayant l’acolyte ogrun. « Y en a-t-il, Daeamortus ? »

En effet non.

La liche ailée hocha la tête, puis se concentra à nouveau sur Venethrax. « Et dans combien de temps partirez-vous ? »

« Il y a des exigences qui doivent être accomplies en premier . . . » Venethrax énuméra ses besoins, y compris des fournitures et des troupes supplémentaires. Terminus hocha simplement la tête lorsque Venethrax mentionnait chaque élément. Daeamortus n’était pas aussi silencieux.

C’est tout ? Et quelques légions de soldats ou une centaine de helljacks lourds ?

À la surprise de Venethrax, ce fut Terminus qui balaya d’un revers de la main les paroles de colère de la liche. La liche ailée prit un parchemin sur une petite plateforme sous la table à carte. « Vous constaterez que cela correspond assez étroitement à votre demande. Nous pouvons faire des ajustements supplémentaires si nécessaire ».

Pris au dépourvu, Venethrax ouvrit le parchemin. Il présentait une répartition des forces de réserve étrangement similaire à celle qu’il avait demandée, quoique plus petite à plusieurs égards. Cela indiquait qu’ils étaient prêts et pouvaient être envoyés à court terme.
Venethrax leva les yeux. « Il reste la question de- »

Terminus secoua la tête. Ses ailes se déployèrent et prirent toute leur ampleur, le rendant deux fois plus imposant. Un soupçon d’amusement noir effleura ses paroles. « Vous voyez, il n’est pas nécessaire de perturber l’invasion. Vous êtes très convaincants lorsque cela a été planifié à l’origine. Apparemment, Toruk a pris le temps d’écouter nos discussions à l’époque. Le Père des Dragons a demandé au Seigneur Liche Scopulous de garder des réserves prêtes au cas où les premiers engagements nécessiteraient un soutien immédiat. Nous détournerons cette partie de ces réserves pour votre usage. Terminus haussa les épaules. « Cela réduit notre marge d’erreur mais dans une mesure acceptable. Si vous avez besoin de plus que cela, ce sera plus… gênant. Je vous recommande de vous contenter de cela. L’invasion doit avoir lieu ».

Venethrax était conscient des difficultés que Terminus avait dû surmonter pour en arriver à cette conclusion. Il comprenait aussi la menace se cachant derrière les dernières paroles de Terminus. Il était prêt à se battre contre Venethrax sur ce point, si on le poussait. Bien que cela ne le laisse pas indifférent, Venethrax savait que le Père des Dragons serait satisfait si son expédition et l’invasion pouvaient se dérouler comme prévu. Une confrontation inutile avec Terminus et Daeamortus ne servirait pas les objectifs de Toruk.

« Cela fera très bien l’affaire », répondit Venethrax.

Les ailes de Terminus se remplièrent vers l’arrière. « Nous sommes heureux de l’entendre ».
Venethrax enroula le parchemin et le tint contre son flanc gauche. Grendov s’en empara puis recula. « La flotte d’invasion quitte Scharde à l’heure ? »

« Naturellement ».

Venethrax hocha la tête. « Alors nous naviguerons de concert ».

* * *

La Griffe du Père des Dragons se distinguait du reste des navires s’embarquant pour l’Invasion Scharde. Contrairement aux larges et lourds navires de Terminus remplis de tous les membres de l’Empire du Cauchemar, la Griffe du Père des Dragons était un navire long et élégant, conçu pour la vitesse. Tout indice impliquant un dragon pouvait devenir inutile en quelques jours. Venethrax avait été judicieux, prenant le temps de vérifier ses informations concernant cette chasse particulière. Mais maintenant qu’il s’était engagé, il devait être rapide, de peur que la piste de leur proie ne se refroidisse.

Bien que léger sur l’eau, la Griffe du Père des Dragons disposait d’un grand nombre de canons et d’un solide équipage pour les manier. Venethrax sélectionnait chaque membre potentiel de sa force de combat et supervisait personnellement leur formation. Ceux qui survivaient à ce processus constituaient une unité militaire qu’il considérait comme l’élite de l’empire. Élite, bien qu’aussi sacrifiable, songea Venethrax. Il se tenait à la proue, regardant le navire devant lui. Sa grande voile pendant derrière le mât, tout comme celle de la Griffe.

Grendov, à sa gauche, rompit le silence. « Vous avez été magnanime avec les autres warcasters, mon seigneur. Vous auriez pu exiger tout ce que vous demandiez et plus encore.

« La cupidité au service de Toruk est un manquement aux répercussions permanentes, si cette cupidité consiste en plus que le désir de plaire au Père des Dragons. Terminus a bien représenté ses arguments ». Venethrax avait mentalement répété cette phrase pour masquer son dégoût total pour les autres, en particulier Daeamortus.

« Oh, assurément, mon grand et glorieux seigneur. Je - » Grendov se tut lorsque la forme encapuchonnée de l’ogrun de la réunion s’approchait de la rambarde.

« Avec votre permission », dit Maleevus, s’exprimant cette fois seul, « j’ai a conversé avec le capitaine. Nous partirons ensuite- »

« Je suis au courant », déclara Venethrax. « Qu’est-ce que votre maître a réellement à dire qui t’oblige à m’embêter ? »

Maleevus s’inclina. « Mon maître a parlé de votre compréhension rapide avec beaucoup d’admiration, mon Seigneur Venethrax ». Venethrax rejeta le mensonge évident en se détournant de l’ogrun, qui ne s’arrêta qu’un instant avant de poursuivre. « Mon merveilleux seigneur Daeamortus souhaitait simplement vous rappeler que le rendez-vous de retour doit avoir lieu à l’heure convenue, sinon, la Griffe du Père des Dragons pourrait se retrouver toute seule en territoire hostile, où ni lui ni le Seigneur Terminus ne pourront vous arracher à l’étreinte cygnaréenne ».

« Soit toi, soit ton maître est trop éloquent. Rappelle à Daeamortus que cette lame est à double tranchant. Je ne serai pas en mesure de le sauver si l’invasion à laquelle il semble ne pas croire échoue et que l’on me demande dégager la poigne cygnaréenne de sa propre gorge. L’ogrun – où plutôt, quel que soit l’esprit sombre que Daeamortus avait choisi pour habiter la coquille animée – ne mordit pas à l’appât. Maleevus s’inclina de nouveau, cette fois plus bas. « Il ne se soucie que de votre bien-être. Il n’y a pas que Toruk qui souffrirait su nous perdions la Griffe du Père des Dragons ».

Venethrax ignora une fois de plus les paroles flatteuses de Maleevus. Malgré le rôle de moniteur que l’acolyte était censé jouer, informant Venethrax et l’invasion des progrès de chacun tout au long de la quête, il n’était que les yeux et les oreilles de Daeamortus. L’autre seigneur liche ne s’attendait peut-être pas à prendre Venethrax en défaut au cours de sa chasse, mais si une erreur était commise et pouvait nuire au Limier du Père des Dragons, Daeamortus le ferait savoir dans tout l’empire.

Les pensées de Venethrax dérivèrent avec le pot au noir. Cherche autant que tu peux à travers ton serviteur, Daeamortus. Tu ne trouveras aucune faut dans mes efforts pour notre seigneur, tant que je permets à ce serviteur de vivre. Il me sert autant qu’il te sert. Tu ne sais tout simplement pas.

Le navire fut secoué et gîta. Un vent d’origine non naturelle gonfla ses voiles. En quelques secondes, la Griffe du Père des Dragons se déplaçait dans la baie enveloppée de brouillard. L’acolyte de Daeamortus s’éloigna.

Les formes pâles et cornues des pillardes satyxis se déplaçaient, s’assurant que le navire se déplaçait en douceur et suivait son cap. La plupart d’entre elles avaient participé à d’autres voyages avec Venethrax, mais il y avait de nouveaux membres dans l’équipage pour remplacer celles qui avaient péri lors de la dernière expédition. Les pillardes portaient peu d’armure, sauf aux endroits les plus vitaux. Cela leur offrait une vitesse et une dextérité ayant surpris plus d’un ennemi. Bien que mortelles, elles étaient très respectées par leurs maîtres morts-vivants.

L’une d’entre elle se dirigeait vers Venethrax, totalement indifférente aux efforts acharnés de ses homologues. Bien que pour la plupart, elle ressemblait à n’importe quelle autre pillarde, un examen approfondit de l’insigne sur sa poitrine révélait le crâne de profil de la bannière de Venethrax.

Dracia Seareavers était au service de Venethrax depuis cinq ans maintenant ; elle avait déjà tué un rejeton draconique qui avait essayé de lui arracher le bras en plantant son épée directement dans sa gueule. La grande cicatrice de ce combat traversait l’arrière de son bras gauche, l’épaule et la poitrine. Dracia était plus petite que la moyenne des satyxis, et elle utilisait cette petite taille comme une arme, permettant à ses adversaires de penser que cela leur donnait un avantage. Venethrax l’avait vue égorger plus d’un imbécile d’un seul coup de son épée ou même des vicieuses  pointes de ses cornes.

« Il est temps que nous mettions en route », dit-elle d’un ton sec. De tous ses serviteurs, seule Dracia pouvait montrer un tel manque de respect en sa présence et survivre l’instant d’après. Ses compétences étaient si précieuses.

« Notre petite Dracia est plus bouleversée que d’habitude », fit remarquer Grendov. Sa main se dirigea vers la longue épée pendant à son flanc, puis hésita. « Non », dit-elle, « ça ne ferait que l’exaspérer de te découper en tranches. Et avec ma chance, tu serais remplacé par cette chose ogrun… ou par elle ».

« Aaah, nous avons notre raison », déclara Grendov. « Vous ne pouvez penser qu’au capitaine, qui dit tant de bien de vous ».

La lame s’élança, s’arrêtant juste qu’à un cheveu de la gorge de Grendov. L’acolyte ne donna aucun signe que la menace le dérangeait, bien qu’il s’arrêtât de parler.

« Dracia », gronda Venethrax. « Notre histoire ne vous accorde pas l’impunité ».
Elle baissa l’arme.

L’air toujours aussi imperturbable, Grendov s’assura d’abord que son masque de chair restait en place avant de prendre sa parole. « Bien sûr, si elle est négligente dans ses commentaires vous concernant, c’est un voyage en mer et les gens tombent à la mer aux moments les plus étranges ».

Dracia rengaina son épée. « Un moment en particulier ? »

L’acolyte haussa les épaules. « Cela arrive souvent pendant- »

Ils reculèrent tous deux lorsque la fournaise de nécrotite de Venethrax s’embrasa.

Dracia recula, tandis que Grendov cherchait à protéger son visage de la chaleur.

Reprenant le contrôle de la fournaise, le warcaster les examina tous les deux. « Il n’y aura pas de complots, pas de vendettas, durant ce voyage. Je ne tolérerai aucune distraction qui pourrait coûter son objectif à cette expédition. Suis-je bien clair ? »

La paire hocha la tête sans dire un mot.

« J’ai des ambitions ici. Les vôtres doivent être de veiller à ce que je les atteigne. Et que ceux qui ont envie de désobéir se souviennent du destin de Jediah ».

La main de Grendov couvrit a moitié inférieure de son visage de manière protectrice. Dracia déglutit. La paire jeta un coup d’oeil vers la proue, où la forme en chêne d’un squelette hurlant se dressait comme figure de proue.

Sauf que, bien que enveloppé de chêne, le squelette n’était pas en bois. En dessous, scellé depuis trois ans par le pouvoir du Seigneur Venethrax, l’acolyte Jediah regardait la mer.

« Jediah a perdu de vue ce qui était important », déclara Venethrax, quittant le bastingage pour rejoindre ses quartiers. « Important pour moi. Maintenant, il gardera toujours un œil sur la mission à venir. Peu importe sa souffrance ».

Dracia salua, puis trouva quelque chose d’intéressant à bâbord. Un Grendov calme vint se placer derrière son maître.

Et Jediah regardait fixement devant lui.

* * *

Deux jours et deux nuits s’écoulèrent dans les eaux troubles au-delà de Skell, le brouillard était si épais que la plupart des yeux ne parvenaient pas à distinguer la lumière de l’obscurité. Pour la plupart des créatures de l’Empire du Cauchemar, le passage de l’une à l’autre n’était utile que pour suivre le temps. Les liches comme Venethrax travaillèrent sans relâche pendant toute la période, prouvant leur supériorité sur les créatures mortelles, qui pouvaient au mieux tenir un ou deux jours à un tel rythme.

Venethrax se pencha sur ses notes et les parchemins liés à cette quête particulière, bien qu’il les ait lus des centaines de fois auparavant. Pourtant, en ce qui concerne les dragons, on ne pourrait jamais s’imprégner de suffisamment de connaissance. Même s’il ne découvrait qu’une seule petite information négligée, le temps en valait la peine. D’après son expérience, ce sont les détails qui décident des batailles.

