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Messages - elric

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Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Poudrière
« le: 01 septembre 2024 à 21:14:51 »
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Tour Gris-vent, Llael Libre, 9ème Solesh, 611 AR


LES CRÉNEAUX DE TOUR GRIS-VENT S’ÉLEVAIT au dessus des collines à l’est de Llael, une sinistre sentinelle, altérée et éprouvée par les batailles. La tour mesurait vingt-quatre mètres de haut et était suffisamment grande pour contenir plusieurs centaines de soldats. La Résistance avait effectué des travaux de réparation sur la forteresse tricentenaire en ruine, de sorte que l’antique pierre grise était piquées de roches plus claires extraites des collines voisines.
Une petite ville s’était développée autour de la tour, une ville composée principalement de réfugiés fuyant la tyrannie khadoréenne. La ville était un conglomérat délabrés de tentes, de cabanes et de quelques bâtiments en dur. Les gens ici soutenaient les résistants avec ferveur, fournissant aux soldats de la tour diverses tâches nécessaires : cuisine, réparation d’uniformes, réparation d’armes, tout ce qui pouvait les aider.

La ville semblait vide à mesure qu’ils approchaient. Stryker ne pouvait pas leur en vouloir. Ces gens en étaient venus à se méfier de toute armée qui n’arborait pas le drapeau llaelais, et huit mille soldats cygnaréens, appuyés par des warjacks et des chevaux lourds, les avaient sans doute effrayés.

Stryker avait ordonné au gros de leur armée d’établir un camp à trois kilomètres au sud de la tour, et il avait choisi une petite délégation pour rencontrer le Colonel Jarov. Cette délégation comprenait le Major Maddox, le Capitaine Tews et le Général Asheth Magnus. Il avait voulu laisser Magnus derrière lui, mais il ne pouvait pas l’exclure de réunions aussi importantes sans compromettre la mission.

Ils traversèrent la ville en silence et trouvèrent le Colonel Jarov et deux autres hommes devant les portes de la tour. Des soldats les regardaient depuis les créneaux qui les surplombaient. Jarov était un homme de petite taille, solidement bâti, âgé d’une cinquantaine d’années. Ses traits bruts et son nom de famille suggéraient une descendance khadoréenne, même si sa lignée n’avait pas affecté son ascension au sein de la Résistance. Les deux hommes se tenant à côtés du colonel attirèrent immédiatement l’attention de Stryker. L’homme de droite avait l’air d’avoir une quarantaine d’années, était grand et mince, voire maigre, avec une fine moustaches et des traits marqués. Ses cheveux noirs étaient longs et attachés en catogan. Son manteau noir était rabattu au niveau de la taille, exposant le pistolet cinémantique à double canon sur sa hanche droite et un long sabre mékanique sur sa gauche. L’arme ne laissait aucun doute dans l’esprit de Stryker quant à la profession de l’homme, mais la rose stylisée épinglée sur son revers le confirmait. Il avait clairement été un mage balisticien du défunt Ordre Loyal de la Rose Améthyste, et un vétéran de plus.

L’homme à la gauche de Jarov se heurta à la menace silencieuse du mage balisticien lui faisant face. Le second homme était de taille moyenne, bedonnant, le visage caché par une barbe sombre  et mal entretenue. Stryker aurait pu le pendre pour un réfugié si son armure, qui n’était de fabrication llaelaise. Il s’agissait d’une armure de pionner cygnaréenne, très réparée, et bien que des morceaux avaient été remplacés, elle était toujours reconnaissable pour ce qu’elle était. De nombreux soldats cygnaréens avaient été laissés sur place après le retrait de Merywyn, et certains avaient choisi de continuer à se battre aux côtés de la Résistance. Techniquement, ces hommes et femmes étaient des déserteurs, mais Stryker pouvait comprendre leur position, même s’il était courageux -et un peu téméraire – pour cet homme de s’exposer ainsi.

« Bienvenue, Seigneur Général Stryker », prononça le Colonel Jarov lorsqu’ils s’approchèrent. Il s’avança et lui tendit la main. Stryker n’avait jamais rencontré le colonel, mais Jarov avait la réputation d’être un chef et un tacticien compétent.

Stryker saisit la main de Jarov. « Merci, Colonel. J’apprécie que vous nous rencontriez, surtout à la lumière du refus de mon gouvernement d’impliquer la Résistance dans cette invasion ».

Jarov grimaça et relâcha la main de Stryker. Stryker voulait d’abord en finir avec l’horrible vérité de la situation avant qu’ils ne parlent d’avantage. « Oui, il est regrettable que votre nouveau roi ne nous fasse pas confiance pour libérer notre propre nation ... » Il marqua une pause, puis adressa un sourire fatigué à Stryker. « Mais nous sommes des soldats, n’est-ce pas ? Et nous devons faire ce qu’on nous dit. Au bout du compte nous voulons la même chose – un Llael libre ».

« Quand tout sera terminé, le Llael et le Cygnar seront frères, unis par les liens de la bataille et du mariage », déclara Stryker.

« Nous serons un état vassal de Cygnar, vous voulez dire », déclara le mage balisticien derrière Jarov. « Avec une reine fantoche sur le trône ».
Jarov lança un regard noir à l’homme, puis reporta son attention sur Stryker. « Seigneur Général, voici le Capitaine Vayne di Brascio de l’Ordre Loyal de la Rose Améthyste. C’est un féroce combattant, mais pas un diplomate, j’en ai bien peur.

« Tout va bien », déclara Stryker. « J’admire depuis longtemps l’habilité de votre ordre, Capitaine. Et je suis reconnaissant pour votre aide. Avez-vous rencontré la Princesse Kaetlyn.

Le mage balisticien secoua lentement la tête.

« Alors, faites-moi confiance quand je dis vous dis que cette fille … cette femme, ne sera pas la marionnette d’un homme. Elle une di la Martyn, ne vous y trompez pas ».

« J’ai beaucoup entendu parler de vous, Seigneur Général », dit le Capitaine di Brascio. « Et je sais que vous êtes un ami de Llael. Vous avez vaillamment combattu pour elle, mais votre roi nous insulte, et certains disent qu’il ressemble trop à son père ».

« Cela suffit, Capitaine », dit Jarov. « Ce n’est ni le moment, ni l’endroit pour de telles discussions, si vous le voulez bien ».

Stryker ne répondit pas, mais l’homme était perspicace, et il faisait écho aux craintes de Stryker à propos de Julius.

« Comme vous voulez, monsieur », dit le capitaine.

« Permettez-moi de vous présenter mes officiers supérieurs, Colonel », dit Stryker, « désireux de changer de sujet. « Voici le Commandant Elizabeth Maddox ».

« La Libératrice de Llael », dit Vayne avec un rire amer. Stryker l’ignora, mais Maddox grimaça en réaction.

« Cette brute de la taille d’un warjack est le Capitaine Tews. Il commande mon infanterie Lame-Tempête ». Le grand Lame-Tempête fit un signe de la tête au colonel. Stryker se prépara à la dernière présentation. « Et voici le Général Asheth Magnus, mon second ».

L’homme en armure de pionner, derrière Jarov, inspira brusquement, les yeux écarquillés. « Il s’avança vers le colonel. « Monsieur, cet homme est un traître et un criminel », dit-il. « Nous ne pouvons pas traiter avec lui ».

L’homme était indéniablement un ancien militaire cygnaréen, et son évaluation directe et peu diplomatique de Magnus n’était pas surprenante. Jarov fronça les sourcils. « Mes excuses, Seigneur Général, mais le capitaine Gibbs a raison. Pourquoi Asheth Magnus est-il parmi vous ? »

« J’ai été gracié par le Roi Julius », dit Magnus avant que Stryker ne puisse répondre. « Et je suis à nouveau un fidèle sujet de Cygnar ».

L’estomac de Stryker se noua. Il pouvait comprendre leur méfiance à l’égard de Magnus mais il avait besoin de leurs informations, et il se retrouvait donc dans la position peu enviable de défendre un homme qu’il détestait. « C’est vrai, colonel. Le Roi Julius a la plus grande confiance dans le général, et son expérience militaire nous sera très utile ici. Les paroles lui brûlaient la langue ».

Jarov secoua la tête. « Je vous ai promis de vous donner toutes les informations dont je dispose, et je le ferai ». Il était visiblement perturbé par la présence de Magnus, mais Stryker était soulagé que le colonel soit un homme de parole. « Suivez-moi ».

Les portes de la Tour Gris-vent s’ouvrirent. Des dizaines de soldats étaient déployés dans la cour au-delà. Ils se tenaient au garde-à-vous, le fusil à l’épaule. Qu’il s’agisse d’une subtile menace ou d’une démonstration de discipline llaelaise, Stryker ne pouvait le dire. Il se tourna vers Magnus, dont le visage était impassible et indéchiffrable. « Après vous, monsieur », dit Magnus, et Stryker franchit les portes.

* * *

LE COLONEL JAROV ÉCOUTAIT AVEC INTÉRÊT Magnus lui exposer dans les grandes lignes leur plan d’attaque de Croix-des-Fleuves. Ils étaient assis dans les appartements relativement somptueux du colonel, autour d’un feu de cheminée, un verre d’un bon vin llaelais à la main. Ils allaient passer la nuit à la tour, une dernière chance de dormir dans un lit et manger un repas chaud avant la longue marcher vers Croix-des-Fleuves.

Le Capitaine Vayne di Brascio s’était joint à deux, et l’expression du mage balisticien devenait de plus en plus sombre au fur et à mesure que Magnus exposait sa stratégie. La Capitaine Gibbs n’était pas présent ; peut-être craignait-il de passer trop de temps parmi des hommes qui pourraient le ramener en Cygnar en tant que déserteur, imagina Stryker.

Maddox ajouta de petits détails à l’explication de Magnus, principalement la logistique des troupes et la façon dont elles seraient déployées. Stryker et Tews restaient tous deux silencieux. Stryker se sentait de plus en plus mal à l’aise à l’idée que le Colonel Jarov n’ai rien dit jusqu’à présent.

Lorsque Magnus eut terminé, Jarov se racla a gorge et dit : « Votre plan est solide. En théorie, mais la réalité de la situation est bien différente de ce que vous aviez prévu ».

Magnus fronça les sourcils. « Veuillez expliquer, Colonel ».

« Je vais laisser le Capitaine di Brascio s’expliquer. Il a dirigé plusieurs patrouilles dans cette région et a été témoin de la situation a Croix-des-Fleuves. Capitaine ».

« Vous avez raison, Général, la partie ouest de la ville est toujours affaiblie, et ils s’attendent à ce qu’une attaque vienne de cette direction, c’est pourquoi vous avez choisi d’attaquer la partie occidentale de la ville ».

Stryker dit : « Mais ? »

« La partie orientale de la ville est fortement fortifié », poursuivi di Brascio. « Cette partie de Croix-des-Fleuves est restée en grande partie intacte après l’assaut initial khadoréen, et Harkevich a épuisé presque tous ses hommes et toutes ses ressources pour la reconstruire ».

« Bien sûr, nous nous attendions à ce que le Kommandeur Harkevich ne soit pas complètement préparé à un assaut », déclara Magnus, une pointe d’irritation s’insinuant dans sa voix.

« Il est plus que préparé », répondit di Brascio. « Elle est pratiquement imprenable de ce côté-là. Il a démoli tous les ponts sur le Fleuve Noir, à l’exception d’un seul, la Grande Porte, et c’est le seul moyen de traverser. Il dispose également d’une petite flotte de canonnières patrouillant le fleuve pour décourager quiconque serait assez fou pour tenter un traversée ailleurs ».

« Compris », dit Maddox. « Alors, nous prenons le pont. Quelles sont ses défenses ? »

« Considérable. La Grande Porte est une forteresse en soi, lourdement fortifiée et occupée par un bataillon entier de Man-O-War. Mais c’est pas le pire. Harkevich a récemment pris livraison de deux Conquêtes, et ils montent la garde à l’extrémité du pont ».

C’était un problème. Les conquêtes étaient de gigantesques warjacks, souvent appelés colosses. Ces sont de batteries d’artilleries ambulantes, armées de massifs canons double pouvant tirer des obus explosif jusqu’à mille six cents mètres.

Tews lança un regard noir à Magnus et serra ses énormes poings. « Nous serons embouteillés sur ce pont, ces foutus colosses élimineront nos gens sur le pont, peu importe ce que nos Murs-Tempête feront en retour », déclara Tews, nommant les homologues cygnaréens du Conquête, de gigantesques warjacks galvaniques qui pourraient remplir un champ de bataille de leurs immenses capacités destructrices.

« C’est exact », répondit di Brascio. « Les Conquêtes sont soutenus par des batteries d’artillerie lourde, et croyez-moi, Harkevich sait comment les utiliser ».

Magnus se frotta la bouche et regarda di Brascio. C’était la première fois que Stryker voyait l’homme troublé depuis son retour. Il éprouvait une sombre satisfaction de voir le plan parfait de Magnus s’effondrer, mais l’enjeu était bien plus important que de simplement voir son vieil ennemi humilié.

« Nous pourrions passer plus au sud de Croix-des-Fleuves et attaquer la ville par l’est », dit Stryker.

« Non, ça ne marchera pas non plus », dit le mage balisticien. « Harkevich a détruit tous les ponts suffisamment grands dans un rayon de cent soixante kilomètres autour de la ville. Une fois que vous aurez traversé le territoire occupé, il saura que vous arrivez et vous serez traqué tout au long du chemin. Sans oublier que cela lui donnera le temps d’obtenir des renforts de Rynyr.

« Alors, que recommandez-vous, Capitaine ? » demanda Magnus. Il était évident que celui faisait mal de poser cette question, mais il n’était pas idiot, et di Brascio était désormais leur seule chance.

« Je pense que votre plan est toujours valable », déclara di Brascio. « Attaquer depuis l’ouest vous offre l’élément de surprise. Vous pouvez atteindre la ville sans être inquiété et sans alerter Harkevich. Mais une fois que vous y serez, se sera un casse-tête … à moins que vous ayez une aide à l’intérieur ».

Magnus pencha la tête. « Que voulez-vous dire ? »

« Comme vous le savez sans doute, le Kommandeur Harkevich est le commandant militaire de Croix-des-Fleuves, mais de puissants princes marchands kayazy ont également des intérêts dans la ville ».

Styker n’aimait pas la tournure que prenaient les événements.

« Un homme, le Seigneur Pitor Aleshko, supervise les intérêts commerciaux de la ville ».

« Attendez. Comment cela nous nous aiderait ? » demanda Maddox. « Savez -vous quelque chose d’utile sur cette homme ? »

di Brascio se rassit sur sa chaise et croisa les bras sur sa poitrine. « À vrai dire, je n’en suis pas sûr », admis-t-il. « Ce que nous avons entendu ne sont que des rumeurs, même si elle sont suffisamment intrigantes pour être écoutées. Nous entendons dire qu’il est aussi corrompu que Harkevich est patriote, une homme toujours à la recherche d’un moyen d’accroître sa richesse et son pouvoir. Il a repris toutes les opérations lorsque l’homme qui le précédait a été exécuté par le Protectorat ».

« Magnus ajouta : « De tels hommes sont plus faciles à gérer que des patriotes idéalistes comme Harkevich ». Stryker ne manqua pas le regard en coin que Magnus lui lança.

« Oui, exactement ce que je pense », déclara di Brascio. « Il peut-être approché ».

Stryker réfléchit à ses choix. « Si cet homme est aussi indigne de confiance que vous l’entendez, pourquoi le contacterions-nous ? Il n’est pas assez stupide pour nous ouvrir les portes, peu importe ce qu’on lui versera ».

« Je vous donne cette information uniquement parce que je l’ai et parce que vous ne pouvez pas prendre la Grande Porte par un assaut frontal ».

« Capitaine, j’ai une armée derrière moi et assez de puissance de feu pour raser Croix-des-Fleuves ».

« C’est votre intention, Seigneur Général ? » demanda Jarov. « De nombreux citoyens llaelais fidèles vivent encore sous le joug de l’oppression khadoréenne à Croix-des-Fleuves ».

Une bouffée de chaleur monta au visage de Stryker. « Non, bien sûr que non », dit-il. « Je veux simplement dire que nous pourrions être en mesure de prendre la Grande Porte sans avoir recous au Seigneur Aleshko ».

di Brascio secoua la tête. « Même si vous vous en emparez, vous perdrez beaucoup d’hommes et nous ne pourrez peut-être pas tenir la ville par la suite. Bien sûr, si la Résistance était impliquée ... »

« Mais ce n’est pas le cas », répondit Stryker. Il ne voulait pas s’engager sur cette voie, c’était trop tentant. « Je ne défierai pas mon roi plus que je ne l’ai déjà fait ».

« Alors, que recommandez-vous, Seigneur Général ? » demanda Magnus. La question était tranchante comme un poignard.

« Nous devrions voir le pont et ses défenses par nous-mêmes », déclara Stryker. Il regarda di Brascio. « Je ne doute pas de votre évaluation, mais ce n’est qu’un élément de l’équation. Vous ne comprenez pas les capacités de mes hommes aussi bien que moi ».

« Comme vous le dites », dit di Brascio, « mais je me bats pour le Llael depuis vingt ans. D’près mon expérience, Harkevich vous fera beaucoup de mal si vous l’attaquez de front ».

« J’apprécie votre franchise », répondit Stryker en le pensant. Le mage balisticien lui plaisait de plus en plus. L’homme était manifestement expérimenté, discipliné et bien informé. « Et vous nous avez donné des informations précieuses. Puis-je vous demander une dernière faveur, Colonel ? »

« Demandez », dit Jarov.

« Vos éclaireurs vous ont fournis des bons renseignements sur Croix-des-Fleuves et probablement sur la route entre ici et là. Pourriez-vous me prêter quelques-uns de vos hommes pour nous accompagner jusqu’à la ville ? »

« J’avais anticipé cette demande », dit Jarov. « Le Capitaine di Brascio et une unité de mes meilleurs éclaireurs vous accompagneront ».

« Je ne les mettrai pas en danger si je peux l’éviter », dit Stryker.

di Brascio rit. « Avec tout le respect que je vous dois, Seigneur Général, vous ne pouvez pas éviter cela ».

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Bonne lecture  ;)

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Une Épine dans le Pied de la Légion

Le Vassal Talgessin commença à faire face à l’inquiétante idée que sa proie avait peut-être été meilleur que lui. Ce serait une première depuis des décennies de chasse et certainement depuis que le patrouilleur avait accepté la bénédiction du Prophète. Il avait reçu l’ordre de localiser l’énigmatique menace qui s’était formée dans leurs camps occidentaux, ce qui ne l’avait conduit qu’à des sites de rejetons massacrés, à de la neige tachée de sang et, occasionnellement, à des restes mutilés de guerriers nyss corrompus, avec la tête coupée et manquante.

Ses supérieurs avaient refusé d’affecter des chasseurs supplémentaires tant qu’ils n’en sauraient pas plus. L’ennemi se déplaçait avec la même insaisissabilité que son propre groupe, et il ne laissait que peu de traces. Les seules traces cohérentes étaient des empreintes de pas d’individus de grande taille et lourdement armés. Talgessin soupçonnait l’ennemi d’avoir laissé ces traces à dessein, afin de tendre une embuscade.

Hier, Talgessin avait récupéré une penne de flèche sur un arbre au-delà d’un autre site de massacre. Elle portait les marques de l’éclat manquant de Raefyll, dont on sait qu’il s’était enfui pour échapper à la venue du Prophète. Cela expliquait certaines de leurs difficultés. Les Reafyll comptaient parmi les chasseurs septentrionaux les plus compétents. Les amener dans les bras de la Légion lui vaudrait certainement des éloges.

Il fit signe à ses patrouilleurs de rester à l’abri des arbres tandis qu’ils se dirigeaient vers un rétrécissement de la vallée glacée. Plutôt que de suivre les évidentes traces, il avait fait de minutieuses déductions concernant les déplacements de l’ennemi et pensait avoir déterminé les endroits où ils se regroupaient et campaient entre les batailles. Talgessin avait choisi de ne pas faire appel à des forces supplémentaires avait d’avoir confirmé la présence de l’ennemi de ses propres yeux.

Les ombres dans la forêt s’approfondissaient. Talgessin jeta un coup d’oeil pour voir si un nuage avait caché le soleil, mais le ciel demeurait clair. Il ne reçut aucun autre avertissement. Il eut suffisamment de temps pour émettre un rapidement sifflement semblable à celui d’un oiseau et de reculer avec l’arc levé et la flèche encochée. Ses jambes corrompues lui donnaient une mobilité que peu de gens pouvaient égaler, et dans ce cas, cela lui sauva la vie alors que des formes spectrales vêtues d’une épaisse armure et brandissant d’élégantes armes d’hast et des boucliers surgirent de l’obscurité entre les arbres. Il laissa voler une flèche et ressentit la satisfaction lorsqu’elle brisa le crâne nue de la première créature, la faisant s’effondrer en un tas de pièces d’armure s’entrechoquant.

À sa gauche, une autre ombre traversa les arbres pour intercepter son subordonné Klyvess. L’autre patrouilleur se retourna au moment où la silhouette se solidifiait, balançant déjà son arme dans un mortel arc latéral. Klyvess dut dégainer sa propre épée pour dévier le coup, et échapper de justesse à la frappe. Il s’élança, mais ne put pénétrer les épaisses plaques de métal. D’autres formes sombres s’avancèrent, les ténèbres se répandant comme une brume au-dessous d’elles. Talgessin fit un geste circulaire, pointant au lien, donnant l’ordre de retraite. Tous s’avaient que leur vie serait perdue s’ils n’étaient pas assez prompt à partir ; les patrouilleurs n’accordaient pas de valeur à la bravoure suicidaire et ne respectaient que ceux qui étaient capables de survivre. En sautant par-dessus un tronc d’arbre tombé à proximité, il rejoignit un subordonné nommé Reilsyn. « Nous nous rendons auprès du berger ! »

Les mots n’avaient pas quitté ses lèvres que d’autres rapides silhouettes émergeaient des arbres devant eux pour leur couper la retraite. Avant qu’il ne puisse discerner leur nature, il banda son arc et décocha une flèche directement dans la gorge de l’attaquant le plus proche. Le silhouette gargouilla et cracha du sang avant de tomber sur la neige, ce qui n’avait clairement aucun rapport avec les choses mortes en armure.

Ces nouveaux assaillant maniaient le claymores de son peuple. L’éclat Raefyll ! Il ne prit pas le temps d’y réfléchit. Il sauta dans un ravin à sa droite, trouvant une position sûre malgré le neige non dégelée et tassée, et entendit le bruit des lames qui s’entrechoquaient. Il ne jeta pas un regard derrière lui. La vie de ses camarades importait peu à côté de la nécessité d’informer ceux qui l’attendaient. Tandis que ses subordonnés mouraient derrière lui, Talgessin s’éloigna de la lisière de la forêt et s’enfuit tandis que des flèches frappaient le sol derrière ses talons.

* * *

Hylvess et Cylena regardaient de loin les morts-vivants faire leur macabre besogne. Elle ne pouvait observer leur profane assiduité sans éprouver du dégoûts et des doutes, mais Cylena refusait de détourner le regard. Elle avait pris l’habitude de rester dans les environs après les batailles pour observer l’étranger et ses sombres serviteurs. Elle jugeait important de ne pas oublier les horreurs auxquelles avait lié le sort de son éclat. Son visage demeurait vide, mais ses yeux laissaient deviner la pénitence tourmentée qu’elle endurait.

Dans son armure de warcaster, l’étranger Goreshade se tenait comme un roi ou un chef de guerre accompagné de chaque côté par des créatures tout aussi horribles. Elle avait appris leurs nom au cours des dernières semaines de cette peu recommandable alliance. Le Seigneur Maudit Tartarus, auquel tous les autres, à l’exception de l’étranger, se référaient, dominait ses subordonnés assoiffés de sang, Suneater et Kortesh. Ils récoltaient parmi les nyss corrompus tués et discutaient de leurs mérite comme des pêcheurs le feraient de leur prise quotidienne. L’étranger en prit quelques-uns, arracha leur crâne, scrutant les yeux morts et leur chuchotait comme s’il interrogeait les morts.

Ceux que Goreshade jugeait plus dignes d’intérêt étaient remis intacts au seigneur maudit, qui les prenait à part pour leur prodiguer d’impies soins. Tartarus inscrivait des runes profanes sur leur chair morte et appelait les glaciales ténèbres de l’au-delà pour qu’elles pénètrent dans leurs formes et actionnent leurs membres avec un simulacre de vie. Dotés d’armures et d’armes, ils rejoignaient leur file pour remplacer ceux détruits au combat. Des tous les survivants des Reafyll, seule Cylena avait le courage d’assister à ce processus.

Hyless s’adressa à elle à voix basse. « Nous avons perdu que Ghyl. Il a été tué par le patrouilleur avait de s’enfuir ».

Cylena soupira. « Il sera pleuré. Louons Nyssor, aucun autre ne l’a rejoint aujourd’hui ». Cylena sentit la colère de son lieutenant mais n’en tint pas compte. À la fin de la bataille, Hyvless avait demandé à poursuivre le patrouilleur qui s’enfuyait. Cylena avait refusé, obéissant à l’ordre de Goreshade de laisser fuir l’un des patrouilleurs. Cylena ne se souciait plus de savoir de quel stratagème il s’agissait.

Hylvess reprit la parole, encore plus bas. « Fysren est revenu de sa mission dans le sud. Il apporte des nouvelles passionnantes. Nous avons trouvé un autre allié possible, moins méprisable ».

Fysren est revenu de sa mission dans le sud. Il apporte des nouvelles passionnantes. Nous avons trouvé un autre allié possible, moins méprisable.

Cylena porta un doigt à ses lèvres. « N’en parle pas encore. Il a l’oreille fine ». Son regard se porta sur l’étranger en armure. Nous ne sommes pas encore prêts à prendre cette décision ».

« Pourquoi ? Tu ne crois sûrement pas que ces abominations honoreront leur accord ? »
Cylena fronça les sourcils et s’éloigna des non-vivants. Elle garda la voix basse, même une fois qu’ils eurent pris un peu de distance. « Je reconnais que chaque jour qui passe diminue la probabilité de voir arriver des renforts cryxiens. Nous continuons à effectuer ces petites frappes en marge plutôt que d’avancer sérieusement vers le coeur de notre ennemi. Pourtant, j’utiliserai cette créature contre notre ennemi. Il a toutes les raison de vouloir détruire Ethrunbal. Je me méfie de toute trahison, mais tant que ses objectifs et les nôtres coïncident, nous devrons tenir bon ».

« Rien de ce qu’il fait ne peut nous être bénéfique. Nous devons nous libérer tant que nous le pouvons ».

Les lèvres de Cylena se pincèrent et elle regarda son amie avec un regard noir. « J’ai fait eu vœu. Je verrai à ce que cela soit fait. Quoi qu’il en coûte, nous combattrons ceux qui ont mené notre peuple à la ruine ».

« Il y a d’autres personnes qui pourraient nous aider. Ces nouveaux amis- »

« N’ont pas encore prouvé qu’ils étaient dignes de confiance », interrompit Cylena. « Eux aussi pourraient chercher à nous utiliser et nous faire de vaines promesses. Je ne fais pas plus confiance à l’humanité qu’à ces horreurs. Celle-ci, au moins, je sais qu’elle est une ennemie acharnée de notre ennemi. Il n’est pas encore temps d’abandonner cette voie ». Son ton était résolu. Hylvess, bien que visiblement peu convaincue, hocha la tête et demeura silencieux.

* * *

Goreshade termina son interrogatoire mystique et remit le macabre trophée aux gantelets avides de Suneater. Les ténèbres enveloppèrent complètement l’imposante forme, qui s’empara de la tête coupée comme s’il s’agissait d’un objet précieux. La tête avait des oreilles distinctement pointues, un visage relâché par la mort et une chair pâle et exsangue qui contrastait avec ses cheveux noirs comme un corbeau. Goreshade sentit l’approche du Seigneur Maudit Tartarus et se tourna vers lui avec un léger signe de tête en signe de reconnaissance.

« Vous avez trouvé ce que vous cherchiez ? » demanda Tartarus, sa voix froide et inhumaine. Il parlait rarement et ses intonations avaient un accent particulier.

« Il n’y a aucun murmure concernant le dragon lui-même ». Les yeux de Goreshade brûlaient de colère. « Pas un seul témoin n’a vu notre proie. Il se cache bien, malgré inexplicable prolifération de rejetons. Les morts répètent sans cesse le nom de ‘Thagrosh’, notre meilleur lien avec Ethrunbal. Il n’y a rien de plus à gagner en interrogeant des intermédiaires de moindre importance. Nous devons l’inciter à se battre. Il est temps pour nous de réécrire les règles de ce jeu ».

* * *

Malentendus Tacites

le Primus Joxaal menait ses forces à travers les arides sables rouges avec une posture confiante, mais intérieurement, il craignait de s’être égaré. Malgré les meilleurs conseils de ses subordonnés, font un qui avait déjà effectué cette traversée, plusieurs étendues de ces déserts manquaient d’évidente géographie parmi les dunes mouvante, ce qui rendait ses cartes inutiles. Il était à la tête d’une manipule de prétoriens et de cyclopes, une importante composante de la plus large cohorte qu’il avait avait été envoyé renforcer. Ils avaient suffisamment d’eau et de nourriture, donc il savait qu’ils pourraient endurer, mais il savait aussi que s’éloigner trop au sud-est pourrait mettre toute sa mission en danger.

La tempête de vent s’était levée à l’aube et masquait le pic montagneux lointain qu’il avait utilisé comme repère. Quelques heures plus tard, lorsque le vent s’était calmé, le Dakar supérieur Lekask lui avait demandé : « Ce somment devrait-il être si loin sur la droite ? »

« Merci, dakar », avait répondu Joxaal, sans laisser paraître son agacement, et avait corrigé leur trajectoire en tournant plus à l’ouest. Il n’avait pas su pas si cela suffirait.

Le Dakar Lekask demanda plus tard : « Comment savoir si nous nous déplaçons là où nous devrions pas, » Joxaal avait froncé les sourcils. Bien qu’il soit un robuste et expérimenté guerrier, habile avec sa lame Lekask avait un crâne épais et un esprit quelque peu simple. S’il avait eu ces pensées, d’autres aussi.

« Il n’y a pas d’accord formel. Il s’agit au mieux d’un arrangement précaire. Si nous ne nous aventurons pas au-delà d’une ligne spécifique de collines, les fanatiques du sud nous laisseront passer. Si nous nous approchons trop près, ils attaqueront. Tant que nous nous dirigeons vers cette forteresse frontalière ennemie, qu’ils appellent « Mur-Levant », ils ne perdront pas de vie en tombant sur nos lames. Imaginez deux maisons qui se disputent, de part et d’autre de la rivière. Nos attaquent détournent une maison au profit de l’autre. Aucune des deux n’est notre amie ». Il devait souvent recourir à de telles comparaisons pour que Lekask puisse comprendre, mais cela ne dérangeait pas Joxaal tant que l’officier subalterne continuait à prouver sa férocité au combat.

« Primus ! » Un soldat à proximité cria pour attirer son attention, pointant du doigt la dune devant lui. Joxaal se protégea les yeux avec sa main et les plissa. Il remarqua une petite silhouette en robe regardant dans leur direction. L’instant d’après, la silhouette s’était retournée et avait disparu.

Joxaal partagea un regard significatif avec Lekask. « Cela ne présage rien de bon ».

* * *

Le Haut-Allégent Amon Ad-Raaza marchait dans les dunes, suivant une ligne de terrain stable et élevée où les vents avaient balayé le substrat rocheux. Le convoi était composé d’un Punisseur, trois Derviches et un Dévot, tous promis à la Croisade du Nord. La cargaison était  moins importance que d’habitude, mais les intenses combats à Sul signifiaient qu’Imer avait moins de ressources à mettre à la disposition de Severius et de ses partisans. Amon était accompagné d’un certain nombre de chœur, de zélotes et d’un petit détachement de Chevaliers Exemplaires qui devaient rejoindre la croisade. Les zélotes et le choeur s’occupaient de plusieurs chariots de ravitaillement tirés par des chevaux, dont une grande quantité de charbon et d’eau pour maintenir les warjacks opérationnels.

Il repéra une demi-douzaine de personnes, l’un des nombreux groupes de tribus nomades idriennes qu’Amon avait récemment recrutés pour lui servir d’yeux et d’oreilles à l’avant de le colonne, se précipiter à travers les dunes en direction de sa position. Aucun des voyages d’Amon ne s’était déroulé sans incident et, dans chaque cas, il avait été contraint de repousser les assaillants.

Les jeunes Errants Exemplaires, enthousiastes, tenaient leurs arbalètes prêtes, mais il fit signe à leur gardien de la foi de se retirer. « C’est Abidin Tar Raza ; il obéit à mes ordres ». Le gardien de la foi acquiesça mais ses hommes demeurèrent tendus, visiblement peu rassurés par la récente conversion de ces nomades à la foi menite. Amon n’avait pas pris la peine d’expliquer qu’Abidin et ses cousins étaient issu de a tribu du Haut-Allégent.. I s’agissait d’un groupe vaste et diversifié de familles, certaines n’ayant connu que des contacts ténus avec les autres, et Amon s’était efforcer de se promener périodiquement parmi elles et de les extorquer pour qu’elles adhèrent à la Vraie Loi. Il se souvenait avec une certaines honte des manières païennes de ses propres parents.

Les idriens les rejoignirent rapidement et s’inclinèrent respectueusement devant Amon. « Une force d’hommes chauve avance juste au nord, bien au-delà des balises ». Les idriens utilisaient cette appellation pour désigner les skorne, qu’Amon ne connaissait que trop bien.

« Aussi loin à l’est ? » Il était impossible de déterminer l’expression d’Amon derrière son masque, mais ses poings se crispèrent sur la chaîne d’Oblivion. Il s’était rangé du côté de ceux qui s’opposaient à ce que les skorne traversent la région, même s’il comprenait l’utilité de leur permettre d’attaquer Mur-Levant et d’attirer ainsi les cygnaréens de Sul. « Ils sont devenus audacieux. Ont-ils l’air prêt pour un siège ? » La trajectoire qu’ils semblaient vouloir suivre les envoyait vers la Tour du Jugement, qui avait subi les assauts des skorne au cours des mois précédents.

Abidin expliqua la disposition des forces, principalement des soldats marchant avec peu de soutien apparent. Amon regarda vers le nord et réfléchit, mais il n’avait pas le luxe du temps. « C’est étrange. Ils doivent avoir une autre tâche à accomplir. Une telle force ne survivrait jamais face à la Tour. Ils mettent notre patience à l’épreuve. Nous devons les écraser ».

Le Gardien de la Foi Farnor Alkon, resplendissant dans la lourde armure de son ordre, s’était approché pendant l’échange. « Qu’en est-il de notre mission ? Cela pourrait nous retarder. Envoyons un message à Imer et dépassons-les ».

Amon fixa le Gardien de la Foi avec une force presque tangible et finalement l’exemplaire détourna le regard. Amon répondit lentement, comme s’il s’adressait à l’un de ses élèves. « Je sais que vous êtes impatient de vous mesurer aux païens du nord, mais nous ne pouvons pas permettre à ces impies envahisseurs de violer nos frontières. Je pensais qu’il avait compris, mais il est clair que nous devons l’avertissement plus profondément dans leur chair ».

* * *

Vieilles Inimités

« Le corbeau tempête revint donc en boitant, vaincu. » Adressa le Tout-Puissant Dahlekov au druide qui revenait. « Rovson m’a fait part de ton échec. Le fait qu’il soit encore en vie est au moins une petite chose à mettre à ton crédit ».

Le visage de Krueger l’Ire de l’Orage était livide, un tressaillement parvenant à son œil droite, à la mention par Dahlekov de ce grand protecteur du Cercle septentrional, le lupomorphe pur-sang Rosvon. Krueger devait à ce lupomorphe d’avoir survécu à la récente bataille contre les khadoréens, mais cela n’empêchait pas le druide d’en vouloir à la créature d’avoir si rapidement fait part de son échec. « Tu nous as envoyé mal préparé et as prédestiné notre défaite. Je te l’avais dit dès le début que cela nécessiterait une force plus importante, mais tu m’as allégrement ignoré ».

Le visage ridé du druide âgé garde une face impassible. « Tu me réponds. Je ne te réponds pas. Si tu choisis de parler à voix haute de tes faiblesses, tu devrais me remercier pour l’instruction. J’avais une foi inébranlable en toi, mais aujourd’hui le Boisombre est occupé. Pendant de longs siècles, nous avons tenu ce bastion sacro-saint. Maintenant, la carogne s’en est emparé. Je pensais que tu étais devenu mon égal. Je vois que je me suis trompé ».

« Comment t’est tu débrouillé lors de tes propres combats contre elle, Dahlekov ? Tu me réprimande tout en te cachant dans ta clairière et en accumulant tes forces avec avarices. Il est stupide de sous-estimer un ennemi qui tend des embuscades à notre ordre depuis des millénaires ».

« Je suis lassé de tes excuses. La restauration du Boisombre t’incombe. Je t’ai défendu maintes et maintes fois devant le conseil. Même moi, je me lasse de ton tempérament. Je ne tolère ton insolence que dans la mesure où tu reste une arme redoutable. À défaut, je n’ai que faire de toi ».

« Permets-moi de rassembler les personnes de mon choix. Ne m’en empêche pas ».

Le Tout-Puissant fit un geste dédaigneux de la main. « Faits ce que tu as à faire. Sache que Lortus a déjà assigné le Pierrefendeur à d’autres tâches, ne le dérange donc pas. Tu peux avoir ce dont tu as besoin, dans les limites du raisonnables. N’attends pas trop longtemps pour frapper. La carogne profite de l’occasion pour nous frapper ailleurs. Bientôt, elle se déplacera vers le nord, dans les terres où l’armée du dragon s’agite ».

Krueger fit une petite révérence à contrecœur et se tourna vers la sortie. Il s’arrêta au son de la voix du tout-puissant prenant la parole après une pause de réflexion.

« Krueger, il est fort probable qu’elle te provoque pour faire diversion et attirer nos forces à l’extérieur. Nous ne pouvons pas laisser d’autres sites vulnérables. Elle a manipulé les khadoréens en leur faisant croire que nous sommes responsables des nombreux maux qui les accablent depuis peu. Traverser les terres du nord de ces moments est dangereux pour un cape noir ».

« Je ne crains ni les vieux mythes ni les superstitions. Je vais où je veux et quand je veux ». Krueger s’éloigna à grand pas, ses yeux féroces promettant de batailles à venir.
« Je ne crains ni les vieux mythes ni les superstitions. Je vais où je veux et quand je veux ». Krueger s’éloigna à grand pas, ses yeux féroces promettant de batailles à venir.


* * *

Le Lieutenant Kommandeur Vojin Zavor chevauchait aux côtés du nouveau Kapitan Ivdan Malkevich envoyé pour renforcer sa position. Sa compagnie, fraîchement arrivée de Volningrad, s’étirait derrière lui et progressait rapidement. Le jeune kapitan semblait clairement mécontent et malheureux d’avoir été envoyé au nord-ouest. Vojin avait déjà vu ça auparavant ; il savait que le Kapitan avait reçu ce commandement lors de sa promotion et qu’il rêvait de se rendre à Corbelgarde pour affronter ces chiens cygnaréens du sud. Il avait probablement pris cette affectation comme un signe de défaveur et ruminait les erreurs qu’il avait pu commettre. Aucun soldats ambitieux n’aspirait à rejoindre la Troisième Légion Frontalière.

Robuste et costaud, même selon les standards khadoréens, Vijin Zavor avait des épaules carrées et des stries grises dans son épaisse barbe. Les cheveux plus foncés et plus épais au nouveau de ses tempes avaient commencé à reculer et des pattes d’oies tapissaient le coin de ses yeux. Malgré son âge, l’intensité de son regard demeurait intact, tout comme le ton impérieux de sa voix lorsqu’il s’adressait à ses hommes. Son visage couvert de cicatrices portait les traces de nombreuses blessures anciennes. Il lui manquait deux doigts à la main gauche et, lorsqu’il se déplaçait à pied, il boitait fortement. Malgré tout, aucun officier parmi ses subordonnés n’aurait parié contre lui dans une bagarre. Dans sa jeunesse, il avait lutté contre des ours pour gagner de l’argent après de la foule lors de fête foraines itinérante près de Skirov. Ceux qui l’avait vu sans veste ni chemise parlaient de vieilles cicatrices sur tout son torse.

Dans certains milieux, on l’appelait le « Kommandeur d’Agha », car personne n’avait combattu plus longtemps au service de Zevanna Agha, la « Vieille Sorcière de Khador ». Cela lui conférait une réputation sombre et sordide qu’il utilisait à son avantage et semblait apprécier. Techniquement rattaché à la 3ème Armée au sein de la Troisième Légion Frontalière, la Kommandantura le postait partout où Zevanna le demandait et lui donnait le commandement des forces qu’elle souhaitait. Partout où Vojin se rendait, un flot de paperasse confuse suivait, les administrateur de l’armée inventant des explications plausibles pour les mouvements de troupes et les affectations de warjacks.

« Venez, Ivdan, chevauchons en tête ». L’officier supérieur bourru tira sur les rênes et fit galoper son cheval noir en direction de la colline. Le kapitan, manifestement inexpérimenté en selle, n’eut d’autre choix que de suivre moins confortablement sur sa jument brune. C’était une journée relativement chaude pour le début de printemps, mais le vent charriait avec lui l’odeur nauséabonde de quelque chose de gâté et pourri.

Alors qu’il avaient gravi la montagne et poursuivaient leur descente vers les ruines d’un village fumant, le kapitan commença à comprendre. « Qui a fait cela ? » Quelque chose avait clairement massacré tout le monde le village. Les mouches s’agglutinaient en nuages épais au-dessus de cadavres. La fumée qui s’échappait de quelques incendies persistants n’atténuait que légèrement l’odeur de la mort.

« Venez, voyez de vos propres yeux. C’est important ». Vojin souriait avec une férocité légèrement maniaque. Le kapitan hésitât, mais força sa monture à avancer, ignorant ses protestations tandis que ses yeux roulaient et qu’il piaffait mal à l’aise. « Allons-y à pied ». Le cheval de Vojin semblait bien habitué à de tels sites et pas du tout troublés par le carnage. Les deux descendirent de cheval. Vojin put voir à l’expression d’Ivdan que le fait d’être encore plus proche ne faisait qu’empirer les choses. Il hocha la tête d’un air satisfait. « L’une des premières tâches de votre kompagnie sera de donner à ces morts un enterrement digne de ce nom. Il vaut mieux s’habituer à l’odeur. Vous devez être déterminé lorsque vous commandez vos hommes. Ils ne peuvent peuvent pas voir le dégoût ».

Ils se dirigèrent vers un amas de cadavres bien visibles. D’étranges brutes musclées aux visages grotesques, des créatures de pierres et de bois et des hommes vêtus de peaux de loups gisaient au milieu de khadoréens morts. Les officiers remarquèrent des uniformes de l’armée khadoréenne, principalement des Gardes des Glaces, parmi les morts. Certains étaient jeunes, comme les hommes fraîchement arrivés de Volningrad qui se déplaçaient en se moment vers leur position. Le kapitan déglutit et tenta de maîtriser son choc.

Vojin s’exprimait presque avec désinvolture. « Les combats ont été brutaux ici. Malheureusement, mes forces sont arrivées tardivement alors que le village pour ainsi dire mort. Nous avons fait ce que nous pouvions pour les venger ». Il regarda Ivdan. « On m’a dit que vous avez été élevé dans la foi menite, Ivdan. Est-ce exact ? »

Le kapitan cligna des yeux, confus, avant de quitter les cadavres des yeux. « Oui, monsieur ».

« Je sais que vous n’êtes pas heureux de vous joindre à nous, de venir la servir. Il est probable que les prêtres vous ont farci la tête d’inquiétude. Vous pensez qu’elle est quelque chose de peu recommandable, quelque chose qui surgit des ténèbres ».

Le kapitan se racla la gorge : « Monsieur, je suis les ordre. Je suis ici pour servir- »

« Taisez-vous. Vous connaissez les histoires de Menoth et sa guerre contre le dévoreur. Le Bête au Mille Formes. Le Vomisseur de Ténèbres. Le vieil ennemi ». Il agita une main gantée vers les cadavres et les mouches. « Ici, vous pouvez voir que certaines vieilles histoires sont vraies. Je sais que vous espériez la gloire dans le sud, à Corbelgarde, mais ce que nous faisons ici est important. C’est pourquoi nous nous battons. Le Dévoreur se déplace parmi nous ici. Les fous des terres sauvages rôdant dans la forêt, des capes noirs, viennent voler les enfants durant la nuit. Vous avez entendu parler d’eux, vous les avez considéré comme un mythe. Je vous le dis, ils sont réels ».

Le kapitan baissa les yeux vers les étranges monstrueux cadavres. Peu d’hommes sains d’esprits pourraient prétendre au doute ou à l’incrédulité face à cela.

