Et voici la 3è partie ! et la 4è !
***
Assis derrière le carrosse, Mordecai et Farhan discutait à voix basse.
- Magnifique duel capitaine ! chuchota l’Idrien, visiblement enjoué. Tu as vaincu cet homme avec une facilité déconcertante !
- Pas de quoi s’extasier, répondit-il tout bas. Ces duels et ce bourgeois commencent vraiment à me lasser.
Farhan parut surpris. Le carrosse bifurqua dans une rue, secouant les deux mercenaires qui furent momentanément déstabilisés.
- Tu penses vraiment nous quitter ?
Mordecai resta un moment silencieux, comme plongé dans ses pensées. Sa main serrant sa blague au fond de sa poche.
- Je suis en train de cumuler un tas d’ennemis très influents dans la cité. Ce n’est pas la première fois que j’humilie Garrick Boudewyn. De même que l’arbitre de ce soir, Arias Ashburn, dont j’ai déjà battu le champion, ainsi qu’une bonne partie des convives d’hier soir. Ca devient vraiment très dangereux pour moi de rester ici et pour Solovei et toi également, tant que vous resterez au service de Clancy.
Farhan hocha la tête mais ne répondit rien, semblant comprendre que, peut-être, il devrait reconsidérer sa décision de rester au service de Clancy di Morosini plus longtemps, que la paye soit bonne ou non.
Le carrosse bifurqua à nouveau. La demeure de Clancy était en vue, sa haute flèche dominant tous le quartier. Mordecai ne pu s’empêcher de penser qu’il était regrettable que cette œuvre architecturale, ne soit que le résultat d’une rivalité entre deux bourgeois complexés.
***
- Messieurs, lorsque que je vous le dirai : vous ferez dix pas. Au dixième vous vous retournerez et ferez feu. Si vous manquez tous deux votre cible, vous devrez en finir à l’épée, dit Ashburn.
La soirée était magnifique, des centaines de chandelles brillaient dans les jardins et sur la terrasse. Mordecai était dos à dos avec son adversaire. A quelques mètres de là, l’eau du canal s’écoulait lentement, émettant un faible ruissellement. La foule des convives avait les yeux braqués sur eux. Comme il le pensait, la petite réception de Clancy avait tourné en une nouvelle occasion d’humilier Garrick, et c’est au pistolet que le duel se disputait.
Quelque chose le dérangeait chez son adversaire. C’était un jeune homme à l’air suffisant qui regardait avec mépris, qui répondait au nom de Kade. Mais il n’aurait su dire ce que son visage juvénile avait de familier.
Qu’est-ce qu’il attend ? se demanda le vieux mercenaire. Ashburn, qui arbitrait à nouveau le duel, semblait prendre un malin plaisir à faire monter la tension chez les spectateurs en tardant à entamer le décompte.
D’ordinaire calme, le pouls de Mordecai commença à s’emballer. Le poids dans son estomac se fit plus lourd et il regretta d’avoir bu ce verre de vin que lui avait servi Elie un peu plus tôt dans la soirée.
Il plongea la main dans sa poche et saisit sa blague en argent, dont le contact froid le rassura et lui fit fugitivement oublier sa gène.
- Un ! cria gaîment Ashburn.
Les duellistes firent un pas. Une sueur glacée commença à perler sur le front ridé de Mordecai, coulant dans ses yeux.
- Deux !
Ils firent un second pas. D’un revers de manche il essuya son front, mais ses yeux étaient douloureux, irrités.
- Trois ! cria Ashburn, se tournant vers la foule pour qu’elle se joigne à lui.
Mordecai sentait ses boyaux se nouer sous la douleur. Il luttait pour rester debout, s’efforçant de focaliser son attention sur l’échange qui allait survenir. Un goût de bile remonta le long de sa gorge jusque sur sa langue, mais il s’efforça de ne rien laisser paraitre.
- Quatre ! hurlèrent-ils tous en cœur.
Leurs cris résonnaient sourdement à ses oreilles. Le vieux mercenaire respirait difficilement, alors que ses pieds avançaient au rythme que lui imposait ce public.
- Sept !
