PARTIE DEUX
Le Halle des Ancêtre était un lieu sacré, et le seul bruit était celui de leurs pas sue la pierre. À cette heure tardive, les tailleurs de pierre de la caste ouvrière étaient partis et seuls quelques laudateurs se déplaçaient dans l’ombre. L’Archdominar Vaactash éclaira leurs chemin à la seule lueur d’une lanterne. La lumière pâle éclairait les rangées de statues sur leur passage. Makeda pensa que les Gardiens Ancestraux la dominaient, tout comme son grand-père.
« Ne recula pas devant eux, mon enfant. Ce sont tes ancêtres exaltés et leurs compagnons vénérés. Ils ont vécu pour la Maison Balaash. Nous sommes l’aboutissement de leurs grandes œuvres », prononça doucement Vaactash. « Chacun d’eux a une histoire ».
« Oui. Père a ordonné aux domestiques de nous donner des résumés », répondit Makeda.
« Et bien sûr, quand les résumés ne suffisent pas, on lit tout dans la bibliothèque... » Ce n’était pas une question.
Makeda se sentit soudaine nerveuse. Était-ce pour cela qu’elle avait été convoquée au Hall ? Dans une société basée sur la force et née dans une caste élevée pour la guerre, les activités universitaires étaient mal vies. Le temps consacrés à des arts mineurs aurait pu être consacré à des choses plus importantes. Pourtant, on ne pouvait pas en désaccord avec l’archdominar. La demi-oreille manquante d’Akkad en était un rappel constant de ce fait. « Oui, Grand-père. J’ai lu les histoires. En vérité, je les trouve... » elle s’interrompit.
Vaactash fit une pause. La lanterne projetait des ombres prononcées autour de ses traits décharnés, ses yeux n’était rien de plus que des points blancs au sein d’un trou noir. « Achève ta phrase ».
« j’ai lu toutes les histoire de mes ancêtres et elles m’inspirent ».
« Comment ? »
« Je souhaite imiter leurs succès... » Elle jeta un coup d’oeil aux statues. Au sein de chacune d’entre elles se trouvait une pierre sacrale, et dans chacune de ses pierres reposait l’essence spirituelle d’un héros tombé pour l’honneur de la Maison BalaasH. Elle ne voulait pas offenser, mais la vérité s’imposait. « Mais évitez leurs erreurs ».
Vaactash hocha la tête une fois, l’expression indéchiffrable. « Cette réponse est acceptable ». Puis la lumière s’éteignit et le vieux guerrier poursuivit son chemin dans le couloir. Malgré une vieille blessure qui avait laissé Vaactash boiter, Makeda dû se dépêcher pour suivre avec ses
petites jambes.
Un peu plus tard, ils atteignirent le centre de la salle. Vaactash s’arrêta devant la plus grande statue. Il se retourna vers elle, la lanterne projetant à nouveau des ombres bizarres sur ses traits. « Sais-tu pourquoi cette statue est spéciale ? »
Makeda acquiesça. « C’est parce qu’elle ne contient pas encore d’essence ». Les tailleurs de pierre travaillaient dur sur ce projet depuis des années, pendant ce qui semblait être la majeure partie de sa courte vie. C’était le plus bel exemple du savoir-faire de la caste des artisans au sein de tout le Hall. C’était une représentation stylisée de son grand-père, mais en beaucoup plus jeune, une version qu’elle n’avait jamais vue en personne et qu’elle avait franchement du mal à imaginer. « Ce sera votre lieu de repos exalté, Grand-père ».
Vaactash se retourna vers la statue et la regarda longuement. Makeda demeura silencieuse, ne sachant pas pourquoi elle avait été convoquée au milieu de la nuit. « Nous sommes toujours aussi dévots dans notre culte... » Vaactash parla lentement, pesant chacune de ses paroles avec soin, « pour un peuple qui n’a pas de dieux ».
Makeda savait ce que disaient les enseignements ancestraux à ce sujet. « Les skorne n’ont pas besoin de dieux. À travers les épreuves, nous avons forgé notre propre voie. Seuls les faibles ont besoin de dieux ».
« Ainsi est-il écrit… Là où il n’y avait qu’une terre en friche, nous avons bâtit notre monde. Nous avons forcé les cultures à sortir du sable, subjugué les bêtes des plaines et appris le pouvoir résidant au sein du sang et de la douleur ». Le plus grand guerrier vivant demeura fixé sur sa statue. « Et qu’arrive-t-il à ceux d’entre nous qui meurent sans atteindre l’exaltation ? »
La testait-on ? « Il n’y a que le Néant ». C’était un lieu d’une infinie noirceur, une éternelle souffrance sans limite que même le plus créatif des doloristes ne pourrait jamais espérer imiter. À l’exception des rares exaltés ou de leurs compagnons vénérés, tous les skorne étaient voués à un éternel tourment.
« Il y a bien longtemps, l’exaltation n’existait pas...Nous étions tous envoyés dans le Néant. Ce n’est que grâce à la sagesse de Voskune, Ishoul et Kaleed que nous avons appris préserver notre essence, nos esprits pouvaient être conservés en sécurité dans une pierre sacrale. Notre sagesse pourrait être conservés pour être partagée avec nos descendants et, en cas de besoin urgent, nos honorables ancêtres pourraient même revenir se battre pour leur Maison ».
« C’est une grande bénédiction », reconnu Makeda.
« Pourtant, même après la révélation, très peu de personnes peuvent être sauvées. Il fallait faire des choix. Qui survivrait et que serait voué à une mort éternelle ? Il fallait mettre de l’ordre. C’est le Dominar Vuxoris qui devint le premier Exalté. Ce sont ses enseignements qui deviendront l’hoksune, le code régissant la conduite de tous les guerriers. Il fut donc déclaré que seule l’adhésion aux principes nous permettrait de prouver notre valeur. Seul le plus grand des guerriers peut mériter l’exaltation. Pour tous les autres, il y a le Néant ».