Vojin continuait à parler d’une cadence basse et hypnotique. « Ils viennent détruire ce que nos ancêtres ont oeuvré à construire. Ils réveillent ces monstres des ténèbres et les envoient contre nous. Celle que je sers se dresse contre eux. Elle que nous rejoignons. Elle est… différente de toutes les personnes que vous avez rencontrées. Elle va vous faire peur. Il n’y a aucune honte à cela. Comprenez que nous nous battons contre de telles horreurs. Vous êtes arrivés sur un étrange champ de bataille. Certains mythes marchent, kapitan. Ils ont des dents et ont soif de vous arracher la gorge ». Il toucha l’arme à feu à sa ceinture. « Ils saignent, et nous avons les armes pour les abattre ».

Il s’avança pour pousser un cadavres sur le dos avec sa botte. Le kapitan recula, dégoûté de voir une femme mutilée au point d’être méconnaissable. Le voix de Vojin était à la fois triste et en colère. « Celle-ci à probablement des fils. Peut-être vous êtes-vous entraîné avec eux. Peut-être combattent-ils à Cobelgarde. Je vous le dis, ses fils échangeraient volontiers leur place avec la votre. N’oubliez pas cela lorsque nous rejoindrons celle qui dirige notre défense de la Mère Patrie. Souvenez-vous en lorsque nous combattrons des sectateurs qui voudraient éclipser le soleil et nous donner en pâture aux loups ».

4
COMPTES À RÉGLER

par Doug Seacat

Situation des Trollkin, Printemps 607 AR

Le Lieutenant Harwin Keltreeve du 401ème Fusiliers, avait disposé ses hommes, fusils prêts, le long de la colline surplombant le goulet du fleuve. La plupart des soldats de ses six escouades sortaient de formation. Il arrivait fréquemment que la garnison de Crovis serve de réserve jusqu’à ce que les troupes soient envoyés au front. Les tensions étaient vives et ils s’inquiétait des démangeaisons des doigts sur la gâchette sur la ligne de front.

Leur position surplombait le fleuve Noir, dont les berges étaient basses à cause d’un récent manque de pluie, à l’un des ses points les plus étroits entre Corvis et Fort Falk. Elle permettait également d’éviter son problème. Le Lieutenant Keltreeve était venu enquêter sur un problème de trafic fluvial, signalé par un navire qui avait fait demi-tour et était revenu à Corvis, et à son arrivée, il avait découvert un blocus imposé composé de vieux bateaux amarrés en ligne d’une rive à l’autre.

Dans la brume matinale, il distinguait sur la rive opposée un nombre croissant de chariots et de bêtes de somme. Il avait envoyé l’un de ses sergent, munis d’une longue-vue, descendre jusqu’au bord du fleuve pour mieux voir. L’homme avait signalé que la rive opposée grouillait de centaines de trollkin, dont des femmes et des enfants. Des trollkin oeuvraient également à attacher les vaisseaux du blocus avec des cordes et des chaînes.

Après tout, ce n’était pas un blocus. C’était un pont. Les trollkin traversaient le Fleuve Noir et Keltreeve ne savait pas s’il devait les arrêter.

« Et maintenant, monsieur ? » demanda le Sergent Jasper Twineford en observant les bateaux regroupés au nord et au sud de la ligne. Le trafic fluvial était faible, il faudrait donc un certain temps pour vraiment reculer, mais Kaltreeve pouvait déjà remarquer les membres en colère d’un équipage hurler sur les trollkin et brandir des armes à feu. « Les voila qui arrivent... » dit le sergent en désignant le pont-bateau.

Les trollkin commençaient à traverser. Bien qu’ils ne soient ni élégants ni rapides, il avaient manifestement trouvé un moyen fonctionnel de travers le fleuve à gué. Les éclaireurs avaient confirmés qu’il y avait parmi eux de gros trolls, des montres de plus de deux mètres de haut qui mangeraient volontiers un homme vivant plutôt qu’une vache ou une autre bête. Le rumeur disait que les trolkin avaient des moyens de les garder sous contrôle, mais le lieutenant n’avait aucune envie de tester cette théorie.

« Il doit s’agir des mêmes tribus que nous avons laissé passer il y a six mois sur ordre du roi », songea Kaltreeve. « Personne n’a dit qu’ils devaient rester dans le Bois Scintillant ».

« Les Dents de Thamar, il y en a beaucoup ! » jura le sergent en crachant dans l’herbe. « C’est notre meilleur chance de les arrêter. Ils sont vulnérables sur les derniers bateaux. On pourrait les abattre facilement... »

« Ils pourraient simplement envoyer quelques trolls nager de l’autre côté pour nous manger. Si on les contrarie, ils pourraient se retourner contre Corvis. Tu veux tirer sur des femmes et des enfants sans ordre, Twine ? »

« Ce ne sont que des trollkin ». Cette plaisanterie ne provoqua qu’un regard renfrogné de la part du lieutenant, et le sergent devint rouge. Il se redressa et s’éclaircit la gorge. « Non, monsieur. Bien sûr que non ».

« Ce sera la décision du capitaine, pas la mienne ». Insista le lieutenant. « Tenez-vous prêt. Si un troll fait le moindre pas vers notre direction, faites-le changer d’avis. Sinon, jusqu’à ce que nous ayons des ordres contraires, nous les laissons passer ».

* * *

Le rigoureux hiver avait persisté, prolongeant les températures glaciales jusqu’au début du printemps, mais avec le dégel apparurent des dangers et des opportunités. Madrak Cuirdefer et nombres de ses membres de sa famille prêts au combat s’étaient retranchés dans les Pics de l’Échine du Dragon depuis assez longtemps. Ils s’étaient emparés d’une petite forteresse de ravitaillement dans les collines, abandonnée par l’Armée Cygnaréenne au plus fort de l’hiver, et malgré les efforts sporadiques de petits groupes de soldats cyganréens pour les déloger, les trollkin avaient traversé l’hiver avec peu de pertes. Les préoccupations majeures de Madrak ne concernaient pas les membres de sa famille se trouvant à ses côtés, mais plutôt des milliers venant de l’est pour les rejoindre. La distance était géographiquement, mais il ne savait pas s’ils seraient en sécurité. Kargress, la compagne de Madrak, était parmi eux.

Le plus grand problème ici, au sein des pics, était la faim. Ils avaient épuisés les réserves de nourriture du fort de ravitaillement et le gibier local se faisait rare dans ces collines escarpées. Bien que défendable, l’endroit ne pourrait jamais subvenir aux besoins des kriels. Les trollkin devaient manger et les trolls pur-sang devaient manger encore plus. Les trolls avaient accouchés et semblaient de plus en plus sauvage de jour en jour. De plus en plus, Madrak considérait ses trolls sanguinaires comme une ponction sur de limitées ressources. Il avait atteint ses limites en essayant de les empêcher de s’aventurer à la recherche de nourriture. Les éclaireurs pygmées avaient étudié les environs, permettant à Madrak de cartographier les défenses cygnaréennes les plus proches.

Les membres de sa famille se rassemblèrent à son appel à l’extérieur du fort, armés et prêts, avec une lueur d’impatience dans les yeux. De plus en plus souvent, même ceux qu’il croyait loyaux se montraient mécontents Il avait entendu certains marmonner qui auraient souhaité rejoindre la longue marche du Modeleur de Destin vers les Landes Noueuses.

« Guerriers, écoutez mes paroles ! » La voix de Madrak portait bien dans l’air calme et froid. « Je sais que cela fait de longues semaines que vous n’avez pas vu vos compagnes ou vos enfants. Nous ne sommes pas là où nous devrions être. Nous ne sommes pas encore chez nous ».

Cette phase fut accueillie par un fort assentiment. Il les laissa s’époumoner avant de lever une main blafarde en signe de silence. « Nos proches viennent nous rejoindre. Les coureurs annoncent qu’ils sont en marche, traversant le Fleuve Noir, qu’ils quittent le Bois Scintillant. Devons-nous attendre à ce qu’ils arrivent ici et qu’ils campent au milieu de pierre glaciales et de montagnes arides ? » Madrak pouvait lire sur leurs visages enthousiastes que ses paroles les avaient atteints. Il exprimèrent un grand choeur de déni à cette question rhétorique.

« J’ai choisi une terre pour nous. Nous devons la prendre par la force et la sécuriser pour que nos proches puissent s’y réfugier en toute sécurité. Je ne sais pas si ce sera un foyer durable, mais se sera un meilleur abri que ceux que nous avons eus jusqu’à présent. J’espère qu’il nous offrira un répit après les effusions de sang, de la nourriture en abondance et un endroit où nous pourrons garder la tête haute et envisager un avenir plus radieux ».

Des acclamations suivirent, et Cuirdefer savait qu’il devait prononcer la suite, même si cela devait refroidir leur ardeur au combat. « Écoutez-moi ! Ceux que nous allons combattre ont tous les droits de défendre leurs terres contre nous ». Cette phrase fut accueillie par des sifflements et des protestations, et il attendit qu’ils se taisent. « Ils veulent survivre et nourrir leurs familles. Nous avons des griefs légitimes, mais ceux que nous combattons ne sont pas à blâmer. Ils paieront un lourd tribut pour les choix de leurs lointains dirigeants. Nous qui avons souffert, nous apportons maintenant la souffrance. N’infligeons pas plus que ce que nous devons ».

Il fit une pause pour laisser passer le message avant de poursuivre. « Dans les années à venir, ceux que nous combattrons aujourd’hui vivront à nos côtés. Quand ils se rendront, acceptez. Ne laissez pas les trolls se nourrir des ceux qui déposeront les armes ? Combattez courageusement. Écrasez tous ceux qui vous menacent, vous ou vos proches, mais lorsque le courage de vos ennemis faiblit et qu’ils implorent votre pitié, posez vos lames ».

Il savait que ses paroles les avaient atteint. Il leva Rathrok. « Au combat ! »

* * *

L’Armée Cygnaréenne avait abandonné Spinepoint, mais elle surveillait la route au cas où de dangereux trollkin déciderait d’émerger. Un campement complet du Château Pont-de-Pierre attendait au pieds des montagnes. La route sinueuse menant au fort restait escarpée et traîtresse malgré le récent dégel. Chaque semaine, les officiers choisissaient quelques malchanceux soldats pour s’occuper des points de passage et leur demandaient de se replier s’ils étaient confrontés à une force supérieure.

Le Caporal Gart Welter et le soldat Kiel Parlman du 267ème Pionniers tenaient la mitrailleuse au point de contrôle le plus élevé, juste en bas de la route et au détour d’un virage du fort lui-même. Le poste avait été dangereux au début de l’hiver, lorsque les affrontements avec les trollkin étaient fréquents, mais il n’y avaient eu aucune activité depuis des semaines et maintenant ils s’ennuyaient. Le champ de tir de la mitrailleuse enterrée était excellent et couvrait un tronçon de toute entre les imposants arbres. Plus tôt dans la saison, ils avaient maintenu une force plus importante, mais tous les autres s’étaient repliés.

Dans les années à venir, ceux que nous combattrons aujourd’hui vivront à nos côtés. Quand ils se rendront, acceptez. Ne laissez pas les trolls se nourrir des ceux qui déposeront les armes ? Combattez courageusement. Écrasez tous ceux qui vous menacent, vous ou vos proches, mais lorsque le courage de vos ennemis faiblit et qu’ils implorent votre pitié, posez vos lames.

Une escouade de leur frères du 267ème, actuellement chargés de transporter des pierres pour renforcer le mur impromptu protégeant leur position, accompagnait les servants de mitrailleuse de tranchée. Les inondations et les coulées de boues avaient rendu la route presque impraticable et elle nécessitait d’importantes réparations pour supporter un trafic plus intense, comme les renforts dont les hommes ont besoin pour faire face au problème trollkin.

« Là-bas ». Parlman pointa du doigt la fumé qui s’élevait au-dessus de la limites des arbres. « Ce doit être le laborjack’ qu’ils avaient promis pour aider aux travaux lourds ».

Les autres pionniers prirent cette nouvelle comme une excuse pour faire une pause, fumer un cigare et harceler les artilleurs parce qu’ils étaient assis. « Nous avons reçu l’ordre de surveiller la route, alors c’est ce que nous faisons », insista le Caporal Welter avec un sourire en coin, en désignant le chemin vide.

L’arrivée du ‘jack s’avéra être une distraction bienvenue. Welter poussa un petit sifflement alors qu’un Cuirassé franchissait le virage, marchant devant un chariot tiré par des chevaux transportant du charbon et divers équipements. Un chef d’équipe corpulent tenait les rênes. À ses côtés et derrière lui se trouvaient plusieurs assistants, dont un jeune mékanicien humain et deux gobbers. Il salua les pionniers d’un sourire. « Chef Wiels Shackleton à votre service. Vous avez besoin d’un coup de main ? »

L’un des soldats regarda le warjack avec envie. « Comment mékano-vapeur comme vous a-t-il pu obtenir un Cuirassé ? Je pensais qu’ils enverraient un Hurly ».

Wields tapota affectueusement la coque du Cuirassé. « Ce vieux chien de guerre a été réduit en pièces lors du siège de Fellig. J’ai convaincu le Caporal Garsing de le remettre sur pied pendant mon temps libre. J’y ai consacré des mois de travail. Il y a quelques problèmes, bien sûr ; l’ouïe est un peu abîmée, les pistons de la jambe gauche sont faibles, mais il est prêt au combat. Pour l’instant, vous avez notre aide pour la route ». Alors que le ‘jack se mettait au travail pour soulever les pierres les plus lourdes et nettoyer les débris, les pionniers interrogeaient le chef sur les dernières nouvelles du front du Bois d’Épines.

« Le gaspillage d’un Cuirassé, soulever des pierres... » nota Welter depuis son confortable perchoir près de la mitrailleuse, ce qui ne lui valut qu’un regard noir de la part de ceux qui transpiraient à cause du travail.

Tout le monde se figea lorsqu’un rugissement guttural, le sol de quelque chose de grand, affamé et en colère, emplit l’air. Il semblait proche. Quelque chose fracassait des branches à travers les arbres. Les pionniers laissèrent tomber leurs rochers et s’emparèrent de leurs fusils. Le Caporal Welter se blottit derrière les plaques blindées de sa mitrailleuse. « Vous voyez quelque chose ? »

En réponse, une imposante forme bondit des arbres et atterrit avec un lourd bruit sourd sur la chaussée. La bête à la peau bleue se tourna vers eux, levant d’énormes poings, et poussa un autre rugissement qui fit que Welter faillit se pisser dessus. « Troll sanguinaire ! » L’un des autres caporaux hurla : « Feu ! Tuez-le ! »

Welter avait déjà le doigt sur la détente et il appuya sans réfléchir. La mitrailleuse se mit à tourner. Parlman n’hésita qu’un instant avant de se baisser pour s’assurer que la bande de munitions s’alimentait bien. Des coups de feu éclatèrent en provenance des autres pionniers. Welter vit des plaies saignantes s’ouvrir dans l’estomac et la poitrine du monstre, mais elles ressemblaient à des piqûres de moustiques et faisaient qu’accroître la colère de la créature. La chose se tourna directement vers Welter, les yeux perçants, et chargea la mitrailleuse. Ses blessures se refermèrent sous ses yeux. Le sang se figea dans ses veines. Il ne voyait que trop clairement sa propre mort dans cette bouche baveuse.

Il poussa un cri incohérent et continua à tirer. Soudainement, une nouvelle forme se dressa devant lui. Il cligna des yeux et relâcha la détente en identifiant le Cuirassé. Le chef d’équipe derrière eux cria : « Courez ! Quittez la route ! Sortez d’ici ! » Il avait envoyé le ‘jack pour gagner du temps mais l’escouade restait fascinée par la bête et le warjack se fracassant l’un contre l’autre.

Parlman se leva d’un bond et serra le poing en criant : « Écrase cette chose ! »

Malheureusement, le Cuirassé vacilla sur sa jambe la plus faible alors qu’il chargea et abattit son marteau juste à côté du troll sanguinaire. Il explosa une partie de la route, mais n’accomplit pas grand-chose d’autre. « Marteau sismique ! » cria le chef, mais trop tard. Le grand troll s’avança et frappa le Cuirassé avec son épaule. Six tonnes de ‘jack trébuchèrent en arrière sur le bord du précipice rocheux où la route s’incurvait. Le troll poussa un rugissement et leva ses énormes poings au-dessus de sa tête pour lui asséner une raclée punitive.

Le Cuirassé se remit sur ses pied et dut entendre l’ordre car l’énorme marteau qu’il tenait dans sa main gauche se mit à vibrer de puissance. Le warjack l’abattit, enfonçant la pointe du marteau dans le sol et provoqua une profonde cacophonie de craquements et de grondements. Le troll sanguinaire perdit pied tandis que le sol tremblait. Avec un bruit d’éclatement plus fort, le sol affaibli céda complètement et le bord de la falaise glissa. Les pionniers regardèrent avec stupéfaction le ‘jack et la bête glisser et tomber très loin en bas.

Ils se précipitèrent jusqu’au bord pour suivre la chute et entendirent le bruit du métal, de la pierre et de la chair se brisant le long de la falaise. La brume de poussière et de débris masquait tout. Le chef mékano avait une expression d’incrédulité consternée.

Ils entendirent le bruit distinct d’un mékanisme de mise à feu tiré vers l’arrière et verrouillé.

L’escouade se retourna pour voir un grand groupe de trollkin avait avancé sur leur position pendant leur distraction. Devant eux se tenait une grosse brute semblable à celle qui avait dégringolé de la falaise, mais ses des chaînes pendaient de ses bras et un troll miniature sur son dos pointait le canon d’une vieille sulfateuse carrément dans leur direction.

Les pionniers, les mékaniciens et les gobbers à proximité levèrent docilement les main en signe de reddition.

* * *

Le Duc Kielon Ebonhart IV écoutait les rapports avec un air de plus en plus renfrogné. Il se occupait le plus grand bureau de l’étage supérieur de la garnison de Corvi, vêtu d’un uniforme digne de son grade de Général de la 12ème Division de l’Armée Cygnaréenne, un poste aussi important aujourd’hui que son noble titre de Duc des Midlunds Septentrional. Les rapports qui lui parvenaient étaient douloureux. Un certain nombre d’officiers supérieurs étaient positions inconfortable.

« Dites-moi si je comprends bien la situation », déclara-t-il d’un ton mesuré mais dangereux. « Notre garnison a laissé des milliers de trollkin armés traverser le Fleuve Noir sans contestation, après avoir bloqué le fleuve et interrompu un commerce vital. Ces même trollkin ont maintenant rendez-vous avec de dangereux rebelles qui se sont emparés de la forteresse de ravitaillement de Spinepoint ; des rebelles trollkin qui sont descendus des montagnes pour piller les fermes et les ranchs de mes terres et ont forcé mes sujets à abandonner leurs maisons. « Ai-je oublié quelque chose de pertinent ? »

L’Adjudant-Commandant Collins Hickory du Service de Reconnaissance Cygnaréen, servant de liaison avec le 2ème Armée pour le commandant en chef des éclaireurs, prit la parole. « Je vous demande pardon, monsieur, mais je ne crois pas qu’il soit exact de les appeler ‘rebelles’. Les Traités de Corvis ont reconnu ces trollkin comme des habitants légitimes de Cygnar. N’ayant jamais juré fidélité à la couronne, ils ne sont techniquement pas engagés dans une rébellion ».

Ebonhart se tourna vers lui, les yeux plissés. « Merci d’avoir expliqué les nuances juridiques. Est-ce que ‘soulèvement’ vous fait plus plaisir, ou devrions nous les appeler des voleurs de bétail et pillards ».

Hickory soupira. « De toute évidence, ils opèrent en dehors des conditions de leurs traités. Mais le roi- »

« Mon bon ami le Roi Leto Raelthorne me fait-il savoir comment la couronne souhaite que je traite cette menace ? » l’interrompit Ebonhart. Le sarcasme évident du duc fit grimacer plusieurs personnes présentes. Ebonhart était resté fidèle à Leto depuis que Kielon avait servi en tant que jeune Lame-Tempête et combattu aux côtés du Prince Leto lors du coup d’état visant à renverser Vinter IV. Le fait que le duc se soit exprimé avec colère contre son roi indiquait la profondeur de son indignation.

« Le roi envoie-t-il des soldats pour récupérer les terres agricoles saisies par ces trollkin, afin de démonter que nous restons une nation bénéficiant de l’état de droit ? »

« Le roi convient que vous devez défendre vos citoyens, mais nos forces sont à bout de souffle. Votre propre division a du mal à protéger la frontière fluviale. Nous ne pouvons pas risquer nos frontière pendant que les skornes testent les remparts de Mur-Levant. Entre les combats en cours à Sul et les forces retranchées dans le Bois d’Épines, nous n’avons personne de disponible pour faire face aux… difficultés internes ».

Ebonhart fulmina. « Vous voulez que je ne fasse rien. La voix du duc était basse et grave, sans ciller des yeux.

« Le roi suggère de faire preuve de patience. Le Grand Trésorier versera des indemnités aux familles affectées jusqu’à ce que nous puissions organiser la restitution de ces terres. Permettez-nous de nous en occuper ».

« Non. Je ne crois pas ». Ebonhart ‘exprima doucement mais fermement. « Je n’ignorerai pas mes devoirs envers mes vassaux ». Il se tourna vers le mur voisin, où son vieux glaive-tempête était accroché à une place d’honneur. Il en saisit la longue poignée et le descendit, le soupesant dans ses mains pour le première fois depuis près de dix ans. « Dites au toi que je ne compromettrait pas la force de notre armée ici ou à Fort Falk, mais que cette situation sera réglée. J’engagerai la garde de ma maison, et tous les soldats non essentiels que se porteront volontaires pour suivre ma bannière ». Il regarda Hickory en face. « Je vais personnellement déloger les trollkin et les chasser de nos terres. Dites-le à mon roi. Vous pouvez disposer »

* * *

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Iron Kingdoms - RPG / Re : NE
« le: 21 août 2024 à 16:31:42 »
Màj

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Bonne lecture  :)

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Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Nq 34 - Proie
« le: 18 août 2024 à 19:23:24 »
Lorsqu’Harga trouva Varok pendu la tête en bas à une branche d’un arbre noueux, le torse ensanglanté et les intestins glissants entre ses grandes mains qu’il serrait contre sa taille, son coeur se serra. Il était peut-être déjà trop tard. Elle le dépendit aussi vite qu’elle le put, puis pansa l’abdomen avec une bande de tissu de son kilt pendant qu’il décrivait l’attaque. Elle n’écouta qu’à moitié, soulagée de voir que la blessure n’était pas aussi grave qu’elle l’avait craint, mais consciente du peu de temps qu’il lui restait.

« Tu peux te déplacer ? » demanda-t-elle à Varok en l’aidant à se relever. Maintenant qu’elle savait qu’il était hors de danger elle voulait absolument retourner auprès de son père. Si elle pouvait arriver avant que la créature ne le trouve, ils pourraient la combattre ensemble et peut-être la tuer.

Varok ressentit visiblement le désespoir d’Harga et tout le poids de la prise de conscience s’abattit sur lui comme un bélier. Son visage s’affaissa et la rage disparut de son visage, ne laissant que l’obsédante révélation qu’il avait laisser tomber ses compagnons. « Harga, je- »

« Pas maintenant, Varok », l’interrompit Harga. « Si tu peux marcher, retrouve ton chemin ». Elle se tourna et se mit à courir, laissant Varok seul face à on échec.

* * *

Quelques minutes de courses à travers la forêt ramenèrent Harga à l’endroit où elle avait laissé son père. Elle ne vit d’abord que le brancard vide, puis le poids froid de l’horreur s’installa dans ses tripes comme une lourde pierre lorsqu’elle remarqua la silhouette immobile de son père au sol. Elle tituba jusqu’à l’endroit où gisait le cadavre et se força à l’examiner, prenant en compte chaque détail de son corps dévasté. Elle voulait s’en souvenir clairement, afin de pouvoir toujours attiser la rage et la haine qui brûlaient maintenant vivement en elle. Soudainement, consciente d’un regard posé sur elle, Harga tourna son regard vers la canopée de la forêt. La créature se dressait à découvert, à environ neuf mètres du sol, sur la branche d’un grand chêne. Elle récupéra la hache de son père pendant dans son dos et pointa sa grande lame crantée sur la créature. « Marque-moi, démon, car je t’ai marqué ! » cria-t-elle « Il y aura des comptes à rendre pour le sang que tu as fait couler ici ! »

Au moment où les mots quittaient la bouche d’Harga, quelque chose ondula dans l’air, et elle sentit l’indubitable poids du destin s’abattre sur elle. Elle rencontrerait à nouveau cette créature. Elle en était certaine.

* * *

Le chasseur entendit les paroles de la femelle trollkin et reconnut le timbre d’un serment sacré. Le chasseur deviendrait la chassé. Il affronterait cette digne proie au combat lorsque le moment serait venu et qu’elle aurait accumulé suffisamment de compétences et d’expérience pour égaler son père.

Le chasseur leva son kelkax et pointa l’extrémité de son arme vers la trollkin, hocha la tête une fois et se retira dans les profondeurs de la forêt.

Le défi avait été relevé.

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Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Nq 34 - Proie
« le: 18 août 2024 à 19:23:10 »
HISTOIRES DES ROYAUMES D’ACIER

PROIE

par Aeryn Rudel

Le chasseur repoussa un nouveau coup de hache du trollkin avec son bouclier, puis s’éloigna d’un bond, laissant son kelkax se déployer au milieu du saut pour stopper l’élan de sa proie et maintenir la distance.

Le trollkin hurla de fureur et frappa de sa pointe la hache vacillante de l’arme du chasseur. Les épines à l’arrière de sa tête glabre frémirent re rage, et il serra sa lourde mâchoire assez fort pour faire grincer ses larges et plates dents l’une contre l’autre.

Le chasseur avait eu peu d’occasions de traquer les brutes à la peau bleue appelées trollkin, mais leur réputation de force, de résistance et d’efficacité au combat n’était pas imméritée. Ce trollkin, l’un des mâles les plus grands et les plus forts de son groupe, surpassait de loin les autres de son espèce en force et en adresse, ce qui en faisait une proie digne d’intérêt.

Le trollkin était presque aussi grand que le chasseur, mais bien plus massif. La proie maniait à deux mains une énorme hache ressemblant à un couperet, manœuvrant l’encombrante arme avec une rapidité et une précision surprenantes. Malgré l’absence de bouclier, le kelkax du chasseur n’avait pas réussi à pénétrer les défenses du trollkin. Il avait repoussé chaque coup avec le plat de sa hache ou la paume coriace de sa main.

Ils se battaient sur un champ de bataille, entourés de cadavres de trollkin et de la chair morte et pâle de bêtes draconiques et d’elfes corrompus. L’issue de la bataille qui s’était ici n’était pas claire, les deux camps s’étant repliés dans les forêts voisines après avoir subi de lourdes pertes. La guerre était omniprésente dans ces terres froides et septentrionales, et même si les raisons de ces affrontements importaient peu au chasseur, ils lui donnaient l’occasion de traquer les proies les plus dangereuses.

Le chasseur était tout sauf pressé, et dans les premiers instants du combat, il n’avait fait que sonder les défenses de sa proie, mettant à l’épreuve la vitesse et l’endurance du trollkin. Au fur et à mesure que le combat progressait et que le chasseur se rendait bien compte qu’il avait affaire à une créature d’une grande habile, il avait changé de tactique. Tentant de capitaliser sur sa vitesse supérieure, le chasseur s’était déplacé dans et hors de portée de frappe de la proie, utilisant la porte de son arme pour empêcher le trollkin de lancer plus d’une attaque à la fois. Souvent, cette tactique amenait l’adversaire à prendre trop de risque et à créer une ouverture que le chasseur pouvait exploiter. Cela avait fonctionné pendant un temps, mais cette proie n’était pas si facile à tromper. Lors d’un échange, le trollkin n’avait pas reculé devant un coup de kelkax du chasseur. Au lieu de cela, il s’était avancé, laissant la pointe de l’arme du chasseur glisser inoffensivement sous son bras gauche. Il avait alors saisi le manche du kelkax et avait tiré le chasseur à lui, directement sur la pointe de sa hache. Le chasseur avait réussi à se retourner et à éviter la majeure partie du coup, mais la pointe avait déchiré la chair de son épaule gauche, faisant couler du sang. Du sang qui coulait, désormais, librement sur son bras.

Être blessé par une proie était rare. Être trompé puis blessé par une proie était impensable. La blessure était douloureuse, mais la douleur comportait une passionnante révélation. Le chasseur n’avait jamais affronté une créature si habile qu’il était difficile de savoir qui sortirait de la confrontation. La menace était très réelle de la mort ajoutait un délicat sentiment d’inconnu à cette bataille et faisait du guerrier trollkin la plus spéciale des proies : un presque égal.

Le chasseur recula d’un pas supplémentaire, fit basculer son kelkax en prise sous la main et ramena son bouclier contre son corps. Le bouclier était plus qu’un outil défensif, c’était aussi une arme offensive puissante. Son tranchant pouvait trancher la chair aussi bien que n’importe quelle lame, surtout lorsqu’il était propulsé par la considérable force du chasseur. Dans cette bataille, cependant, le chasseur n’avait pas utilisé son bouclier pour attaquer. Un guerrier aussi expérimenté que le trollkin pouvait être employé comme une arme, mais le chasseur l’avait jusqu’à présent forcé à se concentrer sur le kelkax et rien d’autre, éliminant ainsi la menace offensive du bouclier de l’esprit de la proie. Il était maintenant temps de voir si la ruse avait réussi.

La proie, sentant peut-être que leur combat touchait à sa fin, leva sa hache vers le ciel en garde haute. Le guerrier trollkin vit le chasseur changer sa prise sur le kelkax et modifia sa propre garde en conséquence. Une proie digne de ce nom, en effet.

Le trollkin cracha des paroles gutturales que le chasseur ne pouvait comprendre mais son sens était clair : la proie était prête à finie la combat. Le chasseur s’élança vers l’avant, menant avec le kelkax. En réponse, le trollkin abattit sa hache en sifflant dans un puissant coup de taille. Le chasseur avait anticipé et projeté la tête barbelée de son arme vers la hache s’abattant, attrapant le tranchant lourd dans les encoches le long de la lame du kelkax. Une habille torsion du manche  du kelkax dévia l’énergie du coup de la proie et la déséquilibra, faisant trébucher le trollkin en avant et à portée du bouclier du chasseur. Avant que la proie ne puisse lever son arme pour parer le coup, le chasseur fracassa le tranchant de son bouclier entre la tête et l’épaule gauche du trollkin, brisant la clavicule et enfonçant profondément le bord métallique du bouclier dans sa chair. Le sang gicla chaud et humide sur le visage du chasseur, emplissant sa bouche du goût cuivré de la victoire.

Le choc du coup et la perte rapide qui en résulta mirent la proie à genoux, et la hache du trollkin tomba au sol dans un bruit métallique et creux. Le chasseur saisit immédiatement l’avantage et arracha le bouclier de la chair de la proie, provoquant un grossier grognement de douleur, puis il lui asséna un coup de pied griffu dans la poitrine, l’écrasant au sol et sur le dos.

Le chasseur inversa rapidement le kelkax, prenant l’arme au long manche en pronation, puis se plaça au dessus de la proie. Le chasseur plaça la pointe de son arme au creux de la gorge de sa proie. Une pression rapide et la mort serait presque instantanée.

Le trollkin murmura quelque chose d’aigu, son visage étant un rictus de haine et de douleur, mais il ne ferma pas les yeux, comme tant d’autres le faisaient avant le coup fatal. Le chasseur s’en réjouit et inclina légèrement la tête - un signe de respect qu’il n’accordait qu’à très peu de personnes.

Le chasseur inspira profondément. Les longs et puissants muscles de son bras se tendirent et la pointe du kelkax s’enfonça d’une fraction de centimètres dans la chair de sa proie, dessinant une petite perle écarlate. Une cri de guerre brisa soudainement ce moment sacré, et la tête du chasseur se redressa, s’orientant vers la nouvelle menace.

Trois trollkin, chacun armée d’une paire de hache de guerre à la lame épaisse, traversaient le champ de bataille en direction de deux hommes. Le chasseur poussa un long sifflement de frustration et s’éloigna d’un bond de sa proie, kelkax et bouclier prêts à affronter la nouvelle menace.

Il pouvait facilement tuer un, voir deux des guerriers trollkin, mais s’attaquer à trois d’entre eux en même temps serait une folie mortelle. Le chasseur était presque submergé par la rage. Voler la dépouille de son propriétaire légitime était le comble de la sauvagerie. Voler cette proie, la plus digne des tueries, était une inimaginable insulte. Le chasseur envisagea brièvement de défendre sa proie, quelque soit le risque encouru.

Cependant, il n’avait pas survécu aussi longtemps dans ce pays étrange en agissant de manière imprudente, et après un moment d’hésitation, il bondant, se lançant dans une course folle au moment où ses pieds touchaient le sol.

Le chasseur savait que les trollkin ne pourrait pas l’attraper. C’était une race forte et robuste, mais ils n’avaient pas le pied léger. Il courut vers la lisière d’arbres à l’ouest, laissant derrière lui les cris et les malédictions des guerriers trollkin.

Un peu plus loin dans la forêt, le chasseur s’arrêta sous un grand arbre, puis grimpa le long du tronc, utilisant les longues griffes de ses doigts et orteils pour s’agripper au bois dur. Lorsqu’il atteignit le sommet de l’arbre, il se fondit dans les profondeurs vertes du feuillage, disparaissant presque complètement de la vue. L’arbre offrait une vue improbable sur le champ de bataille, et c’est là que le chasseur se percha pour attendre et observer.

C’était une race forte et robuste, mais ils n’avaient pas le pied léger. Il courut vers la lisière d’arbres à l’ouest, laissant derrière lui les cris et les malédictions des guerriers trollkin.

* * *

« Agnar ! Père ! » Harga pleurait et tomba à genoux aux côtés de son père. Le sol était mouillé du sang d’Agnar et sa hache gisait à ses côtés. À sa grande horreur, Harga Stonebones découvrit que la grave blessure que son père avait subie était la chose la moins troublante de la scène. Elle n’était pas étrangère aux blessures catastrophiques sur le champ de bataille. En tant que championne des kriels, elle avait vu et infliger sa part de mort et de démembrement. C’était le choc de voir son père vaincu qui lui enfonça une froide douleur dans le coeur. Agnar Stonebones n’avait jamais rencontré son égal sur le champ de bataille, et Harga avait grandi avec la conviction qu’il ne le ferait jamais.

« Est-il mort, Harga ? » demanda la voix feutrée par-dessus l’épaule d’Harga. Celle-ci se retourna pour regarder le guerrier trolkin à la voix douce et esquissa un léger sourire.

« Non, Jendek », répondit Harga. « Mon père est plus fort que ça Il faudrait plus que cette dérisoire blessure pour l’abattre ».

« Dérisoire ?! » Varok explosa. Le troisième membre de leur groupe était un énorme trollkin, presque aussi large que grand, la moitié gauche de son visage était ravagée par une brûlure à la suite d’une rencontre avec des rejetons draconiques il y a plusieurs années. « Tu pourrais mettre toute ta tête dans cette blessure ! »

Harga se leva d’un bond et lança un regard noir à Varok. « Alors je suppose que tu ferais mieux de le recoudre », dit-elle d’une tranchante. C’était le même tranchant qu’ils avaient entendu à plusieurs reprises dans la bouche de son père, le chef de leur petit groupe de champions.

« Je vais t’aider, Varok », dit Jendek en s’agenouillant à côté d’Agnar.

Varok soudainement s’esclaffa, le rire transformant son visage marqué en un affreux simulacre d’amusement. « Bien. Je suppose que le vieux Stonebones aura une jolie petite cicatrice dont il pourra se vanter pendant un moment ». Le gros trollkin fouilla dans sa pochette et en sortit une longueur de fil de pêche et un hameçon métallique grossier. Malgré sa taille, Varok avait des mains agiles et était assez doué pour panser les blessures sur le champ de bataille. « Jendek, rapproche les lèvres de la plaie ».

Jendek hocha la tête et plaça ses mains de chaque côté de la déchirure béante de l’épaule d’Agnar. Il repoussa les lèvres irrégulières de la coupure aussi doucement que possible, alignant au mieux qu’il pouvait les extrémités sectionnées de la clavicule d’Agnar. Le mouvement fit couler du sang frais de la blessure et tout le corps d’Agnar tressaillit, mais il ne reprit pas conscience. « Merde », siffla Jendek. Les veines et les artères des trollkin se refermaient rapidement, même en cas de blessures graves. Quelque chose n’allait vraiment pas.

Varok grogna alors qu’il examinait la blessure de près, poussant les tissus environnants et jurant dans sa barbe alors que davantage de sang s’écoulait de la plaie à chaque mouvement. « Je pense qu’un morceau du bouclier de cette créature est toujours logé là, tout au fond. Trop profond pour être atteint ici. On dirait que cela va continuer à le couper jusqu’à ce que nous puissions l’extraire, mais c’est une question à régler plus tard. Allez Jendek, referme cette plaie sanglante ! » Varok s’attela à la tâche, ses grandes mains habiles maniant l’hameçon et le fil avec une rapide et expérimentée facilité. « Harga, surveille cette créature », dit-il pendant qu’il œuvrait. « Je ne veux pas que cette foutue chose s’approche de moi avec mon kilt sur les genoux ».

« J’ai vu où elle s’est enfuie », déclara Harga en pointant l’une de ses haches en direction de la lisière à l’extrémité ouest. « Ne t’inquiète pas, Varok. Je ne là laisserai pas planter ton gros cul ».

Varok renifla. « Ceux qui vivent dans des huttes au toit de chaume ne devraient pas lancer de torches, mon cher ».

« Ferme-là et concentre toi sur ton travail, Varok », rétorqua Harga, qui dut cependant réprimer un sourire. Les plaisanteries bourrues et souvent grossières de Varok avaient le don d’apaiser la tension dans le groupe.

C’est quoi cette chose, d’ailleurs ? » demanda Jendek, les yeux écarquillés par une évidente peur. Jendek était le plus jeune des trois, et bien qu’il soit un guerrier compétent, Harga se demandait souvent s’il n’était pas trop sensible pour son propre bien.

« J’en ai aucune idée », répondit Harga. « Je n’ai jamais rien vu de pareil ».

« Une sorte de créature corrompue, à ton avis ? » demanda Varok. « Je pense qu’il se battait aux côté de ces foutus rejetons ».

Harga secoua la tête : « Je ne crois pas. Il ne semblait vraiment pas les aider. En fait, je ne l’ai même pas remarqué pendant la bataille jusqu’à ce qu’il s’en prenne à Père ».

« Pourquoi lui ? » demanda Varok/

« Je ne sais pas », répondit Harga. « Cela n’a pas vraiment d’importance pour l’instant ».

« Voilà, ça devrait tenir », annonça Varok en se levant. « Mais l’entaille ne se refermera pas tant que ce maudit morceau de bouclier sera là, et l’hémorragie ne s’arrêtera pas complètement. Je pense aussi que l’un de ses poumons s’est affaisser. Jette un oeil, Harga. Je vais zieuter la lisière ».

Harga s’agenouilla et examina le travail de Varok. La blessure était refermée, les points de suture serrés et régulièrement espacés. C’était du beau travail, mais le sang continuait de couler sur la lèvre déchiquetée de la coupure. « Bien joué, Varok », dit-elle.

Il repoussa les lèvres irrégulières de la coupure aussi doucement que possible, alignant au mieux qu’il pouvait les extrémités sectionnées de la clavicule d’Agnar.

« Tu en attendait moins ? » grogna Varok en réponse.

« Nous ne pouvons pas rester ici, Harga », dit Jendek. « Nous devons amener Agnar dans un lieu sûr pour pouvoir extraire ce fragment ».

« Le point de ralliement de Calandra ? » proposa Varok. La bataille entre les trollkin et les rejetons draconiques avait été indécise et les deux camps s’étaient retirés dans la forêt. Ce qui restait de la force dirigée par la warlock Calandra Diseuse de Vérité avait fui vers l’ouest, tandis que les rejetons draconiques et les elfes corrompus avaient fui vers l’est. Les trois champions trollkin avaient fait demi-tour après la retraite générale lorsqu’ils avaient réalisé qu’Agnar n’était pas parmi eux.

Je ne peux pas le déplacer tant qu’il n’a pas un peu guéri », répondit Harga.

« Je comprends », acquiesça Jendek. « Mais il y a encore des rejetons corrompus dans la région. Ils peuvent revenir à tout moment. De plus, j’ai l’impression que cette créature pourrait revenir et essayer de tuer Agnar à nouveau ».

« Tu est conscient que le campement est dans la même direction que cette maudite créature, n’est-ce pas ? » demanda Varok.

« Je pense que nous devons tenter notre chance », déclara Jendek. « Nous sommes toujours trois fois plus nombreux qu’elle, et elle a battu en retraite lorsque nous l’avons défiée. Je pense pas que nos chances soient aussi bonne face à un nombre même symbolique de rejetons corrompus.

« Cette chose a battu en retraite parce qu’elle était à découvert et qu’elle faisait face à un nombre supérieur. Si nous entrons dans le Bois d’Épines, nous abandonnons l’avantage du terrain dégagé », dit Harga sans ambages.

Jendek se leva et regarda Agnar, le visage grave. « Je ne pense pas qu’il survivra pas plus d’un jour, deux au maximum, si nous ne parvenons pas à retirer l’éclat d’arme de la blessure pour qu’elle puisse se refermer. La magie de Calandra est désormais son meilleur espoir ».

Harga regarda la limites des arbres à l’ouest, fronçant les sourcils. « Tout ce qui peut vaincre mon père dans un duel à un contre un n’est pas quelque chose que je veux combattre au milieu d’une forêt profonde et sombre. Vous avez tous les deux vu comment il se déplaçait. Je suis sûr qu’il peut manoeuvrer parmi les arbres bien mieux que n’importe lequel d’entre nous ».

« Tu as raison », dit Varok en haussant ses épaules charnues. « Même si je déteste être d’accord avec le plus jeune membre de notre groupe, je pense qu’il a raison lui aussi. Ton père est peut-être aussi coriace qu’un troll sanguinaire, Harga, mais il ne peut pas guérir comme lui ».

« Il est midi », dit Jendek. « Si nous partons maintenant, nous pourrons atteindre le campement de Calanda avant la tombée de la nuit ».

Harga se contenta de fixer la lisière des arbres, la bouche serrée. Elle se demandait ce que ferait son père. Non, en fait, elle le savait. Il laisserait derrière lui un soldat mortellement blessé s’il y avait une chance que cela coûte la vie à trois soldats en bonne santé et capables. Elle regarda la forme immobile de son père, sa poitrine se soulevant et s’abaissant faiblement, et sut que ce n’était pas quelque chose qu’elle pouvait faire.

« Très bien », répondit Harga après quelques instants de silence. « Voyons ce que nous pouvons récupérer pour une litière. Je veux que nous nous mettions en route dans les trente prochaines minutes.

* * *

Le chasseur regardait les trois trollkin pénétrer dans la forêt, traînant la proie derrière eux sur un brancard de fortune bricolé à partie de hampes de lance et de vêtements pillés sur les morts. Ils passèrent sous un arbre sans remarquer la danger qui les guettait. Le chasseur envisagea momentanément de se laisser tomber parmi eux, d’achever la mise à mort, puis de battre en retraite, mais une telle action serait très dangereuse tant que les trois trollkin seraient ensemble. Au lieu de cela, ils les laissa passer, sachant qu’ils seraient plus vulnérables à mesure qu’ils s’enfonceraient dans la forêt.

Suivre les trollkin ne serait pas difficile. Le chasseur pouvait facilement discerner les sons particuliers de leurs armures métalliques et de leurs voix résonnantes, même dans la forêt dense. Il sautait d’arbre en arbre, à un demi-kilomètre derrière eux. Il laissait le groupe se déplacer sans encombre pour le moment, espérant leur faire croire qu’il avait abandonné sa proie. Il ne pouvait cependant pas attendre trop longtemps. Il pouvait humer l’odeur persistante des nombreux trollkin qui étaient passés par là peu de temps auparavant, les survivants de la grande force qui avait combattu les rejetons draconiques. Les trollkin qu’il suivait à présent semblait emmener sa proie là où le reste de leur espèce avait fui. Il ne pouvait pas les laisser atteindre leur destination.

Le chasseur sautait d’un arbre à l’autre, ses puissantes jambes le propulsant dans les airs avec une aisance de prédateur. Il atterrit avec un léger bruissement de branches sur son nouveau perchoir, ne faisant pas plus de bruit qu’une douce brise soufflant à travers les feuilles. Deux autres bonds placèrent le chasseur juste au-dessus des trollkin. Tous trois étaient accroupis au-dessus du brancard transportant sa proie.

Les voix des trollkin remontaient à travers la canopée. Leur langue rude et étrangère était incompréhensible, mais le chasseur reconnut le ton et la posture du doute, de l’inquiétude et de la peur. Il sentit son corps se tendre, alarmé. La proie était-elle morte ? Perdre une proie aussi précieuse à cause de quelque chose d’aussi dérisoire qu’une perte de sang était une honte presque insupportable. La proie devait mourir de la seule main du chasseur.