La main de Mordecai était prise de violent tremblement, alors qu’il tentait de s’agripper du mieux qu’il pu à son arme. Sa vue commença à se brouiller. Ses pieds avançaient mécaniquement au son du décompte, lui parvenant à présent comme un sourd grondement.
- Dix ! hurlèrent-ils de concert, leurs voix résonnant comme un glas enjoué.
Ignorant la douleur qui explosait dans son ventre, Mordecai fit volte-face et pointa son arme sur la silhouette indistincte de son adversaire. Un coup de feu retentit. Il sentit une douce chaleur se répandre depuis son ventre et couler le long de sa jambe.
Le vieux mercenaire n’avait eu le temps de presser la gâchette. Il baissa les yeux et vit alors ses vêtements se tinter de rouge. Lâchant son arme, il s’effondra. Malgré sa vue brouillée, il distingua la mine réjouie de Kade, son jeune adversaire, qui se penchait sur lui. La lumière des chandelles soulignait les longues cicatrices qui zébraient sa joue droite jusqu’à de minces lèvres et faisait briller d’une lueur dorée sa tignasse couleur paille.
- Je t’ai enfin eu vieille carne ! lui chuchota-t-il calmement à l’oreille. Je suis impressionné que malgré ton grand âge tu soies parvenu à lever ton arme, je n’oublierai pas ta bravoure.
Mordecai ne comprenait pas le sens de ses paroles. Son esprit était embrumé, tandis que son corps s’engourdissait peu à peu.
Kade fouilla les poches de Mordecai et en tira sa blague à tabac, qu’il agita sous son nez. A cette vue, Mordecai sentit une rage s’emparer de lui. Recouvrant ses esprits, il voulu lever son pistolet, qu’il avait toujours à la main, mais son bras ne répondit pas à l’ordre qu’il lui donnait. Il resta sur le sol, inerte, les doigts lâches autour du manche.
- Tu n’en n’auras plus besoin je crois, lui susurra le jeune homme.
Kade ouvrit la blague et en huma le contenu d’un air satisfait.
- J’ai toujours voulu l’avoir, ajouta-t-il en désignant le petit objet. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé de te la prendre, mais je ne pensais sincèrement pas pouvoir te l’arracher de ton vivant.
Un éclair fusa dans le cerveau engourdi de Mordecai, un souvenir mis de côté avait ressurgit dans son esprit. Kade se leva et, le poussant du pied, fit rouler le vieux mercenaire dans les eaux sombres et froides du canal.
***
Ce fut le craquement du bois léché par les flammes qui le réveilla.
Mordecai ouvrit péniblement les yeux. Les paupières colées par la crasse et le sang. Il resta allongé sur le flanc, confus, sentant la chaleur du feu dans son dos. A l’odeur il comprit qu’il était quelque part dans les égouts de Merywyn, qui s’étendaient à travers les ténèbres face à lui en une myriade de tunnels et d’alcôves. Les pierres des murs, du plafond et du sol étaient couvertes de mousses où ruisselait l’humidité. Mordecai percevait le bruit de gouttes d’eau qui tombaient et le crépitement de flammes. Sa poitrine lui faisait mal et, lorsqu’il y porta la main, il s’aperçut que son torse était couvert de bandages propres.
Quelqu’un derrière lui éternua bruyamment. Le son se répercutai sur les parois de pierre, résonnant dans les tunnels, peut-être jusqu’à l’autre bout de la ville.
Le vieux mercenaire se tourna pour faire face au feu. Il fut d’abord ébloui par l’intense lumière des flammes, l’obligeant à plisser les yeux. A mesure qu’il s’habituait à la lumière, il découvrait celui qui lui faisait face. L’homme était vêtu d’un long manteau noir à capuche, orné d’épaulières que la lumière faisait briller d’une lueur jaune. En examinant plus attentivement, Mordecai vit qu’elles étaient vertes et or. Il avait rabattu sa capuche sur son visage, ne laissant apparaitre qu’un long nez et une épaisse barbe brune entourant de minces lèvres. Le sabre et le pistolet de Mordecai étaient posés près de l’homme. Mordecai estima qu’il n’aurait pas le temps de récupérer ses armes avant que l’homme l’ai abattu.