Le vacarme d’une certaine agitation s’éleva des ponts inférieurs. Venethrax l’ignora au début, mais il devint plus fort, et avec le temps, il trouva cela distrayant. Le seigneur liche se leva, sortit de sa cabine, les pillards inquiets lui laissant le champ libre pour descendre dans les entrailles du navire. Venethrax connaissait déjà la source du bruit bien avant d’avoir atteint le sombre et obscur compartiment à l’arrière. La liche jura en silence quand il vit que les deux gardes ogrun noirs qu’il avait ordonné de poster à la porte du compartiment manquaient à l’appel. Deux traînées de sang passaient sous la porte.

Il terrorise l’équipage quand il n’obéit pas, pensa Venethrax.

Le warcaster ouvrit la porte. À l’intérieur, la fétide puanteur de la chair pourrie se mêlait à l’odeur tiède de la viande fraîchement coupée.

Sous une faible lumière émeraude, un nécrotech travaillait fiévreusement sur ce qui avait été autrefois un ogrun, à en juger par la forme générale des restes éparpillées sur la table de la cabine. Ses quatre bras métalliques s’élançaient encore et encore vers le cadavre. Un appendice se terminait par une griffe à quatre doigts, un autre par un drain tubulaire, un troisième avec une fine longue lame chirurgicale et le dernier avec ce qui semblait être une aiguille à coudre. Un mécanisme le long du dernier membre alimentait l’aiguille en fil depuis des bobines empilées dans l’ombre de la table.

Le nécrotech se murmurait à lui-même pendant qu’il œuvrait, sa voix était rauque. Sa bouche édentée frémissait alors que son ton montait et descendait, se louant et se maudissant. Venethrax distinguait un mot ici et là, mais un seul le concernait.

« Nécrotite », répétait-il encore et encore. « La théorie… ça devrait être fiable ! Besoin de plus de réaction… nécrotite… doit se former… »

Le corps de l’autre garde était accroché au mur derrière le nécrotech. Venethrax devait admirer la rapidité avec laquelle la créature avait non seulement éviscéré les deux, mais avait même commencé une chirurgie exploratoire sur le premier. Il avait tout de même promis de s’abstenir pendant l’expédition.

« Kankur ».

Seul ton glacial du seigneur liche aurait pu arracher l’être obsédé par son travail. La tête glabre et ivoire pivota pour faire face à Venethrax, tandis que les quatre membres ralentissaient leur œuvre.

« Seigneur Venethrax, Seigneur Venethrax », salua Kankur en se redressant. Ni les traits ni la forme n’indiquaient si les composants mortels avaient été masculins ou féminins. Les yeux étaient circulaires et, selon la propre conception de Kankur, fait pour sortir afin qu’il puisse voir de plus près son travail. Il n’y avait pas de nez, seulement deux volets s’ouvrant et se fermant au fur et à mesure que le nécrotech s’exprimait. Des plaies putrides s’étendaient sur toute sa tête, en partie le résultat du travail de Kankur.

« On t’a ordonné de laisser les vivants tranquilles ».

« Ho la la, oh la la », siffla le nécrotech. « Vous parliez aussi des ogrun. Je pensais que vous ne parliez que de l’équipage actuel ». Les bras s’écartèrent dans ce qui semblait être de l’embarras.  « Je pensais que vous aviez mis ceux deux-là de côté pour mon usage ».

« J’ignorai ce mensonge calculé ou ton incompréhensible stupidité. Tu as déjà été prévenus auparavant. Ils sont peut-être mortels, mais ils ont des usages particuliers que les morts-vivants ne peuvent pas toujours égaler ».

« En êtes-vous certains ? Vraiment certain ? Je suis en pleine recherche ! Je pourrais enquêter sur ce que vous dites pendant que je travaille sur ma propre quête ».

Venethrax envisageait la destruction du défiant Kankur, mais avec le temps, le travail du nécrotech pourrait avoir de la valeur. « Ta théorie doit être mise de côté pour la durée de ce voyage ».

« Mais pensez, pensez seulement. Combien de fois, l’épuisement de la nécrotite a-t-il gêné vos chasses, Seigneur Venethrax ? Combien de batailles ont été perdues parce que nous avons abusé de nos stocks de nécrotite ? Si nous pouvions créer de la nécrotite, nous aurions une réserve d’énergie sans fin. Nous serions inarrêtables ».

Le warcaster choisit de ne pas répondre à cette question, bien que Kankur ait soulevé un point valable. Les échappements sur le dos du seigneur liche évacuaient en permanence les restes gazeux de la substance arcanique alimentant l’armure de Venethrax. Alors que la nécrotite avait une longue durée de vie, l’intensive utilisation souvent nécessaire pour combattre un rejeton draconique pouvait l’épuiser sans avertissement. Mais cela n’excusait pas l’ignorance délibérée de Kankur des ordres de Venethrax.

« Recouds-les », ordonna-t-il. « Utilise ce qui peut-être utilisable. Et assure-toi que cela ne se reproduise pas. Je suis aussi disposé à te détruire qu’à t’avertir ».

« Pardonnez-moi, pardonnez-moi, Seigneur Venethrax », dit Kankur. « Dans le feu de l’étude, j’oublie parfois… »

« Oublie encore, et tu seras sur la table et Grendov et Dracia feront l’opération ».

Ses quatre membres s’affaissèrent. Pour une fois, l’obsession disparut de ses yeux ronds, et la peur pris le dessus. Venethrax hocha la tête. La meilleure façon de garder les lieutenants de le rang est de s’assurer qu’ils se méfient les uns des autres, tant qu’ils craignent encore plus leur maître.

Kankur débuta le rangement du massacre. Venethrax ne se souciait pas des deux gardes morts, qui méritaient de devenir des pièces de stock s’ils n’avaient pas appris à surveiller leurs arrières en Cryx. Mais il garderait les autres ogrun loin de Kankur. En tant que groupe, ils étaient plus que capables de détruire le nécrotech. En tandis que le warcaster avait besoin de l’ogrun pour certaines tâches, il avait besoin de Kankur pour plus encore.

Le navire bascula. Le nécrotech dû s’accrocher à la table pour garder l’équilibre. L’appendice couteau s’enfonça dans la carcasse de l’ogrun pour l’empêcher de glisser. Venethrax ajusta son pied, mais un bruit sourd venant d’en bas lui fit serrer le poing. Son équipage se comportait comme une bande d’amateurs pour leur premier voyage en mer.

Il envoya une pensée au niveau inférieur : « Talyn ! Reste tranquille !

Le bruit sourd se calma.

« Débarrasse-toi de ce bazar », déclara le warcaster.

Avant que le nécrotech ne puisse à nouveau répondre, Venethrax avait déjà quitté le compartiment. La porte se ferma toute seule derrière lui. Malgré la relative liberté de Kankur, même le nécrotech devait se méfier de son maître.


* * *

46
BIENVENUE DANS LES ROYAUMES D’ACIER

Le monde dans lequel vous êtes sur le point d’entrer est celui des Royaumes d’Acier, un lieu où le pouvoir et la présence des dieux sont indiscutables, où l’humanité se bat contre elle-même ainsi contre toutes sortes de races fantastiques et de bêtes exotiques, et où un mélange de magie et de technologie appelé mékanique façonne l’industrie et la guerre. En dehors des Royaumes d’Acier eux-mêmes – les nations humaines du continent appelé Immoren – le vaste monde inexploré de Caen s’étend au-delà de l’horizon connu, alimentant l’imagination et les ambitions d’une nouvelle génération.

Les conflits secouent fréquemment ces nations, et parmi les batailles régionales, l’arme la plus puissante est le warjack, un automate à vapeur doté d’une grande mobilité, d’un épais blindage et d’un armement dévastateur. L’efficacité d’un warjack est maximale lorsqu’il est dirigé par un warcaster, un puissant soldat-sorcier pouvant tisser un lien mental avec la grande machine afin d’amplifier ses capacités. Maîtres à la fois des combats arcaniques et martiaux, ces warcasters sont souvent le facteur décisif de la guerre.

Pour les Royaumes d’Acier, ce qui s’est passé est un prologue. Aucun événement ne définit plus clairement ces nations que l’âge sombre prolongé subi sous l’oppression des orgoth, une brutale et impitoyable race venue des terres inexplorées à travers le grand océan occidental connu sous le nom de Meredius. Pendant des siècles, ces redoutables envahisseurs ont asservi les habitants de l’Immoren occidental, maintenant une emprise semblable à un étau, jusqu’à ce que le peuple se révolte enfin. Débuta alors un long et sanglant processus de batailles et de défaites. Cette rébellion aurait été vouée à l’échec si un sombre arrangement des dieux n’avait pas conféré le don de la magie aux immoréens, débloquant des pouvoirs jusque-là insoupçonnés.

Chaque arme efficace employée par la Rébellion contre les orgoth était la conséquence de l’utilisation des arcanes par les grands esprits. Non seulement la sorcellerie permet l’invocation du feu, de la glace et de la tempête sur le champ de bataille, mais les érudits ont combiné des principes scientifiques pour les mélanger la technologie avec les arcanes. Les rapides progrès de l’alchimie ont donné naissance à la poudre noire et à l’invention d’armes à feu mortelles. Des méthodes ont été développées pour fusionner des formules arcaniques en plaques runiques métalliques, créant des outils et des armes augmentés : l’invention de la mékanique. Le point culminant de ces efforts a été l’invention des premiers colosses, précurseurs du warjack moderne. Ces imposantes machines de guerre ont offert aux immoréens une arme que les envahisseurs n’ont pas pu contrer. Avec les colosses, les armées de la Rébellion ont chassé les orgoth de leurs forteresses et les ont renvoyés vers la mer.

Les habitants des terres ravagées ont tracé de nouvelles frontières, donnant naissance aux royaumes d’Acier : Cygnar, Khador, Llael, et Ord. Il ne fallut pas longtemps pour les anciennes rivalités s’enflamment entre ces nouvelles nations. La guerre devint une simple fait de la vie. Au cours des quatre derniers siècles, les guerres périodiques ont été interrompues par de brèves périodes de paix tendues mais prudentes, tandis que le technologie était en constante progression. L’alchimie et la mékanique ont à la fois facilité et compliqué la vie des habitants des Royaumes d’Acier, tout faisant évoluer les armes employées par leurs armées en ces jours de révolution industrielle.

L’inimité la plus ancienne et la plus amère dans la région est celle entre le Cygnar au sud et le Khador au nord. Les khadoréens sont un peuple militant occupant un territoire rude et impitoyable. Les armées de Khador se sont périodiquement battues pour récupérer des terres que leurs ancêtres avaient jadis conquises. Les deux petits royaumes de Llael et d’Ord ont été forgés à partir de territoires contestés et ont donc souvent servi de champ de bataille entre les deux puissances les plus fortes. La prospère et populeuse nation méridionale de Cygnar s’est périodiquement alliée à ces nations dans le but de contrer les aspirations impériales de Khador.

Il y a un peu plus d’un siècle, le Cygnar a enduré une guerre civile religieuse ayant finalement conduit à la fondation du Protectorat de Menoth. Cette nation, la plus récente des Royaumes d’Acier, se présente comme une impitoyable théocratie entièrement consacrée à Menoth, l’ancien dieu crédité de la création de l’humanité. À l’ère actuelle, la guerre s’est déclenchée avec une férocité particulière. Cela a commencé avec l’invasion khadoréenne de Llael, qui a réussi à renverser le petit royaume en 605 AR. La chute de Llael a déclenché une escalade du conflit qui a embrasé la région au cours des trois dernières années. Seul l’Ord est resté neutre dans ces guerres, profitant de la situation pour devenir un refuge pour les mercenaires. Le Protectorat a lancé la Grande Croisade pour convertir l’humanité entière au culte de Menoth. Les autres nations étant occupées par la guerre, cette croisade a pu faire des gains significatifs et s’emparer de territoires dans le nord-est de Llael.

D’autres nations ont été entraînées dans ce conflit, soit emportées par les événements, soit en profitant pour leurs propres fins. Les Îles Scharde, à l’ouest d’Immoren, abritent l’Empire du Cauchemar de Cryx, dirigé par le dragon Toruk et qui envoie d’incessantes vagues de morts-vivants et leurs maîtres nécromanciens pour renforcer ses armées avec les morts d’autres nations. Au nord-est, la nation elfique insulaire d’Ios accueille une secte radicale appelée le Châtiment de Scyrah, qui chasse les arcanistes humains, qu’elle considère comme un anathème pour ses dieux.

Les régions sauvages à l’intérieur et au-delà des Royaumes d’Acier contiennent diverses factions se battant pour leurs propres objectifs. Du nord gelé, un dragon désincarné appelé Everblight dirige une légion de warlocks et de créations draconiques dotés du pouvoir de la corruption. La tribale et fière race connue sous le nom de trollkin s’efforce d’unir son peuple autrefois séparé pour défendre ses terres. Au plus profond des terres sauvages de l’Immoren occidental, un ordre secret de druides ordonne aux bêtes de la nature de s’opposer à Everblight et fait avancer ses propres plans. Loin à l’est, à travers les Marches Sanglantes, la nation guerrière de l’Empire Skorne se rapproche inexorablement, déterminée à conquérir ses anciens ennemis d’Ios tel  un pas vers une plus large domination. D’obscures conspirations ont surgi de bastions cachés pour jouer leur propre rôle dans le déroulement des événements. Il s’agit de la Convergence de Cyriss, un énigmatique culte des machines vénérant une lointaine déesse des mathématiques, ainsi que des leurs ennemis acharnés, les cephalix, une race esclavagiste extrêmement intelligents et sadiques transformant chirurgicalement les captifs en robots écervelés.

