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Roman - Poudrière

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À l’Extérieur de Croix-des-Fleuves, Llael Occupé

C’ÉTAIT BON D’ÊTRE À NOUVEAU SUR LE TERRAIN, même pour une courte période. L’ennui incessant de son poste donnait souvent à Stryker l’impression d’être plus un administrateur qu’un soldat. Après avoir informé Harrow, il avait été décidé qu’une petite équipe d’éclaireurs l’escorterait, lui et di Brascio, de l’autre côté du fleuve. Contre l’avis de Maddox et de Magnus, Stryker avait choisi de diriger cette équipe.

Ils remontaient la large rive sablonneuse du côté occidental du Fleuve Noir. Croix-des-Fleuves était à quelques kilomètres devant eux. Il était accompagné d’une demi-douzaine de rangers, dont des tireurs embusqué Sharp et Horgrum. Ils devaient se déplacer rapidement, aussi Stryker avait-il choisi un warjack capable d’être à la fois rapide et furtif. Le warjack léger Chasseur qui suivait sa petite équipe était encore une grosse machine, mesurant plus de deux mètres septante de haut, mais il se déplaçait avec une économie de mouvement inhabituelle pour la plupart des warjacks. Il était armée d’une hache au manche court, mais son armement principal était un canon à longue portée tirant des obus perforants capables de pénétrer les armures les plus solides. Sa cheminée était petite, produisant peu de fumée, et les améliorations apportées à son cortex permettaient à Stryker de le diriger à une distance deux fois supérieure à la normale. Il pouvait effectuer des repérages à des centaines de verges devant lui si nécessaire, fournissant ainsi de précieux renseignements au warcaster qui le contrôlait.

Le Capitaine Harrow et le mage balisticien Vayne di Brascio étaient les derniers membres de l’équipe de Stryker. Même si Stryker avait été convaincu de laisser Harrox faire partie de l’équipe chargée d’infiltrer la ville et de transmettre un message au Seigneur Pytor Aleshko, il voulait toujours voir la ville par lui-même. Plus que cela, il voulait s’assurer que di Brascio et Harrow parviendraient à Croix-des-Fleuves sans incident. Maddox n’était pas d’accord avec sa décision d’accompagner leur escorte, mais, au moins cette fois, il ne l’avait pas écoutée.

Ils amenèrent Harrow et di Brascio à moins d’une kilomètre de la ville, bien que Sharp et Horgrum le suivraient un peu plus loin comme derrière mesure de soutien avant qu’ils ne pénètrent dans Croix-des-Fleuves.

Le Fleuve Noir était large et rapide, et si proche du rivage, il émettait un grondement sourd et constant. Le Bruit dissimulerait les bruits de leur passage s’il rencontraient des patrouilles khadoréennes. Il ne faisait aucun doute que Harkevich était conscient de leur présence maintenant ; il était difficile de cacher une armée de dix mille hommes, et, bien sûr, le Khador avait ses propres éclaireurs et espions.

En fin de compte, Harrow et di Brascio devaient approcher la ville par l’ouest, la direction la plus probable d’où viendrait un mercenaire à la recherche d’un emploi. Cela impliquait qu’ils devraient traverser le fleuve, une proposition difficile, car il n’y avait aucun pont intact à l’exception de la Grande Porte. Ils avaient déjà dépassé les ruines de trois ponts ; tous trois avaient été détruits par des explosifs, ne laissant que de la pierre et du bois brûlés.

Ils avaient besoin d’un bateau pour faire traverser Harrow et di Brascio, ce qui était assez facile à fournir pour la horde de mékaniciens de l’armée cygnaréenne, mais Stryker avait eut une autre idée, qui n’avait pas été très appréciée par le Major Maddox. En fait, elle l’avait qualifiée « d’étonnament stupide ». Son but était de s’emparer de l’un des petits bateaux khadoréens patrouillant sur le Fleuve Noir, accomplissant ainsi deux objectifs en même temps. Premièrement, il obtiendrait de précieux renseignements sur un aspect des défenses khadoréennes, et deuxièmement, il s’assurerait une embarcation légère et rapide qui ne serait pas immédiatement remarquée par l’ennemi pendant que Harrow et di Brascio traverseraient.

« Jusqu’où les patrouilles se rendent-elles au sud ? » demada Stryker à Sharp, qui marchait à ses côtés.

« D’après ce que j’ai vu, et ce que j’ai entendu de la part des llaelais, à peine quelques kilomètres. Ils ont tendance à rester assez près de la ville, et il y a de nombreux points de contrôle en aval. Mais nous nous rapprochons des limites de leurs patrouilles.

« Qu’avez-vous en tête, Seigneur Général », demanda Harrow.

« Nous devons en attirer un près de ce côté de la rive, lui donner une raison d’accoster, puis s’occuper de l’équipage », répondit Stryker. Harrow était resté silencieux depuis qu’ils avaient quitté le camp, ce dont Stryker était reconnaissant.

Harrow se frotta les mains. « Peut-être devrions-nous mettre en place un appât alors ».

Stryker regarda le mercenaire. « C’est ce que je pensais. Des suggestions ? »

Harrow pointa le doigt vers l’avant. « Là-bas. Ce bosquet d’arbres à environ cinquante verges du rivage. Bonne couverture. Le mage balisticien – euh, le Capitaine di Brascio – et moi nous tiendrons près de l’eau et attendrons. Lorsqu’un bateau arrivera, nous lui ferons signe de s’approcher. Nous n’aurons pas l’air de soldats et il pourraient s’arrêter pour enquêter ».

« Et si cela ne suffit pas à attirer leur attention ? » demanda Sharp.

Harrow haussa les épaule. « Alors, je leur tirerai dessus ».

« Le but est de nous faire traverser le fleuve en un seul morceau », dit di Brascio, « pas de nous faire tirer dessus tous les deux ».

« Oh, ne vous inquiétez pas. On m’a souvent tiré dessus. Je suis assez difficile à toucher ».

« Je peux faire quelque chose pour ça », proposa Stryker.

Les yeux d’Harrow se rétrécirent un instant, puis il compris. « Vous avez le don, je m’en souviens ».

« J’en suis sûr » Stryker avait fait appel à sa magie pour la première fois il y a quinze ans, au sein de la ville de Ruissepêche. Il avait alors eu une altercation avec Harrow, un combat à mains nues qu’il avait remporté malgré son jeune âge et son manque d’expérience. « Sharp, combien de temps penses-tu que nous allons attendre ? »

Le ranger réfléchit. « Une heure ou deux. D’près ce que j’ai pu voir, c’est la durée de leur boucle de patrouille ».

« Très bien, mais je veux pas de risquer vos deux vie », dit Stryker à Harrow et di Brascio. « Harrow, vous êtes devant moi. di Brascio avec moi ».

« Tout seul, alors, hein, monsieur ? » dit Harrow. « Vous ne seriez pas en train de me faire payer les griefs du passé, n’est-ce pas ? » Son ton était décontracté, voire amical, mais la question irritait tous les nerf de Stryker.

« Est-ce que vous me demandez si je vous mets intentionnellement en danger pour une vengeance mesquine ? »

« Je n’ai pas dit que c’était mesquin, monsieur », répondit Harrow en souriant. Stryker s’approcha du mercenaire. Il était plus grand qu’Harrow et son armure le rendait considérablement plus volumineux. « Vous êtes nouveau dans la chaîne de commandement, Capitaine Harrow, je vais vous laisser une certaine latitude, mais je ne mets pas mes hommes – et, oui aussi désolé que je sois, vous êtes l’un des miens – en danger sans raison valable. Le Capitaine di Brascio est un habile mage balisticien, un chef de la Résistance Llaelaise et un homme honorable. Vous êtes un ex-mercenaire dont le caractère et les intentions sont très discutables, mais qui, pour l’instant, sert à quelque chose. En bref, je préfère vous perdre plutôt que lui, mais même ainsi, je ne vous mettrais pas là si je ne pensais pas que vous aviez de bonnes chances de survivre. Compris ?

Le reste de ses hommes étaient silencieux et même di Brascio parut surpris. Harrow, cependant, resta imperturbable. Lorsqu’il sourit ensuite, c’était comme si une grosse anguille avait rampé sur son visage. « Oh, c’est logique, monsieur. Je ne suis qu’un humble mercenaire, comme vous dîtes. Je vous remercie d’avoir pris le temps de m’expliquer que je ne suis pas indispensable ».

« Je suis heureux que vous compreniez. Maintenant, mettons-nous en position ».

* * *
LE BATEAU DE PATROUILLE KHADORÉEN était plus grand que Stryker avait prévu. Il mesurait de douze mètres de long et quatre mètres cinquante de large et était haut sur l’eau. Il était propulsé par une seule roue à aubes à l’arrière, et Stryker pouvait entendre le grondement de son moteur à vapeur. Le pont était largement ouvert, mais une cabine de pilotage blindée se trouvait à l’arrière. Il pouvait voir quatre hommes sur le pont, l’un derrière le petit canon de poupe et deux autres armées de fusils à canon long se tenant à bâbord et à tribord. Le dernier membre de l’équipage khadoréen se tenait telle une grande sentinelle rouge au milieu du pont. Le Man-O-War troupe de choc était une menace de deux mètres quarante vêtue d’acier, un brave soldat enveloppé dans une armure à vapeur, armée d’une dévastatrice hache mékanique et d’un bouclier équipé d’un canon à courte portée. Les Man-O-War étaient la réponse khadoréenne au warjack léger, car la nation du nord ne disposait pas des ressources nécessaires pour produire des cortex au même rythme que ses ennemis. Stryker devait admirer le courage de ce Man-O-War en particulier. S’il venait à passer par-dessus bord avec cette armure, il irait droit au fond et mourrait atrocement.

Harrow se tenait près du rivage, agitant les bras en direction du bateau. Stryker et le reste de ses hommes étaient à cinquante verges, cachés dans les arbres. Il avait diminué la chaudière du Chasseur pour que sa fumée ne soit pas visible par les khadoréens.

L’un des membres de l’équipage khadoréen pointa Harrow du doigt et cria. Le bateau se dirigea vers le rivage. Ils ne touchèrent pas terre et Stryker pouvait entendre les moteurs du bateau fonctionner tandis que le pilote maintenait le bateau stable contre le courant à trois mètres du rivage.

