ROYAUMES D’ACIER > Background – Histoire des Royaumes d’Acier
Roman - STORMBREAK
elric:
— 29 —
NEMO LUTTAIT POUR RESTER ÉVEILLÉ, pour garder son corps défaillant droit et mobile pour quelques secondes de plus. Son armure fit le plus gros du travail, et il refusa l’aide des mékaniciens qui essayaient de le soutenir dans sa lente marche vers le pont.
Il avait mis tout ce qu’il avait dans moteurs du Perce-Nuage, les poussant dans leurs derniers retranchements avec chaque once de puissance arcanique qu’il avait pu rassembler. Cela avait fonctionné, et il avait rattrapé le Brise-Tempête, emboutit le pont du vaisseau khadoréen dans une tentative désespérée d’empêcher Irsuk de détruire la Première Armée et Corvis.
Il était resté presque comateux dans la baie médicale jusqu’à ce qu’il sente le vaisseau bouger à nouveau. Les médecins lui avaient dit qu’il avait été gravement blessé et les regards graves sur leurs visages en disaient plus que cela. Il était au-delà de la guérison. Et il en était conscient.
Nemo avait rassemblé suffisamment de force pour ordonner qu’on lui remette son armure. Un nuage noir de désespoir le suivait, mais quand il atteignit le pont et vit le Brise-Tempête se précipiter au loin d’eux, il pensa un instant que l’obscurité était simplement le poids de l’échec qui l’écrasait.
Puis une gigantesque couronne de lumière flamboyante s’épanouit. Toutes les personnes sur le pont se protégèrent les yeux ou s’éloigna du flash, mais pas Nemo. Il reconnut la signature énergétique. L’un des moteurs célestes avait surchargé. Il regarda avec une certaine satisfaction le vaisseau céleste se fendre en deux, sa partie arrière projetée dans la rivière tandis que sa section avant s’écrasait sur les quais et les entrepôts aux abords de Corvis. Il y aurait beaucoup de mort, mais rien de tel si le vaisseau avait heurté le centre-ville.
Puis il vit le Lieutenant Harcourt. Le jeune warcaster se couvrait les yeux, non pas pour les protéger du flash mais pour cacher les larmes qui coulaient sur son visage.
Némo réussit à faire dix pas sur le pont, à relever la tête de l’homme et à le regarder dans les yeux.
« Coleman ? » Croassa Nemo, sachant que c’était une question idiote. Savoir que cet éclat brillant de lumière était plus que la destruction d’un vaisseau céleste khadoréen. C’était le crescendo aveuglant final d’une vie remplie d’autant de douleur que de gloire.
« Non », répondit Harcourt.
Le nuage sombre se posa sur Nemo, arrachant le peu de force qu’il avait. Il réalisa qu’il tombait, plongeait dans cette noirceur, et l’accueillit avec gratitude.
. . .
L’OBSCURITÉ REFLUA, LA LUMIÈRE S’ACCRUT, et Magnus fut souleva par une force invisible. Au début, il pensa simplement qu’il était mort, que c’était son passage à Urcaen. Puis il brisa la surface du fleuve, aspira une grande gorgée d’air et expectora l’eau de ses poumons.
Cette toux et ce mouvement firent jaillir un profond sifflement du Mur-Tempête qui l’avait repêché dans le fleuve. Il le tenait aussi prudemment que possible dans une gigantesque main de métal, puis il se dirigea vers la rive, de l’eau jusqu’à sa taille.
« Pose-le, cria une grande et agile femme en armure de warcaster, un gros fusil cinémantique posé sur l’une de ses épaules. Magnus reconnut le Capitaine Kara Sloan. Il n’avait pas réalisé qu’elle faisait partie de la Première Armée, mais il supposait que ses compétences lui permettait de pouvoir se déplacer un peu. L’oeil et l’esprit vif, elle avait probablement vu sa chute et avait agi rapidement pour le repêcher. Il était également certain qu’elle lui avait tiré dessus plus d’une fois, avant que ne renfile le bleu.
