Une Épine dans le Pied de la LégionLe Vassal Talgessin commença à faire face à l’inquiétante idée que sa proie avait peut-être été meilleur que lui. Ce serait une première depuis des décennies de chasse et certainement depuis que le patrouilleur avait accepté la bénédiction du Prophète. Il avait reçu l’ordre de localiser l’énigmatique menace qui s’était formée dans leurs camps occidentaux, ce qui ne l’avait conduit qu’à des sites de rejetons massacrés, à de la neige tachée de sang et, occasionnellement, à des restes mutilés de guerriers nyss corrompus, avec la tête coupée et manquante.
Ses supérieurs avaient refusé d’affecter des chasseurs supplémentaires tant qu’ils n’en sauraient pas plus. L’ennemi se déplaçait avec la même insaisissabilité que son propre groupe, et il ne laissait que peu de traces. Les seules traces cohérentes étaient des empreintes de pas d’individus de grande taille et lourdement armés. Talgessin soupçonnait l’ennemi d’avoir laissé ces traces à dessein, afin de tendre une embuscade.
Hier, Talgessin avait récupéré une penne de flèche sur un arbre au-delà d’un autre site de massacre. Elle portait les marques de l’éclat manquant de Raefyll, dont on sait qu’il s’était enfui pour échapper à la venue du Prophète. Cela expliquait certaines de leurs difficultés. Les Reafyll comptaient parmi les chasseurs septentrionaux les plus compétents. Les amener dans les bras de la Légion lui vaudrait certainement des éloges.
Il fit signe à ses patrouilleurs de rester à l’abri des arbres tandis qu’ils se dirigeaient vers un rétrécissement de la vallée glacée. Plutôt que de suivre les évidentes traces, il avait fait de minutieuses déductions concernant les déplacements de l’ennemi et pensait avoir déterminé les endroits où ils se regroupaient et campaient entre les batailles. Talgessin avait choisi de ne pas faire appel à des forces supplémentaires avait d’avoir confirmé la présence de l’ennemi de ses propres yeux.
Les ombres dans la forêt s’approfondissaient. Talgessin jeta un coup d’oeil pour voir si un nuage avait caché le soleil, mais le ciel demeurait clair. Il ne reçut aucun autre avertissement. Il eut suffisamment de temps pour émettre un rapidement sifflement semblable à celui d’un oiseau et de reculer avec l’arc levé et la flèche encochée. Ses jambes corrompues lui donnaient une mobilité que peu de gens pouvaient égaler, et dans ce cas, cela lui sauva la vie alors que des formes spectrales vêtues d’une épaisse armure et brandissant d’élégantes armes d’hast et des boucliers surgirent de l’obscurité entre les arbres. Il laissa voler une flèche et ressentit la satisfaction lorsqu’elle brisa le crâne nue de la première créature, la faisant s’effondrer en un tas de pièces d’armure s’entrechoquant.
À sa gauche, une autre ombre traversa les arbres pour intercepter son subordonné Klyvess. L’autre patrouilleur se retourna au moment où la silhouette se solidifiait, balançant déjà son arme dans un mortel arc latéral. Klyvess dut dégainer sa propre épée pour dévier le coup, et échapper de justesse à la frappe. Il s’élança, mais ne put pénétrer les épaisses plaques de métal. D’autres formes sombres s’avancèrent, les ténèbres se répandant comme une brume au-dessous d’elles. Talgessin fit un geste circulaire, pointant au lien, donnant l’ordre de retraite. Tous s’avaient que leur vie serait perdue s’ils n’étaient pas assez prompt à partir ; les patrouilleurs n’accordaient pas de valeur à la bravoure suicidaire et ne respectaient que ceux qui étaient capables de survivre. En sautant par-dessus un tronc d’arbre tombé à proximité, il rejoignit un subordonné nommé Reilsyn. « Nous nous rendons auprès du berger ! »
Les mots n’avaient pas quitté ses lèvres que d’autres rapides silhouettes émergeaient des arbres devant eux pour leur couper la retraite. Avant qu’il ne puisse discerner leur nature, il banda son arc et décocha une flèche directement dans la gorge de l’attaquant le plus proche. Le silhouette gargouilla et cracha du sang avant de tomber sur la neige, ce qui n’avait clairement aucun rapport avec les choses mortes en armure.