« Mais, Grand-père, vous avez gagné votre place parmi nos ancêtres. Avec le temps, mon père Telkesh, le fera aussi. Je vais faire la même chose ».
« Quand j’ai appris que vous négligiez ta mortitheurgie pour lire les histoires, j’ai été en colère – la sang de Balaash n’est pas le sang d’un érudit- mais je peux maintenant voir que ce n’était pas nécessaire. Il y a une place pour une telle connaissance parmi la caste des guerriers.
Makeda se sentit soulagée de savoir pourquoi elle avait été convoquée, et plus encore de savoir qu’elle avait réussi le test de l’archdominar. « Mes ancêtres me guideront que je vaincrai les ennemi de notre maison ».
« Et il doit toujours y avoir des ennemis… Je ne pense pas que tu comprennes le fardeau de la caste des guerriers. Tu as assez grande maintenant. Je vais te raconter une histoire. Vaactash s’appuya contre sa statue, soulageant sa jambe infirme dans une rare démonstration de faiblesse.
« Il y a deux générations, j’ai visité les îles au sud de Kademe. Ce fut la première fois que je vis la mer. Elle est bien plus grande que le Lac Mirketh. Elle semble s’étendre plus loin que ce que l’oeil peut voir, plus loin même que les déserts.
Une telle quantité d’eau semblait inconcevable, mais Makeda n’osa pas remettre en question la véracité de l’archdominar. Elle préférait avoir des oreilles bien formées et pointues, et non mutilées par du tissu cicatriciel.
« De puissants prédateurs vivent sous le mer. Ceux qui pêchaient dans les eaux profondes parlaient d’une bête redoutable mangeant tout sur son passage, alors j’ai contacté l’un des dresseurs locaux pour en savoir plus.
Makeda hocha la tête. Bien sûr, toute personne habile dans l’art de la mortitheurgie serait intéressée par une nouvelle fascinante bête. Celles qui pourraient être brisées pourraient être des armes ou des outils utiles, et celles qui ne pouvant pas pourraient fournir des leçons d’anatomie.
« Le dresseurs m’a beaucoup parlé de ce puissant poisson. Il avait plus de dents qu’un ferox et était le tueur ultime de son royaume. Il pouvait sentir le sang couler à des kilomètres de distances et n’hésitait jamais à détruire les faibles ».
Cela semble merveilleux ».
« En effet. Pourtant, ce n’est pas ce qui m’a le plus fasciné. Vois-tu, cette bête maritime doit être constamment en mouvement, chassant, à la recherche d’une proie, sinon, elle va mourir. On ne peut pas le restreindre, car s’arrêter de bouger, c’est périr. Ce n’est pas sa force, ni sa sauvagerie qui m’ont impressionné. Non… C’est ce besoin constant de lutte qui m’a rappelé la caste des guerriers ».
« je ne comprends pas, Grand-père ».
« Tout comme le prédateur marin doit perpétuellement chasser, nous devons avoir perpétuellement des conflits. Nous sommes des instruments de guerre. Ce n’est que par la guerre que nous pourrons atteindre l’exaltation. Si cette opportunité nous est supprimée, alors nous cessons d’être skorne ».
« Les maisons ne cesseraient jamais de se battre ! Ce serait de la folie ».
Vaactash rit. « Peut-être… Peut-être que je ne suis qu’un vieux guerrier décrépi et que mon esprit à tendance à vagabonder vers des pensées abstraite. Tu as appris comment nos ancêtres se battaient, mais maintenant tu dois vraiment comprendre pourquoi ». Sa voix devint dangereusement basse. « Ce n’est que par le conflit que nous pouvons devenir purs, et seuls les purs peuvent être exaltés. C’est pourquoi nous devons toujours nous battre. Les conflits sont notre seule opportunité d’éviter d’être jeté dans le Néant. Toute notre société est basée sur cela ».
Makeda s’inclina, reconnaissant pour la sagesse que l’archdominar avait partagée.
« Sais-tu quelle est l’idée la plus immonde et la plus mauvaise au monde, Makeda ? »
Elle secoua la tête. « Paix ». Vaactash cracha le mot, comme s’il avait un mauvais goût sur sa langue.
Elle connaissait le mot, mais la paix était pour elle un concept difficile et abstrait pour elle. « Ce n’est pas notre façon de faire ».
« C’est exact, mais c’est tentant. Je sais que tu ne le comprend pas actuellement, mais tu le comprendras que tu seras plus âgée. Ceux des castes inférieures peuvent rarement atteindre l’exaltation, c’est pourquoi l’idéal séduit beaucoup d’entre eux. Parfois, l’idée de paix peut même corrompre certains membres de notre propre caste ».
« Je ne peux pas concevoir cela ».
« Bien sûr, il y a des moments où une maison ne fait pas la guerre. Il y a les réconforts après la conquête, ou lorsqu’une maison attend son heure en attendant une occasion de frapper, et pendant cela il y a un manque de conflit, mais ce n’est certainement pas la paix. Non, il y a toujours une autre puissante montante, ou un chef fort qui s’affaiblit et doit être renversé, ou même le vieux renversé par le jeune. Tu vois, notre caste doit avoir quelque chose contre quoi lutter. Cela nous améliore. Cela nous complète. Il faut accepter les conflits ».
Il ne s’était jamais exprimé aussi librement auparavant, et Makeda faisait de son mieux pour absorber la sagesse de son grand-père.
« Pour chaque maison sur laquelle j’ai imposé ma domination, je dois constamment prouver ma valeur, sinon je serai remplacé par quelqu’un de plus digne. En fin de compte, il est possible pour un conquérant d’unir toute notre caste sous une seule bannière. Même dans se cas, il y aurait des conflits au sein de notre caste, car nous sommes comme la grande bête marine, et cesser de lutter, c’est périr ».
« Je comprends, grand-père ».