Les Royaumes d’Acier sont un décor dont les habitants doivent compter sur des héros ayant le courage de les défendre en employant la magie et l’acier, que ce soit sous la forme d’armes à feu chargées de runes ou d’armes de guerre à vapeur. Les factions de l’Immoren occidental sont vulnérables à la corruption de l’intérieur et sujettes aux intrigues politiques et aux luttes de pouvoir. Pendant ce temps, d’opportunistes mercenaires profitent des conflits en vendant leur allégeance temporaire contre de l’argent ou d’autres faveurs. C’est un monde de légendes épiques et de sagas sans fin.

Entrez dans les Royaumes d’Acier, et découvrez un monde à nul autre pareil !

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LES CHRONIQUES DES WARCASTER : VOLUME QUATRE

FLÉAU DES DRAGONS

RICHARD A. KNAAK

BIENVENUE DANS LES ROYAUMES D’ACIER

PARTIE UNE

PARTIE DEUX

PARTIE TROIS

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Iron Kingdoms - RPG / NE
« le: 12 juillet 2023 à 13:43:43 »
L’EMPIRE DU CAUCHEMAR ET SES ENVIRONS

Au sud de la Baie de Pierre et de la notoire ville portuaire de Cinq-Doigts, le littoral en permanence accidenté de l’Immoren occidental se divise en d’innombrables inhospitalières îles : des crocs de roche noire balayés par incessible vague, recouvertes d’infranchissables jungles et entourés de récifs. Selon les récits racontés par les tribus molgur s’étant installées ici après avoir été chassées du continent dans les temps anciens, cette Côte Brisée est le résultat des dégâts infligés par le Ver Dévoreur lorsqu’il ravagea Dhunia à l’aube des temps – en effet, la région est depuis le théâtre de violence et d’effusions de sang.

Aujourd’hui, la vaste majorité de ces îles traîtresses est contrôlée par la nation insulaire de Cryx, y ayant élu domicile sur la plus grande des Îles Scharde, dont elle tire également son nom/ Forgé par la diabolique volonté du Père des Dragons Toruk, l’Empire du Cauchemar est un lieu de cruauté et de mort – et de vie au-delà de la mort. Ici, les morts règnent en maîtres et les vivants ne sont souvent guère que des esclaves, n’attendant qu’une nouvelle servitude pour finalement périr. Pourtant, c’est aussi un lieu d’opportunités pour les personnes étant assez fortes et peu scrupuleuses pour s’en emparer.

Même avant l’arrivée du Père des Dragons, la Côte Brisée était un refuge pour de nombreux pillards et pirates, et cela n’a pas changé. Si les morts règnent sur l’Empire du Cauchemar, il y a plus qu’assez de place pour que les vivants puissent se tailler des positions de pouvoir au sein de leurs armées, en tant que pillards et espions, gladiateurs et champions. Il suffit d’être plus implacable, plus redoutable et plus rusé que les morts. La vie – et la mort – sont dures en Cryx, mais des récompenses attendent ceux qui savent les revendiquer, et parfois ces récompenses durent ben au-delà de la tombe.

CRYX
Nom de l’Empire du cauchemar lui-même et de la plus grande des Îles Scharde, la vaste majorité de la masse terrestre contrôlée par les armées du Père des dragons est occupée sur l’île de Cryx. Si les autres Îles Scharde étaient réunies, elles ne formeraient qu’un ensemble à peu près aussi grand que le Cryx lui-même.

L’île de Cryx abrite la plupart des villes du pays et la grande majorité de son industrie, bien que la fabrication de la nécrotite aient lieu dans toutes les Îles Scharde. Malgré cela, le Cryx est à peine moins inhospitalière que les rochers battus par les vagues l’entourant. Les côtes de Cryx sont principalement composées d’inabordables falaises de pierre noire, rendues lisses par les vagues déferlantes, tandis que l’intérieur des terres, l’île est recouverte d’une luxuriante végétation quand elle n’est pas percée par des pics de roches dentelés.

Tout cela était déjà vrai avant que le Père des Dragons ne s’installe sur l’île, et depuis lors, sa corruption a atteint toutes les recoins de Cryx, transformant ceux y vivant de manière à la fois manifeste et subtile. Les plantes des hautes terres arborent de vicieuses barbes quand elles ne sont pas activement carnivores, et les habitants de Cryx sont également transformés. Même parmi ceux dont les changements ne sont pas visibles à l’œil nu, la corruption s’est distillée dans leurs esprits et leurs âmes, et personne ne peut vivre près du Père des Dragons sans être transformé.

Sur l’île, Toruk est à la fois souverain et dieu, sa doctrine étant diffusée par ses seigneurs liches et leurs subordonnés depuis Skell, la capitale, un endroit où les vivants peuvent rarement rester longtemps, car la corruption du dragon y abonde. Alors que la domination diminue a mesure que l’on s’éloigne de la capitale, tant que l’on reste sur l’île principale de Cryx, on est toujours dans son ombre. Le climat de Cryx est à la hauteur de sa réputation, avec des pluies et des tempêtes pendant la majeure partie de l’année et uniquement une courte saison sèche durant de Solesh à Katesh. Près du rivage, cela prend la forme d’une constante humidité chaude s’infiltrant partout, encourageant la croissance de toutes sortes d’insolites champignons. Plus à l’intérieur des terres, les pics dentelés sont ornés d’étouffantes jungles drapées d’une chaude et épaisse brume – et par-dessus tout, la corruption tout ce qui croît, marche, nage, vole ou rampe.

SKELL

Il n’existe nulle part ailleurs sur la surface de Caen une capitale comparable à Skell, la vaste mais étrangement vide forteresse du Père du Dragon. En son centre se trouve le Temple Noir, un complexe sépulcral de gigantesques dômes dédié au culte de Toruk – et bâtit pour s’adapter à l’envergure et à la taille du dragon. Cet édifice est si gigantesque qu’il domine l’horizon de la ville et éclipse toutes les autres architectures, dont aucune n’est exactement modeste.

À côté du Temple Noir se trouve la Citadelle de Toruk, une lance de métal et d’os souillé semblant percer les cieux eux-mêmes. C’est au sommet de cette inaccessible flèche que Toruk panse ses blessures, et même les plus dignes de confiances de ses seigneurs liches n’osent y pénétrer sans y être invités. Au sein de ces deux structures, la corruption de Toruk est une chose palpable, inéluctable – l’air même en est imprégné, et même ceux qui ne font que tourner leur regard vers le Temple Noir sentent leur vision se brouiller et se flouter.

Aux pieds des deux cyclopéens édifices, s’étale Skell. Abritant des milliers d’humains, d’ogrun et de trollkin – dont la majorité sont de dévoués membres de l’église de Toruk – la ville semble néanmoins déserte la plupart du temps, car les étouffants nuages de cendres corrompues pleuvant jour et nuit empêchent la plupart des êtres vivants de survivre longtemps dans les rues de la Cité de la Nuisance, comme on la surnomme parfois.

Malgré cela, des offices sont organisés dans les salles souillées du Temple Noir, où le clergé de Toruk chante ses louanges déformant et transformant leurs corps et leurs âmes. Skell est également le lieu où les seigneurs liches se réunissent pour prendre les décisions les plus critiques affectant l’Empire du Cauchemar et où les sorcières de guerre viennent apprendre leur art, mélangeant les secrets occultes du Père des Dragons avec les magies sombres arrachées aux âmes des orgoth déchu. On dit que des cris et des gémissements de tourment résonnent nuit et jour dans les couloirs où les sorcières de guerre s’entraînent, bien que personne en dehors de l’ordre ne puisse dire s’il s’agit de malchanceuses victimes ou des initiés en personne.

Il fut un temps où Skell était le centre d’une grande partie de l’industrie manufacturière de Cryx, produisant des helljacks, des bonejacks et d’autres armes de guerre dans d’énormes forges. Aujourd’hui, celles-ci sont essentiellement silencieuses, bien que la production militaire de Cryx n’ait pas diminué, malgré la relative paix s’étant abattue sur les Royaumes d’Acier depuis la Revendication. Au contraire, la réorganisation des seigneurs liches et la redistribution des ressources ont conduit de plus à la fabrication à se délocaliser vers Becdedregg ou Lichgate.

Bien qu’il s’agisse du cœur de l’Empire du Cauchemar, aucune garnison ne garde Skell, parfois connue sous le nom de Cité des Cendres. La seule présence du Père des Dragons est plus que suffisante pour décourager toute éventuelle invasion. De nos jours, la ville fabrique peu de biens et importe très peu du reste du pays. Ses principaux produits sont la tradition arcanique et le culte du Père des Dragons. Si les étrangers ne sont pas les bienvenus dans la capitale, rares sont ceux qui oseraient s’aventurer de leur propre chef dans la Cité de la Nuisance, de sorte que Skell n’a besoin ni de murs ni de portes pour les empêcher d’entrer.

MORTESEAUX

La plus grande ville de l’Empire du Cauchemar, Morteseaux, est située au fond du profond fjord de Belken divisant la côte est de l’île. Autrefois gouvernée par l’autoproclamé roi Craethan Morvaen, Morteseaux est depuis tombée entre les mains du warcaster pirate Aiakos et est principalement contrôlée par les membres des Tueurs de Quai, le gang de quai qu’il dirigeait avant de découvrir ses talents arcaniques.

Accroche d’Aventure

La vieille sorcière Gaddis Naill était autrefois la conseillère et la compagne de Craethan Morvaen, mais sa cote a considérablement baissé depuis que le roi pirate autoproclamé a été tué par Aiakos. Pourtant, Naill est une survivante qui voit un moyen d’entrer dans les bonnes grâces du nouveau dirigeant de la ville. Ses divinations l’ont amenée à conclure qu’il existe des factions mutinées au sein des Tueurs de Quai prévoyant d’évincer le warcaster absent. Elle a juste besoin de quelques agents, de préférence de nouveaux visages extérieur à la ville, pouvant infiltrer le gang et lui délivrer les dernières informations dont elle a besoin pour présenter les traîtres à Aiakos et gagner ses faveurs.

C’est une ville de ténèbre, en fait comme en acte. La canopée des arbres chargées de mousse surplombant le fjord empêche la lumière du soleil d’atteindre la ville pendant une grande partie de la journée, même pendant les rares journées cryxiennes n’étant pas couvertes ou orageuses. La ville semble être dans un perpétuel état de décomposition, accrochée aux parois du fjord comme une excroissance fongique qu’elle n’est pas en équilibre précaire au-dessus des eaux noires du Meredius en contrebas – ou flottant directement sur lui.

Malgré tout, Morteseaux est peut-être la ville la plus « normale » de l’Empire du cauchemar. Abritant des centaines de milliers de mortels de toutes espèces, la ville est le port le plus important de toutes les Îles Scharde, et à tout moment les quais accueillent d’innombrables navires pirates et corsaires sillonnant ces dangereuses eaux, sans parler des navires de la redoutable Flotte Noire de Cryx.

Le Cryx est impliqué dans un précieux petit commerce conventionnel avec les royaumes voisins, même à la suite de la Revendication, mais le peu de bien s’échangeant depuis et vers la nation insulaire passe par Morteseaux. Ici, on peut trouver de tout, des denrées alimentaires et des biens pillés provenant des navires de la Ligue Mercarienne aux produits alchimiques et aux substances toxiques illicites. En effet, il y chose à acheter à Morteseaux ne pouvant être acheté nulle part ailleurs sur Caen, pas mêmes sur les notoires marchés noirs de Cinq-Doigts.

LE TEMPLE DU PÈRE DES DRAGONS

Même dans cette ville ignare, la religion n’est pas inconnue. En fait, le plus haut bâtiment de tout Morteseaux – et l’un des rares points de repère fiables dans une ville aux impasses et aux allées étroites – est le Temple du Père des Dragons, dont la flèche noire connue officieusement sous le nom « Tour de Toruk », est richement recouverte d’images draconiques et de scènes de torture. Situé aussi loin que possible dans fente du fjord, le Temple du Père des Dragons racle pratiquement la roche des deux côtés de la falaise, et lorsque la titanesque cloche contenue dans sa tour sonne au cœur de la nuit, rappelant les fidèles de venir assister  aux messes, elle résonne encore et encore sur les murs humides pour emplir toute la ville.