Ces nouveaux assaillant maniaient le claymores de son peuple. L’éclat Raefyll ! Il ne prit pas le temps d’y réfléchit. Il sauta dans un ravin à sa droite, trouvant une position sûre malgré le neige non dégelée et tassée, et entendit le bruit des lames qui s’entrechoquaient. Il ne jeta pas un regard derrière lui. La vie de ses camarades importait peu à côté de la nécessité d’informer ceux qui l’attendaient. Tandis que ses subordonnés mouraient derrière lui, Talgessin s’éloigna de la lisière de la forêt et s’enfuit tandis que des flèches frappaient le sol derrière ses talons.
* * *
Hylvess et Cylena regardaient de loin les morts-vivants faire leur macabre besogne. Elle ne pouvait observer leur profane assiduité sans éprouver du dégoûts et des doutes, mais Cylena refusait de détourner le regard. Elle avait pris l’habitude de rester dans les environs après les batailles pour observer l’étranger et ses sombres serviteurs. Elle jugeait important de ne pas oublier les horreurs auxquelles avait lié le sort de son éclat. Son visage demeurait vide, mais ses yeux laissaient deviner la pénitence tourmentée qu’elle endurait.
Dans son armure de warcaster, l’étranger Goreshade se tenait comme un roi ou un chef de guerre accompagné de chaque côté par des créatures tout aussi horribles. Elle avait appris leurs nom au cours des dernières semaines de cette peu recommandable alliance. Le Seigneur Maudit Tartarus, auquel tous les autres, à l’exception de l’étranger, se référaient, dominait ses subordonnés assoiffés de sang, Suneater et Kortesh. Ils récoltaient parmi les nyss corrompus tués et discutaient de leurs mérite comme des pêcheurs le feraient de leur prise quotidienne. L’étranger en prit quelques-uns, arracha leur crâne, scrutant les yeux morts et leur chuchotait comme s’il interrogeait les morts.
Ceux que Goreshade jugeait plus dignes d’intérêt étaient remis intacts au seigneur maudit, qui les prenait à part pour leur prodiguer d’impies soins. Tartarus inscrivait des runes profanes sur leur chair morte et appelait les glaciales ténèbres de l’au-delà pour qu’elles pénètrent dans leurs formes et actionnent leurs membres avec un simulacre de vie. Dotés d’armures et d’armes, ils rejoignaient leur file pour remplacer ceux détruits au combat. Des tous les survivants des Reafyll, seule Cylena avait le courage d’assister à ce processus.
Hyless s’adressa à elle à voix basse. « Nous avons perdu que Ghyl. Il a été tué par le patrouilleur avait de s’enfuir ».
Cylena soupira. « Il sera pleuré. Louons Nyssor, aucun autre ne l’a rejoint aujourd’hui ». Cylena sentit la colère de son lieutenant mais n’en tint pas compte. À la fin de la bataille, Hyvless avait demandé à poursuivre le patrouilleur qui s’enfuyait. Cylena avait refusé, obéissant à l’ordre de Goreshade de laisser fuir l’un des patrouilleurs. Cylena ne se souciait plus de savoir de quel stratagème il s’agissait.
Hylvess reprit la parole, encore plus bas. « Fysren est revenu de sa mission dans le sud. Il apporte des nouvelles passionnantes. Nous avons trouvé un autre allié possible, moins méprisable ».
Fysren est revenu de sa mission dans le sud. Il apporte des nouvelles passionnantes. Nous avons trouvé un autre allié possible, moins méprisable.Cylena porta un doigt à ses lèvres. « N’en parle pas encore. Il a l’oreille fine ». Son regard se porta sur l’étranger en armure. Nous ne sommes pas encore prêts à prendre cette décision ».
« Pourquoi ? Tu ne crois sûrement pas que ces abominations honoreront leur accord ? »
Cylena fronça les sourcils et s’éloigna des non-vivants. Elle garda la voix basse, même une fois qu’ils eurent pris un peu de distance. « Je reconnais que chaque jour qui passe diminue la probabilité de voir arriver des renforts cryxiens. Nous continuons à effectuer ces petites frappes en marge plutôt que d’avancer sérieusement vers le coeur de notre ennemi. Pourtant, j’utiliserai cette créature contre notre ennemi. Il a toutes les raison de vouloir détruire Ethrunbal. Je me méfie de toute trahison, mais tant que ses objectifs et les nôtres coïncident, nous devrons tenir bon ».
