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Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Sang et Fer
« Dernier message par elric le 26 janvier 2025 à 17:05:04 »
« Je vais bien, monsieur ! » Milo Tolbert, l’assistant du maître d’armes d’Hawk tenta de se redresser de son hamac. Il parvient à peine à passer une jambe par-dessus. « Ne m’obligez pas à boire davantage de cet infâme breuvage que Doc a concocté. Je préfère être malade ! »

« Il y a du rhum dedans, tu sais », répondit Shae.

« Oui, monsieur, mais ça a le goût de ce truc que les alchimistes utilisent pour conserver leurs cadavres ! »

Shae déglutit à cette idée. L’affirmation de Milo aurait pu être plus amusante s’il n’était pas probable que l’homme ait réellement goûté une telle concoction. Il connaissait un cas où un amiral mort en mer avait été conservé dans un tonneau de brandy, mais lorsque le vaisseau amiral était arrivé au port, il ne restait plus qu’un gallon d’alcool au fond. Des rumeurs plaisantes circulaient dans la flotte selon lesquelles l’amiral décédé avait un problème d’alcool, mais tout le monde savait ce qui s’était passé.

« Eh bien, puisque tu es en assez bonne santé pour te plaindre de tes médicaments, tu es prêt à brandir un fusil ? »

« Oh, oui, monsieur. Je ne voudrais pas prendre une lame, mais je peux tirer assez droit ».

« Bien ! Alors va sur le pont et fait ton rapport à Hawk. Mais arrêtes-toi à la cuisine en chemin et prends une dernière ». Il lança un regard noir à l’homme. « C’est un ordre ».

« Oui, monsieur ». Tolbert sortit de son hamac, vacilla sur ses jambes affaiblies et se dirigea en titubant vers la cuisine.

Shae passa au chien de mer malade suivant. Il évalua soigneusement chacun d’eux, n’ordonnant qu’à ceux qui étaient raisonnablement lucides à sortir de leur hamac. Jusqu’à présent, il avait renforcé les rangs de combattants du navire d’une vingtaine d’hommes, même s’ils ne valaient guère plus que le crachat qu’il fallait pour cirer une chaussure. Franchement, mourir au combat n’était pas pire que de rester en bas s’ils ne parvenaient pas à vaincre les chasseurs de pirates. S’ils étaient capturés, tout l’équipage serait pendu aux verges – blessés, malades et bien portants.

« Capitaine ! » Walls s’avançait à travers les hamacs, Sutbs bondissant sur son épaule. Le singe aimait la bataille plus que les bananes et semblait toujours savoir quand un combat était imminent.

« Qu’y a-t-il, Walls ? »

« Ils ont tous les deux pris la directions du nord, monsieur. Ils ont trouvé des passages à travers le récif ». Stubs poussa un cri d’affirmation et prit un moment pour jeter un coup d’œil sous le cache-œil de son maître. À la grande horreur de Shae, la dégoûtante petite créature sortit une cacahuète du vide. Walls ne sembla pas le remarquer alors que Stubs replaçait le cache-œil et grignotait.

Shae déglutit difficilement. « Quelles routes suivent-ils maintenant ? »

« Ils reviennent l’un vers l’autre, et vers nous. Le Tempête navigue vers l’ouest sous des huniers arisés, et le Rasoir se dirige vers l’est uniquement à la vapeur. Ils avancent lentement et tirent sur chaque épave qu’ils croisent ».

« Ils essaient de nous débusquer ». Shae sourit « Très bien. Prends le relais ici, Walls. Tous ceux qui savent manier un fusil en prennent un. Aligne-les sur la rambarde et donne-leur un seau pour s’asseoir s’ils ne peuvent pas tenir debout. Nous allons avoir besoin de tous les armes ».

« Oui, monsieur ! »

« Je suis sur la dunette ».

Shae grimpa l’échelle depuis le coqueron avant jusqu’au spacieux coffre à voile, puis ouvrit la porte donnant sur le pont intermédiaire. Un coup d’oeil dans la mâture confirma que Grogspar avait demandé à ses gabiers de redresser le gréement. Sur le pont, Hawk faisait distribuer des armes. Chaque chien de mer portait une paire de pistolet et aux moins deux lames. Ils le saluaient et criaient « Monsieur ! » à son passage. Ses warjacks étaient alignés au milieu du navire, et il sentait le cortex de chacun d’entre eux bourdonner d’impatience, attendant ses ordres. Les bras armé de Crochet avait été réparé pendant la nuit, et il se rappela de féliciter Corcorian pour son travail. Toute cette activité intense lui donnait envie de ronger du fer et de cracher des clous.

« Hawk ! » Il bondit vers la dunette. « Rapport ! »

« Le Rasoir et le Tempête ont tous deux franchi le récif extérieur. Le Tempête a employé le passe principale, mais le Rasoir à dû trouver un passage que nous n’avons pas sur nos cartes. Ils se frayent un chemin parmi les courants de marée vers nous, mais ils progressent lentement ». Elle tendit une longue-vue et désigna l’est juste au moment où le lointain boum des canons leur parvenait.

Rockbottom s’approcha du maître d’armes, son énorme tromblon, Bouche à Feu, coincé dans le creux de son bras. « Ils fracassent les épaves. Ils doivent sa voir que nous n’avons pas pu franchir la passe durant la nuit. Comme nous ne sommes pas sortis aux premières lueurs de l’aube, ils pensent que nous sommes toujours là ».

« Exactement comme je l’espérais. Comme deux chiens de chasse ». Il leva sa longue-vue et examina ses adversaires l’un après l’autre. Ils étaient tous les deux à au moins quatre miles de distance, mais il pouvait distinguer les imposantes formes des warjacks sur leur ponts. Il ne pouvait discerner ni le type ni le nombre de warjacks, mais à moins qu’il ne se soit trompé et qu’ils aient un warcaster pour contrôler les ‘jacks, il était confiant, il était presque certain de pouvoir battre un contrôleur expert. « À moins qu’ils n’aient de meilleurs cartes du Cimetière que nous, le Rasoir navigue dans des eaux inconnues, et le Tempête le fera bientôt. Ils seront prudents jusqu’à ce qu’ils nous voient bouger, puis ils stopperont leurs courses et se mettront à la cape ».

« Avec un peu de chance, ils s’échoueront tous les deux », intervint Hawk.

« Sur ce coup-là on touche du bois ». Il referma la longue-vue et frappa la rambarde avec ses articulations armurées pour se donner de la chance « Donnons-leur quelque chose à poursuivre et espérons qu’ils seront négligents ».

« Oui, monsieur ! » Son sourire enthousiaste était tout ce qu’il pouvait espérer.

« Foutus jeunes ». Joln les suivit d’un pas lourds alors qu’ils se dirigeaient vers la rambarde avant. « La cupidité de Ghrd, vous vous croyez tous immortels ou quelque chose comme ça ? »

Shae l’ignora, sachant que le nain se plaindrait de mettre sa peau douce en danger, puis se battrait comme un bouledogue acculé lorsque la pagaille commencerait. II pensait souvent que Rockbotom détestait le prix de la bataille en or plus que le prix en sang, surtout lorsqu’il n’y avait de douce récompense une fois l’effusion de sang terminée. Aujourd’hui, ils auraient la chance de survivre avec leur peau intacte, sans parler de réaliser des bénéfices.

« Monsieur Grogspar, larguez les amarres de carénages et d’amarrage. Hissez uniquement les ris et les focs. Je veux rester discret. Hawk, quand nous serons libres, avance d’un tiers et réduisez la fumée au minimum. Nous ne voulons pas commencer cette fête tant que tous les invités ne savant pas que nous sommes là. Oeil de Lynx et prévoyez les hauts-fonds. Je veux deux sondeurs sur les calepieds ! S’échouer maintenant serait notre perte ».

Le Talion se redressa lorsque les amarres furent relâchées et se libéra peut après. La grand-voile et les vergues avant furent entoilées, seulement les plus basses. Une vigie négligente à bord des chasseurs de pirates pourraient les confondre avec une autre épave s’ils gardaient leurs mâts nus. Hawk avança le levier d’ordre jusqu’à avant lente et les roues à aubes commencèrent à tourner. La roue tribord grinça plus que d’habitude, comme Corcorian l’avant prévenu, mais Shae pouvait s’en accommoder.

Le Talion prit progressivement de la vitesse. Les récifs passaient parfois si près des deux flancs que Shae aurait pu pisser sur la terre ferme depuis le bastingage du pont arrière si la marée avait été basse. En ce moment, la marée était haute, ce qui était à la fois une bénédiction et une malédiction. Une eau plus profonde leur offrait encore un mètre vingt sous la quille, mais s’ils échouaient maintenant et que la marée se retirait, ils seraient bel et bien coincés. Une proie facile pour les deux navires de la Ligue.

« Doucement maintenant . . . bien et doux ». Shae avait confié les commandes à Hawk, préférant garder les yeux fixés sur leurs ennemis. Il faisait autant confiance à ses compétences qu’aux siennes pour guider le Talion à travers les dangereux hauts-fonds. Jaugeant les deux navires ennemis, il envisagea de lancer un sort pour masquer la position du Talion, puis y renonça. Avec toutes les épaves qui parsemaient le paysage marin, les vigies mercariennes qui scrutaient l’horizon pouvaient repérer une déformation ou une particularité plus facilement que le simple contour d’un navire. Il espérait que ses propres vigies surveillaient davantage les hauts-fonds que leurs adversaires. Avec la lumière du jour, l’eau plus profonde peu profonde devenait plus facile à lire. Une bleu plus foncé signifiait une eau plus profonde, tandis qu’un bleu plus clair ou bleu sarcelle dénotait des bas-fonds avec un fond sablonneux. L’eau noire pouvait tromper un œil non averti, mais les vigies savent qu’elle indique des herbiers peu profonds et avertissaient Hawk de se tenir à l’écart. Le marron était la couleur la plus dangereuse de toutes, car elle signifiait un corail submergé, suffisamment solide et tranchant pour déchirer une planche de quinze centimètres comme du papier de soie.

La vitesse de croisière était d’environ cinq nœud, la marée descendante commençant doucement à se faire sentir. Le courant croissant était à la fois une bénédiction et une malédiction, car il les faisait avancer plus vite, mais rendait le pilotage plus difficile. De plus, la marée l’aiderait maintenant contre le Rasoir, mais plus tard, elle aiderait le Tempête contre lui.

Dans la guerre maritime, tout était une arme à double tranchant. Un bon commandant devait peser les aspects positifs et négatifs de chaque élément : vent, eau, artillerie et manœuvre. C’est là que le génie de Phinneus Shae se révélait. Plus encore que sa capacité à manier la magie et à guider les warjacks au combat, sa maîtrise des tactiques navales s’était révélées inestimable.

Il n’avait rien appris de tout cela à l’Académie Stratégique, où l’on enseignait uniquement les tactiques terrestres. Les tactiques de l’art du warcaster étaient totalement différentes de celles de la manœuvre d’un navire au combat. Les choses auraient pu être différentes s’il avait été éduqué dans une académie navale, mais lorsqu’il l’avait quittée, il n’avait plus envie de faire partie d’une armée – qu’elle soit terrestre ou maritime. Même les warcasters maritimes – très peu nombreux – apprenaient à s’appuyer sur des capitaines expérimentés pour gérer leurs navires. Shae avait été contrait de faire les deux, et seules des années de sanglantes batailles navales avaient mis ses talents en avant. Il se sentait souvent à bout de forces lorsque les choses devenaient risquées, même s’il avait appris à compter sur Hawk lorsqu’il se concentrait sur l’art du warcaster.

La cloche du transmetteur d’ordres sonna, attirant l’attention de Shae ; Shae utilisait les deux roues à aubes autant que le gouvernail pour guider le navire, effectuant parfois une marche arrière prudente d’un côté ou de l’autre pour changer de cap plus rapidement. Les appels constants des sondeurs et les cris des vigies sur l’avant guidaient leur progression à travers le labyrinthe acéré.

Le tonnerre retentit à l’est, attirant l’attention de tous. Le Tempête avait tiré une pleine bordée. Jusqu’à présent, chaque chasseur de pirates n’avait tiré qu’un ou deux canons à la fois sur les plus grosses épaves, essayant de faire sortir le Talion de sa cachette. Le rugissement de vingt-quatre canons à la fois, couplé au fait que le Tempête n’avait aucune cible à portée, indiqua à Shae qu’il se passait quelque chose.