« Et toi, Makeda ? Les imbéciles confondent souvent ce concept tentant de paix avec le concept similaire de reddition. Il voudraient vivre sans conflit. Nombreux sont ceux qui pensent que naître dans la caste des guerriers devrait suffire à mériter l’exaltation. Ils verraient la fin de la guerre afin de pouvoir devenir gros et mou, tout en échappant d’une manière ou d’une autre au Néant. Si peu d’entre nous peuvent être exaltés, il est vital que seuls les plus grands y parviennent ».
« C’est ce que dicte le code. Il ne serait pas juste que quelqu’un atteigne l’exaltation sans avoir suffisamment lutté ». Cette idée blasphématoire choqua et la remplit de colère. « Pourquoi, alors les faibles seraient sauvés tandis que les guerriers de qualités seraient jetés dans le Néant ! »
« En effet. Tu dois réfléchir à ces choses ». Vaactash la regarda solennellement. « Les pensées d’un guerrier doivent rester ouvertes aux idées qui vont au-delà de qu’on lui a enseigné. Akkad est rusé et son esprit est vif, mais il est dangereux d’envisager de nouvelles idées sans les soumettre aux principes de l’honneur. Si seulement je pouvais combiner ton adhésion à l’hoksune avec le pragmatisme ambitieux de ton frère, alors la Maison Balaash serait inarrêtable. Les possibilités qui s’offrent à moi me font frémir ».
« Je servira la Maison Balaash telle le dicte le code et quand Akkad sera l’archdominar, je le servirai. Je le promets ».
« Un guerrier n’a pas besoin de promettre, Makeda. Le simple fait de dire une chose sera faite signifie qu’elle le sera. Pour notre caste, l’acte de dire et l’acte de faire sont identiques. Je n’ai aucun doute quant à ta loyauté envers notre maison et pour cela, je suis heureux que tu sois la Seconde Née ». Vaactash sourit. C’était une expression rare. « Assez de divagations d’un vieux guerrier. Ce sera tout ». Il se retourna et se remit à admirer son futur tombeau. « Tu peux disposer ».
* * *
« Vous êtes congédié ».
Makeda s’inclina profondément. « Oui, Archdominar Akkad ».
Elle se leva. Seuls quelques-uns des guerrier rassemblés dans la grande tente croisèrent son regard, et ce fut les guerriers avec lesquels elle s’était entraînée ou ayant servi sous les ordres de son grand-père. Il y avait trop de nouveaux visages parmi les dirigeants de la Maison Balaash. Makeda se tourna et marcha rapidement vers le rabat. Plus que tout, elle voulait être dehors, les des chuchotements du nid de vers rasoirs. Son frère semblait satisfait de cette démonstration de soumission, mais Makeda remarqua qu’Abaish des doloristes lui chuchotait des secret à l’oreille avant même qu’elle ne soit sortie.
Makeda inspira profondément l’air frais de la nuit et savoura d’être en vie.
Grand-père, que veux-tu que je fasse ?
Les survivants de son propre decurium n’étaient pas encore arrivés. Il leur faudrait des heures pour rattraper l’agile ferox qui l’avait transportée jusqu’ici. Malgré leur grande victoire, elle savait déjà qu’ils ne seraient pas accueillis en conquérants. Ils avaient été suffisamment sacrifiés que pour éviter les soupçons, car pourquoi une archdominar sacrifierait ses troupes ? Akkad avait sûrement voulu qu’elle et son armée symbolique meurent dans les plaines, tuées des mains des Muzkaar et non pas sa traîtrise.
Son corps souffrait encore de la bataille de la journée. Bien qu’elle ait réussi à éviter les blessures graves en les confiant à son cyclope, la douleur persistait. Makeda se souvint de son entraînement et accepta la douleur. Morkaash, le premier des doloristes, avait appris que la souffrance pouvait mener à l’illumination. Elle avait accepté cette vérité. Une fois la douleur comprise, voire accueillie, elle pouvait donner une clarté à la pensée.
En ce moment précis, Makeda avait besoin de clarté.
Avec des milliers de guerriers présents, le campement semblait anormalement calme. La mort soudaine et déshonorante de Telkesh flottait tel un brouillard sur les guerriers. L’unique bruit provenait des enclos voisins, où les warbeasts asservies paissaient, grognaient et se nourrissaient. Ce campement avait été mis en place pendant qu’elle se déplaçait vers son exécution prévue, il lui fallu donc quelques minutes pour trouver la tente de Telkesh. Le bannières de l’archdominar manquaient, sûrement pour orner celles d’Akkad. La tente de Telkesh était sombre.
Quelques-uns des esclaves de longue date de son père demeuraient à l’extérieur, agenouillés dans le sable, pleurant et grinçant des dents à la perte de leur maître. Makeda contourna leurs formes prostatiques. Il y avait un grand de tas de cendres là où ils avaient incinéré Telkesh et quelques-uns de ses serviteurs dans imposant bûcher funéraire.
« C’est déjà fait ? » murmura Makeda.
L’un des esclaves leva les yeux au son de sa voix. Il plissa les yeux dans la pénombre. « Makeda vit ? »
« C’est moi ». Elle reconnu l’esclave mais n’avais jamais pris la peine d’apprendre le nom d’une personne appartenant à une caste aussi basse. « Pourquoi mon père a-t-il été incinéré si vite ? » demanda-t-elle.
L’esclave détourna le regard, effrayé. « Le nouvel archdominar a déclaré que la maladie pouvait se propager à travers le camp ».
Makeda serra les dents. C’était une insulte supplémentaire à la mémoire de son père. « Parle-moi de cette mystérieuses maladie. Quels étaient les symptômes ? »
« Ce fut aussi soudain que la foudre frappant les terres arides. Nous venions de lever la camp et de nous mettre en route pour la journée de marche lorsque le maître ressentit une douleur au ventre. Elle irradiait jusqu’à ses membres et il se plaignait de picotements et de faiblesse. Bientôt, il fut incapable de marcher ni même de rester en selle. Il fut pris de fièvre, puis de folie et de convulsions. J’étais là. Il avait de tels convulsions que je n’arrivais même pas à lui faire boire de l’eau ».