Demandez tout autour de vous à Morteseaux, et la plupart vous répondront que ces services ne sont pas accessibles à toute personne seine d’esprit ou vivante. Pourtant, chaque nuit, le temple est rempli de fidèles souvent couverts de cagoules pour dissimuler leur identité jusqu’à ce qu’ils aient pénétré à l’intérieur de l’édifice en pierre noire. Qu’il s’agisse simplement de pirates, de mercenaires et de gang souhaitant ne pas être venus demander l’aide de la malfaisante bénédiction du dragon ou si d’autres secrets sont gardés ici est un mystère que seule une personne assez audacieuse pour participer à l’un des services de minuit pourrait résoudre…

Bien que se soit un endroit sombre et lugubre où la mort attend à chaque coin de rue, la plupart des corsaires vivants trouvent le port de Morteseaux beaucoup plus accueillant que tout autre dans l’Empire du Cauchemar. Ici, au moins, ils sont susceptibles d’avoir à faire à d’autres mortels plutôt qu’aux abominations non vivantes opérant dans les ports comme Becdedregg.

Cela ne signifie que Morteseaux est plus sûr que tout autre port de l’Empire du Cauchemar. La ville ne possède pas de garnison officielle ni d’une milice, et la sécurité est assurée que pour les personnes pouvant se l’offrir, fournie par les nombreux gangs de rue et compagnies de mercenaires ayant élu domicile dans cette grouillante métropole. En effet, si les Tueurs de Quai ont les dirigeants techniques de la ville portuaire, divers gangs se sont taillés des territoires dans les ruelles sinueuses et les étroites rues, qu’ils défendent et patrouillent minutieusement.

La seule façon pour quiconque, n’étant pas directement associé à l’armée cryxienne, de survivre longtemps à Morteseaux est de faire preuve de force dès le début ou de cultiver des relations avec un gang local ou une compagnie de mercenaires pouvant fournir une protection en échange de faveurs. Même dans ce cas, il n’existe aucun endroit sûr dans les rues sombres de Morteseaux. Si vous buvez trop – ou simplement ce qu’il ne faut pas boire – dans l’une des nombreuses tavernes de la ville, vous risquez de vous réveiller forcé de servir à bord d’un navire pirate, si tant est que vous vous réveilliez.

Accroche d’Aventure

Dougal Kildaire a réalisé ce que peu d’autres ont réussi. Après avoir attiré les foudres de l’un des Hauts Capitaines de Cinq-Doigts, il a réussi à fuir la ville et à se réfugier à Morteseaux. Qui plus est, il a réussi à prospérer au sein de cette ruche grouillante de cette ville sombre. Au cours des années ayant suivi son arrivée, il a constitué une petite flotte de navires de contrebande sous son commandement, bien qu’il ne quitte jamais ses appartements au-dessus débit de boissons connu sous le nom de Hausse-col Ensanglanté. Récemment, un navire en particulier a attiré son attention, un navire ordique rapide et maniable appelé le Rondelay, et il souhaite l’ajouter à sa flotte. Il n’y a qu’un seul problème : son capitaine actuel, un trollkin du nom de Lassan Firetongue, n’est pas enclin à s’en séparer.

Malgré la nature claustrophobe de Morteseaux, une ville serrée par les roches glissantes et humides du fjord, les bidonvilles ont réussi à se développer de touts les côtés. Parfois, ils se débordent sur les eaux du port, perchés sur des pilotis ou flottant sur des pontons. D’autres fois, ils grimpent sur les parois du gouffre, les bâtiments s’accrochant précairement au rocher, s’aventurer à l’extérieur est risque non seulement de finir avec un couteau planté dans les tripes, mais aussi de tomber dans les eaux sombres en contrebas.

Aussi risquées que soient les rues la ville proprement dite, ces bidonvilles sont pires. Abritant les habitants les plus pauvres et les moins puissants de la ville, les maladies et d’autres danger y règnent, y compris les nécrotechs rôdant dans leurs ruelles sinueuses à la recherche de « volontaires » pour leurs macabres expériences. Ces expériences se déroulant au sein des labyrinthes de tunnels humides et exigus creusés dans la roche des parois des falaises entourant la ville.

Appelés les Catacombes, ces sombres tunnels abritent de nombreux ateliers de découpe, où des scies à os et d’autres macabres outils sont utilisés par les nécrotechs et les nécrochirurgiens pour créer les différents nécropantins servant au sein des armées de l’Empire du Cauchemar. Les matières premières de cette macabre industrie sont fournies par les navires charognards accostant à Morteseaux et déchargeant leur horrible cargaison au Marché Carné de la ville, où les parties des corps sont vendues aux côtés d’esclaves vivants – parfois tous deux destinés à des ateliers de découpes des nécrochirurgiens.

Non loin du Marché Carné, situé dans la section flottante de la ville, se trouve la zone connue sous le nom d’Étouffoir, le centre de la florissante industrie alchimique de Morteseaux. Ici, l’eau est tellement polluée par des boues alchimiques qu’il est en fait possible de marcher sur l’épaisse croûte à certains endroits, tandis qu’une brume dense et, par endroits, toxique plane sur la plupart des bâtiments délabrées composant ce laboratoire flottant. Ceux dont les activités les amènent dans l’Étouffoir sont encouragés à porter des lunettes de protection et au moins une écharpe humide sur le visage – à condition bien sûr, qu’ils aient besoin de voir ou de respirer.

Le Confesseur Noir

Parmi les nombreux inhabituels habitants de Morteseaux, peu sont aussi mémorables que l’imposant trollkin corrompu connu sous le nom de Confesseur Noir. Personne ne sait quel a pu être son vrai nom, et il ne parle que du « Père Glorieux, Maître de chacun d’entre nous » alors qu’il parcourt les rues jour et nuit, prêchant la parole du Père des Dragons. Qu’il ait été un jour un membre du clergé de Toruk ou qu’il soit simplement un fanatique autoproclamé, peu peuvent contester sa dévotion, car il est plus que disposé à battre à mort quiconque « blasphème » contre le Seigneur Toruk. Alors que, pour la plupart, les gens tentent simplement de rester à l’écart, les gangs locaux tentent de le monter contre leurs rivaux, le transformant en un assassin bon marché, quoique dangereusement peu fiable.

BECDEDREGG

Située sur la côte ouest de l’île de Cryx, à l’abri de la colère de toutes les marines continentales et enfouie dans les eaux profondes de la Crique des Crânes Brisés, Becdedregg est peut-être la ville la plus importante de tout l’Empire du Cauchemar. Si Morteseaux est la ville la plus fréquentée par les étrangers et si la capitale corrompue abrite Toruk et ses seigneurs liches, c’est à Becdedregg que se développe la majeure partie de la puissance militaire de la nation.

C’est dans les eaux de la Crique des Crânes Brisés que sont assemblés les légendaires vaisseaux noirs, grâce aux secrets volés il y a longtemps aux âmes des charpentiers de marine orgoth. Dans les grottes marines naturelles criblant les roches sous la ville, les nécrofactoriums produisent des helljacks, des bonejacks et d’autres horreurs nécromantiques pour remplir les navires et marcher contre les ennemis du Père des Dragons. Un voile constant de fumée noire et de suie plane sur la ville, et en tout lieu le bruit infernal du grincement des engrenages et le cliquetis des chaînes.

Centre d’une grande partie de l’industrie de guerre vitale de Cryx, Becdedregg est également l’une de ses plus riches sources de nécrotite.

Le Fleuve Flodécaille se jette ici dans le Meredius, charriant en premier les eaux froides depuis les montagnes, après avoir traversé la ville corrompue de Skell. Ces eaux apportent des vastes quantités de nécrotites, déposées dans l’épais limon au fond de la crique, et c’est là que la nécrotite est laborieusement extraite par des centaines de plates-formes dragueuses de fond, chacune aussi haute que des immeubles de cinq étages. D’immenses engrenages, qu’une petite maison pourrait être confortablement s’y tenir, grincent et vibrent pour faire tourner d’énormes vilebrequins, écopant la vase du fond de la crique jusqu’à l’endroit où elle peut être chargée sur des bateaux, traitée, raffinée et utilisée dans les nécrofactoriums sous la ville.

Accroche d’Aventure

Quelque chose ou quelqu’un a trafiqué les plates-formes dragueuses. Rien d’assez grave pour qualifier cela de sabotage, mais il semble qu’un nouvel obstacle se présente chaque nuit. Un pignon ou une courroie se détache, une clé tombe littéralement dans les engrenages. Cela a eu un impact suffisant sur la récolte de nécrotite pour que le Capitaine Vrace recrute des âmes vivantes pour surveiller les plates-formes la nuit -et offre une belle récompense à quiconque peut mettre fin à ces méfaits.

La grande majorité de cette nécrotite est d’abord transportée vers le cauchemar bouillonnant connu simplement sous le nom « de Plateformes », une masse d’acier et de vapeur occupant une jetée renforcée s’avançant au milieu de la crique. Ici, les mortels et les nécropantins travaillent sans cesse dans des conditions exténuantes pour s’assurer que la nécrotite est traitée aussi rapidement qu’elle est extraite. Les plateformes fonctionnent à une température si élevée qu’elle fait bouillir l’eau de la crique produisant ainsi de la vapeur tout autour de l’installation. Les ouvriers mortels sont connus pour mourir de chaud, mais les superviseurs les remplacent rapidement, se souciant seulement que la chaîne de production demeure toujours en mouvement, alimentant en nécrotite les insatiables engins de guerre de Cryx.

Bien que la totalité de la Flotte Noire soit éparpillée dans les criques et les anses dissimulées des Îles Scharde, la plus grande partie de celle-ci en un seul endroit se trouve ici. Alors même que les énormes vaisseaux noirs sont assemblés dans la Crique des Crânes Brisés, d’autres patrouillent les eaux au-delà, rendant le passage vers Becdedregg sans l’autorisation appropriée pratiquement impossible.

Tout dans la ville est bâti à une échelle cyclopéenne, y compris les quais, qui doivent être faits pour accueillir l’imposante masse des vaisseaux noirs. Depuis l’eau, le reste de Becdedregg grimpe sur le flanc des falaises ou s’enfouit dans les grottes marines naturelles en dessous ; de nombreux habitants de la morne ville passent toute leur vie sans jamais apercevoir plus que quelques rayons de soleil.

Appelée la « Dame de fer » même de son vivant, il semblait inévitable que le Seigneur Capitaine Derevnia Vrace se transforme en liche de fer à la disparition de sa forme physique vieillissante. Si la transition a rendu l’ancienne capitaine encore plus redoutable, et il continue de tenir la ville d’une main de fer (désormais littérale), servant les intérêts des seigneurs liches au sein du cœur industriel de Cryx et s’assurant que toutes les nécrofactoriums et les fonderies navales effectuent le travail en temps voulu, même si cela coûte la vie aux personnes y étant employées. Les vies, après tout sont bon marché dans l’Empire du Cauchemar.

Cavernes du Père

Ensemble de monstrueuses marches taillées dans la roche des falaises menant à de colossales cavernes sculptées de bas-relief colossaux de Toruk en personne. Ces gigantesques grottes marines naturelles ont été réservées au culte du Père des Dragons et servent d’église et de temple principale dans Becdedregg. Elles sont plus grandes que la plupart des plus grands temples et cathédrales du continent et rivalisent presque avec le Temple Noir lui-même en termes d’échelle.

Pourtant, il ne s’agit pas de structures baroques ou élaborées. À part les sculptures du Père des Dragons, il y a très peu de choses dans ces grottes ayant été façonnées par les mains des vivants ou des morts. Pour la plupart, les cavernes ont été laissées dans leur état naturel, avec des fidèles et des requérants souvent debout ou agenouillés sur les froides pierres en supplication devant les représentations de leur dieu.

Sa colère est légendaire et n’a fait que devenir plus effrayantes ces dernières années, alors que  le nouveau Seigneur Liche Mortenebra, s’occupe plus directement de la production des nécrofactoriums de Becdedregg que ne l’ont jamais fait ses prédécesseurs, plaçant la gestion du Capitaine Vrace sous haute surveillance.

Alors que Vrace dirige la ville des échelons supérieurs aux échelons inférieurs, un autre personnage nouvellement intronisé dans le royaume des morts-vivants arpente toujours les quais et les ateliers des fonderies navales, bien qu’il soit désormais nékromékanique en forme d’araignée lui permettant de rester stable sur n’importe quelle surface. Sa santé depuis longtemps détruite par un travail acharné et une exposition constante à la nécrotite et à l’atmosphère malsaine et enfumée de Becdedregg, le Maître Constructeur Naval Kress Soratt était en possession de compétences trop importantes pour être perdues dans la mort.

Lorsque son corps de mortel a lâché, son âme et ses os ont été transformés en une chose de laiton et de pistons, ses longues griffes étant aussi adroites que l’étaient ses mains de son vivant. Soratt, l’un des rares mortels à maîtriser l’art de construire les vaisseaux noirs, Soratt supervise toujours leurs constructions en personne, bien qu’il y ait une partie de lui − maintenant enfouie profondément sous les engrenages et le métal – qui n’aspire qu’au repos.

PORTEDELALICHE

Aux pieds des montagnes dominant l’intérieur de Cryx, proche de l’endroit où elles se jettent dans l’étendue marécageuse de Lande du Dragon, s’élève un volcan depuis brûlant depuis longtemps. C’est dans les flammes de cette caldeira que s’est jeté la cape noire qui allait devenir Asphyxious pour prouver sa dévotion à l’apprentissage des secrets occultes, et c’est sur ce site que son héritage à Cryx a été bâti au cours des années ayant suivi la Revendication.