« C’était un signal ! »

Deux éructions de fumée noire provenant des cheminées du Tempête et la réponse du Rasoir confirmèrent ses soupçons. « Ils nous ont repérés ! Hawk ! Toutes voiles dehors et à fond ! »

« Oui, oui, monsieur ! » Elle poussa le levier de signalisation à fond vers l’avant et hurla à Grogspar de mettre toutes les voiles.

Les voiles se gonflèrent et la fumée s’échappa des cheminées. Le Talion bondit en avant. Une navigation qui était dangereuse devint mortelle. S’ils heurtaient un récif à cette vitesse ils arracheraient le fond du navire.

Hawk prit la barre. Les vigies et les sondeurs lançaient leurs avertissements à une cadance constante. Le Talion passa devant l’épave d’un vieux galion. Ses mâts étaient tombés depuis longtemps et sa coque s’était enfoncée dans le récif, une sombre illustration de leur sort si un seul membre de l’équipage commettait une erreur.

« Récif ! Bâbord avant, soixante mètres ! » cria la vigie avant.

Hawk tira la barre à tribord.

« Tribord en arrière d’un tiers! » ordonna-t-elle, et son timonier actionna le levier de signal. La roue à aubes tribord s’immobilisa et engagea la marche arrière avec un craquement, puis démarra lentement. Shae se dirigea vers le bastingage bâbord et regarda la saillie corallien déchiqueté passer à portée de main.

Le Commodore rugit et Shae plissa les eau pour voir le tir éclabousser la mer juste devant la proue du mercarien, aspergeant son pont avant d’embruns. Le Rasoir arrivait juste à portée des armes à feu.

« C’est mon signal, Hawk ».

« Oui, monsieur ! » Elle le regarda un instant, mais revint rapidement à la tâche pressante d’empêcher leur coque de se briser et d’être réduite en cendres.

« Rappelez-vous, pas plus près qu’un tir de pistolet sur son flanc si tu y parviens. Nous ne voulons pas être trop près quand il passera ».

« Je ferai de mon mieux, monsieur ».

« Toujours ». Shae lui adressa un sourire et s’avança, criant des encouragements aux équipes de fusiliers au passage. « Frappez-les forts ! Rappelez-vous, juste avant les chaînes d’artimon. Donnez-moi un joli profil serré. Ramollissez-le, et nous le défoncerons avec le Commodore ! »

Les acclamations, salutations et les blagues paillardes sur le fait de « le défoncer » le suivit. Shae se retrouva à sourire alors qu’il montait les marches menant au gaillard avant. Comme auparavant, ses quatre Mariniers l’attendaient, mais cette fois, Bottes se tenait également prêt à aider à manoeuvrer le lourd Commodore le moment venu. Quinn se tenait également prêt, travaillant toujours sur la rampe improvisée qu’il avait installée pour orienter l’énorme canon vers la poudrière du Rasoir.

« Joli travail sur Corchet, Quinn ! » dit Shae en donnant une tape dans le dos de l’ingénieur.

« Quoi ? » Quinn plissa les yeux vers le warjack et haussa les épaules. « Je ne l’ai pas touché. Ça doit-être Evlyn ». Il reprit son travail sans ajouter un mot.

Elle était en train de devenir une sacrée ingénieure, pensa Shae. Il passa la main sur la réparation sur son épaulière. Evlyn l’avait si bien lissée qu’il pouvait à peine sentir où la balle avait frappé. Bien sûr, cela lui rappelait la Faiseuse de Fantômes. Alors qu’ils se rapprochaient de Rasoir, il risquait fort d’être à nouveau dans la ligne de mire de la tireuse embusquée.

« Prêt ! » beugla Une Oreille.

Tout le monde se boucha les oreilles, et l’artilleur abaissa le boutefeu garni d’une mèche lente de la lumière de l’énorme canon. L’arme tonna et recula sur ses palans. Avec le recul, le squelette longtemps dénudé de l’homonyme du canon fut projeté vers l’avant, sa tête osseuse se balançant avec un sourire permanent.

Shae regarda le tir s’écraser sur le Rasoir. Du bois, du fer et de la chair déchiquetés éclaboussèrent le pont avant. Une acclamation retentit dans les rangs des artilleurs. Shae avait ordonné à Une Oreille de ratisser le pont du mercarien afin de mettre hors d’état de nuire le plus grand nombre possible avant qu’ils n’échangent des bordées. Chaque canon à bord du Rasoir qui ne pourrait pas tirer sauverait des vies à bord du Talion, ce qui pourrait faire la différence entre la victoire et la défaite plus tard s’ils devaient combattre le Tempête.

Encore un tir, pensa Shae, en se concentrant sur le lien qui l’unissait à ses quatre Mariniers.

Le Commodore rugit à nouveau et, avant que la fumée ne se dissipe, les pièces de chasses du Rasoir répondirent. Deux tirs frappèrent la proue blindée du Talion mais aucun n’eut la force de pénétrer.

Feu à volonté, ordonna Shae à ses Mariniers, en précisant leur objectif, et leurs canons rugirent à l’unisson. Alors que les équipes se dépêchaient de recharger, il entendit un appel urgent venant de la vigie avant.

« Récifs ! Droits devant, à deux verges ! Dégagez deux degrés à bâbord ou à tribord ! »
Shae évalua les angles en un instant. Le Rasoir se trouvait au nord des eau peu profondes. S’ils mettaient le récif entre eux, cela empêcherait le chasseur de pirates de l’approcher, et le récif pourrait fournir une certaine protection. Shae avait déjà vu des navires exploser, et l’onde de choc sous-marine pouvait faire autant de dégâts aux navires proches que les débris volants. Avant qu’il n’ait pu crier un ordre à Hawk, elle était déjà en train de tourner la roue à bâbord.

« Tu lis dans mes pensées, Hawk ».

Shae centra ses pensées et concentra toute son énergie arcanique. Des runes jaillirent et se répandirent dans tout le navire, faisant miroiter des images fantômes qui, l’espérant, gâcheraient la visée des artilleurs ennemis. Il chancela sous l’effet de l’effort, mais tint bon

Shae maintint sa concentration alors que les canons rugissaient et que deux centre livres de fer supplémentaires volaient entre les navires. Un boulet passa au ras du pont intermédiaire, et un morceau de gréement se détacha derrière lui avec un bruit semblable à celui coup de feu. Le Rasoir se tourna vers eux, essayant de garder sa proue blindée face au Talion jusqu’à ce qu’il se rapproche suffisamment pour que sa bordée soit pleinement efficace.

« Allez Gorafalo, Viens vers moi ! » Avec le soleil levant dans les yeux et un récif qui les sépare, Gorafalo risquait de foncer dans une barrière de corail.

Un autre tir de barrage des pièces de chasses secoua l’air. Lorsque la fumée se dissipa, Shae vit que le chasseur de pirates se détournait et son flanc apparaissait. Gorafalo avait soit repéré le récif, soit décidé de tirer avant qu’ils ne soient assez proches pour que Shae puisse le repérer sur la plage arrière et lui envoie un boulet de canon dans la poitrine.

Tu vas avoir une surprise, salaud. Shae sourit d’anticipation. « Prêt pour la bordée tribord ! »

Quinn envoya Bottes en avant pour aider à déplacer l’énorme Commodore en position de tir. Le ‘jack lourd souleva le canon de poids royal et le plaça sur la rampe improvisée, ses massifs pieds s’écrasant sur le pont en chêne renforcé au fur et à mesure que l’énorme poids pesait. L’équipe du canon se tenait prêt, le boulet de quarante-deux livres prêt, la mèche lente positionnée près de lumière. La poudre avait déjà été chargée, mais ils ne pouvaient pas enflammer la charge et l’enfoncer dans la gueule du canon avant d’être prêts à tirer. Si le boulet explosait trop tôt, ils ne rateraient pas juste leur tire. Shae avait déjà été témoin d’une explosion incendiaire à l’intérieur du tube d’un canon. Des éclats d’obus avaient tué toute l’équipe du canon.

Shae jeta un coup d’oeil vers la dunette et hurla : « Tiens le cap jusqu’à e qu’ils tirent, Hawk ! »

« Oui, monsieur ! » Elle tint fermement le gouvernail, se rapprochant le plus possible du récif, présentant la proue blindée du Talion à l’ennemi. Cela réduirait les dégâts, mais ils devraient prendre une pleine bordée dans les dents. Le gaillard avant subirait le plus gros de cet assaut.

« Tenez bon, les gars ! » ordonna Shae alors que les sabords du Rasoir apparaissaient.

Un long roulement de tonnerre annonça le flanc du Rasoir, chaque canon tirant au fur et à mesure qu’ils s’approchait. Environ la moitié des tirs manquèrent complètement leur cible, ce qui en disait long sur son sort de dissimulation. Shae sentit l’impact de chaque boulet de vingt-quatre livres s’abattant sur son navire. L’un d’eux frappa un hauban du mât de misaine au niveau du bastingage, traversant les caps-de-mouton dans une pluie d’échardes. Un autre traversa les pavois pour décapiter un fusilier. L’homme tomba, son arme encore dans les mains, le sang jaillissant de son cou tranché. Avec un trio de bruits horribles provenant de l’avant, le pont frémit sous les bottes de Shae.

La fumée se dissipa et un second tireur se pencha par-dessus le bastingage pour inspecter les dégâts. Il se retourna, le visage pourpre de fureur. « La Dame a été touchée ! Son épée a été arrachée ! »

Shae savait que son équipage prendrait cela encore plus à coeur que la mort de l’un des leurs. La Dame du Châtiment était leur fierté et leur joie. Ils se battaient souvent pour l’honneur de polir ses traits brunis.

« Nous leur ferons payer pour ça ! » hurla Shae. « Amène-nous à bâbord, Hawk ! Bordée avec tous ce que nous avons ! »

Shae laissa tomber son sort de dissimulation et prit fermement le contrôle de ses Mariniers. « En avant, maintenant, pensa-t-il, fixant son regard à travers les yeux des warjacks sur l’endroit qu’ils devaient frapper, juste devant les chaînes d’artimon du Rasoir. Les quatre mariniers tirèrent à l’unisson, et trois des quatre tirs firent mouche. Le quatrième s’éleva très haut, heurtant la rambarde et brisant les escaliers qui menaient au pont arrière du chasseur de pirates. Shae vit des silhouettes s’agiter et imagina Gorafalo en train de plonger pour se mettre à l’abri.

Attends, espèce de lâche, pensa Shae alors que le premier des grands canons du Talion commencèrent à s’exprimer.

Il observa chaque frappe, comptait chaque réverbération d’explosion. Plusieurs tirs passèrent à côté. Deux frappèrent l’eau juste en dessous de la cible et rebondirent pour s’écraser sur la coque. Mais une douzaines de balles s’écrasèrent à l’endroit même où il avait tracé un grand « X » sur son croquis. Lorsque la fumée du dernier coup de feu se dissipa, un trou béant était ouvert dans le flanc du Rasoir.

« Maintenant, Une Oreille ! »

« Oui, monsieur ! » Le maître artilleur enflamma la mèche lente de l’obus incendiaire, et son second se précipita vers la bouche du canon pour y déposer le lourd boulet à l’intérieur. Un autre suivit avec la charge avec de la bourre, et deux autres l’enfoncèrent avec le long refouloir.

« Quinze centimètres ! » indiqua Une Oreille, et Quinn passa l’ordre à Bottes.

Le ‘jack saisit l’énorme canon et déplaça la bouche précisément vers la gauche.

« Prêt pour la houle ! » La mèche lente planait au-dessus de la lumière tandis que le Talion se laissait emporter par la houle et se stabilisait.

Le Commodore tonna, l’éclair de la poudre et le hurlement du fer déferlant. Le canon s’abattit sur ses palans et une partie de la rampe improvisée pour lui donner la bonne inclinaison se brisa. Shae garda les yeux fixés sur la brèche dans la coque du Rasoir. Le tir s’était frayé un chemin à travers les poutres brisées.

« Tir parfait, Une Oreille ! »

Rien ne se produisit.

« Trois . . . », dit Une Oreille avec un sourire diabolique, « deux . . ., un . . . » Le feu jaillit du trou dans le flanc du Rasoir.

« Tout le monde à terre ! » hurla Shae, se plaçant devant Quinn pour protéger l’intérieur et suralimenta son champ de puissance.

Le Rasoir explosa dans un éclair de quatre mille cartouche de poudre. Tout son pont s’envola dans les airs, perdu dans la fumée et des flammes incandescentes. Ses mâts furent brisés en éclats et sa coque se désintégra dans une grêle mortelle de débris d’obus. Les poutres du navire frappèrent le Talion telle des lances, percutant ses flancs avec l’impact d’une douzaine de boulets de canon chacune. Le bois déchiqueté perfora ses voiles, et des morceaux de marins mercariens démembrés plurent dans une horrible grêle.