Le Mur-Tempête plaça Magnus sur la pelouse herbeuse au bord du rivage puis, à sa surprise, plaça le corps mou du Kommandeur Strakhov à côté de lui. Les médecins se précipitèrent pour les aider tous les deux, mais Magnus leur fit signe de partir.
« Assurez-vous qu’il vive », dit-il en désignant Strakhov.
« Vous avez besoin de soins médicaux, Major », dit Sloan, en le fixant du regard, ses yeux évaluant, jugeant. Elle n’avait pas tort ; il ne pouvait plus compter ses blessures, et son corps tout entier semblait fait d’os brisés, d’élongations et de chair brûlée.
« Sans doute aucun, Capitaine », répondit Magnus, en étouffant la douleur, en la repoussant, comme il l’avait fait une centaine de fois auparavant. Il ne pouvait toujours pas bouger son bras droit, alors il tendit sa main gauche, gêné d’avoir besoin d’aider pour se relever. Quel vieil imbécile fatigué il devait faire.
Kara Sloan attrapa la main de Magnus, sa prise sûre et forte, et le tira debout. Il se souvint soudain que son armure de warcaster était inutilisable, et son poids le fit presque retomber là où il se tenait.
« Capitaine, je suis reconnaissant pour le sauvetage. Mais pour le moment, dites-moi l’état de la Première Armée. »
« Nous devons vous enlever cette armure, monsieur », dit Sloan
« En temps voulu. Rapport, capitaine. »
« Oui, monsieur », dit-elle à contrecœur. Contrairement aux warcasters et aux officiers avec lesquels il avait servi, le Capitaine Sloan ne s’était pas habitué à l’idée qu’Asheth Magnus porte le Cygnus et aie un grade supérieur. « Les premiers rapports font état de mille morts et au moins autant de blessés. Ce maudit vaisseau nous a pilonné jusqu’à ce que ses canons s’éteignent. »
Magnus sourit sinistrement et scruta le ciel. « Où est le Brise-Tempête ? »
Sloan désigna l’est et Magnus se leva. Le vaisseau était distant de deux ou trois kilomètres, longeant le fleuve et se rapprochant de Corvis, crachant de la fumée et des morceaux. Il pouvait observer la Première Armée déployée devant la ville, l’artillerie et les warjacks tirant sur le Brise-Tempête.
Il ouvrit la bouche pour dire au Capitaine Sloan que la Première devrait économiser leurs munitions lorsqu’un éclair brillant empli les cieux au-dessus de Corvis, un nimbe de destruction voltaïque comme il n’en avait jamais vu auparavant.
Des cris et des hurlements d’admirations s’élevèrent des soldats à proximité, et même de Sloan, normalement stoïque dit : « Les Dents de Thamar. »
Le Brise-Tempête craqua comme une planche pourrie brisée sur un genou. Sa partie arrière s’enfonça à moitié dans le fleuve tandis que le reste, presque propulsé par l’explosion l’ayant brisé, s’écrasait sur les quais aux abords de Corvis.
« Je ne comprends pas », dit Sloan. « Toutes nos soldats avaient quitté le Brise-Tempête. Comment est-ce arrivé ? »
« Vous avez déjà vu une turbine arcanique exploser, capitaine ? » Demanda Magnus, l’effarante réalisation s’installant lentement sur lui tel un linceul de fer.
Sloan aperçut le visage de Magnus et peut-être devina son effroi. Elle secoua lentement la tête.
« Ça ressemble à ça, mais en mille fois plus petit », dit-il, en essayant de contrôler le tremblement de sa voix. Ce n’était pas seulement de la fatigue. Une pensée rejoignit le chaos de la colère et du chagrin dans son esprit : Cela aurait dû être moi.