« Rien de ce qu’il fait ne peut nous être bénéfique. Nous devons nous libérer tant que nous le pouvons ».
Les lèvres de Cylena se pincèrent et elle regarda son amie avec un regard noir. « J’ai fait eu vœu. Je verrai à ce que cela soit fait. Quoi qu’il en coûte, nous combattrons ceux qui ont mené notre peuple à la ruine ».
« Il y a d’autres personnes qui pourraient nous aider. Ces nouveaux amis- »
« N’ont pas encore prouvé qu’ils étaient dignes de confiance », interrompit Cylena. « Eux aussi pourraient chercher à nous utiliser et nous faire de vaines promesses. Je ne fais pas plus confiance à l’humanité qu’à ces horreurs. Celle-ci, au moins, je sais qu’elle est une ennemie acharnée de notre ennemi. Il n’est pas encore temps d’abandonner cette voie ». Son ton était résolu. Hylvess, bien que visiblement peu convaincue, hocha la tête et demeura silencieux.
* * *
Goreshade termina son interrogatoire mystique et remit le macabre trophée aux gantelets avides de Suneater. Les ténèbres enveloppèrent complètement l’imposante forme, qui s’empara de la tête coupée comme s’il s’agissait d’un objet précieux. La tête avait des oreilles distinctement pointues, un visage relâché par la mort et une chair pâle et exsangue qui contrastait avec ses cheveux noirs comme un corbeau. Goreshade sentit l’approche du Seigneur Maudit Tartarus et se tourna vers lui avec un léger signe de tête en signe de reconnaissance.
« Vous avez trouvé ce que vous cherchiez ? » demanda Tartarus, sa voix froide et inhumaine. Il parlait rarement et ses intonations avaient un accent particulier.
« Il n’y a aucun murmure concernant le dragon lui-même ». Les yeux de Goreshade brûlaient de colère. « Pas un seul témoin n’a vu notre proie. Il se cache bien, malgré inexplicable prolifération de rejetons. Les morts répètent sans cesse le nom de ‘Thagrosh’, notre meilleur lien avec Ethrunbal. Il n’y a rien de plus à gagner en interrogeant des intermédiaires de moindre importance. Nous devons l’inciter à se battre. Il est temps pour nous de réécrire les règles de ce jeu ».
* * *
Malentendus Tacitesle Primus Joxaal menait ses forces à travers les arides sables rouges avec une posture confiante, mais intérieurement, il craignait de s’être égaré. Malgré les meilleurs conseils de ses subordonnés, font un qui avait déjà effectué cette traversée, plusieurs étendues de ces déserts manquaient d’évidente géographie parmi les dunes mouvante, ce qui rendait ses cartes inutiles. Il était à la tête d’une manipule de prétoriens et de cyclopes, une importante composante de la plus large cohorte qu’il avait avait été envoyé renforcer. Ils avaient suffisamment d’eau et de nourriture, donc il savait qu’ils pourraient endurer, mais il savait aussi que s’éloigner trop au sud-est pourrait mettre toute sa mission en danger.
La tempête de vent s’était levée à l’aube et masquait le pic montagneux lointain qu’il avait utilisé comme repère. Quelques heures plus tard, lorsque le vent s’était calmé, le Dakar supérieur Lekask lui avait demandé : « Ce somment devrait-il être si loin sur la droite ? »
« Merci, dakar », avait répondu Joxaal, sans laisser paraître son agacement, et avait corrigé leur trajectoire en tournant plus à l’ouest. Il n’avait pas su pas si cela suffirait.
Le Dakar Lekask demanda plus tard : « Comment savoir si nous nous déplaçons là où nous devrions pas, » Joxaal avait froncé les sourcils. Bien qu’il soit un robuste et expérimenté guerrier, habile avec sa lame Lekask avait un crâne épais et un esprit quelque peu simple. S’il avait eu ces pensées, d’autres aussi.