Une gerbe d’eau jaillit du récif séparant les deux navires. L’explosion aurait fait trembler la coque du Talion sans cette barrière amortissant. Shae chancela sous l’impact de petits débris frappant son champ énergétique, puis resta bouche bée lorsque le torse d’un warjack Marinier démembré s’écrasa dans la mer à quelques verges seulement.

« Châtiment ! » Shae bondit sur la rambarde et leva Requin.

Les acclamations et les cris de triomphe provenant du pont furent interrompus par l’horrible gémissement de métal torturé provenant de l’arrière.

Shae se pencha à la recherche de la source du bruit et regarda avec stupeur la roue à aubes tribord. Deux des épaisses membrures du Rasoir avaient frappé le logement de la roue comme des lances, brisant le blindage improvisé pour déformer la machinerie à l’intérieur. L’arrête soudain avait probablement arraché quelques dents des engrenages intérieurs ou tordu l’arbre de transmission.

« Quinn ! »

« Capitaine ? » L’ingénieur le rejoignit au niveau de la rambarde et resta bouche bée devant les dégâts. « Bon sang ! Je venais de réparer cette foutue roue ! »

« Dis-moi que tu peux la remettre en marche ». Shae regarda en l’air et grimaça devant les voiles déchirées et le gréement mutilé. « Si tu n’y arrive pas, nous sommes en quelque sorte des cibles faciles ».

Corcorian fit un signe de tête en direction de l’imposante pyramide de voiles située à environ trois mils, l’écume s’élevant de sa proue dans une crête banche alors qu’elle fonçait sur eux. « Pas avant que le Tempête n’arrive, capitaine. Désolé ».

« Merde ! » Shae porta sa longue-vue à ses yeux pour voir le navire s’approchant. Il naviguait vite, mais pas à pleine vitesse, ce qui aurait été mortel dans dans les passes et les récifs dangereux du Cimetière. Pourtant, il était plus rapide que le Talion. Même si Grogspar parvenait à réparer leurs voiles déchirées, ils ne pourraient pas distancer le chasseur de pirates sans la poussée supplémentaire des roues à aubes. Tous les avantages du vent et de la marée dont il avait bénéficié en se dirigeant vers le Rasoir appartenaient désormais au Tempête. Le désespoir lui serra le coeur.

Shae aperçut alors le pont du navire ennemi et leva son verre. Quatre warjacks étaient alignés au milieu du navire, et une masse de fusiliers-marins se tenait prête à intervenir. Son esprit s’orienta vers une stratégie désespérée.

« Capitaine ? » Hawm montait les marches du gaillard avant, le visage grave. Derrière elle venait Walls, Grogspar et Rockbottom.

« Nous allons réparer le gréement en deux temps trois mouvement, capitaine ! » dit Grogspar.

« Si nous parvenons à atteindre le passage emprunté par le Rasoir pour traverser le récif, nous pouvons gagner la haute mer ». Rockbottom semblait plein d’espoir, mais Shae se contenta de secouer la tête. Le tempête allait labourer leur poupe avant qu’ils se soient éloignés.

« Non ». Shae referma sa longue-vue et rengaina Requin, évaluant ses officiers d’un œil attentif. « Non, d’après l’apparence de leur pont, ils ont l’intention de nous accoster et de monter à bord, et je ne vois aucun moyen de les en empêcher ».

« Quoi ? » Rockbottom le regarda bouche bée.

Grogspar grogna et rongea sa pipe. Ses énormes mains agrippèrent son fusil-harpon avec une férocité à fleur de peau. « Je mourrai avant de laisser ces salauds me prendre un autre navire, capitaine ». Le trollkin avait particulièrement mal vécu la perte de l’Exeter.

Hawk se contenta de froncer les sourcils. Puis le coin de sa bouche d’un air ironique. « Et tu comptes les laisser faire, n’est-ce pas ? »

« Exactement ». Shae sourit malicieusement. « Mais pour que ça marche, nous devons ressembler à des proies faciles, sinon ils nous massacreront avant de monter à bord. Grogspar, effectue les réparation sur le gréement et inonde les fonds de cale. Hawk, barre comme si elle était endommagée, mais éloigne-nous d’eux. Nous devons garder le pont intermédiaire hors de leur vue jusqu’à ce que nous soyons prêts. Walls, j’ai besoin que tu ramènes tous les débris que tu peux récupérer sur le pont intermédiaire, et quelques incendies ici et là ne feraient pas de mal. Fais également remonter tout le bétail de la cale. Envoie Doc ici et dis-lui d’apporter son plus grand couperet. Nous avons peut-être trente minute devant nous, alors faites vite ! »

« Au nom d’Urcaen, qu’est-ce que tu comptes faire, Shae ? » Rockbottom lui lança un regard noir, ses yeux se rétrécissant jusqu’à devenir des fentes.

« Je prévois d’accueillir nos invités à bord, bien sûr ». Le capitaine tapota affectueusement la bouche chaude du Commodore. « Et j’ai l’intention de leur réserver un très chaleureux accueil ».
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Bonjour à toutes et à tous,

Les commandes et les cours continuent de se remplir rapidement : il ne reste que quelques créneaux pour 2025 et 2026. Si vous voulez garantir votre place, ne tardez pas à réserver . Un grand merci pour votre confiance !

Les nouvelles de la semaine
Commande terminées :
Les packs Zombicide : Iron Maiden sont finalisés ! Ce projet a été un vrai plaisir à peindre, et on en a même profité pour se replonger dans les albums respectifs de chaque figurine (oui, c’était obligatoire pour rester dans l’ambiance
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Première vidéo de l'année !!

Je vous parle motivation, projet, et bien sur... concours des 7000 abonnés!!


A vos participations!!
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Bonjour à toutes et à tous,

Les nouvelles de la semaine :

Rejoignez notre CDA spécial du 8 au 22 février!
Les vacances approchent, et c’est le moment parfait pour se lancer dans un Choix des Armes (CDA).
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Voilà les photos de l'armée Mort-vivant entièrement terminée , un client de plus heureux !
C'était un plaisir de travailler sur ce projet, et de donner vie à ces figurines avec soin et passion. Voir vos armées prêtes pour le champ de bataille est toujours une grande fierté pour nous !
Après des heures de travail acharné et de passion, cette armée est enfin prête à dominer les champs de bataille !
Vous aussi, vous rêvez d'une armée peinte ?
N'hésitez pas à nous contacter pour discuter de vos projets. Nous serons ravis de transformer vos idées en réalité !







Cado Ezechiar le Roi Vide:




Fell Bats:


Deadwalker Zombies:


Mais ce n’est pas fini… On me murmure qu’une suite est déjà en préparation, avec un certain Nagash et d’autres nouveautés qui arrivent très bientôt.

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Merci à tous,
Dalaïs & Vladd
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Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Sang et Fer
« Dernier message par elric le 12 janvier 2025 à 14:00:46 »
« Par le fond, six brasses ». Le chien de mer perché sur le vibord récupère sa ligne de sonde et la lance à nouveau pour un autre sondage. Les nerfs chantaient comme des cordes de harpes sur la dunette du Talion, tous les yeux s’efforçant de percer la pénombre, chaque oreille attentive à l’appel des sondeurs et des guetteurs. Les austères squelettes des navires échoués ternissaient un horizon pourtant immaculé. Au sud, les brisants rugissaient sur le récif extérieur, une ligne blanche dans le crépuscule. Le ciel était peint de mille nuances de pourpre, mais personne ne levait les yeux pour admirer le merveilleux tableau. Par-dessus le flanc du navire, ils regardaient tous les eaux peu profondes – et les zones encore moins profondes à peine un jet de pierre des deux côtés.

« Très lentement et enroulez l’hunier », ordonna Shae.

« Très lentement, oui ». Hawk actionna le levier de signalisation pour transmettre l’ordre à la salle des machines. La cloche sonna tandis que Corcorian répondait d’en bas, et le levier de réponse se déplaça vers très lentement sur la roue à aubes de bâbord. Les aubes tribord restèrent immobile.

« Enroulez les huniers ! » Hurla Grogspar, et les gabiers frappèrent et tirèrent sur la toile.

Le Talion ralentit.

« À la marque, cinq brasses », annonça la sondeuse.

Chargé comme il était, il tirait trois brasses, pensa Shae. Il inspira et expira lentement. Le Talion avait un tirant d’eau plus faible que la plupart des navires de sa classe, mais même ainsi, naviguer dans des hauts-fonds non répertoriés rendrait n’importe quel marins nerveux. À cette allure, s’échouer ne serait pas catastrophique, mais le corail était une barrière impitoyable. Les carcasses des autres navires éventrés par les récifs tranchants comme des lames de rasoir gisaient tout autour.
Jusqu’ici, tout va bien.

« Récif à fleur d’eau à trente verges de la proue tribord ! » annonça la vigie à l’avant du navire.

« Barre à bâbord de deux degrés », ordonna Shae.

Le Talion barra à bâbord et avançait à peine à un nœud. Le Cimetière avait mérité son surnom en semant la mort et la destruction à toute une génération de navires marchands. Plus d’une vingtaine de navires échoués dressaient leurs mâts dénudés vers le ciel magnifique, un bosquet d’arbres morts en hiver sur fond cramoisi.

Leur objectif se profilait à l’horizon – un cygnaréen de premier rang s’était échoué sur un récif il y a longtemps, probablement par gros temps. Shae avait repéré cette «épave  à travers une longue-vue lors de leur passage vers le sud et avait remarqué la taille du navire. Même si la mer faisait son œuvre, la rouille et la pourriture le réduisant lentement, ce qui s’élevait restait du navire s’élevait encore à trois fois la hauteur du pont du Talion, et ses quatre mâts s’élevaient moitié plus haut que les leurs. Il espérait maintenant que l’épave en décomposition les dissimulerait.

« Profondeur, quatre et demi ! » annonça la sondeuse.

« Ferle tout sauf la misaine et l’artimon, Grogspar. Hawk stoppe complètement le moteur. Nous allons laisser la brise nous porter, puis nous stopperons et nous mettrons à couple ».

« Oui, monsieur ». Hawk transmis les ordres et toutes les voiles du Talion sauf deux, disparurent.

« C’est vraiment dommage qu’il soit détruit. Rockbottom regardait le navire de premier rang délabré. « Tu ne penses pas qu’ils ont laissé quelque chose derrière eux, n’est-ce pas ? »

« Il y a peut-être une ou deux babioles, Joln, mais nous ne pouvons pas embarquer encore plus de trésors sans sombrer nous-mêmes ».
« Non, mais si sa cale est pleine d’or . . . »

« Il serait sous trois brasses d’eau et recouvert d’un mètre cinquante de corail », répliqua Shae. « Il faudrait une semaine pour effectuer une récupération adéquate. Barre à gauche, deux degrés ».

« Oui, monsieur ».

« Il est probable qu’il n’y ait rien d’autre dans sa cale que de la pourriture et des fantômes ». Walls fit de vieux geste de marins pour éloigner le mauvais sort. « Pas de chance, je monte à bord d’une épave ».

« Préparez les grappins bâbord ! » Ordonna Shae. « Ferle tout, Grogspar ! Recule d’un tiers sur la roue bâbord, Hawk ».

Le Talion s’arrêta dans une position parfaite et Shae remercia sa chance surnaturelle que la marée soit étale. Les courants de marée s’engouffraient dans les étroits canaux du Cimetière, rendant la navigation encore plus difficile. À présent, ils s’installèrent à côté du grand navire mourant sans trop de difficulté. Les lignes de grappin s’élancèrent et s’entrechoquèrent sur le fer rouillé.

« Aussi serré qu’une punaise dans une maison de passe à Cinq-Doigts », prononça Walls avec un sourire béants. Stubs leva les yeux vers l’imposant gréement de l’épave comme pour évaluer son aptitude à l’escalader. « C’est vraiment génial, capitaine. Les bougres ne nous repérons jamais ici.

« Nous verrons bien » . Shae leva les yeux. Les mâts de l’épave étaient inclinés d’environ vingt degrés, alors que les leurs étaient droits. « La barre à bâbord, Walls. Déplacez la cargaison et faites passez des lignes de carénages depuis tribord jusqu’au côté bâbord de l’épave. Nous devons correspondre au gîte ».

« Oui, monsieur ».

« Grogspar ! Donnons à notre gréement un aspect endommagé Déchire de la vieille toile et suspend-la aux vergues, et on doit paraître en panne sous tous les angles ».