Au-dessus du feu cuisaient deux rats embrochés. Mordecai pensa qu’il s’en dégageait une odeur étrangement appétissante pour un animal aussi peu ragoûtant. Alors qu’il dévorait les rongeurs du regard, l’étranger en retira un du feu et le tendit au vieux mercenaire.
Mordecai se redressa, saisit la brochette sans un mot et se mit à manger. De son côté, l’étranger avait prit le sien et le mangeait lentement. Son estomac lui était encore douloureux, mais la faim prenait le dessus, et il se jeta sur la viande offerte. Il ignorait si cela était dû au mal qui l’avait frappé, ou d’être passé si prêt de la mort, mais il trouva cette viande particulièrement savoureuse.
Arrachant avec les dents un morceau de viande, le vieux mercenaire mastiquait longuement, perdu dans ses pensées. Comment ne l’avait-il pas reconnu ? Kade avait brièvement fait partie des Briscards, qui l’avaient rejeté à cause de son comportement violent, Mordecai le marquant personnellement au fer pour ses fautes. Il portait un autre nom à l’époque, mais ça n’avait plus d’importance.
Il avait donc nourri un ressentiment tel qu’il était allé jusqu’à s’engager chez Garrick pour pouvoir tuer Mordecai.
Mais surtout, ce jeune blanc-bec avait sa blague.
- Une chance que je vous ai repêché, dit doucement l’inconnu, extirpant le mercenaire de ses pensées. Vous avez l’air d’avoir passé une sale nuit.
- On peut dire ça comme ça. Comment m’avez-vous trouvé ? demanda Mordecai.
L’homme avala le morceau de rat qu’il mâchait avant de répondre.
- Je vous ai vu flotter au milieu d’une bouée, alors je vous ai récupéré…
- Une bouée ? l’interrompit-il.
- C’est le nom que les gens comme moi donnent aux paquets d’ordures qui se formes dans l’eau et que l’on récupère pour trouver quelques bricoles à vendre. Bref ! je vous ai sauvé et soigné votre blessure, ainsi que le poison qu’on vous avait administré.
Mordecai resta silencieux. Il se demandait quel genre de mendiant pouvait soigner des blessures par balle et guérir du poison. Il pensa que cela n’avait aucune importance, ce qui comptait, c’était qu’il pouvait encore respirer.
- Vous ne me demandez pas ce qui m’est arrivé ?
- La plupart des gens sont rongés par la curiosité et se mêlent de ce qui ne les regarde pas, mais moi j’en sais assez pour comprendre qu’il ne vaut mieux pas poser de question.
- Comment vous appelez-vous ? demanda Mordecai, intrigué par son bienfaiteur.
- Borvo.
- Mordecai.
- Dans ce cas, Mordecai, je pense que c’est sur ces bonnes paroles que nous nous disons adieu.
Le vieux mercenaire se leva et salua Borvo, qui lui rendit ses armes, et le regarda partir.
Il trouva rapidement une échelle qui le ramena à la surface. Il se retrouva dans une rue d’un quartier modeste, visiblement peu fréquentée. Le soleil était déjà haut dans le ciel, Mordecai disposait donc d’encore un peu de temps pour planifier sa vengeance contre Garrick, avant que la nuit tombe.
***
Mordecai vola des vêtements propres sur un étal, et pris un poignard à une petite frappe qui essaya de s’en prendre à lui. Puis il rejoignit la demeure de Clancy.
L’ancien capitaine fut surpris de voir que l’endroit était animé, de nombreux carrosses étaient garés devant les murs de la bâtisse, dont un qui portait les armoiries de la Duchesse Canice del Viscario. Quelques gardes portant le tabard bariolé de Garrick étaient postés à l’entrée. Mordecai décida d’infiltrer l’endroit pour en savoir plus.
Empruntant des ruelles adjacentes, il fit le tour de la propriété afin de trouver une faille dans la ronde des gardes. Il profita de la première occasion et escalada le mur pour atterrir dans les jardins. Se faufilant entre les arbustes, il se glissa par l’entre de service qui donnait sur le sous-sol où se trouvait le dortoir des gardes et celui des serviteurs.
Mordecai descendit un escalier et traversa un couloir en direction des dortoirs, où il pourrait changer de vêtements pour s’immiscer entre les grouillots.