« Il n’y a pas d’accord formel. Il s’agit au mieux d’un arrangement précaire. Si nous ne nous aventurons pas au-delà d’une ligne spécifique de collines, les fanatiques du sud nous laisseront passer. Si nous nous approchons trop près, ils attaqueront. Tant que nous nous dirigeons vers cette forteresse frontalière ennemie, qu’ils appellent « Mur-Levant », ils ne perdront pas de vie en tombant sur nos lames. Imaginez deux maisons qui se disputent, de part et d’autre de la rivière. Nos attaquent détournent une maison au profit de l’autre. Aucune des deux n’est notre amie ». Il devait souvent recourir à de telles comparaisons pour que Lekask puisse comprendre, mais cela ne dérangeait pas Joxaal tant que l’officier subalterne continuait à prouver sa férocité au combat.
« Primus ! » Un soldat à proximité cria pour attirer son attention, pointant du doigt la dune devant lui. Joxaal se protégea les yeux avec sa main et les plissa. Il remarqua une petite silhouette en robe regardant dans leur direction. L’instant d’après, la silhouette s’était retournée et avait disparu.
Joxaal partagea un regard significatif avec Lekask. « Cela ne présage rien de bon ».
* * *
Le Haut-Allégent Amon Ad-Raaza marchait dans les dunes, suivant une ligne de terrain stable et élevée où les vents avaient balayé le substrat rocheux. Le convoi était composé d’un Punisseur, trois Derviches et un Dévot, tous promis à la Croisade du Nord. La cargaison était moins importance que d’habitude, mais les intenses combats à Sul signifiaient qu’Imer avait moins de ressources à mettre à la disposition de Severius et de ses partisans. Amon était accompagné d’un certain nombre de chœur, de zélotes et d’un petit détachement de Chevaliers Exemplaires qui devaient rejoindre la croisade. Les zélotes et le choeur s’occupaient de plusieurs chariots de ravitaillement tirés par des chevaux, dont une grande quantité de charbon et d’eau pour maintenir les warjacks opérationnels.
Il repéra une demi-douzaine de personnes, l’un des nombreux groupes de tribus nomades idriennes qu’Amon avait récemment recrutés pour lui servir d’yeux et d’oreilles à l’avant de le colonne, se précipiter à travers les dunes en direction de sa position. Aucun des voyages d’Amon ne s’était déroulé sans incident et, dans chaque cas, il avait été contraint de repousser les assaillants.
Les jeunes Errants Exemplaires, enthousiastes, tenaient leurs arbalètes prêtes, mais il fit signe à leur gardien de la foi de se retirer. « C’est Abidin Tar Raza ; il obéit à mes ordres ». Le gardien de la foi acquiesça mais ses hommes demeurèrent tendus, visiblement peu rassurés par la récente conversion de ces nomades à la foi menite. Amon n’avait pas pris la peine d’expliquer qu’Abidin et ses cousins étaient issu de a tribu du Haut-Allégent.. I s’agissait d’un groupe vaste et diversifié de familles, certaines n’ayant connu que des contacts ténus avec les autres, et Amon s’était efforcer de se promener périodiquement parmi elles et de les extorquer pour qu’elles adhèrent à la Vraie Loi. Il se souvenait avec une certaines honte des manières païennes de ses propres parents.
Les idriens les rejoignirent rapidement et s’inclinèrent respectueusement devant Amon. « Une force d’hommes chauve avance juste au nord, bien au-delà des balises ». Les idriens utilisaient cette appellation pour désigner les skorne, qu’Amon ne connaissait que trop bien.
« Aussi loin à l’est ? » Il était impossible de déterminer l’expression d’Amon derrière son masque, mais ses poings se crispèrent sur la chaîne d’Oblivion. Il s’était rangé du côté de ceux qui s’opposaient à ce que les skorne traversent la région, même s’il comprenait l’utilité de leur permettre d’attaquer Mur-Levant et d’attirer ainsi les cygnaréens de Sul. « Ils sont devenus audacieux. Ont-ils l’air prêt pour un siège ? » La trajectoire qu’ils semblaient vouloir suivre les envoyait vers la Tour du Jugement, qui avait subi les assauts des skorne au cours des mois précédents.