Une grande partie de la capacité de production de la nation insulaire avait été déplacée sur le continent au cours de la décennie précédant cet apocalyptique conflit, dans d’énormes nécrofactoriums secrets construits, grâce aux machinations d’Asphyxious en personnes, sous la terre et la roche du Bois d’Épines. Ceux-ci ayant été détruits après que leur présence ait été révélée aux habitants des Royaumes d’Acier, mais pas avant qu’ils n’aient rempli leurs missions en étendant les griffes de l’Empire du Cauchemar profondément sur le continent.

Pour l’instant, cependant, le Cryx s’est retiré et la contribution de ces nécrofactoriums perdus a été transféré ici. Au cours des dernières années, d’innombrables nécropantins ont travaillés sans relâche pour bâtir la ville industrielle de Portedelaliche sur les pentes du volcan. Détournant la chaleur et, à l’occasion, le magma des cheminées situées sur le flanc de la montagne pour alimenter les forges, Portedelaliche est consacrée à un seul et unique objectif : armer les soldats de l’Empire du Cauchemar.

En plus de bâtir la ville-usine, les ouvriers ont également construit certaines des très rares routes importantes de Cryx. L’une a été laborieusement taillée dans la pierre de la chaîne de montagne, le long de la colonne vertébrale de l’île, de Portedelaliche à Skell. L’autre, beaucoup plus courte, fut presque aussi difficile à construire puisqu’elle nécessitait de transporter de grandes quantités de terre et de roche pour construire une berne allant du pied sur volcan à travers les terres marécageuses jusqu’au Perchoir du Dragon et les navires y attendant.

Bien qu’il existe des nécrofactoriums pour produire des nécropantins, des helljacks et des bonejacks à Portedelaliche, bien sûr, le résultat de telles choses ici est éclipsée par ce qui est maintenant accompli à Becdedregg, loin au sud. Au lieu de cela, une grande partie de la ville-usine est consacrée à des outils simples – un travail pouvant souvent être accompli par des esclaves non vivants. Ces milliers produisent des armes et des armures, des armes à feu aux simples épées et haches. Et bien que ces produits ne soient pas de meilleure qualité, ils intègrent néanmoins des techniques développées à partir des méthodes des orgoth et des armes forgées dans le sang des ogrun scharde.

En effet, alors que les surveillants nécromékanique contrôlent la majeure partie de la production et que la ville entière est techniquement sous l’autorité du Seigneur Liche Mortenebra, c’est un ogrun connu sous le nom de Kanus Briseos qui agit en tant que contremaître d’usine pour la plupart des armes forgées à Portedelaliche. Ancien pirate lui-même, qui autrefois commandait son propre navire de pillards assoiffés de sang, Briseos a appris l’art de la forge dans le sang de on père avant la mort de ce dernier. Il apporte la même ruse vicieuse lui ayant permis de commander une équipe de tueurs sauvages aux opérations quotidiennes de Portedelaliche, et les quelques mortels travaillant sous lui ont appris à la craindre encore plus que les surveillants morts-vivants qu’il commande.

CHÂTEAU ROQUEFRICHE

Dans une crique déserte au sud de Morteseaux se trouve un rappel consumé et déformé du prix à payer pour défier le Père des Dragons. Lorsque les quatorze rois pirates d’origine ont été confrontés à Toruk, deux ont refusé de plier le genou, même après que Toruk ait fait montre de son pouvoir sur l’Atramentous. L’un deux fut Threnodax, l’ancien commandant de l’Atramentous, ayant osé défier Toruk en personne et en présence des autres rois pirates dans sa citadelle de Lande Noir, loin au nord.

Héritage de la Witchfire

Peu de personne encore en vie savent que l’inquisiteur Dexer Sirac a récupéré la légendaire Witchfire dans les caves du Château Roquefriche. La lame fut l’un des nombreux trésors insondables amassés par le roi-pirate déchu. Roquefriche avait exigé l’arme, lorsqu’il s’était emparé du navire la Promesse du Thuria avant de mourir. Elle est resté là pendant plus de 1500 ans jusqu’à ce que, en 591 AR, l’inquisiteur et un petit groupe lancent une expédition dans les ruines pour la revendiquer.

On ne sait pas quelles autres reliques le roi-pirate aurait pu recueillir avant de mourir sous les flammes de Toruk, mais il y aura toujours des personnes assez courageuses ou assez folles pour s’aventurer dans ces sombres ruines.

L’autre fut le Seigneur Roquefriche, qui s’était retiré dans son château pour s’abriter derrière des murs de pierre et d’innombrables gardes. En quelques minutes, Toruk montra à Roquefriche la folie de ses choix. La litanie de Toruk réduisit le château en quelques décombres calcinés, et des centaines périrent en hurlant. Roquefriche fut gardé pour la fin, appréciant le tourment de l’âme du roi-pirate, qu’il fit souffrir à jamais.

Aujourd’hui, seuls des pierres calcinées et déformées marquent l’emplacement du Château Roquefriche, du moins en surface. Cependant, sur les Îles Scharde, des histoires sont encore racontées sur les catacombes que le Seigneur Roquefriche a bâtis sous sa forteresse. On dit que ces catacombes s’étendent jusqu’à une série de cavernes matines naturelles ou le roi pirate cachait non seulement son trésor mais aussi certains de ses navires. Invariablement, bien sûr, de telles histoires suggèrent aussi que des choses effroyables , à la fois vivantes et mortes-vivantes, hantent les lieux sobres sous la ruine.

LANDE DU DRAGON

Occupant une péninsule à l’extrême nord de l’île, la région connue sous le nom de Lande du Dragon était autrefois la Lande Noire, la demeure du roi pirate Threnodax, l’un de deux seuls assez fou pour ne pas avoir plié le genou devant le Seigneur Toruk. En fait, c’est au sein de la forteresse de Threnodax sur la Lande Noire que Toruk a fait montre à treize des quatorze rois pirates la preuve de son pouvoir puisque le propre vaisseau amiral de Threnodax, le redoutable Atramentous, a été transformé par le souffle corrompu de Toruk en un vaisseau fantôme au service éternel du Père des Dragons.

L’équipage autrefois vivant de l’Atramentous a envahi la Lande Noire, tuant les gardes de Threnodax et ajoutant les morts à leurs propres rangs fantomatiques, tandis que lui-même confrontait les rois pirates. Tous les autres, voyant l’inéluctable sombre majesté se tenant maintenant devant eux, tombèrent à genoux devant leur maître légitime. Mais même face à cette irréfutable preuve, la défiance de Threnodax demeura.

Les autres furent transformés, à cet instant précis, en douze premiers seigneurs liches. Pour Threnodax, un tourment unique fut réservé – la destruction par le feu draconique tourmentant perpétuellement son esprit en lambeaux jusqu’à nos jours. Depuis lors, la région est peu peuplée, essentiellement par des gobbers, des bogrin, et des trollkin pêchant, récoltant de la tourbe ou exploitant les collines voisines à la recherche de nécrotite ou d’autres minéraux. La région marécageuse a peu d’importance stratégique à une notable exception.

Perchée sur un rocher battu par les vagues le long de la côte nord, dominant les landes l’entourant, l’immense forteresse noire connue sous le nom de Pic du Dragon. Bâtie à partir des pierres tombées sur la Lande Noire, le Pic du Dragon est chargé de surveiller la Passe de Gardevent pour d’éventuels assauts navals depuis le continent. C’est également le point d’où ont été lancés de nombreux assaut de Cryx sur le continent.

Par conséquence, la garnison est en permanence composée de nombreux pillards, nécroserfs et helljacks, et les quais au pied du Perchoir du Dragon abritent certains des navires les plus redoutables de l’Empire du Cauchemar. Même le redoutable Atramentous, qui jadis avait fait ployer l’ancienne forteresse, accoste souvent à Pic du Dragon.

Malgré son importance stratégique et les nombreux soldats passant par le Pic du Dragon, peu d’entre eux empruntent les routes détrempées qui vont et viennent de la forteresse à travers les marais de la Lande du Dragon, préférant arriver et repartir sur l’un des nombreux navires de la Flotte Noire accostant ici.

CHARNIER

Englouti au fond de plusieurs cenotes apparemment naturels sur la verdoyante côte ouest de Cryx, la région connue uniquement sous le nom de « Charniers » recèle de nombreux secrets. Le fond de ces vastes gouffres abrite des ruines étrangement préservées, recouvertes de mousses et jonchées d’ossements de grands tailles de créatures inconnues. Selon les traditions des tribus Molgur ayant colonisé cette île des centaines d’années avant que Toruk n’arrive en Cryx, les ruines étaient déjà anciennes à leur arrivée.

Il ne reste aucune trace de la civilisation qui aurait pu construire l’énorme fortification ce dressant à cet endroit autrefois, et il n’existe aucune preuve d’une calamité l’ayant anéantie. Les cenotes protègent non seulement les ruines de toute dégradation supplémentaire, mais ils abritent également des écosystèmes uniques, donnant naissance à des plantes et des animaux particuliers que l’on ne trouve nulle part ailleurs sur l’île

Alors que les nécrotechs hantent parfois le Charnier, à la recherche de l’os parfait pour leur dernière expérience, la plupart des autres évitent la zone. Même sans la corruption descendant des montagnes depuis Skell voisine, les ruines antiques – et les étranges créatures y rôdant – ont quelque chose d’étrange.

Accroche d’Aventure

Bien qu’il ne soit pas rare que des nécrotechs disparaissent dans le Charnier pendant des jours, voire des semaines, un détachement dirigé par le Maître Nécrotech Lacrimirum a disparu il y a plus d’un ois et n’est toujours pas revenu, ce qui fait que les contributions du nécrotech à l’effort de guerre commencent à prendre du retard. Le Seigneur Liche Mortenebra a personnellement chargé certains de ses subordonnés les plus expérimentés d’enquêter sur l’affaire, et ils n’engagent que des traqueurs pour aller dans le Charnier et ramener le nécrotech – ou ce qu’il en reste.


Les Ogrun de Crosse de l’Enfer

La longue péninsule rocheuse de Crosse de l’Enfer englobe un paysage de collines n’ayant cependant pas l’envergure des pics et des vallées dominant la majeure partie de l’île centrale. Au sein de ces collines se trouvent peut-être la plus grande concentration d’ogrun scharde de Cryx. Ici, ils extraient de la nécrotite et les mines et forgent des armes et des armures uniques forgées dans le sang pour lesquelles les forgerons ogrun sont si prisés. Bien que la plupart des minerais et des outils produits de cette manière soient transportés par bateau ou caravane terrestre vers le nord jusqu’à Becdedregg, des rumeurs font état de vastes stocks d’armes forgées dans le sang, prêtes à être pillées, si une personne est assez audacieuse ou folle pour voler l’Empire du Cauchemar.

CROSSE DE L’ENFER

Sur une péninsule située loin au sud de Becdedregg – aussi éloignée du Perchoir du Dragon qu’il est possible de l’être tout en restant en Cryx – une tour de guet haute et mince veille sur les vagues agitées et les îles dispersées au sud. C’est là que demeure Crosse de l’Enfer, et c’est là que vit l’un des êtres les plus étranges parmi les nombreuses étranges personnes peuplant l’Empire du Cauchemar.

Dans les années ayant précédé la Revendication, la Sorcière Maudite Agathia a commencé à apparaître sur les champs de bataille à travers le continent, employant ses étranges pouvoirs pour diriger des helljacks et inverser le cours des rencontres, le tout au service de son maître, le Seigneur Liche Tenebrous. Cependant l’Agathia que certains malchanceux continentaux ont rencontrée n’est pas celle ayant hanté le tour de guet de Crosse de l’Enfer pendant tant de décennies auparavant Cette Agathia était aussi une sorcière, c’est vrai, mais elle servait un autre maître, le Seigneur Liche Daeamortus.

Lorsqu’elle a trahi sa confiance pour poursuivre ses propres études de l’occultisme, Daeamortus l’a atrocement punie en chassant son âme de son corps, la condamnant à errer dans le néant, piégée sans fin entre le monde des vivants et celui des morts. Immobile mais toujours vivante, son corps enfermé à Crosse de l’Enfer, où elle a été suivie par une foule de nécroserfs dévoués.

De temps en temps, un questeur se rendait à Crosse de l’Enfer, recherchant les conseils de la sorcière, dont on disait qu’elle voyait les mondes au-delà de Caen. Lorsque cela se produisait, l’âme brisée d’Agathia revenait, même brièvement, afin de transmettre le savoir en sa possession, bien que ses paroles aient souvent été voilées d’énigmes ou simplement fragmentés au-delà de la capacité de compréhension de la plupart des esprits des vivants

Lorsqu’Ashyxious terrassa Daeamortus, la punition de la sorcière infligée par l’ancien seigneur liche a été oubliée. Au fil du temps, les nécroserfs ayant assisté Agathia pendant tant d’années tombèrent en décrépitude, et la sorcière elle-même périt peu de temps après.