Lorsqu’il y parvint tout était calme, quelques braises rougeoyaient encore dans le poêle en émettant de faibles crépitements. Il se changea et dissimula un petit poignard avant de quitter la pièce. Au détour d’un couloir, Mordecai aperçu un garde posté devant ce qui devait normalement être un débarras. Intrigué, il s’approcha l’air de rien. Le garde ne prêta même pas attention à lui. Lorsque Mordecai fut à sa hauteur, une faible toux résonna dans le débarras. Aussi vif qu’un argus, le vieux mercenaire tira sa dague et l’enfonça dans la gorge du garde. Celui-ci écarquilla les yeux de surprise, ses mains s’agrippant au bras de Mordecai, avant de s’effondrer en émettant un faible gargouillis sanglant.
Mordecai dégagea le corps et ouvrit le débarras. Un homme était recroquevillé sur le sol. Celui-ci leva les yeux vers le vieux mercenaire, et vit la surprise et la joie apparaitre dans ses yeux.
- Farhan ! s’exclama-t-il lorsqu’il reconnut l’Idrien, ligoté et bâillonné.
Mordecai entreprit de le détacher avec son poignard.
- Tu n’es pas blessé ? Tu peux marcher ? demanda-t-il en l’aidant à se relever.
- Ca ira, merci. Sans toi je ne sais ce que je serais devenu ! Comment as-tu survécu ? Je t’ai vu sombrer dans le canal !
- Plus tard ! Que s’est-il passé ? Pourquoi Boudewyn est-il ici ?
- Après que ce Kade t’ait balancé dans l’eau, Garrick a fait tuer Clancy et nos hommes par sa garde, devant tous les convives ! Ils sont tous de mèche avec lui, et ils vont fêter leur victoire ce soir, même la Duchesse sera là !
- Et Solovei ? demanda Mordecai.
Baissant les yeux, l’Idrien secoua la tête.
- J’aimerais que nous puissions venger sa mort, Farhan, mais je ne vois pas de moyen…
Il posa la main sur l’épaule du jeune mercenaire, dont les yeux étaient rivés sur le sol. Mordecai glissa son autre main dans sa poche vide, et enragea silencieusement de laisser ainsi sa blague à Kade. Mais la demeure était bien trop défendue. Même s’ils réussissaient, ils ne pourraient sortir vivant. Il glissa son autre main dans sa poche vide
- J’ai eu une idée avant que tu n’arrives, lança Farhan. Ce soir la garde devrait être très détendue, on ne devrait avoir aucun mal à mettre le feu au bâtiment.
- Impossible, répondit le vieux mercenaire surpris. Nous n’avons pas de combustible, et le jardin risque de grouiller de convives.
Une lumière étincelant au fond des prunelles noires de l’Idrien.
- J’ai entendu quelques discussions de grouillots à travers la porte. Garrick veut que la fête soit entièrement à l’intérieur, car la terrasse est encore maculée. Pour ce qui est du combustible j’ai quelques amis en ville qui nous fournirons un alcool de contrebande Khadoréen. C’est du costaud, ça devrait bien brûler.
Le vieux mercenaire fut surpris de constater que Farhan avait déjà tout pensé, qu’il ne restait plus qu’à aller chercher le matériel et à mettre le feu. L’idée de voir sa blague d’argent bruler dans la poche de Kade lui était plus supportable que de le savoir s’en servir.
***
Mordecai et Farhan quittèrent furtivement l’ex demeure de Clancy di Morosini et rejoignirent les amis de l’Idrien. Ceux-ci, deux idriens, possédaient une taverne très fréquentée. Mordecai ne s’adressa pas à eux, laissant son compagnon parler. Les deux taverniers leur donnèrent quatre barils et quelques bouteilles d’une eau de vie au parfum puissant et à la couleur cristalline, ainsi qu’une charrette.
Les deux mercenaires transportèrent leur chargement jusqu’au quartier chic de Merywyn. Puis ils attendirent la nuit dans une ruelle. Lorsqu’elle fut tombée, et que les rues étaient faiblement éclairées par des lanternes, la demeure s’illumina de nombreuses chandelles et lanternes, des rires montèrent de l’intérieur.