Abidin expliqua la disposition des forces, principalement des soldats marchant avec peu de soutien apparent. Amon regarda vers le nord et réfléchit, mais il n’avait pas le luxe du temps. « C’est étrange. Ils doivent avoir une autre tâche à accomplir. Une telle force ne survivrait jamais face à la Tour. Ils mettent notre patience à l’épreuve. Nous devons les écraser ».
Le Gardien de la Foi Farnor Alkon, resplendissant dans la lourde armure de son ordre, s’était approché pendant l’échange. « Qu’en est-il de notre mission ? Cela pourrait nous retarder. Envoyons un message à Imer et dépassons-les ».
Amon fixa le Gardien de la Foi avec une force presque tangible et finalement l’exemplaire détourna le regard. Amon répondit lentement, comme s’il s’adressait à l’un de ses élèves. « Je sais que vous êtes impatient de vous mesurer aux païens du nord, mais nous ne pouvons pas permettre à ces impies envahisseurs de violer nos frontières. Je pensais qu’il avait compris, mais il est clair que nous devons l’avertissement plus profondément dans leur chair ».
* * *
Vieilles Inimités« Le corbeau tempête revint donc en boitant, vaincu. » Adressa le Tout-Puissant Dahlekov au druide qui revenait. « Rovson m’a fait part de ton échec. Le fait qu’il soit encore en vie est au moins une petite chose à mettre à ton crédit ».
Le visage de Krueger l’Ire de l’Orage était livide, un tressaillement parvenant à son œil droite, à la mention par Dahlekov de ce grand protecteur du Cercle septentrional, le lupomorphe pur-sang Rosvon. Krueger devait à ce lupomorphe d’avoir survécu à la récente bataille contre les khadoréens, mais cela n’empêchait pas le druide d’en vouloir à la créature d’avoir si rapidement fait part de son échec. « Tu nous as envoyé mal préparé et as prédestiné notre défaite. Je te l’avais dit dès le début que cela nécessiterait une force plus importante, mais tu m’as allégrement ignoré ».
Le visage ridé du druide âgé garde une face impassible. « Tu me réponds. Je ne te réponds pas. Si tu choisis de parler à voix haute de tes faiblesses, tu devrais me remercier pour l’instruction. J’avais une foi inébranlable en toi, mais aujourd’hui le Boisombre est occupé. Pendant de longs siècles, nous avons tenu ce bastion sacro-saint. Maintenant, la carogne s’en est emparé. Je pensais que tu étais devenu mon égal. Je vois que je me suis trompé ».
« Comment t’est tu débrouillé lors de tes propres combats contre elle, Dahlekov ? Tu me réprimande tout en te cachant dans ta clairière et en accumulant tes forces avec avarices. Il est stupide de sous-estimer un ennemi qui tend des embuscades à notre ordre depuis des millénaires ».
« Je suis lassé de tes excuses. La restauration du Boisombre t’incombe. Je t’ai défendu maintes et maintes fois devant le conseil. Même moi, je me lasse de ton tempérament. Je ne tolère ton insolence que dans la mesure où tu reste une arme redoutable. À défaut, je n’ai que faire de toi ».
« Permets-moi de rassembler les personnes de mon choix. Ne m’en empêche pas ».
Le Tout-Puissant fit un geste dédaigneux de la main. « Faits ce que tu as à faire. Sache que Lortus a déjà assigné le Pierrefendeur à d’autres tâches, ne le dérange donc pas. Tu peux avoir ce dont tu as besoin, dans les limites du raisonnables. N’attends pas trop longtemps pour frapper. La carogne profite de l’occasion pour nous frapper ailleurs. Bientôt, elle se déplacera vers le nord, dans les terres où l’armée du dragon s’agite ».
Krueger fit une petite révérence à contrecœur et se tourna vers la sortie. Il s’arrêta au son de la voix du tout-puissant prenant la parole après une pause de réflexion.
« Krueger, il est fort probable qu’elle te provoque pour faire diversion et attirer nos forces à l’extérieur. Nous ne pouvons pas laisser d’autres sites vulnérables. Elle a manipulé les khadoréens en leur faisant croire que nous sommes responsables des nombreux maux qui les accablent depuis peu. Traverser les terres du nord de ces moments est dangereux pour un cape noir ».