« J’ai passé chaque minute de ma vie à faire en sorte qu’il soit en bon état, et maintenant, je suis censé lui donné l’air d’une épave ». Grogspar agita le tuyau de sa pipe , cracha et s’en alla faire ce qu’on lui demandait. Le trollkin pouvait bien râler, mais Shae savait qu’il pouvait compter sur lui lorsque les choses devenaient sérieuses.

« Hawk . . . » Il s’arrêta et cligna des yeux devant le regard qu’elle lui lançait. Sa précédente crise l’avait-elle bouleversée à ce point ? Mais non, il n’y avait pas de venin dans ses yeux. Son expression lui parut mi-approbation à contrecoeur, mi-inquiétude. « Qu’est-ce qui ne va pas ? »

« Rien du tout, capitaine ». Elle haussa les épaule et l’inquiétude disparut de ses yeux. « J’espère juste que les mercariens vont gober le tour ».

« Veillons à ce qu’ils le fassent. Poste quelqu’un avec des yeux perçants tout en haut. Grog et repas froid pour le quart de repos, et envoies coucher tous ce qui ne travaillent sur les réparations. Pas de bruit, pas de lumière visible et pas de fumée ».

« Oui, monsieur ». Elle partit transmettre les ordres, efficace et calme comme toujours.

Cinq minutes plus tard, alors que Shae arpentait la dunette, scrutant l’horizon sud qui s’assombrissait à la recherche de leurs poursuivants, l’ingénieur en chef Corcorian montait les marches et lui faisait face, un regard meurtrier sur son visage taché de graisse et de suie.

« Capitaine ! Hawk vient de me dire qu’il n’y aurait ni fumée ni bruit ce soir ».

« Oui, ce sont mes ordres ».

« Eh bien, pardonnez-moi de vous le demander, monsieur, mais comment suis-je censé réparer ce carter de roue défectueux si je ne peux pas faire fonctionner une forge ou le mettre en forme ? »

« Dans environ deux heures, ces deux chasseurs de pirates seront à quelques miles, Quinn. S’ils voient de la fumée ou t’entendent frapper, toute cette ruse ne servira à rien. Ils jetteront l’ancre sur le récif et nous réduiront en miettes ».

« Je comprends, monsieur, mais . . . bon sang ! Je ne peux pas forger du fer froid à main nues ! »

« Officier de pont ! » cria le guetteur. « Des flèches en vue au sud ».

Shae pencha la tête en direction du guetteur. « Je vous donne jusqu’à ce que les deux coques soient visibles, Quinn, mais réduis la fumée au minimum ». Il évalua les distances et haussa les épaules. « Peut-être deux heures, puis tout sera silencieux. Tu m’as compris ? »

« Je vous ai compris, capitaine ». Quinn serra ses poings le long de son corps. « Je ferai ce que je peux, mais je ne peux pas promettre que cette roue tournera vraiment d’ici demain ».

« Utilise Bottes et les Boucaniers pour le gros du travail, mais garde leurs feux aussi bas que possible. Cela devrait te donner un peu de force brute ».

« Oui . . . » Quinn haussa un sourcil optimiste. « Oui, ça pourrait faire l’affaire. Je ferai de mon mieux, monsieur ».

« C’est tout ce que je peux demander ».

Shae congédia Quinn d’un signe de tête et scruta à nouveau l’horizon à l’aide de sa longue-vue. Dans la lumière déclinante, il pouvait tout juste distinguer les mouchetures blanches des huniers des deux navires. Il les regarda longtemps s’approcher, écoutant le grondement du ressac et le martèlement du plus profonde du navire alors que Quinn travaillait frénétiquement sur la roue à aubes. Les étoiles s’animèrent une à une au-dessus d’eux, jusqu’à ce que finalement, dans l’obscurité totale, Shae entende l’appel du guetteur.

« Pont en approche ! Des lumières arrivent par le sud. Coque haute ! »

Shae grimpa jusqu’au sommet de l’artimon et repéra rapidement les feux des deux navires. Ils viraient de bord sous son regard, comme des requins à la recherche d’une proie. Ils ne se dirigeaient pas vers la passe à l’est comme il l’avait espéré.

« Merde ! »

Généralement, les navires arrivant trop tard pour traverser le Cimetière en plein jour s’ancraient à l’embouchure du passage ou mouillaient au haute mer pour attendre l’aube. Shae avait espéré que les mercariens penseraient qu’il avait traversé le passage et qu’il avait jeté l’ancre lorsque la lumière avait fini par disparaître. En fait, il aurait pu faire exactement cela s’il avait eu une avance légèrement plus grande. Les chasseurs de pirates savaient qu’il avait été ralenti par sa roue à aubes endommagée ou pensaient qu’il se cachaient quelque part dans l’espoir de revenir sur sa route une fois qu’ils seraient passés. Shae ne doutait guère qu’ils passeraient la nuit et l’attendraient au matin.

Le capitaine du Talion replia sa longue-vue, descendit sur le pont et ordonna à l’équipage de quart de faire passer le mot pour que tout soit calme. Il avait du pain sur la planche s’il voulait survivre le lendemain.

Il pénétra dans sa cabine et grimaça à nouveau devant les dégâts. La grande cabine du Talion, avec son gracieux arc de fenêtres de la galerie arrière, ses belles boiseries et ses cuivres étincelants dans tous les coins et recoins, avait été son foyer pendant des années. Deux boulets de canons de vingt-quatre livres avaient envahi ce foyer comme deux vandales. L’un deux avait cisaillé un pied de sa table à manger et réduits l’une de ses chaises ornées à l’état de copeaux avant de continuer en défoncer la cloison avant. L’autre avait détruit l’un de ses plus précieux chronomètres, un coffre contenant ses plus belles pièces d’orfèvrerie et six bouteilles de vin llaelais se trouvant dans le casier à côté de sa bibliothèque. Ses chiens de mer avaient fait le ménage, clouant des planches sur les trous et balayant les échardes et les bris de verre, mais le mal était fait.

D’une manière ou d’une autre, après toutes les épreuves de la journée, la destructions de ces quelques viens personnels lui avait fait l’effet d’une gifle. Il jeta sa veste et s’assit à la table à cartes. Quelqu’un avait préparé un dîner froid et une bouteille de vin, mais l’idée de manger lui retournait l’estomac. Au lieu de cela, il ouvrit le journal le journal de bord du navire et se força à consigner en détail les événements de la journée. En parcourant les rapports de Walls, Doc et Hawk, il nota chaque mort et chaque blessé. Chaque nom qu’il écrivait, chaque mort, c’était comme un coup de couteau supplémentaire. Lorsqu’il eut terminé, il ferma le livre et arracha le bouchon de la bouteille de vin. Il reconnut l’étiquette de la bouteille, elle provenait d’un vignoble situé au nord-ouest de Mercir, non loin des domaines de sa famille – ou de ce qui avait été les domaines de sa famille.

La ligue avait ruiné les finances de la famille, et les accusations calomnieuses selon lesquelles son père avait engendré un traître et un criminel avait été trop fortes pour l’homme. Le jour où il avait apprit la mort de son père, Shae était toujours en fuite, acceptant n’importe quel travail de mercenaires se présentant à lui, se battant juste pour nourrir son équipage. Les lettres délirantes de sa mère alors qu’elle sombrait dans la folie avaient presque détruit sa détermination, mais pas tout à fait. Il avait rassemblé assez d’argent pour acheter le Talion et enfin offrir une meilleure existence à l’équipage, du moins au quotidien.

Il se demanda si la Ligue cesserait un jour de le pourchasser. Il leur avait fait payer cher la destruction de sa famille, les calomnies et la ruine de tous ceux qui avaient été associés à la mutinerie de l’Exeter. Le journal de bord sous sa main ressemblait à une vendetta personnelle.

Il serra et ouvrit sa main gauche, et baissa les yeux vers l’endroit où il avait senti le dernier battement de coeur de Sartori à travers le manche de la dague.

« Il n’y a pas de retour en arrière possible », dit-il à voix haute. Ces paroles firent renaître le dernier regard du chien de mer, sa détermination face à la mort. « Il n’y a rien d’autre à faire que de riposter . . . » Un élan de sa vieille détermination, son désir de vengeance transpercèrent la brume de son humeur. Il se versa un verre de vin et but, savourant la saveur enivrante et la bouffé de chaleur qui picota ses doigts et ses orteils ».

Mais comment ?

Il se versa un autre verre de vin et analysa la carte du Cimetière, une copie des originaux de Rutter qu’il avait complétés pendant leur voyage vers le sud. S’il pouvait emprunter un passage ou une passes que ses poursuivants ne pourraient pas emprunter, il pourrait les attirer sur un récif. Le Talion avait un tirant d’eau inférieur à celui du Rasoir d’une demi-brasse. S’il parvenait à immobiliser l’un des chasseurs pirates  à marée descendante, il pourrait se mettre hors de portée et le tailler en pièce avec le Commodore. Malheureusement, le second navire ne resterait pas inactif pendant qu’il décimerait l’autre, et les attirer tous les deux sur un  récif semblait impossible.

Gorafalo était un lâche qu’il pouvait battre dans un combat loyal, mais il se ferait battre comme il l’avait été aujourd’hui. Avec le Talion si endommagé, il doutait de pouvoir affronter le Tempête et s’en sortit vivant. Et il y avait cette maudite tireuse embusquée, la Faiseuse de Fantôme, à considérer. Était-elle sur le Rasoir ou sur le Tempête, Il savait qu’il pouvait tenir à l’assassine en tête-à-tête, mais diriger un engagement contre un navire, gérer ses warjacks et protéger son navire et son équipage nécessiterait toute son attention et son énergie arcanique. Cela ne laissait pas grand-chose pour sa défense personnelle. S’il ne pouvait pas renforcer son champ d’énergie ou lancer des sorts de dissimulation, il doutait qu’il puisse résister aux tirs punitifs de son fusil lourd.

Pas d’issue . . . Il sentit ses pensées repartir vers la culpabilité.

Pour se distraire, il sortit une feuille de parchemin blanc fin et commença à dessiner de mémoire la disposition des ponts du Rasoir. Chaque détail des mois passés à bord lui revint en mémoire, et il ajouta de plus en plus d’éléments à son dessin avec une méticuleuse précision. La dunette, le pont intermédiaire, le pont-batterie, les cabines arrières, les cales à marchandises, les coffres à voiles et, au fond de ses sections arrière, en sécurité sous la ligne de flottaison, sous la boulangerie - la cuisine, la poudrière.

Il marmonna pour lui-même : « il va falloir l’assouplir pour- »

Un coup discret frappé à sa pote le sortit de sa rêverie.

« Qu’est-ce qu’il y a ? » Le ton de Shae fut juste assez dur pour exprimer qu’il n’était pas content d’être interrompu.

Le porte s’ouvrit. Hawk entra sans un mot et ferma doucement la porte derrière elle. Elle déboucla sa ceinture d’épée, les rangées de pièces d’or qu’elle y avait cousues tintèrent tandis qu’elle accrochait ses coutelas à la patère à côté de la porte.

Cela ne pouvait signifier qu’une seule chose, mais Shae se trouvait d’humeur trop sombre même pour cela.

« Je ne t’empêcherai pas de réfléchir. Je voulais juste m’assurer que tu avais les idées claires ». Hawk lui lança à nouveau ce regard, mi-inquiet, mi-approbateur. « Tu avais raison de le cacher dans le Cimetière. C’est parfait ».

« Merci ». Il souleva la bouteille de vin et l’inclina vers elle. « Je te serre un verre ? »

« Non merci ». Elle fit un signe de tête aux papiers devant lui. « Comme se déroule le plan ? »

« Je n’y suis pas encore, mais j’y travaille ».

« Bien ». Elle fit le tour de l’immense cabine, observant les meubles cassés et le casier à vin abîmé. « J’aime ce que tu as fait de cet endroit ». Elle déboutonna le revers d’un gant haut et commença a tirer sur les doigts. « Il dit : ‘Embrasse mon cul rouge et rose !’ sur le ton qui convient ». Elle réussit à faire glisser le gant sur l’une des chaises de la salle à manger, puis commença à s’occuper de l’autre.

« Vraiment, Hawk, je ne suis pas d’humeur ». Il se leva de la table à carte, se versa un autre verre de vin et désigna ses dessins. « Je dois trouver un moyen de nous en sortir sans nous faire tuer ».