Intelligent, pensa Stryker. Ils seraient capables de s’enfuir rapidement en cas de problème, et cela changeait le plan de Stryker. Les khadoréens crièrent sur Harrow ; le canon pivota dans sa direction. Stryker se demanda s’ils allaient ouvrir le feu – une partie de lui n’aurait pas été mécontente de voir Harrow se prendre un obus de canon dans la poitrine. Et après tout, il avait encore di Brascio. Cependant, ils ne tirèrent pas. Stryker ne pouvait entendre ce qu’ils disaient, mais cela n’avait pas d’importance. Le bateau était aussi proche qu’il pouvait l’être, et il était temps d’agir.


Stryker établi le lien avec le Chasseur, injectant sa volonté dans son cortex. Il y eut un moment de confusion alors qu’il découvrait le monde à travers ses propres yeux et les relais optiques du Chasseur en même temps, mais cela passa assez vite. Il avait déjà fait cela de nombreuses fois. Il pointa le canon du Chasseur en direction de la cabine de pilotage. Elle était suffisamment petite pour que tout obus pénétrant ne manquerait pas de rater l’homme à l’intérieur. L’impatience du Chasseur pour ce tir se répandit dans leur connexion – c’était ce que le warjack était censé faire, et il voulait y arriver.

« Horgrum », dit-il au grand trollkin. « Tu t’occupes du Man-O-War. Peux-tu l’abattre d’un seul coup ? »

Le trollkin sourit. « Oui, monsieur pas de problème ».

« Concentrez vos tirs sur les autres. Je veux qu’ils soient tous éliminés. Nous n’aurons qu’une seule bonne chance ».

Hochements de tête tout autour et bruit révélateur de fusils en train d’être préparés. « Choisissez vos cibles », dit Stryker, et la tension tout autour de lui s’accrut alors que les rangers visaient. La magie agitait l’air tandis que di Brascio ensorcelait les cartouches à l’intérieur de son pistolet cinémantique.

C’est alors que les choses se gâtèrent.

Le grondement sourd du canon du Man-O-War troupe de choc retentit et le sable devant Harrow s’envola dans les airs. Le projectile l’avait manqué, mais l’onde de choc projeta violemment l’anien mercenaire en arrière. Il atterrit en tas à trois mètres de là.

Pire encore, le bateau s’éloignait de la rive, son unique roues à aube tournant plus vite ; ils avaient senti le piège.

« Merde », dit Stryker en ramenant ses sens dans le cortex du Chasseur. Le bateau s’était éloigné et en mouvement, ce qui rendait le tir d’autant plus difficile. « Feu », dit-il.

Le canon du Chasseur tonna, une tonitruante explosion au-dessus d’eux. Stryker avait mi toute sa volonté dans le tir, le guidant vers sa destination. L’obus perforants déchira la cabine du pilote, la déchiquetant ainsi que tout ce qu’il y avait à l’intérieur.

Le fusil d’Horgrum gronda l’instant suivant, suivi par la rafale staccato des fusils des pionniers. Le casque du Man-O-War disparut avec la tête de son propriétaire dans un volcan de sang et d’éclat d’acier. Le reste de l’équipage du bateau fut touché à reprises pas des balles de fusil, et l’opérateur du canon fut projeté hors du bateau par le projectile enchanté de di Brascio.

Tout cela se produisit en un clin d’oeil. Le bateau, désormais sans pilote, fit une embardée en avant, et Stryker pointa à nouveau le canon du Chasseur et tira. Cette fois, le projectile frappa le navire vers l’arrière, le trouant bien au-dessus de la ligne de flottaison. La force de l’impact fit basculer le bateau, dont le nez pointait désormais vers le rivage. Ses moteurs rugirent, et il traversa le fleuve jusqu’au rivage dans un jet d’eau et de sable – s’échouant comme il l’avait espéré.

Stryker laissa échapper un long soupir. « Beau travail, l’équipe », dit-il. « Ça n’aurait pas pu être plus propre que ça ». Il se tourna vers Horgrum. « Sacré tir ».

Le trollkin haussa les épaules. « Seulement cinquante verges. J’aurais pu le faire les yeux fermés ».

« Merde, Horgrum », dit Sharp, consterné. « Le Seigneur Général vient de te faire un foutu compliment ».

Stryker renifla. « Ne vous inquiétez pas pour ça. Je pense qu’Horgrum a raison d’avoir un poil d’ego. D’accord. Allons voir notre bateau ».

Ils quittèrent les arbres et se dirigèrent vers le bateau fluvial échoué. Harrow essayait de se relever. « Aidez-le », dit Stryker, quelque peu à contrecoeur, à deux des rangers, et ils allèrent le chercher.

L’ancien mercenaire cracha du sable de sa bouche et grimaça. « J’ai essayé d’utiliser les quelques mots khadoréens que je connais pour les attirer », dit-il. « Mais ils ne m’ont pas cru ».

Stryker hocha la tête. Ce n’était pas une mauvaise idée, même si elle n’avait pas fonctionné. « J’apprécie la stratégie. Surveillez le navire, Capitaine ».

Harrow se dirigea vers le bateau, monta à bord et se rendit dans la cabine de pilotage. « On dirait que quelqu’un a déversé un seau de confiture de framboise sur tout », cria-t-il par-dessus les moteurs tournant au ralenti.

« Stoppez-les », dit Stryker. Quelques secondes plus tard, les moteurs ralentirent puis s’éteignirent, laissant le site de leur courte bataille calme et silencieux.

Harrow sortit de la cabine de pilotage, un air dégoûté sur le visage. Il s’essuya les mains sur son pantalon. « Je vous le dis, je ne piloterai pas ce foutu engin.Ça pue comme dans un abattoir là-dedans ».

Stryker l’ignora et désigna deux rangers. « Rassemblez rapidement les corps et dissimulez-les dans les arbres. Sharp, tu sais piloter ce vaisseau ? »

« Je pense que oui, monsieur », répondit-il.

« Bien, parce qu’Horgrum et toi allez avec eux. Je veux que vous emmeniez le Capitaine Harrow et le Capitaine di Brascio de l’autre côté, du moins le plus près possible. Ensuite, vous les suivrez jusqu’aux portes. Une fois qu’ils seront entrés, vous vous dépêcherez de revenir, vous cacherez le bateau du mieux que vous pourrez et vous attendrez leur retour ».

di Brascio prit la parole. « Une fois que nous aurons atteint la ville, cela ne devrait pas prendre longtemps pour transmettre un message à Pytor et organiser une réunion ».

« Ou se faire prendre et finir au bout d’une corde », ajouta Harrow avec un petit rire sinistre. « Mais je suis d’accord avec le capitaine. Nous avons besoin de quelques jours, une semaine maximum ».

« Compris », dit Sharp. « Horgrum et moi avons assez de rations pour tenir tout ce temps, et nous pouvons nous cacher ou nous occuper de toute patrouille qui passerait pas là ».

« Je suis sûr que les khadoréens sont aussi des provisions à bord », dit Stryker. « Vous et Horgrum montez à bord. Harrow et di Brascio, vous aussi. Nous allons déséchouer de la plage ».

Il laissa les autres monter à bord, mais retint di Brascio avant que le mage balisticien ne puisse monter sur le navire. Quand les autres furent hors de porté de voix, Stryker dit : » Surveillez Harrow de près ». Harrow pouvait les voir parler depuis le navire, et cela ne dérangea pas Stryker ; il voulait que l’ex-mercenaire sache qu’il était surveillé.

« Je le ferai », répondit di Brascio. « L’homme est compétent, mais il est couvert d’une merde qui ne s’enlève pas ».

« Je suis content que nous soyons sur la même longueur d’onde alors ».

Le mage balisticien tapota son pistolet cinémantique. « Faites-moi confiance, Seigneur Général, je sais comment nettoyer la merde difficile à enlever ».

Stryker attendit que l’étrange groupe de soldats monte à bord : un mage balisticien llaelais, une équipe d’éclaireur tireur embusqué comprenant un trollkin et un homme qu’il avait autrefois considéré comme un ennemi – même si, s’il était honnête avec lui-même, il le faisait toujours. C’était un groupe hétéroclite, mais il faisait confiance à trois sur quatre. Il espérait que Magnus avait raison au sujet de son homme et qu’on pouvait faire confiance à Harrow, mais il avait un plan de secours : di Brasio collerait une balle dans la tête d’Harrow s’il les trahissait. Cela semblait un plan solide.

Une fois que l’équipe fut à bord du bateau fluvial, Stryker accéda au Chasseur et l’exhorta à s’approcher de la poupe. « Pousse-le », dit-il en transmettant son ordre au cortex du warjack.

La chaudière du warjack vrombit et de la fumée s’échappa de sa cheminée tandis qu’il transferait la force de la vapeur à ses membres. Il appuya son corps contre la coque du bateau, se pencha en avant, ses larges pied s’enfonçant dans le sable. Le bateau se déplaça lentement, mais il se déplaça, et le Chasseur commença à avancer petit à petit, le repoussant dans l’eau.

Le warjack devait s’enfoncer dans le fleuve pour libérer complètement le navire, une dangereuse proposition pour un warjack. La submersion éteindrait sa chaudière et stopperait son cortex. Mais le Chasseur était agile, et avec Stryker le guidant, il n’y avait pas de réel danger.

Le bateau fut bientôt libre et ses moteurs démarrèrent, tournant à contre-courant. Le bateau fit un demi-tour assez maladroit au milieu du large fleuve – Sharp n’était pas un pilote expérimenté, loin s’en faut – mais redressa rapidement et se dirigea vers Croix-des-Fleuves et ce qui, espérons-le, serait le premier pas vers la victoire.

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Au Nord de Croix-des-Fleuves, Llael Occupé

ILS ÉTAIENT PLUS PROCHES DE CROIX-DES-FLEUVES[/b] que Stryker ne le souhaitait, mais le prince kayazy, le Seigneur Pytor Aleshko, ne voulait rencontrer personne d’autre. En fait, ils avaient dépassé la ville en direction du nord, vers un territoire contrôlé par le Protectorat de Menoth. Une manœuvre intelligente – Aleshko savait qu’ils ne prendraient pas le risque d’amener une force importante dans les possessions du Protectorat.

« Il a des bateaux », dit Magnus d’un ton appréciateur.

Ils remontaient le Fleuve Noir, longeant la rive pour profiter de la couverture des arbres. Devant eux, les mâts de quatre grandes galères s’élevaient au-dessus d’un petit port. Le port lui-même semblait avoir été construit à la hâte, n’étant guère plus qu’un ensemble de larges piliers de bois.