Cette description rappela à Makeda quelque chose qu’elle avait lu dans les histoires familiales… « Et les chirurgiens ? »
L’esclave montra un tas de pierre à proximité qu’elle n’avait pas remarqué. C’était une forme d’exécution acceptée. Placez le condamné sous une planche, puis empilez lentement des pierres dessus toute la journée jusqu’à ce qu’ils soient écrasés. C’était une méthode d’exécution lente et douloureuse, et donc l’une des préférées de son peuple. « Le Tourmenteur Abaish était mécontent de leur échec ».
« Je vois. Les chirurgiens ont-ils parlé à quelqu’un avant leur exécution ? Ont-ils parlé à l’un des serviteurs de mon père ? »
« À part Abaish et le nouvel archdominar ? » l’esclave secoua la tête. « Quelques-uns, mais tous ont eu l’honneur d’aller dans le brasier pour accompagner Telkesh dans sont voyage vers le Néant ». Il tremblait de peur. Makeda réalisa qu’elle avait inconsciemment posé la main sur son épée, comme si elle s’apprêtait à la dégainer ». Elle lâcha la poignée.
« Quel est ton nom, esclave ? »
« Kuthsheth, serviteur personnel de Telkesh et de Vaactash avant lui ».
« Amène-moi les serviteurs ayant préparé le repas de Telkesh ce matin-là ».
« Je suis désolé. Je ne peux pas. Eux aussi ont été jetés dans le feu ».
Les poings de Makeda se serrèrent. Elle se souvint maintenant de ce qu’elle avait lu il y a des années dans les histoires familiales à propos d’un ancêtre particulièrement déshonorant, un tyran qui avait utilisé du poison pour écarter les menaces contre son règne.
Le meurtre n’était pas inconnu au sein de sa caste, mais il était mal vu. Être surpris en flagrant délit de meurtre jetait l’opprobre sur votre maison, mais cela ne signifiait pas qu’il n’y en avait pas. Un peuple vivant dans un état de guerre constant devait trouver un équilibre entre l’honneur et les questions plus pragmatiques de la politique de la maison, mais même dans ce cas, le seigneur de la maison méritait de mourir par la lame. Il était possible qu’Akkad ait été impatient d’assumer son rôle et qu’il ait empoisonné leur père. Cependant, Telkesh appartenait à la caste des guerriers et avait fait ses preuves en tant que puissant cataphractaire au sain des armées de Vaactash. Le poison était destiné aux animaux malades et aux esclaves ayant cessé d’être utiles, pas aux seigneurs de la maison. Le poison était une façon terrible et honteuse de mourir, et la façon la plus déshonorante de tuer.
Makeda avait une dernière question, mais on ne pouvait pas y répondre ici.
« Je parle à contretemps, mais votre père nous manquera », dit Kusthsheth. « J’étais soldat autrefois. Lorsque Telkesh a vaincu mon village et que j’ai été fait prisonnier, j’ai cru que ma vie était finie, mais Telkesh fut un maître honorable. Je suis condamné au sort que vous voulez me réserver, mais je suis reconnaissant que mes enfants aient l’opportunité d’accéder à une caste supérieure dans la plus grande maison de toutes, Balaash ».
Telkesh était un fervent adepte du code d’hoksune. Il avait sûrement prouvé sa valeur, alors pourquoi avait-il été privé de son Exaltation ? N’ayant aucun doute sur le fait qu’elle était surveillée par les espions d’Akkad, Makeda s’agenouilla comme si elle rendait hommage au tas de cendres. Elle garda la voix basse. « Kuthsheth, j’ai deux tâches à te confier. Tu vas transmettre un message à ma cohorte. Cherche le Primus Zabalam. Dis-lui que mes ordres sont de s’arrêter là où ils sont. Ils ne doivent pas entrer dans ce campement. Mais d’abord, tu iras trouver en secret le laudateur Haradum. Dis-lui, et à elle seule, que j’ai besoin d’elle et qu’elle ne doit en parler à personne. Elle doit me rencontrer... » Makeda avait besoin d’un endroit dans le camp où elle ne serait pas facilement repérable ou entendue. « Dis-lui d’être aux enclos des bêtes à minuit ».
* * *
Les titans étaient nerveux.
Il y avait quelque chose dans l’air, et ce n’était pas seulement la puanteur des énormes warbeasts.
Makeda était assise dans l’ombre, enveloppée dans une cape. Les enclos des bêtes du campement étaient un assemblage précipité de planches et de fils barbelés, en aucun cas suffisants pour contenir un titan excité. Mais ces bêtes avaient été soumises et brisées. Elles feraient ce que les fouets barbelés des dresseurs. Les clôtures les empêchaient seulement de s’éloigner trop loin. Les titans étaient des animaux relativement intelligents, mais ils restaient des animaux.
Les herbivores broutaient le long du défilé, mais il était trop dangereux de les laisser brouter dans les plaines ouvertes en territoire ennemi. Un titan représentait un considérable investissement dans les ressources d’une maison, c’est pourquoi la nuit, ils étaient gardés à l’intérieur des campements. Les esclaves avaient apporté des tonnes de nourriture pour les bêtes, et Makeda s’était cachée entre une meule de foin et la clôture.
Ils n’avaient pas l’air si dangereux sans leur armure, mais Makeda savait qu’il n’en était rien. Au loin, l’unique dos de bronze du camp se grattait contre un poteau voisin. La poteau était épais et avait été profondément enfoncé dans le sol par des esclaves juste à cet effet. La peau grise et rugueuse du titan alpha réduisit le poteau en éclats en quelques minutes. Né à l’état sauvage, il n’existait pas de dos de bronze apprivoisé, mais seulement un dos de bronze temporairement docile à la suite d’une exhaustif régime d’abus soigneusement réglementés. Il y avait encore des doloristes qui le surveillaient, car un seul dos de bronze enragé pouvait causer d’indescriptibles dégâts.