L’un des trollkin, la femelle du groupe, lavait la blessure de la proie avec de l’eau, éliminant le sang séché qui s’était accumulé autour de sa blessure. Sa préoccupation semblait plus grande que celle de ses compagnons, et elle faisait preuve d’une douceur indéniable dans ses gestes. Il y avait entre elle et la proie un lien que les autres ne possédaient pas. Elle leva les yeux vers ses compagnon et sa bouche se tordit dans l’expression que le chasseur avait apprise et qui si signifiait le bonheur ou la satisfaction. Elle remarqua alors que la proie se soulevait et s’abaissait avec régularité. Avec soulagement, il réalisa que la proie vivait encore.

Les voix des trollkin changèrent de ton et leur langage corporel devint plus détendu et plus expressif. Ils avaient désormais de l’espoir. Les deux mâles saisirent les extrémités des hampes et le petit groupe recommença à bouger. Ils avançaient à travers la forêt à un rythme assez rapide et atteindraient probablement le grand groupe de trollkin à l’ouest avant la tombée de la nuit. Le chasseur devait les ralentir et les éloigner de sa proie.

Ses yeux balayaient chaque centimètre carré du corps du trollkin, notant le poids de son armure, là où l’acier encombrant limitait les mouvements et où l’armure n’offrait aucune protection au niveau de la gorge, des aisselles et derrières les jambes.

Le chasseur concentra son attention sur le plus petit des mâles. Celui-ci était la meilleure cible pour l’une de ses tactiques favorites : isoler et blesser le membre le plus faible d’un groupe, compromettant ainsi les plus forts lorsqu’ils ralentissaient pour aider leur compagnon blessé.

Le chasseur bloquait tout autre stimulus à l’exception de ce qu’il pouvait voir, entendre et sentir de la cible qu’il avait choisie. Ses yeux balayaient chaque centimètre carré du corps du trollkin, notant le poids de son armure, là où l’acier encombrant limitait les mouvements et où l’armure n’offrait aucune protection au niveau de la gorge, des aisselles et derrières les jambes. Il écoutait la respiration du trollkin alors qu’il tirait le lourd brancard et les grognements d’effort pouvant signifier une fatigue musculaire. Enfin, il perçut l’odeur nauséabonde de la sueur et de l’haleine fade qui signifiaient la déshydratation. En quelques secondes, il avait rassemblé toutes les informations nécessaires pour chasser la cible de la manière la plus efficace possible.

Le chasseur inspira profondément et se laissa tomber silencieusement au sol, loin derrière les trollkin. Un frisson aigu et électrique parcourut son corps : une nouvelle chasse débutait.

* * *

Tu crois qu’il nous suit, Harga ? » demanda Jendek, la fatigue dans la voix. Varok et lui portaient Agnar depuis près de deux heures. Ils n’avaient pas enlevé la lourde armure d’Agnar de peur de rouvrir sa blessure et sa grande hache reposait sur sa poitrine ; la litière et son passager pesaient facilement cent quatre-vingt kilogrammes.

« Moins de blabla, plus de portage », grogna Varok derrière lui. Le plus gros des trollkin avait clairement plus de facilité, et il ne transpirait presque pas.

Harga marchait à quelques pas devant ses compagnons, une arme fermement agrippée dans chaque main. Ses yeux scrutaient la forêt environnante à la recherche de tout signe de mouvement. « Probablement », répondit-elle à Jendek, « mais cette foutue chose prend certainement son temps ».

« Eh bien, il ne devrait pas avoir beaucoup de mal à nous trouver », déclara Varok. « Nous faisons plus de bruit qu’une paire de trolls sanguinaires bourrés ».

« Bien », grogna Harga. « J’espère qu’il nous trouvera rapidement, pour que je puisse lui planter mes deux haches dans son cul écailleux ».

« Attendez ! » Jendek cessa de se déplacer, forçant Varok à faire de même. Harga se retourna rapidement, les haches levées. « Tu entends ça ? » Il pointa son menton vers le linceul de branches et de feuilles noueuses qui masquaient presque les cieux.

Le trollkin se figea, fouillant la canopée et écoutant attentivement. « C’est le vent », dit finalement Varok avec un haussement d’épaules. « Ne sois pas nerveux, Jendek ».

« Je ne suis pas nerveux », répliqua Jendek. « J’ai entendu- »

Le bruit sourd de quelque chose de lourd frappant le sol derrière le brancard fit retourner le trollkin. La créature était en mouvement bien avant que Varok ou Jendek n’aient pu lâcher les perches improvisées et atteindre les haches qui pendaient à leurs ceintures. Ce fut un flou d’écailles et d’acier, flottant presque au-dessus des broussailles et des feuilles mortes du sol de la forêt.

Harga eut le temps de faire un pas vers la créature alors qu’elle passait devant Jendek, l’arme à long manche qu’elle portait se déployant au fur et à mesure qu’elle se déplaçait. Le cri de Jendek emplit soudainement la forêt, et le sang gicla en un large éventail. La créature ne s’arrêtait pas de bouger et courut droit vers Harga alors même que Jendek s’effondrait au sol.

Harga se prépara à l’impact, levant ses haches en garde centrale, mais la créature sauta simplement au-dessus d’elle, sautant avec force du sol qui le propulsa neuf mètres dans les airs. Il disparut dans la canopée de la forêt, se déplaçant parmi les branches entrelacées avec une agilité semblable à celle d’un lézard.

La chose descendit des arbres, attaqua et disparu à nouveau en l’espace de dix battements de coeur. Harga avait à peine remarqué qu’ils étaient attaqués que tout était déjà terminé. Elle détoura son attention de la canopée de la forêt vers ses deux compagnons.

« C’est vrai, démon », dit-elle en souriant. « Tu affrontes l’un des membres de Dhunia, et nous sommes très difficiles à tuer ! »

Varok se tenait au-dessus de Jendek, les deux haches en main, le visage tendu par la rage. Jendek était à genoux, ses haches au sol devant lui. Ses mains étaient serrées sur une blessure à sa jambe droite, du sang coulait entre ses doigts et coulait le long de sa jambière.

« Dhunia, ce truc est sacrément rapide ! » souffla Varok. « Je n’ai pas eu le temps de tressaillir avant qu’il ne soir sur nous. Il cracha par terre de dégoût.

Harga s’agenouilla à côté de son compagnon blessé. « Laisse-moi voir », dit-elle en écartement doucement les mains de Jendek de la blessure. Le précision de la frappe de la créature était étrange. Il avait tranché la chair exposée entre le kilt de Jendek et la jambière de sa jambe droite, un espace à peine quinze centimètres – au pas de course, pas moins, et avec une arme de plus de deux mètres quarante de long. La profonde entaille avait traversé la jambe de Jendek, sectionnant entièrement le gros muscle et causant probablement également quelques lésions nerveuses. « Tu peux te lever ? » demanda-t-elle.

Le jeune trollkin posa une main sur l’épaule d’Harga pour se soutenir et serra les dents. Il se hissa, se tenant sur sa jambe gauche. Il essaya de poser son poids sur sa droite et s’effondra immédiatement. « Je ne peux pas », souffla-t-il, l’agonie clairement perceptible dans sa voix.

« Très bien », dit Harga, esquivant un faible sourire. « Ne t’inquiète pas pour ça, Varok va te recoudre et tu seras comme neuf dans quelques jours ».

« Pourquoi il m’a pas tué ? »

« Il veux nous ralentir », cracha Varok en s’agenouillant à côté de Jendek avec son fil de pêche et son aiguille grossière. « Maintenant, tu ne peux plus porter le brancard et tu ne peux plus marcher. C’est un fils de pute intelligent. Je le reconnais ».

« Je suis désolé, Harga », murmura Jendek. « Je n’ai pas été assez rapide ».

Harga posa une main douce sur son épaule. « Aucun d’entre nous ne l’a été », répondit-elle. « Le prochaine, nous serons plus rapides ».

« Ou l’un de nous sera mort », marmonna Varok dans sa barbe.

* * *

Le chasseur était satisfait. Il avait accompli précisément ce qu’il s’était proposé de faire. Avec l’un d’entre eux blessés, les trollkin seraient beaucoup plus lentes. Il les observait depuis la sécurité d’un grand arbre, bien caché dans les profondeurs vertes des feuilles et des branches enchevêtrées. Ils avaient recommencé à se déplacer. Le grand mâle au visage balafré traînait le brancard tandis que la femelle aidait le mâle blessé à avancer, le laissant s’appuyer lourdement sur son épaule armurée.

Maintenant qu’il les avait ralentis et affaiblis, le chasseur n’avait plus qu’à éloigner les deux trollkin non blessés de leur proie suffisamment longtemps pour qu’il puisse finir sa besogne. Le grand mâle serait la clé. Son langage corporel rayonnait de colère et de frustration, un étant émotionnel dans lequel la plupart des créatures prenaient des décisions irréfléchies lorsqu’elles étaient provoquées.

Le chasseur se déplaçait à travers les arbres aux côtés du groupe, en faisant particulièrement attention à rester invisibles et inaudibles. Les trollkin étaient désormais plus prudents et seraient sur leurs gardes. Pourtant, ils n’étaient pas habitués au terrain et ne pouvaient pas reconnaître les signes que même un prédateur inexpérimenté pouvait laisser, sans parler d’un prédateur aussi habile que le chasseur.

La femelle et le mâle blessé avaient progressivement pris de l’avance sur l’autre, laissant un espace d’une dizaines de verges entre eux. Un espace plus que suffisant pour ce que le chasseur avait prévu. Il jaugea la distance, puis sauta de son perchoir pour atterrir à un trois mètres devant le mâle indemne.

Les yeux du grand trollkin s’écarquillèrent, et il lâcha les poignée du brancard pour le laisser tomber au sol. Le chasseur resta immobile un moment, s’assurant que le trollkin pouvait voir ses yeux. Il pointa alors son kelkax vers lui et hocha la tête : un évident défi.

Les haches du mâle balafré furent soudain dans ses mains, et le chasseur put remarquer la rage s’épanouir, brûlante et irrationnelle, derrière ses yeux. Le chasseur entendit la femelle et le mâle blessé crier quelque chose derrière eux, puis le bruit du mâle blessé tombant au sol alors que la femelle cherchait ses armes. Le chasseur s’élança vers la gauche, et s’enfonça dans la forêt, sachant qu’il serait certainement suivi.

* * *

« Varok ! Attends ! » cria Harga, mais il était trop tard. Varok poussa un hurlement de rage et s‘enfonça dans la forêt à la suite de la créature. Elle avait vu la colère dans ses yeux lorsque la créature avait lancé son défi. Varok était un guerrier compétent, mais il pouvait se perdre dans la fureur et le désir de combattre lorsqu’il était provoqué.

« Laisse-moi », grogna Jendek, assis à ses pieds. « Protège ton père ».

Harga pouvait entendre Varok s’enfoncer dans la forêt au nord, les sons s’estompant à mesure qu’il s’éloignait. Le suivre était une évidente ruse, et une vague de colère l’envahit à l’idée que Varok puisse être assez stupide pour se laisser prendre au piège.

La canopée de la forêt au-dessus d’elle bruissa soudainement de mouvement, et elle leva les yeux pour voir la créature sauter d’arbre en arbre, se dirigeant droit vers le brancard qui contenait son père. Elle se lança dans une course folle, atteignant le brancard juste au moment où la créature atterrissait à pas feutrés à côté.

« Éloigne-toi de lui ! » hurla Harga en se jetant sur la créature. Ses haches se mouvaient comme deux cyclones de destruction, tissant les complexes schémas de combat qu’elle pratiquait depuis qu’elle était en âge de les soulever. Ses coups pleuvaient sur la créature, mais celle-ci était incroyablement rapide et bloquait chaque coup avec une déconcertante facilité. Les repoussant avec son bouclier ou la hampe de son arme.

Lorsque la créature recula d’un pas, Harga la suivit, balançant ses haches et hurlant sa rage. Puis il passa à l’offensive. La lame d’acier au bout de son arme s’élança tel un serpent, frappant une fois, deux fois, trois fois en l’espace d’un battement de coeur. Elle parvint à parer à chaque fois, mais l’arme la força à reculer de deux pas, la poussant contre le brancard.

La créature n’émettait aucun son, et son visage écailleux et étranger n’avait aucune expression qu’elle aurait pût reconnaître. Elle était comme une force de la nature ; les frappes de ses armes et de son boucliers à pointes pleuvaient avec l’imprévisible force d’un orage. Il se rapprochait d’elle à chaque coup, son arme d’hast commençant coincer ses haches plus courtes contre son corps avec une décharge de coups. Harga était consciente que ses défenses allaient bientôt s’effondrer. La chose était tout simplement trop rapide.

Quelque chose passa soudainement au-dessus de la tête de la créature, l’obligeant à se baisser rapidement. En jetant un coup d’oeil à sa gauche, Harga vit Jendek en équilibre sur une jambe et tenant sa deuxième hache d’une manière maladroite. Il avait raté son coup – les lourdes haches qu’il maniait étaient conçues pour tout sauf pour être lancées – mais il avait distrait la créature pendant une fraction de seconde. Assez longtemps pour qu’elle puisse éloigner l’arme de son corps et enfoncer sa seconde hache dans son ventre, juste en dessous du bord inférieur de son bouclier.

La créature portait une chemise ajustée composée d’étranges bandes métalliques qui détournèrent le tranchant de sa hache, mais elle ne parvint pas à atténuer complètement la force brute du coup. Harga entendit le bruit glorieux des côtes qui craquent. La créature siffla de douleur et bondit en arrière, trébuchant un peu en touchant le sol. Son visage n’était plus aussi étrange, et Harga crut voir la haine et la rage transparaître dans ses yeux froids et reptiliens.

« C’est vrai, démon », dit-elle en souriant. « Tu affrontes l’un des membres de Dhunia, et nous sommes très difficiles à tuer ! »

Le chasseur se rapprocha de quelques pas et se mit en position basse, ignorant le craquement de douleur que le mouvement provoquait dans son flanc.

La créature plissa les yeux à ses mots, comme si elle comprenait une partie de ce qu’elle avait dit. Son ton, au moins, avait été universel. Harga s’attendait à ce que la créature renouvelles ses attaques contre elle – sa blessure devait l’entraver, mais elle supposait qu’elle était assez résistante pour supporter quelques côtes fêlées. Au lieu de cela, il s’élança vers Jendek.

En équilibre sur une jambe et armé d’une seule hache, le trollkin blessé était une cible facile. La créature s’était précipitée vers lui, écarté sa hache avec son bouclier, puis enfonça son arme dans son corps. Jendek inspira profondément avec angoisse, puis a créature arracha son arme, répandant du sang et des entrailles sur le sol de la forêt. Jendek s’effondra tel un sac tubercules aux pieds de son agresseur.

« Non, non, non », murmura Harga, stupéfaite d’horreur. La créature la fixa un instant, puis d’une méprisante pichenette, elle balaya le sang sur sa lame d’un geste méprisant et s’enfuit dans la forêt, une main griffue tenant l’endroit où elle l’avait frappé.

* * *

Le chasseur se cacha sous les racines étendues d’un grand arbre, soufflant lorsqu’un mouvement envoyait des tremblements de douleur dans tout son corps. Le coup de la femme avait brisé quelque chose à l’intérieur. La blessure guérirait avec le temps, mais pour l’instant, elle le ralentirait considérablement.

La colère envahit l’esprit du chasseur. Il avait laissé une créature inférieur et blessée le distraire de sa proie. La proie avait été à sa portée – et mieux encore, la femelle était une combattante habile, digne également d’être qualifiée de proie. Mais le chasseur s’était lui-même comporté comme une proie et avait laissé la hache lancée par la mâle blessé détourner son attention à un moment crucial.

La femelle semblait dévouée à ses compagnons, en particulier au mâle le plus âgé. Elle avait choisi de ne pas l’abandonner sur le champ de bataille, et avait pris un grand risque en le traînant à travers la forêt. Prendrait-elle le même risque pour un autre de ses compagnons ?
Le bruit de quelque chose de gros se déplaçant maladroitement dans les broussailles à l’ouest brisa le calme. Le chasseur se leva et grimpa péniblement le long du tronc de l’arbre sous lequel il était assis. Le grand mâle au visage balafré traversa la forêt l’instant d’après, visiblement perdu.

Seul et désorienté, le trollkin serait facile à tuer… ou à mutiler. Après quelques instants, le chasseur passa son bouclier dans son dos et saisit son kelkax à deux mains. Ensuite, il se laissa tomber silencieusement de l’arbre et se lança à la poursuite de sa nouvelle proie.

* * *

Le visage de Jendek s’était déjà détendu lorsqu’Harga l’avait retourné. Le chagrin monta en elle et elle lutta contre le cri qui menaçait de jaillir de ses poumons. Un guerrier ne pleure pas ceux qui sont tombés, avait souvent dit son père. « Un guerrier se venge », compléta-t-elle à voix haute.

« Sois en paix, guerrier », chuchota Harga en fermant doucement les yeux de Jendek. « Ton sacrifice ne sera pas vain. Je te le promets ». Elle attrapa le jeune trollkin  par les bras et l’entraîna loin de l’endroit où il avait été tué. Elle l’appuya contre le tronc d’un arbre voisin et plaça ses haches à ses côtés.

Lorsqu’elle revint Agnar Stonebones se redressait dans le brancard, le visage pâle et tiré.

« Père », s’exclama Harga en courant à ses côtés. « Tu as mal ? La blessure s’est-elle ouverte ? Est-ce que tu- »

Agnar leva une main grosse comme un jambon. « Chut, maintenant », dit-il. « Dis-moi ce qui s’est passé ».

Soudainement, Agnar n’était plus son père, mais le chef de sa bande de champions. Elle se replongea avec soulagement dans la familière routine. Elle lui raconta tout ce qui s’était passé depuis le moment où il avait été abattu par la créature jusqu’à ce qu’il ait repris conscience.

« Tu aurais du m’abandonner, Harga », dit-il lorsqu’elle eut fini son récit. « J’étais censé mourir sur le terrain. Tu as pris trop de risque en m’emmenant avec toi ».

« Je ne pouvais pas laisser cette chose te tuer ! » protesta Harga. « Je savais que tu récupérerais. Je le savais ». Elle jeta un coup d’oeil à la blessure d’Agnar, qui laisser s’échapper du sang frais à cause de l’effort de ses mouvements. Son bras gauche pendait mollement à ses côtés.

« Ma fille, utilisa ta tête », réprimenda-t-il. « Je suis toujours invalide et je vais juste vous ralentir. Tu dois trouver Varok et te rendre au campement de Calandra dès que possible. Tant que vous le pouvez encore ».

« Mais- » Harga fut interrompue par un rugissement profond et douloureux résonnant dans la forêt. Le silence régna pendant quelques secondes, puis second rugissement furieux retentit.

« C’est Varok. Tu dois aller le voir », dit Agnar avec fermeté.

« Quoi ? » protesta Harga. « Je ne peux pas te laisser ici ! Cette chose va te tuer ! »

« Tu ne peux pas l’empêcher, et ton compagnon d’armes a besoin de ton aide. Tu peux encore le sauver. Tu ne peux pas me sauver ».

« Père, je t’en prie ! » supplia Harga. « Je peux vous sauver tous les deux. Je trouverai un moyen ».

« Harga Stonebones », beugla soudainement Agnar, sa voix étant un marteau en fer. « Je suis ton chef et le père qui t’a élevé et le premier à avoir mis une hache dans tes mains. Tu ne me désobéiras pas ! »

Harga resta silencieusement un moment, son visage était un masque de douleur et de chagrin. Finalement, elle se redressa. « Oui, père », réussit-elle à dire. Elle se retourna résolument pour partir, mais la main d’Agnar sur son épaule l’arrêta.

Elle fut surprise de voir sa propre douleur se refléter sur son visage. Il l’attira et pressa son front contre le sien comme il le faisait depuis qu’elle était petite. « Tu fais la fierté d’un père, Harga », murmura-t-il. Il s’écarta, puis tendit la main pour prendre l’une de ses haches entre ses doigts. « Et je ne vois pas de meilleur faon de finir qu’avec ta hache dans ma main ».

« Que la lame et ma rage de Dhunia trouvent leur marque », répliqua Harga, le chagrin palpable dans sa voix. Elle ne quitta pas son père des yeux, prit une profonde inspiration et tendit la main, sa voix rauque résonnant plus clairement. « Je suis la fille d’Agnar Stonebones, champion et héros de son peuple, et je revendique sa lame comme mon dû légitime ! »

Le vieux trollkin hocha la tête d’un air approbateur, souleva sa grande hache à deux mains se trouvant à côté de lui sur le brancard et plaça son manche bien usé dans la main de la jeune femme. « Va maintenant », murmura Agnar en la repoussant. « Sauve Varok et toi-même ».

Il n’y avait plus rien à dire. Harga savait qu’elle ne pourrait jamais détourner Agnar de la voie qu’il avait choisie. Elle se retourna et courut, vers l’écho s’estompant du dernier hurlement de Varok et s’éloignant du destin de son père.

* * *

Le chasseur regardait la proie se redresser sur la litière avec un grand plaisir. Il était parfois nécessaire de tuer une proie inconsciente. Cette proie méritait d’affronter la mort éveillée et debout.

La femelle trollkin était manifestement en détresse lorsque la proie s’adressa à elle, et lorsqu’il toucha son front si intimement, le chasseur comprit enfin le lien qui les unissait. La femelle était la progéniture de la proie. Cette révélation la plaça sous un jour nouveau. Elle était déjà une guerrière émérite, mais elle si elle portait le sang de la proie, elle deviendrait peut-être un jour une guerrière aussi émérite que lui… et peut-être même meilleure. L’idée d’affronter un jour une autre créature aussi capable que cette proie était une pensée agréable.

Elle n’était cependant pas encore prête et le chasseur fut soulagé lorsqu’elle quitta son père pour suivre les cris de son dernier compagnon. Désormais, il affronterait seul sa proie originelle, sans risquer de devoir tuer la femelle trollkin avant qu’elle ne devienne elle-même une proie digne.

Il faudrait un certain temps à la femelle pour atteindre le gros trollkin mâle. Le chasseur s’était jeté sur lui alors qu’il errait dans la forêt, l’assommant avec le plat de son kelkax, puis le suspendant à un arbre, la tête en bas. Il lui avait ensuite ouvert l’abdomen, juste assez pour laisser passer quelques viscères. La blessure n’était pas mortelle pour une créature aussi robuste, mais elle était extrêmement douloureuse. De plus, d’après l’expérience du chasseur, la plupart des créatures paniquaient devant la difficultés d’empêcher leurs entrailles de se répandre, créant ainsi un véritable vacarme.

Les cris de douleur et de rage du trollkin avaient suffi à éloigner la femelle de son père, laissant la proie seule, armée et prête. Quelques instants après le départ de la femelle, le chasseur descendit de son perchoir parmi les arbres, atteignant le sol de la forêt à une douzaine de verges de sa proie et bien en vue. Il voulait que le trollkin voie la mort arriver.

Le vieux trollkin était encore gravement blessé. Son bras gauche pendait inutilement sur son côté, et l’importante blessure entre le cou et l’épaule devait lui causer une considérable douleur. Lentement, il se hissa sur ses pieds, s’appuyant lourdement sur le manche de sa hache. Le chasseur attendit. Finalement, la proie leva la hache dans sa main droite avec l’aisance d’un guerrier, prête à mettre fin au lien qui les unissait. Il prononça quelque chose dans sa langue gutturale, puis pointa l’arme vers le flanc blessé du chasseur et sourit sombrement.

Le chasseur se rapprocha de quelques pas et se mit en position basse, ignorant la douleur que le mouvement provoqua dans son flanc. Il tenait son kelkax à deux mains, tenant l’arme à mi-hauteur et juste sous la lame. Cette prise réduisait la portée de l’arme, mais donnait au chasseur plus de contrôle sur l’arme longue.

La proie grogna en signe de reconnaissance et leva sa hache en garde haute.

Le chasseur hocha la tête une fois puis chargea. La douleur de sa blessure s’était pratiquement évaporée alors qu’il se déplaçait sur le sol de la forêt en direction de sa proie. Le frisson de la chasse revint et le chasseur se laissa emporter par la montée d’adrénaline.

La hache de la proie descendit en un clin d’oeil, mais le chasseur fut plus rapide. La crosse de son kelkax se souleva pour intercepter la hache alors que le chasseur tournait en cercle serré sur son pied gauche, entraînant la lame du kelkax dans un arc court et puissant. Le chasseur ressentit l’impact lorsque la lame frappa, la résistance alors qu’elle traversait la chair et les os, puis l’aisance gracieuse de la liberté lorsque l’arme acheva son arc de cercle. Dos à sa proie, le chasseur entendit un bruit sourd lorsque le corps du trollkin s’effondra, suivi d’un plus petit bruit sourd lorsque la tête du trollkin se détacha de son corps et frappa le sol.

Le chasseur se retourna pour examiner sa proie. Il était satisfait. Il avait tué cette proie digne d’intérêt d’un unique coup rapide et indolore. Une bonne tuerie. Le chasseur s’accroupit à côté du cadavre et souleva la tête coupée. Il étendit ses doigts sur le sommet de la tête de la proie et ferma les yeux en signe de révérence silencieuse. Le chasseur resta immobile pendant plusieurs minutes jusqu’à ce qu’il entende le bruit de la femelle trollkin revenant à travers la forêt. Il attacha rapidement le trophée à sa ceinture, puis sauta directement dans les branches cachées des grands arbres au-dessus de lui.

* * *


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Iron Kingdoms - RPG / NE
« le: 14 août 2024 à 22:42:27 »
SATYX

Quelque part parmi les innombrables îles qui constituent le domaine du Père des Dragons se trouve la sombre Île de Satyx, bien que personne, vivant ou mort, ne connaisse exactement son emplacement, à l’exception des redoutables pillardes qui la quittent.

Il y a des siècles, bien avant que Toruk ne fonde son Empire du Cauchemar, une terrible bataille s’est déroulée dans les cieux de cette minuscule et dissimulée île. Le Père des Dragons y affronta l’un des rejetons égarés, le dragon blanc Shazkz. Toruk fut victorieux, tuant sa progéniture dans les cieux et consommant son athanc sur-le-champ. Le sang du dragon plut sur l’île, et ses habitants furent changés à jamais.

Les histoires racontent que le sang corrompu détruisit les hommes de l’île, les faisant dépérir jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien, tandis que les femmes furent transformées en redoutables personnages cornus connues et redoutées sue le nom de satyxienne. Mais en réalité, personne ne le sait. S’il est clair que les satyxiennes ont depuis longtemps adopté une société matriarcale, avant même la pluie du sang corrompu du dragon, et que tous celles qui ont rejoint la Flotte Noire jusqu’à présent semblent être des femmes, personnes en dehors de la communauté insulaire ne sait ce qu’est la vie sur l’île cachée.

Ce que l’on sait, c’est que les satyxiennes s’étant aventurées hors de leur patrie secrète sont parmi les plus féroces et les plus notoires pillardes à avoir jamais sillonné les vagues. Bien avant que Toruk n’arrive dans cette région, les satyxiennes pratiquaient déjà une forme unique de magie du sang, qui leur conférait des capacités de prédictions et la domination des mers. Pour les pillardes, naviguer est aussi naturel que marcher, et rares sont équipages de satyxiennes qui ne sont pas accompagnées d’une ou deux sorcières sanguinaires.

La plus infâme des toutes les nombreuses satyxiennes à avoir vu son nom maudit par les marins de l’Immoren occidental est la reine pirate Skarre Ravenmane. Probablement l’être vivant le plus puissant et le plus influent de tout Cryx, Skarre a reçu le commandement presque total de la Flotte Noire de Cryx, bien qu’elle passe actuellement la plupart de son temps à naviguer parmi les îles du Corridor Continental, à pratiquer des pillages et à étendre le domaine de Cryx vers le sud, en direction du lointain continent de Zu.

Quelle que soit la vérité sur leurs origines ou leur société, il y a une chose que tous les satyxienne ont en commun, en dehors de leur redoutable réputation de pillardes et de pirates : les magnifiques cornes recourbées jaillissant de leur front, héritage durable de la corruption ayant altéré à jamais leur peuple.

Accroche d’Aventure

Un ancien capitaine pirate du nom de Dargeth Kaine, aujourd’hui à la retraite et vivant à Nouvelle-Larkholm est convaincu que, dans sa jeunesse, il a eu une fille avec une pillarde satyxienne. Il a consacré sa considérable fortune à la recherche de l’île cachée et de sa fille, et il pense avoir acquis une carte indiquant l’emplacement de l’île. Le problème, c’est qu’il n’a plus de navire ni d’équipage prêt à entreprendre le périlleux voyage. Mais il n’y a rien que l’argent ne puisse régler...

PASSAGE DU GARDEVENT

À la fois une aubaine et une malédiction pour le Cygnar et le Cryx, le Passage du Gardevent offre la plus grande voie libre entre l’Empire du Cauchemar et le continent. Le vent et le courant sont rapides dans le passage, canalisés entre les îles de part et d’autre, et si naviguer contre eux peut être meurtrier, naviguer avec eux peut être offre le trajet le plus court et le plus rapide d’une grande partie de la Côte Brisée.

C’est pourquoi le Passage du Gardevent est étroitement surveillé et très souvent patrouillé des deux côtés. Les navires de la Flotte Noire effectuent des rondes fréquentes, tandis que les forces cryxiennes observent depuis Garlghast au nord et le Pic du Dragon au sud. Le Cygnar, pour sa part, garde l’œil sur le passage avec l’aide des coriaces colons de Tête du Gigant et des tours de guets installées le long du rivage. Au premier signe d’une flotte d’invasion, les guetteurs cygnaréens ont reçu l’ordre d’allumer les gigantesques feux d’alarme qui avertiront le continent.

Malgré ces nombreuses précautions prises à part et d’autres, de nombreux navires empruntent encore le Passage du Gardevent, dont beaucoup de pirates et de corsaires, tandis que les navires marchands plus importants préfèrent rester plus proches de la côte ou prendre le chemin le plus long en contournant les Îles Scharde et la Mer des Lamentations à l’ouest.

Capitaine Aiakos

Issus des rangs des Tueurs de Quai à Morteseaux, Aiakos se débrouille seul depuis son enfance. Il a d’abord acquis sa réputation en se battant pour la gloire et l’argent dans les puits de gladiateurs de ce port maritime en déliquescence. Lorsque l’occasion s’est présentée, il s’est embarqué avec un équipage de pirates et a fini par découvrir ses talents de warcasters, devenant membre de la Flotte Noire.

Ses succès grandissant, Aiakos retourné à Morteseaux en tant que champion des armées du Père des Dragons et tua le soi-disant roi pirate Creathan Morvaen pour devenir le dirigeant de facto de la ville. Plus que tout, cependant, Aiakos tient à sa propre liberté et on le retrouve rarement dans la ville qu’il contrôle théoriquement, laissant ses opérations aux mains de ses anciens camarades des Tueurs de Quai.

Aiakos passe le plus clair de son temps à sillonner les mers entre les Îles Scharde, menant des raids éclairs depuis son vaisseau amiral, le Nocturnus, qu’il a pris à Morvean en même temps que la vie du roi pirate. Bien qu’il soit devenu l’un des êtres vivants les plus influents de l’Empire du Cauchemar, Aiakos est hanté par une ombre qu’il refuse d’affronter : la prise de conscience que sa liberté n’est qu’une illusion et qu’il est lié à la volonté de Toruk autant que les morts-vivants qu’il méprise.

ROCHENOIRE

Située sur la côte est de Cryx, non loin de la célèbre ville portuaire de Morteseaux, Rochenoire est fermement contrôlée par le Cryx, même si elle n’abrite aucune garnison ou chantier naval et uniquement quelques exploitations minières de nécrotite éparpillées. Agissant comme un tampon naturel pour Morteseaux la grande île est le domaine d’un certain nombre de tribus bogrin et trollkin, toutes touchées, du moins légèrement, par la corruption du Père des Dragons.
Ces tribus occupent principalement des villages dispersés le long du littoral, car l’intérieur de Rochenoire est marécageux et peu propice à la chasse, à la pêche ou à l’agriculture, bien que les trollkin locaux s’aventurent parfois à l’intérieur des terres à la recherche des trolls des marais et d’autres grandes bêtes ayant domicile sur l’île.

Malheureusement, la corruption du dragon a également imprégné une grande partie de la flore et de la faune ici. Les insectes piqueurs de Rochenoire sont particulièrement nocifs, et l’île abrite une race unique de vigne carnivore connue sous le nom d’Épine de Rochenoire.

Bien que les bogrin et les trollkin de Rochenoire soient probablement des vestiges des anciennes tribus Molgur, ils ne conservent presque rien de leurs traditions passées, qui ont été remplacées par la vénération du dragon. Aujourd’hui, ces tribus vénèrent Toruk et se livrent régulièrement à des concours de force, de vitesse, et d’adresse pour gagner la possibilité de servir dans les armées de Cryx ou à bord de l’un des nombreux navires corsaires partant de Morteseaux.

Accroche d’Aventure

Récemment, le bruit a couru à Morteseaux que quelque chose d’inhabituel se passait sur l’île de Rochenoire. Les tribus locales croient qu’une bête particulièrement puissante est apparue à l’intérieur des marécages de l’île, et elles ont décidé que celui qui la tuera deviendra le chef de toute l’île. Naturellement, cela a attiré des prétendants de toutes leurs tribus, mais plus récemment, des agents de Morteseaux ont découvert que les étrangers sont également éligibles, et une tentative de contrôle des tribus de Rochenoire, ne serait-ce qu’une courte période, pourrait s’avérer extrêmement bénéfique…

10
Bonne lecture  :)

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TOUS NE MEURENT PAS

Une Histoire d’Orsus Zoktavir, le Boucher de Khardov
de Douglas Seacat

Faubourgs de Fellig, à la fin siège.

Avec un hurlement de rage débridée, Orsus Zoktavir porta un nouveau coup de hache circulaire, envoyant les gardes-tempête voler en arrière tandis que son son tranchant affamé tranchait armes et membres avec la même facilité. Avant même qu’il en dépasse ses limites, la bataille ressemblait à un rêve enfiévré, comme le paysage d’une peinture folle où les seules couleurs étaient les teintes vive de la chair déchiquetée et du sang. Sa fureur grandissante était un hymne joyeux au sein de son esprit repoussant toutes les autres pensées, les battements de son coeur servant de tambours maintenant un irrésistible rythme. Il savait que peu de batailles dans l’histoire pouvaient prétendre à une telle distinction, où si peu de gents avaient provoqué l’anéantissement d’un si grand nombre.

Il éprouvait une sinistre satisfaction de savoir que les défenseurs cygnaréens qui auraient survécu en se retranchant derrière les murailles de leur ville n’oublieraient jamais la douce odeur maladive de la peur et de la mort. Malgré le plaisir qu’il prenait à se battre, une partie de lui commençaient à réaliser que la victoire n’était plus possible, si tant qu’elle l’ait jamais été. Les avertissements de ses officiers avaient été justes, même si leurs paroles lui avaient paru lâches à l’époque ; il y avait tout simplement trop de soldats ennemis en garnison ici.

Pendant un temps, ses hommes s’étaient battus à ses côtés pour prouver leur détermination, qu’il s’agisse des Crocs d’Acier ou des vétérans de la Garde des Glaces. Un à un, ils étaient tombés ou avaient été abattus par les fusils des lâches ou par la foudre. Alors même que la bataille commençait à prendre de l’ampleur, il voyait des poches éparses de ses soldats, séparés et isolés au milieu du chaos. La vision du carnage laisse par chaque coup de hache et entassé autour de lui en sanglants tas les inspira et ils tentèrent de se rallier à lui, mais cela devint difficile lorsque la contre-attaque ennemie débuta pour de bon. Leur combat prit une intensité désespérée, faisant preuve d’une détermination que le Boucher n’aurait pas attendue de la part des chiens du sud.

Immédiatement après que ses warjacks eurent défoncé la porte et l’eurent démolie, il avait lâché ses vagabonds maudits pour qu’ils fassent régner leur propre folie en abattant les hommes avec leurs hurlantes lames orgoth terrifiaient l’opposition. Cela avait brièvement repoussé les envahisseurs. Les vagabonds maudits tombèrent bientôt eux aussi sous les balles, un par un. Orsus était vaguement conscient que des mercenaires avaient rejoint la bataille à la périphérie ouest de la ville, où une autre partie de ses forces divisées était coincée. Un rapport avait dû lui être remis à ce sujet, mais il ne se souvenait pas lequel des cadavres khadoréens gisant près de lui avait apporté cette nouvelle. Aucun allié vivant ne se tenait désormais près de lui, seulement des ennemis. Les vivants étaient plus nombreux que les morts, et dans l’état de folie du Boucher, il voyait les morts se battre comme des fantômes. Il lui devint difficile de séparer les vrais soldats des fantômes.

Jamais l’idée du Boucher n’avait été d’appeler à la retraite. Son attaque aurait un sens dans le mesure où elle drainerait horriblement l’ennemi. Les vies écourtés ici ne serait pas facilement remplacées. Les survivants de cette bataille ne se moqueraient pas de lui en signe de victoire, mais se contenteraient de pousser des cris d’orfraie, tenant leurs armes d’une main tremblante en se demandant comment ils avaient pu éviter d’être empilés parmi les morts. Il espérait qu’ils se réveilleraient terrorisés pendants des années par les cauchemars d’un géant porteur de l’Enclume de Khador.

Le merveilleux rêve de massacre du Boucher touchait à sa fin. Les défenseurs de Fellig continuaient d’affluer sans discontinuer, et même ses puissants bras commençaient à se fatiguer, seuls ses feux intérieurs de rage le soutenant. Il sourit sauvagement en appréciant le stupide courage des Gardes-Tempête et des Lames-Tempêtes se jetant sur lui à plusieurs reprises, pour ensuite être fauchés comme des blés par une faux. Les chevaliers de l’épée les rejoignirent, presque aussi enthousiastes à l’idée de rencontrer Lola. Chaque meurtre ne faisait qu’accroître son désir de tuer le suivant. Parfois il tuait avec son tromblon, parfois avec la magie, mais la plupart du temps, c’était Lola qui chantait. Il ne s’aperçut de ses propres blessures que lorsque le sang qui s’écoulait commença à ralentir ses bras et à rétrécir sa vision. Son dernier ‘jack était tombé il y a bien longtemps, déchiquetés par les tirs des canons venant des murailles. Plutôt Fenris avait chevauché à la poursuite de l’ennemi. Il était vraiment seul.

Le flux de la guerre l’éloignait de la brèche, tandis que des hommes de moindre importance et leurs piteuses armes l’entouraient. Dans l’ensemble, ils exerçaient une certaine pression, telle la marée. Son champ d’énergie émettait un constant gémissement tandis alors que ses énergies détournaient les balles et les lames. Il chancela suite à un violent impact qui avait pénétré son champ. L’odeur d’ozone le sortit de son état de transe et il aperçut le Lame-Tempête ayant porté le coup lever son glaive pour en porter un autre. Orsus poussa un nouveau cri de rage et s’élança sur le chevalier offensant avec une telle force que l’homme fut fendu en son centre. La brume rouge revint pour effacer ses pensées rationnelles.

Il perdit le fil des événements mais continua à se battre. Son instinct de combattant étant profondément ancré ; il n’avait pas besoin de surveiller son corps pour se rappeler comment tuer. Il reprit conscience alors qu’il s’enfonçait jusqu’aux genoux dans un ruisseau boueux, entouré d’arbres et de chevaliers casqués arborant le Cygnus jaune tant détestés. Ils faisaient les cent pas autour de lui, juste hors de sa portée. Le chevaliers brillaient dans leur acier argenté, sans visage derrière leurs visières, comme les émissaires d’une arrogante mais impuissante puissance supérieure. Il cligna des yeux et sentit sa respiration s’essouffler. Cette faiblesse était honteuse. Lola était lourde dans ses mains, et ses doigts étaient glacés et engourdis, glissants de sang. Réaliser qu’il était au bout de ses forces le rendait encore plus furieux, à la fois contre lui-même et contre ses ennemis.

LES SENS D’ORSUS ÉTAIENT TROP EMBROUILLÉS POUR ENTENDRE LES AUTRES ARRIVER, MAIS IL ÉTAIT CONSCIENT QU’ILS ALLAIENT TENTER LEUR CHANCE.

Un bref moment de voile noir revint et il secoua le tête pour découvrir qu’il était tombé à genoux dans l’eau. Dans le miroir de la surface, un visage plus décharné et plus pâle que dans ses souvenirs, souillé de sang et de boue, le fixait. Des rubans rouges s’enroulaient entre les rochers du ruisseau. Il ne goûtait que du cuivre et ne sentait que de la fumée. Il vit un mouvement se refléter sur l’eau et leva les yeux pour remarquer l’un des chevaliers de l’épée trouver le courage d’agir. L’adversaire leva sa grande épée caspienne.

Le chevalier espérait manifestement lui porter un coup de grâce, et cette pensée donna un surcroît de force à Orsus, qui beuglant comme un ours balaya le solide manche de Lola, donc le dos s’écrasa sur les genoux de l’homme. Le chevalier chuta avec des cliquetis métalliques sur les grosses pierres proche de la berge et gémit de douleur. Orsus sourit une fois de plus alors qu’il se relevait de toute sa hauteur et levait sa hache. Le chevalier se tourna pour lui faire face et leva son épée pour bloquer, mais Orsus frappa de toutes ses forces pour briser facilement l’épaisse lame et transpercer la cuirasse brillante de l’homme. Le corps s’effondra maladroitement, telle une marionnette dont les fils auraient été coupés. Le sang jaillit de l’ouverture en écume.

Les sens d’Orsus étaient trop embrouillés pour entendre les autres arriver, mais il était conscient qu’ils allaient tenter leur chance. Il se retourna pour remarquer les autres charger dans sa direction, leurs lames prêtes, essayant de le submerger par derrière. En les observant, Orsus se rendit compte que son champ d’énergie de warcaster avait disparu. Il n’avait plus de charbon. Pas étonnant que son armure soit si lourde.

Il saisit Lola à deux mains et hurla en portant un large et puissant coup. Des taches apparurent devant ses yeux et il ignora l’engourdissement de ses doigt. Sa vision se brouilla et il ne ressentit aucune résistance, mais il entendit le bruit éminemment satisfaisant du choc métallique et les bruits sourds des corps tombant dans le ruisseau en huit parties, là où se trouvaient quatre corps. La lame de Lola était détrempée de sang. Celui-ci s’était accumulé en couches. Clignant des yeux alors même qu’il chancelait sur ses pieds, n’était même plus capable de penser à ce qu’il faisait, Orsus arracha l’une des capes d’un des chevaliers morts pour l’essuyer, mais le travail fut mal exécuter.

En regardant autour de lui, les taches dans les yeux se multipliaient comme des mouches sur de la viande avariée. Il ne vit aucun autre signe de son ennemi ou de la ville elle-même. Seule la rage le faisait avancer. Il serra les dents et mit un pied devant l’autre, espérant faiblement se diriger vers la ville pour reprendre son combat. Il ne savait pas quelle direction il avait choisie, mais une fois lancé, il n’hésitât plus.

* * *

La jeune fille avait pris l’habitude de s’échapper de la maison chaque fois qu’elle le pouvait, comme un petit acte de rébellion. Il lui était difficile de trouver le temps entre ses interminables corvées, mais elle parvenait parfois d’obtenir un court répit si elle se dépêchait d’accomplir ses autres tâches et si la maîtresse était distraite. Si elle partait trop longtemps, elle subirait une punition encore plus grave à son retour, mais après de nombreuses expéditions, elle savait combien de temps elle pouvait disparaître avant que cela se remarque. Elle aimait particulièrement s’éclipser dans les zones inemployées, au-delà des champs de la ferme principale, près de la grande forêt se profilant à l’horizon. Elle avait inventé d’innombrables contes dans son esprit sur les horreurs et les merveilles qui se cachaient dans ces inquiétants arbres.

Chaque fois qu’elle se déplaçait dans cette direction, qu’elle passait devant le précieux bétail du castelain parqué dans leurs enclos, au-delà de la lisière du champ, elle essayait de trouver le courage de se rapprocher de la forêt. C’était une batailles de pas et de verges, mais elle doutait qu’elle y parvienne un jour. Les autres membres de la maison insistaient sur le fait que quiconque pénétrait dans ces arbres ne revenait jamais, et ils décrivaient d’horribles histoires sur ce qui leur était arrivé. Elle écoutait ces histoires depuis les petits coins et les ombres avec un plaisir effrayé, même si elle savait que des chariots descendaient parfois sur l’ancienne route depuis la partie la plus proche de la forêt et qu’il y avait une grande ville juste au nord-est, de sorte que les histoires ne pouvaient pas toutes être vraies.

L’un de ses endroits préférés était un vieil arbre épais que sa mère lui avait indiqué la première fois  et qu’elle utilisait toujours comme point de repère pour ses explorations. Alors qu’elle contournait le tronc, elle sursauta et s’arrêta net. Un homme gigantesque, bien plus grand que tous ceux qu’elle avait vus jusqu’alors, était allongé contre le massif tronc, immobile comme la mort. Même le cuisinier, maître et tyran de la cuisine, n’était pas si grand.

Par inadvertance, elle racla sa gorge, puis plaque une main sur sa bouche et recula, tremblante. Pourtant, l’énorme personnage ne bougea pas et ne fit aucun autre signe pour indiquer qu’il l’avait entendue. En fait, alors qu’elle le regardait avec appréhension, elle fut de plus en plus convaincue qu’il était belle et bien mort. Elle se demanda alors si le fait qu’il soit mort le rendait plus ou moins effrayant, alors qu’elle l’examinait de loin.