« Cela pourrait être utile », approuva Stryker. « S’il est prêt à s’en séparer ».

Jusqu’à présent, le plan du warcaster fonctionnait. Harrow et di Brascio étaient revenu quatre jours après être entré dans Croix-des-Fleuves en se faisant passer pour des mercenaires à la recherche d’un emploi. Ils avaient prévenu Aleshko, et le kayazy avait immédiatement accepté de les rencontrer. La rapidité avec laquelle le kayazy avait accepté avait surpris Stryker et l’avait inquiété, mais Magnus avait mis cela sur le compte de l’empressement de l’homme à faire du profit et à éviter le risque d’une bataille ouverte. Stryker comprenait le bien-fondé de cette attitude, mais quelque chose le dérangeait encore.

Magnus et lui étaient seuls ; tels étaient les termes d’Aleshko. Il ne rencontrerait que les chefs de l’Armée Cygnaréenne : pas de warjacks, pas de gardes. Maddox avait de nouveau demandé à ce que ce soit elle qui rencontre le Seigneur Aleshko, et Stryker avait à nouveau refusé. Il voulait être là, avec Magnus, prêt à affronter la duplicité du vieux warcaster, si elle existait.

Stryker n’était cependant pas parti sans assurance. Il avait été impressionné par le Sergent Éclaireur Sharp et son compagnon tireur embusqué trollkin, aussi les avait-il emmenés avec eux, même s’ils suivaient loin derrière, cachés par l’obscurité et les arbres. Ils observeraient la réunion de loin et le Raevhan Express d’Horgrum serait leur première réponse à une trahison.

Ils approchaient du quai, et sur le quai le plus proche, à côté de l’un des gros navires, se tenait un petit groupe d’hommes. Stryker en compta huit. Ils étaient grands, musclés et armés d’un assortiment de couteaux et de pistolets. Il avait entendu de nombreux récits lugubres sur les voyous servant les kayazy, des hommes issus de gangs de rue khadoréens vicieux appelés bratyas. Nombre d’entre eux étaient réputés pour être d’habiles assassins.

« Bienvenue, mes amis », cria une voix autoritaire en cygnaréen alors que Stryker et Magnus étaient à quelques verges du quai. L’un des huit hommes s’avança dans la lueur d’une unique lanterne accrochée à un poteau. Le Seigneur Pytor Aleshko était un homme d’une quarantaine d’années, d’une laideur extrême. Sa chevelure noire grisonnait aux tempes, lui donnant un air de dignité qu’il ne méritait probablement pas. Il avait de grands yeux rappelant à Stryker un animal sauvage acculé et prêt à lutter pour sortir d’un piège. Il était petit, mais bien bâti, un homme musclé semblant à l’aise au combat.

« Seigneur Aleshko », dit Stryker. « Je suis le Seigneur Général Commandant Stryker, et voici le Général Asheth Magnus ».

Les lèvres du kayazy formèrent un sourire crispé. « Bien sûr, je vous connais tout les deux. Des guerriers de grandes renommée… et d’une certaine infamie, hein ? » Il jeta un coup d’oeil à Magnus. « Vos hommes m’ont dit que vous souhaitiez me rencontrer, mais il ne m’ont pas dit pourquoi. Je peux peut-être le deviner, oui ? »

Stryker était curieux de découvrir ce que l’home savait déjà. « Pourquoi pensez-vous que nous sommes venu, alors ? »

« Vous devez entrer dans la ville », dit Aleshko. « C’est simple. Votre armée voudrait traverser le pont et occuper Croix-des-Fleuves ».

Magnus sourit. « Et qu’en pensez-vous, Seigneur Aleshko ? »

Il haussa les épaules. « Je suis un homme d’affaire, je cherche le profit, pas la conquête. Le Kommandeur Harkevich n’a pas été aussi désireux que moi de récolter les nombreuses récompenses que Croix-des-Fleuves a à offrir ».

On parie, pensa Stryker. D’après ce qu’il avait entendu sur Harkevich, l’homme était un féroce mais honorable combattant. Devoir supporter cette brute d’homme devait lui retourner l’estomac autant qu’à Stryker.

« Et vous penseriez que nous pourrions le faire, hein ? » demanda Stryker.

« Des dispositions pourraient être prises, oui », répondit Aleshko. « Une fois Croix-des-Fleuves pris, vous pourriez peut-être m’autoriser à conserver mon poste – pas publiquement, bien sûr, mais j’ai pris goût à superviser le bien-être des citoyens ».

« Bien-être, hein ? Dit Magnus en riant. « Vous voulez dire extorquer chaque centime rouge que vous pouvez pendant que vous continuez à les pressurer. Ça ne marchera pas dans une ville cygnaréenne ou llaelaise ».

Stryker fut surpris. Magnus avait l’air sincèrement dégoûté, et il avait répondu à la demande d’Aleshko tout comme Stryker comme l’aurait fait.

« Comme vous le dites », dit Aleshko en haussant les épaules. « Mais il y a d’autres moyens de gagner de l’argent. Lorsque la ville sera restaurée, le commerce le long du Fleuve reprendra – nourriture, alcools, armes. Un homme pourrait bien s’occuper de ces affaire dans la ville. Mes maîtres à Korsk se moquent de savoir qui tient la ville, tant que l’argent continue de rentrer ».

Stryker pesa ses choix. Laisser cet homme voler d’honnêtes marchands était déplaisant, mais si cela leur permettait d’entre dans la ville, le bien qu’ils pourraient faire aux habitants l’emporterait sur cet insignifiant mal.

« J’ai besoin d’une preuve que vous avez quelque chose à échanger », déclara Stryker. « Sinon, nous en avons fini ici ».

Aleshko sourit. « Bien sûr, Seigneur Général. Bien sûr. Voici ce que je vais vous dire. Vous avez vu la Grande Porte, n’est-ce pas ?

« Oui, je l’ai vue ».

« Impressionnante, oui ? Tant d’hommes et de machines pour le garder, mais ce n’est pas son plus grand danger. Harkevich sait qu’il ne peut laisser personne traverser le pont depuis l’est, et il a pris des mesures pour s’assurer qu’aucun ennemi ne le fasse jamais ».

« Venez-en au fait », dit Magnus.

« Il y a des explosifs sous le pont, à des points faibles. Même si vous battez ses hommes et ses machines, il détruira le pont sous vos pieds ».

C’était le dernier clou du cercueil, Stryker le savait. Attaquer le pont était une voie sans issue.

« Mais je sais où se trouvent les explosifs, et je pourrais envoyer un petit groupe de vos hommes à l’intérieur pour les neutraliser », déclara Aleshko. « Est-ce que cela a assez de valeur, Seigneur Général ? »

Stryker ouvrit la bouche pour répondre, mais Magnus l’interrompit. « Seigneur Aleshko, vous avez ici d’impressionnants vaisseaux. À quoi servent-ils ? »

Aleshko fronça les sourcil. Il avait le vent en poupe, il commandait, et il n’aima pas ce changement de direction. « Le ravitaillement et les hommes vont et viennent de Rynyr depuis la Grisonnante. Mes vaisseaux rendent cela possible ».

« Des hommes, dites-vous ? » dit Magnus en faisant en pas en avant. Les hommes de mains qu’Aleshko avait amenés avec lui se déplacèrent en même temps, faisant un pas vers leur chef, leurs mains se posant sur leurs armes. « Combien d’hommes pourriez-vous embarquer sur un navire comme celui-là. Soixante ? Septante ? »

Les yeux du Seigneur Aleshko se plissèrent et son froncement de sourcils s’accentua. « Mes navires ne sont pas disponible, Général. Je vous révélé ce que je pouvais vous offrir. Si je vous donnais mes navires, ce serait une trahison évidente ; je ne pourrais plus rester dans la ville après cela. Non, vous avez mon offre ».

Magnus regarda Stryker, qui eut un aperçu à la fois excitant et terrifiant de ce qui allait se passer. Magnus et lui portaient leur armure de warcaster et étaient armés de lames mékaniques et de pistolets lourds. Ils faisaient face à huit tueurs endurcis, légèrement armés et armurés. Magnus avait évalué la situation et son issue, et il s’apprêtait à passer à l’action.

Aleshko n’était pas un idiot. Les négociations étaient finies et une décision avait été prise. Il recula précipitamment. « Tuez-les tous les deux », dit-il, sa main s’élançant vers le pistolet qu’il portait à la taille.

Les sbires d’Aleshko se précipitèrent, mais le kayazy avait mal choisi son lieu de rendez-vous. La jetée était suffisamment étroite pour que ses hommes ne puissent pas submerger leurs ennemis et étaient obligés de les attaquer au maximum à deux ou trois à la fois.

« Bon sang, Magnus », prononça Stryker en retenant son souffle et en arrachat Vif-Argent de son dos alors que les hommes de main d’Aleshko se rapprochaient. Ce n’était pas ce qu’il avait voulu. Il serait peut-être nécessaire de forcer la main d’Aleshko, mais il avait espéré éviter un bain de sang.

Magnus dégaina Pourfendeur d’un mouvement fluide, la brandissant pour trancher le premier sbire à sa rencontre. L’homme avait une paire de dagues à larges lame, et il les abattit en X croisé pour stopper l’attaque de Magnus. Stryker avait déjà vu Pourfendeur à l’oeuvre, et l’habile parade du kayazy ne le sauverait pas. Pourfendeur s’élança, heurtant les dagues jumelles de son ennemi et les écarta. La lame mékanique creusa un sillon dans l’abdomen de l’homme, éclaboussant Magnus et Stryker d’une effusion rouge et humide. L’homme tomba, et le combat débuta pour de bon.

Le premier acte de Stryker fut d’invoquer sa magie et de lancer une protection mystique sur lui et Magnus. Des coups de feu retentirent, mais les balles furent détournées inoffensivement des deux warcasters, s’enflammant inutilement contre la barrière mystique de Stryker.

Stryker tenait Vif-Argent au ras du sol, pointant sa pointe vers un sbire en train de charger. Il pressa une détente sur la poignée de la grande épée, et un éclair azur jaillit de l’arme, atteignant le kayazy en pleine poitrine et projetant son cadavre fumant hors du quai.