Au matin, les bêtes seraient revêtues d’une armure et de crochets en conformité à la douleur seraient enfoncés dans les parties les plus sensibles de leur chair, tout cela afin d’en faire des armes les plus efficaces et des réserves d’énergie mortitheurgique. Mais pour ce soir, la démangeaison enfin apaisée, cette bête spéciale se coucha pour dormir, sûrement pour rêver d’herbe et de femelles.
Makeda tendit son esprit et toucha celui du grand dos de bronze. « Dors bien, mon grand. Demain, la Maison Balaash aura peut-être besoin de ta puissance ».
Un gémissement strident fit frémir Makeda. Les titans relevèrent leurs yeux de leur mastication. Un Agoniseur à proximité avait commencé à émettre de pitoyables vagissements. Heureusement, le silence se fit après quelques instants et le titans retournèrent à leur foin. Ce fut une chance. Personne ne voulait écouter un Agoniseur toute la nuit. Elle continua à rechercher des menaces, mais ne vit rien. Un garde passait de temps en temps, mais elle restait cachée.
Makeda était entrée dans la tente de Telkesh et avait trouvé un manteau sombre. Elle s’était ensuite glissée par l’arrière. Espérons que si Akkad la faisait surveiller, les espions surveillaient toujours la tente. La caste des guerriers ne perdait pas de temps à pleurer, mais il n’était pas rare de passer du temps à méditer sur les actes du défunt.
Cependant, Makeda devait se concentrer sur les problèmes du présent, et non s’attarder sur le passé.
Son estomac gronda. Cela faisait un bon moment qu’elle n’avait pas mangé, mais les guerriers étaient habitués à jeûner. Makeda l’ignora et retourna à sa veillée. Elle repéra une forme voûtée entrant dans la zone des bêtes peu de temps après. Une petite lueur sortait de sous la capuche, signe certain du regard de cristal du laudateur. Haradum était arrivé. Makeda savait qu’il viendrait, car c’était le vieil Haradum qui lui avait enseigné les traditions de leur peuple depuis que Makeda n’était qu’une petite fille.
La castes des laudateurs était censée se tenir à l’écart et être distincte de la politique des maisons. Il étaient les gardiens isolés de l’Exaltation et les seuls à pouvoir communiquer avec les défunts. Haradum était totalement dévoué à la voie des Laudateurs, et Makeda ne doutait pas de son honnêteté, mais même dans ce cas, Makeda resta un moment à l’affût de tout signe de piège. Lorsqu’elle fut certaine qu’Haradum était seul, elle se leva.
L’Aptimus Haradum s’approcha immédiatement. Bien sûr, elle avait remarqué Makeda se cacher dans l’obscurité. L’oeil de cristal pouvait discerner l’essence se trouvant à l’intérieur de tous les êtres vivants. C’était une ancienne, vivante depuis au moins six génération, ont le visage était un amas de ride et de plis se balançant librement sur un crâne. La seule partie lisse d’Haradum était le cristal qui avait remplacé son œil droit.
« Seconde Née, Makeda. Je suis ravie de découvrir que tu es toujours parmi nous », souffla la laudatrice. « Je me réjouis de cette bonne fortune ».
« Le temps est compté, ancienne ». Makeda garda la voix basse. Personne ne pourrait les entendre malgré la lourde respirations des titans à proximité. « Je dois savoir. Pourquoi l’esprit de Telkesh n’a-t-il pas été préservé ».
Haradum ne sembla pas émue par l’intensité de Makeda. « Une difficile décision. Ce n’était pas à moi de le faire. Shuruppak était le laudateur présent au lit de mort de Telkesh. Je ne l’ai appris que plus tard. J’étais occupée à travailler sur mes recherches. Savais-tu que les scarabées ont aussi une essence spirituelle ? »
Shuruppak avait été élevé comme un guerrier et avait été un compagnon d’Akkad avant de décider de s’arracher un œil pour rejoindre la caste des laudateurs.
« De minuscules, minuscules, petites choses... » Haradum joignit ses main osseuses au niveau des poignets et remuait rapidement ses doigts d’avant en arrière, comme des jambes s’enfuyant. « Oui, mais leur essence ne pas dans le Néant, non. Y-a-t-il donc des dieux scarabées, je me le demande ».
L’esprit d’Haradum s’était-il enfin brisé ? Cela arrivait parfois aux rares membres de leur peuple qui parvenaient à mourir de vieillesse. « Telkesh a tué des centaines de personnes au combat. Comme Vaactash avant lui, Telkesh représentait tout ce que signifie être skorne. Mon père a vécu selon le code. Tout cela ne peut pas être effacé par une seule journée de folie fiévreuse. Pourquoi Shuruppak aurait-il choisi de ne pas le sauver ? »
L’oeil mortel de la vieille laudatrice se rétrécit et elle se pencha d’un air conspirateur. « Lorsqu’un esprit est entraîné, en hurlant, dans le Néant, il ne peut pas raconter d’histoire. Tant de connaissances se perdent ainsi ».
« Réponds-moi, Haradum ».
Haradum sourit. Elle n’avait plus de dents. « Je viens de le faire ».
Quelles histoires Telkesh aurait-il pu raconter je me le demande ? Aurait-il pu parler decomplots et des mensonges ? Aurait-il pu parler de conspirations entre les maisons ? Peut-être d’allégeances entre des castes censées rester neutres ? »
« Raconte-moi ces histoire, aînée ».