L’armure du géant était rouge sang, et elle était à peu près certaine qu’elle était également couverte de vrai sang, séchée et recouverte de boue par endroits. Il était affalé, le dos contre l’arbre, comme s’il faisait une sieste. Sur ses genoux reposait une énorme hache, dont la vue la fit frissonner et lui rappela de terribles histoires de bourreaux et de têtes coupées. Sa peur se mêla d’une intense curiosité. Il était très différent de tout ce qu’elle avait rencontré jusqu’à présent. Comment était-il arrivé là ? Qu’est-ce qui avait bien pu tuer un homme aussi effrayant ? Elle se retrouva à se rapprocher de lui avant même de s’en rendre compte.

C’est lorsque qu’elle fut à quelques verges qu’elle aperçut l’énorme déchirure sur le flanc de l’armure du géant. Les plaies de cette violente déchirure étaient noircies, comme brûlées. Cela semblait avoir été le coup fatal, car en dessous il y avait du sang qui semblait frais. Elle vit une seul goutte rouge s’accumuler et tomber sur l’herbe. Son armure ne ressemblait à rien de ce qu’elle avait jamais vu – non pas qu’elle ait été beaucoup exposée à des combattants autre que les hommes simplement vêtus de la garde du domaine du castelain. De curieux tuyaux de laiton étaient fixés à la partie inférieure des grandes plaque superposées recouvrant sa poitrine et son ventre, tandis que es énormes épaulettes étaient cerclées de pointes de méchantes pointes en fer. Un collier en acier brillant entourait son cou et cachait sa bouche à sa vue, et autour de ses épaules se trouvait un collier de fourrure qu’elle avait d’abord pris pour des cheveux. À cette distance, elle pouvait voir que son crâne était chauve et couvert de vilaines cicatrices. Des lanières pendaient au manche de sa hache, et quelque chose pendant de chacune d’elles. Son estomac se serra lorsqu’elle reconnut qu’il s’agissait de crânes ; leurs surfaces blanches comme l’os et leurs orbites vides la convainquirent plus que tout qu’il ne s’agissait pas d’un homme, mais d’un monstre.

Soudainement, le géant émit une respiration sifflante et toussa, ses main se crispant sur le manche de sa hache. Elle sursauta et tomba à la renverse, trébuchant sur ses propres pieds pour atterrir par terre. Frénétiquement, elle recula sur ses mains et ses pieds, se poussant derrière l’abri de l’arbre pour retenir son souffle.

Il ne s’était pas réellement réveillé. Elle le regarda longuement, se sentant quelque peu différente maintenant qu’elle savait qu’il était vivant. Elle pouvait maintenant voir plus clairement qu’il respirait en fait. Sa peau était très pâle et se respiration ne semblait pas tout à fait aisée.

Lentement - très lentement - elle s’approcha de lui. Elle se sentait terrifiée, et pourtant sa fascination n’avait fait qu’augmenter. Il souffrait de façon si évidente. Elle se souvenait de sa mère qui l’avait soignée la fois où elle était tombée dans le lac et avait failli se noyer. C’était l’un de ses souvenirs les plus chers. Comment il devait se sentir seul pour souffrir pareillement.

D’une main tremblante, elle posa un doigt hésitant sur le côté de sa main la plus proche, là où le gantelet armuré était tombé dans l’herbe. Elle se prépara à bondir, mais il ne bougea pas. Plus lentement et plus prudemment encore, elle toucha la peau de sa main et constata avec surprise qu’elle était extrêmement chaude, voire fiévreuse. Ses sourcils se froncèrent tandis qu’elle réfléchissait à ce qu’elle devait faire. Elle savait que son temps de liberté touchait à sa fin et qu’elle devait se dépêcher de rentrer avant que cela se remarque. Elle ne voulait pas se retrouver à nouveau sous le fouet. Malgré tout, elle hésitait à partir, mais elle finit par se retourner et le laissa là où il gisait.

* * *

La jeune fille entra dans la maison et fut immédiatement accueillie par une badine sur ses mollets, car sa maîtresse, la grosse vieille bique en colère, lui lança un regard noir parce qu’elle était en retard. « L’école buissonnière n’est pas tolérée », hurla-t-elle de sa voix grinçante. « Peut-être qu’une nuit sans souper te rendra plus responsable ».

Elle ne put s’empêcher de penser au géant tout en poursuivant ses corvées, se demandant s’il mourrait avant qu’elle puisse revenir. Sa maîtresse semblait se réjouir des grognements répétés de son estomac pendant qu’elle travaillait, mais malgré son inconfort, elle-même ne pensait qu’à l’homme en rouge.

Elle ne comprenait pas vraiment pourquoi sa vue l’avait tant captivée. C’était presque comme si elle était tombée sur une histoire de malfée qui lui était propre, et elle éprouvait une joie particulière à avoir un secret pour les autres, avec leurs regards suffisants et leur cruauté condescendante. Elle était la plus petite et l’une des plus jeunes servantes de cuisine et se voyait donc souvent confier les pires taches. Tout au long de la soirée, elle ne cessa de penser que les autres n’était pas au courant de l’existence du géant blessé qui sommeillait au-delà du champ.

Alors que les activités ménagères se terminaient et qu’elle était censée dormir, elle se glissa comme une souris dans la cuisine. Elle n’avait jamais volé ses maîtres auparavant et savait bien trop bien que cela pourrait avoir des conséquences désastreuses, mais elle se sentait obligée de le faire. Elle prit le plus grand panier qu’elle put trouver et le remplit de tout ce qui lui passa par la tête : une lanterne, une grosse aiguille et du fil grossier, une cruche d’eau, une bouteille de vin de cuisine, une pile de serviettes en tissu récemment nettoyées et plusieurs gros morceaux de pain et de fromage restant du souper. Son estomac grogna à nouveau et elle sentit qu’elle avait l’eau à la bouche en rangeant ces choses, mais elle refusa d’en prendre ce serait-ce qu’une bouchée pour elle-même.

La jeune fille n’avait pas de plan particulièrement élaboré, mais elle ne pouvait pas laisser passer l’occasion. Auparavant, elle n’avait jamais eu le courage d’atteindre la forêt. Cette fois-ci, elle était déterminée à être courageuse. C’était une bravade qu’elle s’était lancé à elle-même, un défi.

Marcher jusqu’à l’arbre de nuit était encore plus effrayant que le jour, car l’air du soir était glacial et le sentier familier était plongé dans l’ombre. Une chouette hulula de façon menaçante et elle frissonna. Le marche semblait plus longue que dans son souvenir, mais soudain il fut là, une grande silhouette dans l’obscurité. Elle s’arrêta, s’efforçant d’entendre sa respiration laborieuse par-dessus la sienne. Il vivait encore. Les mains tremblantes, elle mit plus de temps que prévu à allumer la lanterne. Elle la garda à moitié close, l’orientant vers ses pieds, afin que sa lumière ne revienne pas vers la maison et ne la trahisse pas.

Elle se rapprocha, mais comme il semblait pas le remarquer, elle s’enhardit. Se mordant la lèvre, elle s’approcha de lui, mais il ne bougeait toujours pas. Finalement, elle décida qu’elle n’arriverait à rien si elle ne commençait pas à le considérer non pas comme un étranger, mais plutôt comme une bravade. Elle devait d’abord de la blessure qu’il avait au flanc. Cela s’avéra encore plus difficile qu’elle ne l’avait imaginé, et bientôt, de ses petites mains, elle tira sur l’armure en métal pour essayer de trouver un moyen d’y pénétrer. Il ressemblait à un de ces coquillages dont elle avait entendu dire qu’on les mangeait sur la côte ! Elle s’arracha douloureusement l’ongle de l’un de ses doigts en détachant l’une des lanières de cuir la plus proche de la sanglante déchirure de l’armure, mais elle finit par l’ouvrir suffisamment pour voir la blessure elle-même.

Il sentait mauvais et la blessure était horrible, mais elle déjà coupé la têt de poulets, vidés des poissons et coupé la graisse de la viande fraîche, elle avait donc vu pire. Elle essaya de garder cette pensée à l’esprit tandis qu’elle examinait l’entaille saignante et enfilait une aiguille au mieux qu’elle pouvait dans la faible lumière. En regardant au-delà de l’énorme torse jusqu’au visage du géant, elle se prépara au plus grand risque jamais vu. Il était caché dans l’obscurité. S’il devait se réveiller, il l’aurait déjà fait ? Ses doigts tremblaient et elle était si tendue qu’elle faillit sauter en arrière par pur réflexe après avoir donné le premier coup de couteau dans la peau. Elle se força à rester immobile, mais le géant ne broncha même pas. C’était comme si l’aiguille n’était rien pour lui, ou qu’il était allé trop loin pour la ressentir. Enhardie, elle se mit au travail, se concentrant plus sur la couture de sa chair qu’elle ne l’avait jamais fait avec ses tâches ménagères.

Lorsqu’elle eut fini de recoudre la plaie, elle avait complètement oublié qu’elle travaillait sur une personne. En fait, elle commençait à se souvenir de ce que c’était coudre quand elle était une jeune fille avec sa mère avant qu’elle ne meure d’une toux. Après avoir noué le dernier point, elle humidifia l’une des serviettes et fit ce qu’elle put pour essuyer la croûte de sang, puis elle en plaça plusieurs autres pour arrêter le sang qui s’écoulait de la plaie nouvellement recousue. Travailler avec des coupures ne lui était pas inconnu, car il s’agissait d’un risque habituel dans la cuisine. Plus tôt dans l’année, elle s’était ouvert une longue entaille à l’intérieur de la paume en épluchant des pommes de terre. Elle avait été brutalement fouettée et n’avait reçu que des restes de nourriture pendant plusieurs jours, car la blessure l’empêchait d’accomplir son travail. Cette leçon l’avait certainement rendue plus prudente depuis.

Soudainement, on lui toucha le visage et elle se figea. Elle leva des yeux écarquillés pour découvrir le regard du géant posé sur elle. La main qui avait effleuré son visage était étrangement douce. Elle émit un gargouillis et tomba à la renverse, trébuchant sur le panier alors qu’elle reculait à nouveau vers l’arbre. Elle faillit s’enfuir presque entièrement, mais s’arrêta au faible croassement de sa voix. Elle entendit la main et récupéra la lanterne, la pointant vers lui afin de voir s’il s’élançait vers elle. Son expression était étrange, presque souffrante. Il fit un geste vers sa gorge. Il ouvrit la bouche mais rien ne sortit. Elle écarquilla les yeux et se demanda s’il pouvait être muet, comme elle. Ce n’est que lorsqu’il toussa faiblement qu’elle reprit légèrement ses esprits. Elle réalisa, en sursautant, qu’il devait avoir très soif, bien sûr. Elle y avait pensé plus tôt, mais l’avait oublié. Ses yeux se tournèrent vers le panier, couché sur le côté, là où elle l’avait poussé lors de sa retraite.

Elle se précipita vers le panier et fut soulagée de constater que la cruche n’avait pas perdu son bouchon. Avec hésitation, elle l’avança, l’ouvrit et la leva vers le géant. Comme il semblait incapable de la saisir, elle dut s’approcher de son visage, toujours tremblante, et de lui verser le liquide dans la bouche. Il toussa et bafouilla et elle recula à nouveau, mais finalement, il se calma et elle réessaya. Cette fois, il avala plusieurs gorgées et sembla satisfait. Elle se pencha pour lui trouver du pain, mais lorsqu’elle releva la tête, il dormait. La jeune fille se rendit compte que son coeur battait frénétiquement dans sa poitrine et elle pensa qu’elle avait pris tout ce qu’elle pouvait cette nuit. Elle plaça le pain près de sa main, à côté de la bouteille de vin de cuisine, éteignit sa lanterne et s’enfuit vers la maison.

* * *


Lors de sa prochaine visite, elle apporterait une lourde bâche qu’elle avait trouvée dans la grange après avoir réalisé qu’il avait probablement très froid après avoir dormi par terre sous l’arbre. Il lui était également venu à l’esprit qu’une telle couverture pourrait rendre plus difficile sa localisation. Les gardes du domaine du castelain étaient paresseux en matière de patrouilles, mais le risque qu’il soit découvert semblait particulièrement élevé, car la maison était en pleine effervescence en prévision d’un important rassemblement dans quelques jours. Des invités du castelain allaient arriver, et tout le monde avait été prévenue que les erreurs ne seraient pas tolérées. La maîtresse de cuisine et le cuisinier étaient devenus encore criard et agressif que d’habitude. Elle ne savait pas s’il s’agissait d’une fête générale, d’un mariage ou de quelque chose d’autre – personne ne lui donné ce genre de détails – mais il était clair qu’il se passait quelque chose d’important. En temps normal, cela aurait pu l’intéresser, mais elle se sentait maintenant entièrement absorbée par son projet secret.

En arrivant à l’arbre, elle eut la satisfaction de constater que le géant avait mangé presque toute la nourriture qu’elle avait apportée et que la bouteille de vin était vide. Elle pensa même que ses joues avaient repris un peu de couleur ; en tout cas, à la lumière de la lanterne, il n’avait plus l’air aussi pâle que la mort. Sa peau était encore chaude au toucher, et le linge humide qu’elle avait drapé sur son front bouillant était sec. Elle avait brièvement envisagé d’essayer de retirer davantage de son armure pour l’aider à se rafraîchir, mais la perspective semblait impossible sans l’aide de plusieurs hommes adultes, et peut-être d’un bœuf.

Alors qu’elle mouillait et replaçait le chiffon, un grognement soudain se fit entendre. Il lui fallut un long moment pour réaliser qu’il lui parlait, prouvant qu’il n’était pas muet. Elle recula, plus effrayée que paniquée cette fois. Il avait de nouveau les yeux ouverts, mais ils erraient et ne concentraient pas sur elle. Il parlait à voix basse dans une langue qu’elle ne pouvait pas comprendre. Ce n’était définitivement pas ordique, et d’après le peu qu’elle avait entendu, elle était raisonnablement sûre que ce n’était pas du cygnaréen non plus. Le grondement était étrangement hypnotique.

SOUDAINEMENT, ON LUI TOUCHA LE VISAGE ET ELLE SE FIGEA. ELLE LEVA DES YEUX ÉCARQUILLÉS POUR DÉCOUVRIR LE REGARD DU GÉANT POSÉ SUR ELLE.

Une pause pleine d’espoir provoqua une étincelle familière de honte désemparée jusqu’à ce quelle réalise qu’il n’attendait pas réponse. Il continua à parler, presque comme s’il avait entendu une réponse de quelqu’un n’étant pas présent. Le seule chose qu’elle comprenait des paroles khadoréennes était le nom « Lola », et elle se demandait de qui il s’agissait. À sa grande surprise, une larme coula sur la joue du géant. Son expression était si triste qu’elle en eut mal à la poitrine. Il prononça d’autres paroles, puis s’endormit, et l’ensemble de l’expérience la laissa étrangement calme et en paix. Il n’avait même pas bronché lorsque son aiguille avait transpercé sa chair, mais il était clair qu’une douleur intérieure le gênait. Elle ressentit un écho de sympathique à ce sentiment, une résonance avec une douleur qu’elle avait enfouie en elle depuis la mort de sa mère. Un monstre comme lui pouvait-il ressentir quelque chose de semblable ? Tout en changeant les serviettes imbibés de sang sur son flanc, elle essaya d’imaginer la personne avec qui il croyait avoir parlée. Lola était-elle aussi grande que lui ? Elle essaya d’imaginer sa maîtresse trois fois plus grande qu’elle et portant une armure rouge et frissonna à cette idée.

Au cours des deux nuits suivantes, elle revint avec plus de nourriture pour changer ses pansements et écouter ses incompréhensibles et enfiévrées divagations. D’ordinaire, elle se sentait mal à l’aise lorsque les gens s’adressaient à elle plus longuement qu’en aboyant des ordres. Très tôt, elle avait appris à ne essayer de s’exprimer, surtout après voir enduré les rires des autres enfants. C’était un soulagement d’écouter quelqu’un qu’elle ne comprenait pas et que ne demandait manifestement pas de réponse. Elle redoutait l’idée de retourner à la maison et le risque de se faire prendre, et elle se sentait plus en sécurité avec lui. Elle passa sous la bâche, se coucha à l’intérieur d’un de ses bras et s’y endormit, réconfortée par la chaleur qui irradiait de lui telle une fournaise. Elle parvint, avec difficulté, à se réveiller à temps pour se faufiler jusqu’à sa chambre avant le lever du jour.

Ce matin-là, elle entendit le cuisinier crier à la maîtresse de cuisine à propos des fournitures manquantes. Entendre son propre bourreau se faire punir lui procura un sentiment de malveillante satisfaction, et elle devint plus audacieuse dans ses vols. De toute façon, personne ne la soupçonnerait, elle était trop humble pour un tel complot. Malgré cela, le risque croissant de ce qu’elle faisait la distrayait alors qu’elle se précipitait vers le géant cet après-midi-là. Avec les événement de la maison, ses tâches accrues l’empêcheraient de lui rendre visite ce soir, et elle se sentit obligée d’y aller tôt.

Elle pensait à cela lorsqu’elle contourna le massif arbre et s’arrêta avec surprise en voyant qu’il était debout. Il n’avait pas particulièrement stable, appuyé d’une main contre le tronc d’arbre, mais il était debout. Sa taille et sa masse la terrifiaient à nouveau ; droit, il semblait la dominer comme une montagne. Cela changea tout et soudainement elle se sentit complètement perdue, sans aucune idée de la manière d’interagir avec lui.

Ses yeux semblaient différents alors qu’ils se fixaient sur elle, et son sang se glaça. C’était comme s’il la voyait clairement pour la première fois et ne la reconnaissait pas. Alors qu’ils se fixaient l’un l’autre, ses sourcils se froncèrent et il sembla qu’il y avait y avait peut-être une lueur de reconnaissance. Il désigna brusquement son bras et lui posa une question sur un ton qu’elle n’avait jamais entendu de sa part auparavant. Elle baissa ses yeux et n’y vit que des bleus, comme toujours. Ses yeux s’écarquillèrent et ses narines se dilatèrent tandis qu’il fixait les marques, et elle sentit son appréhension s’approfondir. Avait-elle fait quelque chose de mal ? Ses lèvres se retroussèrent en un grognement et il prononça quelque chose de tranchant et mordant qu’elle put reconnaître comme une malédiction sans même en connaître les paroles. Il serrait les poings et semblait s’énerver de plus en plus.

Son intensité la perturba complètement. Sans réfléchir, elle laissa tomber son panier de nourriture en poussant un cri étouffé et se tourna pour fuir. Elle l’entendit crier derrière elle, et elle entendit à nouveau le nom « Lola », mais elle ne ralentit pas.

* * *

Elle reprit ses esprits après avoir couru la majeure partie du chemin jusqu’au domaine, et dans sa t^te elle se reprocha d’être une imbécile lâche. Elle ne croyait pas vraiment que sa colère était dirigée contre elle, alors pourquoi courait-elle comme un lapin vers son terrier ? Soudain, elle s’arrêta net en voyant la maîtresse de cuisine se dresser sur son chemin, la regardant droit dans les yeux, les mains posées sur ses larges hanches.

« Toi, ma fille ! » cria la femme d’une voix stridente en lui indiquant impérieusement de s’avancer. La vieille bique était myope – un fait que la jeune fille avait souvent utilisé à son avantage – mais pas assez aveugle pour être évitée maintenant. Son visage était d’un rouge de colère que la jeune fille ne l’avait jamais vu, et ses dents jaunes étaient serrées. Le jeune fille sentit son monde se désintégrer autour d’elle, mais elle n’avait d’autre choix que d’obéir. Dès qu’elle fut suffisamment proche, sa maîtresse lui saisit le bras comme un étau et la ramena brutalement vers la maison, en lui hurlant dessus tout le long du chemin.

Elle fut traînée dans la cuisine et jetée sur le sol, où elle glissa sur la pierre brute tout en s’effondrant. « Sale petite voleuse ! Misérable chienne ingrate ! » Tout ce qu’elle comprenait, c’est que son larcin avait été découvert. Les paroles exactes de sa maîtresse le submergèrent, mais la femme continua de crier. Cela attira l’attention du cuisinier, qui entra dans la pièce avec une expression alarmée. La jeune fille se leva pour le regarder, et quelque part au fond de son esprit, elle se demandait pourquoi il semblait plus inquiet que fâché. Puis le seigneur de la maison pénétra dans la pièce derrière lui. Tout le sang de la jeune fille fuit son visage. Elle ne connaissait que trop bien la réputation du maître et son manque de tolérance envers les serviteurs incompétents, sans parler de ceux qui volaient. L’année dernière, l’un des ouvriers agricoles avait été fouetté à mort pour vol. Ils connaissaient tous l’histoire.

Le castelain est un tordoréen mince et nerveux, avec des cheveux huilés d’un noir de jais et des vêtements bien plus raffinés que ceux qui l’entouraient. Sa barbe et sa moustache étaient parfaitement taillées et entretenues, et ses doigts étaient ornés de bagues. Il respirait l’autorité et la richesse. La jeune fille avait toujours été invisible pour lui, et lorsqu’il posa les yeux sur elle, elle fut clouée sur place. Il aboya à son cuisinier : « Qu’est-ce c’est ça, Tu ne peux pas contrôler tes gens, »

Jusqu’à ce qu’elle rencontre le géant, le cuisinier était l’homme le plus grand qu’elle ait jamais vu, mais il tremblait devant son maître en balbutiant : « M-m mon seigneur, laissez-moi gérer ça, ne vous inquiétez pas . . . » Il était très rare que le castelain entre dans la cuisine ; sa présence maintenant en ce moment ne visait probablement qu’à vérifier certains détails de l’imminent rassemblement. Malheureusement pour elle.

« Qu’a-t-elle fait ? » demanda le castelain, et le cuisinier jeta un regard à son tour à la maîtresse de la jeune fille, qui était encore trop en colère pour se montrer sage ou intimidée.

« C’est une voleuse. Elle a volé dans la cuisine ! La nourriture, le vin, les draps, qui sait quoi d’autres ? » Après s’être exprimé, elle sembla réaliser à qui elle s’adressait et son ton devint moins strident. « Ce n’est qu’une stupide muette, mon seigneur. Pourrie. Même un chien peut-être dressé. Je vais m’occuper d’elle ». Y avait-il un soupçon d’inquiétude à son égard dans la voix de sa maîtresse de cuisine ? Cette possibilité, plus que toute autre, effraya la jeune fille.

« Une voleuse ? » Les yeux du castelain devinrent froid. Il s’approcha de l’endroit où elle s’était recroquevillée, souhaitant pouvoir prononcer les mots pour plaider ou s’excuser. Il leva l’un de ses mains propres et manucurées, comme pour lui permettre de la voir clairement, puis ferma le poing et l’écrasa sur son visage, la faisant retomber sur le sol. Le douleur fut une explosion blanche dans sa tête, et elle était si abasourdie qu’elle ne put même pas réagir, sauf pour sentir les larmes lui monter aux yeux de manière involontaire. La voix calme du castelain contrastait avec la violence lorsqu’il déclara : « Il est préférable de s’occuper personnellement de ces questions ». Recroquevillée sur elle-même et berçant sa tête, elle ne vit pas le seigneur retrousser proprement ses manches. Il s’exprima à nouveau, cette fois au cuisinier. « Apportez-moi un fouet. Faisons en sorte que le reste du personnel en tienne compte ».

Haletante, la jeune fille cherchait instinctivement un moyen d’échapper à son sort, même sil elle savait qu’elle ne pourrait pas s’échapper. Lorsque ses yeux tombèrent sur la fenêtre la plus proche de la porte arrière, elle aperçut le géant se tenant là, scrutant l’intérieur. Son visage était plus en colère que jamais, et elle ne doutait pas qu’il l’avait vue se faire frapper. Ses yeux étaient fixés sur le castelain avec une effrayante intensité. Une vague d’effroi et d’excitation monta en elle, et elle se rendit compte qu’elle sanglotait.

Des cris retentirent à l’extérieur, mais le bourdonnement dans la tête de la jeune fille les étouffait de sorte qu’ils semblaient venir de lui. Un son métallique retentit, mais fut interrompu, suivit d’une bruit humide comme celui d’un seau d’ordures jeté contre le mur de la maison, puis d’un cri soudain de la maîtresse de cuisine.

Elle avait déjà commencé à se couvrir la tête lorsque la porte explosa en bois de chauffage sous le coup de pied de sa botte armurée. En regardant entre ses bras croisé, elle remarqua plusieurs gardes du domaine gisant, inertes et en sang, sur le chemin menant à la porte. Elle roula rapidement sous la table basse la plus proche et s’y blottit, observant la scène les yeux écarquillés. Ce n’était pas censé arriver.

Le géant se fraya un chemin à l’intérieur, sa masse arrachant des parties du cadre de la porte. Il dut se glisser manteau pour pénétrer dans la sombre cuisine, et lorsqu’il franchit la porte, il ressemblait à une ombre boire bloquant le soleil. Ses yeux étaient exorbités et ses dents étaient découvertes. Il se dirigea sans hésitation directement vers le castelain, la hache à la main.

Le tordoréen recula d’un pas, mais le regarda avec un petit air de défi, comme si son statut l’exemptait de toute violence. « Attendez ! C’est ma maison ! Qui es-tu ? Comme oses-tu- »

Le jeune fille détourna le regard juste à temps alors que la grande hache s’abattait. Cela ne l’empêcha pas d’entendre le bruit nauséabond ; ce fut comme celui d’un couperet faisait entamant la carcasse d’une vache. Elle entendit son seigneur gargouiller quelque chose, puis le bruit de son corps heurtant le sol. Malgré le traitement qu’elle recevait de la maison, elle ne pouvait penser qu’à l’horreur. Ce n’était pas ce qu’elle avait voulu, rien de tout cela. Le géant se tourna bientôt vers le cuisinier et même sa maîtresse, elle ne put que fermer les yeux, se plaquer les mains sur les oreilles et faire comme si de rien n’était. Cela devait être un cauchemar.

Après que le silence se soit installé dans la pièce, elle réalisa qu’elle sanglotait à nouveau et que ses joues étaient mouillées par ses larmes. Dehors, elle entendait des cris et des bruits de personnes s’approchant, mais à l’intérieur, il n’y avait que le silence. Elle ouvrit légèrement les yeux et fut surprise de voir le géant se pencher sur elle, regardant sous la table avec une expression étrangement innocente. Dans sa main gauche, sa hache dégoulinait de sang. Il fronça les sourcils et secoua la tête, puis essuya son autre main ensanglanté sur sa mâchoire. Elle glapit sans un mot alors qu’il tendait maladroitement la main pour la tirer vers l’avant. Elle ne lutta pas, engourdie par l’horreur tandis qu’il la faisait glisser à l’air libre. Elle se blottit sur le sol, ne bougeant que pour s’éloigner de la flaque de sang la plus proche se répandant vers elle.

Le géant se détourna un instant pour revenir à l’effroyable cadavre de ce qui avait été une personne : le castelan. Il tendis le bras et s’empara d’une pochette doublée de soie à la taille de l’homme. Elle tinta lorsqu’il la détacha.

Comme s’il prenait une décision, il la cueillit soudainement d’une main avec une étrange tendresse. Elle était si petite qu’elle se glissa facilement dans le creux de son bras, et il sortit de la cuisine. Il fit plusieurs grandes enjambées, puis se retourna vers la maison. La jeune fille put voir plusieurs personnes se précipiter, alarmées, bien que les gardes du domaine se soient arrêtés, incertains à la vue de l’énorme homme dans son armure rouge sang. Les lances dans leurs mains semblaient bien insignifiantes.

Le géant pointa sa hache vers le bâtiment en criant de sa voix grondante. La jeune fille sentit comme une vague de chaleur la traverser, puis, inexplicablement, le sol sous la grande maison se déforma et se souleva dans une explosion. Avec un boum étouffé, la coûteuse structure se plia vers l’intérieur et s’effondra dans un tourbillon de poussière et de fumée. Plusieurs incendies se déclarèrent au milieu des décombres. Elle enfouit sa tête sous son bras pour se cacher, tremblante ; c’était la seule maison qu’elle avait jamais connue. Les gardes du domaine lâchèrent leurs armes et s’enfuirent.

Le géant parut satisfait et marcha plusieurs minutes le long du chemin. Puis il s’arrêta et, après une longue pause, la pausa soigneusement sur ses propres pieds. Il prit la bourse qu’il avait prise au castelain et la poussa vers elle. Elle la saisit automatiquement des deux mains et la regarda sans comprendre. Elle semblait étonnamment lourde pour une si petite chose. Le géant resserra ses main autour de l’objet pour qu’elle ne la laisse pas tomber.

Elle ne put croiser son regard, bien qu’elle sentît le sien sur elle. Il tendit une main ensanglantée, comme pour tourner son visage vers elle, mais s’arrêta et laissa retomber son bras. Au bout d’un moment, il se retourna et, sans un mot de plus, marcha lourdement en direction de la forêt sombre.

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« le: 04 août 2024 à 19:34:54 »
PARTIE II

- 12-
À l’extérieur de Corvis, Cygnar

LE WAGON REBONDISSAIT ET ROULAIT à travers la campagne, et les bousculades, la sensation constante de mouvement apaisaient Stryker. Il avait voyagé dans une voiture de troupes plus confortable avec les autres officiers de Caspia jusqu’à Brainmarché, supervisant le chargement des troupes et du matériels aux arrêts de Vigneroy et Fharin. Lors de la dernière étape de leur voyage vers Corvis, il avait repéré l’une des lourds wagons renforcés transportant les warjacks de l’armée.

Maintenant, il était assis dans le noir, son armure de warcaster bourdonnant, ses relais galvaniques peignant les murs d’une lumière bleue vacillante. Le wagon contenait quatre warjacks lourds – deux Cuirassés et deux Cuirassés-Tempête – tous fixés avec de lourdes chaînes aux parois du wagon. C’étaient des d’imposantes ombres vagues, voûtées et silencieusement menaçantes, telle des gargouilles d’acier broyant du noir. Ils étaient tous éteints, sauf un.

Il avait alimenté Vî Arsouye lors de l’arrêt à Brainmarché, et les yeux du vieux warjack flamboyaient dans le wagon plongé dans l’obscurité. Stryker était connecté au cortex du warjack, le cerveau mékanique d’Arsouye, et il dérivait à travers ses souvenirs. Arsouye était avec lui depuis quinze ans, il lui avait été assigné pendant son circuit de compagnon Avant cela, il avait servi d’autres warcasters pendant trente-cinq ans et avait été l’un des premiers Cuirassés à être assemblés. Le warjack était imprévisible, acariâtre et dévastateur au combat, une combinaison qui le rendit difficile pour tout le monde sauf pour Stryker. Un lien les unissait, et certains suggéraient qu’ils étaient des âmes sœurs, si tant une telle chose pouvait être dite à propos d’un warjack et de son warcaster.

Stryker avait participé à de nombreuses bataille avec Arsouye, et les souvenirs du warjack étaient remplis de sang et de flammes. Stryker ne reculait pas devant ces images - il les embrassait. Elles l’aideraient à affronter le chaos des batailles à venir. Mais il y avait une autre raison pour laquelle Stryker visitait souvent les expériences limitées stockées dans le cortex de Vî Arsouye. Les visages de ses amis et des hommes qu’il avait dirigé remontaient parfois, des hommes qui avaient donné leur vie pour protéger le Cygnar et tout ce qu’il représentait. Avant chaque campagne, il se soumettait aux fantômes de ceux qui étaient tombés au combat, leurs visages falsques et leurs corps déchirés lui rappelant ce qui était en jeu à chaque fois qu’il posait le pied sur un nouveau champ de bataille.

Stryker savait que cela pouvait être sinistre, et qu’il ne pouvait pas nier que revisiter le cimetière éthéré dans le cortex de Vî Arsouye lui faisait du tort, mais cela le galvanisait aussi, lui rappelant son devant en tant que meneur d’hommes. Chaque décision qu’il prenait sur le champ de bataille coûtait des vies, et lui incombait d’atténuer ces pertes du mieux qu’il pouvait.

Les souvenirs étaient généralement colorés par la perception qu’avait Vî Arsouye des événements. Les warjack avaient des personnalités rudimentaires pouvant devenir plus fortes et mieux définies au fur et à mesure qu’ils restaient en service. Et un warjack pouvait développer des émotions simple comme la colère,l’agressivité, voire le chagrin, ce qui le rendait plus difficile à contrôler. Certains warcasters considéraient le développement de la personnalités d’un warjack comme un obstacle à son emploi sur le champ de bataille. Mais Stryker n’était pas d’accord avec cela. Ses warjacks étaient des soldats comme les autres, et les liens qui se développaient entre eux ne faisaient que rendre le warcaster et le warjack plus fort, plus en phase, augmentant ainsi l’efficacité de leur relation symbiotique.

Stryker fut tiré de ses souvenirs par l’arrêt brutal du wagon. Il s’éloigna du cortex d’Arsouye et laissa dériver son esprit dériver vers le cerveau mékanique des autres warjacks dans le wagon. Ils étaient inertes, semblables à un humain endormi mais il sortit chacun d’eux de son sommeil mékanique, lui ordonnant de se mettre sous tension. Bientôt, le wagon fut éclairé par six paires d’yeux lumineux.

La porte du wagon s’ouvrit brusquement, laissant entrer la lumière et le bruit d’un millier d’hommes et de machines. Ce n’était que le premier d’une longue série de trains de troupes, qui se retrouveraient tous au même point de rassemblement, près de Nordgarde. Les soldats mirent en place une lourde rampe, suffisamment large et solide pour supporter le poids de plusieurs tonnes que représentait le déchargement des warjacks.

Stryker fit tourner la turbine arcanique de son armure, injectant plus d’énergie dans la combinaison et se prêtant suffisamment de force pour manipuler facilement son arme, la lame mékanique géante à deux mains Vif-Argent. Elle était inspirée de la grande épée caspienne, une lourde épée à deux mains appréciées par les chevaliers de Cygnar, mais elle était considérablement plus longue et plus lourde. Son augmentation mékanique la rendait plus légère et plus agile, mais elle pesait encore plus de vingt-sept kilogramme et était impossible à manier sans la force supplémentaire offerte par son armure de warcaster.

Stryker plaça Vif-Argent dans son dos, des plaques magnétiques retenant la lame en place, et ordonnant à chaque warjack d’allumer sa chaudière et de commencer à produire la vapeur donnant de l’énergie à ses membres.

« Vous vous êtes bien reposé, monsieur ? » demanda Maddox en remontant la rampe d’accès au wagon. Elle portait son armure de warcaster et sa lame mékanique, Tempête, dans le dos.

« J’avais besoin de passer un peu de temps avec Arsouye », répondit-il. « Il se sent seul pendant les longs voyages ».

En réponse, le grand warjack émit un sifflement strident de vapeur et regarda dans leur direction.

« Oui, c’est de toi qu’on parle », dit Stryker. « Maintenant, lève-toi ».

« Vous êtes sûr que vous n’essayer pas d’éviter quelque chose ou quelqu’un, monsieur ? » Suggéra Maddox en souriant.

« Non, Major, ce n’est pas le cas », dit-il, légèrement irrité. Elle ne connaissait pas son rituel d’avant-bataille avec Vî Arsouye, et il ne voulait pas le partager avec elle, mais son accusation le blessait quand même un peu. « Prenez trois Cuirassés-Tempête et déplacez-les. Je vais prendre Arsouye et les autres Cuirassés ».

« Oui, monsieur », dit-elle et le subtil bourdonnement de la magie remua l’air alors qu’elle se connectait aux warjacks qu’il avait indiqués

Les chaudières des warjacks étaient suffisamment chaudes pour assurer la locomotion, et tous les six se tenaient debout, leurs chaînes d’attaches cliquetant, la fumée s’échappant de leurs cheminées.

Ensemble, Stryker et Maddox conduisirent les grandes machines le long de la rampe et sous le soleil de l’après-midi. La ligne de chemin de fer s’arrêtait à quarante-huit kilomètres de Corvis, et ils devraient marcher le reste du chemin jusqu’à Nordgarde. Il regarda la longue rangée de wagons et les centaines de soldats qui en débarquaient. C’était le chaos en ce moment, mais il faisait confiance à ses officiers, et les hommes seraient bientôt prêts à partir.

Il y avait une petite ville au bout de la voie ferrée, et des centaines de citadins s’étaient rassemblés pour voir l’Armée Cygnaréenne. La nouvelle de l’invasion s’était répandue, et la réaction de la population avait été meilleure que Stryker ne l’avait prévu. Cela avait beaucoup à voir avec une personne en particulier.

« Le Major Maddox ! La Libératrice de Llael ! », entendit-il quelqu’un crier dans la foule des citoyens cygnaréens, un cri se répercutant tout au long du rassemblement. Ils avaient vu Maddox et avaient immédiatement reconnu le nouveau visage de l’Armée Cygnaréenne.

Maddox se força à sourire et se retourna pour saluer la foule. Les applaudissements fusèrent.

« Tu es sacrément célèbre, Beth », dit Stryker en gloussant. Il avait vu des réactions similaires dans les autres villes où ils s’étaient arrêtés. La « Libératrice de Llael », comme on l’avait surnommée, était devenue plus grande que nature, un symbole de justice et de fin de la tyrannie khadoréenne.

« Avec tout le respect que je vous dois : allez-vous faire foutre, monsieur », dit-elle avec un sourire crispé, tout en continuant à faire signe de la main.

Il rejeta la tête en arrière et rit. « Très bien, alors. Si vous en avez fini avec vos fans, faisons bouger cette armée ».

« Morrow au-dessus, s’il vous plaît », dit-elle. « Des chariots en provenance de Corvis devraient nous rejoindre dans les prochaines heures. Ils prendront en charge les warjacks pendant que nous marcherons vers le nord jusqu’au point de rassemblement à l’extérieur de Nordgarde ».

« D’accord. Je sais que je vais je regretter, mais où est Magnus.

Elle se retourna et pointa du doigt.

Le vieux warcaster se déplaçait a milieu des troupes grouillant autour du train. Les pionniers et même les chevaliers de l’épée s’écartèrent de son chemin sans un mot. Il portait la même amure bricolée qu’il avait portée à Caspia, bien qu’il y ait ajouté une couche de peinture bleue et qu’un Cygnus ait été ajouré au plastron. Sa propre épée mékanique, Pourfendeur, était rangée dans son étui dans son dos, à côté d’un fusil à mitraille.

Harrow se déplaçait à côté de Magnus et, au grand dégoût de Stryker, l’homme portait une armure de pionnier, une armure de capitaine, pour être exact. Il avait reçu ce grade peu avant qu’ils ne quittent Caspia. Le reste des officiers de Magnus le suivait, tous d’anciens mercenaires.

Une soudaine poussée de colère envahit l’esprit de Stryker. Vî Arsouye se tenait à proximité, et le warjack réagit au brusque changement des émotions de Stryker en voyant Magnus. Il s’approcha et posa une main sur la coque du warjack, puisant sa force dans sa masse et sa chaleur.

« Seigneur Général », dit Magnus en s’approchant. Il leva les yeux vers l’imposant warjack à côté de Stryker. « C’est bon de voir Arsouye toujours en service ».

Le grand Cuirassé laissa échapper de la vapeur, un hululement sourd et irrité, et fit un pas en direction de Magnus.

« Doucement, Arsouye », dit Stryker en réprimant l’agression du warjack. « C’est un loyal soldat », déclara-t-il à Magnus.

« Sans aucun doute ». Magnus n’avait pas bronché lorsque Arsouye s’était approché de lui, même si le warcaster avait ressenti la poussée d’animosité du warjack. Il reporta son attention su Stryker. « Je suggère que nous réunissions le officiers supérieurs afin de coordonner la marche vers le Llael ».

C’était le prochain mouvement prévu par Stryker, et il détestait que Magnus l’ait suggéré avant qu’il ne puisse en donner l’ordre. Ne voulant pas paraître mesquin, il acquiesça. « D’accord, Général. Maddox, rassemblez les officiers supérieurs. Nous nous retrouverons près de la locomotive ».

« Monsieur », dit Maddox. Son regard s’attarda un instant sur Stryker. Il était évident qu’elle ne voulait pas les laisser seuls, Magnus et lui.

« Maintenant, s’il vous plaît, Major », répondit Stryker. Maddox se retourna et se déplaça le long la voie ferrée.

« Donc, c’est une marche vers Nordgarde puis remonter la Grande Route Commercial du Nord jusqu’en Llael », dit Magnus. « Nous devrions mettre trois semaines pour atteindre Croix-des-Fleuves.

« C’est ce que j’ai calculé, Général », répondit Stryker. La raison pour laquelle Magnus jugeait nécessaire de lui répéter ces détails bien connus était un mystère. « Comment vos hommes s’adaptent-ils au service dans une véritable armée ? » Il jeta un coup d’oeil à Harrow. L’homme affichait le même sourire narquois que Stryker avait vu à l’extérieur de la salle du trône à Caspia : Harrow portait également une armure de pionnier avec des barrettes de capitaines sur l’épaule droite. Stryker ne pouvait pas comprendre. Stryker n’arrivait pas à accepter que Harrow donne des ordres à des soldats cygnaréens, mais le roi avait accédé à la demande de Magnus de permettre à certains de ses hommes de le servir à titre officiel.

« Assez bien », dit Magnus. « Tout comme moi, ils se décrassent un peu ».

« J’en suis sûr ».

« Cela me convient », dit Harrow, son sourire s’élargissant. « J’aime bien donner des ordres à des hommes se battant pour autre chose que de l’argent. Ça donne l’impression d’être un homme convenable ».

Stryker l’ignora. Il ne pouvait se résoudre à s’adresser directement à Harrow. Il fut soulager de voir Maddox revenir avec les officiers supérieurs, parmi lesquels le Capitaine Tews.

Une fois réunis, il donna un bref aperçu de leurs ordres de marche. « Une fois que le transport des warjack arrivera de Corvis, nous nous rendrons au point de rassemblement à l’extérieur de Nordgarde. Nous rejoindrons le Colonel Bartlett et des éléments du 82ème Régiments de Cavalerie Lourde. Ensuite, nous remonterons le Fleuve Noir jusqu’en Llael.

Tout le monde acquiesça. Rien de tout cela n’était nouveau ; c’était la suite.

« Nous marcherons jusqu’à la Tour Gris-vent, où nous rencontrerons le Colonel Stoyan Jarov de la Résistance Llaelaise ». Stryker fit une pause, le temps d’assimiler la nouvelle. Il avait envoyé un message à la Tour Gris-vent peu de temps après leur départ de Caspia. Bien qu’il ait été décidé que la Résistance ne ferait pas officiellement de la partie de la force d’invasion cygnaréenne, il serait stupide d’ignorer la potentielle valeur qu’elle représentait pour cet effort de guerre.

« Je pensais que nous n’impliquions pas la Résistance », déclara le Capitaine Tews, exprimant ce que tout le monde pensait probablement.

« Officiellement, ce n’est pas le cas », répondit Stryker. « Mais le colonel possède des informations vitales sur Croix-des-Fleuves dont nous ne pouvons pas nous passer ».

« Il voudra envoyer des troupes avec nous », dit Magnus. « Jusqu’où vas cette implication officieuse, monsieur ? »

« Je compte utiliser certain de ses éclaireurs, s’il nous le permet, mais pas de troupes de première ligne ».

Magnus ne dit rien de plus pendant que Stryker informait le reste des officiers de ce qui les attendait au cours des semaines à venir. Le temps qu’il les congédie tous, on pouvait voir les chariots de provenant de Corvis travers les plaines du nord en direction de la voie ferrée. Les officiers se hâtèrent de préparer leurs hommes et leur équipement pour la longue marche. Magnus, cependant, s’attarda.

« Tu me surprends, Stryker », dit-il d’un air étrange.

« Comment ça ? » Stryker se doutait qu’il s’agissait d’une sorte d’appât.

« Que tu implique la Résistance me surprend », dit Magnus. « Ne te méprends pas. Je suis d’accord avec toi. La Résistance a probablement des informations vitales qui sont bien plus importantes que les ramifications politiques de leur implication ».

Stryker ne dit rien.

« Tu me surprends parce que c’est exactement ce que j’aurais fait », dit Magnus. Il salua et s’éloigna.

Stryker le regarda partir, détestant la fierté qu’il ressentait face au légers éloges de son ancien mentor.

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« le: 04 août 2024 à 19:33:37 »
- 11-

LE CONSEIL DE GUERRE SE POURSUIVIT encore pendant trois heures, tournant autour de la composition de la force d’invasion, de l’allocation des ressources et du ravitaillement, et du déplacement des troupes nécessaires de tout le Cygnar vers la forteresse de Nordgarde, à la frontière de Cygnar et de Llael, le point de rassemblement le plus logique.