Stryker et Magnus reculèrent, laissant l’ennemi venir à eux. Stryker para un coup de dague à la tête, puis laissa la seconde dague de l’homme s’écraser inoffensivement contre son armure. Il frappa avec la poignée de Vif-Argent, enfonçant son pommeau dans la visage de l’homme, lui brisant les dents et le faisant chanceler. Il tua l’homme d’une large entaille ouvrant son adversaire du cou au nombril.

Un coup de feu retentit derrière eux, grave et tonitruant, et un autre sbire kayazy bascula en arrière, l’énorme projectile du Raevhan Express d’Horgrum lui ayant prélevé la plus grande partie du crâne.

Magnus manoeuvrait sans effort dans cet espace restreint, et il était clair que l’âge de l’homme et ses nombreuses blessures ne le gênaient pas au combat. Il embrocha un ennemi avec Pourfendeur, laissant l’homme se tordre au bout de sa lame, puis dégaina son fusil à mitraille de la main gauche et en abattit un autre d’un tir dans la poitrine.

Aleshko avait reculé jusqu’au bout de la jetée, et ses hommes survivants s’étaient regroupés autour de lui. Stryker et Magnus avançaient, deux warcasters couverts de sang ayant massacrés cinq de ses hommes en quelques secondes. Aleshko n’avait nulle part où aller, alors il fit ce qu’il faisait de mieux : il négocia.

« Assez ! » cria-t-il en faisant signe à ses hommes restant. « Jetez vos armes ».

Ses hommes semblaient prêts à mourir pour leur maître, ou si ce n’était pas pour lui, pour leur propre honneur, mais ils bougèrent pas pendant quelques instants, apparemment confus. Magnus s’avança à grand pas, levant son arme, mais Stryker posa une main sur son épaule et le tira en arrière. Le warcaster jeta un regard venimeux derrière lui – son sang ne faisait qu’un tour – mais il s’arrêta.

Les armes s’entrechoquèrent sur la jetée, les sbires comprenant qu’il était inutile de poursuivre la bataille.

Stryker leva un poing et invoqua un autre sort. Il envoya un projectile mystique dans les air, un orbe d’énergie bleu crépitant projetant un lueur pâle sur l’eau. C’était un signal pour Sharp et Horgrum de les rejoindre.

« À genoux », dit Magnus, et les khadoréens obéirent. « Ce n’est pas nécessaire », déclara Aleshko. « Vous avez fait valoir votre point de vue. Nous pouvons inclure les navires dans le négociations à venir ».

Magnus rit. « Les négociations sont terminées, mon ami. Vous et vos navires sont à nous. Je suis sûr qu’il y a beaucoup de chose que vous ne nous avez pas révélé à propos de ce pont ».

« Votre réputation de duplicité est bien méritée, Général Magnus », dit Aleshko en crachant.

Stryker ne put s’empêcher d’être d’accord avec l’homme.

* * *
« VOUS N’AVEZ PAS DONNÉ D’ORDRES CONTRAIRES, Seigneur Général », dit Magnus. « J’ai seulement agi comme je le pensais, une réponse appropriée à la situation ».

« Je n’ai donné aucun ordre du tout », déclara Stryker, regardant Magnus à travers la grande table. Ils étaient dans sa tente de commandement, et il y avait des gardes à l’extérieur, des gardes pouvant mettre Magnus en garde à vue dans un avenir très proche. « Vous avez agi sans mon autorisation et vous nous avis mis tout les deux en danger ».

« En danger ? » Magnus fit un geste dédaigneux de la main. « Deux warcaster armés et armurés avec l’un des meilleurs tireurs embusqué de l’armée pour surveiller leurs arrière contre une poignées de sbires kayazy ? Vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur. Nous n’étions pas en danger ».

Dans une certaine mesure, Magnus avait raison. Aleshko et ses hommes avaient été largement surpassés. Stryker attribua cela à l’excès de confiance de l’homme selon lequel il avait accepté de rencontrer deux warcasters avec seulement un minimum de gardes en premier lieu. Mais ce n’était pas le sujet. Magnus avait agi seul, comme il l’avait fait au cours des deux dernières décennies.

« Je suis votre commandant », dit Stryker en grinçant des dents. « Et si cela doit vous trouer le cul, vous suivrez mes ordres, et vous m’informerez de tous vos plans à l’avenir ».

Les yeux de Magnus se rétrécirent et sa mâchoire se serra. Il était en colère, et Stryker éprouva une certaine satisfaction à l’idée d’avoir pu provoquer ce genre de réaction chez l’homme. Mais Magnus acquiesça lentement. « Oui, monsieur », répondit-il.

« Messieurs ». Maddox avait été pratiquement oubliée dans la tente. Stryker avait convoqué le commandant pour l’informer de ce qui s’était passé. « Bien que je ne sois pas d’accord avec les méthodes du général, nous avons une issue favorable ici. Concentrons-nous là-dessus ».

Stryker inspira profondément. « Très bien », dit-il. « Nous avons Aleshko en détention, et je conviens qu’il en sait peut-être plus sur les défenses de la ville qu’il ne nous a révélé ».

« Je pense qu’il a y peu de doutes à ce sujet », dit Magnus. « Cet homme est comme un oignon pourri – plus on enlève de couches, plus il pue ».

Sryker fut à nouveau frappé par le dégoût évident de Magnus pour Aleshko. C’était palpable et, pour Stryker, cela semblait déplacé. Il y avait de nombreuses similitudes entre les deux. C’était peut-être la motivation et non la méthodologie qui irritait Magnus. Il s’était battu pour une cause, aussi déplacée soit-elle, et Aleshko faisait tout pour le pouvoir et l’appât du gain.

« Qu’en est-il des navires ? » demanda Maddox.

« Ils sont un atout, sans aucun doute », répondit Stryker. « Chacun peut contenir près de cinquante hommes, mais ce ne sont pas des navires de guerres, et nous n’osons pas les faire naviguer sur le fleuve.

« Avons-nous des hommes capable de les faire naviguer ? » demanda Magnus.

Maddox acquiesça. « Quelques-uns. Suffisamment pour former un équipage réduit pour chaque navire ».

« Nous pourrions les utiliser pour faire traverser le fleuve à une petite force et éventuellement attaquer la ville par l’ouest », dit Stryker.

« Nous ne pouvons rien faire, des deux côtés du fleuve, tant que nous n’en savons pas plus sur les explosifs sur ce pont, et sur tout ce que sait le Seigneur Aleshko », dit Magnus en se frottant le menton.

« Comment voulez-vous que nous obtenions ces informations ? » demanda Stryker. « C’est un homme dur et têtu. Il ne va pas se plier de sitôt à un interrogatoire ».

« Qui avez-vous pour lui ? » demanda Magnus.

Stryker trouva cette question étrange, mais il y répondit. « Le Lieutenant Dayton Sims », déclara Stryker. « Il travaille au SRC depuis un certain temps et c’est un interrogateur compétent ».

« Nous avons besoin de ces informations rapidement », déclara Magnus. « Et je ne pense pas que les méthodes du Lieutenant Sims nous permettront de les acquérir assez rapidement ».

« Vous parlez de torture. On va y aller fort contre Aleshko, mais il y a une ligne que je ne veux pas franchir ».

Magnus rit. « Si vous pensez que le Cygnar est trop noble pour employer d’autres méthodes d’interrogatoire, j’ai un rude réveil pour vous. Elles sont utilisées depuis des années. Certains ne sont pas aussi délicats que vous, Seigneur Général ».

« Je suis ni naïf, ni dégoûté. Il y a tout simplement des limites que les hommes civilisés ne franchissent pas. Je sais qu’à votre époque, sous Vinter, la torture n’était qu’un outil parmi d’autres, mais pas sous mon commandement ».

« Donc, vous risqueriez la vie de soldats cygnaréens parce que vous êtes trop civilisés pour saisir le seul avantage qui pourrait les sauver … monsieur », dit Magnus. Son ton était moqueur, incrédule.

Stryker considéra les gardes à l’extérieur. Comme il serait facile de leur demander d’emmener Magnus, de l’enfermer pour insubordination et de le mettre hors était de nuire. Une partie de lui le souhaitait ardemment, mais il n’en sortirait rien de bon. Les hommes de Magnus n’avaient de loyauté envers personne d’autres que lui, et une fois cette entrave levée, ils déserteraient. Ou pire.

Stryker regarda Maddox. Elle fixait Magnus, les lèvres serrées, le regard aussi vif et perçant qu’un couteau dans les tripes. Il n’était pas difficile de savoir ce qu’elle pensait du plan d’action proposé par Magnus.

« Vous avez entendu ma décision, Général », déclara Stryker. « Et vous la respecterez ».

« Vous faîtes une erreur », répondit Magnus. « Nous avons besoin de ces- »

« Vous êtes congédié », dit Stryker. « Je vous informerai de la ligne de conduite que nous prendrons avec le Seigneur Aleshko demain ».

Magnus se mordit la lèvre, peut-être pour ne pas dire quelque chose qu’il regretterait. Cela faisait plaisir à Stryker de savoir qu’il pouvait mettre cet homme en colère. « Comme vous le souhaitez, Seigneur Général », prononça Magnus et il sortit de la tente.

Maddox s’attarda. Elle semblait vouloir dire quelque chose, et Stryker attendit. Finalement, elle prononça : «  Vous avez pris la bonne décision, Seigneur Général ». Elle marqua une pause et sembla se ressaisir. « Et je ne dis pas cela à cause de ce qui m’est arrivé ».

« Merci », dit Stryker, et une vague de compassion pour Maddox l’envahit. Il aurait voulu en dire plus, pour la réconforter s’il le pouvait, mais ce n’était pas ce qu’elle voulait et, de plus, Maddox en avait fini avec la conversation.

« Bonne nuit, monsieur », dit-elle et elle sortit dans la nuit, laissant Stryker réfléchir aux décision difficiles à venir.

elric:
- 17-
Au Sud du Campement Cygnaréen

VOUS SAVEZ, SEIGNEUR ALESHKO, je dois remercier vos compatriotes d’avoir ajouté un nouvel ensemble de compétences à mon répertoire », dit Harrow en posant une matraque en caoutchouc sur la petite table à côté de Pytor Aleshko. La matraque rejoignait un marteau à tête boule sur la table en bois.

Le prince kayazy était solidement attaché à une solide chaise. Il était torse nu et ses chaussures avaient été enlevées. C’était un spécimen physique impressionnant et les cicatrices sur sa large poitrine suggérait qu’il n’était pas étranger à la douleur. Il regardait Harrow, ses yeux écarquillés pleins de haine.