« Je ne saurais pas. Je ne suis rien. Je souhaite seulement qu’on me laisse tranquille pour continuer mes recherches. Pourtant, un laudateur entend des choses… Oui, oui, nous le savons. Il est parfois facile d’oublier que nous sommes là, toujours à regarder, toujours à juger. Telkesh a également jugé. Il a jugé avec sagesse. Lorsque ses conseillers lui présentaient deux voies, il choisissait toujours la voie du guerrier, jamais celle du comploteur. Peut-être que ces conseillers en ont-ils eu assez d’êtres rejetés ? Peut-être ont-ils décidé qu’ils avaient besoin d’un nouvel archdominar, quelqu’un prêt à écouter leurs nouvelles idées étranges, quelqu’un qui ne soit pas aussi attaché aux antiques traditions. Akkad serait un tel archdominar, n’est-ce pas ? »
« Il le ferait », approuva Makeda. Akkad se souciait bien plus de sa gloire personnelle que de la tradition.
« Ces mêmes comploteurs, après avoir décidé d’aller si loin, ne prendraient pas le risque de voir un autre honorable guerrier de Balaash à deux doigts de devenir archdominar. Une fois que cette descendante aurait découvert la vérité, elle lèverait une armée composée de tous les honorables guerriers de sa maison et ferait la guerre au conspirateurs ».
Il y avait donc eu un complot visant à tuer Telkesh et à le remplacer par son frère. Les actions d’Akkad étaient lâches et priver Telkesh de l’Exaltation était un blasphème. « Merci, aînée. Mais aucune armée ne sera levée. Je n’affaiblirai pas maison par une guerre civile ». Makeda posa une main sur l’épaule d’Haradum. Elle fut surprise de voir à quel point la laudatrice était fragile sous ses robes. « Même si Akkad a assassiné mon père… Il est l’archdominar de la Maison Balaash. Le code déclare qu’il doit gouverner. C’est à moi de servir, à moins que je pense qu’il représente un danger pour la maison et alors je devrai officiellement le défier ».
« Nous savons tous les deux que tu n’es pas de taille à affronter Akkad en combat singulier. Tu mourras sûrement ».
« Je ne peux pas aller à l’encontre des traditions de ma caste, aînée ».
Le rire d’Haradum ressembla au bruissement d’un papier poussiéreux. « Enfant, ceux qui sont sans honneur supposent que tout le monde est comme eux. Il n’acceptera en aucun cas une contestation formelle de son pouvoir. Il enverra des assassins pour toi ».
« Comment sais-tu cela, Haradum ? »
L’oeil de cristal parcourut les enclos des bêtes. « Parce qu’ils sont déjà là ».
Makeda se retourna à temps pour voir des silhouettes courir entre les meules de foin. Il y eut un éclair de pourpre et d’acier et quelqu’un sauta sans effort par-dessus une clôture barbelée pour disparaître dans l’obscurité. Coureurs de sang !
Les coureurs de sang étaient l’élite des tueurs de la caste des doloristes, étudiants de la magie libérée au moment de la mort. Leur présence confirmait la récit de la laudatrice. « Fuis, Haradum ». Les Épées de Balaash apparurent entre les mains de Makeda. « Retourne à tes scarabées ».
Un titan sursauta et renifla alors quelque chose effleurait l’un de ses pattes de la taille d’une colonne. Il y eut un mouvement tout autour d’eux, un seul négligent pas sur le gravier, le sifflement d’un poignard sortant de son fourreau, puis les coureurs de sang attaquèrent.
Le premier sorti apparemment de nulle part, tenant un lame incurvée. Makeda dévia l’attaque d’un coup d’épée, tournoya et enfonça la seconde dans les entrailles de l’attaquant. Celui-ci sursauta lorsqu’elle arracha l’épée, mais ne cria pas. Elle s’émerveilla de la maîtrise de la douleur, mais seulement un instant, car elle se battit ensuite pour sa vie.
Une femme lui poignarda la gorge, mais Makeda esquiva et trancha, coupant la coureuse de sang presque en deux. Ils étaient tous armés d’étranges dagues, crochues et dentelées, des outils conçus pour incapaciter et torturer. Makeda repoussa une autre attaque, puis une autre. Ce coureur de sang avait été trop lent, et une Épée de Balaash lui préleva le bras au niveau du coude. Celui-ci ne poussa aucun son, il se contenta de s’écarter, luttant pour stopper le flux de sang.
Les assassins étaient tout autour d’elle, leurs lames bourdonnant dans les airs. Le bruit de l’acier contre l’acier réveilla les titans les plus proche et le fit grogner. Ceux en train de manger levèrent les yeux de leur foin, confus et se demandant si l’heure de la bataille avait sonné.
Une poignée de sable lui fut jetée dans les yeux, mais elle se détourna juste à temps. Un autre lança un nuage de paille entre eux, et feinta, tout cela dans le but de la distraire d’un autre coureur de sang qui essayait de la poignarder dans le dos. Ces assassins ne suivaient pas l’hoksune, mais Makeda se réjouit d’un nouveau défi. Elle fit tourner une épée, inversa sa prise et poignarda derrière elle, enfonçant la pointe à travers le torse légèrement armuré d’un coureur de sang. « Qui t’a envoyé ? » Elle esquiva et en abattit un autre au sol. Le sang versé alimentait sa force. « Qui ? »
Ils ne répondirent pas. D’autres assassins sortirent de l’ombre. Makeda esquiva avant d’être encerclée. Le terrain n’était pas à son avantage. « Akkad ? » Un poignard taillada le bord de son armure. Cela piqua et elle sentit la chaleur du sang s’écouler. Makeda tourna autour de la meule de foin la plus proche. « Abaish ? Qui ? »
Crac. Il y eut un éclair de douleur lorsque quelque chose la frappa dans le dos. Elle se retourna pour voir un autre coureur de sang levant un long fouet hérissé d’os pour porter un nouveau coup. Makeda fit volte face, se débarrassant de sa cape. Crac. Le fouet traversa le fouet et s’y emmêla. Avec un grognement de frustration, le coureur de sang secoua son fouet, essayant de le libérer.