« Je ne comprends pas, monsieur », dit Sloan. « Comment ? »
Magnus tomba à genoux, le poids de son armure, le poids de ses décisions le poids de sa vie trop lourd à supporter plus longtemps. « Stryker. »
elric:
— 30 —
LES RUES DE CASPIA ÉTAIENT NOIRES DE MONDE. Des milliers et des milliers de personnes remplissait ses avenues étroites et sinueuses, créant ainsi leur mur à eux dans une ville connue sous le nom de ville des remparts. Ce n’était pas un rassemblement pour célébrer ou pour protester contre les événements qui faisaient habituellement sortir les foules de leurs foyers. Sous un plafond nuageux gris acier, le silence régnait à Caspia. Les gens se tenaient silencieux et sombre, beaucoup portant des brassards blancs représentant le Cygnus, le grand cygne de Cygnar, en noir.
Tous regardaient une ligne de soldats, dirigées par une centaine de lances-Tempêtes, flottant à leurs électro-lances le même cygne noir, se déplacer dans le centre de la ville. Derrière eux se trouvaient cent chevaliers Précurseurs laissaient la place au bleu brillant des Lames-Tempêtes, ceux qui avaient servi au plus près du sujet de la sinistre procession.
Le cercueil du Seigneur Général Coleman Stryker était une parfaite boîte blanche en acier émaillé. L’étoile rayonnante morrowéenne et le grand cygne avaient été gravés en argent sur sa surface – la nation de l’homme et son dieu – mais ce n’était pas pour ces choses qu’il avait sacrifié sa vie. Non, ils marchaient tout autour de lui, les hommes et les femmes qui s’étaient battus avec lui, pour lui, à cause de lui. Il était mort pour eux, et leurs mains le portaient à son dernier lieu de repos dans le Sancteum.
Le nom de ceux qui portaient le cercueil étaient une litanie de héros, qui avaient tous combattu aux côtés du chef de Division Tempête. Victoria Haley, Markus Brisbane, Elizabeth Maddox, et Kara Sloan, ils portaient tous leur ami et commandant. D’autres ne brillaient que par leur absence : Sebastian Nemo, et Asheth Magnus, le premier touché et s’accrochant à la vie dans le même conflit ayant emporté Stryker. Le second, qui s’était longtemps considéré comme un ennemi du seigneur général, s’était récusé de l’honneur de porter le cercueil, malgré les discrets du Haut Chancelier Leto Raelthorne et même du Roi Julius Raelthorne en personne. Magnus avait avancé l’excuse que ses blessures l’empêchaient d’exercer de telles fonctions, mais il était excusé parce que la vérité était aussi claire que les blessures qu’il affichait : il ne se sentait pas digne.
D’autres visages, alliés et amis, suivaient derrière les porteurs et leur précieuse cargaison. Ashlynn d’Elyse, William Harcourt et la grande forme imposante du vieux warjack Vî Arsouye. D’une manière ou d’une autre, Le Cuirassier réussissait à se déplacer avec un air sombre aussi révélateur et déchirant que n’importe lequel des petits humains à ses côtés.
Des centaines d’autres soldats suivaient : des chevaliers, des pionniers, des rangers, tous issus d’unités ayant servi sous le commandement du seigneur général.
Enfin, le cortège funèbre atteignit les murs du sanctuaire et les franchis. Là, des milliers d’autres soldats et de citoyens attendaient devant les imposantes flèches de la cathédrale de l’Archicour, le siège de l’Exarque Dargule et la plus grande église de Morrow du pays.
À l’intérieur, les porteurs portèrent le cercueil de Stryker à travers la nef, ses bancs remplis de personnes en deuil, et enfin jusqu’à l’autel, où il fut posé doucement par les quelques honorés. Les personnes qui étaient rassemblées autour de lui – l’Exarque Dargule, le Haut Chancelier Leto Raelthorne et le Roi Julius Raelthorne – étaient les plus hautes autorités du pays.