Elle libéra le gant droit et le plaça à côté de son jumeau. « Je vois ce que tu fais, Phinneus, et tu dois arrêter ». Les boucles en laiton retenant l’une de ses cuissardes s’ouvrirent sous ses doigts et elle s’assit.

« Arrêter d’essayer de trouver un moyen de nous en sortir ? »

« Non ». La cuissarde résista à ses efforts mais finit par céder. Alors qu’elle tombait au sol avec un bruit sourd, elle lui lança un regard égal. « Arrête de t’en vouloir à propos de ce qui s’est passé aujourd’hui, viens ici et aide-moi avec cette foutue autre cuissarde ».

« Me faire du mal ? » répéta-t-il incrédule. Comment pouvait-il cesser de s’en vouloir pour des choses dont il était responsable ? Son humeur s’enflamma. Il vida son verre et le posa soigneusement. « Tu veux que j’arrête de me soucier des hommes et des femmes qui sont sous mes ordres ? Que j’arrête de m’inquiéter que chacune de mes décisions puisse coûter des vies ? » Il s’approcha d’elle et se tint les mains sur les hanches. « Comment puis-je faire cela tout en restant un commandant efficace, Hawk ? »

Son second-capitaine souleva sa jambe galbée, posa la semelle de sa botte contre la poitrine de Shae et dit : « Tire ».

Il l’observa un instant, puis soupira et saisit fermement la botte.

« Je ne dis pas que tu devrais arrêter de t’en soucier, Phinneus. C’est ce qui fait de toi un bon capitaine. C’est ce qui a gagné ma confiance et conquis tout l’équipage ». Elle grimaça alors qu’il tirait, et la botte resta fermement en place. Un sourcil sombre s’arqua vers lui. « As-tu besoin de ton armure de warcaster pour faire ça correctement ? »

« Est ce que je . . . » Il rit et resserra sa prise.

« Ce que tu dois faire, Phinneus, c’est d’arrêter de penser que tout cela est en quelque sorte de ta faute ».

Il s’arrêta à mi-course. « Mais c’est ma faute. Si je n’avais pas cette prime sur ma tête- »

« Depuis l’Exeter, chacun d’entre nous ici a sa tête mise à prix. La tienne est juste plus . . . impressionnante. Et qui a mis cette prime sur ta tête ? Toi ? »

« Bien sûr que non ! Ce trou du cul d’Etan Starke qui l’a fait. Tu le sais ».

« Oui, je le sais, mais tu semble l’avoir oublié. Rappelle-toi de la charte du Talion. Nous jurons de nous venger de la Ligue Mercarienne, qui a injustement noirci nos noms et consacré sa trésorerie à notre ruine ». Elle passa les orteils de son pied non chaussé sous sa ceinture et lui adressa un carnassier.

« Je m’en souviens » . Il avait personnellement écrit ces mots.

Elle remua les orteils sous sa ceinture. « Alors, parle-moi de ton plan pour échapper à ces deux mercariens, et tire ! »

La colère de Shae se dissipa. Elle avait raison, bien sûr Il s’en voulait de la mort de son équipage et de la ruine de sa famille, mais aucune de ces horreurs n’était arrivée à cause de ses actions. Il s’était mutiné contre un capitaine qui avait tenté de l’assassiner sans preuve ni provocation. Qu’état-il censé faire, demander pardon pour un crime qu’il n’avait pas commis ? Il avait déjà fait face à ces sentiments, ou pensait l’avoir fait. D’une manière ou d’une autre, il les laisserait s’accumuler à nouveau. Il regarda Hawk dans les yeux et pensa, Bon dieu, je déteste quand elle a raison.

« Je te parlerai de mon plan demain matin ». Il lui sourit, saisit fermement sa botte et posa un pied sur le bord de sa chaise.

Alors que Shae commençait à tirer, Hawk sortit son autre pied de sous sa ceinture, le posa sur sa poitrine et le poussa violemment. La botte se détacha d’un seul coup, et avec un pied sur la chaise, il tomba à la renverse sur le pont. Il atterri durement et la regarda fixement.

Elle lui lança un regard menaçant. « C’est du chantage, Phinneus ! »

Shae réalisa immédiatement son erreur. Hawk passait rarement toute la nuit dans sa cabine, préférant s’éclipser aux petites heures du matin. Plus d’une fois il lui avait demandé de rester, mais elle avait toujours refusé, prétextant qu’elle ne voulait que des rumeurs courent sur le navire. Visiblement, elle pensait qu’il essayait de faire pression sur elle pour qu’elle reste, mais ce n’était pas du tout son intention.

« Non ». Il considéra la botte qu’il tenait dans sa main et la jeta de côté. « Ce n’est pas du chantage. Comme je l’ai dit, je n’ai pas encore élaboré de plan magistral. Une fois que je l’aurai - demain matin - je te le dirai, ainsi qu’au reste des officiers ».

« Oh ». Ses lèvres retrouvèrent leur ancien sourire. S’avançant, Hawk posa ses pieds de chaque côté de ses hanches. « Eh bien, alors peut-être que je peux stimuler ton imagination ». Ses doigts ouvrirent habilement chacun des fermoirs en forme de crâne doré retenant son corsage ajusté, et elle s’en débarrassa en haussa les épaules pour l’enlever.

Shae admira les délicieuses courbes de son torse nu à la lumière de la lampe et décidé qu’il était d’humeur après tout. « Oui, peut-être que tu y parviendras ».

Hawk lui adressa un sourire que peu d’autres avaient jamais vu et s’agenouilla. Shae découvrit que tous les soucis avaient disparu de son esprit troublé, son imagination – et bien plus encore – complètement stimulée.

* * *

Le coup violent porté sur la porte de sa cabine sortit Phinneus d’un profond sommeil. La lampe était éteinte et la lueur de l’aube commençait à peine à envahir la cabine à travers les fenêtres drapées de la galerie arrière. Il avait l’impression d’avoir dormi pendant un mois. Il s’étira, et sa deuxième surprise de la matinée s’agita contre lui. Hawk était allongée contre lui, leurs jambes entrelacées, sa tête sur son épaule, et sa main sur sa poitrine. Elle leva les yeux sur lui et lui sourit.

Elle était restée, pensa-t-il en lui rendant son sourire.

« Bonjour », murmura-t-elle, démêlant ses jambes des siennes et s’étirant sous le drap fin.

« Bonjour à toi ».

Un autre coup retentit, plus urgent cette fois.

« Capitaine ? » C’était la voix de Walls.

« Un instant ! » Shae glissa du lit, attrapa son pantalon et regarda autour de lui.

Le baudrier d’épée d’Hawk était toujours accroché à côté de la porte et ses vêtements étaient éparpillés sur les chaises. Il haussa un sourcil interrogateur. Il n’avait pas vraiment de moyen de cacher sa présence, mais elle s’efforçait de rester discrète lors de ses visites. Aucun des deux ne se faisait d’illusion sur le fait que leur relation était un secret de polichinelle pour l’équipage du Talion, mais que ce soit par respect pour eux ou par peur flagrante d’Hawk, pas une seule rumeur ou de blague obscène à propos du capitaine et du second-capitaine n’avait jamais été entendue à bord du bateau. Du moins, pas à la connaissance de Shae.

« Réponds ». Elle se glissa hors du lit et enroula le drap autour d’elle. « Walls est déjà au courant, et il se taira ».

« Sans aucun doute ». C’était ça ou Hawk allait lui en faire voir de toutes les couleurs. Il enfila son pantalon et entrouvrit la porte. « Oui, Walls?

« Nous avons besoin de vous sur le pont, capitaine ». L’unique œil valide du maître de quart passa par-dessus l’épale de Shae jusqu’au fourreau pendant seulement à trente centimètre de là, et il déglutit. Son omniprésent compagnon, Stubs, regarda Shae, les yeux écarquillés, un « Hoot-hoot » timide s’échappant de ses lèvres pincées. « Nous avons des problèmes ».

« J’arrive tout de suite ». Il commença à fermer la porte, puis se retourna et fixa son quartier maître d’un regard sévère. « Oh, et Walls . . . »

« Oui, monsieur ? » Walls croisa le regard de son capitaine sans broncher, mais le quartier maître était connu pour foncer dans un barrage de mitraille.

« Mieux vaut réveiller l’équipage tôt. Petit-déjeuner froid et abandonnez la routine matinale habituelle ». Il entendit le raclement d’une chaise derrière lui et jeta un coup d’oeil par-dessus son épaule pour remarquer qu’Hawk avait déjà enfilé ses jambières et était en train de tirer sur son corsage, dos à eux. Il se retourna vers Walls et garda un visage soigneusement neutre. « Nous n’aurons pas le temps de nettoyer les ponts ».

« À vos ordres ». Walls salua et s’éloigna. Stubs, quand à lui, poussa un hululement sonore et un cri déchirant avant que la porte ne se ferme.

Shae alla récupéré ses bottes, sa chemise et sa veste. Hawk avait fini avec les fermoirs de son corsage et s’assit sur une chaise, travaillant sur ses bottes hautes.

« Dommage ». Elle attacha une boucle et attrapa l’autre botte. « Quoi ? » Elle enfila une chemise et enfonça sa botte droite. L’autre s’était retrouvé d’une manière ou d’une autre sur la table à manger. Il se pencha devant elle et l’attrapa.

« Qu’on n’ait peu le temps de nettoyer les pots ce matin ». Elle se leva, enfonça son pied dans sa botte et lui fit e sourire carnassier.

« Je suis sûr que les ponts auront besoin d’être nettoyé après que nous nous soyons occupés du Rasoir et du Tempête ». Il la regarda un moment et sentit dans ses tripes un émoi au-delà de la simple attirance physique. L’étouffante culpabilité qui avait embrouillé ses pensées la nuit précédente avait disparue, et il avait dormi profondément, l’esprit apaisé. Elle avait raison. Il s’en voulait d’avoir vécu des événements qui avaient redéfini sa vie, des événements qu’il n’aurait pas pu éviter. Ce matin, il voyait clairement que chaque élément de leur dilemme. Il n’avait pas encore de plan précis, mais toutes les pièces étaient là, prêtes pour le premier mouvement. « Et merci, Hawk. Tu avais raison ».

« Bien sûr que j’avais raison ». Elle l’attrapa par le col de sa chemise et le poussa en avant, déposant un solide baiser sur sa bouche. « Maintenant, mettez-vous au travail, capitaine. Je vous verrai sur la dunette ».

« Sur la dunette ».

Elle jeta ses gants et ses épées sur son épaule et quitta la cabine avec un sourire.

Shae chassa son autre botte, enfila une veste, attacha Requin autour de sa taille et se dirigea vers le pont arrière, pensant qu’il était probablement le pirate le plus chanceux sur l’océan.

Les officiers du Talion étaient tous là. Corcorian arborait le seul sourire du groupe, ce qui était à la fois de bon et de mauvais augure.

« Quelles nouvelles, Quinn ? »

« La roue bâbord fonctionnera, monsieur ». Il essuya la crasse qui couvrait son visage De profondes rides de fatigues creusaient son front. Il était probablement resté debout toute la nuit pour effectuer les réparations. « Elle va grincer un peu, mais elle fonctionnera. Ce matin, nous travaillons sur le blindage, mais sans la forge pour chauffer les rivets, ce sera au mieux un travail bâclé ».

« Bon travail ». Il se tourna vers les autres officiers. « Alors, pourquoi ces visages de déterrés ? »

« Ils se sont séparés, monsieur ». Walls lui tendit une longue-vue. « Le Tempête va vers l’est et le Rasoir vers l’ouest. Ils avancent lentement, près des hauts-fonds. Ils doivent être à al recherche d’un passage à travers le récif extérieur ».

« Bien ! » Ignorant leurs regards incrédules, il prit un verre et monta les marches jusqu’à la dunette pour avoir une meilleure vue.

« Bien ? » Rockbottom le suivait, la jambe de bois du nain faisant son toc-toc sourd distinctif sur le bois. « Qu’y a-t-il de bon à ce que deux chasseurs de pirates manœuvrent pour nous attaquer de part et d’autre comme les mâchoires d’un foutu piège à ours ? »

« Ce qui est bien, c’est que c’est exactement ce que j’espérais qu’ils feraient ». Shae scruta l’horizon qui s’éclairait et sourit sinistrement. Le Tempête, légèrement plus grand, se dirigeait vers le vent sous voiles d’étai et à la vapeur, tandis que le Rasoir naviguait vers l’ouest, ses voiles réparées gonflées à bloc, bien qu’il lui en manquait encore un tiers. Il referma le longue-vue, la rendit à Walls et se dirigea vers la dunette. « Gardez un œil sur eux. Je veux être informé immédiatement si l’un ou l’autre vire vers le nord. Ils savent que nous sommes cachés quelque part ici », - il fit un large arc de cercle avec son bras, désignant les restes délabrés des dizaines d’épaves qui parsemaient le Cimetière - « mais ils ne savant pas exactement où. Ils vont s’éparpiller et viendront vers nous dans les deux directions, avec l’espoir de nous débusquer et de nous piéger entre eux ».