Deux autres attaques laissèrent Makeda avec deux autres petites coupures et deux autres coureurs de sang mourants. Ils étaient les maîtres de la précision anatomique, guidant leurs attaques par-delà son armure. Il y avait au moins une douzaine d’assassins supplémentaires circulant dans les enclos, et elle se viderait de son sang bien avant de les avoir tous tués. Elle frappa les genoux d’un autre coureur de sang et il chuta, s’empalant sur sa propre lame. Je dois m’échapper.
L’une des fourches à foin d’un esclave vola vers elle depuis les ombres. Elle la dévia, se retourna et sauta par-dessus la clôture de l’enclos des titans. Ses bottes glissèrent dans la boue, mais elle ne tomba pas. Deux coureurs de sang étaient juste derrière elle. L’un d’eux plongea entre les fils, roula et e releva. L’autre sauta simplement par-dessus dans un froufroutement de tissu. Elle les frappa simultanément, mais ils parèrent tous les deux avec leurs dagues.
Agité, le titan le plus proche ouvrit la bouche et hurla un défi, du foin volant partout. Makeda s’était entraînée toute sa vie, apprenant à maîtriser les warbeasts et à les forcer à obéir à sa volonté, et elle reconnut une opportunité lorsqu’elle se présentait. Cela prendrait une seconde de concentration, mais le risque en valait la peine.
Je suis ton maître. Obéis-moi.Les deux coureurs de sang poursuivirent leur attaquent tandis que leurs frères les suivirent. Celui qui tenait le fouet semblait être le chef. Il communiquait silencieusement par une série de gestes rapides avec les coureurs de sang encore cachés dans l’ombre. Une corne d’alarme retentit lorsque les gardes Balaash qui surveillaient les enclos se rendirent compte que quelque chose n’allait pas.
Obéis !Le titan cligna stupidement des yeux pendant un instant, puis ses petits yeux se rétrécirent en signe de compréhension.
Détruit.Makeda para une autre attaque et donna un violent coup de pied dans l’estomac du coureur de sang. Sous son masque, sa bouche se tordit, mais il resta concentré sur sa mission. Cela n’eut d’importance qu’une fraction de seconde, car le poing du titan le frappa si fort qu’il laissa un nuage rose en suspension dans l’air.
Le titan se dressa de toute sa hauteur et poussa un cri de guerre. Si la corne d’alarme n’avait pas déjà retenti, cela aurait certainement réveillé tout le camp. Le second coureur de sang se retourna de surprise, alors Makeda profita de l’occasion pour lui trancher la tête. Il atterri à ses pieds dans la boue, et Makeda la lança vers les autres coureurs de sang restants.
« Balaash ! »Les coureurs de sang tentèrent d’éviter le titan, mais il était trop tard. L’un deux s’était coincé dans le grillage et le titan referma ses mains autour de l’assassin. Ce fut le premier à perdre son sang-froid et il se mit à crier. Cela sembla agacer le titan, qui se contenta de soulever le coureur de sang au-dessus de sa tête et de le projeter dans la nuit en hurlant.
Elle était encore entourée de coureurs de sang, mais ils semblèrent retourner dans l’obscurité, conscients que leur mission d’assassinat discret avait échoué Le titan piétina facilement la clôture et les poursuivit. La lumière et les ombres rebondissaient le long des poteaux de la clôture à proximité tandis que les gardes accouraient.
CRAC !
Makeda faillit s’évanouir alors que quelque chose s’enroulait autour de son cou. Elle fut tirée d’un coup sec et atterrit dans la boue.
Celui qui tenait le fouet n’avait pas encore abandonné.
Son armure lui avait sauvé la vie, mais des éclats d’os lui avaient transpercé le cou. Le fouet fut tiré et le nœud coulant se resserra. Les coupures s’aggravèrent, mais elle resta calme. Aucune artère n’avait été sectionnée… Pour l’instant.
Un rapide coup d’épée trancha le fouet en deux. La pression cessa et elle put respirer à nouveau. Les gardes se rapprochaient et elle pouvait entendre leurs cris de colère par-dessus le bourdonnement de ses oreilles.
« Capturez la traîtresse, Makeda ! »
« L’archdominar a dit que sa sœur nous a trahis ! »
Maudit sois-tu, Akkad. Elle n’avait pas besoin d’être une mortitheurge pour savoir qu’elle perdait beaucoup trop de sang. Elle ne pourrait pas affronter les gardes. Elle serait capturée et exécutée comme traîtresse. Son nom serait rayé des histoires.
Le dernier coureur de sang, cependant, ne se contenta pas de la laisser mourir sous une planche et un tas de pierres. Il avait l’intention de faire le travail en personne et avait laissé tomber son fouet en ruine pour dégainer la lame d’un doloriste. Il fonça à travers l’enclos, et Makeda savait qu’elle ne serait pas en mesure de rester debout à temps.
Il fut sur elle, le poignard levé, la bouche tordue en un grognement, mais ensuite le doloriste sembla s’
effondrer. Il sursauta et eut des spasmes alors que le sang volait dans les airs, puis tomba face contre terre, son élan le faisant glisser dans la boue pour s’arrêter aux pieds de Makeda, son dos si déchiqueté qu’elle pouvait voir les os de sa colonne vertébrale. Il était mort avant même que Makeda ait entendu le gémissement de l’écorcheur.
Un ferox atterrit à côté d’elle en l’éclaboussant. Elle leva les yeux et vit le prédateur se débattre sous deux cavaliers. Le Primus Zabalam et le Dakar Urkesh mirent tous deux pied à terre. Elle essaya de parler, mais aucun son ne parvint à se former dans sa gorge endommagée. « Makeda ! » Zabalam l’attrapa par l’armure et la souleva avec une surprenante force pendant qu’Urkesh chargeait un nouveau cône d’aiguille sur son écorcheur.