Le primarque débuta une prière, en exhortant Morrow à escorter un héros tombé à Urcaen où il reprendrait l’épée et combattrait les serviteurs du Ver. Cette prière, bien qu’appropriée, sonnait creuse et forcée, un rituel superficiel accompli pour un homme dont le cœur et l’esprit étaient plus préoccupés par les souffrances terrestres que par toute guerre au-delà du royaume des mortels.
Après la prière, le silence se fit et le Haut Chancelier Leto Raelthorne pris la parole. L’ancien roi parla clairement, humblement et honnêtement d’un jeune qui l’avait aidé à monter sur le trône, se détournant de ce qu’on lui avait enseigné sur l’honneur et le devoir de lutter pour quelque chose en quoi il croyait, quelque chose qu’il savait être juste. Ces paroles et les autre qui suivirent, trouvèrent un écho plus favorable dans le coeur et l’esprit des personnes présentes dans la cathédrale. Ils rappelaient, à chaque homme et femme, qui avait été Coleman Stryker – en vérité, un vaisseau imparfait qui s’était battu férocement, même avec acharnement, pour sa nation et pour ceux qui combattaient à ses côtés.
D’autres voix se joignirent à celle de Leto, alors que ceux qui avaient connu Stryker parlèrent de son héritage, de son impact sur leur vie. Les warcasters, tant cygnaréen et ceux issus de ses alliés, se souvinrent à voix haute qu’il avait dressé l’épée ou un préparé un sort pour défendre leurs vies, leurs foyers ou leurs nations.
Des dizaines de personnes s’exprimèrent et plus sûrement l’avaient désiré, mais les nuages gris avaient commencé à s’amonceler alors que la nuit tombait sur Caspia, et l’Exarque Dargule débuta une intonation, un hymne grave à Morrow, repris par toutes les personnes présentes. Les voix ne s’élevèrent pas en chant mais en prière consciencieuse, et cette fois, il y eut de l’honnêteté dans les paroles et une profonde tristesse qui montaient parmi les chevrons de la grande cathédrale.
Alors que la prière s’achevait et que les derniers mots furent prononcés, le soleil perça les nuages. Ses rayons lumineux frappèrent le mur de vitraux au-dessus de la nef de la cathédrale. Là, une représentation de Morrow avait été méticuleusement coulée, et comme le soleil frappait la sainte statue, elle projeta le reflet du dieu sur le sol de l’église. Ce n’était peut-être qu’une insignifiante coïncidence que l’épée de Morrow fut projetée sur le cercueil de Stryker alors que son arme était conduite par le primarque dans l’au-delà, mais cette lame brillante d’azur et de blanc éblouissant s’attarda après que le soleil disparaissait derrière les nuages, s’attardant dans l’obscurité qui suivit, et certains disent qu’elle s’attarde toujours sur le cercueil de Coleman Stryker alors qu’il repose dans le Sancteum parmi les héros tombés de Cygnar.
. . .
LE BUREAU ÉTAIT NOUVEAU. LE BÂTIMENT ÉTAIT NEUF. L’armure sur le support sous le drapeau cygnaréen était nouvelle – une véritable armure de warcaster, le Cygnus brillant et fier sur le champ bleu profond de la cuirasse. L’armure bricolée que Magnus avait porté pendant les deux dernières décennies n’était guère plus que ruine, découpée de son corps après qu’on l’eut traîné hors du Fleuve Noire.
Son titre était également nouveau. Il avait été promu au rang de général et avait reçu le commandement de la Division Tempête. Quand Leto lui avait annoncé quelques jours après les funérailles, il avait ri aux éclats. Il avait été salué comme un héros pour ce qui équivalait à de la chance. Il n’aurait pas dû survivre, et Stryker n’aurait pas dû mourir. Ils savaient tous que le meilleur homme s’en était allé dans sa tombe, tandis qu’un vieux soldat fatigué, autrefois qualifié de traître, le remplaçait.