La force d’invasion proviendrait en grande partie de la Cinquième Division en garnison à Corvis et comprendrait un grand nombre de pionniers, les bourreaux de travail polyvalents de l’armée cygnaréenne. La 31ème Compagnie de Chevalier-Tempête, commandée par le vieil ami de Maddox et de Stryker, le Capitaine Tews, ajouterait un soutien d’infanterie lourde et de warjack, tout comme la 21ème Compagnie de Chevalier de l’Épée. Il s’agissait d’un formidable rassemblement de quelques-unes des meilleures ressources militaires de Cygnar, même si, à mesure qu’ils peaufinaient les détails, les poids de ce qu’ils faisaient réellement – planifier une invasion – se posa sur Stryker. Cela faisait des semaines qu’ils se débattait avec cette idée, mais elle lui était encore étrangère.

Il fut soulagé lorsque le Roi Julius interrompit finalement les débats, qui devaient reprendre le lendemain. Il était fatigué, physiquement et moralement, et complètement pris au dépourvu par le spectacle qui l’attendait à l’extérieur de la salle du trône.

Il entendit d’abord des voix s’élever, puis un mugissement profond qu’il reconnut. Tews. Il avait ordonné au capitaine Lame-Tempête de le rejoindre ici avec un petit contingent de Lames-Tempête de haut rang afin qu’il puisse commencer à les informer des plans de bataille.

Stryker se précipita vers les portes, suivi de près par Maddox et les autres membres du conseils.

Les portes s’ouvrirent et Stryker remarqua Tews, en armure complète, à quelques centimètres d’un homme que Stryker avait longtemps cru mort. Il s’appelait Sbastian Harrow et avait été un mercenaire au service de Magnus bien avant l’exil du warcaster. Stryker avait eu plus d’un accrochage avec cet homme, le dernier l’ayant incité, jeune et effronté, à prendre la contrôle d’un warjack dans la fonderie de ‘jack de Ruissepêche pour protéger son père. Il avait perdu le contrôle, et les dégâts causés par le warjack avaient presque ruiné Joseph Stryker. Tout cela avait été conçu par Magnus, qui avait utilisé Harrow pour manipuler Stryker.

Harrow était grand et décharné, son visage était un réseau de cicatrices et de laideur. Il portait une longue épée et un pistolet lourd, et Stryker avait pu constater à quel point il était rapide avec son arme. Sa main planait maintenant sur la crosse de son arme. Il portait également ce qui semblait être une armure de pionnier avec des barrettes de capitaine sur son plastron. Il semblait que le Général Magnus avait promu certains de ses mercenaires les plus fiables à des postes au sein de l’armée cygnaréenne, s’entourant ainsi d’homme sur lesquels il pouvait compter.

Trois Lames-Tempête de haut rang se tenaient derrière Tws, tous trois lieutenants. Ils n’avaient pas les mains sur leurs armes, mais leurs visages étaient blêmes par l’incertitude. Ils n’avaient probablement jamais vu Tews dans un tel état. Harrow n’était seul non plus ; les deux mercenaires qui accompagnaient Magnus se tenaient derrière lui. Ils n’avaient pas l’air incertains, ni même inquiets – au contraire, ils avaient l’air impatients.

« Tu vas retiré ça, espèce de clébard mercenaire, ou je t’abats », dit Tews, pratiquement en rugissant.

Harow sourit, sans se laisser impressionner le Lame-Tempête géant. « Je n’ai dit que le vérité, Capitaine. Le Khador vous a chassé de Nordgarde sans trop d’efforts ».

Le visage de Tews était cramoisi. « Des hommes honnêtes sont morts là-bas, espèce de misérable », dit-il. Sa main était sur la poignée de son glaive-tempête, la puissante épée à énergie voltaïque des Lames-Tempête. Stryker avait vu Tews trancher en deux des hommes armures avec cette lame.

La Garde Royale se rassemblait autour des deux hommes, et cela deviendrait moche si Stryker n’intervenait pas, même s’il n’aimerait rien de plus que voir Tews décapiter Harrow.

« Capitaine ! Retirez-vous. Tout de suite.

Tews se tourna vers Stryker, et la rage sembla s’évacuer de lui à la vue de son commandant. Il recula d’un pas, s’éloignant d’Harrow, et laissa sa main s’éloigner de la poignée de son glaive-tempête.

« Capitaine Harrow, que s’est-il passé ici ? » demanda Magnus derrière Stryker. Le vieux warcaster contourna Stryker et s’approcha de son homme. Leto et le Duc Ebonhart les avaient suivis, et Stryker pouvait entendre le reste du conseil s’approcher derrière eux. Il espérait que le roi s’était retiré dans ses appartements, accessibles par l’arrière de la salle du trône.

Harrow recula d’un pas, sans toutefois retirer la main de la crosse de son pistolet. « Juste un amical débat », dit-il en adressant un sourire à Tews. « Il semble que j’aie malencontreusement touché un point sensible ».

Tews jeta un regard meurtrier au mercenaire puis se tourna vers Stryker. « Je suis désolé, monsieur », dit-il. « Il a insulté le 31ème et les hommes qui sont mort à Nordgarde. Il a dit que nous étions des lâches ».

Tews avait perdu des proches là-bas. Stryker aussi, et il comprenait la colère du capitaine, mais tous les regards étaient tournés vers yeux. « Tews, retournez immédiatement au complexe ; nous en discuterons plus en détail ».

« Oui, monsieur », dit Tews et il s’éloigna.

« Mes excuses, Capitaine », lança Harrow au grand Lame-Tempête. « Il semble que je t’ai causé des ennuis avec les gradés ».

La rage bouillait en Stryker, chaude et âcre. Il voulait garder son calme et montrer à Magnus et au reste du conseil qu’il ne se laisserait pas provoquer, mais les dernières heures avaient amoindri ses défenses. « Magnus, si tu ne mets pas un muselière à ce clébard, je le ferai chasser de la ville ».

Magnus dit quelque chose à Harrow que Stryker ne put entendre, et le mercenaire acquiesça avant de s’éloigner. Magnus répondit : « Je vais m’occuper de mon subordonné, Seigneur Général, tout comme vous vous occuperai du vôtre ».

Ce n’était pas suffisant. Stryker avait résisté à la tempête provoquée par Magnus qui l’avait supplanté dans la salle du conseil, mais revoir Harrow avait ravivé de vieilles blessures qu’ils ne pouvait ignorer. « Comment avez-vous pu introduire cet homme dans le palais ? » demanda-t-il. « Harrow est un voyou et un tueur. Vous le savez ».

Magnus haussa les épaule. « Il est loyal et j’ai eu besoin de voyous et d’assassins ces quinze dernières années. Nous pourrions avoir besoin d’eux maintenant ».

« Ce qui se ressemble s’assemble », dit Stryker. « Le fait que vous laissiez de tels hommes vous servir me dit que vous n’êtes pas différents d’eux. Vous ne l’avez jamais été ».

« Oh », dit Magnus. « Je crois que vous avez vous même employé des mercenaires, Seigneur Général. Les avez-vous tous contrôlés pour vous assurer qu’il étaient d’une grande moralité ? »

Stryker s’approcha de Magnus. « Tu es un traître et un menteur », dit-il ? « Tu l’as toujours été. Je ne sais pas quel sort tu as jeté au roi, mais je sais ce que tu es. Ta place n’est pas ici. Ta place est au bout d’une corde ».

« Stryker, cela suffit », déclara le Haut Chancelier Leto.

Stryker se tourna vers l’ancien roi, vous lui, vous, entre tous, SAVEZ ce qu’il est, mais il tint sa langue, se mordant le palais assez fort pour faire couler du sang.

« Ne vous inquiétez pas. Je ne suis pas offensé, Haut Chancelier’, dit Magnus. « Coleman - pardon, Le Seigneur Général Stryker – et moi avons un … passé compliqué. Je suis sûr que nous allons bientôt dépasser cela ».

« Allons-y, monsieur ». Maddox posa sa main sur l’avant-bras de Stryker. « Nous devons briefer les hommes ».

« Écoutez le major, Stryker », prononça le Duc Ebonhart. « C’est un ordre ».

Maddox le tirait maintenant, et il voulait résister, rester et insulter ceux qui accepteraient de réintégrer ce traître parmi eux. C’est peut-être la présence de Maddox qui l’influença. Il prit une profonde inspiration irrégulière et froide, et ravala sa rage.

« Oui, monsieur », dit Stryker. « Mes excuses pour cet accès de colère, Haut Chancelier ». Chaque mot était un acquiescement grinçant. Magnus l’avait fait passer pour un imbécile, et il l’avait fait assez facilement.

Il se tourna et s’éloigna, Maddox à ses côtés. Elle ne dit rien jusqu’à ce qu’ils soient sortis du palais. Une fois qu’ils furent hors de portée de toutes les oreilles, elle se tourna vers lui et dit : « Permission de parler librement, monsieur ? »

Il grimaça. Cela signifiait qu’une chose. Elle voulait le réprimander pour s’être ridiculiser. Il pourrait le refuser. Il avait ce droit en tant qu’officier supérieur. Mais il la respectait trop pour cela. « Vas-y ».

« Merci. Au nom de Morrow, qu’avez-vous fait là-bas ? Dit-elle.

« Vous ne connaissez pas ce mercenaire, Harrow », répondit Stryker. « Le fait qu’il soit ici, avec Magnus, en dit long sur notre nouveau général ».

Maddox soupira. « Le seul qui en disait long sur quoi que ce soit là-bas, c’était vous. Devant le Haut Chancelier et vos officiers supérieurs, pourrais-je ajouter ».

« Je sais, mais j’ai l’impression que tout le monde ferme les yeux sur Magnus, ignorant qui il est vraiment ».

« Ce qu’il est en ce moment, c’est l’un des favoris du roi, un homme en qui Julius a probablement plus confiance que n’importe qui d’autre au conseil. Vous devez savoir que vous ne convaincrez personne en l’affrontant directement ».

Stryker s’arrêta et posa sa main sur les épaules armurées de Maddox. « Vous me croyez ? » demanda-t-il. « Vous pensez que Magnus est dangereux ? »

Elle le regarda sans broncher. Après une longue pause, elle dit. « Je ne sais pas. C’est la vérité. En fait, j’aimerais le savoir. Vous avez une histoire avec cet homme qui vous donne un aperçu de son caractère que personne d’autre n’a, mais cela fait quinze ans. Qui sait ce qu’il est aujourd’hui ».

« Les gens ne changent pas comme ça », déclara Stryker.

« Il a vécu une vie difficile depuis la destitution de Vinter, et je sais que cela peut vous changer. Beaucoup ».

Il ne faisait aucun doute que son séjour en tant que prisonnière du Protectorat l’avait changée, et pas en bien, mais Stryker ne pouvait pas se résoudre à mettre sa misère sur le main plan que ce qui s’était passé pensant l’exil que Magnus s’était imposé. « Ce n’est pas la même chose. Au fond de lui, il est toujours le monstre ambitieux et assoiffé de pouvoir qu’il était avant ».

« Eh bien, disons qu’il l’est », dit Maddox en s’arrêtant. Un groupe de soldats remontant la route vers eux les salua au passage. Stryker et Maddox rendirent le salut, puis se tournèrent dans l’autre sens. « Mon point de vue reste donc valable. Julius est peut-être aveugle, et cela signifie qu’il a plus que jamais besoin de vous, même s’il ne le réalise pas. Vous devez au moins donner l’impression que vous pouvez travailler avec Magnus, ne serait-ce que pour pouvoir le surveiller ».

Elle avait raison, bien sûr, comme souvent, mais Magnus réveillait une telle tempête d’émotions chez Stryker qu’il lui était difficile de penser clairement. Il y était parvenu au conseil de guerre, en partie grâce à ses conseils, mais l’idée de contenir sa colère jour après jour pendant sa marche vers le Llael lui semblait une tâche presque impossible ».

Il inspira profondément et expira lentement. « Tu es un bon officier », dit-il. « J’aimerais parfois avoir ton sang-froid ».

Elle rit. « Eh bien, le fait d’être irréfléchi et tête t’as servi … parfois ».

« Ici et là », dit-il. Il n’était pas un planificateur comme Magnus, mais il avait toujours fait confiance à son instinct, et celui-ci l’avait rarement trompé. Il s’efforçait d’être le genre d’homme que les autres hommes voulaient suivre. Cela avait toujours été son objectif principal.

« Écoute, je n’aime pas ce que Rebald et Ebonhart ont fait de moi », dit-elle, le visage durci. « Je ne suis guère plus qu’une affiche de recrutement ce jours-ci, n’est-ce pas ? Mais je dois suivre les ordres et toi aussi ».

« Ici, il y a plus en jeu que la chaîne de commandement », déclara Stryker.

« Bien sûr que oui », dit-elle, « mais tu dois donner l’exemple au reste des hommes. Tu dois leur montrer que tu peux accepter une situation que tu n’aimes pas, que tu déteste même, si c’est ce qu’il faut pour que le travail soit fait ».

« Je ne nie pas cela. C’est juste que je n’arrive pas à oublier ce qu’il est ».

« Essaye plus fort », dit-elle. Il y avait de l’acier dans sa voix.

« Je le ferai. Je le promets. Mais ne t’y trompe pas, quand Magnus révélera ce que je sais qu’il est, je promets aussi que je serai là ».

Elle acquiesça. « Bien, Assure-toi en ».

Il est clair que Maddox avait fini de parler de Magnus. Ils marchèrent en silence, mais alors qu’il s approchaient de la garnison, elle reprit la parole. « Au fait, merci de m’avoir sorti de là. Je pense que je serai peut-être devenue folle si vous aviez marché jusqu’au Llael sans moi ».

Stryker sourit. « Je pensais tout ce que j’ai dit là-dedans. Tu es l’une des meilleurs warcasters de Cygnar et je veux que tu combattes à mes côtés ».

« Je l’apprécie, monsieur. Alors, qu’allez-vous faire à propos du Capitaine Tews ? »

« Lui dire à peu près ce que tu viens de me dire », déclara Stryker. « Je ne peux pas lui reprocher de vouloir tuer Harrow. Cela fait plus de dix ans que je veux le tuer ».

Elle renifla. « Ça semble juste ».

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« le: 04 août 2024 à 19:25:28 »
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LA SALLE DU TRÔNE AVAIT ÉTÉ MODIFIÉE depuis la dernière fois que Stryker l’avait vue. Trois grandes tables avaient été apportées, leurs surfaces en inox polies. Elles étaient disposées en forme de U avec le trône au milieu. Stryker, Magnus et le Maître de Guerre Ebonhart s’assirent à la table centrale – il était préférable que de s’asseoir en armure de warcaster. D’autres membres du conseil intérieur étaient assis aux autres tables, et ils étaient rejoints par d’autres hommes et femmes importants, qui, bien que ne faisant pas partie du cercle intérieur du Roi Julius, constituaient son conseil consultatif élargi. Cela incluait le Seigneur Trésorier ; les deux dirigeants les plus éminents de la Ligue Mercarienne, le Duc Waldron Gately de Mercir et le Seigneur Ethan Starke, premier échevin ; Arland Calster, dirigeant de la branche caspienne de l’Ordre Fraternel de la Magie et ancien conseiller aux arcanes de Leto ; et le Commandeur Birk Kinbrace, Chancelier de l’Académie Stratégique. Stryker était heureux de voir Kinbrace – il connaissait bien le warcaster vieillissant, et Kinbrace était un homme honnête et direct ayant également contribué au renversement de Vinter Raelthorne.

La seule personne semblant ne pas être à sa place était le Major Maddox, mais sa présence était probablement due à son rôle actuel de pièce maîtresse d’une campagne de propagande destinée à promouvoir le soutien de l’armée et au nouveau roi.

« Je le répète, une attaque contre Merywyn, le siège du pouvoir khadoréen en Llael, est le moyen le plus direct de briser leur pouvoir dans la région », déclara Stryker. Il avait exposé le plan que lui et Ebonhart avaient élaboré, qui prévoyait un siège de l’ancienne capitale de Llael. Sans surprise, Magnus estima que ce n’était pas le bon plan d’action.

« Votre Majesté, vous vous êtes rendu à Merywyn récemment », demanda Magnus en s’adressant à Julius. Le roi s’était peu exprimé. Il s’était assis tranquillement sur son trône, écoutant ses conseillers. Stryker répugnait à l’admettre, mais c’était un autre trait qui différenciait Julius de son père. Vinter avait rarement tenu compte des conseils de quelqu’un d’autre que le sien.

« Vous avez remarquez à quel point elle était puissante », poursuivit Magnus. « Les khadoréens ont consacré beaucoup de temps et d’efforts à la restauration de la cité, et ses murs sont épais et bien défendue. Un siège serait long et son issue incertaine ».

« Je suis d’accord, Votre Majesté », dit le Chancelier Kinbrace, décevant Stryker. Il ne pouvait imaginer que cet homme soit d’accord avec Asheth Magnus concernant quoi que se soit. « Elle est trop bien fortifiée ».

« Pourtant, nous avons des informations fiables selon lesquelles une seule division défend la ville », dit Ebonhart. « Ce n’est pas beaucoup d’hommes, et si nous frappons rapidement et en force, nous pourrions les submerger ».

Magnus secoua la tête. « Il n’y a peut-être qu’une division là-bas pour le moment, mais n’oubliez pas que les khadoréens contrôle la Ligne Ombrienne, qui est directement reliée à Rynyr et Laedry. Ils pourraient envoyer des troupes à Merywyn en quelques heures.

La présence militaire à Laedry et Rynyr est minime », déclara Stryker. « Vous devriez le savoir, Général, si vous aviez étudié les rapports qui vous ont été remis ».

« Seigneur Général », répondit Magnus en se tournant vers Stryker. Le Duc Ebonhart se tenait entre eux, quelque peu éclipsé par les deux warcasters armurés qui le flanquaient. « J’ai lu vos rapports et ceux du Duc Ebonhart, et ils étaient complets … lorsqu’il s’agissait de l’armée khadoréenne ».

« Où veux-tu en venir, Magnus ? «  demanda Ebonhart. Il était manifestement frustré par la remise en cause de son plan, même s’il avait plus de tolérance pour l’homme que Stryker. Ebonhart avait rejoint Julius au début de la guerre civile, il y a trois ans.

« Ce que je veux dire, c’est que le prince régent, Vladimir Tzepesci, a rassemblé ses lieutenants et leurs troupes à Laedry. Il y a dix mille chevaux lourds : des uhlans Croc d’Acier et des drakhun ».

« Comment savez-vous cela ? » demanda Leto. Il se tenait à coté du trône et écoutait l’échange, le front plissé d’inquiétude.

« Votre Majesté », dit Magnus, puis il s’arrêta et sourit. « Mon pardon, Haut Chancelier. J’ai plus l’habitude de vous considérez comme le Roi Leto ».

La rage monta en Stryker. Le lapsus de Magnus n’était pas accidentel. C’étaut un autre subtil coup pour rappeler à ceux qui avaient été ses ennemis, ceux qui l’avaient forcé à l’exil, qu’il avait résisté à leur tempête et que leur pouvoir avait diminué tandis que le sien s’était accru.

Leto garda son sang-froid et balaya le faux pas. « Continuez ».

« J’allais dire que j’ai des hommes loyaux à Laedry depuis un certain temps. Personne ne remarque un mercenaire, et il peuvent pénétrer dans des endroits que même les espions du commandant en chef des éclaireurs ne peuvent atteindre ».

« Rebald », dit Julius, « que vous ont dit vos espions à propos de Laedry ? »

Rebald se racla la gorge et se leva. Il était assis à la table à gauche de Stryker, assis à côté d’Orin Midwinter. Les deux ne semblaient jamais très éloignés l’un de l’autre ces derniers temps. « Votre Majesté, j’ai quelques rapports selon lesquels des hommes de Vlad sont rassemblés à Laedry, mais pas dans les chiffres suggérés par le Général Magnus ».

« Je fais confiance aux hommes que j’ai en place là-bas », dit Magnus. « Et il s’ensuit simplement que le prince régent prendrait des mesures pour faire valoir ses récentes prétentions sur la région ».

Stryker fronça les sourcils. Il était difficile de contester la logique de Magnus. L’homme était vif d’esprit, cela ne faisait aucun doute. Pourtant, il ne pouvait pas laisser Magnus mettre ses plans d’exécution aussi facilement. « Votre Majesté, même s’il y a une certaine logique dans les arguments du Général Magnus, les hommes avec lesquels il s’est associé ces dernières années ne sont ceux que j’appellerais dignes de confiance. Si ce qu’il dit est vrai, Reblad le saurait sûrement ».

Julius regarda Stryker, le visage indéchiffrable. Rien n’indiquait qu’il ne faisait confiance au rapport de Magnus. Stryker s’autorisa à espérer que le jeune roi l’écouterait, lui et Ebonhart. Mais cet effort fut rapidement douché.

« Puis-je vous rappeler, Seigneur Général, que j’ai été l’un des hommes avec lesquels le Général Magnus était associé », déclara Julius. Il regarda Magnus. « Général, si ce que vous dites est vrai, avez-vous un autre plan d’action ? »

Magnus acquiesça. « Bien sur, Votre Majesté ».

« Veuillez en faire part au conseil de guerre ».

Magnus quitta son siège et se dirigea vers le milieu de la pièce, debout devant le trône pour s’adresser au conseil de guerre rassemblé. « Mon plan est simple », commença-t-il. « Nous allons faire marcher notre armée à travers le Llael libre jusqu’à Croix-des-Fleuves ». Il regarda Stryker et Ebonhart. « C’est que vous ferez le siège ».

La ville de Croix-des-Fleuves était située au confluent du Fleuve Noir et de la Grisonnante dans le nord du Llael occupé. C’était une importante cité marchande, mais elle avait pratiquement été détruite par le Khador lors de l’invasion initiale.

« Pourquoi Croix-des-Fleuves ? » demanda Stryker, sincèrement curieux. « C’est un long trajet pour déplacer une importante armée ».

« Oui, mais la muraille de Croix-des-Fleuves a été presque entièrement détruite et n’a pas été reconstruite. De plus, la ville n’a actuellement en garnison que deux bataillon », déclara Magnus. « Si nous nous en emparons, nous avons accès au Fleuve Noir et nous avons la possibilité de rapidement déplacer des troupes vers Merywyn lorsqu’il sera temps d’attaquer la capitale ».

« C’est le Kommandeur Harkevich qui commande là-bas, n’est-ce pas ? » demanda Leto.

Reblad répondit. « C’est exact, Haut Chancelier. C’est un chef compétent et un warcaster, mais ses talents résident davantage dans la prise de villes que dans leur contrôle.

Stryker n’avait jamais affronté Harkevich au combat, mais le khadoréen était connu pour ses talents d’artilleur et utilisait souvent ses warjacks comme emplacements d’armes à feu à grand effet.

« Maître de guerre Ebonhart, Seigneur Général Stryker », dit Julius. « Dites-moi, dans quelle mesure le plan du Général Stryker est-il réalisable ».

Stryker regarda Ebonhart, mais le maître de guerre regardait droit devant lui. Il était le supérieur de Stryker, et il serait inconvenant pour Stryker d s’exprimer en premier. Mais il savait ce qu’Ebonhart allait dire avant même que l’homme prenne la parole, car la logique de Magnus était implacable. Son plan promettait une victoire rapide, vitale pour le moral, puis une position stratégique en Llael occupé pour mener le reste de l’invasion. Indépendamment des pensées personnelles de Stryker à propos de Magnus, l’homme avait un talent pour la stratégie militaire.

« Il … s’agit d’un plan solide », déclara Ebonhart. Sa mâchoire se contractait, comme s’il mâchait quelque chose de particulièrement coriace et de mauvais goût. « Et honnêtement, un meilleur plan que le mien ».

Stryker se demanda s’il aurait été capable de dire cela, même si c’était la vérité.

« J’apprécie votre franchise, Duc Ebonhart », déclara Julius. « Seigneur Général Stryker, êtes-vous d’accord avec le maître de guerre ? »

C’était une question très pointue, un test après son éclat au conseil intérieur. La question n’était pas de savoir s’il était d’accord avec Ebonhart, mais plutôt de savoir s’il pouvait se résoudre à être publiquement d’accord avec Asheth Magnus. Le poids de la question pesait sur lui, et il était parfaitement conscient que toutes les personnes dans la salle du trône le regardait.

Il jeta un coup d’oeil à Maddox. Elle secoua brièvement la tête, une subtile insistance à garder son sang-froid. Il essaya de repousser cet enchevêtrement d’émotions noires qui tournaient autour de ses souvenirs d’Asheth Magnus et de penser comme le Seigneur Général de l’Armée Cygnaréenne, quelqu’un de soucieux de la sécurité et du bien-être de ses hommes et de sa nation.

Il se surprit à réussir.

« Oui, Votre Majesté », répondit Stryker, même si les paroles avaient un goût de vinaigre sur sa langue. « Maintenant que j’ai entendu le plan du Général Magnus expliqué plus en détail, je vois qu’il est solide ».

La tension régnant dans la pièce sembla se dissiper et le roi acquisça. « Bien, mes chefs de guerre les plus expérimentés sont d’accord. Nous exécuterons le plan du Général Magnus, et il servira sous votre commandement, Seigneur Général, lorsque vous dirigerez la force d’invasion de Llael ».

« Bien sûr, Votre Majesté », répondit Stryker. Il jeta un coup d’oeil à Magnus. Le visage du warcaster était passif, inerte. Si la décision du roi le dérangeait, il ne le montrait pas. « J’aimerais que le Major Maddox soit également affecté à la force d’invasion ».

Julius réfléchit, puis demanda : « Duc Ebonhart, avons-nous besoin du Major Maddox en Cygnar ? »

« Elle est devenue très populaire auprès du peuple, Votre Majesté, et son histoire inspire le soutien à l’armée et à la couronne », déclara Ebonhart. « Nous pourrions en avoir besoin plus que jamais dans les jours à venir ».

Stryker se demanda comment Maddox se sentait lorsqu’on parlait de sa carrière de cette façon, comme si elle était une pièce sur un plateau de jeu, déplacée selon les caprices de puissances supérieures à elle. Il savait ce qu’elle en pensait.

« C’est peut-être vrai, Maître de Guerre Ebonhart », dit le Haut Chancelier Leto, « mais je pense que le Major Maddox nous servira bien mieux en Llael. Une autre guerre avec le Khador ne sera pas bien accueillie par le peuple de Cygnar, mais si le Major Maddox fait partie de la force d’invasion, cela pourrait adoucir la réaction du public ».

Julius réfléchit. « Je suis d’accord, mon oncle. J’aime l’idée que le Major Maddox, récemment libérée, aille libérer le peuple opprimé de Llael et hisse le drapeau de la liberté sur Croix-des-Fleuves ».

« Parfait, Votre Majesté », répondit Leto.

Il y avait une certaine logique là-dedans, mais Stryker d’entendre parler de Maddox de cette façon. Elle était plus un objet de propagande, plus qu’un symbole, c’était une warcaster expérimentée. « N’oublions pas que le Major Maddox est un officier expérimenté compétent et une warcaster talentueuse. Je suis d’accord que sa présence sera une source d’inspiration, mais ne vous y tromper pas, ma demande d’inclusion est basée sur ses prouesses martiales ».

« Bien sûr, Seigneur Général », dit Leto, avant de se tourner vers Maddox. « Mes excuses, Commandant, il semble que nous ayons pris à la légère vos accomplissements sur le champ de bataille. Ce n’était pas mon intention ».

« Il n’y a rien à pardonner, Haut Chancelier », déclara Maddox en inclinant la tête. « Je suis heureuse de servir le Cygnar de toutes les manières possibles ».

Elle était bien meilleure diplomate que moi, pensa Stryker.

« Excellent », dit Julius. Son visage rayonnait et sa voix était pleine d’enthousiasme. Il était clair pour toutes les personnes présentent dans la salle : le jeune roi était impatient de laisser sa marque sur le monde. « Alors, discutons des détails de notre libération de Llael ».

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« le: 04 août 2024 à 19:20:37 »
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LE TON DE LA VILLE CHANGEA au cours des semaines suivantes. Une fois la déclaration de guerre rédigée, elle fut rapidement ratifiée par l’Assemblée Royale, et c’est alors que débuta l’inévitable diffusion d’informations au sein de la population. Aucune annonce officielle n’avait été faite au peuple de Cygnar, et les différents nobles avaient juré de garder le silence jusqu’à ce que le roi leur donne l’autorisation d’en parler aux habitants de leurs provinces et de leur domaines. Mais avec plus d’une centaine de nobles dans l’Assemblée Royale, il y avait forcément des bavards.

Stryker entendait des murmures de guerre dans les rues et, en général, partout où il se rendait en Caspia. Sa seule présence était susceptible d’inciter les gens autour de lui à discuter de la probabilité d’une guerre.

Il avait passé les dernières semaines dans la garnison de Caspia, où étaient stationnés les membres de la Division Tempête, à passer du temps avec les amis et les camarades qu’il avait retrouvé au cours des quinze dernières années. Il n’avait pas beaucoup parlé au cours de ces semaines, préférant lutter contre les doutes et les craintes qui obscurcissaient son esprit plutôt que d’en accabler ses subordonnés. Il passait de longues heures dans la cour d’entraînement avec sa lame et son pistolet, répétition mécanique et effort physique servant à vider son esprit, au moins pour un moment.

Aujourd’hui, cependant, il allait devoir faire face à la source de sa consternation. Il avait été informé de l’arrivée de Magnus en ville. Bien que le warcaster  ne l’ait pas encore cherché, Stryker ne pouvait plus l’éviter. Plus exaspérant encore était que Magnus avait reçu un grade officiel au sein de l’armée cygnaréenne : celui de général, rien de moins. Stryker refusait de s’attarder sur ce point ; la présence de Magnus était bien plus pénible que son grade.

Le roi avait convoqué un conseil de guerre pour définir le plan d’invasion, plan auquel il avait contribué lors de réunions privées avec le Maître de Guerre Ebonhart et d’autres membres essentiels de l’Armée Cygnaréenne. Tout ce qu’ils avaient décidé serait probablement contesté ou modifié par Magnus ; Stryker ne doutait pas que l’homme voudrait faire connaître sa présence dès son retour à Caspia.

Stryker quitta la garnison tôt, attendant avec impatience la longue marche vers le palais pour rassembler ses pensées. Maddox l’attendait devant les portes du palais, et il était reconnaissant de la voir. Il serait bon d’avoir un ami à ses côtés pendant cette épreuve qui s’annonçait difficile.

« Major Maddox », prononça-t-il en s’approchant des portes principales.

« Vous êtes prêt, monsieur ? » Dit-elle et s’installa à côté de lui.

Il acquiesça. « Bien sûr », répondit-il. « Je ferai mon devoir. On m’a récemment rappelé, assez douloureusement, que je devais pas me comporter comme un cadet morveux se plaignant de… Comme dirais-tu ? »

« Peut-être ne pas être autorisé à manger à la table des officiers, monsieur », suggéra Maddox.

Il grimaça. « C’est déjà pas mal. Eh bien, quand je mangerai avec les autres officiers, il semble que le Général Magnus se joindra à moi ».

* * *

ASHETH MAGNUS ÉTAIT AUSSI ARRIVÉ TÔT au château, et il se tenait dans la grande antichambre à l’extérieur de la salle du trône. Le conseil de guerre s’y tiendrait au lieu de la plus petite salle de réunion du conseil intérieur. Le voir réveilla une tempête d’émotions de colère, de trahison et, plus que tout, d’une surprenante peur.

Asheth Magnus était plus ou moins tel que Stryker s’en souvenait de lui. Il était grand et avait les cheveux noirs, même si ses cheveux étaient maintenant parsemés d’argent. Son visage était maigre et belliqueuse, ses yeux sombres et pénétrants. Magnus portait une armure de warcaster, mais contrairement à celles fabriquées par l’Armurerie Cygnaréenne que portaient Stryker et Maddox, le kit de Magnus semblait rudimentaire, mais Magnus avait un don pour la mékanique – ma puissante technologie combinant les arcanes avec les machines – et ses créations étaient souvent d’une efficacité mortelle. Ses compétences en ingénierie se reflétaient dans la prothèse mékanique ayant remplacé son bras droit. Le membre avait été écrasé par la chute d’un warjack, un warjack renversé par la magie de Stryker lorsqu’il s’était retourné contre son ancien mentor. Le membre mékanique était une vilaine chose d’acier et de bronze et semblait tout aussi délabré que l’armure de l’homme.

Magnus n’était pas seul. Il était accompagné de deux hommes, et aucun d’eux ne semblait faire partie de l’armée cygnaréenne régulière. En fait, ils avaient l’apparence de mercenaires, probablement servi Magnus pendant son exil. Les rapports indiquaient qu’il avait fréquenté toutes sortes de personnages peu recommandables, y compris certains des criminels les plus infâmes des Royaumes d’Acier.

« Essayer de rester courtois, monsieur », prononça Maddox à Stryker. Le fait qu’elle l’ait appelé monsieur signifiait que le protocole était à nouveau en place – pour eux deux.

Il fit un signe de tête rigide et serra les dents. Même parler à Magnus lui retournait l’estomac, mais les conseils de Maddox pendant leur séance d’entraînement, en particulier son insistance sur le fait qu’il devait rester au conseil pour garder un œil sur Magnus et contrecarrer son influence du mieux qu’il pouvait, étaient la première et la plus importante de ses préoccupations.
Stryker traversa l’antichambre en direction de Magnus, qui se retourna pour l’accueillir, un léger sourire aux lèvres.

« Général Magnus », dit Stryker, son estomac se tordant à prononciation de ces deux mots ensemble.

« Seigneur Général Stryker », répondit Magnus. « tu t’es bien débrouillé. Ce n’est plus tout à fait le garçon que j’ai arraché de Ruissepêche il y a tant d’années.

Magnus avait tiré le premier coup, rappelant à toutes les personnes présentes que c’était lui qui avait amené Stryker à Caspia, lui qui avait autrefois servi de mentor à Stryker. Coup au but, mais Stryker avait de quoi répondre.

« Général Magnus, je sais que vous avez quitté la structure militaire depuis un certain temps, mais, comme vous vous en souvenez certainement, il est approprié d’appeler un officier supérieur, monsieur, lorsque vous vous adresser à lui ».

Le sourire de Magnus s’élargit, peut-être en reconnaissance de la réprimande de Stryker, peut-être juste pour qu’il puisse montrer ses dents tel le prédateur qu’il était. « Bien sûr, monsieur », dit-il. « Comme vous le dîtes, je suis en dehors de tout cadre militaire standard depuis un certain temps. Pendant mon temps, j’ai été forcé de recourir à un système de commandement plus… méritant ».

L’un des hommes qui accompagnait Magnus, un homme brutal au crâne chauve et à la poitrine et aux bras épais, gloussa. Il portait un plastron, cabossé mais peut-être un peu plus brillante pour l’occasion, orné du symbole délavé de l’organisation de mercenaires connue sous le nom de Tête d’Acier. Stryker doutait que cet homme ait servit au sein de cet organisation réputée depuis un certain temps. Il portait également une barre de lieutenant – de lieutenant cygnaréen – sur son épaule droite. Avant que Stryker ne puisse demander pourquoi cet ancien mercenaire avait reçu une commission d’officier dans l’Armée Cygnaréenne, Maddox s’avança devant lui.

« Général Magnus », dit-elle. Elle avait dû ressentir la tension entre eux En fait, toutes les personnes dans l’antichambre, y compris six membres de la Garde Royale au garde-à-vous devant les portes de la salle du trône. « Je suis le Major Elizabeth Maddox ».

Magnus la salua d’un signe de tête, tout en gardant les yeux rivés sur Stryker. « Oui, je me souviens de toi… avant. Tu étais l’une des Lames-Tempête de Leto ». Il jeta un coup d’oeil sur son armure de warcaster. « Je remarque que tu es plus que cela maintenant ».

« Vous avez une bonne mémoire, monsieur », répondit Maddox. « J’ai hâte de travailler avec vous ».

Stryker essaya de ne pas rouler des yeux et n’y parvint que partiellement. Maddox ne faisait que ce qu’il devait faire , c’est-à-dire cacher les griefs du passé et maintenir le décorum professionnel, mais le qu’il qu’elle ait dû appeler cet homme monsieur l’horripilait.

Avant qu’aucun d’eux ne puisse en dire davantage, les portes de la salle du trône s’ouvrirent et le Haut Chancelier Leto sorti de l’antichambre. Lorsqu’il vit Magnus et Stryker debout l’un à côté de l’autre, ses yeux s’écarquillèrent. Stryker ne put lui en vouloir.

« Seigneur Général Stryker, Major Maddox … Général Magnus », dit-il. « Le roi est prêt à commencer dès que les autres membres du conseil de guerre seront arrivés. « Prenez place, s’il vous plaît ».

« Très bien, tout le monde. Allons-y », dit Stryker en se dirigeant vers la salle du trône.

« Oui, monsieur », dit Magnus derrière lui. « J’ai hâte de me remettre au travail ».

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« le: 28 juillet 2024 à 19:43:47 »
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LA GARNISON CASPIENNE ABRITAIT près de deux cents membres de l’infanterie Lame-Tempête ainsi qu’un bon nombre de leurs homologues de la cavalerie, les Lances-Tempête. La plupart de ces troupes provenaient de la Division Tempête de Stryker, qui n’avait pas de quartier général fixe et avait été en grande partie retirée de la structure des quatre armées de Cygnar ; par conséquent, ils pourraient théoriquement être déployés n’importe où. La vérité était que la majeure partie de la Division Tempête était en garnison à la frontière entre le Khador et le Cygnar, même si une large partie de ses Chevaliers-Tempête et de ses warjacks seraient rappelés pour l’invasion de Llael.

Lorsqu’elle était beaucoup plus petite, la Division Tempête était autrefois hébergée à Caspia dans le cadre de la garnison générale, et Stryker utilisait l’ancien complexe Lame-Tempête comme QG générale et quartiers personnels.

Sa section préférée de la garnison était le terrain d’entraînement réservé aux éléments de la Division Tempête. Il avait passé de longues heures dans ce genre d’endroit pendant sa jeunesse, s’entraînant avec les Lames-Tempête nouvellement formés et recevant des instructions d’hommes comme Garvin Tews. La cour était petite mais toujours utilisable. Il s’agissait d’un carré de terre battue de cinquante verges de côté, avec des cloches en bois à une extrémité pour l’entraînement au couteau et des bermes en terre à l’autre pour s’entraîner au lancer d’éclair.

Il n’y avait qu’une seule autre personne dans la cour d’entraînement. Stryker sourit en voyant Garvin Tews, ressemblant à un ours, s’attaquer à un pylône de bois à l’aide d’une glaive-tempête émoussé. Tews le regarda approché, planta la pointe de son épée dans le sol et s’appuya dessus.

« Dure journée, Seigneur Général ? » demanda-t-il lorsque Stryker s’approcha.

Stryker grimaça. Que savait déjà Tews ? « On pourrait dire ça, Capitaine ».

« Maudit Magnus », dit Tews en secouant la tête. Donc, il avait entendu. Stryker se demanda de qui il tenait ces informations. Il décida que cela n’avait pas d’importance. « Difficile de croire que ce fils de pute de traite entrera en Caspia en tant qu’homme libre et à la demande du roi en plus ».

Stryker réprima une pointe de colère à la mention de Magnus. « Je ne suis pas ici pour parler de Magnus », dit-il. « Je suis là pour te tabasser comme un gobber unijambiste dans le cercle d’entraînement ». Il fit un large sourire au capitaine Lame-Tempête. « Enfin, si un vieil homme comme toi peut encore soulever un glaive-tempête ».

« Oh, c’est un fait ? » répondit Tews en posant son glaive d’entraînement sur son large épaule. « Peut-être as-tu oublié qui t’as appris à utiliser un glaive-tempête en premier lieu ? »

« Non, je ne l’ai pas oublié », reprit Stryker. Cette partie était vraie, mais un souvenir troublant de Magnus lui apprenant à utiliser la grande épée caspienne le long de la route Ruissepêche à Caspia lui vint instantanément à l’esprit. C’était Magnus qui lui avait montré les bases du maniement de l’épée. Il repoussa le souvenir et se força à sourire. « Je suis juste meilleur que toi maintenant ».

« Tu veux mettre cela à l’épreuve ? » demanda Tews. Il avait laissé tombé les messieurs et les seigneurs généraux. Ils étaient amis et ici, maintenant, leur rang n’avait plus d’importance.

« Quoi, avec Vif-Argent ? » dit Stryker en tapotant le manche de sa lame mékanique toujours fixée au dos de son armure de warcaster. « Tu as peut-être un petit avantage » ; dit Tews en montrant râtelier de glaives d’entraînement à proximité.

« D’accord », répondit Stryker en s’emparant d’une lame sur le support. Il retira Vif-Argent de son dos et la plaça à la place de l’arme d’entraînement.

« Prêt », dit Stryker en se dirigeant vers l’un des cercles d’entraînement situés à proximité. Tews sourit et le rejoignit.

Tews saisit sa lame d’entraînement émoussée à deux mains. Comme tous les glaives-tempête, elle avait une longue poignée et se maniait plus comme une grande épée que comme une arme d’hast. Tews portait une armure de plate usée, son armure d’entraînement, bien cabossée et éraflée par d’innombrables heures d’entraînement.

Cela faisait longtemps que Stryker n’avait pas utilisé de glaive-tempête ; il avait la taille et le poids de Vif-Argent, mais son arme à lui était calquée sur la grande épée caspienne, plus traditionnelle. Stryker portait son armure de warcaster, mais il avait désactivé la turbine arcanique ; le champ d’énergie qu’elle générait lui donnerait un autre injuste avantage.

Elle leva son arme en garde haute, orientant la pointe vers son adversaire. « Prêt ? » demanda-t-il ?

Tews hocha la tête et adopta une position plus défensive, tenant sa propre arme avec la poignée proche du ventre, la lame projetée vers l’extérieur. Ils s’étaient affrontés à de nombreuses reprises et, en vérité, Tews était meilleur épéiste. Stryker était un expert avec la lame, mais sa capacité à canaliser son don de warcaster dans ses frappes, augmentant leur précision, leur vitesse et leur impact, en faisant de lui un adversaire de taille, même pour les meilleurs épéistes dépourvus de ce don, à condition qu’il se batte avec son armement uniquement. Bien sûr, une règle tacite entre lui et Tews voulait qu’il n’emploie pas ces armes et ces dons pour faire pencher la balance en sa faveur. Ce serait antisportif. Cela signifiait généralement qu’il se retrouvait avec une série de bleus douloureux à la fin de leur séance d’entraînement.

« Trois touches ? » demanda Tews.

« Comme toujours », répondit Stryker.

« Viens les chercher ».

Stryker ne perdit pas de temps et se précipita en avant, sa lame s’abattant en une puissance frappe diagonal. Tews leva son arme et se déplaça sur le côté avec une grâce et une rapidité dont la plupart des gens penseraient qu’un homme aussi grand était incapable. Leurs lames se rencontrèrent dans un choc retentissant, et Tews dévia la lame de Stryker, manquant son épaule droite de quelques pouces.

Tews utilisa son mouvement latéral pour lancer une riposte, une frappe rapide vers l’avant autour de la lame de Stryker n’ayant pas la force d’un élan complet, mais avec un épéiste de la taille et de la force considérable de Tews, cela n’avait guère d’importance. Si la turbine arcanique de Stryker avait été activée, le champ d’énergie généré par l’appareil aurait privé l’arme de Tews d’une partie de son énergie cinétique, voire l’aurait arrêtée net. Mais sans cette protection, la pointe de l’arme du Lame-Tempête s’écrasa sur le plastron de Stryker avec un bruit sourd et le fit trébucher en arrière, grimaçant.

« Une », dit Tews en levant un doigt.

« Morrow, tu es trop rapide pour un homme de ta taille », répondit Stryker, sachant qu’il aurait une ecchymose sur la poitrine la semaine prochaine. « Et pour ton âge », ajouta-t-il avec un sourire ironique.

« La vitesse est l’un des nombreux dons, et avec l’âge viennent la sagesse et les compétences », déclara Tews.

Stryker reprit la garde haute et Tews reprit sa lame en garde moyenne. Il se rencontrèrent à nouveau. Cette fois, Stryker lança une feinte à la tête de Tews, qui leva sa lame pour l’intercepter. Stryker dévia sa frappe à la dernière seconde et inversa sa direction pour porter une frappe basse. C’était une technique difficile avec une lame aussi grande mais il n’était pas dépourvus de dons.

La lame frappa la jambière gauche de Tews avec craquement satisfaisant, cabossant l’acier et faisant trébucher le grand Lame-Tempête sur le côté.

Tews rit. « Je ne vois jamais celui-là la première fois que tu le lances », dit-il en secouant sa jambe gauche.

« C’est pourquoi je le lance à chaque fois », répondit Stryker. « Oh, et une pour moi ».

« Égalité, alors », répondit Tews, et il leva son glaive en garde haute, imitant Stryker. Cela signifiait que Tews passait à l’offensive, et Stryker gémit intérieurement. D’autres bleus en perspective.

Ils se battirent encore pendant dix minutes et Tews remporta le match, comme il le faisait habituellement, trois touches à deux. La dernière « touche » avait été une autre riposte à l’un des coups de Stryker, et elle avait été si forte et si rapide qu’il n’avait pas pu la ralentir, ni même la toucher avec sa propre lame. Tews l’avait complètement désarçonné ; à bout de souffle. S’il s’était agi d’un véritable glaive-tempête, Stryker aurait été coupé en deux. Bien sûr, à certains moment, si Stryker avait été en duel avec Vif-Argent, il aurait pu canaliser sa volonté dans ses attaques, utilisant ses dons innés pour ajouter de la vitesse. et de la précision à ses coups. Mais pour cette entraînement, Vif-Argent n’était pas présente. Après tout, lui et Tews avaient un accord.