Ils se trouvaient dans l’un des structures les plus permanentes du camp cygnaréen, un lourd chariot en acier contenant de nombreux outils et équipements pour les mékaniciens des warjacks. Ses parois d’acier atténueraient les cris qui ne manqueraient pas d’arriver, mais Magnus l’avait fait tirer à près d’un kilomètre au sud du camp et avait placé des gardes – ses propres hommes – pour empêcher quiconque de s’en approcher.

Moins il y avait de personnes au courant de ce qui allait se passer ici, mieux c’était. Le chariot rectangulaire était assez grand pour contenir Aleshko et Harrow tout en laissant de la place au mercenaire pour oeuvrer. Magnus se tenait à l’autre bout de la structure, près de la porte.

« C’est vrai », poursuivi Harrow. « Je travaillais pour le Général Magnus » - il s’arrêta, regarda Magnus et lui fit un clin d’oeil - « Eh bien, il n’était pas général à l’époque, mais vous comprenez. Nous travaillions avec les Têtes d’Acier en Ord et je collectais des renseignements sur les activités khadoréennes à la frontière, près de Midfast.. Eh bien, je n’avais pas été aussi discret que je le pensais, et une patrouille de Garde des Glaces m’a tiré balle dans l’épaule et m’a ramené à leur Kapitan pour un interrogatoire ».

Aleshko demeura assis en silence, mais Magnus remarque que ses yeux avaient pris un air curieux. Il avait toujours l’air provocant, résolu, mais il commençait à avoir l’air effrayé. Il y avait quelque chose d’agréable dans le ton presque chantant de Harrow, qui évoquait un sentiment d’effroi. L’attitude enjouée de l’homme était si déplacée ici, si inappropriée qu’elle rendait ce qui allait se passer encore pire. Magnus avait vu Harrow à l’oeuvre à plusieurs reprises, et même s’il était familier avec les techniques de torture, le plaisir évident de l’ancien mercenaire à accomplir sa tâche était plus que déconcertant.

Harrow s’accroupit devant Aleshko, les mains sur les genoux de l’homme. C’était un geste incroyablement intime, une invasion de l’espace personnel d’Aleshko, et les lèvres du prisonnier s’écartèrent en signe de colère et de répulsion.

« Quoi qu’il en soit, le kapitan était un interrogateur sacrément compétent, et Morrow, il m’a bien travaillé », poursuivit Harrow. « J’étais assez doué pour ce métier à ce moment-là, mais à travers la douleur et le sang, et, je n’ai pas peur de l’admettre, les cris, j’ai appris que je n’étais qu’un amateur en présence d’un maître ».

« Je ne vous dirai rien », répondit Aleshko. C’était la première fois qu’il parlait, et malgré la bravade que cela était censé véhiculé, cela eut l’effet inverse. Aleshko avait déjà un peu craqué.

Harrow tapota le genou du kayazy. « Chut maintenant », dit-il. « Nous y reviendrons. Quoi qu’il en soit, ce kapitan – Yeltzin, je crois qu’il s’appelait – connaissait son métier, et il m’a fait chanter comme un rossignol en peu de temps. Bon sang, je lui aurais dit n’importe quoi pour que la douleur s’arrête, jusque quelques minutes pour que je puisse pleurer et saigner ».

L’aveu par Harrow d’une chose que la plupart des hommes considéraient comme honteuse créa une sombre tension dans la pièce. C’était une intimité que les étrangers évitaient, mais c’était prononcé avec tant de désinvolture. Magnus était parfaitement conscient que l’interrogatoire avait débuté, et que Harrow utilisait le meilleur outil à sa disposition : son esprit et son manque total d’empathie.

Harrow se leva et se dirigea vers la petite table où se trouvaient ses outils. « Voyez-vous, Seigneur Aleshko, le Kapitan Yeltzin était un artiste parce qu’il croyait en la simplicité. Il n’y avait de pas tisonniers, de scalpels, d’étaux, ou quoi que ce soit d’aussi sophistiqué ou, si je puis me permettre, d’inutile. Non, Yeltzin n’avait besoin que de trois choses. La première, c’était ses poings ». Harrow brandit son poing droit, dont les jointures étaient marquées par d’innombrables combats et probablement par les coups qu’il avait portés aux hommes ligotés. « Le deuxième chose, c’est ceci ». Il prit la matraque en caoutchouc. Ce n’était qu’un morceau d’un tuyau en caoutchouc, suffisamment épais pour servir d’efficace gourdin. Harrow posa la matraque et s’empara du marteau à tête boule, un simple outil de forgeron s’avérant très utile dans cette situation. « Et c’est la dernière chose dont il avait besoin ».

Magnus pouvait voir de petites goûtes de sueur sur le visage d’Aleshko malgré la fraîcheur de l’air à l’intérieur de la voiture.

« Harkevich aura ta tête pour ça », dit Aleshko.

Harrow rit. « D’après ce que j’ai entendu, le Kommandeur Harkevich pourrait me décerner une médaille pour l’avoir débarrassé de vous ». Il reposa le marteau sur la table. « Maintenant, établissons des règles de base. Voici ce qui vas se passer. Je vais vous poser des questions, et peu importe comment vous répondrez – la vérité, la demi-vérité ou le mensonge pur et simple – je vais vous faire mal.

La tension dans la pièce s’intensifia et la peur d’Aleshko était désormais palpable. « Mais voici le problème, Seigneur Aleshko », déclara Harrow. « C’est à vous de décidé comment je vais vous faire mal. Si vous me donnez une bonne réponse, vous aurez ceci ». Harrow leva son poing. « Si vous me donnez une mauvaise réponse, ce sera ceci ou cela. Il posa un doigt sur la matraque, puis le marteau à tête boule ».

La réaction d’Aleshko fut surprenante. Il rejeta la tête en arrière et cracha directement au visage d’Harrow. Il était plus courageux que Magnus ne l’avait imaginé. Harrow sourit et essuya le cracha. « Cette fois, c’est gratuit, Seigneur Aleshko », dit-il. « Recommencez, et - » Harrow tira de sa ceinture un long poignard effilé « - nous développerons un peu la technique d’Yeltzin ».

Il brandit la dague un instant pour qu’Aleshko puisse la voir, puis la rengaina.

« D’accord, première question », dit Harrow. « Êtes-vous prêt ? »

Magnus avait longuement informé Harrow des informations qu’Aleshko pourrait posséder, et le mercenaire avait reçu pour instruction de prioriser ses questions en fonctions des réponses d’Aleshko à l’interrogatoire.

Aleshko ne répondit pas.

« Je prends cela pour un oui. Combien de patrouilleurs Harkevich possède ? »

Aleshko fixa Harrow, ses lèvres tremblant de rage ou de terreur, ou des deux, mais il ne dit rien.

« Seigneur Aleshko », dit Harrow, « je vais compter jusqu’à trois, et si vous n’avez rien dt  d’ici là, je vais considérer cela comme une mauvaise réponse. « Un ».
Alesko se tut.

« Deux ».

Rien.

« Trois ».

« Eske morda », dit Aleshko, les yeux flamboyants de haine.

Harrow se tourna vers Magnus.

« Mange de la merde », répondit le warcaster.

Harrow rit. « C’est impoli, Seigneur Aleshko ». Il ramassa le marteau à tête boule. « C’est aussi une très mauvaise réponse ».

Harrow se plaça derrière le kayazy, et l’homme tourna la tête d’avant en arrière pour essayer de voir le mercenaire. Harrow regarda Magnus et pencha la tête. La question restait en suspens, et Magnus était heureux qu’Harrow tente au moins de respecter le protocole militaire.
«
 Continue », dit Magnus.

La main gauche d’Harrow jaillit, à toute vitesse, et attrapa une touffe de cheveux d’Aleshko. Il tira la tête du kayazy en arrière pour que l’homme regarde le plafond, et avant que le khadoréen ne s’en défaire, Harow abattit le marteau d’un rapide et puissant coup. Il frappa Aleshko en pleine bouche. Magnus entendit les dents de l’homme se briser, et des éclats jaillirent de ses lèvres.

Aleshko poussa un long hurlement strident et Harrow le relâcha. La tête de l’homme bascula en avant, et du sang coula le long de son menton et sur son torse nu. Il avait cessé de crier, mais il respirait de manière irrégulière et pesante.

Harrow revint lentement vers la table et posa le marteau. Il attendit quelques minutes, puis se plaça devant Aleshko. « Combien de patrouilleurs Harkevich possède-t-il ? »

Aleshko réévalua la tête et Magnus remarqua que le marteau lui avait arraché les dents de devant et fendu la lèvre supérieure presque en deux. Il cracha du sang sur le sol – pas sur Harrow, nota Magnus – et ses lèvres bougèrent. Un faible murmure.

Harrow se pencha à côté du kayazy. « Qu’est-ce que c’était ? »

« Douze », dit Aleshko, sa voix brouillée par ses dents cassées.

Harrow se leva et sourit. « Excellent. C’était un une bonne réponse, Seigneur Aleshko ».

Il porta un coup de poing sec et puissant dans le plexus du khadoréen. Le souffle quitta précipitamment la poitrine d’Aleshko, et il cracha du sang, éclaboussant l’uniforme d’Harrow. Le mercenaire n’y prêta pas attention et recula. « Là, tu vois la différence entre une bonne et un mauvaise réponse ? Laquelle est la pire, à votre avis ? »

Aleshko avait encore du mal à respirer et Harrow le laissa tranquille encore quelques minutes.

« Question suivante », dit Harrow. « C’est une question importante, vous devez donc bien faire les choses. Avec quel type d’explosifs Harkevich a-t-il piégé la Grande Porte ?

Aleshko gémit. « Je ne sais pas ».

« Ce n’est pas possible, Seigneur Aleshko », répondit Harrow, la voix dégoulinante de châtiment moqueur. « Je veux dire, vous avez dit au Général Magnus et au Seigneur Général Stryker que vous le saviez. En fait, c’est avec cela que vous avez négocié. Voulez-vous reconsidérer votre réponse ? »

Aleshko prononça quelque chose en khadoréen, et Harrow se tourna à nouveau vers Magnus.

« Quelque chose à propos de ta mère et d’une chèvre, je crois », dit Magnus.

Harrow rejeta le tête en arrière et rit. « Eh bien, vous ne pouviez pas connaître ma mère, alors je vais appeler ça un coup de chance ». Il se déplaça vers la table. « Mais ce n’est pas une très bonne réponse à ma question, n’est-ce pas ? » Il ramassa la matraque en caoutchouc. Aleshko gémit.