Magnus était assis derrière son bureau nu, la seule vieille chose dans la pièce. Il était le dernier d’une race mourante. Sa génération s’était éteinte ou avait accepté une stature moindre dans le nouveau Cygnar. Vinter était mort, Nemo s’accrochait à la vie et la plupart disaient qu’il ne se réveillerait jamais et Leto avait abdiqué son pouvoir au fils de son frère, le frère que Magnus avait soutenu pendant vingt ans de trahison clandestine puis de guerre pure et simple. Tout cela semblait tellement inutile maintenant.
Ils avaient gagné, supposait-il. Irusk avait été vaincu, ses vaisseaux célestes détruits, Corvis sauvé. L’arrivée des forces ordiques et de la Première Armée à Merywyn avait mis en déroute les troupes khadoréennes restantes là-bas. Le Llael avait récupéré sa capitale, mais sa jeune reine régnait depuis Caspia, aux côtés d’un roi cygnaréen. Cependant, il n’y avait pas eu de célébrations dans les rues. Tous portaient toujours le Cygnus noir, et tout le monde savait que Khador avait été stoppé mais pas battu.
Un coup retentit à la porte et Magnus leva les yeux alors qu’un sergent d’état-major entra et salua.
« Qu’y a-t-il, Homes ? » demanda Magnus à son chef d’état-major, un autre élément dans sa vie. La plupart des soldats qu’il avait emmenés avec lui lorsqu’il avait rejoint l’armée cygnaréenne étaient soir mort, soit affectés à différentes divisions. Leto avait presque certainement installé des hommes et des femmes dans son état-major pour le surveiller. Peut-être même le Sergent Holmes.
« Le Lieutenant Harcourt est ici pour vous voir, monsieur », déclara le Sergent Holmes.
Magnus fronça les sourcils. Il n’avait pas de rendez-vous avec le jeune warcaster, et Harcourt avait été affecté au Major Maddox afin de continuer sa formation de compagnon. « Faites-le entrer. »
Holmes quitta, et Harcourt entra. Il avait toujours l’air de nager sans son armure, bien que comme Magnus, son équipement abîmé avait été remplacé par une nouvelle armure légère de warcaster. Il portait à deux mains un objet long enveloppé de tissus et s’arrêta à quelques pas du bureau de Magnus.
« Comment le Major Maddox vous traite-t-elle, lieutenant ? » Demanda Magnus.
« Elle a été bonne avec moi, monsieur », répondit Harcourt, puis il jeta un coup d’oeil au paquet dan ses mains/ Magnus réalisa que c’était une sorte d’arme – grosse et encombrante. « Elle, euh, m’a envoyé avec ça. Et avec de nouveaux ordres. »
Magnus se leva, bien que ses genoux soient soudainement pris de tremblement. « Montre-moi. »
Harcourt s’approcha et posa le paquet sur le bureau avec un doux bruit métallique. Il déballa l’objet et la lueur propre de l’acier et du laiton poli brilla.
Le coeur de Magnus s’emballa et sa gorge se serra. Il s’approcha et posa sa main gauche, celle de chair et de sang, sur la lame de Vif-Argent. La grande lame de la grande épée caspienne avait survécu pratiquement indemne à la dévastation qui avait tué son propriétaire.
« Elle a été trouvée dans l’épave il y a une semaine et envoyé de Corvis au Haut Chancelier Leto », dit Harcourt.
Magnus agrippa le bord de son bureau, soudainement irrité que ce rappel de ce qu’il avait perdu lui soit apporté, étendu devant lui, le forçant une fois de plus à revivre des décisions qu’il remettrait en question pour le reste de sa vie. « Pourquoi l’avez-vous amené ici, lieutenant ? »
Harcourt déglutit et fronça les sourcils. « Le Major Maddox m’a envoyé, monsieur. Je pensais que vous seriez … heureux de l’avoir. »
Magnus secoua la tête, la colère disparaissant dans un raz-de-marée de chagrin et de souvenir. Pas des souvenirs de sang et de trahison que Stryker et lui avaient partagés au cours des vingt dernières années, mais un souvenir plus ancien et plus fort, un souvenir auquel il n’avait pas cédé durant des décennies. Il se mit à parler, probablement parce qu’à ce moment-là il avait besoin de partager son souvenir ou peut-être parce que c’était la seule chose qui le sauverait du désespoir qui menaçait de le submerger.