Mais son histoire ne prit pas fin à ce moment-là, car les serviteurs d’un autre seigneur liche la retrouvèrent. Le Seigneur Liche Tenebrous s’intéressa tout particulièrement à Agathia en raison de son rôle dans le domaine de l’ésotérisme, et il utilisa sa compréhension unique de ce genre de choses pour réunifier son âme et sa chair non vivante, créant ainsi un fléau d’une puissance exceptionnelle. Bien que l’esprit d’Agathia soit resté remarquablement intact après son ordalie, il n’avait rien à voir avec celui de son vivant – son concept du temps et même de soi avait été brisé par les années qu’il a passées dans le néant.

Alors que Tenebrous élevait sa nouvelle protégée au rang de warcaster, elle quitta l’île de Cryx pour la première fois et servit ses intérêts sur le continent. Pourtant, alors même qu’elle le faisait, ses souvenirs de sa vie antérieure ont commencé à lui revenir. Elle a progressivement débuté à accumuler ses ressources occultes et ésotériques qui l’aideraient dans sa quête pour retrouver son histoire et façonner son avenir. Depuis que le plupart des forces de Cryx ont été rappelées du continent, Agathia a été attirée par l’unique foyer dont elle se souvienne, la tour de guet délabrée de Crosse de l’Enfer, qui est maintenant sa base opérationnelle.

Accroche d’Aventure

Bien que l’époque où Agathia était un oracle immobile est révolue depuis longtemps et que sa capacité à scruter l’avenue est devenue trouble et confuse en raison du temps qu’elle a passé au sein du néant, des personnes viennent toujours chercher conseils auprès d’elle. C’est le cas d’Avanyre Goethe, un corsaire de Morteseaux souhaitant savoir ce qu’elle advint de sa première compagne – qui était aussi l’amour de sa vie, bien qu’il soit moins enclin à partager cette information. Malheureusement pour lui, il a récemment perdu son navire et tout son équipage lors d’un jeu de hasard, et maintenant il a besoin de l’aide de quelqu’un pour l’escorter à Crosse de l’Enfer afin qu’il puisse commencer à reconstruire sa fortune grâce au conseils de la sorcière maudite.


Capitaine Rengrave

Chaque nation, aussi peu orthodoxe soit-elle, doit avoir son premier citoyen, et pour le Cryx, il s’agit du Capitaine Rengrave, le revenant du redoutable Atramentous. Lorsque Toruk choisi de faire montre son pouvoir aux rois pirates d’autrefois, il le fit en transformant l’Atramentous et son équipage en pillards fantomatiques totalement soumis à sa volonté.

Même de son vivant, Rengrave était un homme à la réputation singulièrement sanguinaire et irrévérencieuse. Bien qu’il soit techniquement le joyau de la couronne de la flotte du roi pirate Threnodax, l’Atramentous était la plus fière conquête de Rengrave – et son plus grand acte de blasphème. Un ancien navire funéraire dirgenmast destiné à transporter le corps d’un gravelin tordoréen tombé au combat loin à l’ouest, pour ne jamais revenir, l’Atramentous a été capturé par l’équipage de pillards sanguinaires de Rengrave et transformé en un redoutable témoignage de l’habilité et du zèle du capitaine pour la profanation.

La mort n’ayant fait qu’aiguiser l’inextinguible soif de sang et de pillage du capitaine pirate qui, depuis seize siècles, commande l’Atramentous spectral à la tête de la redoutable Flotte Fantôme de Cryx. Comme Toruk l’a jadis fait pour Rengrave, le capitaine revenant a la capacité d’ajouter de nouveaux noms à son livre, gonflant les rangs de son immortel équipage. Lorsqu’un navire de marins vivants est capturé par l’Atramentous, ils se voient offrir le même redoutable choix que jadis le dragon avait offert à Rengrave : mourir dans les tourments ou être  transformés et servir une éternité au gaillard d’avant.

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Iron Kingdoms - RPG / NE
« le: 12 juillet 2023 à 13:43:01 »
LES INVASIONS SCHARDE

Toute comme les orgoth l’avaient appris à leur grande consternation, les forces du Père des Dragons étaient conscientes qu’il y avait un temps pour la subtilité et un temps pour l’action directe, et tôt ou tard, le temps de l’action contre le continent approchait. À partir de 584 AR, les raids contre la côte cygnaréenne augmentèrent en fréquence et en férocité. Les cygnaréens appelèrent ces attaques, qui se poursuivirent jusqu’en 588 AR, les Invasions Scharde, et ce fut la première que le continent eut ne serait-ce qu’un avant-goût de la véritable puissance de cet empire en pleine ascension.

Cependant, même ces attaques se révélèrent être une diversion. Organisées par les Seigneurs Liches Daeamortus et Terminus, ces mortelles diversions ont occupé les forces cygnaréennes tandis que d’autres agents cryxiens établissaient des bases permanentes sur le continent. Cette mission des plus critiques fut confiée à la liche de fer Asphyxious – pas encore seigneur liche de Toruk, mais ambitieux et désireux de faire ses preuves.

UN JEU INTERMINABLE

Bien que gouverné par un dieu vivant et peuplé en grande partie de morts, à bien des égards, le Cryx est une nation comme les autres. Elle entretient ses industries, constitue ses réserves militaires, et s’engage même dans le commerce, en quelque sorte, avec les royaumes voisins. Ses habitants travaillent et mangent, vivent, meurent et (souvent) revivent. Mais contrairement aux autres nations des Royaumes d’Acier, qui recherchent leur propre force et leurs propres prospérité, tout ce qui se passe au sein de l’Empire du Cauchemar ne se produit que pour une unique raison.

Alors que les lieutenants et les généraux de Toruk peuvent tous avoir leurs propres plans, ambitions et machinations, pour le Père des Dragons, la nation entière de Cryx n’est qu’un outil dans un jeu s’étendant sur des siècles. Chaque frappe à l’encontre des royaumes continentaux, chaque sortie en haute mer, caque conquête et chaque expansion est calculée avec une finalité très précise en tête : la destruction de la progéniture rebelle de Toruk.

Pour le Père des Dragons, ces dragons parvenus sont les seules choses sur Caen pouvant le défier, et ils sont, en tant que tels, les seules chose le préoccupant vraiment. Même les vies de mortels les plus anciens ne sont que des scintillements pour un être comme Toruk, qui a vu des empires de mortel croître et chuter pendant qu’il complotait patiemment.

Bien que cela choquerait les dirigeant des Royaumes de Fer de l’apprendre, la conquête de leurs nations n’a jamais été l’objectif de l’Empire du Cauchemar. Si le Cryx assiège une ville ou renverse les défenses d’une nation entière, c’est toujours et uniquement dans la poursuite d’un unique objectif et de grande envergure : celui de chasser et de détruire tous les autres dragons de Caen afin que Toruk soit une fois de plus l’ascendant intouchable sur tout. Si l’Empire du Cauchemar doit mettre à feu les reste des Royaumes d’Acier pour atteindre cet objectif, qu’il en soit ainsi.

La logistique s’est avérée être le plus grand obstacle à la mission de l’Empire du Cauchemar, et Asphyxious fut chargé d’établir une base d’opérations sur le continent, capable de fournir aux armées du Père des Dragons non seulement des soldats et des provisions, mais aussi des engins de guerre sous la forme de helljacks, bonejacks et autres. Il l’a établi sous le Bois d’Épines, en œuvrant en secret et sous le couvert de ce qu’on appelle les Invasions Scharde.

La tâche ne se révéla pas facile. En plus de se faire repérer par les royaumes continentaux, Asphyxious dû conclure des alliances parfois difficiles avec les cephalyx, une mystérieuse espèce esclavagiste souterraines dont les vastes tunnels s’avérèrent vitaux pour établir la base cachée d’Asphyxious sous le Bois d’Épines.

Cette forteresse a non seulement permis à Cryx de participer à des batailles dans les profondeurs du continent et de frapper de manière inattendue des cibles jusque-là inaccessibles, mais elle a également offert aux forces de l’Empire du Cauchemar l’accès à de vastes ressources qu’elles n’auraient jamais pu revendiquer autrement. Depuis cette base située sous le Bois d’Épines, les charognards cryxiens ont nettoyés les champs de batailles des Royaumes d’Acier des morts tombé et repéré de nouvelles sources de nécrotite, l’étrange minéral formé dans les lieux de douleur et de mort que les armées du Père des Dragons brûlent à la place du charbon.

En 588 AR, Asphyxious avait établi une puissante présence sur le continent et les Seigneurs Liches Terminus et Daeamortus réduit leurs raids. Les militaires cygnaréens déclarèrent la victoire dans les Invasions Scharde, bien que le véritable objectif des frappes deviennent apparents pas avant plusieurs années.

En 604 AR, le Khador envahit le royaume de Llael. Le Cygnar est appelé au secours de leurs alliés, et la majeure partie des combats eurent lieu dans et autour du Bois d’Épines, le tonnerre des canons secouant les murs même de la forteresse secrète en dessous. D’en bas, la pleine puissance des armées de l’Empire du Cauchemar frappèrent les royaumes d’en haut dans leur moment de faiblesse, révélant pour la première fois l’ampleur de la terrible machine de guerre que le Cryx développait depuis des siècles.

Ce fut la véritable fin des Invasions Scharde.

LA GUERRE DES DRAGONS

Au cours des années déchirées par la guerre s’ensuivant l’invasion khadoréenne de Llael, les armées de Cryx remportèrent de nombreuses victoires et subirent de nombreux revers, tandis que les peuples des Royaumes d’Acier connurent des horreurs dont ils n’avaient jamais osé rêver auparavant. Asphyxious s’éleva au rang de seigneur liche, terrassant et détruisant le seigneur liche Daeamortus pour prendre sa place, tandis que d’autres warcasters et généraux cryxiens gravirent les échelons, devenant des acteurs clés des ambitions du Père des Dragons sur le continent.

En fin de compte, ce ne sont ni les forces de Cryx ni les armées des Royaumes d’Acier qui déclenchèrent changement majeur suivant dans les plans de l’Empire du Cauchemar. Au lieu de cela, l’un des rejetons rebelles de Toruk refit surface sous une nouvelle et inattendue forme. Le dragon connu sous le nom d’Everblight avait déjà été tué par la massive puissance militaire d’Ios après avoir émergé de sa cachette pour anéantir la ville iosienne d’Issyrah en 390 AR.

Pourtant, l’athanc d’un dragon ne peut être détruit que par un autre dragon, et donc Everblight survécu, bien que sous une forme diminuée, et fut transporté loin dans le nord, ou il attendit son heure et développa sa force, divisant son propre athanc entre de nombreux warlocks sous son commandement tandis qu’il créait de nouveaux rejetons de son sang corrompus et bâtissait une armée pour défier les forces méridionales et, finalement, son propre père.

La fragile alliance entre les descendants de Toruk fut brisée, car Everblight trouva et détruisit son frère Pyromalfique, en convalescence sous le Château des Clés. En consommant l’athanc de Pyromalfique, Everblight augmenta considérablement sa puissance et pu former un nouveau gargantuesque rejeton. Mais ce ne fut pas la goutte d’eau qui fit déborder le vase de ce qu’on appelle la Guerre des Dragons.

Il y avait, semble-t-il, un autre athanc en jeu, un caché depuis longtemps loin au nord. Les agents de Cryx avait travaillé secrètement pour le récupérer, mais ils furent déjoués par les forces cygnaréennes, qui purent sécuriser l’athanc et le charger dans un train. Entre la trahison d’Everblight et ce nouvel alléchant trophée, l’alliance entre les dragons commença à s’effriter. Le dragon connu sous le nom de Charsaug chercha à réclamer cet athanc pour lui-même, attaquant le train transportant la pierre de cœur.

Dans toute cette confusion Toruk vit une confusion. Pour la première fois depuis seize siècles, le Père des Dragons s’envola de son palais de Skell et se dirigea vers le continent. Blighterghast, veillant habituellement du haut des Montagnes du Mur du Dragon, était distrait par a recherche des généraux d’Everblight, et Toruk en profita pour frapper sa progéniture, combattant les dragons jumeaux Ashnephos et Charsaug dans les cieux au-dessus de Cygnar.

Bien que Toruk ait réussi à tuer Charsaug et à consommer l’athanc du dragon, le cours de la bataille fut sur le point de tourner. Alertés par la présence du Père des Dragons sur le continent, les autres dragons de l’alliance virent riposter. Soutenu par la puissance de l’athanc de Charsaug, Toruk sembla sur le point d’achever son long plan, terrassant Blighterghast alors même que ce puissant dragon menait les autres dragons contre lui.

Blighterghast tomba mais ne fut pas vaincu, cependant. Les forces cygnaréennes, voyant que parfois l’ennemi de mon ennemi est, en effet, mon ami, apporta une improbable aide, en donnant l’athanc qu’elles transportaient à Blighterghast blessé. Au fur et à mesure qu’il le consommait, ses blessures se refermèrent et il gagna suffisamment de puissance pour porter un terrible coup au Père des Dragons.