« Je ne crains ni les vieux mythes ni les superstitions. Je vais où je veux et quand je veux ». Krueger s’éloigna à grand pas, ses yeux féroces promettant de batailles à venir.
« Je ne crains ni les vieux mythes ni les superstitions. Je vais où je veux et quand je veux ». Krueger s’éloigna à grand pas, ses yeux féroces promettant de batailles à venir.* * *
Le Lieutenant Kommandeur Vojin Zavor chevauchait aux côtés du nouveau Kapitan Ivdan Malkevich envoyé pour renforcer sa position. Sa compagnie, fraîchement arrivée de Volningrad, s’étirait derrière lui et progressait rapidement. Le jeune kapitan semblait clairement mécontent et malheureux d’avoir été envoyé au nord-ouest. Vojin avait déjà vu ça auparavant ; il savait que le Kapitan avait reçu ce commandement lors de sa promotion et qu’il rêvait de se rendre à Corbelgarde pour affronter ces chiens cygnaréens du sud. Il avait probablement pris cette affectation comme un signe de défaveur et ruminait les erreurs qu’il avait pu commettre. Aucun soldats ambitieux n’aspirait à rejoindre la Troisième Légion Frontalière.
Robuste et costaud, même selon les standards khadoréens, Vijin Zavor avait des épaules carrées et des stries grises dans son épaisse barbe. Les cheveux plus foncés et plus épais au nouveau de ses tempes avaient commencé à reculer et des pattes d’oies tapissaient le coin de ses yeux. Malgré son âge, l’intensité de son regard demeurait intact, tout comme le ton impérieux de sa voix lorsqu’il s’adressait à ses hommes. Son visage couvert de cicatrices portait les traces de nombreuses blessures anciennes. Il lui manquait deux doigts à la main gauche et, lorsqu’il se déplaçait à pied, il boitait fortement. Malgré tout, aucun officier parmi ses subordonnés n’aurait parié contre lui dans une bagarre. Dans sa jeunesse, il avait lutté contre des ours pour gagner de l’argent après de la foule lors de fête foraines itinérante près de Skirov. Ceux qui l’avait vu sans veste ni chemise parlaient de vieilles cicatrices sur tout son torse.
Dans certains milieux, on l’appelait le « Kommandeur d’Agha », car personne n’avait combattu plus longtemps au service de Zevanna Agha, la « Vieille Sorcière de Khador ». Cela lui conférait une réputation sombre et sordide qu’il utilisait à son avantage et semblait apprécier. Techniquement rattaché à la 3ème Armée au sein de la Troisième Légion Frontalière, la Kommandantura le postait partout où Zevanna le demandait et lui donnait le commandement des forces qu’elle souhaitait. Partout où Vojin se rendait, un flot de paperasse confuse suivait, les administrateur de l’armée inventant des explications plausibles pour les mouvements de troupes et les affectations de warjacks.
« Venez, Ivdan, chevauchons en tête ». L’officier supérieur bourru tira sur les rênes et fit galoper son cheval noir en direction de la colline. Le kapitan, manifestement inexpérimenté en selle, n’eut d’autre choix que de suivre moins confortablement sur sa jument brune. C’était une journée relativement chaude pour le début de printemps, mais le vent charriait avec lui l’odeur nauséabonde de quelque chose de gâté et pourri.
Alors qu’il avaient gravi la montagne et poursuivaient leur descente vers les ruines d’un village fumant, le kapitan commença à comprendre. « Qui a fait cela ? » Quelque chose avait clairement massacré tout le monde le village. Les mouches s’agglutinaient en nuages épais au-dessus de cadavres. La fumée qui s’échappait de quelques incendies persistants n’atténuait que légèrement l’odeur de la mort.