« Je lui ai appris à se battre, tu sais », dit-il, ne se souciant pas que sa voix tremble, que ses yeux débordent de larmes depuis longtemps cachées. « Nous avions quitté son village et faisions route vers Caspia la première fois que je lui ai mis une épée dans les mains. Une grande épée caspienne, comme celle-ci. »
Harcourt demeura silencieux, sachant qu’il était témoin et non participant du moment.
« C’était à une époque où le don était interdit, vois-tu », poursuivis Magnus, « mais j’ai trouvé Stryker tout comme il t’a trouvé. Je connaissais son père et sa mère, et j’avais des raisons de soupçonner que leur fils serait un warcaster. »
Magnus posa sa main sur la poignée de Vif-Argent et souleva la lame de la table. « Il s’est plaint du poids de l’épée, la première fois, mais je l’ai vu la manier, et j’ai su qu’il était un guerrier né. »
« C’était le meilleur homme avec qui j’ai servi, monsieur », déclara Harcourt. L’aveu fit fleurir un sourir sur le visage de Magnus. Harcourt était un soldat professionnel depuis bien peu de temps par rapport à la durée de vie de Magnus, mais il ne doutait pas de la sincérité de l’homme.
« C’était un fils de pute têtu et obstiné », dit Magnus, son sourire s’élargissant. Il essuya ses yeux, ne se souciant pas que son chagrin soit si évident, si franc, et pour une fois, si honnête. Que lui restait-il d’autre ? « Il était aussi l’homme le plus courageux et le plus honorable que j’aie jamais rencontré. Je … l’admirais. »
Les dernières paroles, il ne les avait jamais exprimés à voix haute, ne s’était jamais laissé aller à la réflexion, mais la vérité le frappa aussi brutalement que n’importe quel coup d’épée échangé avec Coleman Stryker.
« Il était facile à admirer », déclara Harcourt. « Il a vu quelque chose en moi que je ne savais même que je possédais. Il a pris cette qualité ou ce don, et il l’a fait mien, en a fait quelque chose dont je pouvais être fier. »
Le jeune warcaster n’avait plus l’air accablé ou naïf ; en fait, Magnus ne l’avait jamais entendu aussi confiant en disant : « Peut-être est-ce vous qui lui avez offert cela. »
Magnus secoua la tête. Il ne voulut pas laisser son esprit s’égarer trop loin sur cette voie. Il avait peur de l’endroit où cela pourrait mener. « Vous avez parlé de nouveaux ordres, lieutenant. Dites m’en plus. »
Harcourt se racla la gorge et tendit à Magnus une enveloppe scellée qui portait le sceau personnel de Leto. Il l’ouvrit et trouva une unique lettre à l’intérieur. Dessus, il y avait deux phrases écrite de la main de l’ancien roi.
Je vous réaffecte le Lieutenant Harcourt pour la fin de sa formation de compagnon. Mes secondes chances dans cette vie son rare, Asheth ; ne laissez pas passer celle-ci.
Les secondes chances, pensa Magnus. Pour quoi faire ? « Lieutenant, vous comprenez ce que ça dit ? »
Harcourt fit un signe de tête. « Pas spécifiquement, mais je connais mes ordres. Vous m’avez beaucoup appris sur le terrain, et j’ai hâte d’en apprendre davantage avec vous. »
« Je suis passé par là, Harcourt », répondit Magnus. « Regardez où cela nous a mené. Regardez ce que cela a coûté. »
« Monsieur, si je peux m’exprimer librement », dit Harcourt, et quelque chose vacilla dans ses yeux, quelque chose que Magnus n’avait jamais vu auparavant chez le jeune warcaster, pas même quand il luttait pour sa vie. Le Lieutenant William Harcourt était en colère.