Avec le reste de l’alliance derrière lui, Blighterghast put une fois de plus chasser Toruk du continent. La défaite ne fut pas mineure. La blessure de Toruk était grave, obligeant le Père des Dragons a entré en convalescence à Skell, s’éloignant encore plus des opérations quotidiennes de l’Empire du Cauchemar afin de soigner ses blessures.

Avec le vide de pouvoir laissé par le nouveau retrait de Toruk de la vie politique de Cryx, les différents seigneurs liches reprirent leurs querelles intestines, tandis que les équilibres mouvaient au gré de la guerre et que de nouvelles personnalités prenaient de l’importance. L’un de leurs chefs était Deneghra, l’ancienne sorcière de guerre devenue seigneur liche ayant été préparé pour le rôle par nul autre qu’Asphyxious en personne, peut-être le serviteur le plus ambitieux de Toruk.

Cependant, avant que les événements de la Guerre des Dragons n’aient eu le temps de faire sentir toute leur portée, un autre cataclysme eut lieu, ébranlant l’ensemble de l’Immoren occidental.

LE SEIGNEUR LICHE DENEGHRA

Issue de jumelles nées dans un petit village de pêcheurs cygnaréens à la fin du 6ᵉ siècles AR, la femme qui allait devenir le Seigneur Liche Deneghra eut une enfance sans prétention. Pourtant, une personne connaissant le grand potentiel qu’elle et sa sœur jumelle partageaient. Ayant observé des présages occultes présageant la naissance d’une sorcière d’une puissance inégalée, la warcaster satyxis Skarre Ravenmane transmis ce renseignement à Asphyxious, qui l’envoya dans une dangereuse et coûteuse mission sur le continent pour récupérer l’enfant prophétisé.

Ce que la magie du sang de Skarre n’avait pas révélé, cependant, c’est que le pouvoir que possédaient les jumelles était partagé entre elles deux, et quand Skarre revint seulement avec une, Asphyxious fit en sorte que le redoutable capitaine satyxis et son équipage au complet soient cruellement punis. Pourtant, la liche de fer n’était pas du genre à perdre une occasion, et l’exécution de l’équipage de Skarre devint également la première leçon qui transformerait l’enfant enlevé en une sorcière dont le nom effraierait le continent en seulement quelques décennies.

Formés aux arts des sorcières de guerre cryxienne, avec des secrets extraits des âmes des orgoth morts, l’enfant devint l’acolyte la plus fiable et la plus précieuse d’Asphyxious. Il la rebaptisa Deneghra et attendit de l’avoir entièrement sous sa coupe pour lui révéler son plus sombre secret : elle n’était que la moitié d’une tout plus grand, et quelque part sur le continent, elle avait une jumelle lui ayant « volé » la moitié de son pouvoir. À l’époque, Deneghra ignorait que cette jumelle était la warcaster cygnaréenne Victoria Haley.

Lorsqu’elle apprit l’existence de sa sœur sorcière, Deneghra tourna toute sa malice contre sa jumelle, et ce ne fut qu’une question de temps avant que les deux ne se rencontrent au combat, Haley fit preuve d’une capacité jusqu’alors inconnue à briser les verrous arcaniques du cortex d’un warjack ennemi, prenant le contrôle du helljack Massacreur de Deneghra et le retournant contre elle.

Deneghra périt des mains de sa sœur , mais pour les serviteurs du Père des Dragons, la mort n’est pas une fin. Asphyxious récupéra une partie de l’âme de Deneghra et employa tout le savoir-faire nécromantique de Cryx pour reconstituer son corps. À moitié prise au piège entre les vivants et les morts, elle était autant un être d’ombre que de chair, un état autant une aubaine qu’une malédiction pour une personne aussi habituée aux ténèbres et à la dégénérescence.

Ce n’est qu’un lendemain de la Revendication que Deneghra finalement atteignit le véritable apogée qu’Asphyxious avait toujours envisagé pour elle. Avec son mentor ayant franchi la porte de Fort Henge, Deneghra pris sa place parmi les seigneurs liches de Toruk et a depuis consolidé son pouvoir au sein de l’Empire du Cauchemar.

LA REVENDICATION

La Revendication a véritablement débuté il y a des siècles lors des premières graines de la rébellion contre les orgoth. Thamar a conclu un effroyable pacte avec des êtres extérieurs à la réalité connue. En échange du secret de la magie, qui aiderait les humains à se libérer du joug des oppresseurs orgoth, ces infernaux, comme on les appelait, devaient recevoir une dîme d’âmes humaines. En 612 AR, ils virent la collecter.

Au fil des siècles, les infernaux avaient placé leurs agents dans les plus hautes sphères des gouvernements et des armées du monde entier, et lorsque les portes s’ouvrirent et que des monstres infernaux commencèrent à se déverser , il sembla que tout l’Immoren occidental allait à nouveau sombrer.

Face à une telle menace existentielle, même l’Empire du Cauchemar ne pouvait rester inactif. Après tout, les infernaux réclamaient des âmes, et les âmes étaient la monnaie, le carburant et le sang de Cryx. Ainsi, pour la première fois dans l’histoire, les armées des morts marchèrent aux côtés de celles des vivants, alors que les forces cryxiennes sur le continent jetaient leur puissance contre les infernaux aux côtés des armées de Cygnar, de Khador, et même des soldats saints du Protectorat de Menoth.

De telles alliances n’étaient non plus des questions de simple convenance. Des liens plus profonds avaient été tissés au cours de ces terribles conflits, et lorsqu’Asphyxious, alors seigneur liche et l’un des plus puissants généraux de Cryx, a pratiquement été anéanti lors d’une bataille contre l’un des maîtres infernaux, ce sont les prêtres de la Convergence qui ont reconstitué la liche de fer, la transformant en quelque chose d’entièrement nouveau – quelque chose que l’on n’avait jamais vu auparavant sur Caen.

Cela ne devait durer. Malgré la considérable puissance apportée par les armées combinées de l’entièreté de l’Immoren occidental, malgré une brillante série d’innovations technologiques, mékaniques et tactiques réalisées pour endiguer le ras de marée, les infernaux semblaient infinis. ; Pour chaque horreur abattue, des dizaines d’autres se déversaient à travers les fissures du voile même de la réalité. Tout espoir semblait perdu, jusqu’à ce qu’une unification sans précédent des connaissances arcaniques et mékaniques permette de construire la porte, un dispositif capable de transporter des milliers d’âmes loin de Caen vers la constellation céleste qu’est le corps de la déesse mécanique, Cyriss.

Construit près de Fort Henge, la porte devint le centre de la plus grande bataille que les Royaumes d’Acier aient jamais connues. Des guerriers et des héros de toutes les nations se réunirent pour tenir la menace infernale à distance suffisamment longtemps pour que des milliers de réfugiés puissent fuir par la porte. Grâce à un incroyable héroïsme et un effroyable sacrifice, la bataille fut remportée. Des milliers de personnes purent s’échapper par la porte qui fur scellée derrière elles, et les maîtres infernaux furent détruits ou chassés.

Chaque camp a perdu de puissants héros et de bien-aimés amis, et même le Cryx n’a pas été à l’abri. Dans le chaos de la bataille, Asphyxious, croyant Deneghra tombé aux mains des infernaux, rejoignit les réfugiés et disparut à travers la porte, pour ne plus jamais être vu sur Caen. Deneghra, pour sa part, vit Asphyxious partir, mais n’eut aucun moyen de l’arrêter, de lui faire savoir qu’elle avait survécu, et ainsi les deux sont séparés pour toujours.

LE CRYX AUJOURD’HUI

Jamais depuis la destruction de Drer Drakkerung, autant de nouveaux seigneurs liches n’avaient pris d’importance en même temps que dans les années ayant suivi la Revendication. La maîtresse nécrotech Mortenebra a remplacé le Seigneur Liche Morbus, tué par des warcasters cygnaréens dans le Bois d’Épines des années auparavant, tandis que Deneghra prit la place du disparut Asphyxious, atteignant finalement le rôle qu’il avait toujours envisagé pour elle uniquement en son absence. Toruk étant blessé et la puissance militaire de l’Empire du Cauchemar épuisé, les forces cryxiennes se sont retirées du continent afin de se regrouper et reconstituer leurs forces – mais cela ne signifie pas que les agents du Père des Dragons furent inactifs durant les années ayant suivi. La puissance militaire a été remplacée une fois de plus par des opérations secrètes et des campagnes d’influence, alors que l’Empire du Cauchemar envoie des agents individuels étendre ses tentacules profondément dans le cœur des nations des Royaumes d’Acier.

À la suite de la Revendication, toutes les factions de l’Immoren occidental ont temporairement mis de côté leurs différences, et les années ayant suivi furent celles d’une paix relative à travers le continent. Bien que cela ait signifié une plus grande acceptation de Cryx en tant que partenaire commercial possible, bien qu’à contrecœur, de manière limitée, personne sur le continent ne se fait l’illusion que l’Empire du Cauchemar est autre chose qu’un prédateur patient, attendant au large la prochaine occasion de frapper.

Néanmoins, les agents de Cryx ont profité de l’opportunité offerte par ce laxisme de la part des autres nations pour placer dans des positions qu’ils n’auraient jamais pu atteindre en temps de guerre, tout en extrayant des connaissances qui auraient pu autrement leur être inaccessibles. C’est une période de recherche de faits et de reconstitution de leurs forces épuisées, tandis que leurs différents seigneurs liches et leurs sous-fifres manœuvrent pour se positionner et cherchent à faire avancer leurs propres ambitions.

Pour sa part, Toruk s’est retiré encore plus que d’habitude de la vie quotidienne de la nation, et dans le vide de pouvoir laissé derrière lui, Deneghra, malgré sa relative jeunesse s’est élevée pour devenir la première parmi les douze seigneurs liches – une décision ne plaisant toujours pas à ses pairs. Alors que le reste du monde attend de voir ce que le Cryx fera ensuite, le Père des Dragons lui-même n’a toujours qu’une seule ambition, son œil intérieur toujours tourné vers la disparition de sa progéniture et sa propre ascension en tant qu’être le plus puissant de Caen.

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Iron Kingdoms - RPG / NE
« le: 05 juillet 2023 à 18:04:45 »
L’EMPIRE DU CAUCHEMAR

LORSQUE LES VAISSEAUX NOIRS DES ORGOTH ont touché terre pour la première fois en Immoren occidental, ils ont trouvé un empire diabolique à la hauteur du leur les attendant déjà. Bien que la plupart des citoyens des Royaumes d’Acier l’ignorent, le Cryx fut la première nation à affronter les orgoth et la dernière à mettre en déroute leurs armées et à couler leurs navires alors qu’ils quittaient le continent.

Pour les habitants de Cryx, les orgoth étaient moins à craindre pour les royaumes continentaux, car l’Empire du Cauchemar, comme on le savait déjà, était un lieu de mort et de magie noire – et de choses pires encore – depuis des siècles.

Même avec la venue du Père des Dragons, les Îles Scharde étaient un royaume sans foi composée d’archipels désolées, de falaises déchiquetées, de végétations impénétrables et de récifs dissimulés sous des vagues déferlantes. Un endroit aussi inhospitalier était un repaire idéal pour les pirates espérant profiter du commerce maritime avec le continent, et avant 1000 PR, la plus grande des Îles Scharde abritait quatorze rois pirates autoproclamés, se partageant ce qui allait devenir l’Empire du Cauchemar.

Pourtant, leur destin rôdait déjà sur le continent, et ce depuis la naissance du monde. Selon ceux qui le vénèrent, Toruk vit depuis la naissance de Caen, et il existe peu de preuves pour démentir cette croyance. Certes, le Père des Dragons demeure dans ce monde depuis plus longtemps que n’importe quel autre être vivant et, en fait, il y a des raisons de croire que lui et sa progéniture ne sont pas peut-être pas vivant, du moins de la manière dont les personnes de l’Immoren occidental le comprennent.

Des siècles avant sa conquête des Îles Scharde, Toruk en a créé d’autres comme lui en divisant sa pierre de cœur en cristal indestructible appelée athanc, le cœur d’un dragon. Ceux-ci auraient du être de fidèles enfants, mais ils ressemblaient trop à leur géniteur et se sont rebellés contre leur père lors d’une cataclysmique bataille ayant secoué le monde antique.

Pendant des siècles, Toruk a parcouru le continent pour corriger son erreur, trouvant et tuant sa progéniture rebelle et consommant leurs athancs pour réabsorber leur pouvoir. Finalement, en 1000 PR, les derniers enfants de Toruk en eurent assez. Composés des enfants les plus forts et les plus rusés de Toruk, ces survivants ont formé une alliance de courte durée pour attaquer leur père et espérer le détruire.

Ils échouèrent, mais la bataille fut redoutable. Les cieux au-dessus de l’Immoren occidental bouillonnèrent de feu draconique et une pluie de sang corrompu s’abattit et provoqua de terribles changements sur la région et les créatures y vivant. Pour les peuples des Royaumes d’Acier naissants, il semblait que le monde devait toucher à sa fin.

À la fin du conflit, Toruk vivait toujours, mais pour la première fois de son éternelle vie, il avait été vaincu. Le Père des Dragons fut chassé du continent, et il s’installa sur les rochers de la plus grande des Îles Scharde. Là, il trouva les éléments de son Empire du Cauchemar déjà prêt et en attente.