« Je ne vois toujours pas en quoi c’est une bonne chose ! » dit Rockbottom en lui emboîtant le pas.

« Diviser pour mieux régner, mon petit ami ». Haw lança au nain un regard calculateur.

« Exactement ! » dit Shae en lui adressant un sourire.

Evlyn Corcorian attendait Shae sur le pont arrière, un lourd sac de toile à ses côtés et ses outils prêts. Shae s’approcha et ôta sa veste, se tenant à la rambarde avant, à la vue de tous sur le pont. Evlyn lui adressa un sourire et commença à attacher ses jambières sans un mot.

« Alors, votre plan magistral . . . » Hawk s’appuya sur la rambarde et le regarda avec un air amusé.

« N’a jamais consisté à leur échapper ». Shae lança à ses officiers un regard dur et impitoyable. « J’ai l’intention d’exécuter les proclamations de la charte du Talion, de me venger de la Ligue Mercarienne, qui a injustement noirci nos noms et consacré son trésor à notre perte ! Ils ont imprudemment divisé leurs forces, et nous allons en profiter. Je connais le Rasoir comme ma poche. C’est le moins fort des deux. Nous allons détruire ce navire, puis faire demi-tour et s’en prendre au Tempête également ».

« Il était temps ! » Walls sortit dégaina deux de ses pistolets et actionna ses verrou pour vérifier leur leur charge. Stubs se balançait sur son épaule, souriant. « Dommage que votre second-capitaine insiste pour apporter des couteaux lors d’une fusillade ».

« Tu n’est pas lassé de te répéter ? » Hawk dégaina un de ses coutelas si vite que Shae vit à peine la lame briller avant que la pointe ne se retrouve juste sous le nez du quartier maître. Stubs regarda la lame et émit un « Eep ! » d’alarme, et se mordit la queue. « La meilleure chose à propos d’une épée, Walls, est que tu n’as jamais besoin de recharger ».

Ils rirent touts les deux de leur habituelle plaisanterie d’avant-combat et rangèrent leurs armes. Leur enthousiasme pour le sommaire plan de Shae n’était cependant pas partagé par tout le monde.

Joln Rockbottom se redressa pour lancer un regard noir au capitaine. « Qu’est ce qui te fait penser que nous pouvons si facilement détruire le Rasoir ? Si nous nous faisons massacrer comme auparavant, nous ne serons pas à la hauteur du Tempête ».

« Deux raisons : premièrement, comme je l’ai dit, je connais ce navire. Je sais exactement ou le frapper. Si nous plaçons un tir incendiaire du Commodore juste au bon endroit, nous toucherons sa poudrière ».

« Fils de . . . »

« Tout comme l’Exeter ». Grogspar sourit derrière sa pipe.

« Oui, comme l’Exeter, mais le Rasoir est un navire beaucoup plus petit et un chasseur de pirates, pas un cargo. Il est surarmé, et quand son magasin explosera, ça ne le brisera pas seulement, - il explosera en deux. Avec le Rasoir plus là, le commandant du Tempête réfléchira à deux fois avant de nous engager. S’il le fait, nous aurons un combat difficile, mais ils n’ont pas de warcaster ! »

Evlyn place l’élément principal de son armure dans son dos. Une fois les sangles fixées, il alluma la chaudière. La turbine arcanique se mit à tourner, envoyant une vague d’énergie magique dans chaque jointure de l’armure, augmentant ainsi sa force.

Rockbottom plissa les yeux. « Tu es sûr qu’ils n’ont pas de warcaster ? »

« Je suis sûr ». Il accepta son canon à main d’Evlyn, vérifia le chargement et le rangea dans sa ceinture. « Même la Ligue Mercarienne ne peut se permettre d’avoir un warcaster parfaitement formé sur chaque navire mercenaire ».

« Mais tu as servi sur le Rasoir », lui rappela le nain.

« Pour ma toute première mission, oui ». Shae eut un sourire dangereux. « S’ils m’opposent un novice, je lui apprendrai ce qu’est l’art du warcaster ».

« Et la Faiseuse de Fantômes ? As-tu pensé à un moyen de l’éliminer ? » Joln croisa les bras sur sa poitrine, la mine renfrognée.

« Franchement, non, mais nous avons une chance sur deux qu’elle soir à bord du Rasoir. Si ce n’est pas le cas, je devrai m’occuper d’elle séparément ».

Rockbottom le regarda. « Elle a déjà tué au moins un warcaster, Phinneus. Tu devrais peut-être la prendre plus au sérieux ».

« J’ai un navire entier, sept warjacks, deux cent quarante-deux chiens de mer, quarante-et-un canons et un singe dont je dois m’occuper, Joln ». Stubs poussa un cri comme pour affirmer son inclusion dans les préoccupations du capitaine. « La Faiseuse de Fantômes n’aura qu’à faire la queue ».

« J’ai une question, monsieur ». Une Oreille Scoriani s’avança.

« Oui ? » Shae fit un signe de tête à son maître canonnier. « C’est le moment ».

« Comment peut-on mettre un incendiaire dans le poudrière du Rasoir ? Même le Commodore ne transpercera pas autant de bois et de métal d’un seul coup, et la poudrière doit se trouver sous la ligne de flottaison, tout comme la nôtre ».

« Nous devons d’abord l’assouplir avec une bordée. Ensuite, nous abaisserons la bouche du Commodore pour tirer à un ange descendant depuis notre gaillard avant le plus élevé. C’est la que Quinn va vous aider ». Il fit un signe de tête confiant à l’ingénieur. « Tu penses pouvoir faire quelque chose pour mettre le Commodore en position ? »

« Si cela ne vous dérange pas de percer un trous dans notre propre pavois, monsieur ». Quinn fit un signe de tête vers l’avant. « Nous pouvons l’étayer, mais il lui faut une ligne de feu dégagée ».

« Fais-le. Et je vais demander à Bottes d’aider aussi. Il peut positionner le Commodore rapidement. Oh et Une Oreille, je te veux toi et tous tes capitaines d’armes en réunion, dans ma cabine. J’ai des croquis de la disposition du pont du Rasoir et je veux vous montrer exactement où le frapper ».

« Oui, monsieur ! »

« Autre chose ? » demanda le capitaine en regardant autour de lui.

Il faudra quelques minutes pour redresser le gréement du Talion avant que nous puissions faire plus que tourner en rond ». Grogspar s’inquiéta du tuyau de sa pipe, soufflant des nuages nocifs de fumée bleue.

« Attendez qu’ils soient à bonne distance. Je ne veux pas qu’il nous repèrent avant que ce soit fait ».

« Oui, monsieur ».

« D’autres questions ? » Son regard parcourut la dunette mais ne rencontra que le silence et une ferme détermination. « Bien. Je sais que nous n’avons que du porc salé froid, du fromage dur et des biscuit de mer, mais prenez un copieux petit-déjeuner avant de vous occuper tous de vos tâches. Après avoir rencontré les capitaines d’armes, je vais rendre visite à Doc et voir comment vont nos patients fiévreux.

* * *
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- Étant en congé jusqu’à lundi, la reprise des travaux avec Dalaïs se fera à ce moment-là, pour attaquer Roboute Guilliman!












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Dalaïs et Vladd
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Nouvelle année, fin de la dernière commande 2024 et première vidéo 2025 :


Voilà des conversions sur des Minotaures Thyreens, de la gamme Para-Bellum Games, pour Conquest.



Repositionnement, modif' d'armes et resculpt : green stuff.


Je vous remet ici le lien vers ma boutique, avec mes kits résine en édition limitée :

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Petite annonce : Nous avons ensemble, depassé les 7K sur Youtube, juste avant la fin d'année.
Merci pour ça!

Ca veut dire qu'il y'aura bientôt un nouveau concours sur la chaine pour fêter ce palier, avec une FAQ et des lots à gagner.
N'hésitez pas déjà à me poser vos questions en commentaires sur les vidéos Youtube.



A bientôt et bonne année à tous!!
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Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Sang et Fer
« Dernier message par elric le 29 décembre 2024 à 17:06:33 »
PARTIE DEUX

Le Moindre des Deux Maux

L’écume de mer sifflait sous les pied ballants de Shae tandis qu’il inspectait les dégâts causés à la roue à aubes. Son ingénieur en chef avait déjà retiré une partie du blindage déchiqueté, avec l’aide de Botte. Le capitaine, l’ingénieur et le Flibustier étaient tous suspendus de façon précaire à la grue d’artimon improvisée par Grogspar. Les réparations toutes voiles dehors étaient toujours délicates, mais suspendre un warjack de cinq tonnes dans les airs à flanc d’un navire en mouvement faisait paraître une bordée ennemie sans danger en comparaison. Grogspar avait attaché une douzaine de cordes au warjack pour empêcher Bottes de se balancer pendant qu’ils exerçaient ses énormes pinces sur le blindage de la roue à aubes.

Le métal crissa et une autre lourde plaque se libéra sous l’emprise du warjack. Ce que Bottes soulevait facilement d’une seule massive pince, trois costauds marins devaient le hisser sur le pont à l’aide de poulies et de palans bricolés. Shae et Quinn jetèrent un coup d’oeil à l’intérieur de la roue à aubes.

« Le carter de roulement s’est détaché ! » Cria Quinn par-dessus la mer rugissante. Il montra quatre boulons de cinq centimètres d’épaisseur qui avaient été arraché par un boulet de canon. « Le boîtier est probablement fissuré aussi ! Nous aurons de la chance si l’arbre de transmission n’est pas tordu ! »

« Et si c’est le cas ? » Shae n’était pas un grand mékanicien, mais il pouvait bien voir les dégâts : des éclats de bois et de métal déchiqueté partout. L’ensemble de la roue à aubes avait été arraché de son support. Plusieurs des plaques de bronze renforçant les aubes avaient également été cisaillées, mais le principal problème semblait être l’arbre d’entraînement en fer de trente centimètres d’épaisseur actionnant l’ensemble du mécanisme.

« Un arbre de transmission tordu signifie chantier naval, capitaine. Je ne peux pas démonter toute la roue à aubes en mer, et même si je le pouvais, je n’ai pas d’arbre de rechange et je ne peux pas redresser celui qui est endommagé ». Il plissa les yeux dans le recoin sombre de l’immense carter. « Il se peut que l’autre extrémité se détache, ce qui de qui impliquerait de forger de nouveaux boulon et de la menuiserie. Je saurai à quel point la situation est grave dans une heure ».

« Fais-le fonctionner ». Shae se retenait de s’énerver. Aboyer sur Quinn pour avoir dit la vérité ne servirait à rien. « « Nous aurons besoin de la propulsion si ces deux chasseurs de pirates nous poursuivent. Pas besoin que ce soit joli, il fait juste que ça marche ».

« Oui, capitaine ! »

« Remonte-moi, Grogspar ! » Shae atterrit sur le pont arrière et laissa son bosco retirer les cordes qui l’attachaient au siège en planches. Hawk, Walls et Rockbottom se tenaient tous là, la mine sombre.

« Mauvais, capitaine ? » demanda Hawk.

« Assez mauvais ». Il se libéra de la dernière corde et étira ses épaules endolories. « J’ai bien peu que nous naviguerons avec les voiles pour un moment, mais avec ce vent, nous devrions atteindre une bonne vitesse. Nous en saurons plus dans une heure ».

« On peut juste faire fonctionner l’autre roue à aubes ? » demanda Rockbottom.

« Nous pourrions, mais la poussée inégale mettrait trop de pression sur le gouvernail. Cela ne serait rien pendant une courte période ou à petite vitesse, mais si nous la faisons fonctionner toute la journée, nous risquons de réels dégâts. La dernière chose dont nous avons besoin, c’est d’une tringlerie de direction cassée. Si nous ne pouvons pas diriger, nous sommes à l’arrêt sur l’eau, et avec ces chasseurs de pirates à nos trousses, à l’arrêt sur l’eau signifie la mort ». Shae jeta un coup d’oeil à l’arrière. « Aucun signe de nos amis ? »

« Aucun », répondit Hawk. « Je nous ai mis sur une ligne de rhumb de zéro deux zéro degrés pour traverser l’Ossuaire. Nous ne faisons qu’environs sept nœuds. Les aubes nous ralentissent beaucoup ».