L’émotion intrigua Magnus. « Parlez, lieutenant. »
Harcourt prit une inspiration pour se calmer. « J’ai appris comment vous aviez grandi, Comment vous avez voulu renverser le Roi Leto et installer son frère Vinter sur le trône. Ils ont dit que vous étiez un traître, un lâche et un meurtrier. »
« Eh bien, c’est une approbation retentissante, Lieutenant », répondit Magnus. Aucune de ces étiquettes ne l’avait dérangé auparavant, pas même quand il était ces choses, mais les entendre de la part d’Harcourt, de cette façon, le blessait.
« Puis-je finir, monsieur ? » La voix d’Harcourt était tranchante.
« Bien sûr, lieutenant. »
« Et puis, j’ai servi avec vous, combattu à vos côtés, vous ai vu regardé diriger des soldats et gagner leur respect parce qu’il savait, monsieur. Il savait que vous suivre signifiait suivre un chef, un vrai cygnaréen.. Vous avez peut-être été toutes ces autres choses que les gens disaient que vous étiez, mais vous êtes tous aussi noble, compétent et courageux, et vous auriez donné votre vie pour le Cygnar et les hommes et les femmes qui se sont battus pour lui. Morrow avait juste des plans différents. »
Magnus resta silencieux, surpris par les paroles du jeune warcaster. La gentillesse de ces dernières et plus encore la conviction qu’il avait en elles. Il s’était considéré comme un agent du chengement, un mal nécessaire pour amener un Cygnar qui serait meilleur pour tous. Avec Julius sur le trône, il croyait avoir accomplis cela, mais il ne se faisait aucune illusion sur l’homme qu’il était devenu pour rendre cela possible.
Harcourt ne lui laissa pas le temps de s’étendre davantage. « Je veux devenir l’homme que j’ai vu combattre à Rynyr et Croix-des-Fleuves et Merywyn. Je veux apprendre de cet homme, je veux le voir brandir cette épée » — il pointa Vif-Argent — « et la porter fièrement. »
Magnus réalisa qu’il tenait toujours Vif-Argent, et un flot d’émotion le submergea. Avait-il encore une valeur dans ce nouveau monde ? Avait-il encore quelque chose à donner ? Il secoua la tête et reposa Vif-Argent sur son bureau. « Non, cette épée ne m’appartient pas. »
« Monsieur, je ne suis pas d’accord », commença Harcourt mais Magnus le réduisit au silence en levant la main.
« Je n’en suis pas digne », dit Magnus. « Peu le sont. »
Il fixa Harcourt, trouva les yeux du jeune homme – ils étaient d’un bleu profond, bleu Cygnar - et tint son regard. « Mais un jour, tu pourras l’être. »
Ce vieux doute avec lequel Magnus s’était familiarisé au cours des derniers mois revint sur le visage d’Harcourt. « Je ne sais pas, monsieur. Je ne sais même pas comment manier une grande épée caspienne. »
Magnus sourit, ressentant quelque chose comme de l’espoir pour la première fois depuis des mois, peut-être des années. « C’est une chose auquel je peux remédier. »
« Alors vous m’acceptez comme compagnon ? »
« Le Haut Chancelier l’a ordonné », répondit Magnus, « et je suis un bon soldat. Je suis les ordres. Enfin, maintenant, je le fais. »
Harcourt salue, son vissage brillant de joie et peut-être du même espoir que Magnus ressentait.
« Excellent, monsieur Quand commençons-nous ? »
« Allez voir le Sergent Holmes à l’extérieur », répondit Magnus. « Il arrangera tout. Vous êtes congédiés jusqu’à ce que je vous appelle. »
Harcourt hocha la tête et sorti du bureau de Magnus, en fermant la porte derrière lui.