Au départ, les rois pirates furent réticents à abandonner l’emprise qu’ils détenaient sur leur empire. Il refusa de se plier à la volonté de Toruk, sous-estimant le pouvoir de l’être venant d’arriver. Toruk remarqua leur potentiel, cependant, et plutôt que de faire de tous un exemple de sa propre puissance, consommant le plus grand et le plus puissant de leurs vaisseaux, l’I, d’un unique souffle corrompu.

À cet instant, le redouté Atramentous devint bien plus qu’un navire fantôme immortel, éternellement fidèle au Père des Dragons. Les rois pirates virent la puissance du dragon, et tous sauf deux s’agenouillèrent devant leur nouveau maître. Seuls le Roi Threnodax et le Roi Roquefriche demeurèrent provocateurs, refusant obstinément de se plier à la volonté du Père des Dragons.

C’est Threnodax dont la flotte comprenait le sinistre Atramentous, et c’est ce vaisseau fantomatique, maintenant réaffecté pour servir la volonté de Toruk, qui s’est a descendu sur sa forteresse de Lande Morte au milieu de la nuit et tua d’innombrables de ses vassaux, avec chaque mort mortel s’ajoutant à leur nombre éternel. Roquefriche, quant à lui, se réfugia derrière les murs de son château, mais les pierres et les soldats ne purent rien face à la puissance corrompue de Toruk.

Les douze autres rois pirates survécurent, mais ils changèrent de manière irrévocable. Alors qu’ils juraient fidélité à leur nouveau maître, Toruk les transforma, tout comme il l’avait fait avec l’Atramentous, les tuant de son souffle ardent et les transformant en les premiers seigneurs liches, les souverains immortels gouvernant les opérations quotidiennes de l’empire de Toruk à la place du Père des Dragons.

Ce jour-là, l’Empire du Cauchemar est né. Plus de 1 600 ans se sont écoulés depuis lors, et le Cryx est resté une corruption sur les côtes d’Immoren depuis lors, l’influence draconique de Toruk s’étendant à tous les aspects politique, de la guerre, du commerce et de l’exploration à travers de Royaumes d’Acier. Le Cryx a été plus qu’une simple menace pour le continent. Il a également agi comme un tampon, un frein non seulement à l’invasion orgoth, mais aussi aux machinations des enfants de Toruk, qui demeure à l’affût, ourdissant des plans contre leur père.

Alors que la plupart des habitants des Royaumes d’Acier ignorent entièrement le fonctionnement interne de l’Empire du Cauchemar – ne le voyant que sous la forme de navire chargés de terrifiant engins de guerre nécromantiques attaquant leurs côtes – le Cryx a une histoire aussi riche qu’étrange, comme n’importe quelle nation de l’Immoren occidental, et ayant de répercussions sur le reste du continent, même et surtout lorsqu’ils n’en ont pas conscience eux-mêmes.

L’INVASION ORGOTH

Bien avant que le premier vaisseau noir ne touche terre sur la Côte Brisée, la construction de l’Empire du Cauchemar de Toruk avait déjà débuté. La première douzaine de seigneurs liches avaient eu accès à des secrets occultes auparavant connus uniquement du Père des Dragons, leur offrant un pouvoir de vie et de mort jusque-là inconnu d’aucun autre âtre de Caen.

Sous le commandement de ces redoutables êtres, les forces de Toruk sont devenues maîtres de la vie – et la mort – sur les Îles Scharde, écrasant les villages éparpillés, détruisant tout ce qui pourrait remettre en cause la domination du Père des Dragons, et bâtissant un nouvel empire selon le plan que leur maître leur avait transmis. Grâce aux grands pouvoirs que Toruk a accordé à ses sous-fifres, l’empire ses développés par le biais de rites nécromantiques de réanimation et d’extraction d’âme. Alors que d’innombrables mortels vivent encore dans les cités obscures et les étouffantes jungles des Îles Scharde, aujourd’hui encore, le Cryx est une nation gouvernée par les morts.

LES SEIGNEURS LICHES

Peu des douze rois pirates d’origine demeurent au service de Toruk, mais le grand nombre de seigneurs liches le servant est presque toujours resté douze. Quant l’un est finalement tué ou détruit, un nouveau membre du cercle de Toruk est promu pour occuper le poste vacant, et il n’est pas rare qu’un successeur potentiel tue le seigneur liche dont il souhaite usurper le rôle. Toruk n’encourage ni ne décourage ce conflit interne, permettant à ceux qui veulent le servir de s’élever et de chuter par leurs propres forces et ambitions.

Chacun des douze seigneurs liches domine un aspect particulier de la vie, de la mort, de la gouvernance et de la guerre au sein de Cryx, beaucoup d’entre eux se concentrant sur les efforts de guerre de l’Empire du Cauchemar. Au fur et à mesure que différents seigneurs liches s’élèvent et chutent, ces rôles peuvent changer quelque peu, mais le Père des Dragons s’assure toujours que ses serviteurs sont à la hauteur des tâches qu’il leur confie, sinon ils sont remplacés par quelqu’un l’étant.

Lorsque le premier des navires orgoth est arrivé, les envahisseurs ont bâti la première et la première la plus grande de leurs fortifications, le château de Drer Drakkerung, sur l’île nord de Garlghast. Toruk les a laissés venir. Une unique fois, ils ont commis l’erreur de naviguer en force contre l’île principale de Cryx, et à ce moment-là, le Père des Dragons les a détrompés de leurs ambitions, prenant son envol pour la première fois depuis des siècles et envoyant tous les navires naviguant contre son empire brûler dans les profondeurs du Meredius.

Pourtant, à cette époque, les forces du Père des Dragons n’ont pas écrasés les intrus. Au lieu de cela, Toruk demanda à ses seigneurs liches d’attendre. Laissez les orgoth contrôler l’Île Garlghast, laissez-les s’attaquer aux peuples du continent. Regarder et attendre le bon moment. C’est ainsi que le Cryx est resté neutre dans le conflit contre les orgoth, tandis que les envahisseurs conquéraient et réduisaient en esclavage la majeure partie de l’Immoren occidental, soumettant les habitant au fouet et à des magies noires comme ils n’en avaient plus vu depuis l’époque de l’antique Morrdh.

Alors que les graines de la rébellion commençaient à germer au sein de la population du continent, les agents du Père des dragons ont également observé avec avidité ce phénomène. En observant les forces de a rébellion repoussant les orgoth petit à petit, le Cryx a pu apprendre les secrets de l’élaboration de tout, des cortexes aux énormes colosses eux-mêmes – en les transformant en de nouvelles formes pour créer des helljacks, des bonejacks et même des nécroserfs en employant ces mêmes principes.

Les espions du Père des Dragons ne se sont pas contentés d’observer. Lorsqu’un grand esprit mourait sur le continent – un génie tactique, un ingénieur ou un mékanicien particulièrement intelligent, un savant arcaniste – les forces de Cryx étaient là pour piller la tomber et sonder l’âme afin d’en extraire, les ajoutant à la réserve d’arcanes et de traditions martiale déjà disponible pour les forces de l’Empire du Cauchemar.

Finalement, les orgoth ont été chassés du continent après deux siècles de sanglants combats. Lors de leur départ, les orgoth ont lancé ce que l’on a appelé le Fléau, détruisant tout ce qu’ils pouvaient de leurs forteresses et de leurs armes afin qu’aucune ne tombe entre les mains de leurs ennemis. En 201 PR, le dernier des vaisseaux noirs quitta le continent de l’Immoren occidental, et les habitants de ce qui allait devenir les Royaumes d’Acier poussa un cri de joie, croyant s’être débarrassé du joug de leurs oppresseurs.

Personne ne savait sur le continent que le drame était loin d’être terminé. Les orgoth vaincus ne s’étaient pas retiré très loin, rassemblant leur forces une fois de plus à Drer Drakkerung. Là, les armées de Cryx étaient prêtres à les recevoir. Après des siècles de cohabitation, les agents du Père des Dragons frappèrent avec une force que les orgoth n’avaient pas pu anticiper. Cinq des seigneurs liches en personnes menèrent l’assaut, amenant avec eux des armées qui se comptaient par dizaine de milliers. Des flottes de navires assombrissaient les mers, tandis que le résultat de décennies d’innovations nécromantiques jaillissaient des cales pour combattre la puissance arcanique des orgoth.

On dit que le conflit qui en résultat fit bouillir les mers et pleuvoir du sang du ciel. En fin de compte, cependant, même les orgoth autrefois puissants ne purent résister à la puissance que le Cryx avait soigneusement développé au cours des années passées. Les orgoth ont réalisé qu’ils avaient perdu et ont invoqué un ultime incendie destiné à détruire non seulement les forces de Cryx mais tout ce qu’ils avaient laissé derrière eux à Drer Drakkerung.

Cette terrible libération de puissance anéantit trois des seigneurs liches et ne laissa que peu de traces de la forme physique de deux autres. Elle détruisit le grand château orgoth avec des flammes si intenses que les pierres fondirent telle de la glace. Pourtant, même si Toruk avait perdu trois de ses plus grands lieutenants et presque toute sa puissance militaire, ce n’était rien de moins qu’une victoire totale. Purger les derniers orgoth de l’Immoren occidental fut la moindre des choses que les forces du Père des Dragons avaient accomplie ce jour-là.

Tous les orgoth ne furent pas anéantis, et ceux qui ont survécu ont finalement appris la sagesse de s’incliner devant la puissance du dragon. Par conséquence, la connaissance des arcanes des sorcières de guerre orgoth a été ajouté aux vastes réserves de puissance occulte que le Cryx commandait déjà. Même les orgoth morts y ont contribué, car les pouvoirs nécromantiques, déployant pendant des décennies, permirent de puiser des secrets des âmes et des os des personnes ayant péri.

Cependant, le plus grand outil de l’arsenal de Cryx, après avoir vaincu les orgoth, fut sans doute le secret de la construction de leurs redoutables vaisseaux noirs. Déjà nation d’une puissance navale considérable, l’ajout des vaisseaux noirs aux flottes de Cryx les rendait inégalables sur les eaux du Meredius, et pour les siècles à venir, la Flotte Noire de Cryx serait aussi redoutée par le continent que l’ont été les vaisseaux des orgoth.

UNE GUERRE DE L’OMBRE

La relative paix ayant régné sur le continent après la signature des Traités de Corvis en 202 AR a été de courte durée. Pendants les 400 années suivant, les nations des Royaumes d’Acier se disputèrent sur la théologie, les terres, les ressources et le pouvoir – et ce faisant, développeraient de nouvelles armes de guerre que les nécrotechs de Cryx observèrent avec avidité, les adaptant à la technologie unique de l’Empire du Cauchemar partout où cela était possible.

Cela a donné naissance à un vertigineux éventail d’automates nécromantiques pour lesquelles le Cryx est connu aujourd’hui. Des helljacks et des bonejacks de toutes tailles et formes, certes, mais aussi des nécropantins dans des configurations presque trop nombreuses pour être comptées -d’infernaux engins de guerre, combinant le pire de la nécromancie avec une ingénierie diabolique.

Malgré ces développements, tout au long de ces siècles, les conflits ouverts entre l’Empire du Cauchemar et le continent furent rares. Là encore, l’infernale patience du Père des Dragons et de ses seigneurs liches est entrée en jeu. Plutôt que d’engager leurs forces dans une guerre ouverte, ils ont attendu que les nations grandissantes des Royaumes d’Acier se battent entre elles – mais Toruk et ses partisans ne demeurèrent pas inactifs. Ils ont mené des campagnes d’influence et d’espionnage dans l’ombre, envoyant des espions afin d’infiltrer le continent et étendre le réseau de Toruk au sein des endroits où il ne pourrait se rendre autrement.

Ces espions eurent de nombreuses tâches : ils ont œuvré à déstabiliser les nations et attiser les conflits, ainsi que pour rapporter de nouveaux développements technologiques à la nation insulaire pour qu’ils soient décomposés et incorporés dans de nouvelles et infernales machines de guerre. À aucun autre endroit sur le continent, le réseau de Toruk s’est développé plus profondément que dans la ville de Cinq-Doigts. Déjà connue comme le « Port de la Fraude », Cinq-Doigts est un repaire de pirates et d’arts interdits, ce qui en faisait le parfait refuge pour les agents du Père des Dragon pour faire des incursions dans les autres royaumes.

Même durant cette période, les armées de l’Empire du Cauchemar ont continué à se développer. Les escarmouches navales avec les navires cygnaréens furent fréquentes et les opérations secrètes furent souvent rendues possibles par de petits assauts contre les communautés côtières. Toutes ces attaques ne furent que des diversions d’un genre ou d’un autres. Certaines étaient destinées à fournir une couverture aux agents, d’autres à tromper les forces des Royaumes d’Acier sur la taille et la force des armées de Cryx. Le secret a toujours été l’un des outils les plus puissants de l’arsenal de l’Empire du Cauchemar, et au cours des années, il a été employé de manière précise et méticuleuse.

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