« je sais, mais nous ne pouvons même pas laisser la roue bâbord tourner librement sans exercer la même pression sur le gouvernail ». Il laissait souvent les deux roues à aubes tourner librement lors de longs voyages en mer, pour économiser le charbon. Maintenant, elles ralentissaient le navire comme une paire d’ancres marines. Shae jeta un coup d’oeil aux voiles. Toutes les voiles étaient gonflées et réglées comme jamais, mais sept nœuds par ce vent était une vitesse nulle pour le Talion.

« Nous allons voir ce que nous pouvons faire pour gagner encore quelques nœuds ». Il aperçut Evlyn Corcorian attendant patiemment derrière Walls, pratiquement cachées par la masse du maître de quart. Sa vue lui rappela son armure de warcaster endommagée. Il lui fit signe d’avancer et elle commença à ôter son armure tandis qu’il lançait ses ordres. « Deux des sabords tribord ont été défoncés. Que les charpentiers réparent les dégâts et qu’Une Oreille vérifie les canons ».

« Oui, monsieur » Hawk se dirigea au bastingage avant et aboya pour que quelqu’un aille chercher le maître canonnier.

« Walls, assure-toi que les équipes de réparations ont tout de dont elles ont besoin ». Il fait travailler ses épaules douloureuses pendant qu’Evlyn soulevait le composant d’armure le plus lourd de son dos. « S’ils ont besoin de bois, nous transportons environ cinquante tonnes de solide teck et de bonne qualité ».

« Oui, et il est emballé dans les niveaux les plus bas de la cale ! » Walls s’empressa de s’atteler à la tâche peu enviable de traverser trois étages de marchandises serrées les unes contre les autres pour atteindre les fournitures entreposées.

« Grogspar, gréons le foc libre et réduisons un peu les huniers d’artimon. Si nous parvenons à enfoncer légèrement la proue, nous réduirons la résistance des roues à aubes. Va avec Walls et déplace toute la cargaison que vous pouvez vers l’avant des grands voiles.

« Je suis dessus comme un ogrun, capitaine ».

Venant d’un trollkin, c’était drôle, mais en ce moment, Shaes doutait que quoi que ce soit puisse le faire rire. Il se tenait debout, en chemise, bottes et pantalon, son armure de warcaster gisant en tas sur le pont.

Il se sentait nu sans elle. Il fléchit à nouveau ses épaules douloureuses et appela son second.

« Le pont est à toi, Hawk. Je vais chercher une veste et voir Doc pour le bilan ».

« Oui, monsieur ». Hawk retourna à sa position habituelle à côté de la barre, où deux chiens de mer étaient en train d’effacer les taches laissées par le précédant timonier.

« Evlyn, fais-moi savoir quand mon armure sera réparée ».

« Oui, monsieur ». Elle souleva les pièces et les mit dans un sac en toile. Heureusement, contrairement à certaines armures de warcasters, la sienne n’était pas si lourde qu’elle pouvait la soulever seule. Le fait d’utiliser des clés à molettes et de porter des plaques de blindage avait donné à sa fine carrure des muscles filiformes. « Dois-je l’apporter à votre cabine ? »

« Non, envoie juste un message ». Il s’éloigna sans un regard en arrière.

Après un rapide et déprimant arrêt dans sa cabine en partie détruite pour récupérer une veste de rechange, Shae trouva Doc Killingsworth dans la cuisine, qui servait d’infirmerie improvisée lorsqu’il y avait des blessés graves. À bord du Talion, c’était souvent le cas.

Killingsworth avait probablement découpé plus de chair humaine que de bœuf ou de porc dans ce compartiment sombre et étouffant. Il y avait bien de trop de rumeurs sur ce qu’il advenait des bras, des jambes, des mains et des orteils que Doc retiraient avec ses divers couteaux et scies, et les chiens de mer avaient tendance à éviter tout « ragoût de viande » qu’il servait après des actions sanglantes. Shae ne croyait pas aux rumeurs, mais avec leurs récents succès, il avait aussi mis en place une bonne quantité de magasins privés. Lui et ses officiers mangeaient rarement les mêmes plats que l’équipage.

Les gémissements des chiens de mer blessés accueillirent le capitaine lorsqu’il entra dans la macabre enceinte. Ses bottes crissèrent sous la boue collante de sable et de sang lorsqu’il se baissa sous une poutre basse et pénétra à l’intérieur. Le pont avait été jonché de gravier pour empêcher que le sang ne devienne glissant sous les pieds. La puanteur cuivrée lui plissa le nez. Six chiens de mer gisaient dans des lits improvisés le long d’une cloison, les membres, les moignons et la tête bien bandés. Plusieurs autres étaient allongés sur le pont, de l’autre côté de la pièce, attendant un traitement ou l’appel de la faucheuse.

« Tenez-le bien, bon sang de bonsoir ! » Doc jurait depuis la table centrale de la pièce, un épais bloc de boucher soutenant actuellement la forme se tordant de l’homme que Crochet avait piétiné pendant la bataille. Les quatre « compagnons chirurgiens » de Killingsworth s’arc-boutant contre l’homme, le maintenant appuyé pendant que Doc aiguisait un long couteau de boucher incurvé.

« Comment va Barducci, Doc ? » Shae déglutit difficilement à la vue de la jambe du marin, complètement écrasée sous le genou. Doc avait déjà appliqué un garrot au-dessus de l’articulation.

« Chanceux ». Il appliqua sa lame sur la chair enflé, ignorant la giclée de sang contre son tablier détrempé. « L’articulation n’était pas si mal. Si ça ne s’envenime pas, il sera comme neuf dans un mois ».

Shae se força à regarder les habiles coups de Doc mettant à nu l’os écrasé. Quatre rapides tours de la lame sectionnèrent les tendons. Puis il ligatura les veines et les artères principales. La jambe réduite en pulpe se détacha avec un bruit sec, comme le bruit d’un pilon extrait d’un poulet trop cuit, et Doc versa un tiers de bouteille de tord-boyaux dans la plaie ouverte. Barducci se débattit, mais ses cris furent étouffés par un épais bâillon en bois enveloppé de cuir. En moins de temps qu’il n’en fallut à Shae pour enfiler ses bottes le matin, Doc recousit les deux lambeaux de peau sur l’articulation et desserra le garrot. Finalement, il fit un signe de tête à ses compagnons et ils relâchèrent leur emprise. Heureusement, Barducci s’était évanoui.

« Tiens ! » Le docteur fourra la bouteille de rhum à moitié vide dans la main d’un assistant. « Emballe ça et donne-lui la bouteille quand il reviendra à lui. Ensuite, amène Feltic ».

« Quel est le total des dommages, Doc ? » Shae les regarda traîner le patient suivant vers l’avant. Un éclat de bois dur de 25 centimètres traversant l’avant-bras du tireur.

« Je vais bien, Doc ! » Feltic s’éloigna de la table ensanglantée. « C’est juste une écharde ! Je l’enlèverai plus tard, et je serai en pleine forme ! »

« Tais-toi ! » Doc fit signe aux hommes d’avancer. « Quatorze morts pour l’instant, capitaine, et probablement deux de plus avant que je puisse les atteindre. Dix-huit sont trop blessés pour se battre pendant un moment ». Il fit une pause et se pencha plus prêt, baissant la voix jusqu’à un murmure. « Vous voudriez peut-être parler à Sartori là-bas. Mauvaise blessure au ventre. Il fouilla sous la table et en sortit une autre bouteille de tord-boyaux. « Tenez ». Il mit la bouteille entre les mains du capitaine. « S’il la boit entièrement, cela facilitera son décès ».

Shae hocha la tête d’un air sombre. Cette partie n’était jamais facile. Il prit la bouteille et se tourna vers le coin, où un homme gisait, la tête et les épaules appuyées sur une toile à voile.

Le ventre du chien de mer était enveloppé dans une bande de toilé détrempée, imbibée de sang et encore d’autre choses. Il reconnut Sartori comme étant capitaine de tir sur le flanc tribord arrière, là où le plus gros du tir de barrage avait été le plus violent. Les yeux de l’homme étaient ouverts, mais ses traits étaient tirés, avec la pâleur de la perte de sang et la connaissance de son avenir proche. Shae se mit à genoux à côté de lui et retira le bouchon de la bouteille.

« Bonne nouvelle, Sartori ». Il se força à sourire. « Doc dit que tu es assez en forme pour avoir un gamin avant de s’occuper de cette égratignure ». Il tendit la bouteille.

« Merci, monsieur, mais ne me mentez pas ». Le chien de mer accepta la bouteille avec un sourire sinistre. Il prit une longue gorgée et secoua la tête, puis grimaça en déglutissant. « Je reconnais une vilaine blessure au ventre quand je la vois ».

« Comment c’est arrivé ? »

Shae jura dans sa barbe face au sort de cet homme, à toutes les souffrances que la Ligue Mercarienne avait engendrées. Plus les primes s’abattaient sur eux, plus la mort pleuvait. Se battre pour un butin était une chose, mais échapper aux constantes poursuites et aux incessantes attaques des chasseurs de primes en était une autre. Il en avait marre, marre de voir des hommes et des femmes qu’il connaissait réduits à des morceaux de viande déchiquetée, marre de leur tenir la main pendant qu’ils agonisaient parce que la Ligue avait mis leur tête à prix. Tout cela remontait aux lendemains de sa mutinerie, lorsque le besoin de vengeance avait chassé toutes les autres pensées, y compris ce qu’il adviendrait du reste d’entre eux. Des années d’infamies, de mort et de fuite d’un port mal famé à l’autre avaient multiplié leurs crimes au centuple.

« Un vingt-quatre livres a touché le bord du sabord juste après que nous ayons fait volé le gréement de ce salaud de mercarien ». Il prit une autre longue gorgée. « Environ soixante centimètres de chêne m’ont traversé les tripes ».

« Je suis désolé, Sartori ». Shae serra les dents si fort que sa tête se mit à battre.

« Ne soyez pas désolé, monsieur. Vous n’avez rien fait ». Il but encore du rhum et grimaça à nouveau, reprenant son souffle. La douleur s’aggraverait jusqu’à ce que l’homme se mette à hurler. Il n’y avait pas grand-chose à faire. « Je . . . J’aimerais bous demander une faveur, si je peux me permettre, monsieur ».

« Vas-y ».

« J’aimerais que nous ayons une petite conversation avant que je parte, comme . . . comme si nous étions amis ».

« Nous sommes amis, Sartori ». Il prit la bouteilles des mains tremblantes de l’homme et but. L’alcool âpre fit disparaître la boule de sa gorge. « Nous sommes plus que des amis. Nous sommes frères. Tu as laissé ta marque sur un bout de papier lorsque nous avons reçu le Talion ; cela fait de nous une famille ». Il lui tendit la bouteille. « Vous, les Talions, êtes la seule famille qui me reste ».

« Merci, monsieur ». Sartori sourit et renversa la bouteille. Puis son visage prit une expression lointaine. « Je n’ai jamais . . . pensé être un pirate, capitaine. Je voulais juste gagner ma vie. Mettre de côté un petit peu, peut-être acheter un petit endroit, un magasin peut-être, trouver une une jolie fille dodue ».

« C’est tout ce que chacun d’entre nous veut ». Ce n’était bien sûr pas toute la vérité. Avoir une famille avait disparu de la liste des objectifs de Shae au moment où il avait juré de se venger de la Ligue Mercarienne. Sa vie était différente de ce qu’il avait imaginé, et il n’était pas prêt à regarder en arrière et à regretter la décision de la changer. Toutefois, les conséquences n’avaient jamais été faciles à gérer.

« Mais toi . . . pardonnez-moi, monsieur, mais vous êtes un warcaster ! Vous êtes fait pour être un guerrier ».

« C’est ce qu’on m’a dit, oui. Ils m’ont envoyé dans la meilleure académie militaire de Cygnar pour apprendre à utiliser mon don pour mener leurs guerres. J’y ai même cru pendant un moment ».

« Alors, pourquoi le faire, monsieur ? Je veux dire . . . si vous n’avez jamais voulu le faire ».

« Quand j’étais jeune, je me suis laissé happer par le frisson ». Shae se souvenait de ces années, de l’offre de fréquenter la prestigieuse Académie de Stratégie Militaire et des éloges de ses parents. « Il n’y avait pas beaucoup de warcasters, alors mon avenir semblait aussi brillant que le soleil levant. Gloire, renommée, argent . . . Mais je n’ai jamais vraiment aimé l’Académie. Puis l’Exeter a tout changé. Désormais, je ne peux plus faire marche arrière ».