Magnus s’assit sur sa chaise, laissant la fatigue de l’âge et des batailles s’installer. Cette fois-ci, il eut l’impression d’avoir gagné plus que subit.
Il enveloppa à nouveau Vif-Argent dans le tissu bleu, puis il prit la lettre de Leto et la relut. Le Haut Chancelier avait parlé de secondes chances, et Magnus qu’il la voulait, mais pas pour lui.
Une fois, il y a longtemps, il avait pris sous son aile un talentueux jeune homme, un homme dont le destin flamboyant aussi brillant que tout ce que Magnus avait vu. Cet homme était devenu grand malgré lui malgré toutes ses tentatives de le démolir, voire de le tuer. Harcourt était la deuxième chance dont Leto parlait.
Alors qu’il pliait la lettre du Haut Chancelier et la rangeait, Magnus décidé que le Lieutenant William Harcourt deviendrait un grand warcaster, un grand homme grâce à lui.
elric:
- À PROPOS DE L’AUTEUR -
Aeryn Rudel est un écrivain indépendant et concepteur de jeux à Seattle, Washington. Il est l’auteur de la série Actes de Guerre publiée par Privateer press, et ses nouvelles ont été publiées dans The Arcanist, Factour Four Magazine et Pseudopod, entre autres. Aeryn est un notoirement un dinosaure nerd, un connaisseur du baseball, et a maîtrisé l’art de se battre avec des objets en forme d’épée (mais pas de vraie épées). Il offre parfois des conseils douteux sujets de l’écriture et du rejet (principalement le rejet) sur www.rejectomancy.com ou Twitter @Aeryn_Rudel.
elric:
FLASHPOINT
ACTES DE GUERRE I
par Aeryn Rudel
Le Seigneur Général Coleman Stryker est l’un des plus grands héros des Royaumes d’Acier. En tant que warcaster, Stryker commande les armées de Cygnar et dirige les puissants automates à vapeur connus sous le nom de warjacks.
Choisi par son roi pour libérer les terres conquises de Llael par l’ennemi de longue date de Cygnar, l’Empire de Khador, Coleman Stryker se voit contrait de travailler avec l’un de ses ennemis les plus acharnés : le mercenaire en exil Asheth Magnus, un homme à qui le roi de Cygnar doit la vie. Sans contrôle, Magnus pourrait facilement trahir Stryker, saper sa mission ou mettre le Cygnar à genoux. Mais pour revendiquer la victoire de son roi, Stryker devra trouver un moyen de faire confiance à un homme en qui il ne peut avoir confiance.
Alors que la guerre contre le Khador et ses propres féroces commandants se profile, le succès ou l’échec de Stryker deviendra le point de rupture qui déterminera le sort de tous les Royaumes d’Acier.
AFTERSHOCK
ACTES DE GUERRE II
par Aeryn Rudel
Dans la foulée de la défaite des khadoréens à Croix-des-Fleuves, le Seigneur Général Coleman Stryker s’avance plus profondément en territoire ennemi pour préparer un assaut majeur. Mais il n’est pas préparé à l’avalanche d’une énorme contre-attaque des khadoréens. L’Impératrice Ayn Vanar et le Kommandant Suprême Irusk envoient les plus redoutables warcasters de leur nation pour riposter contre les envahisseurs et sécuriser à tout prix ses territoires conquis. L’espoir prend la forme d’Ashlynn d’Elyse, warcaster et chef de la Résistance Llaelaise, une femme qui n’aime pas le Cygnar mais qui pourrait devenir une puissante alliée si elle était convaincue d’aider. Avec Asheth Magnus, l’ennemi devenu Stryker, cette improbable équipe doit se battre pour préserver bien qu’elle soit en infériorité numérique, surpassée et acculée avec seulement leur présence d’esprit et quelques warjacks pour sauver leur cause de l’annihilation totale…
Titi:
Cool !!! Et merci ! ;D
(Je n'avais lu que les 3 premiers chapitres en anglais...)
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