Tews s’approcha de Stryker qui était assis sur par terre, essayant de faire coopérer ses poumons. Tews sourit d’une oreille à l’autre. « Ça fait trois. Tu veux une autre série ? »

Stryker leva les yeux vers son vieil ami et secoua la tête. Il tendit la main et Tews le releva. Il grimaça alors que le soudain mouvement provoquait une nouvelle douleur dans sa poitrine meurtrie. « Non, Capitaine, j’ai eu mon compte », répondit-il après avoir réussi à faire pénétrer suffisamment d’air dans ses poumons pour cette tâches. « Les combats d’entraînement avec toi donnent à un homme l’envie de choses faciles, comme une invasion et une guerre à grande échelle ».

Tews s’esclaffa. « Nous savons tous les deux que je ne suis pas de taille à t’affronter si tu employais ne serait-ce qu’une infirme partie de tes réelles capacités ».

« Peut-être », répondit Stryker. « Mais Morrow au-dessus, mec, je suis content que tu sois de nôtre côté ».

Le visage de Tews devint sérieux. Je serai toujours à vos côtés, monsieur. Peu importe ce qui arrive ».

Stryker sourit avec lassitude. « Je n’en ai jamais douté », déclara-t-il. « Maintenant, vas-tu me dire comment lancer cette fichue riposte que tu m’as assénée à la fin ? »

« Vous devriez demander au Major Maddox, monsieur », répondit Tews avec un sourire narquois. « C’est elle qui me l’a montré ».

« Me demander quoi ? » prononça une voix derrière eux.

Stryker se retourna et vit une warcaster, apparemment de son âge, traverser la cour d’entraînement vers lui. Elle était grande, mince, avec des cheveux courts couleur paille, des pommettes saillantes et des yeux bleus. Elle se déplaçait comme une guerrière, avec grâce et une certaine économie de mouvement que tous les épéistes habiles semblaient acquérir. Le Majour Elizabeth Maddox portait une armure similaire à celle de Stryker – elle aussi était alimentée par l’énergie galvanique plutôt que par la vapeur – bien qu’un peu plus légère. Elle tenait d’une main une énorme lame mékanique à deux mains. Cette arme ressemblait à un glaive-tempête, mais elle réservait de nombreuses surprises aux ennemis de Cygnar. Stryker avait vu cette arme, Tempête, en action de nombreuses reprises.

« Beth », dit Stryker. Il connaissait depuis plus de quinze ans, et il avaient servi ensemble sur de nombreux champs de bataille, à commencer par le premier conflit en Llael. Elle était membre de l’infanterie Lame-Tempête et un vétéran chevronné lorsque son talent de warcaster avait été découvert, et elle était maintenant l’une des meilleurs warcasters de l’armée cygnaréenne.
Maddox lui offrit un rare sourire, qui effaça momentanément la touche de tristesse qui semblait toujours présente sur son visage, un détachement qui la faisait paraître froide. Maddox avait de bonnes raisons de souffrir, comme le savait Stryker. Elle avait passé trois ans comme prisonnière de guerre au mains du Protectorat de Menoth. Elle avait été libérée il y a des années, mais les tortures qu’elle avait endurées…

« Bonjour, Beth », dit Tews. Il lui sourit, mais il y avait une certaine tristesse dans ses yeux. Ils avaient été ensemble avant qu’elle ne soit capturée par le Protectorat ; cette relation était visiblement terminée.

Elle fit un signe de tête à Tews puis se tourna rapidement vers Stryker, comme si elle ne supportait pas de regarder le grand Lame-Tempête. « J’ai entendu dire que vous vous cachiez ici », dit-elle. Le sourire avait disparu, mais il y avait un ton ironique dans sa voix. Tout comme Tews, elle ne s’embarrassait pas de protocole formel, ils étaient tous amis ici.

« je ne me cachais pas », déclara-t-il. « Je faisais juste un peu d’exercice.

« J’ai vu », répondit Maddox. « Vous en voulez un peu plus ? »

Stryker réfléchit à la proposition. Cela faisait des années qu’il ne s’était pas entraîné avec un autre warcaster. Il avait certes combattu plus d’un warcaster ennemis, mais il avait depuis longtemps dépassé le besoin de s’entraîner avec l’un de ses compagnons doués. Il ne l’avait pas fait avec Maddox depuis l’époque où ils étaient ensemble au sein des Lames-Tempête, bien avant que son talent ne soit rendu public et que le sien ne se manifeste. Il soupçonnait que sa proposition avait une arrière-pensée. Maddox n’avait jamais hésité à partager ses opinions avec ses supérieurs, et Stryker lui accordait plus de latitude que la plupart des autres. Un sermon de sa part allait certainement arriver.

« Prends une lame d’entraînement », dit Stryker. « Tu te souviens encore comment utiliser un glaive-tempête ? »

Elle ricana par-dessus son épaule. « Je crois que je peux m’en sortir ». Elle choisit une lame d’entraînement et posa Tempête sur le support à côté de Vif-Argent.

Elle revint vers Stryker en tenant la lame dans une main. Son armure de warcaster, comme la sienne, accroissait la force de celui qui la portait lorsque la turbine arcanique était mise sous tension.

« Avant de commencer », dit Maddox, « j’aimerais vous dire que vous plein de merde de buffle, monsieur ».

Il savait que sa franchise ne devrait pas le surprendre, mais c’était toujours le cas. Depuis son retour en Cygnar, elle avait assumé un poste de commandement au sein des Lames-Tempête, et Stryker comptait sur elle pour obtenir des conseils - elle était compétente, honnête et n’avait pas peur de dire ce qu’elle pensait, même à un officier supérieur. Cela avait toujours son utilité – si l’officier supérieur n’était pas trop égocentrique pour supporter la critique. Parfois, Stryker se demandait s’il était à la hauteur.

« Eh bien, c’est mon signal que cette conversation est au-dessus de mes compétences », répondit Tews en replaçant sa lame d’entraînement sur le râtelier. « Je vais vous laisser régler ça tous les deux ».

Stryker regarda Tews disparaître dans le bâtiment principal de la garnison, puis prononça, « Les dents de Thamar, Beth. Dis-moi ce que tu penses vraiment ».

« Avec plaisir. Tu dois accepter que Magnus fasse à nouveau partie de ta vie, et plus important encore, de celle du roi ». Elle ne luis laissa pas le temps de répondre et s’élança vers l’avant, sa lame jaillissant dans une frappe basse et ascendante.

Elle l’avait pris au dépourvu, mais il parvint à abaisser sa propre lame pour parer la sienne. L’impact lui fit mal à la tête – elle avait utilisé son talent arcanique pour ajouter de la vitesse et de la puissance à ce coup. Avant qu’il ne puisse riposter, elle recula d’un bond, souple et agile.

Il tourna sur sa gauche. « Bon sang, tu étais là. Tu as vu à quel point il était un monstre, à quel point il était disposé à servir un tyran, à quel point il était disposé à tuer des cygnaréens ».

« Oui, j’étais là, et je me souviens très bien du genre d’homme qu’était Magnus », dit-elle, en le rejoignant pas à pas. « Mais cela n’a pas vraiment d’importance. Nous avons un nouveau roi et ce n’est pas un tyran ».

Cette fois, Stryker passa à l’offensive et attaqua avec son arme. Il retira sa main supérieur de la poignée et la balança avec sa main inférieure tout en s’élançant vers l’avant. Balancer un glaive-tempête à une main n’était pas une tâche facile, même avec une armure de warcaster, mais ce mouvement lui donnait près de trente centimètres d’allonge. Le mouvement surpris Maddox et elle bondit en arrière, mais pas assez rapidement. Son champ d’énergie s’enflamma lorsque la lame de Stryker le percuta, puis le traversa. La pointe de son glaive-tempête l’atteignit au-dessus de la hanche droite. Son champ d’énergie lui avait volé une partie de la force de son coup, mais il fut encore assez puissant pour la faire chanceler sur le côté. Elle récupéra instantanément et repoussa le coup suivant avec le plat de sa lame.

« Cela reste à voir. C’est le fils de son père », dit Stryker en respirant difficilement. « Il y a déjà des influences douteuses au sein de son conseil ».

Maddox secoua la tête. « Il est jeune et il est peut-être un peu téméraire, mais ce n’est pas Vinter Raelthorne. De plus, il y a d’autres membres de son conseil qui peuvent contrecarrer les influences dont tu parles. Son oncle, le Duc Ebonhart, et si tu veux bien te sortir la tête du cul, toi ».

Stryker émit un son dégoûté. « Est-ce que tout le monde sait que tu parles ainsi à un seigneur général ? »

Elle grimaça, mais sa réponse fut une fente soudaine, alors qu’elle utilisait son glaive-tempête comme une grande rapière. Elle était plus rapide que lui, plus rapide que Tews, et la parade de Stryker fut loin d’être à temps. La pointe de l’arme de Maddox s’écrasa sur sa poitrine avec la force d’un train – elle n’y était allé de main morte. Ce coup aussi avait été augmenté et l’avait fait reculer de trois pas, jusqu’à ce qu’il ait un genou à terre. Seul son champ d’énergie lui avait évité d’être totalement assommé.

« Il ne m’écoute pas. L’unique raison pour laquelle je fais partie du conseil intérieur, c’est à cause de Leto », répondit Stryker en se redressant péniblement. Maddox le laissa se relever.

« Coleman, il ne s’agit pas de toi ; il s’agit de ce qui est bon pour le Cygnar », déclara-t-elle. « Allez. Tu vaux mieux que ça. Je le sais. Pourquoi il te faut tant de temps pour que tu le remarque ? »

Stryker sourit malgré la réprimande. « Tu as autant de tact que le poing d’un Cuirassé ».

« Je ne suis pas fait pour la diplomatie, je suppose. Et franchement, si je pensais que cela te ferait entendre raison, je laisserai Arsouye t’en mettre plein la vue. Mais je peux probablement encore le faire moi-même. Elle se lança à nouveau en avant, mais Stryker l’attendait celle fois. Elle avait anticipé en mettant du poids sur sa jambe avant. Il leva sa lame et attrapa la sienne en hauteur, laissant la partie médiane complètement exposée. Il lança un coup de pied frontal dans le ventre armuré de la jeune femme, mettant toute sa magie dans le coup. Il l’attrapa et l’envoya s’écraser trois pas en arrière, puis sur les fesses.

« Je suis devenue rouillée », dit-elle en se levant et en grimaçant. « J’aurais dû le voir venir ».

Il recula et la laisser se relever, comme elle l’avait fait pour lui. « J’entends bien ce que tu dis », dit-il. « Mais je crois que personne ne connaît Magnus comme je le connais. Personne ne sait vraiment à quel point il est dangereux ».

Elle se pencha au niveau de la taille, reprenant son souffle. « C’est peut-être vrai », dit-elle aprus un moment. « C’est une raison de plus pour que tut te taises et que tu reste dans les bonnes grâces du roi ».

Il poussa un long soupir irrégulier. « Pour que je puisse le surveiller. Je sais ».

« Exactement ». Elle brandit son épée. « On en est où, deux touches à une ? »

« Oui, tu veux appeler... » Elle n’annonça pas son attaque suivante. C’était une charge, mais elle venait d’un angle oblique – elle avait fait un saut à gauche et s’était précipitée vers l’avant pratiquement en même temps. C’était un degré d’agilité et de vitesse qu’il ne possédait tout simplement pas.

Il tournoya pour répondre à l’attaque de la jeune femme, qui cumula avec un coup de poing dans le dos au niveau de sa poitrine, et leva sa propre arme pour intercepter la sienne. Trop lent. Son champ d’énergie brilla, puis il se retrouva au sol, ses côtes palpitant de douleur.

Maddox se tenait au-dessus de lui, triomphante, et lui tendit la main. « Cela fait deux pour moi. Appelons cela un match nul ».

« Ça me va », grogna-t-il alors qu’elle le relevait. « Ils auront besoin de moi intact quand j’arriverai sur le champ de bataille ».

17
Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Poudrière
« le: 28 juillet 2024 à 19:37:09 »
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« ELLE A NIÉ LA RÉCLAMATION », dit Julius en posant la lettre de l’impératrice de Khador sur la table. Il venait de finir la lettre à voix haute, et n’avait pas l’air en colère ; en fait, il avait l’air satisfait. Il avait fallu un peu plus de deux semaines à Ayn Vanar pour rejeter les prétentions de Kaetlyn di la Martyn au trône de Llael.

Ils étaient de retour dans la salle du conseil intérieur, en présence de tous les membres. De plus, la Princesse di la Martyn était présente, assise à côté du roi. Elle était devenue une habituée des réunions. Elle s’exprimait rarement, mais elle écoutait, et il était de plus en plus clair chaque jour qu’elle avait l’oreille du roi. Stryker l’approuvait d’ailleurs. Malgré sa jeunesse et son inexpérience, Kaetlyn avait une connaissance fine des affaires d’état, et elle était honnête et franche. Elle pourrait peut-être contrecarrer l’influence de créatures telle Orin Midwinter sur le roi.

« Elle sait très bien qu’elle viole le traité », déclara Leto. « Et les conséquences de cela ».

« Parfaitement », ajouta le Maître de Guerre Ebonhart. « Elle ne nous laisse d’autres choix que de faire valoir les prétentions de la princesse ». Il y eut des hochements de tête et des accords autour de la table du conseil.

« Mon oncle, rédige immédiatement une déclaration de guerre », prononça Julius. « Je veux qu’il soit présenté à l’Assemblée Royale dans la semaine ».

Leto hocha gravement la tête. « Oui, Votre Majesté ». Stryker ne pouvait imaginer ce que ressentait son ancien roi. Son propre avait été marqué par des guerres et des conflits presque constants, et il avait fait  de son mieux pour faire ce qui était juste pour son peuple. Il vu la paix s’installer sur le Cygnar durant un bref instant, pour ensuite à nouveau la voir consummée par les flammes de la guerre.

« Maître de Guerre Ebonhart, Navarch Sparholm, Seigneur Général Stryker, vous allez commencer à planifier l’invasion de Llael immédiatement », prononça Julius.

Le mot invasion ne plaisait guère à Stryker. Au cour de toutes ses années au sein de l’armée cygnaréenne, il s’était battu pour défendre le Cygnar ou le Llael, en réction à l’agression des nations ennemies. Désormais, le Cygnar deviendrait l’agresseur et commencerait le combat au lieu de le subir.

« Reblad », poursuivit Julius, « quand Asheth Magnus arrivera-t-il de Cinq-Doigts ? »

Ce fut comme si quelqu’un avait porté un coup de pied dans l’estomac de Stryker. Ses yeux s’écarquillèrent et il ouvrit la bouche pour exprimer l’indignation bouillant en lui, pour crier contre la pure folie des paroles du roi. Mais il se contrôla. « Votre Majesté, vous ne pouvez pas être sérieux », finit-il par prononcer.

La salle du conseil devint silencieuse, et les yeux de Julius se rétrécirent. « Seigneur Général, je suis bien conscient de votre histoire avec Asheth Magnus, mais il a été et est toujours l’un des meilleurs esprits militaires des Royaumes d’Acier. De plus, je ne serais pas assis sur ce trône sans Ashet Magnus. J’ai une dette envers cet homme ».

« C’est un criminel de guerre », répondit Stryker en serrant les poings. Asheth Magnus avait servi le père de Julius et avait été l’un de ses serviteurs les plus impitoyables. Il avait également éét été le mentor de Stryker, développant ses talents de warcaster et lui attribuant une place dans la Garde Royale. Lorsqu’il devint évident à quel point le Roi Vinter était dangereux et que Magnus le suivait aveuglément, Stryker s’était joint aux côtés de Leto Raelthorne pour renverser Vinter lors d’une brève et sanglante appelée le Coup d’État du Lion. Magnus avait été gravement blessé au cours du combat, mais s’était échappé. Il avait ensuite passé les quinze années suivantes à travailler au rétablissement de Vinter sur le trône. Il avait également servi de mentor à Julius pendant que le garçon était en exil. Certes, au cours des derniers instants de la guerre civile, Magnus tua Vinter, portant le coup fatal alors que l’ancien roi combattait Leto et Stryker. Mais Vinter avait également tenté de tuer Julius, et le nouveau roi avait gracié Magnus lors de son accession au trône.

Tous les regards se tournèrent vers Stryker, et il put voir qu’il n’était pas le seul à avoir une opinion sur Magnus. Leto, Reblad et Ebonhart semblaient tous préoccupés, voir inquiets, mais aucun d’entre eux ne dit quoi que ce soit.

« Seigneur Général Stryker », dit Julius en soupirant avec exaspération. « Je m’attendais à une réaction de votre part à cette nouvelles, mais je ne m’attendais pas à ce que vous oubliez votre place et insultiez votre roi ».

Encore une fois, la réprimande. Julius ne lui avait pas crié dessus ni même menacé ; au contraire, son ton calme, presque parental, était bien pire, bien plus humiliant.

« Votre Majesté, je vous demande pardon », répondit Stryker en se levant. Il croisa le regard de chaque membre du conseil. « Membres du Conseil, Asheth Magnus est un homme dangereux et fourbe. Vous le savez tous. Vous savez tous combien de morts cygnaréennes peuvent lui être imputées- ». »

« Tenez votre langue, Seigneur Général », dit Julius en se levant d’un bond, renversant sa chaise avec fracas. À côté de lui, la princesse recula visiblement devant son emportement.

Les visions de Vinter Raelthorne se bousculèrent dans l’esprit de Stryker, comme si le tyran était à nouveau sur le trône. Il tremblait de fureur, et son don, la magie faisant de lui un warcaster, se rassemblait à l’arrière de son crâne, un bourdonnement désespéré, une tempête électrique désireuse d’être libérée. La Garde Royale présente dans la pièce se raidit, les mains remontant vers leurs pistolets. Était-il si proche de la violence qu’ils craignaient qu’il n’attaque le roi ?

« Seigneur Général Stryker », dit Leto en se levant également. Sa voix était calme et mesurée. « Vous ne faîtes peut-être pas confiance à Magnus, et sincèrement » - il regarda son nouveau - « j’ai aussi des doutes, mais c’est la volonté de votre roi. Mon neveu a eu une vision du caractère de Magnus qu’aucun de nous ne possède ».

Stryker était déconcerté. Comment Leto pouvait-il même envisager l’idée que Magnus reprenne sa place à la cour cygnaréenne ? Au cours de son règne, Leto s’était acharné à retrouver Magnus et à le traduire en justice. Pire encore, Magnus avait failli tuer Leto après avoir tuer Vinter, et seule la présence et la rapidité d’esprit d’un warcaster nommé Allister Caine l’en avait empêché. À présent, Leto accueillait l’homme dans la capitale, dans la salle du trône, où il pourrait influencer un autre roi cygnaréen. Les yeux du nouveau roi étaient toujours braqués sur lui, pénétrants et froids. Stryker était plus seul qu’il ne l’avait jamais été. L’idée de démissionner lui vint à l’esprit – il ne doutait pas que Julius accepterait une telle démission – mais il y avaient encore des personnes qui dépendaient de lui, des hommes et des femmes qui l’avaient suivi au combat parce qu’ils lui faisaient confiance. Il ne pouvait pas les abandonner à Magnus, qui serait presque certainement promu Seigneur Général une fois Stryker parti.

« Pardonnez-moi, Votre Majesté », répondit-il en baissant la tête. C’était une marque de respect, mais cela cachait aussi la crispation de sa mâchoire.

Le roi ne dit rien pendant un moment, mais il se rassit, lissant sa veste. « Vous êtes pardonné, Seigneur Général », dit-il enfin, rompant le long et inconfortable silence qui s’était installé dans la salle. « Je sais que votre histoire avec Asheth Magnus est difficile et, en vérité, j’ai moi aussi en désaccord certaines de ses .. méthodes par la passé. Mais j’attends de vous que vous mettiez cela de côté pour le bien du Cygnar. En êtes-vous capable ? »

Stryker inspira profondément. « Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour travailler avec … lui ». Il ne pouvait pas se résoudre à prononcer quelque chose d’aussi simple que « oui ». La situation était bien trop complexe et chargée d’émotions pour cela.

« Bien », répondit Julius. « Alors revenons à des question plus importantes. Nous avons une guerre à planifier ».

* * *

STRYKER SE DÉPLAÇAIT DANS LE HALL PRINCIPAL de la résidence royale, une aile du Château Raelthorne abritant le roi et les membres de la famille royale. Il avait assez entendu le roi, assez entendu parler de guerre, et il n’y avait qu’un seul homme qui pouvait les détourner de la voie que Julius avait choisie.

Les gardes royaux à l’extérieur des appartements du Haut Chancelier Leto reconnurent Stryker alors qu’il approchait. L’un deux, un petit homme à la barbe grise nommé Harken, était en service lorsque Stryker était devenu membre de la garde il y a près de vingt ans.

« Sergent Harken », dit Stryker. « Cela fait longtemps ».

Le visage du vieux garde semblait taillé dans la pierre – il avait passé près de trente ans au garde-à-vous, immobile et vigilant – mais un léger sourire plissa ses lèvres. « Tu as un rendez-vous avec le haut chancelier, Seigneur Général ? » demanda-t-il. « Il ne t’attends pas ».

C’était vrai, mais il espérait toujours que Leto lui parlerait. « Non, mais c’est une affaire urgente. Veux-tu informer le haut chancelier que je souhaite m’entretenir avec lui ».

Harken grogna et fronça les sourcils, mais se tourna vers la porte et frappa deux fois.

« Entrez ». La voix de Leto traversa la porte.

Harken ouvrit la porte et pénétra dans la chambre. « Le Seigneur Générall Stryker attend dans le hall, monseigneur. Il demande une audience ». Il fut une époque où Stryker aurait pu simplement passer devant les gardes et exiger une audience, mais il devait garder la tête froide. Il n’était pas sur le champ de bataille et c’était une guerre d’un type très différents.
« Faites-le entrer », dit Leto.

Le vieux garde se tourna vers Stryker. « Le haut chancelier va te recevoir ».

Stryker passa devant le garde et pénétra dans la chambre de Leto. Elle était spacieuse et bien aménagée, mais pas encombrée. Leto était un homme simple, et la chambre reflétait ses goûts. Le haut chancelier était assis à un large bureau près d’une fenêtre, et le soleil déclinant entrait à flots, accrochant le bleu brillant de l’uniforme de Leto. Il avait l’air majestueux, royal.

Leto posa sa plume et empila une liasse de papiers devant lui. L’ancien roi du Cygnar faisait de la paperasse pour son neveu ; c’était indigne de l’homme suivait depuis si longtemps. « J’ai pensé que tu pourrais venir me parler », dit-il en désignant une chaise moelleuse devant le bureau.

« Je souhaitais parler en privé, juste un instant, Votre Altesse », dit Stryker. C’était quand même étrange de ne pas dire Votre Majesté.

Leto croisa les mains devant lui sur le bureau. « Alors exprime toi ».

« Je veux savoir pourquoi vous soutenez les plans du roi d’envahir le Llael pour déclencher une nouvelle guerre avec le Khador ».

La franchise de Stryker ne sembla pas perturber Leto, et il fixa Stryker un moment avant de parler. « Je pense que tu veux poser une question différente », déclara-t-il. « Je ne pense pas que tu veux me demander pourquoi je suis mon neveu si volontiers, aveuglement même ».

« Monseigneur, je n’aurais jamais- » commença Stryker, mais Leto leva la main pour le faire taire.

« T’es-il venu à l’esprit que je suis réellement d’accord avec Julius ? » demanda Leto.

Stryker fut à court de mots. Le haut chancelier avait raison : Stryker pensait que Leto soutenait le roi par obligation, par loyauté, peut-être même par loyauté. Il n’avait pas imaginé que Leto était réellement favorable à une guerre qui pourrait tout leur coûter.

« Je ne comprends pas », répondit Stryker. « Vous – nous – avons combattu le Khador pendant si longtemps, vu tant de vies perdues, et maintenant nous avons la paix, pour la première fois depuis plus d’une décennie. Pourquoi tout gâcher ? »

Leto se leva et se tourna vers la fenêtre. Les épaules de l’ancien roi étaient crispés, comme si les paroles qu’ils allaient prononcer étaient douloureux. « Nous les avons combattus, oui » prononça-t-il. « Nous avons défendu le Cygnar et le Llael là où nous le pouvions, mais nous n’avons pas éliminer le Khador. Nous nous sommes battus, mais nous nous sommes repliés, nous avons perdu des hommes et des terres, puis nous nous sommes contentés de ce traité ». Il se tourna vers Stryker. « Je sais que tu t’es battu courageusement pour le Cygnar, pour moi, et je te serai à jamais reconnaissant de la loyauté : qu’avons-nous gagné pendant toutes ces années ? »

« Qu’avons nous gagné ? » dit Stryker interloqué. « Nous avons protégé le Cygnar. Nous avons assuré la sécurité de notre peuple ».

« Mais notre ennemi demeure, et maintenant, il es plus fort », déclara Leto. Son regard était devenu dur, amer. « Mon neveu a beaucoup de son père en lui. Je sais que cela te dérange, mais mon frère n’a pas toujours été le montre qu’il était devenu. Il avait de la force Son fils à de la force ; peut-être une force que je ne connais pas ».

« Ce n’est pas vrai, mon seigneur », répondit Stryker en se levant. « Vous étiez un bon roi, un homme que j’ai suivi sans hésitation, une homme que j’aurais suivi jusqu’à la mort ».

Leto sourit. « Tu es un homme bon, Coleman, et un bon soldat, mais je n’ai fait que défendre, et ce faisant, nous avons perdu du terrain en tant que nation. Julius a la force de reprendre ce que nous avons perdu, de rendre le Cygnar plus fort qu’il ne l’a jamais été, de combattre nos ennemis. C’est un roi qui mérite d’être suivi ».

Leto était un homme que Stryker avait admiré, qu’il s’était efforcé d’imiter. Il était étrange de l’entendre parler de lui de cette façon. « Monseigneur, les risques sont trop grands. Si nous envahissons le Llael, et que nous sommes repoussés par le Khador, cela pourrait les encourager à envahir le Cygnar. Les pertes que nous avons subies au cours de la guerre contre votre frère n’ont pas été compensées, et de nouvelles pertes nous rendraient vulnérables ».

« Tu as raison, bien sûr », déclara Leto. « C’est un risque, mais un risque que nous devons prendre sinon nous perdrons le Cygnar petit à petit au profit de ses ennemis ». Il traversa la pièce et posa ses mains sur les épaules de Stryker. « Je recommande que tu diriges les force d’invasion. Tu es la meilleure chance de Cygnar, et si tu n’as aimé en tant que roi, offre à Julius la même loyauté, le même courage que tu m’as donné ».

Stryker ne put regarder Leto dans les yeux et tourna la tête. « Et Magnus ? Approuvez-vous cela également ? »

Leto le relâcha et recula. Son visage se durcit. « Je ne lui ferai jamais confiance, mais le roi lui fait confiance, et Magnus lui a été fidèle. Je ne pense pas qu’il saperait délibérément les objectifs de Julius.

« Le monde que je connaissais a disparu », dit Stryker, plus pour lui-même que pour Leto. « Je ne connais pas ma place dans celui-ci ».

« Tu es un Seigneur Général de Cygnar », répondit Leto. « Cygnar existe aujourd’hui grâce à tes actions. Des hommes comme Magnus ne pourront te l’enlever si tu leur permets pas ».

« Vous avez raison, Votre Altesse », dit Stryker. « Je m’excuse si j’ai dépassé les bornes ». Il était bon d’entendre que Leto appréiait encore tout ce qu’il avait fait et sacrifié pour protéger le Cygnar.
« Je suis désolé de vous avoir dérangé », dit-il. « Je vais vous laisser ».

Leto acquiesça tandis que Stryker se dirigeait vers la porte. Il l’ouvrit, mais avant de la franchir, il entendit la voix de Leto. « Tu es un élément important de l’avenir de Cygnar, Coleman. Ne l’oublie pas ».

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Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Poudrière
« le: 28 juillet 2024 à 19:30:06 »
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LA PRINCESSE KAETLYN DI LA MARTYN, héritière du trône de Llael, était une grande fille de dix-sept ans au plus, d’après Stryker. Elle avait de long cheveux noirs, des pommettes hautes, des lèvres minces et des yeux d’un bleu éclatant, son trait le plus marquant. Sa longue robe fluide était ornée de perles dorées et violettes, une chose qui ne faisait que rehausser son apparence royale.

Elle marchait au centre d’un tapis bleu et violet vif bordé d’or, mêlant les couleurs de Cygnar et de Llael, en direction du trône de Julius Raelthorne. Le roi se tenait devant son siège de pouvoir, vêtu de son uniforme militaire ; l’épée de son père, Régicide, était rengainée à son côté. À sa gauche se tenait son oncle Leto Raelthorne, et à sa droite, Orin Midwinter. Le reste du conseil intérieur, y compris Stryker, se tenait à droite et à gauche du trône. Il n’y avait personne d’autre dans la salle, à l’exception des membres de la Garde Royale. Le nouvelle de la découverte de l’héritière n’avait pas été transmise à l’Assemblée Royale, car il était vital de garder son existence secrète jusqu’au moment opportun.

La Princesse di la Martyn était suivie par deux hommes que Stryker ne connaissait pas, sa garde personnelle. Tous deux étaient des hommes à l’allure dangereuse, vêtus de redingotes et de hautes bottes noires. Chacun portait un double pistolet cinémantique à la hanche, et une épingle violette en forme de rose était apposée au revers de chaque homme, le désignant comme un ancien mage balisticien de l’Ordre Loyal de la Rose Améthyste . Certains de ces hommes et femmes avaient juré de protéger les membres de la famille royale de Llael, à l’instar de la Garde Royale de Cygnar. Leur ordre avait été en grande partie dissous après la mort du Roi Rynnard, mais ils en restaient quelques-uns et apparemment ces deux-là avaient protégé l’héritière pendant la majeure partie de sa vie.

La princesse s’arrêta à dis pas de Julius et s’inclina. Ses gardes se tirent silencieusement derrière elle. « Roi Julius », dit-elle. « Je suis ravie de vous rencontrer enfin. Votre commandant en chef des éclaireurs (elle jeta un coup d’oeil à Rebald) m’a beaucoup parlé de vous ».

Julius sourit, montrant ses dents blanches et droites. C’était un vrai sourire. Il s’avança et s’empara doucement de la main de la princesse. Il se pencha, porta sa main fine à ses lèvres et l’embrassa doucement. « Pas plus ravie que moi, Votre Altesse », répondit-il. « J’attendais ce jour avec impatience depuis que j’ai appris votre sort en Ord. Vivre en exil est une difficile, que je connais bien ».

« Vous êtes gentil, Votre Majesté », dit-elle. « Je vous suis reconnaissante de votre soutien, tout comme le peuple de Llael, j’en suis sûre ».

Julius sourit à nouveau et fixa la princesse un instant.

Stryker réprima un sourire. Son roi montrait rarement sa jeunesse, mais c’était un jeune homme, et la princesse était une belle jeune femme. Stryker se demanda si le roi avait craint que sa future épouse soit ordinaire. Peut-être était-il soulagé. Peut-être était-il épris.

« Laissez-moi vous présenter les membres de mon conseil intérieur », dit Julius. « Voici le Haut Chancelier Leto Raelthorne, mon oncle ».

Leto fit une petite révérence. « Votre Majesté ».

« Mon Conseil aux Arcanes, Orin Midwinter ».

Orin s’inclina également, montrant le haut de sa tête. Une légère grimace traversa le visage de la princesse, mais son sourire la recouvrit rapidement. Peut-être peut-elle sentir l’homme pour ce qu’il est, pensa Stryker, espérant.

Julius présenta ensuite le Duc Ebonhart, le Navarch Galten Sparholm III et Lassiter Polk. Puis il arriva à Stryker. « Et voici le Seigneur Général Stryker », dit Julius. « L’un de nos chefs militaires les plus courageux et les plus expérimentés ».

« Votre Majesté », prononça Stryker en inclinant la tête. Il s’attendait à ce qu’elle se retourne vers le roi, mais son regard s’attarda sur lui.

« On m’a dit que vous aviez personnellement combattu en Llael, aux côtés de nos braves soldats, contre le Khador », déclara le princesse.

« Oui, j’ai eu ce privilège. Les llaelais sont un peuple fort et courageux, et ils méritent d'être libérés de la tyrannie », répondit-il, touché par la reconnaissance de la princesse.

« Je vous remercie sincèrement, Seigneur Général, et je suis heureux d’avoir un allié aussi noble ».

« Votre Altesse », prononça encore Stryker, quelque peu embarrassé.

La princesse se tourna vers le roi et Julius ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais on frappa bruyamment aux portes de la grande salle du trône. Julius fronça les sourcils et secoua la tête. Il jeta un coup d’oeil par-dessus son épaule vers l’un des gardes royaux se tenant debout et dit : « S’il vous plaît, allez voir pourquoi nous sommes dérangés en une occasion aussi importante ».

Le garde se précipita vers les portes. Il les ouvrit, révélant un autre membre de la garde royale se tenant à l’extérieur. L’homme portait une épaulière de capitaine, ce qui signifiait que la raison pour laquelle il dérangeait son suzerain était importante.

Une brève conversation à voix basse s’engagea entre les deux gardes, puis le premier ferma la porte et se dirigea d’un pas vif vers Rebald. Il plaça une enveloppe scellée à la cire dans la main du commandant en chef des éclaireurs, puis retourna à son poste derrière le trône.

« Votre Majesté », dit Rebald, « cette lettre provient de l’un de nos principaux espions en Khador ».

« Ouvrez-là alors », répondit Julius.

Rebald jeta un coup d’oeil à la princesse et à sa garde et pinça les lèvres. « Peut-être un peu d’intimité, Votre Majesté ».

Julius agita la main avec irritation. « Elle sera un jour ma reine », déclara-t-il. « Je ne vois pas pourquoi elle devrait être exclue des affaires d’état ».

La princesse garda son sang-froid à la brutale annonce de Julius de leurs futures noces. Elle devait être consciente des intentions du roi, mais les entendre si clairement exprimées lors de leur première rencontre devait être choquant.

Rebald ouvrit l’enveloppe et parcourut rapidement la lettre qu’elle contenait. Il ne dit rien, et son expression ne laissait rien deviner de la lettre. Il la tendit à Leto, qui la lut rapidement. Les yeux de l’ancien roi se lissèrent et il inspira profondément lorsqu’il eut fini.

« Dis-moi », ordonna Julius.

« Il semble pendant que nous faisions des projets de mariage, l’impératrice faisait les siens », dit Leto. « Elle est maintenant fiancée à Vladimir Tzepesci, ce qui fera bientôt de lui le prince régent de Khador et liera sa maison et toute l’influence qu’il exerce à la sienne ».

Stryker comprenait bien les raisons pour lesquelles l’impératrice épousait Vlad. Il était le souverain de l’Ancienne Umbrie, le chef d’une famille ancienne et puissante dont les racines remontaient à la fondation de leur nation. Il représentait les antiques méthodes, la tradition et, plus important encore, le peuple le plus indépendant de l’est de Khador. Nombres de Khadoréens pensaient qu’il représentait une menace pour sa souveraineté, mais elle avait désormais écarté cette menace et ajouté son pouvoir et son influence aux siens.

« Un développement inattendu, mais pas vraiment une grave menace », déclara Julius.

« Je ne suis pas d’accord » répondit Leto. « Elle consolide son pouvoir, et désormais les prétentions de Vlad sur le Llael auront tout le poids de l’impératrice derrière elles ».

« Il semble que nous ayons sous-estimé l’impératrice, et nous ayons été pris au dépourvu, Votre Majesté », dit Midwinter.

« Attendez », dit Ebonhart. « Je suis d’accord avec le haut chancelier sur le fait que le mariae de l’impératrice et du Seigneur Tzepesci renforce sa position, mais cela ne signifie pas nécessairement qu’il se préparent à al guerre ».

« Nous avons déjà vu le Khador rompre des traités », dit Midwinter en se tournant vers le roi. « Votre Majesté, ceci est un signe précurseur à une trahison khadoréenne ».

« La guerre est inévitable », déclara Julius. « Le khador n’acceptera jamais que la princesse soit l’héritière légitime de Llael ». Stryker soudainement réalisa que c’était probablement le plan de Julius le début – le sien et celui de Rebald, et peut-être celui de Midwinter. Julis avait simplement besoin d’une excuse pour partir en guerre, et la princesse venait de lui offrir une situation où le Khador devait refuser les termes du traité, surtout maintenant que l’impératrice avait consolidé ses prétentions sur le Llael.

« Et vous le saviez depuis le début », dit Leto, exprimant ce que Stryker pensait. « C’est pourquoi vous avez gardé la princesse secrète ».

« C’était la meilleur chose à faire, mon oncle », répondit Julius. Stryker nota qu’il ne niait pas l’accusation de Leto.

« Nous devrions annoncer la naissance de l’héritière », dit Rebald. « même si c’est plus tôt que nous l’aurions souhaité ».

Leto prononça : « Votre Majesté, je suis d’accord, mais nous devons attendre la réaction de l’impératrice. Nous ne pouvons pas être considérés comme des agresseurs par le peuple cygnarén ou par l’Assemblée Royale ».

« Attendez », dit une douce voix féminine. Tout le monde se tourna vers la princesse. Son visage était un masque de colère, ses yeux bleus brillaient telle des poignards glacés. « Je ne t’épouserai pas ».

« Votre Altesse ? » dit Julius. C’était la première fois qu’il avait l’air surpris au cours des événements de la journée. « Vous devez certainement comprendre que notre mariage est de la plus haute importance si nous voulons renforcer nos nations contre l’agression khaodréenne qui ne manquera pas de se produire ».

« Non, Votre Majesté, ce que je vois, c’est que mon peuple va subir une nouvelle ruine à cause de Khador pendant que vous et votre conseil attendez que l’impératrice agisse ».
Stryker réprima un rire. Le plan bien conçu de Julius et de Rebald était sur le point de s’effondrer au gré d’une jeune fille de dix-sept ans. Elle était une reine, cela était désormais évident. L’acier de son ton n’admettait aucune discussions, et ses réprimandes au roi étaient précises et ciblées.

« Votre Altesse, soyez raisonnable », dit Rebald en s’avançant vers Kaetlyn. « C’est la meilleur chose à faire ».

« Ce n’est pas le cas, Commandant en chef des Éclaireurs », répondit-elle. « Le meilleur plan d’action consiste à libérer immédiatement le peuple llaelais ». Elle tourna son regard vers Julius. « Si tu veux m’épouser, si tu veux obtenir tout ce que cela implique, alors tu élimine immédiatement le fléau khadoréen de mon pays ».

« Votre Altesse », dit doucement Julius en s’avançant vers elle. Il s’approcha d’elle et prit sa main dans la sienne. Elle tressaillit, mais ne l’arrêta pas. Il y eut un moment de silence tendu, et les hommes présents dans la salle du trône ayant juré de protéger leur dirigeants se raidirent. « Je te le promets, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour libérer le Llael du contrôle khadoréen et te placer sur le trône. Mais je suis d’accord avec mon oncle : nous devrions laisser le Khador montrer au monde qu’il n’honore pas ses traités que la parole de l’impératrice ne vaut rien de plus que le souffle qui la créer. L’impératrice ne va pas tarder à nier ton droit au trône, et ensuite, je te le jure, j’amènerai toute la puissance de Cygnar en Llael pour écraser les envahisseurs ».

La passion dans la voix du jeune roi était émouvante, et il y avait ici quelque chose qui ne ressemblait pas à son père. Il avait déjà appris qu’il existait d’autres moyens de motiver les gens que par la peur ou le tranchant d’une épée. Un roi qui s’exprimait franchement et avec passion à ses sujets pouvait rassembler une nation derrière lui aussi facilement qu’un tyran qui exigeait leur soutien.

Les paroles de Julius eurent l’effet escompté, peut-être plus que ce que le roi ou tout autre personne présente dans la pièce pouvait deviner. La princesse se pencha en avant. Elle embrassa doucement Julius sur la joue, puis s’éloigna. « Merci, Votre Majesté ».

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Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Poudrière
« le: 21 juillet 2024 à 16:47:16 »
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Caspia, Cygnar


LA CHAMBRE DU CONSEIL INTÉRIEUR de Julius Raelthorne, premier du nom, convenait au jeune roi. Son père, Vinter Raelthorne, avait rarement utilisé cette pièce, préférant tenir les réunions du conseil dans la salle du trône du Château Raelthorne. Stryker avait assisté à plusieurs d’entre elles en tant que membre de la garde royale, il y a près de quinze ans. Le fils de Vinter, quant à lui, préférait un lieu de réunion moins grandiose. La chambre se trouvait derrière la salle du trône et était autrefois réservée aux réunions privées avec d’importants dignitaires. Elle était petite et la table en forme de U en bois de fer poli occupait la majeure partie de l’espace. Les murs étaient peints en bleu royal du Cygnar et décorés de portraits des différents rois ayant régné sur la nation. Stryker nota que le portrait de Vinter avait récemment été remis à sa place sur le mur.

La table était suffisamment grande pour accueillir tous les membres du conseil, dont Stryker était membre. Bien que son inclusion par le roi ait été autorisée, au mieux, à contrecœur. La plupart des hommes qui constituaient les plus proches conseillers de Julius s’étaient engagés à soutenir le jeune roi lors de la récente guerre civile ou, dans le cas d’Orin Midwinter, étaient des criminels exilés, autre fois loyaux envers son père, qu’il avait graciés. Stryker grimaça en regardant où Midwinter était assis – Midwinter était à la droite du Haut Chancelier Leto, qui à son tour était le plus proche de Julius au centre de l’U. Autrefois inquisiteur en chef sous Vinter Raelthorne, Midwinter avait été forcé de faire profil très bas lorsque son ancien suzerain avait été chassé du trône. Il avait soutenu Vinter puis Julius en exil, et le jeune roi l’avait gracié lorsqu’il était monté sur le trône, accordant à Midwinter le titre de Conseiller aux Arcanes. L’homme était un magicien accompli, mais leurs rumeurs sur ses activités pendant et après le règne de Vinter étaient pour le moins inquiétantes.

À la gauche du roi se trouvait le Commandant en chef des Éclaireurs Bolden Rebald, un maître espion et responsable du Service de Reconnaissance Cygnaréen. L’homme suivant était à la table était le Général Maître de Guerre Kielon Ebonhart, un puissant duc que Stryker connaissait bien. Stryker s’était entraîné sous les ordres du Duc Ebonhart il y a plus de dix ans, lorsque celui-ci était à la tête des Lames-Tempête. Ebonhart avait été l’un des nobles les plus importants à soutenir Julius au cours de la guerre civile.

Les deux autre hommes du conseil assis au bras du U, étaient le Navarch Galten Sparholm III, à la tête de la marine, et Lassiter Polk, maître mékanicien et chef de l’Armurerie Cygnaréenne. Stryker avait peu fréquenté ces deux hommes, mais il les connaissait par leur réputation et ils étaient tous deux capables.

Enfin, il y avait Stryker lui-même, assis aussi loin que possible du roi. Il était Seigneur Général de l’Armée Cygnaréenne, son rang n’étant surpassé que par celui du Maître de Guerre Kielon Ebonhart. Il assistait à toutes les réunions du conseil, mais le roi faisait rarement appel à lui pour obtenir des conseils. Julius écoutant principalement son oncle Leto pour les questions d’état, son maître de guerre pour les questions militaires, et Orin Midwinter pour presque tout le reste. Depuis la bataille de Fharin, Julius semblait accorder une grande confiance à l’ancien inquisiteur. Peut-être était-ce le lien avec son père qui avait attiré Julius vers Orin. Stryker ne comprenait pas pourquoi le roi accordait autant confiance à quelqu’un qui avait fait partie d’une organisation si universellement décriée.

Stryker était un marginal, un marginal dont l’opinion n’était ni recherchée ni appréciée. Sa véritable place était sur le champ de bataille, à la tête des soldats et des warjacks. Qu’il soit membre du conseil était probablement dû à Leto. L’ancien roi et lui avaient été proches, et Stryker souffrait de voir quelqu’un d’autre sur le trône, aussi légitime que soit la prétention du jeune homme.

« Votre Majesté », dit Leto, sa voix ramenant Stryker dans la conversation, « nous avons reçu une copie du traité signé par les envoyés de Khador, et il a été officiellement enregistré ». L’ancien roi sourit. « Nous sommes en paix ».

« Bravo, bravo ! » s’écria le Maître de Guerre Ebonhart, et les applaudissements emplirent la salle. Stryker y ajouta à contrecœur.

« Mais il y a de nombreuses questions qui nécessitent encore votre attention, bien sûr, Votre Majesté », déclara Midwinter après que les applaudissements se soient calmés.

« Sans aucun doute, Midwinter », répondit Julius. « Mais il y a un sujet urgent dont nous devons d’abord discuter. Une chose que je vous ai cachée pendant un certain temps par nécessité, et vous comprendrez bientôt pourquoi. Le Commandant en chef des Éclaireurs Rebald vous informera des détails ». Le roi fit un signe de tête au commandant en chef des éclaireurs.