Magnus avait déjà vu des hommes être torturé – il l’avait lui même endurée – mais la façon dont Harrow s’acquittait de ses tâches était effrayante. Il ne jouissait pas de la douleur d’Aleshko, du moins pas directement, mais il s’amusait de la même manière qu’un homme bon dans son travail apprécie sa journée de travail. Il y avait un niveau de détachement par rapport à ce qu’il faisait que Magnus avait recherché au cours de sa carrière militaire, mais qu’il n’avait jamais vraiment atteint. Il lui était venu à l’esprit qu’Harrow était peut-être dément – il était certainement fou – il était certainement instable – et que c’était peut-être ce qui lui permettait d’exceller dans ce genre de travail.

Harrow s’approcha d’Aleshko avec la matraque, la frappant dans sa paume, le son était un signe avant-coureur de ce qui allait arriver. « Maintenant, Seigneur Aleshko, je vous frapper avec ceci, et laissez-moi vous dire que ça va vous faire mal. Mais si vous voulez me donner une autre réponse à ma question, je vous laisserez le choix de l’endroit où je vous blesserai ».

« Je … pas … » dit Aleshko, essayant de rester déterminé  face à la terreur et à l’impuissance absolues. Il échoua. « Il a trouvé les explosifs dans la ville. Dans les ruines. Je n’en sais pas plus que ça ».

Harrow se tourna vers Magnus. « L’Armée Llaelaise était-elle présence ici ? »

« Oui, et Harkevich a peut-être trouvé un stock de munitions. Je ne sais pas pourquoi il aurait utilisé des explosifs llaelais plutôt que les siens ». Magnus regarda longuement Aleshko. « Il dit probablement la vérité ».

Harrow se retourna vers son prisonnier. « Voilà, vous voyez ? Ce n’est pas si difficile. Vous m’avez révélé la vérité, maintenant, vous devez choisir. Couilles ou genoux ».

Aleshko regarda Harrow avec horreur. « Je … ne peux pas », murmura-t-il.

« Si vous ne choisissez pas, je choisirai à votre place », déclara Harrow.

« Les genoux », laissa échapper Aleshko.

Harrow claqua la langue. « Vous savez, on ne le croirait pas, mais c’est le pire des deux ». Il lança la matraque dans les airs une fois, deux fois. Le claquement humide qu’elle produisit contre le corps d’Aleshko fut choquant dans l’espace restreint, et les cris de douleurs du kayazy résonnèrent sur les parois d’acier, persistant un certain temps même après que les hurlements se soient transformés en légers sanglots.

De nombreuses questions restaient en suspens.

elric:

- 18-


« COMMENT ÇA, IL EST PARTI ? » dit Stryker aux trois agents terrifiés du SRC se tenant devant une tente vide, la tente vide où Stryker avait laissé le Seigneur Pytor Aleshko.

« Le Général Magnus et quelques-uns de ses hommes sont venus il y a quelques heures et ont ordonné que le prisonnier soit remis à sa garde, monsieur », dit le Lieutenant Drayton Sims. C’était l’officier du SRC le plus gradé, et Stryker avait laissé Aleshko sous sa garde.

Stryker serra les poings le long de son corps et se détourna. Sims était un bon officier, et il ne voulait pas que l’homme remarque la fureur dans ses yeux et pense qu’elle était dirigée contre lui. Une fois qu’il se fut maîtrisé, Stryker revint sur ses pas. « Le Général Magnus vous a-t-il dit où il emmenait le prisonnier ? »

« Non, monsieur, il ne l’a pas fait », répondit Sims. « J’ai tout gâché, n’est-ce pas, monsieur ? »

« Non. Vous n’avez que suivre les ordre d’un officier supérieur, et je n’ai laissé aucune instruction vous demandant de faire autrement ». Le soulagement sur le visage de Sims était palpable. « Mais j’ai besoin de savoir où Magnus a emmené le Seigneur Aleshko. Je veux que vous et vos hommes le découvriez et me rendiez compte immédiatement ».

« Tout de suite, monsieur », dit-il. « Nous le trouverons ». Il se tourna vers ses hommes. « Avec moi ». Et ils s’enfoncèrent dans le camp cygnaréen.

Stryker inspira profondément pour se calmer. Son esprit était ébranlé. Il savait que Magnus serait un défi, mais il était encore surpris que le warcaster le défie ouvertement. Il ne pouvait rien faire d’autre que d’attendre et espérer que Sims découvre où Magnus avait emmené Aleshko avant qu’il ne soit trop tard. Les agents du SRC étaient bien équipés pour dénicher des informations, mais le temps manquait, et Stryker voulait désespérément arrêter Magnus dans un acte qui lui permettrait d’être traduit en cours martial. Il en avait très envie.

Il retourna à sa tente de commandement pour attendre.

* * *
« QU’ALLEZ-VOUS FAIRE lorsque vous le trouverez ? » demanda Maddox alors qu’ils sprintaient tous les deux dans l’obscurité du début de soirée en direction de la périphérie du camp. Sims avait découvert où Magnus avait emmené Aleshko et Stryker avait immédiatement réagi. Il avait voulu y aller seul, mais Maddox ne l’avait pas voulu, et il ne voulait pas avoir affaire à deux officiers désobéissant à des ordres directs.

« C’est passible de pendaison, Beth », déclara Stryker en courant. « Il a désobéi à un ordre direct en temps de guerre ».

« Je sais, mais je vous demande simplement d’obtenir tous les faits avant d’agir, monsieur ». Elle faisait ce qu’elle faisait souvent pour lui, ajoutant un contre-argument froid et rationnel à son argument plus émotionnel. Il n’était pas d’humeur à le faire maintenant.

« Vous ne pouvez pas être d’accord avec ce qu’il a fait », dit Stryker. « Il a peut-être tous mis en péril, pour ce que nous en savons ».

« Bien sûr que non, mais vous devez contrôler vos émotions », dit-elle « Je sais que c’est ce que vous craigniez. Peut-être même que vous l’espériez. Mais notre objectif premier est de mettre le prisonnier en sécurité ».

« Je suis bien conscient de ce qu’il faut faire », dit Stryker. Ils approchaient du fleuve, et leur destination se profilait à l’horizon. Magnus avait tracté le chariot loin du camp – probablement en s’appropriant quelques warjacks de l’armée – et l’utilisait comme salle d’interrogatoire de fortune. Il était visible près d’un petit bosquet d’arbres, à une trentaines de verges du bord du fleuve. Deux hommes se tenaient à l’extérieur, tous deux vêtus d’une armure de pionnier.

Les deux gardes sursautèrent à l’approche de Maddox et Stryker. Ils ne s’attendaient pas à voir deux warcasters en armure courir vers eux à toute vitesse.

« Éloignez-vous du chariot », dit Stryker en s’arrêtant à trois mètres des gardes de Magnus. Tous deux avaient cet air brutal que semblaient avoir tous les hommes de Magnus. Il s’agissait probablement d’anciens mercenaires l’ayant servi pendant son exil. Que Julius ait permis à Magnus de leur donner des postes au sein de l’armée le stupéfiait encore.

Les deux gardes hésitèrent, et l’un d’eux porta sa main sur un pistolet à son flanc.

« Si tu n’éloigne pas ta main du pistolet et que vous ne vous écartez pas, je vous tue sur place », déclara Stryker. Il n’avait pas dégainé Vif-Argent, mais ce n’était pas une menace en l’air. Un warcaster en armure n’avait pas besoin d’arme pour tuer.

Les yeux des deux gardes s’écarquillèrent, car ils comprirent enfin le danger qui les menaçait. Ils s’écartèrent tous les deux. L’un d’eux se contenta même d’un « Désolé, monsieur ».

La porte du chariot était fermée et probablement verrouillée de l’intérieur. Peu importe ; Stryker n’allait pas frapper. Il s’approcha, saisit la porte par la longue barre de verrouillage sur le devant et tira. Les bobines galvaniques le long de son dos brillèrent d’un bleu vif tandis que la turbine arcanique de l’armure déversait sa force dans ses membres. Le métal commença à gémir, puis la porte sortit de ses gonds avec un cri de satisfaction d’acier déchiré. Il jeta la porte au loin et s’élança dans le chariot.

Stryker vit ce à quoi il s’attendait. Aleshko était attaché à une chaise à l’une des extrémités du chariot, affaissé et en sang. Harrow se tenait derrière lui, une matraque en caoutchouc en main. Magnus se tenait devant le prisonnier, un petit filet de fumée s’échappant de la cheminée au dos de son armure de warcaster.

Le visage de Magnus était impassible, glacial. Cela rendit Stryker furieux, au point que Magnus ne lui donnerait même pas la satisfaction d’avoir l’air surpris. On aurait dit qu’il s’était même attendu à la présence de Stryker. Le warcaster ouvrit la bouche pour parler, mais Stryker se précipita en avant, saisit Magnus par la taille, pivota et le projeta à travers la porte ouverte du chariot. Stryker entendit Magnus atterrir avec fracas à l’extérieur et bondit à sa suite.

Magnus gisait par terre avec Maddox se tenant debout au-dessus de lui. Elle paraissait surprise. « Monsieur, je- »

« Sécurisez le prisonnier, major », dit Stryker en serrant les dents. « Et sa chose vous pose problème, abattez-le ».

Pour une fois, Maddox ne discuta pas avec lui. « Oui, monsieur », répondit-elle en se dirigeannt vers le chariot.

Magnus se relevait. Son plastron était cabossé là où il avait atterri sur son ventre. Son champ d’énergie avait probablement absorbé la majeure partie de l’impact. « Coleman, attends, je dois- »

Stryker le chargea,lui assénant un violent coup de poing droit. Le champ d’énergie de Magnus s’embrasa au moment où le poing de Stryker entra en contact avec lui, ce qui ralentit quelque peu le coup de poing ; sinon, il aurait pu briser la nuque de Magnus. Le coup avait tout de même assez de force pour le faire s’écrouler au sol.

La rage que Stryker avait ressentie quelques instants plus tôt s’était transformé en quelque chose d’autre : la vengeance. Une vieille haine remontait de l’endroit où il l’avait cachée, et il la laissa prendre le dessus, la laissa le mener. Cet homme méritait de mourir pour tant de raisons, et Stryker y mettrait fin ici même.