« Vous devez fuir, Makeda », lui souffla Zabalam. « Akkad vous a déclaré paria. Votre vie est perdue. Allez-vous en. Votre cohorte vous attend ». Les gardes étaient presque sur eux. Le titan qu’elle avait rendu furieux poursuivait les coureurs de sang et écrasait les tentes sous ses pieds. Il n’y avait plus de temps à perdre. Zabalam avait raison. Elle tenta de se hisser sur la selle, mais elle était plus faible qu’elle ne le pensait et lutta pour y parvenir. Zabalam la poussa brutalement vers le haut Le ferox s’agita sous elle, mais compris que ce n’était pas le moment de se battre contre ses maîtres.
Un horrible gémissement retentit tandis qu’Urkesh repéra un autre coureur de sang et le coupa en morceaux. Zabalam l’attrapa par le bras. « Va avec Makeda. Je te charge de la protéger. Il dégaina ses épées ».
« Que fais-tu ? » cria Urkesh.
« Ce ferox ne peut pas courir assez vite pour s’enfouir si nous sommes trois dessus. Je vais vous faire gagner du temps. Protège-là de ta vie. C’est elle l’avenir de la Maison Balaash, pas ce misérable belek déshonorant d’Akkad ». Zabalam regarda Makeda, la moitié de son visage abîmé qui fonctionnait encore affichant un sourire. « Je m’excuse d’avoir insulté ta famille ».
Makeda ne pouvait toujours pas parler. Elle posa une main ensanglantée sur la tête de Zabalam. Elle laissa une empreinte rouge une fois qu’elle l’eut retirée. Urkesh grimpa derrière elle.
« Tu as toujours été ma meilleure élève. Vas y ? Il frappa la croupe du ferox avec la garde d’une épée. Le prédateur s’éloigna dans une course maladroite.
Makeda se retourna pour voir Zabalam se diriger vers la foule des gardes, les bras tendus, montrant fièrement ses épées. « Je suis le Primus Zabalam des Prétoriens, maître d’armes de la Maison Balaash, élève de l’exalté Vaactash, et je me bats pour défendre Makeda, la véritable héritière de Telkesh ! Qui parmi vous est assez stupide pour m’affronter ? »
Environ la moitié des gardes se figèrent, partagés et incertains, mais l’autre moitié attaqua.
« Venez donc ! » Il y eut un tourbillon de mouvements alors que Zabalam, contre toute attente, ripostait.
C’était un moment parfait de tout ce que signifiait suivre le code de l’hoksune, mais ensuite le ferox contourna une tente et Zabalam disparut de la vue de Makeda.
« Cours ! Par là ». Urkesh pointa son écorcheur. Le Venator n’avait visiblement jamais chevauché de ferox auparavant et faisait de son mieux pour tenir le coup. Maakeda donna un coup de pied dans les flancs du prédateur et le fit pivoter avec ses genoux. Il y eut un énorme fracas lorsque le titan enragé traversa une tente et apparut devant eux, un coureur de sang accroché à l’une de ses défenses. Urkesh poussa un cri de surprise juste à son oreille. Le ferox contourna le titan en deux bonds, évitant les dresseurs qui tentaient de le maîtriser.
D’autres cornes retentirent. Des officiers se tenaient aux coins, agitant des torches et répétant la proclamation d’Akkad selon laquelle Makeda était une traîtresse à la Maison Balaash et devait êtr capturé. Pourtant, alors que le ferox traversait le camp, de nombreux soldats l’aperçurent, mais ne firent rien pour l’intercepter. Cependant, suffisamment d’autre le firent pour que leur évasion ne semble pas envisageable.
Des cataphractes s’avancèrent devant eux, lances de guerre brandies. Elle frappa le ferox qui se retourna, glissant dans l’herbe, à quelques secondes d’être empalé sur un mur de lances. Un bref sprint et un autre virage leur firent rencontrer d’autres épéistes. L’un deux tenta de poignarder le ferox, mais celui-ci s’élança vers l’avant, planta ses énormes dents dans une épaule et le secoua jusqu’à ce que mort s’ensuive. Un autre soldat arriva par derrière, mais Urkesh le déchiqueta d’une rafale d’écorcheur.
Les soldats fidèles à Akakd se déplaçaient à travers le camp, réclamant le sang de la traîtresse Makeda. « Nous n’y arriverons pas », déclara Urkesh.
Makeda savait que le Venator avait raison. Ils seraient encerclés, isolés et abattus. À moins que…
Le titan avec lequel elle s’était liée était occupé, alors Makeda s’approcha de l’esprit du grand titan dos de bronze avec lequel elle s’était si brièvement connectée plus tôt. Il était toujours là, ronflant paisiblement dans le pandémonium qui engloutissait désormais le campement. Les petits jeux skorne n’avaient pas d’importance pour le puissant dos de bronze. Il n’existait que pour le prochain défi ou la prochaine femelle. Makeda puisa dans on pouvoir et tira le dos de bronze de son sommeil. Se lier à une bête aussi puissante, surtout après un contact aussi éphémère, serait un grand défi. Il lui fallut tous ses efforts, mais Makeda poussa fort contre l’esprit de l’animal. Son esprit était grand, mais simple, et elle réveilla sa rage naturelle, en fait, elle l’enflamma et la libéra.
Un terrible rugissement secoua tout le campement. Tous les skorne, sur des kilomètres, regardèrent tous dans la même direction au même moment. Le ferox s’arrêta en tremblant. « Au nom des ancêtres, qu’est-ce que c’était ? »
Notre évasion, pensa Makeda, mais il lui était trop difficile de parler.
Le dos de bronze fit savoir ce qu’il pensait en ramassant un autre titan et en le lançant à travers le campement. L’immense animal effaça un instant l’une des trois lunes en passant au-dessus de sa tête. L’atterrissage du titan ébranla les fondations du monde et faillit renverser leur monture. Makeda n’eut pas besoin de donner un coup de pied au ferox pour le faire courir cette fois.
Ils dépassèrent les soldats d’Akkad, renversant une cataphracte distrait, tandis que le dos de bronze se déchaînait dans le camp. Ensuite, ils se retrouvèrent das les plaines et fuirent vers l’inconnu.
* * *