Mordecai et Farhan observèrent la garde. Les hommes en tabard bariolé ne gardaient que vaguement l’entrée de la demeure. Personne ne faisait de ronde le long des murs entourant les jardins. Profitant de cette chance, ils passèrent un par un les barils d’alcool par-dessus les murs et égorgèrent les deux gardes de Garrick à l’entrée.
Ils disposèrent chaque baril et commencèrent à les vider tout autour de la demeure ainsi que sur les portes et autour des fenêtres, mais également dans l’escalier de service, d’où l’on entendait les rires et les chants des gardes incompétents. Les émanations d’alcool Khadoréen piquaient les yeux des deux mercenaires.
Enfin, Mordecai sortit une allumette et y mit le feu.
Les flammes prirent instantanément, courant le long du chemin de liqueur qu’ils avaient versé. Le feu lécha les portes et les fenêtres, crachant une fumée épaisse et noire, qui s’élevait haut dans le ciel nocturne. Des hurlements terrifiés se firent entendre à l’intérieur, suivis de bruits de verres brisés et de chaises renversés.
Prenant une bouteille à la main, Mordecai déchira un morceau de tabard à l’un des gardes morts, enfonça le tissu par le goulot, et y mit le feu. Le projectile ainsi enflammé, le vieux mercenaire le lança à travers une fenêtre. La bouteille explosa et répandit l’alcool, qui prit immédiatement feu. Les cris de terreur furent remplacés par des hurlements de douleur. Ce premier projectile fut immédiatement suivit d’autres, jusqu’à l’épuisement des munitions. Mordecai et Farhan restèrent là à regarder l’incendie qui gagnait rapidement les étages.
Soudain, le bruit de verre brisé résonna de l’autre côté de la demeure. Les deux mercenaires accoururent. Là était allongé un homme, les manches et le dos brulés, les cheveux roussis par les flammes. Ils levèrent les yeux et aperçurent une fenêtre brisée au premier étage. L’homme à terre tenta de se relever en toussant et crachant. Lorsqu’il jeta un regard incrédule aux deux mercenaires près de lui, une indicible terreur s’empara de lui. Quelque chose se brisant en lui, Kade, face contre terre, se mit à sangloter.
Mordecai saisit son pistolet et l’abattit d’une balle dans la tête. Le coup de feu résonna un moment aux oreilles du vieux mercenaire, qui resta un instant figé, le bras tendu face au crâne sanglant de Kade. Étrangement, il avait l’impression d’avoir, d’une certaine façon, vengé ses compagnons Briscards. Le poing serré au fond de sa poche vide, il s’éloigna du cadavre encore chaud.
Farhan s’avança et fouilla le cadavre, puis rejoignit son ancien capitaine dont les yeux vides observaient le cours tranquille du canal, dans lequel se reflétait la demeure en flammes.
- Nous allons devoir y aller, l’endroit ne va pas tarder à être très fréquenté.
L’Idrien saisit la main de Mordecai et y déposa un objet. Lorsque le vieux mercenaire regarda le creux de sa main, il y vit sa blague à tabac, intacte. Farhan vit un léger sourire apparaitre sur le visage usé du vieux mercenaire, une faible étincelle brillant au fond de son regard.
- Merci mon ami.
***
Alors qu’ils marchaient dans les rues encore sombres de la capitale Llaelaise, Mordecai sortit sa blague, bourra sa pipe et l’alluma. Il aspira quelques bouffées et souffla des ronds de fumées :
- Bien.
- Je vais me cacher chez un ami le temps que tout ça se tasse, tu devrais venir avec moi, proposa Farhan.
Le vieux mercenaire prit son ami par les épaules.
- Je crois que j’en ai assez de cette ville et de ses habitants, et plus particulièrement de ses bourgeois aristocratiques. Je vais partir dès ce soir, mon ami.
- Dans ce cas je te souhaite bonne chance, Mordecai, lui dit-il mélancolique.
- A toi aussi Farhan.
Le vieux mercenaire quitta aussitôt L’Idrien. Il vola un cheval et quitta Merywyn en direction du sud.
Quelques heures plus tard, les innombrables flèches de la cité Llaelaise était loin derrière lui. Il se rappela alors pourquoi il avait quitté ce pays pourri qui était le sien.