Magnus tenta de se relever, et Stryker envoya son genou dans la poitrine du warcaster, l’écrasant au sol. Il maintint Magnus au sol avec le considérable poids de son armure et ramena son poing en arrière, canalisant sa magie dans la frappe qui allait fracasser le crâne de Magnus. Mais quelque chose le frappa durement dans le dos, et il fut projeté en avant dans les airs. Il toucha le sol sur le ventre, son champ d’énergie s’illuminant de bleu au moment de l’atterrissage.

Stryker se retourna pour voir Maddox se tenir au-dessus de Magnus, le visage assombri par le choc et la colère.Elle lui avait donné un coup de pied dans le dos. « Au nom de Morrow, à quoi pensez-vous ? » demanda-t-elle.

« C’est un traître », répondit Stryker en se relevant. « J’ai le droit de l’exécuter ».

« Avec vos poings ? Il ne se défendait même pas », dit Maddox. « Vous valez mieux que ça ».

En ce qui concerne Magnus, Stryker se demanda s’il l’était, mais les paroles de Maddox évacuèrent une partie de sa colère et il secoua la tête. Magnus se contentait de le fixer.

« Je me suis pas battu contre vous parce que j’espérais que vous reprendriez vos esprits à un moment ou l’autre », dit Magnus en essuyant un filet de sang coulant de son nez. « Pour que je puisse vous révéler ce que nous avons appris ».

« Je me fiche de ce que vous avez appris », dit Stryker. « Vous avez désobéi à un ordre direct, et je vous ferai pendre pour cela. « Harrow était sorti au chariot, un sourire suffisant sur le visage. « Et il sera pendu juste à côté de vous ».

« Vous et moi savons tous les deux que vous êtes heureux de l’excuse », répondit Magnus. « Le Seigneur Général Stryker, si moral, si juste. Je vous connais mieux que vous ne le pensez ».

« Alors c’est un moyen de parvenir à une fin », dit Stryker. « Même sans les règles et les ordres, c’est mal. Vous avez tort.

Vous devriez écouter ce que Magnus a à dire », dit doucement Maddox. « Puis décidez ce que vous voulez faire de lui ».

Stryker la regarda fixement, en serrant les dents. Elle essayait de calmer le jeu, de le faire réfléchir. Une partie de lui la détestait pour cela, la détestait pour avoir fait dérailler la rage qu’il se sentait si justifié de ressentir. Mais elle avait raison, et une autre partie de lui lui en était reconnaissante.

« Parle », dit-il.

« Il nous a parlé des explosifs de la Grande Porte », dit Magnus. « C’est plus que des explosifs c’est une sorte d’agent alchimique ».

Cela choque Stryker, et les implications de ce que cela signifiait vidèrent le reste de sa colère meurtrière. « Aleshko a révélé ça ? »

Il l’a fait », répondit Magnus. Et encore plus. Vous voulez que je vous informe ou simplement lancer une corde à un arbre voisin et vous pendre ? »

Harrow et les deux hommes qui gardaient le chariot se placèrent à côté de Magnus, peut-être pour le protéger ou peut-être  pour chercher à se protéger de lui. Stryker ne l’entendait pas de cette oreille.

« Vous, les hommes, retournez immédiatement au camp », dit-il.

Harrow regarda Magnus d’un air interrogateur. Le warcaster ne croisa pas son regard.

« Où vous pouvez être abattus sur place ».

La menace fonctionna. Harrow et les deux gardes s’éloignèrent silencieusement dans la nuit.

Une fois qu’ils furent partis, Stryker se tourna vers Magnus. « Aleshko survivra-t-il ? »

« Harrow n’a causé aucun dommage permanent », déclara-t-il. « Il va récupérer ».

« Il y avait d’autres moyens d’obtenir ces informations », déclara Maddox en s’adressant à Magnus pour la première fois.

« Pas aussi rapidement », répondit Magnus. « J’ai fait ce qu’il fallait faire. Ce que le seigneur général n’a pas pu faire ».

« Soyez maudit, Magnus », dit Stryker. Il ne pensait pas que sa haine pour cette homme puisse devenir plus intense.

« Oui, que je sois maudit, pour que vous n’ayez pas à vous salir les mains, Seigneur Général », dit Magnus, ses yeux affichant enfin une pointe d’émotion. Colère. « Les hommes comme vous ont besoin d’hommes comme moi. Vous voulez que la guerre soit honorable et propres, alors que nous savons tous deux qu’elle ne l’est pas ». Il fit un geste en direction du chariot. « Voilà à quoi ressemble parfois la guerre, et parfois elle sauve plus de vies que toutes les glorieuses batailles sur Caen ».

Stryker avait fait des choses au nom de la guerre dont il n’était pas fier, mais il avait toujours pensé qu’il y avait une limite à ne pas franchir. Pour des hommes comme Magnus, cependant, cette limite n’existait pas. Une partie de lui, bien qu’à contrecœur, admettait que Magnus avait raison. Les informations qu’il avait obtenues d’Aleshko sauveraient probablement des vies cygnaréennes, mais il ne pourrait jamais approuver ses méthodes.

« Je pense que vous avez tort », déclara Stryker. « Je pense que les hommes comme vous font les choix qu’ils font parce qu’il est plus facile de s’abaisser au même niveau que votre ennemi et de considérer cela comme nécessaire plutôt que de donner l’exemple de ce que les hommes peuvent et devraient être ».

Magnus sourit. « Acceptons d’être en désaccord, monsieur », dit-il. « Maintenant, vous voulez que je vous informe ou pas ? »

« Vous avez désobéi à un ordre direct », dit Stryker, puis « Demandez pardon ».

Le sourire de Magnus s’effaça. « Quoi ? »

« Demandez mon pardon ou j’invoquerai mon droit de vous exécuter ». C’était un pari. Magnus était déjà irrité de servir sous son commandement, mais admettre son autorité si ouvertement, si docilement, était un coup dont il ne se remettrait pas promptement. Bien sûr, Stryker était dans une impasse ; si Magnus refusait, il devrait le tuer.

« Vous n’êtes pas sérieux ». Mais Magnus hésité, jetant un regard noir au seigneur général, tous deux silencieux pendant une longue minute. Puis Magnus dit : « Vous voulez m’entraîner au sein de votre temple de moralité égocentrique ».

« Vous allez au moins regretter du bout des lèvres votre désobéissance et votre immoralité ». Stryker toucha la poignée de Vif-Argent. « Demandez pardon ».

Un filet de sueur coulait sur le front de Magnus et se mêlait au sang de son nez. Il serra et desserra les poings.

« Pardonnez-moi, Seigneur Général », dit-il enfin. Il détourna le regard.

« Pardonner quoi ? » demanda Stryker. Un changement subtil s’était produit dans la tension les entourant ; l’équilibre des forces avait changé. Stryker était à nouveau aux commandes, il ne se contentait plus de réagir à Magnus.

Les yeux de Magnus se rétrécirent de fureur, mais il se maîtrisa. « Pour ma désobéissance ».

« Pour avoir torturé Aleshko », poursuivit Stryker. Son ton, condescendant mais ferme, avait clairement mis Magnus en colère, mais le pragmatisme froid qui le caractérisait se manifesta.

« Pour avoir torturé le prisonnier », déclara Magnus. « Et obtenir des informations vitales pour notre missions ». C’était un petit défi, mais Stryker le laissa passer. Il avait ce qu’il voulait. Pour l’instant. « Pouvons-nous revenir aux affaires en cours, maintenant ».

« Ce n’est pas fini, Magnus », dit Stryker.

« Non, probablement pas », répondit Magnus. Ses lèvres se retroussèrent en un sourire fatigué. « Vous et moi serons une épine dans le pied de l’autre jusqu’à ce que l’un de nous meure ».

Pour une fois, Stryker fut entièrement d’accord avec le warcaster.

elric:

- 19-
Campement Cygnaréen, Llael Libre


LA GRANDE TENTE AU CENTRE du campement cygnaréen était spacieuse, suffisamment grande pour accueillir tous les officiers supérieurs de Stryker et un certain nombres leurs aides importants. Ils se tenaient autour d’une grande table, sur laquelle était étalée la carte de Croix-des-Fleuves.

« Nous avons recueilli des informations vitales sur les défenses khadoréennes à Croix-des-Fleuves, et le Général Magnus et moi même avons élaboré un plan d’attaque », déclara Stryker, croisant les regards des hommes et femmes l’entourant.

« Monsieur, comment avez-vous obtenu ces informations ? Aleshko a-t-il craqué ? » demanda un grand et robuste jeune commandant. Il s’agissait du Major Tobias Johnson, une étoile montante de l’armée cygnaréenne et un membre haut placé du SRC, le Service de Renseignement Cygnaréen, au sein de l’Armée.

Stryker avait tenu secrète l’affaire avec le Seigneur Aleshko, mais ses officiers savaient qu’un nombre de kayazy avaient été capturés. Il ne voulait pas que ses hommes sachent ce que Magnus et Harrow avaient fait pour faire parler l’homme. En fait, il voulait l’oublier lui-même. Aleshko avait survécu à l’interrogatoire d’Harrow, et ses blessures étaient relativement légères.

« Oui, l’un des hommes du Général Magnus est doué pour les interrogatoires, et les informations d’Aleshko se sont avérées valables », déclara Stryker. Sa poitrine se serra à l’idée de nommer Harrow autrement que comme un tueur brutal et insensible.

Le Major Johnson acquiesça, il était clair qu’il comprenait que le mont interrogatoire signifiait beaucoup plus que questionnement ici, et il ne dit rien de plus.

« Nous savons qu’Harkevich a piégé le pont avec des explosifs contenant un agent alchimique inconnu », dit Magnus, reprenant là où Stryker s’était arrêté. Aleshko ne savait pas quel type d’agent Harkevich utilisait, seulement que c’était quelques chose que le prisonnier n’avait jamais vu auparavant. Magnus avait assuré à Stryker qu’un de ses hommes, un ancien alchimiste de l’Ordre du Creuset d’Or, pourrait probablement identifier la substance. C’était encore une autre raison pour laquelle Magnus n’avait pas été enchaîné ; Stryker doutait qu’il puisse convaincre les hommes fidèles aux warcaster de suivre ses ordres s’il avait arrêté Magnus. Il déserteraient probablement à la première occasion. « Ce que nous ignorons, c’est la location exact de ces explosifs sur le pont ».