Rebald s’éclaircit la gorge et se redressa sur sa chaise. Une étrange expression traversa le visage du maître espion. Il avait l’air nerveux. Stryker avait travaillé en étroite collaboration avec cet homme durant des années, et il n’avait jamais vu le commandant en chef des éclaireurs aussi agité. C’était étrange de la part d’un homme ayant tiré les ficelles d’un vaste réseau d’espions et d’assassins pendant des années.

« Oui, Votre Majesté », dit Rebald en se levant. « Je ne vais pas vous faire languir. Un héritier du trône de Llael a été trouvé ».

Un silence stupéfait.

Stryker observa les visages de chaque membre du conseil. Il y avait des yeux écarquillés et des visages cendrés. Lui aussi était choqué. Un héritier du trône de Llael avait des répercussions majeures. Tout d’abord, cela annulait les prétentions de Khador sur le pays, conformément au traité qu’ils venaient de signer – en supposant que le Khador accepte cette prétention.
Stryker retrouva sa voix en premier. « Qui est cette personne ? »

« Son nom est Kaetlyn di la Martyn », déclara Rebald. « Sa mère tait l’une des maîtresses du Roi Rynnard, une femme de petite noblesse ».

« Depuis combien de temps es-tu au courant, Rebald ? » demanda Leto. Le visage de l’ancien roi était pincé par l’irritation.

Rebald jeta un coup d’oeil à Julius, le regard fuyant, tendu. Encore une fois, Stryker fut frappé par le manque de sang-froid de l’homme. Cela ne lui ressemblait absolument pas.

« Le commandant en chef des éclaireurs a localisé la jeune fille peu de temps après mon accession au trône », déclara Julius.

Deux ans ! Pensa Stryker. Cela faisait deux ans qu’ils étaient assis sur ce secret monumental, et ils avaient manoeuvré le Khador pour qu’il signe un traité qui annulerait leurs prétentions sur le Llael. C’était sournois et brillant… et incroyablement dangereux. L’impératrice est trop intelligente pour ne pas sentir l’odeur nauséabonde des manœuvres politiques, et sa réaction une fois l’héritière révélée pourrait replonger les deux nations dans la guerre.

« Rebald a découvert l’héritière en Ord », poursuivit Julius, « et il m’a immédiatement informé de sa découverte, voyant la potentielle influence qu’elle pourrait nous accorder un jour ».

« Julius, c’est un jeu dangereux et insensé auquel tu as joué », déclara Leto, Le haut chancelier avait visiblement été tenu dans l’ignorance, tout comme le reste du conseil.

Les yeux de Julius se plissèrent et la colère apparut sur son visage. Stryker vit la colère de Vinter derrière les yeux de son fils. « Mon oncle, tu t’oublies », dit Julius. « Tu ne parles plus avec la voix d’un roi ».

Leto détourna le regard. « Mes excuses, Votre Majesté », dit-il d’une voix lente et mesurée. « Mais en tant que haut chancelier, je ne peux pas vous servir correctement si vous me cachez de telles choses ».

Julius acquiesça. « Je suis d’accord, mon oncle, et je te promets qu’il s’agit d’un incident isolé ».

« Alors, nous allons asseoir cette fille sur le trône de Llael ? » demanda Stryker. « Le Khador ne reconnaîtra pas la légitimité de sa revendication ».

Leto se tourna vers Stryker. « Seigneur Général », dit-il, « le traité qu’ils ont signé est légitime, tout comme la prétention de la jeune fille au trône. Ils seront obligés de l’honorer ou de violer le traité ».

« Vous allez donc les inviter à la guerre ? » dit le Duc Ebonhart, posant la question suivante de Stryker. « Mes excuses, Votre Majesté, mais nous venons de retrouver la paix. Pourquoi la gâcher ? »

« Je comprends votre réticence, Maître de Guerre Ebonhart », dit Julius. « Et je ne m’engagerais pas dans cette voie si elle ne servait pas à rendre le Cygnar plus fort ».

« Comment une autre guerre rendra-t-elle le Cygnar plus fort, Votre Majesté ? » demanda Stryker. Cela semblait ridicule, mais si Rebald et Midwinter étaient impliqués, il y avait là un angle d’attaque, un avantage à tirer. Julius se tourna délibérément vers Stryker, le fixant de son regard sombre. Pour un homme si jeune et si peu habitué à gouverner, le roi dégageait une force indéniable. C’était le même acier que celui de son père. Stryker espérait que, pour le bien de Cygnar, il serait mieux tempéré.

« Je vais l’épouser », déclara Julius.

« Et ajoutez les prétentions de Cygnar à celles de l’héritière », reprit Rebald. « Julius et ses fils et filles dirigeront les deux nations ».

C’était une démarche agressive, que l’oncle du roi n’aurait ni acceptée ni approuvée, mais si elle réussissait, elle augmenterait considérablement la taille du royaume de Julius et ajouterait au Cygnar ce qu’il restait de la puissance militaire de Llael. Ils deviendrait la plus grande nation des Royaumes d’Acier, contrôlant plus de terres arables et de ressources que toute autre.

« Et la Résistance ? » demanda Leto. « Il peuvent avoir leurs propres idées sur ce qu’il faut faire de cette héritière ».

« S’ils souhaitent continuer à bénéficier du soutien militaire du Cygnar contre le Khador, ils nous suivront ». S’esclaffa Julius. « Je ne m’attends guère à ce qu’ils demandent l’aide des khadoréens ». C’était une attitude froide à l’égard de la Résistance assiégée et ses dirigeants. Stryker avait combattu à plusieurs reprises aux côtés des troupes et des warcasters llaelais contre les khadoréens. Leur chef militaire, Ashlynn d’Elyse, une noble et warcaster llaelaise, était une femme passionnée mais raisonnable, et son opinion pouvait influencer les autres. « Si vous parvenez à convaincre Ashlynn d’Elyse de reconnaître l’héritière, vous pourriez obtenir le soutien de la Résistance », dit Stryker. « Mais nous devons la prévenir immédiatement. Elle n’apprécierait pas d’être tenue dans l’ignorance à ce sujet ».

« Merci pour votre conseil », répondit Julius, « mais ma future femme n’a pas besoin du soutien ou de l’approbation d’Ashlynn d’Elyse. Elle exige sa loyauté, tout comme moi ».

« De plus, la Résistance a oeuvré avec le Protectorat de Menoth », dit Rebald, nommant la nation de fanatiques religieux à l’est ayant revendiqué certaines parties de Llael. « Nous devrions les considérer comme compromis ».

« Quel choix avaient-ils ? » demanda Stryker. « Ils ne peuvent pas combattre à la fois le Khador et le Protectorat ».

« Assez », dit Julius. Il n’éleva pas la voix, mais son ton fut tranchant. « Je n’ai pas réuni mon conseil intérieur pour discuter de la Résistance Llaelaise ».

Stryker se faisait gronder comme un enfant dévoyé, réduit au silence par un roi qui n’était rien d’autre qu’un bâtard en exil il y a à peine trois ans. La voix de Stryker avait toujours été entendue à la cours de Leto. Son conseil était sollicité, on se fiait à son expérience. « Comme vous le souhaitez, Votre Majesté » répondit-il, réprimant sa colère et le ressentiment qui remontaient dans sa gorge telle une marée de vomi.

Il croisa le regard de Leto, et l’expression de l’ancien roi le blessa plus que la réprimande de son neveu. Il avait souvent fait naître la fierté, la joie et même la colère sur le noble visage de Leto à de nombreuses reprises, mais jamais la pitié. C’était subtile à présent, mais elle était présente.

Stryker s’assit dans son fauteuil et laissa les autres membres du conseil détailler les plans du roi. Il écouta, mais ne reprit pas la parole. Il était clair qu’il était un marginal, et sa voix n’avait pas plus de poids qu’un cri dans un ouragan.

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Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Poudrière
« le: 21 juillet 2024 à 16:42:05 »
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Cinq-Doigts, Ord


ASHET MAGNUS S’ASSIT À UNE TABLE BASSE, posant la lourde masse de sa prothèse de bras mékanique sur celle-ci. Autour de lui, dans cette pièce sordide mais spacieuse au bord du fleuve, se trouvait un groupe d’hommes à l’allure patibulaire, tous des mercenaires, armés et prêts à se battre et à tuer sur son ordre. Le pire de ces hommes – ou le meilleur, selon le point de vue – attendaient dans une petite pièce adjacente, en face de la table de Magnus.

« Qu’est-ce qui lui prend tant de temps ? » demanda Xavius Marlowe, un ordique décharné et ressemblant à un oiseau, qui se tenait près de l’unique fenêtre de la pièce, probablement pour échapper à la puanteur de l’armure de warcaster de Magnus. Magnus avait réglé la chaudière au minimum, mais le filet de fumée qui s’en échappait de la cheminée dans son dos emplissait la pièce d’une brume enfumée. Magnus sourit ; l’odeur de la rue du quai en contrebas ne pouvait pas être bien meilleure.

« Harrow connaît son affaire », déclara Magnus. « Laisse-le travailler ». Les lèvres de Xavius se retroussèrent d’irritation et il se retourna vers la fenêtre. Il était un ancien membre de l’Ordre du Creuset d’Or, un groupe d’alchimistes et d’arcanistes très respecté. Mais il avait fui son ordre, en grande partie à cause de son obsessions pour les poisons et les explosifs et de sa volonté de les tester sur les habitants de la ville ordique de Corbhen. Il était irritant, erratique et très, très compétent, aussi Magnus le tolérait il. En fait, la plupart des hommes dans cette pièce étaient profondément imparfaits et dangereux, le genre d’hommes qui suivaient la force et n’avaient aucune place pour la compassion ni même pour une véritable loyauté.

La porte face à Magnus s’ouvrit et Sebastian Harrow émergea. Les autres mercenaires présents dans la pièce étaient dangereux, mais Harrow était le seul véritable tueur parmi eux. Il était maigre et laid, son visage était un réseau de cicatrices d’où brillaient deux yeux bleu glacés. Il portait un pistolet lourd fixé à une hanche et un sabre à l’autre. Il essuyait ses mains avec un bout de tissu, qui en ressortit taché de cramoisi.

« Je reconnais que ces bâtards de la Section Trois sont des durs à cuire », dit-il.

« Qu’est-ce qu’il a craché ? » demanda Magnus.

Harrow sourit, montrant une bouche pleine de dents blanches et droites, une gueule de prédateur. « Le prince est mort et ils ont jeté son corps dans une forge ».

Magnus grimaça. Julius avait espéré trouver l’héritier llealais vivant et le garder ainsi, s’il était favorable au plans du jeune roi. « Sait-il pour la fille ? »

Harrow haussa les épaules. « Je n’ai pas plu lui soutirer cette information. Et crois-moi, j’ai essayé ».

L’homme le plus proche de Harrow, une ancien Tête d’Acier nommé Silus, frémit. Ils avaient tous vu Harrow interroger un prisonnier, et ses méthodes étaient brutalement efficaces.

« Penses-tu que le prince savait pour elle ? » demanda Silus. « C’était sa cousine, non ? »

« Difficile à dire », répondit Magnus. « La famille royale a été tellement fracturée. Quoi qu’il en soit, il la croyait probablement morte, ainsi que le reste de sa famille ».

« Alors je dis que nous partons de l’hypothèse qu’il savait et qu’il l’a dit aux khadoréens avant qu’ils ne le tuent », répondit Harrow.

Magnus réfléchit un instant. C’était logique. Le chef cygnaréen du SRC, le Commandant en Chef des Éclaireurs, Bolden Rebald, lui avait assuré que personne au sein du gouvernement khadoréen n’était pas au courant de l’existence de la princesse. Ce qu’il ne savait pas et ne pouvait pas savoir, c’était si quelqu’un en dehors des services de renseignement du Khador – quelqu’un ne cherchant pas un héritier llaelais – était au courant. La personne la plus susceptible de le savoir était un membre de sa famille : son cousin Lyan di la Martyn, récemment tué par des agents khadoréens. Puisque Magnus ne pouvait pas s’adresser à Lyan, il devait être d’accord avec Harrow et supposer que le mort avait donné aux khadoréens des informations sur la princesse Kaetlyn di la Martyn, qui semblait maintenant être l’unique héritière vivante du trône de Llael.

Magnus jeta un coup d’oeil dans la pièce. « Nous devons supposer que les khadoréens savent pour Kaetlyn, mais nous devons nous assurer que cette information ne quitte pas cette ville ». Ils avaient encore un problème, cependant, réalisa-t-il. Rebald avait dit qu’il y avait six agents de la Section Trois. Ils en avaient capturé un, mais où étaient les autres.

« J’ai de bonnes nouvelles », dit Harrow. « Il m’a dit où les autres se cachaient. Ils ont eu peur quand nous avons attrapé Ivan ici ». Il leva le pouce vers la pièce sombre d’où il venait de sortir. « Ils recherchent  probablement un navire pour les faire sortir ».

« Alors nous n’avons pas de temps à perdre », déclara Magnus. Il laissa sa conscience dérivers sans l’entrepôt vide en dessous d’eux, jusqu’au warjack léger qu’ils avaient amené avec eux. C’était l’un des modèles conçus par Magnus, assemblés à partir de morceaux d’autres warjacks, mais il n’en était pas moins mortel pour sa construction composite. Il pouvait sentir une petite étincelle dans l’obscurité froide de son esprit, une étincelle qu’il allait bientôt attiser en une flamme rugissante.

« S’agit-il d’une mission de capture ou de mise à mort ? » demanda Silus. Il n’avait pas l’air d’être gêné par l’une ou l’autre.

« Nous réglons les derniers détails », répondit Magnus en sortant le court fusil à mitraille de son étui au niveau de sa hanche. Il vérifia la charge et le rangea. Il plissa les yeux en direction de Silus. « Alors, qu’en penses-tu ? »

« Une mission d’anéantissement, alors », dit Harrow. « Tu n’auras à te plaindre de moi Plus simple ainsi. Et notre invité ? »

Magnus jeta un coup d’oeil par-dessus l’épaule du mercenaire vers la pièce derrière lui. Un léger gémissement ou peut-être un souffle s’échappa de l’obscurité.

« Dernier détail », dit-il.

Harrow sourit.

« Fais vite, Harrow », répondit Magnus, puis il ajouta « et sans douleur ».

Harrow dégaina son sabre. La lame émit un sifflement menaçant en raclant la gorge métallique du fourreau. « Il ne sentira rien ».

Le mercenaire entra dans la pièce derrière lui. Après un moment de silence sinistre, Magnus entendit un soudain éclat de voix khadoréen vacillant et terrifié. Il comprit la langue : l’homme plaidait pour sa vie.

Le doux bourdonnement d’une lame tranchant l’air coupa court à la supplication du khadoréen. Magnus entendit un bruit sourd, comme si quelqu’un avait laisser tomber quelque chose de lourd sur le sol. Quelques secondes plus tard, Harrow réapparut, cette fois essuyant le sang de son sabre.

« J’ai fait un joli nœud », dit-il.


* * *

LE NAVIRE S’APPELAIT Le Corbeau des Mers, et c’était un vieux navire marchand reposant au ras de l’eau. Il était amarré dans le District de la Proue du Capitaine de l’Île du Capitaine, acueillant les navires marchands. Magnus était heureux de voir que c’était le seul navire à son poste d’amarrage – ils bénéficieraient l’isolement dont ils avaient besoin. Cela ne voulait pas dire qu’ils étaient seuls ; on n’est jamais seul à Cinq-Doigts. Même en pleine nuit, sur une jetée au bout de l’Île du Capitaine, il y avait des gens vaquant à leurs occupations. Bien sûr, ces affaires, comme celle de Magnus étaient de toute façon celles qu’ils étaient préférables de mener dans le noir. Aucune des rares personnes qu’ils croiseraient ne laissa son regard s’attarder sur les quatre hommes en armure et la forme imposante du Renégat, dont la moitié supérieure était recouverte d’une toile de jute pour cacher qu’il ne s’agissait pas d’un simple laborjack. Sa scie tronçonneuse dépassait de dessus le linceul, et elle s’animait de temps en temps au fur et à mesure que l’impatience du warjack grandissait. Il voulait se battre. Magnus réprima ces pulsions;cela n’aiderait pas leur mission si le Renégat sciait un passant en deux.

« Pourquoi ce navire ? » demanda Xavius alors qu’ils s’approchaient du Corbeau des Mers. L’ancien alchimiste portait deux grenades alchimiques autour de sa poitrine, et tout le monde l’évitait à cause de cela.

« C’est un petit navire marchand », déclara Magnus. « Ce n’est pas le genre de chose que l’on recherche ».

Il arrivaient entre deux grands entrepôts, à l’abri des guetteurs – probablement des mercenaires – que les espions khadoréens avaient engagés. Ce n’était comme s’ils pouvaient simplement faire appel à un soutien militaire ; ils étaient une escouade de tueurs, intentionnellement coupé de tout soutien militaire pour défendre le déni plausible. Ils étaient acculés, et cela ne ferait que les rendre plus dangereux.

Les marins du Le Corbeau des Mers s’apprêtaient à appareiller. Il est probable que les agents restants de la Section Trois aient décidé que leur membre égaré ne reviendrait pas et qu’il était temps de fuir sans lui.

Ils étaient encore à trente verges du navire lorsqu’ils s’arrêtèrent dans l’ombre entre les bâtiments. « Je pense qu’ils doivent être dans la soute », dit Harrow. « Allons-nous frayer un chemin à travers tous ces hommes pour y arriver ? »

Magnus sourit. « Non, nous prenons une route plus directe ». Il se tourna vers Silus, qui portait un fusil à canon long, caché sous une lourde cape. « Je veux que toi et Harrow occupiez les hommes sur le pont pendant que Xavius et moi perçons un trou ».

Les yeux d’Harrow s’écarquillèrent, puis il sourit. Il avait une idée de ce que Magnus avait prévu. « Cela va faire beaucoup de bruit, et la garde, même à Cinq-Doigts, risque de le remarquer ».

« Alors, nous allons faire vite », dit Magnus.

Harrow acquiesça. « Tu es prêt, Silus ? »

L’ancien Tête d’Acier mit son fusil sur son épaule. « Il y a deux personnes sur le pont qui son manifestement des tireurs », dit-il. « Tu les vois ? »

« J’en ai un », répondit Harrow en dégainant son pistolet lourd à répétition. « Je prends celui se trouvant près du gaillard avant. Tu prends celui près du plat-bord bâbord ».

« Xavius, tu es avec moi ? » demanda Magnus en invoquant sa magie. Il se détourna du navire pour que son corps protège le cercle lumineux de runes se formant autour de sa main gauche. Les runes s’éteignirent et le Renégat devint irréel, ses contours se brouillant. Cela, l’obscurité et les capacités naturelles de Magnus et Xavius à se cacher les rendraient difficiles à repérer ou à abattre.

« Allons-y », dit Magnus, et Xavius et lui s’élancèrent d’entre les bâtiments. Magnus exhorta le Renégat à le suivre, et celui-ci jeta sa bâche et suivit avec empressement.

Ils étaient à mi-chemin du navire lorsqu’ils furent repérés, et des cris retentirent sur le pont du Le Corbeau des Mers, suivis de deux de coups de feu tirés derrière Magnus. Deux des hommes qui se trouvaient au-dessus du Renégat, tous deux armés de fusils, tressaillirent et s’effondrèrent sur le pont.

Magnus et Xavius coururent vers la jetée, parcourant la distante restante en quelques secondes. D’autres coups de feu retentirent, mais Magnus ne put dire s’ils provenaient du navire ou de ses propres hommes. Ils atteignirent le flanc du Le Corbeau des Mers, un mur de lattes de bois, et Magnus exhorta le Renégat à se rapprocher. Une balle ricocha sur sa coque et frappa le champ d’énergie généré par l’armure de warcaster de Magnus. Le mur invisible d’énergie s’embrasa en ralentissant la balle, rendant inoffensif son impact contre son plastron.

« Xavius, accroupis-toi », dit Magnus, accroupi sur la jetée, la tête baissée. L’ordique fit de même, et Magnus ordonna au Renégat d’utiliser son arme la plus puissante, la roquette oblitérateur attachée à son bras droit. Une bouffée de joie revint à travers son lien avec la machine, et il entendit le gémissement profond du lance-roquettes qui s’amorçait. Une balle frappa le champ d’énergie de Magnus, projetant des étincelles, et la balle rebondi sans danger sur la plaque de fer recouvrant son dos, privée de son énergie cinétique.
La fusée oblitérateur était prête et Magnus regarda à travers les yeux du Renégat, choisissant l’emplacement sur la coque du Le Corbeau des Mers.

Feu.

La fusée explosa avec un tonitruant rugissement et un éclair jaune vif. Une rafale d’énergie chauffée à blanc frappa Le Corbeau des Mers et fit un trou de près d’un mètre quatre-vingt de diamètre dans son flanc.

Magnus se leva d’un bond, entraînant Xavius à ses côtés. « Grenades ! »

L’alchimiste parut abasourdi, mais sa stupeur s’estompa rapidement. Il sortit deux cylindres métalliques de la bandoulière sur sa poitrine, appuya sur leurs gâchettes mécaniques et les jeta dans le trou que le Renégat avec fait.

Magnus capta un mouvement dans le ventre du vaisseau juste au moment où les deux grenades explosèrent, doubles explosions de bruit et de lumière. D’autres coups de feu retentirent derrière lui et au-dessus de lui. Magnus les ignora. Il sauta de la jetée et pénétra dans le trou pratiqué dans le flanc du navire.

Il atterrit dans un abattoir. Des corps et des morceaux de corps étaient éparpillés dans la cale et les murs avaient été peints d’un cramoisi criard. Il remarqua immédiatement deux des agents de la Section Trois, ou ce qu’il en restait.

Deux de plus.

La cale était basse de plafond, mesurant environ six mètres de large et neuf mètres de long. Les escaliers menant au pont se trouvaient à l’extrémité. C’était sombre et enfumé, mais un mouvement près des escaliers attira son attention.

Magnus dégaina son épée, la lame mékanique qu’il avait baptisé Pourfendeur, et la plaque runique qui lui conférait son pouvoir arcanique emplit la cale d’une étrange lueur bleue. Les silhouettes près des escaliers devinrent plus claires : trois hommes vêtus des vêtements sombres. Tous étaient encore sous le choc du souffle des grenades. Il ne pouvait pas leur laisser le temps de récupérer. Magnus s’éloigna du trou sur le flanc du Le Corbeau des Mers et convoqua le Renégat. Le saut du quai dans le navire était dangereux ; si le Renégat ratait son coup et tombait dans la baie, sa chaudière serait éteinte et il coulerait directement par le fond.

Le Renégat sauta, guidé par la volonté de Magnus, et atterrit à l’intérieur de la cale du navire, suffisamment fort pour faire tanguer le navire. Sa scie se mit à vrombir, un cri métallique frénétique annonciateur de destruction.

Des coups de feu éclatèrent de l’autre côté de la cale, et des projectiles frappèrent la coque du Renégat, déclenchant une vague de rage en son sein. Puis la cale s’illumina d’une lueur bleue, signe révélateur de la magie, et des runes se formèrent autour de la main tendue de l’un des hommes, qui s’était placé derrière ses compatriotes. Magnus pouvait désormais clairement voir le lanceurs de sorts : grand, aux traits marqués, avec des cheveux noirs clairsemés. Il tenait dans une main une hache de guerre lourde à un seul tranchant. Mais cet homme n’était pas simplement un agent de la Section Trois. Il était bien plus dangereux que son simple titre : c’était aussi un Seigneur Gris, l’un des tristement célèbres sorciers des glaces khadoréens et chercheurs de magie ancienne.

Le sort se déclencha avant que Magnus ne puisse s’écarter, et un souffle de givre glacial traversa la cale. La majeure partie de ce souffle frappa le Renégat, et Magnus sentit les dommages causés à certains de ses systèmes internes qui se grippèrent sous l’effet du sort de froid.

Son champ d’énergie et son armure le protégèrent du pire, mais il serra les dents de douleur quand le froid envoya ce qui ressemblait à des poignards de glace dans sa chair exposée.

« En avant », dit Magnus en serrant les dents, ordonnant au Renégat endommagé d’avancer. Il traversa la cale en trombe, sa scie hurlant dans l’obscurité. Magnus sortit son tromblon et visa l’un des hommes tentant de monter les escaliers menant au pont supérieur. Il pressa la gâchette et déversa sa volonté et sa magie dans les tirs, guidant les trajectoires des lourds projectiles. L’homme, probablement l’un des agents de la Section Trois, reçu les projectiles dans le dos et tomba à la renverse.

Le Renégat avait atteint l’autre côté de la cale. Sa scie s’humecta, déchirant le ventre et le ds d’un des hommes, aspergeant les murs de sang frais. Le Seigneur Gris recula et un autre sort se forma autour de sa main droite tandis que le Renégat dégagea son arme et se tournât vers lui.

De la glace et du givre apparurent soudainement sur la coque et les membres du Renégat, et celui-ci cessa de bouger, maintenu immobile dans une fine cage de glace.

Magnus chargea, jetant son tromblon et saisissant Pourfendeur à deux mains. Le Seigneur Gris leva sa hache. Des runes bleues apparurent sur la lame de l’arme tandis que Magnus abattait Pourfendeur d’un puissant coup.

Le Seigneur Gris était un combattant expérimenté. Il réussit à détourner l’épée de Magnus, mais la force du coup le projeta contre le mur de la cale. Il récupéra instantanément et se lança en avant, balançant la hache dans une large frappe de taille.

Il était plus rapide que Magnus l’avait prévu – il ne parvint pas à placer Pourfendeur à temps pour intercepter le coup. Dans une pluie d’étincelles, la hache, enchantée par de puissantes runes, traversa le champ d’énergie de Magnus et s’enfonça dans son plastron et la chair s’y trouvant. Il sursauta lorsque le métal glacé coupa sa peau, mais la hache s’était logée dans son armure. C’est alors que le Seigneurs Gris commit une erreur cruciale.

Il tenta de la dégager.

La fraction de seconde d’effort le laissa sans défense, et Magnus balaya le cou du Seigneur Gris avec Pourfendeur. Sa tête se détacha de son corps dans une giclée de sang, et son cadavre rejoignit les autres en basculant en arrière.

Magnus arracha la hache de son corps et un flot de sang coula le long de son armure. Il grimaça, non pas à cause de la douleur de sa blessure, mais parce que Bolden Rebald, le Commandant en chef des Éclaireurs de Cygnar, ne l’avait pas avertit que les agents de la Section Trois travaillaient avec un Seigneur Gris. Peut-être qu’il ne le savait pas – mais peut-être qu’il le savait.

Xavius était passé par le trou. L’ordique n’était pas d’une grande utilité dans un combat debout. Il tenait une liasse de papiers dans une main et regardait tour à tour les cadavres au sol. Rebald leur avait fourni des croquis des visages des agents de la Section Trois afin qu’ils puissent être facilement identifiés.

« Bon sang, celui-là n’a plus de visage », déclara-t-il. « Je pense que c’est l’un des salauds de rouges. Celui-ci, définitivement ». Il désigna un cadavre auquel il manquait les deux bras et une jambe, mais dont le visage était parfaitement intact.

« Viens ici et regarde ces deux-là », dit Magnus. « Vite ». Il reporta son attention sur le Renégat tandis que Xavius le rejoignait. Il canalisa une plus grande partie de sa magie à travers le cortex de la machine, brisant ainsi le sort qui la bloquait. La colère, chaude et féroce, reflua à travers sa connexion avec le warjack. On l’avait trompé en le privant d’une mort.

« Oui, ce sont les deux autres », déclara Xavius. « Qui est celui-ci ? » Il désigna le Seigneur Gris décapité.

« Une complication », répondit Magnus en grognant de douleur. La blessure était peut-être un peu plus profonde qu’il ne le pensait. Des coups de feu résonnaient toujours à l’extérieur de la cale. « Nous avons fini ici. Allons-y avant que Harrow ne tue ce foutu équipage ».

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Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Poudrière
« le: 21 juillet 2024 à 16:32:15 »
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Merywyn, Llael Occupé par le Khador


STRYKER MARCHAIT À NOUVEAU en tête d’un cortège de Chevaliers-Tempête, Tews à ses côtés, son large visage sombre.

« Par Morrow, je me sens pas à ma place », dit Tews.

Stryker ne dit rien, mais il ne pouvait guère contester cette affirmation. Il menait ses Chevaliers-Tempête non pas au combat, mais à travers l’immense cour vers l’un des plus grands bâtiments de tous les Royaumes d’Acier. La Grande Cathédrale de l’Ascendant Rowan à Merywyn surpassait à peu près toutes les autres structures morrowéennes dans le monde, à l’exception de la Cathédrale de l’Archicour de Caspia, le siège du pouvoir morrowéen.

Devant la puissante cathédrale et le long la voie de pierre banche menant à son entrée, deux régiments complets de soldats étaient alignés : l’un cygnaréen, l’autre khadoréen. C’était un choquant contraste de rouge et de bleu devant le blanc immaculé de la chapelle. Chevaliers-Tempête, chevaliers de l’épée et trois warcasters se tenaient au garde-à-vous du côté cygnaréen. Le Capitaine Sloan avait voyagé avec Stryker, le troisième warcaster, le Capitaine Jeremiah Kraye, et un contingent de chevaliers de l’épée étaient venus de Port Bourne pour les rejoindre à Merywyn. Stryker ne pouvait s’empêcher de penser que si Kraye avait été avec eux sur la route, ils auraient peut-être perdu moins d’hommes dans l’embuscade du Protectorat De plus, quatre warjacks – deux Cuirassés et deux Sentinelles – se tenaient devant l’ensemble des troupes cygnaréennes. Les cortexes des warjacks formaient une présence bourdonnante à l’arrière du crâne de Stryker, l’un plus fort que tous les autres. Il sourit alors que Vî Arsouye tournait la tête vers lui. Le warjack de confiance et marqué par les combats, laissa échapper de la vapeur dans un sifflement strident en guise de salut, ce qui sursauter le contrôleur à côté du Cuirassé.

Calme-toi, mon vieil ami, pensa Stryker en regardant le warjack. L’agressivité d’Arsouye et son instinct à chercher la bataille étaient renforcés par les problèmes qu’ils avaient rencontrés sur le chemin de Merywyn. Stryker ne pouvait pas blâmer le warjack.

En face des cygnaréens, les khadoréens avaient rassemblés leur propre démonstration de force martiale. Des rangées de Man-O-War Troupes de choc, robustes soldats enfermés dans d’énormes armures à vapeur, se tenaient à côtés de rangées de Crocs de Fer à l’armure plus conventionnelle, leurs larges boucliers reposant sur le sol, les piques plantées, les pointes s’élevant vers les cieux tel un bosquet de pointes. Deux warcasters khadoréens furent reconnus par Stryker parmi les troupes. Le premier était le Kommandeur de Front Sorscha Kratikoff, une guerrière aussi froide et impitoyable sur le champ de bataille que toux ceux qu’il affrontés, grande et glacial comme un glaçon, une forme donnée et une fonction meurtrière. Parmi les khadoréens se trouvait également la Kommandeur Strakhov, à la mâchoire carrée et aux cheveux noirs, un soldat robuste, marqué par les batailles, aimé par sa nation et détesté par ses ennemis. Stryker avait affronté les deux au combat à de nombreuses reprises. Et, bien sûr, il y avait des warjacks khadoréens, des monstruosités d’acier et de fer semblant toujours primitifs à Stryker, mais il les avait affrontés au combat, et leur efficacité était incontestable.

Devant Stryker et Tews marchaient deux hommes, tous deux majestueux et royaux. Le premier était l’ancien roi de Cygnar, Leto Raelthorne, qui avait récemment abdiqué son trône au profit de son neveu et fils de son frère, le tyran Vinter Raelthorne. À dix-neuf ans, Julius Raelthorne ressemblait plus à son père qu’à son oncle. Grand et mince, avec des cheveux noir et des traits carrés et acérés, le jeune roi se déplaçait avec la grâce et l’assurance d’un guerrier. Le jeune roi dégageait une froideur de prédateur faisant frémir Stryker. Tout comme son père.

Stryker se faisait encore à l’idée du fils de Vinter Raelthorne, un tyran qu’il avait aidé à chasser du trône il y plus de quinze ans, une homme qu’il avait contribué à vaincre lors de la récente tentative de Vinter de revenir en Cygnar en tant que roi légitime. Leto avait abdiqué pour éviter une longue guerre civile qui aurait coûté cher au Cygnar, et Stryker pouvait comprendre le raisonnement de son ancien roi. Mais il y avait beaucoup de Vinter dans Julius, et contrairement à sa relation avec Leto, Stryker n’avait pas la confiance du jeune roi.

« Serrez les dents, capitaine », dit Stryker, remarquant enfin le commentaire de Tews. « Ce sera bientôt terminé, et nous pourrons rentrer chez nous ».

« Oui, monsieur ». Tews fixait les troupes khadoréennes à sa gauche, et si Stryker connaissait l’esprit de son ami comme il le pensait, Tews essayait probablement de calculer le nombre de khadoréens qu’il pourrait tuer si les choses tournaient mal.

Il y avait peu de chance que la violence éclate, cependant. Ils étaient ici à l’invitation de l’Impératrice Ayn Vanar en personne pour signer un traité qui mettrait fin aux combats entre leurs deux nations. Après une coûteuse guerre civile et avec un nouveau roi sur le trône, le Cygnar avait besoin de temps pour guérir, et la fin de la guerre de dix ans avec le Khador leur offrirait ce temps.

Sur les grandes marches de la cathédrale attendait leur hôte, l’Impératrice Ayn Vanar, une femme majestueuse aux cheveux de jais, à la peau ivoire et aux yeux sombres. Elle paraissait petite, voire fragile, mais elle avait de l’acier dans le sang, et elle dirigeait le Khador d’une main de fer depuis plus d’une décennie. À ses côtés se trouvait un homme que Stryker reconnut immédiatement. D’une beauté sombre et vêtu d’une armure cramoisie baroque, le Grand Prince Vladimir Tzepesci était un noble puissant régnant sur une vaste étendue du Khador et dont la lignée pouvait remonter jusqu’à l’antiquité ; comme Stryker, c’était un warcaster. C’était aussi un impitoyable et brillant chef militaire. Stryker avait croisé le fer avec Vlad à plusieurs reprises, et le khadoréen était à la fois habile et sournois. Sa présence ici en contribuait guère à apaiser les doutes de Stryker.

« Impératrice Ayn Vanar », prononça Julius lorsque le petit cortège de cygnaréens s’arrêta au pieds des escaliers. Il inclina la tête mais ne s’inclina pas ; après tout, il parlait à un égal. « Merci d’avoir accepté de nous rencontrer ici à la Cathédrale. C’est un magnifique bâtiment, en quelque sorte épargnée par tous les… conflits que cette ville a connus ces derniers temps ».

L’impératrice sourit, mais son sourire n’atteignit pas ses yeux. « Bien sûr, Roi Julius. Il est normal que nous nous rencontrions dans un endroit où vous seriez plus à l’aise, puisque vous avez gracieusement fait le long voyage jusqu’à notre ville ».

« Leur ville, » murmura Tews.

Stryker lança un regard de reproche au capitaine, mais il eut la même réaction à la déclaration de l’impératrice. Les khadoréens s’étaient emparés de Merywyn lorsqu’ils avaient envahis le Llael, et ils occupaient désormais une grande partie de cette nation. Le Cygnar était allié au Llael et avait aidé la Résistance Llaelaise à combattre les envahisseurs. Tout cela était désormais terminé, du moins en ce qui concerne la participation du Cygnar, même s’il était peu probable que la Résistance reconnaisse le traité que son roi s’apprêtait à signer.

« Votre Majesté, je vous présente le Grand Prince Vladimir Tzepsci », dit l’Impératrice Vanar en posant légèrement sa main sur l’épaule armurée de Vlad.

Julius inclina la tête en direction du warcaster. « Prince Tzepesci, j’ai beaucoup entendu parler de vous », dit-il. « Vous êtes un puissant ennemi pour le Cygnar, et je me réjouis de vous compter parmi nos alliés ».

« Vous m’honorez, Votre Majesté », répondit Vlad en s’inclinant. « Je suis moi aussi impatient de vous compter parmi mes amis et alliés ». Son accent était plus perceptible que celui de la reine, les consonnes plus aiguës, certains mots plus prononcés.

Stryker avait assisté à de nombreuses négociations officielles, et il connaissait assez bien le ballet des plaisanteries feintes, mais celui lui déplaisait toujours entendre le roi s’exprimer si gentiment à un homme ayant probablement massacré des centaines, voire des milliers de soldats cygnaréens.

« Je remarque que le Général Stryker vous accompagne, Votre Majesté », dit Vlad en regardant par-dessus l’épaule de Julius.

Julius jeta un coup d’œil à Stryker et à sa garde d’honneur composée de Lames-Tempête. « Bien sûr, le seigneur général est un membre apprécié de mon conseil ».

« Je n’en doute pas », répondit Vlad. « Il est bon de vous revoir, Seigneur Général, dans des circonstances… plus agréables ».

« Stryker hocha la tête. « Et vous, Prince Tzepzsci. Notre dernière rencontre fut bien moins… agréable que celui-ci ».

La tension était palpable. Des hommes qui, autrefois, s’étaient qualifiés d’ennemis acharnés ne pouvaient pas mettre leurs différends de côté aussi facilement, et ils recouraient aux armes à leur disposition : dans ce cas, des paroles acerbes et des plaisanteries forcées.

« J’ai cru comprendre que vous aviez rencontré des problèmes sur la route », dit Vlad.

« Nous avons été attaqué, oui. Une tentative d’assassinat contre notre roi par le Protectorat de Menoth ». Stryker fut surpris que Vlad soit déjà au courant de l’attaque.

« Ils craignent la force que nous tirerons tous deux de notre alliance », répondit la reine. La colère traversa son visage. « Mais attaquer un souverain de cette manière est impensable et indigne des zélotes du Protectorat ». Sryker fut impressionné par les talents d’actrice de l’impératrice. Sa sincérité en aurait trompé plus d’un, mais pas Stryker. Il se demandait à quel point elle serait en colère si Amon Ad-Raza avait réussi. Elle-même avait récemment tenté de tuer Leto. Bien sûr, tout cela avait été pardonné au nom de l’opportunisme politique.

« J’étais bien protégé, Votre Majesté », dit Julius. Le roi avait avait peu parlé de l’attaque et ne semblait guère troublé par celle-ci. « Les assassins n’étaient pas à la hauteur de Seigneur Général Stryker et de ses Chevaliers-Tempête ».

« Bien sûr », dit Vlad. « Les prouesses au combat du seigneur général sont bien connues ». La tension revint , et avant que Stryker ne puisse répondre à Vlad, le Haut Chancelier Leto l’interrompit net.

« Votre Majesté », prononça l’ancien roi, « nous avons beaucoup à faire. Peut-être devrions-nous débuter ».

Julius regarda son oncle et sourit. Quelque chose traversa son visage, une infime crispation des lèvres, un plissement à peine perceptible des sourcils. De l’irritation ? Se demanda Stryker. Puis cela passa et le jeune roi dit : « Bien sûr, mon oncle. C’est une occasion capitale et j’ai hâte de commencer ».

« S’il vous plaît, suivez-moi, Votre Majesté », déclara l’Impératrice Vanar. Les grandes portes de la cathédrale s’ouvrirent derrière elle, révélant un vestibule aux murs de pierre blanche, chaque mur portant le symbole de Morrow gravé en or dans la pierre. Au-delà se trouvait la chapelle proprement dite.

L’impératrice et Vlad pénétrèrent dans la cathédrale, suivis de Julius et Leto.

« Garde d’honneur, entrez », dit Stryker en faisant signe à la douzaine de Lames-Tempête qui constituait la garde d’honneur du roi de le suivre. L’intérieur de la cathédrale était à couper le souffle, sa majesté étant un hommage approprié à Morrow et à l’ascendant à qui elle était dédiée, l’un des onze mortels élevé par Morrow pour le servir personnellement.

La propre garde d’honneur de l’impératrice attendait dans la nef, une douzaine de Crocs d’Acier en armure rouge ciselée d’or se tenant devant le grand autel. Un piédestal en marbre avait été placé au centre de la nef et une seule feuille de parchemin était posée dessus. C’était le traité que Julius et l’impératrice signerait.

La nef était remplie de gens, pour la plupart des nobles issus des deux nations, et Stryker reconnut des hommes et des femmes de l’Assemblée Royale Cygnaréenne ainsi que des personnalités plus éminentes, telles que le Duc Kielon Ebonhart, l’un des premiers à soutenir Julius Raelthorne lorsqu’il monta sur le trône. Le calme régnait dans la cathédrale, ce silence fécond précédant souvent de grands événements.

Bien sûr, tous les détails du traité avaient été réglés depuis des semaines par les conseils internes des deux dirigeants. La signature était simplement un spectacle pour les masses, une façon pour Julius de souligner le début de son règne et de trouver la faveur de ses sujets pour mettre fin à la guerre. Stryker n’avait pas grand-chose à voir avec les termes du traité ; le nouveau roi faisait rarement appel à lui, et le présence de Stryker au conseil intérieur n’était que symbolique. L’idée de ce revirement monumental, l’un des nombreux qu’il avait subis au cours des trois dernières années, le plongeait dans le doute. Il avait été le seigneur général du Roi Leto et faisait partie intégrante de l’effort de guerre cygnaréen. L’ancien roi lui avait souvent demandé son avis et ses conseils, mais il semblait désormais qu’il n’était plus guère qu’une figure de proue.

Il avait été informé des termes du traité. La paix entre les deux nations reposait en grande partie sur le reconnaissance par le Cygnar des revendications du Khador sur les parties de Llael dont il s’était emparé, puis par le rétablissement de lignes commerciales lucratives pour soulager l’économie tendue du Khador et sur la promesse de futurs échanges commerciaux, font un passage sans encombre vers la terre exotique de Zu. Julius avait plaidé et réussi à insérer une clause restrictive dans le contrat qui stipulait que si un véritable héritier du trône de Llael se présentait, la prétention du Khador serait annulée et ils retiraient leurs troupes. Bien entendu, il y avait peu de danger à cela. Aucun des descendants du dernier monarque de Llael, le Roi Rynnard, n’avait été vu depuis plus d’une décennie, et tous étaient présumés morts. L’addendum de Julius au traité visait simplement à montrer au peuple llaelais – les alliées de Cygnar - qu’il n’avait pas été complètement abandonné. Stryker avait du mal à comprendre comment les habitants de Llael ne pouvaient pas se sentir trahis par le nouveau monarque de Cygnar.

Les autres dispositions du traité prévoyaient le retrait des troupes  du Khador des terres cygnaréennes saisies au combat, telles que le forêt du Bois d’Épines, et le rétablissement de précieuses routes commerciales sur le Fleuve Noir, une voie navigable majeure traversant le Cygnar et pénétrait dans le Llael occupé par le Khador.

Tout cela semblait trop facile à Stryker. Bien sûr, ils souhaitaient tous la fin de la guerre. Le Khador et le Cygnar s’affrontaient depuis des années, et certaines des batailles les plus sanglantes s’étaient déroulées dans la nation voisine, le Llael, depuis l’invasion du Khador. Stryker avait personnellement dirigé des milliers d’hommes et fait couler plus de sang, qu’il pouvait s’en souvenir en Llael, pour repousser les khadoréens. Il avait également été témoin de la brutale soumissions des llaelais. Alors, les laisser simplement garder leur butin de guerre l’horripilait. Le retour d’une forêt  actuellement remplie d’horreurs cryxiennes et de quelques accords commerciaux lucratifs ne semblait pas être un échange équitable.

Il avait fait part de ses inquiétudes au roi, mais avait été critiqué par d’autres membres du conseil intérieur, dont beaucoup possédaient des terres ancestrales dans les régions du Bois d’Épines saisies par le Khador. Que cela ait joué un rôle dans leurs décisions n’avait pas d’importance ; ils avaient bien plus d’influence sur Julius Raelthorne que Stryker.

Il chassa ces pensées de son esprit alors qu’ils s’approchaient du piédestal. Il leva la main, et les Chevaliers-Tempête derrière lui se déployèrent, s’alignant sur les positions de leurs homologues Crocs d’Acier.

L’impératrice attendait à la table, Vlad un pas derrière elle. Julius s’approcha, et Leto se mit en retrait, correspondant à la position de Vlad. Il y avait un cérémonial dans ces procédures, une partie de spectacle, et tout cela paraissait incroyablement creux à Stryker.

Les dirigeants des deux nations les plus puissantes des Royaumes d’Acier se regardèrent. Le sort de millions de personnes reposait sur le traits de leur plume.

Deux encriers d’argents se trouvaient à côté du traité, ainsi que deux plumes blanches. Julius prit sa plume le premier et attendit que l’impératrice fasse de même.

L’impératrice prit sa plume et les deux souverains les trempèrent dans les encriers.

« À la paix, à l’amitié et à une alliance durable », prononça Julius en griffonnant son nom au bas du traité. Stryker n’ignorait pas que l’impératrice avait attendu que le jeune roi signe en premier.

« Que Cygnar et Khador soient frères à partir de ce jour », dit l’impératrice en apposant son nom en-dessous de celui de Julius.