« Venez, voyez de vos propres yeux. C’est important ». Vojin souriait avec une férocité légèrement maniaque. Le kapitan hésitât, mais força sa monture à avancer, ignorant ses protestations tandis que ses yeux roulaient et qu’il piaffait mal à l’aise. « Allons-y à pied ». Le cheval de Vojin semblait bien habitué à de tels sites et pas du tout troublés par le carnage. Les deux descendirent de cheval. Vojin put voir à l’expression d’Ivdan que le fait d’être encore plus proche ne faisait qu’empirer les choses. Il hocha la tête d’un air satisfait. « L’une des premières tâches de votre kompagnie sera de donner à ces morts un enterrement digne de ce nom. Il vaut mieux s’habituer à l’odeur. Vous devez être déterminé lorsque vous commandez vos hommes. Ils ne peuvent peuvent pas voir le dégoût ».
Ils se dirigèrent vers un amas de cadavres bien visibles. D’étranges brutes musclées aux visages grotesques, des créatures de pierres et de bois et des hommes vêtus de peaux de loups gisaient au milieu de khadoréens morts. Les officiers remarquèrent des uniformes de l’armée khadoréenne, principalement des Gardes des Glaces, parmi les morts. Certains étaient jeunes, comme les hommes fraîchement arrivés de Volningrad qui se déplaçaient en se moment vers leur position. Le kapitan déglutit et tenta de maîtriser son choc.
Vojin s’exprimait presque avec désinvolture. « Les combats ont été brutaux ici. Malheureusement, mes forces sont arrivées tardivement alors que le village pour ainsi dire mort. Nous avons fait ce que nous pouvions pour les venger ». Il regarda Ivdan. « On m’a dit que vous avez été élevé dans la foi menite, Ivdan. Est-ce exact ? »
Le kapitan cligna des yeux, confus, avant de quitter les cadavres des yeux. « Oui, monsieur ».
« Je sais que vous n’êtes pas heureux de vous joindre à nous, de venir la servir. Il est probable que les prêtres vous ont farci la tête d’inquiétude. Vous pensez qu’elle est quelque chose de peu recommandable, quelque chose qui surgit des ténèbres ».
Le kapitan se racla la gorge : « Monsieur, je suis les ordre. Je suis ici pour servir- »
« Taisez-vous. Vous connaissez les histoires de Menoth et sa guerre contre le dévoreur. Le Bête au Mille Formes. Le Vomisseur de Ténèbres. Le vieil ennemi ». Il agita une main gantée vers les cadavres et les mouches. « Ici, vous pouvez voir que certaines vieilles histoires sont vraies. Je sais que vous espériez la gloire dans le sud, à Corbelgarde, mais ce que nous faisons ici est important. C’est pourquoi nous nous battons. Le Dévoreur se déplace parmi nous ici. Les fous des terres sauvages rôdant dans la forêt, des capes noirs, viennent voler les enfants durant la nuit. Vous avez entendu parler d’eux, vous les avez considéré comme un mythe. Je vous le dis, ils sont réels ».
Le kapitan baissa les yeux vers les étranges monstrueux cadavres. Peu d’hommes sains d’esprits pourraient prétendre au doute ou à l’incrédulité face à cela.
Vojin continuait à parler d’une cadence basse et hypnotique. « Ils viennent détruire ce que nos ancêtres ont oeuvré à construire. Ils réveillent ces monstres des ténèbres et les envoient contre nous. Celle que je sers se dresse contre eux. Elle que nous rejoignons. Elle est… différente de toutes les personnes que vous avez rencontrées. Elle va vous faire peur. Il n’y a aucune honte à cela. Comprenez que nous nous battons contre de telles horreurs. Vous êtes arrivés sur un étrange champ de bataille. Certains mythes marchent, kapitan. Ils ont des dents et ont soif de vous arracher la gorge ». Il toucha l’arme à feu à sa ceinture. « Ils saignent, et nous avons les armes pour les abattre ».
Il s’avança pour pousser un cadavres sur le dos avec sa botte. Le kapitan recula, dégoûté de voir une femme mutilée au point d’être méconnaissable. Le voix de Vojin était à la fois triste et en colère. « Celle-ci à probablement des fils. Peut-être vous êtes-vous entraîné avec eux. Peut-être combattent-ils à Cobelgarde. Je vous le dis, ses fils échangeraient volontiers leur place avec la votre. N’oubliez pas cela lorsque nous rejoindrons celle qui dirige notre défense de la Mère Patrie. Souvenez-vous en lorsque nous combattrons des sectateurs qui voudraient éclipser le soleil et nous donner en pâture aux loups ».