« Alors, nous sommes de retour à la case départ », dit le Capitaine Tews. « Nous ne pouvons pas attaquer le pont ».

« Pas exactement, Capitaine », répondit Stryker. « Le Seigneur Alesho possède une petite flotte de navires marchands, que nous nous sommes appropriés. Chacun de ses navires peut contenir cinquante hommes et tout leur équipement et leur faire traverser le fleuve.
Tews acquiesça. « Et ensuite ? »

« La meilleure façon de désamorcer ces explosifs est depuis de l’autre côté du pont », dit Magnus. « Je mènerai la force qui traversera le fleuve, et nous pénétrerons dans la ville par l’ouest. Ils ne s’attendront pas à une attaque par là, et les khadoréens seront distraits. Mon homme pourra identifier l’agent alchimique une fois sur place ».

Stryker n’était pas très enthousiasmé par cette partie du plan. Il n’était pas du tout enthousiaste à l’idée de travailler avec Magnus, mais il devait sauver les apparences. Pour l’instant, Magnus était toujours un général de l’Armée Cygnaréenne, et Julius l’avait choisi personnellement pour diriger une partie de la force d’invasion.

Attaquer la ville des deux côtés à la fois était stratégiquement logique, mais Magnus avait insisté pour que la petite force traversant le fleuve soit composée de ses propres hommes, ceux qui l’avaient servi pendant son exil. Il ne faisait aucun doute que nombre de ces hommes étaient doués pour les opérations secrètes, car Magnus n’avait eu d’autre choix que de se déplacer en toute discrétion lorsque l’ancien roi cygnaréen, Leto Raelthorne, le poursuivait, mais tous n’étaient guère plus que des mercenaires déguisés dont la loyauté allaient à Magnus et non au Cygnar. Il ne pensait pas que Magnus le trahirait, mais uniquement que si l’un d’eux échouait, cela signifiait la destruction de l’autre. Ses hommes, en revanches … Magnus faisait trop confiance à des hommes comme Harrow, des hommes qui n’avaient d’autres maîtres que l’argent et leurs propres pulsion. Stryker avait besoin de quelque chose pour équilibrer cela.

« Capitaine Tews, vous accompagnerez le Général Magnus, ainsi que quatre de vos meilleurs éléments ».

Les yeux du grand Lame-Tempête s’écarquillèrent, puis une expression de dégoût et de résignation s’installa sur son visage. « Oui, monsieur », prononça-t-il.

« Heureux de vous avoir à bord, Capitaine », dit Magnus d’un ton égal. Il devait se douter pourquoi Stryker incluait le capitaine Lame-Tempête, mais peut-être considérait-il Tews comme un atout et non comme un chien de garde.

Stryker poursuivit le briefing. « Pendant que le Général Magnus pénètre dans la ville par l’ouest, le Colonel Bartlett et moi mèneront sur le pont. Nous allons leur lancer tout ce que nous avons, donnant ainsi à la force de Magnus le temps d’atteindre le pont et de neutraliser les explosifs ».

« Morrow, il faut que notre coordination soit bonne, sinon Harkevich va nous éjecter dans le fleuve », déclara Bartlett. C’était une grande femme d’une trentaine d’années, aux cheveux noirs striés de gris. Elle était un chevalier avec une noble lignée et un excellent commandant de l’Armée Cygnaréenne sur le champ de bataille.

« Vous avez raison, bien sûr », dit Magnus. « Le choix du moment sera déterminant. S’il fait exploser le pont, mes hommes seront piégés dans la ville et massacrés. Alors, faisons les choses correctement du premier coup, hein ? »

« C’est le moment, tout le monde. C’est notre unique chance », poursuivit Stryker, répondant aux regards interrogateurs de ses officiers. « Harkevich sait très probablement que nous détenons Aleshko, nous devons donc frapper avant qu’il ne puisse renforcer ses défenses ou obtenir des renforts de Rynyr ».

Un murmure d’assentiment parcouru les officiers rassemblés. C’étaient tous de bons soldats et il avait la plus grande confiance en eux.

« Et quel sera mon rôle dans cette attaque ? » demanda Vayne di Brascio. Il avait tranquillement écouté le briefing. Stryker l’avait invité à y assister plus par respect pour l’homme qu’autre chose, mais di Brascio était aussi un soldat, et il n’appréciait pas d’être laissé pour compte.

« Capitaine di Brascio, je suis reconnaissant pour l’aide que vous et la Résistance avez apportée jusqu’à présent, mais je ne peux pas vous demander de risquer votre vie et celle de vos hommes dans un assaut frontal », dit Stryker.

Vous vous souvenez de ce que je vous ai dit à la Tour Gris-vent » dit di Brascio avec un sourire torve.

« Je m’en souviens. Et vous n’êtes pas sous mon commandement ».

« Alors, je vous verrai à Croix-des-Fleuves », répondit le mage balisticien llaelais en sortant de la tente. De nombreux officiers jetèrent des regards confus sur le capitaine de la Résistance ; il était un personnage un peu énigmatique, mais Stryker estimait que leurs chances étaient un peu meilleurs avec l’habile mage balisticien llaelais à ses côtés.

« D’accord ». Magnus et ses hommes partiront ce soir et traverseront le fleuve. Les navires sont équipés et prêts à partir. Le reste d’entre nous marchera à l’aube et atteindra le pont en milieu de matinée ». Stryker regarda Magnus. « Une fois que nous aurons atteint le pont, j’estime que v ous aurez environ trois heures pour retirer les explosifs »

« Nous serons là », répondit Magnus. « Mais je ne me plaindrai pas si vous pouviez me faciliter la tâche en tuant autant de khadoréens que possible avant que nous y arrivions ».

Stryker ignora la pointe d’humour, principalement parce qu’il savait combien de cygnaréens rejoindraient les khadoréens décédés. « Vous savez tous ce qu’il faut faire. Alors, mettons-nous au travail », dit-il. « Rompez ».

La tente se vida rapidement, les officiers s’empressant de préparer l’assaut. Il serait inondé de rapports dans les deux heures à venir concernant leurs progrès.

Magnus s’attarda, comme Stryker s’y était attendu. « Vous ne me faites toujours pas confiance, n’est-ce pas ? » dit-il quand ils furent seuls.

Si vous me demandez si je pense que vous allez ignorer mes ordres quand cela vous arrange, alors non, je ne le pense pas. Si vous me demandez si je pense que vous êtes assez stupide pour commettre à nouveau une haute trahison avec un roi que vous soutenez sur le trône, … Eh bien, je ne pense pas que vous soyez stupide », déclara-t-il.

« Trahison, hein ? » Magnus eut un mince sourire. « Si vous vous souvenez bien, je soutenais le roi légitime, je me défendais contre un coup d’état, quand j’ai été qualifié de traître. Je soutiens toujours le roi légitime. La seule différence, c’est que mon opinion et ma loyauté sont désormais populaires ».

« C’était un tyran, et le Cygnar vivait dans la peur avec Vinter sur le trône. Je me souviens que vous étiez l’architecte de cette peur, que vous la répandiez et la nourrissiez », déclara Stryker. Il ne criait pas, mais ses paroles étaient formulées dans un murmure forcé, minimal et impératif. « Pouvez-vous vraiment dire que le Cygnar n’a pas été mieux loti sous Leto ? »

« Ce n’est pas à moi de juger, ni à vous », déclara Magnus. « Nous sommes des soldats. Nous faisons de notre mieux pour servir nos rois même lorsque nous ne sommes pas d’accord avec eux ».

C’était la première fois qu’il entendait Magnus laisser entendre qu’il n’était pas d’accord avec les méthodes de Vinter. Cela le surpris. « Non, vous vous trompez. Il est de notre devoir en tant que soldats et serviteurs de Morrow de protéger le Cygnar et de lutter pour protéger les innocents ».

« C’est ce que nous faisons ici ? Protégez les innocents ? »

Stryker détourna le regard. C’était une remarque juste. Ils étaient une armée d’invasion, et même si leur cause était juste, il ne pouvait pas dire avec certitude que son but l’était. « C’est ce que je fais », dit-il, « au mieux de mes capacités. Et tant que vous porterez cet uniforme sous mon commandement, vous ferez de même ».

Magnus le regarda, ses yeux évaluant. Finalement, il dit. « Ce n’est pas son père, vous savez. Julius ».

Stryker dut réfléchir attentivement à ses prochaines paroles. Magnus connaissait ses sentiments à l’égard du jeune roi et il pourrait l’entraîner dans des propos séditieux. Sa position auprès de Julius était déjà précaire. « D’après mon expérience, la pomme ne tombe jamais loin de l’arbre ».

« C’est vrai ? Dites-moi, l’homme qui se tient devant moi ressemble-t-il à son père ? J’ai combattu avec lui pendant plus de dix ans. Il était habile et courageux, mais son coeur n’était pas celui d’un guerrier ».

L’évocation de son père le frappa durement. Joseph Stryker était un mékano de warjack, servant au sein de l’Armée Cygnaréenne sous les ordres du Commandant Magnus. Joseph avait été horriblement blessé lors des tristement célèbres Invasions Schardes, lorsque l’Empire du Cauchemar avait envahi les côtes occidentales de Cygnar, et il avait été démis de ses fonctions. Il ne s’en était jamais remis et avait développé une répugnance pour la guerre, ainsi que pour les hommes qui la pratiquaient. « Il ne fut plus le même après son retour, après avoir combattu sous votre commandement », déclara Stryker. « Et il ne s’est jamais remis de la mort de ma mère ».

Quelque chose passa sur le visage de Magnus, adoucissant momentanément sa féroce sévérité. Était-ce du regret ? Du Chagrin ? « Sa mort nous a tous affectés ».

Stryker agita une main dédaigneuse. « Général, j’ai fini de ressasser le passé. Rompez ».

Magnus s’attarda un instant, et Stryker se demanda s’il allait désobéir. Puis il sourit. « Bonne chance pour demain, Seigneur Général ».

Stryker ne répondit rien et fixa la carte sur la grande table jusqu’à ce que Magnus soit parti. Il n’est pas son père. Julius était féroce et têtu, mais il n’avait pas encore fait montre du penchant pour la cruauté de son père. Cela viendrait-il avec le temps ? Magnus allait-il encourager la tyrannie chez le jeune roi ?

Il écarta cette idée, sortit et se dirigea vers sa propre tente. Il avait besoin de dormir, même si les spectres du passé le tiendrait éveillé longtemps.

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