La cathédrale éclata sous une salve d’applaudissements et quelques acclamations éparses. Stryker n’ajouta pas sa voix au vacarme montant ; il ne pouvait s’empêcher de se demander si les désastres étaient plus souvent annoncé par des applaudissements volontaire que par les cris de douleurs des opprimés.

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« le: 14 juillet 2024 à 14:14:10 »
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Nord de Corvis


LE SEIGNEUR GÉNÉRAL COLEMAN STRYKER marchait en tête d’un long cortège de Chevaliers-Tempête. Son visage buriné était plissé d’inquiétude, le faisant paraître plus âgé que ses trente-cinq ans. Il passa une main dans sa mèche de cheveux rouge et regarda derrière lui. Il dirigeait une force plus réduite qu’il ne l’aurait souhaité, mais il ne seraient exposés que pour un court moment.

Ils étaient en route pour Merywyn, la capitale du Llael déchirée par la guerre, où les plus féroces ennemis du Cygnar les attendaient, mais il n’y allaient pas pour poursuivre leur conflit qui durait depuis des décennies, mais pour inaugurer une nouvelle ère de paix. Il avait combattu les khadoréens pendant des années et, d’après son expérience, la paix n’était pas un concept que la nation septentrionale de Khador considérait avec beaucoup d’enthousiasme.

 Il avait quitté Corvis il y a un jour et avaient suivi le Fleuve Noir vers le nord à bord d’une petite flotte de navires remplis de soldats et de dignitaires cygnaréens, mais ils avaient maintenant une partie du fleuve connu pour être en proie aux attaques des hommes-gator venant du Marais Bloodsmeath voisin. Les sauvages humanoïdes reptiliens avaient la mauvaise habitude de couler les navires passant sur leur territoire. Ainsi, il avait été décidé que pendant que le reste du convoi cygnaréen poursuivait sa route par bateau, Stryker et une petite force de Chevaliers-Tempête escorteraient le roi par voie terrestre. Il leur suffirait de marcher seize kilomètres sur la Grande route Commerciale du Nord pour atteindre le point où la flotte cygnaréenne es récupérerait, mais cela signifiait de passer près du Bois Scintillant, une forêt située à proximité des énigmatiques iosiens, des elfes xénophobes qui voyaient d’un très mauvais œil tout humain pénétrer sur leur territoire.

« Je n’aime pas ça. Nous sommes trop exposés, et trop peu nombreux », dit Stryker au Chevalier-Tempête musclé qui marchait à ses côtés. Le Capitaine Garvin Tews avait retiré son casque, dévoilant ses traits et sa mâchoire carrée. Il approchait la cinquantaine, mais était toujours en excellente condition de combat, et le poids de sa lourde armure de Lame-Tempête et du grand glaive-tempête voltaïque qu’il portait ne semblait pas le déranger du tout.

« Vous savez que notre roi pense qu’une plus petite force sera moins visible », déclara Tews.

« Et qu’en penses-tu, capitaine ? » demanda Stryker avec un sourire las.

« Je vous demande pardon, monsieur, mais je pense que le Roi Julius devrait laisser les questions de stratégie, en particulier lorsqu’elles concernent sa propre sécurité, à ceux qui ont plus… d’expérience » dit Tews en se mordillant la lèvre.

Le sourire de Stryker s’élargit. Tews était militaire depuis près de trente ans. C’était un chevaliers, comme tous les membres des Lames-Tempête, mais il était aussi un soldat, un fantassin dans l’âme.

« Les éclaireurs sont en retard », déclara Stryker. Il avait envoyé une escouade de rangers pour voir si la route présentait de potentiels dangers.

« Pas de beaucoup », répondit Tews en haussant les épaules. « Qu’est-ce qui vous inquiète, Seigneur Général ? »

« Probablement rien, mais nous approchons du Bois Scintillant, et il est proche de la route. Nous serions coincés entre elle et le fleuve à l’ouest ».

« Avez-vous peur d’une embuscade ? » demanda Tews.

« C’est que je la tendrais », déclara Stryker.

Tews se frotta le menton. « Maintenant, vous m’inquiétiez », dit-il. « Mais par qui, Iosiens ? »
« Il a pire que les elfes au sein de cette forêt », déclara Stryker. Il avait pris sa décision. Il leva un poing armuré. « Compagnie, halte », dit-il et le cliquetis des armures et des armes résonnant derrière lui lui apprit qu’une centaine de chevaliers avaient immédiatement suivi son ordre. Il regarda les rangs des chevaliers jusqu’à ce que deux imposants Cuirassés se dressent au-dessus des humains. L’un deux était son warjack personnel, Vî Arsouye. L’autre Cuirassé était contrôlé par un autre warcaster, le Capitaine Kara Sloan, qui, avec huit membres de la garde royale, protégeait le roi. Julius montait à cheval à proximité, dominant ses chevaliers. Stryker tendit son esprit vers Arsouye, et le cerveau mékanique du warjack devint un bourdonnement sourd à l’arrière de son crâne. Arsouye était irrité, anxieux. Il voulait se battre, mais il n’y avait rien à faire. Stryker maîtrisa les émotions du ‘jack et le calma.

« Lieutenant Archer », dit Stryker à un Chevalier-Tempête se trouvant à proximité. « Informez le roi que je pense qu’il est préférable que lui et le Capitaine Sloan retent là où ils sont pendant que la moitié de notre force part en éclaireur. Dites-lui que cela nous retardera d’environ trois heures ».

« Oui, monsieur », répondit le Lieutenant Archer en se précipitant vers le centre de leur courte colonne.

« À quoi penses-tu, Coleman ? » demanda Tews en s’approchant. Stryker connaissait le capitaine Lame-Tempête depuis quinze ans ; ils avaient combattu et saigné ensemble sur d’innombrables champs de bataille. Le fait qu’il utilise le prénom de Stryker ne dérangeait pas le seigneur général le moins du monde. Ils étaient plus que des frères d’armes, ils étaient des amis.

« Je n’arrive pas à mettre le doigt dessus », répondit Stryker, « mais il y a quelque chose qui cloche ».

« Tu penses pas que les khadoréens nous attaqueraient à la veille de notre traité de paix, n’est-ce pas ? »

Stryker secoua la tête. « Non, ce serait stupide, et il y a une chose que l’Impératrice Vanar n’est pas, c’est être stupide ».

« Et bien, tes intentions signifient généralement que la violence se profile à l’horizon ». Tews posa son casque sur sa tête et leva son lourd glaive-tempête, une épée à deux mains à large lame alimentée en énergie galvanique. Dans les mains d’un homme comme Tews, une telle arme pouvait facilement trancher un homme en armure en deux. « Cela fait longtemps que nous n’avons pas eu une bonne bagarre. Et le roi n’est pas mauvais avec une lame. J’espère néanmoins qu’il ne fera rien d’irréfléchi s’il s’agit de sang ».

Stryker grimaça. « Désolé, capitaine, mais le roi ne me confie pas son humeur, ses désirs et ses projets en général. Je n’ai pas sa confiance comme j’avais celle de Leto »

Deux ans s’était écoulés depuis la coûteuse guerre civile qui avait vu Julius, le fils de l’infâme tyran Vinter Raelthorne IV, monter sur le trône de Cygnar. L’oncle de Julius, Leto, avait abdiqué pour éviter une nouvelle effusion de sang, et une nouvelle ère avait commencé en Cygnar, une ère fans laquelle Stryker était de plus en plus éloigné de son nouveau roi.

Le Lieutenant Archer revint peu de temps après. « Monsieur », dit-elle, le visage plissé d’inquiétude.

« Crache le morceau », dit Tews. « Le seigneur général n’est pas du genre à tirer sur le messager ».

« Le roi va continuer à avancer derrière vous, mais gardera une bonne distance », déclara-t-elle. « Il pense qu’un retard de trois heures ne serait pas politiquement prudent ».

« Difficile de protéger un homme qui ne vous écoute pas », déclara Stryker, « mais il est le roi. Archer, peux-tu commander un warjack ? »

Elle acquiesça. « J’ai reçu une formation de base ».

« Bien. Amène les deux Sentinelle sous le commandement du Capitaine Sloan », déclara-t-il, désignant un type de warjack léger armée d’un solide bouclier et d’une mitrailleuse à grande vitesse. « Je les veux près du roi. Arsouye va m’accompagner ».

« Oui, monsieur », répondit-elle et elle se dépêcha d’exécuter ses ordres.

Il tendit son esprit vers Arsouye et exhorta le gros warjack à le rejoindre en tête de colonne. Le cuirassé l’atteignit rapidement, laissant échapper un souffle de vapeur strident en guise de salutation. Arsouye tenait son gigantesque marteau sismique dans un poing métallique et ouvrait et fermait l’autre. Le warjack sentit l’anxiété de Stryker à travers leur connexion.

« Très bien », prononça Stryker en se tournant vers la cinquantaine de Chevaliers-Tempête formant la tête de la colonne. « Je veux que les glaives-tempête soient activés, et je veux des yeux sur la lisière des arbres. Compris ? » Un choeur de « oui, monsieur » répondit. Il sortit sa propre arme, la grande épée mékanique Vif-Argent, des fermoirs magnétiques situés à l’arrière de son armure et la balança sur une épaule. « Alors, on bouge ».
* * *
LE BOIS SCINTILLANT ÉTAIT UN ÉPAIS enchevêtrement de chênes et d’ormes noueux, s’étendant loin à l’est. C’était un endroit sauvage entre les nations de Llael et Cygnar et les étendues arides des Marches Sanglantes à l’est. Des tribus de trollkin vivaient encore dans ces bois et cette fière race guerrière avait eu une histoire apre avec le Cygnar ,mais Stryker ne s’attendait pas à une attaque de leur part. On racontait que d’autres créatures plus sauvages vivant au sein du Bois Scintillant, mais les forces de Stryker étaient trop nombreuses pour constituer une cible tentante pour une bande de tharn. Qu’est-ce qui le rendait si inquiet ? Alors qu’il s’approchait de la lisière de la forêt, il ne pouvait se défaire de l’impression que quelque chose lui échappait.

Le roi et la moitié des Chevaliers-Tempête avaient allongé la distance entre eux et la partie de la colonne de Stryker, même s’ils étaient encore trop proches au goût de stryker. S’il y avait une attaque, il voulait prendre le plus gros avant l’arrivée du reste de ses hommes. Il jeta un coup d’oeil derrière lui. Le roi se tenait au milieu d’une groupe serré de Chevaliers-Tempête. Julius portait une armure similaire, et sa couleur bleue le rendait difficile à repérer parmi ses chevaliers par un ennemi. La poignée de l’épée du père de Julius, Régicide, dépassait de l’épaule du jeune homme – il était un épéiste doué, bien que loin d’être aussi impitoyable et sauvage que son père, qui fut singulièrement terrifiant avec une lame.

La route qu’ils suivaient, en terre battue offrant une assise stable aux soldats et aux warjacks, longeait le Fleuve Noir. Elle se rétrécissait considérablement face l’envahissant présence du Bois Scintillant, comme si l’antique forêt essayait de dévorer la route.

Bientôt, ils seraient contraints de former une colonne étroite, à moins de dix mètres entre le fleuve et la lisière de la forêt. Tous les yeux étaient rivés sur la pénombre parmi les arbres, à la recherche d’un mouvement. Stryker laissa ses sens dériver vers Vî Arsouye, se donnant ainsi un meilleur point de vue à trois mètres du sol.

Il n’y avait rien… puis un éclair blanc, et les muscles de Stryker se tendirent rapidement. Le suite ne fut pas une surprise, et il invoqua rapidement sa magie pour créer un champ d’énergie protecteur autour de lui et des Chevaliers-Tempête les plus proches. La vue des runes qui se formaient autour de son corps suffit amplement à alerter ses homme de l’imminence de la bataille, mais il cria malgré tout l’ordre « Chevaliers-Tempête, formez les rangs ! »

Il y avait cinquante Chevaliers-Tempête à l’avant de la colonne et cinquante autre plus loin, protégeant le roi. Les hommes autour de lui formèrent rapidement une ligne, leurs glaives-tempête pointés vers les arbres, une haie mortelle d’énergie voltaïque. Stryker était au centre avec Arsouye à côté de lui, le gros warjack frappant son marteau dans son poing ouvert, presque tremblant d’excitation à l’idée de ce qui allait se passer.

« Stable ! » cria Tews, près de Stryker.

Soudainement la forêt s’anima d’ombres blanches et du claquement révélateur de cordes d’arbalètes frappant leur aiguillons, puis une grêle de carreaux jaillit des arbres.

Stryker s’était attendu à ce que les Chevaliers-Tempête les plus proches de lui soient protégés par son sort, mais les éclairs ne furent ni ralentis ni déviés par la magie.

Du coin de l’oeil, il vit un de ses Chevaliers-Tempête chuter. Un carreau d’arbalète avait fait mouche. Celui qui les attaquait était assez habile pour trouver les ponts faibles de l’armure d’une Lame-Tempête.

« Feu ! » cria Stryker. Ses Chevaliers-Tempête actionnèrent le bouton de tir sur les poignées de leurs glaives-tempête, et des éclairs électriques s’élancèrent vers les arbres. Ils tiraient à l’aveugle, mais Stryker entendit des cris de douleur dans la forêt.

La zone boisée, ensuite, dégorgea de dizaine de guerriers en armure blanche brandissant de larges épées tranchantes et des boucliers portant l’icône en forme de boucle et de croix du Menofix, le symbole sacré du dieu Menoth. C’étaient des chevaliers du Protectorat, la nation théocratique à l’est de Cygnar, qui s’était récemment étendue au nord de Llael. Stryker n’eut pas le temps de réfléchir à leur présence ici qu’ils percutaient sa ligne de Chevaliers-Tempête dans un fracas d’acier contre acier.

La rage est le dégoût bouillonnaient en lui. Il avait combattu ces fanatiques à de nombreuses reprises, et leur adhésion aveugle et violente à leur religion avait coûté de nombreuses vies.

Avec Vif-Argent, un rencontra un chevalier chargeant, repoussant le coupé d’épée du guerrier du Protectorat avec sa bien plus lourde arme, puis ripostant et abattant Vif-Argent en un puissant arc tranchant. La lourde lame déchira le plastron du chevalier ennemi, le fendant jusqu’au sternum. Le chevalier fut mort debout, et Stryker repoussa le corps.

Il tendit son esprit vers Arsouye et envoya le warjack charger au milieu de l’ennemi, balançant son marteau sismique en décrivant de large arcs. Il n’était pas possible de parer un tel coup, et les chevaliers du Protectorat furent écrasés, leurs armures pulvérisée, leurs corps brisés.
Stryker jeta un coup d’oeil à sa gauche et à sa droite ; ses Chevaliers-Tempête ne s’en sortaient pas bien. Les guerriers du Protectorat était habiles et leurs lames légères et rapides trouvaient les lacunes de l’armure Lame-Tempête.
Tews criait et frappait avec son glaive-tempête. Il abattit un chevalier du Protectorat puis en tua un autre en la chargeant avec avec une décharge d’électricité.
Arsouye subissait des dégâts, mais pour l’instant ils étaient légers, et les cadavres en armures s’accumulaient autour des pieds du grand warjack.
Stryker s’apprêtait à rejoindre la position de Tews lorsque deux minces panaches de fumée apparurent au-dessus de la ligne des arbres. Cela signifiait qu’une chose : des warjacks. Les ‘jacks du Protectorat surgirent de la forêt à une trentaine de verges de la position de Stryker. Ils étaient plus petits qu’Arsouye, leur blindage était peinte en blanc et rouge, et les Menofixes étaient bien visibles sur leur coque. Les deux warjacks brandissaient de longues lames tranchantes dans chaque poing et se déplaçaient rapidement et gracieusement. Pire encore, ils n’étaient pas seuls.
L’homme qui émergeait de la forêt, derrière les warjacks, portait peu d’armure, et son massif torse était nu, exposant des muscles et du tissus cicatriciels. Son visage était couvert par un masque doré et il brandissait un lourd fléau dans une main, la majeure partie de son chaîne étant enroulée autour de son bras. Stryker le connaissait : il s’appelait Amon Ad-Raza, un warcaster tout comme lui et l’un des combattants les plus meurtriers du Protectorat.
La raison de l’attaque était on ne peut plus claire. La paix entre le Cygnar et le Khador signifiait que l’une ou l’autre des nations, ou les deux, pourraient tourner leur attention vers un ennemi commun : le Protectorat de Menoth. Cela menacerait les possessions du Protectorat en Llael. Le Cygnar avait envisagé que le Protectorat réponde au traité d’une manière ou d’une autre, mais une attaque sur la route, si près de la frontière de Cygnar et contre le roi en personne, avait été la moins probable.
Stryker avait écouté son instinct, l’ayant conduit en toute sécurité à travers plus de dangers qu’il ne pouvait s’en souvenir. Julius n’était pas dans la partie avant de la colonne là ou Amon Ad-Raza avait probablement considéré qu’il se trouverait. Le warcaster avait levé la main trop tôt ce qui avait donné une chance à Stryker.

Il regarda en direction de l’endroit où était positionné le roi, à environ cinquante verges de la position de Stryker ; la garde du roi avaient formé une cercle protecteur autour de lui, un mur mortel formé de glaives-tempête. Une vague de panique traversa Stryker lorsque Julius s’éloigna de la Protection de ses gardes pour engager deux chevaliers du Protectorat ayant réussi à atteindre sa position. Pourtant, Stryker n’avait pas à s’inquiéter. La lame du roi était un être vivant, un serpent d’acier et de sang, et il maniait Régicide avec une telle vitesse qu’elle ne semblait rien peser. Julius bloqua un coup d’épée du premier chevalier, puis faucha l’ennemi d’une riposte si rapide que Stryker ne la vit pas. Le Chevalier du Protectorat était debout, l’instant d’après, il gisait en deux morceaux aux pieds du roi. Julius tua le chevalier restant d’un coup sec, faisant passer Régicide à travers le plastron de l’homme, son corps, puis son dos armuré. Julius dégagea sa lame et retourna calmement sous la protection de ses chevaliers.

Stryker concentra à nouveau son attention sur son environnement immédiat, abattit un autre chevalier ennemi chargeant sur lui et appela Arsouye à sa position. Il aurait besoin du gros Cuirassé pour s’occuper des warjacks ennemis. Il ressentit l’empressement d’Arsouye, puis les pas tonitruants du warjacks fonçant vers Stryker.

Amon Ad-Raza avait engagé les Chevaliers-Tempête les plus proches, et ses warjacks les transperçaient dans un déluge d’acier et de sang. Stryker fonça, sans se soucier des ennemis, les abattant lorsqu’ils se trouvaient sur son chemin ou laissait Arsouye les écraser.

Amon regarda dans sa direction alors que Stryker s’approchait, et des runes jaune vif se formèrent autour du poing lourd du guerrier du Protectorat. Une torride chaleur entoura Stryker lorsque le sort prit effet, et son champ d’énergie s’enflamma alors qu’il tentait de compenser. Son armure de warcaster finit par encaisser le plus gros, et l’acier chauffé  brûla la peau de ses bras et de ses jambes. Il serra les dents contre la douleur et courut, invoquant un sort de son cru. Un éclair jaillit de sa main tendue, un éventail d’énergie bleu-blanc se dirigea vers son ennemi. Amon n’était pas encombré par une armure, et son entraînement au sein de l’Ordre monastique du Poing l’avait rendu incroyablement agile. Il esquiva la foudre en bondissant, évitant les éclairs avec une facilité qui sembla enfantine.

Les Chevaliers-Tempête derrière Stryker combattaient toujours les chevaliers du Protectorat, et ceux qui les précédaient essayaient toujours de repousser les warjacks d’Amon Ad-Raza. Stryker ordonna à Arsouye de s’attaquer aux warjacks ennemis pendant qu’il poursuivait Amon. La sensation excitante du premier coup porté par le Cuirassé à l’aide de son marteau sismique fut transmise par leur lien, suivie de la satisfaction d’Arsouye lorsque la coque du premier warjacks s’écrasa.

Stryker jeta un coup d’oeil vers le reste des forces cygnaréennes et le roi. Des silhouettes en armure bleue se déplaçaient maintenant dans sa direction. Le roi était parmi eux ; il se jetterait sans doute dans la bataille aux côtés de ses hommes. Stryker ne pouvait pas permettre cela, ne pouvait pas permettre à Amon Ad-Raza de se rapprocher à ce point de Julius.

Stryker se trouvait à six mètres de son ennemi quand Amon lança son fléau en avant, la lourde balle à l’extrémité arrivant sur Stryker comme un grand météore doré. Il se tourna sur le côté et l’arme le manqua de peu. Amon ramena son bras en arrière. L’arme revint vers lui.

Stryker était maintenant assez proche pour frapper avec Vif-Argent. Il était rapide et habile, et il avait canalisé sa volonté dans le coup, mais Amon s’enfuit en dansant. Vif-Argent frappa dans le vide.

À nouveau, le fléau d’Amon se dirigea vers lui. Cette fois, Stryker tenta de le dévier avec son arme. Il y parvint – partiellement. Il écrasa la tête du fléau, mais celui-ci le frappa quand même d’un coup sec et le projeta en arrière, son plastron enfoncé au-dessus de son abdomen.

Amon observa l’endroit où le reste des forces cygnaréennes avançait sur la route. Il réalisa clairement que sa cible n’était pas là où il l’avait initialement pensé. Stryker tenta de se rapprocher à nouveau, et Amon envoya son fléau en arc de cercle dans sa direction. Cette fois, Stryker tint bon et plaça Vif-Argent devant lui. Il fit un pas de côté alors que la tête du fléau se dirigeait vers lui et il frappa la chaîne le reliant à Amon. L’acier consacré était trop solide que pour être coupé, mais le coup changea la direction de la tête du fléau qui s’enroula autour de Vif-Argent. La force du coup faillit arracher l’arme des mains de Stryker. Mais le fléau d’Amon était coincé, et le warcaster du Protectorat allait l’arracher d’une seconde à l’autre. Stryker pressa la gâchette situé à la base de la poignée de Vif-Argent, déclenchant l’explosion voltaïque. Des éclairs s’élevèrent dans les cieux et le long de la chaîne du fléau, dont le manche métallique était tenu dans la main droite d’Amon.

Le corps d’Amon se figea sous l’effet de l’énergie galvanique le traversant. L’effet ne serait pas suffisant pour tuer le warcaster ou même lui causer des dommages durables, mais cela offrit à Stryker l’ouverture dont il avait besoin. Il se dégagea du fléau d’Amon et fonça en direction de son ennemi en lui assénant un large coup de taille. Amon avait suffisamment récupéré, mais ses réactions étaient ralenties. Il essaya de s’éloigner de la lame de Stryker une fraction de seconde trop tard. La pointe de Vif-Argent mordit le flanc d’Amon. Bien qu’Amon ne portait aucune armure, le coup de Stryker rencontra comme s’il en portait une. Les étranges méthodes de l’Ordre du Poing protégeaient leurs corps des blessures. Pourtant, la lame était entrée en contact, trancha la chair et les côtes se brisèrent sous l’impact.

Amon s’éloigna en trébuchant, tirant son fléau derrière lui. Du sang coulait de son flanc, mais Stryker ne pouvait dire l’étendue de la blessure. Il prit un moment pour surveiller Arsouye. À travers les yeux du warjack, il que vit que les deux warjacks du Protectorat étaient à terre, détruits par Arsouye et les attaques concentrées des Chevaliers-Tempête restants.

Stryker se retourna vers Amon, prêt à lancer une nouvelle attaque, mais le warcaster du Protectorat inclina la tête dans sa direction.

« Ne pensez pas que c’est fini, Seigneur Général », dit-il, sa voix grave mais toujours lointaine derrière son masque. « Vous ne pouvez endiguer le flot de ceux qui suivent la Vraie Loi, quelles que soient les alliances que vous concluez ».

Avant que Stryker ne puisse répondre, Amon se retourna et courut vers le Bois Scintillant, une main serrée sur son flanc blessé. En quelques secondes, il disparut dans les ténèbre de la forêt. Amon avait confirmé la raison de l’attaque, comme Stryker l’avait soupçonné. Pourtant, il ne pouvait rien faire de plus avec ces informations, et ce qui restait des chevaliers du Protectorat reculait. Il entendit Tews ordonner de les laisser partir.

Stryker inspira profondément et laissa son corps se détendre, laissant l’adrénaline refluer. Tews le rejoignit.

« C’est grave ? » demanda Stryker au capitaine des Lames-Tempête.

Tews secoua la tête. « Difficile à dire pour l’instant. Au moins cinq morts, dix autres blessés. Je suppose que les éclaireurs que nous avons envoyés en avant son morts aussi ».

« Bon sang », prononça Stryker dans un souffle. C’était le prix du commandement. Même la victoire avait un coût.

Le reste des forces cygnaréennes les avait rejoints, avec à leur tête le Capitaine Kara Sloan. La warcaster était grande et fine, avec des cheveux blonds courts et des taches de rousseur sur le nez. Elle tenait à deux mains un fusil à canon long mékanique. Stryker avait souvent combattu aux côtés de Kara, et il savait qu’on pouvait compter sur elle pour faire des ravages avec son arme.

« Seigneur Général », dit Kara, « Le roi est en sécurité. Je lui ai conseillé de rester en arrière ».

« Merci, Capitaine Sloan », répondit-il. « Je pense que nous en avons fini ici. Amenez davantage d’hommes pour s’occuper des morts et des blessés.

« C’était Amon Ad-Raza ? » demanda-t-elle, les yeux écarquillés.

Stryker acquiesça. « Je suis aussi surpris que vous ».

« Par Morrow, que faisait-il ici ? »

Stryker lui offrit un sourire fatigué. « Échouer à tuer notre roi ».

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« le: 14 juillet 2024 à 14:04:03 »
PARTIE I

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Cinq-Doigts, Ord, 1er Trineus, 611 AR


LE LIEUTENANT LONAN DUFF DESCENDAIT la passerelle de la frégate ordique HMS Colère de la Jouvencelle tout en respirant le désagréable parfum de Cinq-Doigts. Même si l’arôme mélangé de la fumée de charbon, des marmites et de la sueur rance des humain, n’était pas agréable, c’est ce que l’odeur représentait qui le dérangeait le plus. C’était l’odeur du rivage, là où il était le plus vulnérable.

Il était le dernier à quitter le navire ; le reste de l’équipage était parti depuis longtemps pour quelques jours de permission et les réjouissance que cela impliquait. Bientôt, ils se dirigeraient vers Zu, la mystérieuse terre située loin au sud, servant d’escorte à deux frégates de la Maison Mateu transportant des fournitures et des hommes jusqu’à leur avant-poste sur cette terre exotique.

Il faudrait deux jours pour acquérir toutes les fournitures nécessaires, et le Capitaine Vanus de la Colère de la Jouvencelle avait ordonné à son équipage de se reposer et de s’amuser. Ils resteraient en mer pendant trois mois après avoir quitté Cinq-Doigts et n’auraient pas beaucoup d’occasions de  suite.

Lonan avait fait pression sur le capitaine pour qu’il soit autorisé à rester à bord, mais Vanus n’avait rien voulu savoir. Le capitaine pensait que la réticence de Lonan à descendre à terre n’était due qu’à sa maladresse sociale et à son sens du devoir. Il ne pouvait pas avouer au capitaine le véritable raison ; que son nom n’était pas Lonan Duff, mais le Prince Lyan di la Martyn, peut-être le seul héritier vivant du trône de Llael, un pays maintenant occupé par l’Empire Khadoréen. Il ne pouvait pas dire à son capitaine que son père, le Roi Rynard di la Martyn, était mort dans de mystérieuses circonstances, que le pouvoir du roi était assumé par un gouvernement corrompu et que presque tous ceux qui prétendaient au trôné avaient été tués ou forcés de se cacher. Non, il ne pouvait dire cela à personne, alors il avait quitté la cabine du capitaine, pris son pistolet et son coutelas, et s’était forcé à descendre la passerelle vers une ville remplie de voleurs et d’assassins, une ville où des agents de l’ennemi pouvaient être embusqués dans chaque recoin sombre.

Lonan s’avança sur le quoi bruyant et animé. La ville se profilait à l’horizon, une collection apparemment infinie de bâtiments qui s’estompaient tel un tapis gris sur l’Île du Capitaine, l’une des nombreuses îles sur lesquelles Cinq-Doigts s’était répandue comme une infection. La Colère de la Jouvencelle était amarrée dans le quartier Rivergrav District, l’un des plus fréquentés de la ville. Des hommes et des laborjacks – des automates massifs animés par la vapeur – envahissaient la jetée, déplaçant des marchandises vers et depuis les nombreux navires et bateaux fluviaux qui y étaient ancrés.

Il avait appris à se perdre dans la foule et se laissa entraîner par le flot de gens qui descendaient la jetée. Le quai était un lieu de mouvement constant, les gens allaient ou sortaient, et il y avait peu de destinations à part une poignée de tavernes ou l’un des nombreux navires amarrés.

Il baissa son chapeau et remonta le col de sa veste, dissimulant ainsi son visage. Son long manteau était trop chaud pour le climat, mais il cachait la chemise en cotte de mailles qu’il portait en dessous. De nous jours, il ne quittait jamais le navire sans une forme de gilet pare-balles. Il n’avait aucune destination en tête, mais errer pouvait être dangereux. Plus il était visible longtemps, plus il était probable qu’il soit vu par quelqu’un connaissant sa véritable identité.

D’habitude, il n’était pas aussi prudent ni aussi effrayé. Après que la guerre en Llael eut atteint son paroxysme, la recherche des héritiers du Roi Rynnard n’avait guère été une préoccupation urgente. Lonan se cachait en Ord depuis la mort de son père, et la guerre avait facilité ses déplacements. Il s’était engagé dans la marine ordique sous un nom d’emprunt il y a presque dix ans, travaillant dur mais n’atteignant délibérément que le grade de sous-lieutenant. Ce grade intermédiaire cachait ses véritables capacités et son intelligence sous un manteau de maladresse feinte et d’indifférence professionnelle et lui offrait un certain anonymat tout en lui accordant suffisamment d’autorités pour éviter occasionnellement les situations dangereuses.

Il conservait encore quelques contacts en Llael, mais ils étaient restés silencieux durant des années. Il supposait qu’ils avaient été tués lors des combats ou qu’ils avaient fui le pays comme lui. Il avait donc été choqué de recevoir une missive de l’un d’entre eux lors de sa dernière escale, une lettre suggérant que la recherche des héritiers ru roi avait repris, mais pas par des agents de ce qui restait du gouvernement llaelais ni même de la Résistance qui luttait contre les envahisseurs khadoréens. La notre comportait une unique ligne, et elle l’avait glacé jusqu’à l’os. Elle disait : Khador recherche les héritiers survivants.

Les khadoréens contrôlaient des pans entiers de l’ouest de l’Immoren, dont la capitale Merywyn, et ils n’avaient aucun intérêt à voir revenir un roi llaelais. La Résistance le souhaitait peut-être, car un héritier légitime pourrait galvaniser la population, mais personne ne l’avait jamais contacté, le croyant probablement mort. Les khadoréens ne pouvaient le rechercher que pour une seule raison : l’éliminer et supprimer la possibilité qu’un fils de Rynnard s’assoie un jour sur le trône de Llael.

Il n’y avait aucun signe d’assassins dans les différents ports qu’il avait visité au cours du mois dernier, bien que sa peur augmentait à chaque fois que son navire accostait. Sa récente affectation sur la Colère de la Jouvencelle avait été une aubaine, et son voyage vers la nouvelle frontière de Zu le mènerait en haute mer pendant des moi, bien au-delà de la portée du Khador. Il devait juste survivre aux deux prochains jours à Cinq-Doigts.

Il connaissait intimement la ville, où il avait été stationné pendant près de sept ans au sein de la Marine Royale. C’était un endroit où il pouvait se cacher et se perdre dans la foule grouillante de la tentaculaire ville, un havre connu pour les pirates et les contrebandiers, mais maintenant, il semblait que c’était l’endroit idéal pour que les assassins frappent. Le seul endroit  sûr pour lui était la forteresse navale. Il pouvait y trouver une relative sécurité parmi les marins stationnés dans la garnisons de la Marine Royale.

Le seul problème était que la garnison se trouvait sur l’Île Belliqueuse, ce qui signifiait qu’il devrait traverser une bonne partie de la ville, en passant par l’Île du Poursuivant et l’Île Doleth, pour l’atteindre. Il jeta un coup d’oeil à la foule affairée sur le quai. Des centaines de marins et d’ouvriers vaquaient à leurs occupations tout autour de lui. La plupart étaient des humains, mais il y avait quelques trollkin et i pouvait apercevoir de temps en temps un imposant ogrun parmi eux.

Personne ne faisait attention à lui et il se fondait dans la foule. Lonan accéléra le pas, se déplaçant avec le flot des gens. Il lui faudrait traverser l’un des nombreux ponts reliant les îles de Cinq-Doigts pour atteindre sa destination, et le premier n’était pas très loin.

Il resta près des nombreux entrepôts qui bordaient la jetée, évitant ainsi le gros de la foule. Par la suite, il progressa bien, s’éloignant de l’immense marina pour se diriger vers la partie plus commerciale des quais. Ici, les poissonniers et autres marchands vendaient leurs marchandises, et la foule passait de marins et des matelots à un mélange plus cosmopolite. Lonan n’aimait pas ça ; son uniforme naval le distinguait.

Il se dépêcha de traverser le marché, ignorant les cris des marchands et les bruits sourds de la foule. Le pont vers l’Île du Poursuivant n’était pas très loin. Il quitta le Rivergrav pour se rendre dans l’autre partie de l’Île du Capitaine, moins peuplée. Il s’agissait du District de l’Esprit d’Outre-Tombe, le centre industriel de l’île, où de gigantesques usines crachant de la fumée dans le ciel et d’innombrables entrepôts où étaient stockés les marchandises dominaient l’horizon.

Il était plus vulnérable ici. Il n’était pas seul, mais la foule était clairsemée, et il y avait de nombreuses allées sombres et étroites entre les bâtiments pouvait facilement abriter un assassin. Il se faufila entre les personnes se trouvant sur son chemin, les observant au passage, à la recherche d’un indice lui permettant de penser qu’ils étaient autre chose que de simple visages sans la foule. Il pouvait voir le pont maintenant, une chose massive de pierre et d’acier s’élevant au-dessus du canal entre l’Île du Capitaine et celle du Poursuivant. Ce fut un soulagement. L’Île du Poursuivant était avant tout un marché, et la garde y était donc plus importante.

Il n’en resta pas moins prudent à l’approche du pont. Il y avait des gens qui allaient et venaient sur le pont, mais devant celui-ci se tenaient deux hommes vêtus de longs manteaux gris, sous lesquels on pouvait voir le renflement révélateur d’épées ou de pistolets. Ils n’avaient pas l’air à leur place, ni parce qu’ils étaient armés, ni à cause de leur tenue vestimentaire. C’est la façon dont ils observaient la foule qui le terrifia. Leurs yeux s’attardaient sur tous ceux qui passaient devant eux, un regard pénétrant et scrutateur.

Lonan s’arrêta, son coeur battant dans sa poitrine. Il était possible que les hommes ne le cherchaient pas. Ils pourraient être employés par l’un des infâmes Hauts Capitaines, de puissants criminel qui étaient le véritable pouvoir de Cinq-Doigts, et celui qui n’avait rien à voir avec un prince de Llael exilé. Il se frotta la bouche et regarda derrière lui. La voie était libre et il y avait un autre pont, moins utilisé, menant à l’Île du Poursuivant en passant par le Rivergrav. Il pouvait faire demi-tour et repartir par où il était venu.

Il jeta à nouveau un coup d’oeil vers le pont. Les deux hommes le fixaient directement. L’un d’eux fit signe de tête à l’autre et ils commencèrent à se diriger vers lui.

Il envisagea de dégainer son pistolet et d’abattre l’un deux immédiatement. Il rameuterait probablement la garde, ce qui lui assurerait une certaine sécurité, mais il repoussa rapidement l’idée. La garde était aussi corruptible que tout le reste à Cinq-Doigts. Il commença à se déplacer dans l’autre direction. Il ne courait pas. Pas encore. Il se déplaçait à contre-courant des gens sur les quais, les dépassant. Il jeta un coup d’oeil par-dessus son épaule. Les deux hommes étaient toujours derrière lui, marchant rapidement.

Lonan se rendit compte qu’il les avait vus trop facilement, comme s’ils s’étaient placés là pour le forcer à se déplacer dans l’autre sens. L’effrayer vers-

Il se cogna contre une muraille de muscles, une muraille avec une mâchoire carrée, des yeux sombres et un manteau gris. La muraille lui enfonça également une courte lame dans les côtes.

La lame traversa le manteau de Lonan, mais la cotte de maille en dessous l’empêcha de pénétrer dans sa chair. Pourtant, la force derrière la lame était immense et Lonan sursauta de douleur lorsqu’une de ses côtes se fendit. Il trébucha en arrière, et les yeux de son agresseur s’écarquillèrent de surprise – il ne s’attendait pas à une armure – et s’avancèrent vers lui. Cette fois, Lonan sortit son pistolet, un pistolet lourd à répétition pour lequel il avait dépensé près d’un mois de salaire. Il tira à bout portant, deux fois : à la poitrine, à la tête. Le sang gicla et l’homme tomba. Des cris d’alarme s’élevèrent de la foule sur les quais et les gens s’éparpillèrent. Devant lui, Lonan pouvait voir d’autres silhouettes grises se diriger vers lui. Il voulait leur tirer dessus, mais il y avait trop de monde entre lui et ses cibles. Paniqué comme il l’était, il ne voulait pas risquer de gaspiller ses balles sur des cibles inutiles.

Il regarda par-dessus son épaule. Les deux hommes derrière lui se rapprochaient. Il était en infériorité numérique et probablement moins armé. À sa gauche se trouvait l’entrée d’un immense entrepôt, et il pouvait voir des laborjacks se déplacer à l’intérieur tandis que des ouvriers se tenaient debout et le regardaient. Certains d’entre eux étaient armés. La plupart des citoyens de Cinq-Doigts avaient une bonne connaissance de la violence.
Il se retourna et couru dans l’entrepôt, dépassant deux ouvriers dont l’un lui cria quelque chose. L’intérieur de l’entrepôt était un labyrinthe de caisses et de boîtes, et il essayait de maintenir sa direction, espérant trouver une sortie de l’autre côté.

Les imposants murs de boîtes l’empêchait de voir si ses agresseurs l’avaient suivi. Qui étaient-ils ? Son contact avait déclaré que des agents khadoréens le recherchaient, mais ces hommes n’étaient pas des soldats, du moins pas dans le sens normal du terme.

Il poursuivit son chemin, transférant son pistolet dans sa main gauche et dégainant son coutelas avec sa droite. Les caisses et les cartons s’amenuisaient, et il avait des raisons d’espérer lorsque l’autre côté de l’entrepôt présentait un espace dégagé et un ensemble de grandes portes doubles menant à une large allée.

Il voulu s’élancer vers la sortie, mais il eut à nouveau le désagréable sentiment d’être suivi par un troupeau sur un chemin choisi pour lui. La perspective d’une échappatoire était trop tentante, cependant, et il se précipita vers la porte ouverte.

En sortant dans la rue, la première chose qu’il remarqua fut à quel point la rue était vide ; la suivante était le grand bâtiment en pierre juste en face de lui. Il n’eut même pas le temps de lever les yeux avant que le premier coup de feu retentisse.

Quelque chose frappa son épaule gauche et le fit tourner sur lui même. Son pistolet s’échappa de sa main et une profonde douleur brûlante lui transperça l’épaule. Il retourna en trébuchant dans l’épaule, je jetant vers la gauche alors qu’un autre projectile ricochet sur le sol en béton. Lonan courut vers la première rangée de caisse à sa gauche, les hautes piles créant un chemin  étroit semblable à une ruelle. Le sang coulait le long de son bras gauche et essayer de bouger le membre blessé ne faisait jamais qu’intensifier sa douleur jusqu’à une agonie brûlante. La balle avait traversé sa cotte de mailles sans ralentir et avait probablement enfoncé certains maillons dans sa blessure.

Il écoutait tout en bougeant, mais l’entrepôt était devenu silencieux. Seul le grondement lointain des chaudières des laborjacks perçait le silence. Il approchait de la fin de la rangée, qui s’ouvrait sur une autre rangée s’étendant de gauche à droite en forme de T. Il ne fut guère surpris lorsqu’un autre des assassins vêtus de gris apparut dans l’intersection, un long sabre courbé à la main.

Il jeta un coup d’oeil en arrière. Un autre assassin se dirigeait vers lui. Un étrange sentiment de calme s’installa en lui. Son mort était imminente ; ces hommes étaient bien assez nombreux pour l’assassiner. Il se rassura en si disant que cela mettrait fin à la fuite et à la dissimulation. Il n’avait jamais été très pieux, mais il y avait probablement une place pour lui sur Urcaen, une place qui lui offrirait un semblant de paix.

Mais il n’irait pas docilement à la mort.

« Je suis Lyan di la Martyn », cria-t-il, donnant de la voix à un nom qu’il n’avait plus prononcé depuis plus d’une décennie. « Lequel d’entre vous, bâtards, mourra le premier ? »

Il fonça vers l’assassin armé du sabre. L’homme se déplaça et se mit en garde, le bras droit tendu, la lame pointée vers le sol.

Lyan se précipita en avant puis esquiva tout en effectuant un large revers. Il avait été formé au maniement de l’épée à la cour de son père, avec les meilleurs instructeurs, et il n’avait pas perdu ses compétences au cours des dix années qui s’étaient écoulées depuis. Il était plus rapide et plus habile que son adversaire, malgré sa blessure. Sa lame heurta celle de son adversaire, et son arme était plus lourde, et son arme plus lourde écarta le sabre le temps d’un battement de coeur, assez longtemps pour qu’il puisse riposter et transformer son premier coup en une puissance entaille. Sa lame s’enfonça dans le cou de l’assassin, traversant la chair et se logeant contre la colonne vertébrale de l’homme. Le sang jaillit et Lyan libéra son arme alors que l’homme s’effondrait au sol.

Il se retourna pour faire face à l’attaquant suivant, qui ne se précipitait pas sur lui – il avait attendu calmement que Lyan en finisse avec son compatriote. La main du tueur était tendue et un anneau de runes encerclait son poing de particules d’un bleu arctique.

Il n’eut pas le temps d’éviter ce qui arrivait. Lyan leva ses bras sur son visage. Une explosion d’un froid à craquer les os suivit alors qu’il était enveloppé par le sort de l’ensorceleur khadoréen. Ses muscles se contractèrent, sa respiration se figea dans ses poumons et ce fut comme si chaque centimètre carré de sa peau exposée était assailli par une douleur engourdissante. Sa cotte de mailles n’offrait aucune protection contre cette attaque, et les anneaux d’acier fusionnèrent en une feuille de métal glacé.

Le froid surnaturel arracha la force de ses membres et Lyan tomba à genoux. Il avait tenu son épée et l’avait brandie à l’approche de l’homme. Son assassin était grand, avec des traits nets et des cheveux noirs et clairsemés. Ses yeux étaient bleus, froid et impitoyables, et ses lèvres dessinaient un sourire crispé. Dans une main, il tenait une lourde hache de guerre, dont la lame était ornée de runes brillantes.

Lyan tenta un coup maladroit sur l’arcaniste, qui s’écarta avec désinvolture, puis frappa d’un pied botté et arracha la lame de la main de Lyan.

« Vous êtes courageux, Prince Lyan », dit l’homme. Son accent khadoréen n’était pas prononcé, mais il était indubitable. « Je ne m’attendais pas à ce que vous soyez… si fougueux ».

Lyan ouvrit la bouche pour s’exprimer, mais son corps tremblait si violemment à cause du froid qu’il eut du mal à prononcer quoi que se soit. « Fais-le », dit-il. « J’en ai assez de faire semblant… de cacher qui je suis ».

L’homme acquiesça, son visage se tordant en un simulacre de sympathie. « Oui, ces jours sont révolus pour vous », dit-il, et à la surprise de Lyan, il laissa tomber la hache à côté de lui et passa sa main sous son manteau. Il en sortit une longue dague droite à la pointe méchamment aiguisée. « Mais je ne vous abattrai pas comme un vulgaire chien. Vous méritez une meilleurs mort que celle-là. Une mort noble. Pouvez-vous vous tenir debout, Prince ? Pouvez-vous mourir debout ? »

Lyan se rendit compte qu’il avait la force de se lever et qu’il ne voulait pas mourir à genoux. Il se releva, haletant, la douleur lui traversant le corps. Le froid surnaturel avait gravement endommagé ses organes internes. Sa vision se brouilla.

« Fais-le », murmura-t-il.

« Avec plaisir ». L’homme posa une main sur l’épaule de Lyan et plaça la pointe de sa dague sur son coeur. « Au revoir, Prince Lyan. Je vous promets que votre mort marquera le début d’une nouvelle ère de grandeur pour votre nation ».

Il poussa Lyan en avant, enfonçant la lame à travers sa maille et dans son coeur.

Le choc de la lame pénétrant dans son corps céda la place à une chaleur se répandant, et Lyan di la Martyn accueillit favorablement les ténèbres s’élevant pour l’engloutir.

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Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Poudrière
« le: 14 juillet 2024 à 13:48:44 »
CHRONIQUES DES ROYAUMES D’ACIER

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