« Pas de retour en arrière . . . » Le chien de mer mourant porta à nouveau la bouteille à ses lèvres, puis la baissa sans avoir bu. « Monsieur, si je peux . . . demander encore une faveur . . . »

« Bien sûr. N’importe quoi ». Comment pouvait-il refuser la dernière volonté d’un homme ?

« Ma botte droite, l’extérieur. J’ai un poignard ».

Shae trouva la lame et la dégagea. Elle était fine, droite, à double tranchant et aiguisée comme un rasoir. Elle scintilla lorsqu’il la tourna à la lumière de la lampe.

Sartori l’a regarda : « Mes amis et moi, mon équipe d’artillerie, avons acheté un ensemble assorti à Cinq-Doigts. Nous avions conclu un pacte . . . Si l’un de nous était dans un état tel qu’il ne pouvait plus continuer, nous avons dit que nous . . . aiderions ». Shae laissa tomber la bouteille de rhum et saisit le bras de Shae. Sa poigne était douloureusement forte et sa voix tremblait. « Ils sont tous morts, monsieur. Le même tir qui m’a tué a touché Vieille Compassion . . . et l’a fait éjecter de ses moufles. Une demi-tonne de fer, en pleines faces . . . »

Shae regarda le couteau dans sa main, puis les yeux suppliants de l’homme.

« Je ne veux pas mourir en hurlant et en me faisant dessus, monsieur. Je n’ai pas peur de la mort, mais je ne veux pas . . . ça ». Il sourit à son capitaine et baissa la voix. « Vous m’aiderez, n’est-ce pas, monsieur ? »

« Bien sûr ». Shae prit la bouteille et la leva. « Un pour la route, mon ami ». Il l’inclina et avala, puis la passa.

« Merci, monsieur ». Il but et grimaça à nouveau de douleur, puis soupira et posa la bouteille de côté.

« Merci, Sartori ».Shae prit la dague dans sa main gauche et tendit la droite. « Merci de m’avoir été fidèle, d’avoir bien servi, et d’avoir eu le courage de prendre la route que je t’avais tracée ».

« Cela a été un honneur, monsieur ».

Le chien de mer lui prit la main et la serra avec une fermeté tremblante. Shae sourit et, rapide comme voilier, enfonça le poignard jusqu’à la garde, directement dans le coeur de l’homme. Un bref air de surprise traversa le visage de Sartori : puis son dernier souffle s’échappa de ses lèvres et ses yeux se fermèrent.

Shae sentit le dernier battement du coeur de l’homme à travers la poignée de la lame. Il la dégagea et desserra les doigts de Sartori de sa main. Il pressa la poignée de la lame dans la main de Sartori, puis replia les mains de l’homme sur sa poitrine. Après un moment, le capitaine du Talion se leva et revint à la table, où Doc finissait de soigner le bras de Feltic.
« Autre chose, Doc ? »


Killingsworth leva les yeux de son patient, puis regarda la forme immobile de Sartori dans la coin, et secoua la tête. « Non, monsieur. L’autre chance, c’est un traumatisme crânien. Si elle se réveille, elle vivra. Sinon . . . »

« Très bien ». Shae commença à partir, puis se souvint de l’autre raison pour laquelle il était venu ici. « Je voulais te poser des questions sur ce breuvage que tu prépares avec les racines de bois de fièvre. Quand sera-t-il prêt ? »

« C’est déjà fait ». Doc désigna une énorme marmite posée sur un énorme poêle en fonte, près d’un ensemble bricolage en laiton. « Il faut juste qu’il refroidisse. Une gorgée toutes les heures jusqu’à ce que la fièvre tombe ».

« Bien. Apporte-leur dès que tu le peux. Nous aurons besoin de tout le monde si ces mercariens décident de nous poursuivre ». Il se dirigea vers le fourneau et jeta un coup d’oeil dans l’énorme marmite en cuivre. Elle sentait le rhum avec une pointe d’astringence qui lui fit monter les larmes aux yeux. « Je vais en apporter une tasse à Holt tout de suite. Il est le plus mal en pointe et nous avons besoin de lui ».

« Oui, monsieur ».

Shae prit une tasse en fer blanc du support et la remplit du breuvage fumant, puis se dirigea vers les cabines de Dame Aiyana et de Maître Holt.

* * *

« Capitaine Shae, quelle agréable surprise ». Dame Aiyana avait ouvert la porte et s’écartait. Ses mèches blondes platine étaient ébouriffées et ses yeux étaient cernés. « Entrez, je vous prie. J’espère que la récente clameur n’avaient rien grave ».

« Assez grave, je le crains ». Il s’interrogea sur sa supposition. Comment le bruit d’une bordée pleine pouvait-il être interprété comme quelque chose de rien de grave ? Mais encore une fois, ils avaient survécu. Peut-être que sa définition de sérieux était différente de la sienne. « Nous avons été attaqué par deux chasseurs de pirates de la Ligue Mercarienne. Nous avons réussi à échapper au piège, mais une roue à aubes a été endommagée. Nous essayons d’effectuer les réparations avant qu’ils nous poursuivent ».

« Je vois ». Elle frotta ses yeux fatigués et fit un geste vers la tasse qu’il tenait dans sa main. « Avez-vous concocté un médicament pour cette fièvre ? »

Shae acquiesça. « C’est une infusion de racines de bois de fièvre que Doc a préparée. Il dit que ça fera l’affaire. J’espère qu’il a raison ».

Shae posa la tasse sur la petite table pliante à côté de la couchette. Maître Holt gisait transpirant, sa respiration était superficielle et laborieuse. Il ne portait qu’un pantalon de pyjama, trempé de sueur. Une bassine d’eau et une serviette humide étaient posées sur la table, un éventail orné à ses côtés.

« Comment va-t-il ? »

« Je crois que la langue vernaculaire dit ‘malade comme un chien’, mais honnêtement, je ne comprends pas cette expression ». Elle s’approcha d’Holt et lui tamponna le front avec la serviette humide. « Je n’ai jamais vu un chien aussi malade, et lorsqu’il tombe malade, c’est généralement bref et violent. Cette fièvre boutonneuse, comme vous l’appelez, semble le tuer à petit feu ».
Shae pouvait entendre l’inquiétude dans son ton et se demandait, pas pour la première fois, s’il y avait plus entre le pistolier et sa protégée que la simple relation « dame et gardien » qu’ils décrivaient publiquement.

De toute façon, ce n’était pas son affaire, mais il avait du mal à imaginer une iosienne, même aussi aimable et affable que Dame Aiyana, avoir des sentiments pour un humain. La plupart des membres de sa race n’avaient jamais considéré les humains avec plus d’affection qu’un maître ne pouvait en avoir pour son animal de compagnie favori.

« Eh bien, ce breuvage devrait aider. Doc a dit de lui donner une gorgée par heure jusqu’à ce que la fièvre tombe ».

« Cela m’offre de l’espoir, capitaine, mais je crains que Maître Holt ne se réveille pas suffisamment pour boire la mixture. Au mieux, il est à peine conscient ». Elle posa une main fine sur l’épaule du pistolier et le secoua légèrement. « Maître Holt ! Le capitaine est là ».

Les yeux d’Holt papillonnèrent, puis se refermèrent, et ses lèvres remuèrent sans former autre chose que d’incohérents murmures.

« Je peux vous aider », dit Shae.

Il passa devant Aiyana et soutint les épaules d’Holt avec l’oreiller trempé de sueur. Il prit la tasse, souleva la tête du grand homme, lui pinça le nez et lui versa une unique gorgée du breuvage chaud dans la bouche. Holt toussa une fois et cracha un peu, mais avala la plus grande partie par réflexe. Shae le reposa sur l’oreiller, posa la tasse sur la table d’appoint et recula.

« Faites cela une fois par heure et la fièvre devrait tomber ».

« Merci, capitaine ». Aiyana fit une étrange mais gracieuse révérence. « Je me retrouve une fois de plus redevable envers vous ».

« Vous me remercierez en remettant Holt sur pied. Si nous avons d’autres problèmes avec ces mercenaires, nous aurons besoin de ses armes - et de votre magie, aussi ». Il lui fit un signe de tête et se dirigea vers la porte. « Envoyez simplement quelqu’un voir Doc Killingsworth pour obtenir davantage de ce breuvage lorsque vous en manquerez. Si vous avez besoin d’autre chose- ».

Le bruit de quelqu’un frappant à la porte l’interrompit.

Aiyana s’approcha de la porte, ouvrit le judas et regarda à travers. « Oui ? Ah, Monsieur Grogspar. Capitaine, je crois que c’est pour vous. Elle s’éloigna de la porte pour révéler l’imposante forme bleue du bosco trollkin dans le couloir.

« Hawk m’envoie vous chercher, capitaine ». Grogspar scruta la pièce, ignorant Dame Aiyana. Il ne s’était jamais habitué à la présence des deux nouveaux venus à bord.

« J’arrive ». Shae fit à nouveau un signe de tête à Aiyana ? « Faites savoir par quelqu’un si vous avez besoin de quoi que ce soit ».

« Je le ferai, capitaine, et à nouveau merci ».

Au moment où Shae montait les marches menant à la dunette, son esprit se tourna vers de plus urgents préoccupations. Bottes pendait sur le flanc, aidant Quinn à démonter le mécanisme endommagé de la roue à aubes. Des membres d’équipages transportaient des morceaux de machineries mutilés depuis le pont jusqu’à l’atelier dans l’atelier d’ingénierie dans la chaufferie. Shae vérifia sa montre à gousset. Cela ne faisait pas encore une heure.

« Des nouvelles des dégâts ? » demanda-t-il à Hawk.

Elle répondit à sa question par un prodigieux froncement de sourcils. Sans même son habituel salut, elle dit : «  Pas exactement, capitaine. Suivez-moi ».

Il la suivit jusqu’à la dunette, remarquant qu’elle n’avait toujours pas quitté ses vêtements tachés de sang. Le sien portait encore les traces de la bataille et de sa visite à l’infirmerie. Il serra inconsciemment sa main gauche, le souvenir des derniers battements du coeur de Sartori pesant encore lourd dans son esprit.

À la surprise de Shae, au lieu de le conduire vers le bastingage tribord pour regarder la roue à aubes endommagée, Hawk se dirigea vers les échelles de cordes menant au sommet de l’artimon et commença à grimper. Il la suivit sans un mot, montant en paumoyant jusqu’à ce qu’ils atteignent la large plate-forme à l’articulation du mât de hune. Hawk se dirigea vers le nid de pie avec une facilité éprouvée. Son agilité le surprenait parfois. Avec plus d’attention, il s’assura de ses prises avant de relever ses jambes sur l’épaisse plate-forme de bois. Chaque mouvement lui demandait plus d’efforts sans son armure de warcaster amplifiant sa force.

Il s’agrippa à l’un des haubans du mât pour se stabiliser. Hawk ne prit pas la peine de s’agripper, comme si le mouvement amplifié du roulis du navire ne pouvait pas la précipiter vers la mort à tout moment. Elle lui tendit une longue-vue et pointa l’horizon à l’arrière.

« Jetez un coup d’oeil ».

Shae leva la lunette. La montagneuse île où ils avaient été pris en embuscade n’était plus qu’une tache brumeuse, ressemblant davantage à un banc de nuages lointain qu’à de la terre ferme. Il balaya la lunette le long de la ligne, où la mer rencontrait le ciel et trouva ce qu’il cherchait : deux épais panaches de fumée sous le vent.

« Les mercariens ».

« D’après la fumée, ont dirait qu’ils sont en train de naviguer à toute vapeur », déclara Hawk. « Avec le gréement du Rasoir en lambeaux, ils ne sont probablement pas plus rapide que nous mais avec cette roue à aubes nous ralentissant, ils gagnent probablement du terrain ».

« Zut ! »

De toute évidence, le Rasoir n’avait pas été aussi gravement endommagé qu’il l’espérait. Sa tactique avait fonctionné, mais seulement temporairement. Il lui manquait maintenant deux dizaines de chiens de mer, le Talion était endommagé et les chasseurs de pirates étaient toujours à ses trousses. Tout ce qu’il avait accompli, c’était de tuer quelques officiers et détruire un peu le gréement.

« Génial, Phinneus », marmonna-t-il dans sa barbe. « Et maintenant ? »

« Nous pourrions changer de cap », suggéra Hawk. « Sans panache de fumée, nous pourrions les perdre avant la tombée de la nuit. Mais c’est un risque ».

« Un risque ? L’ensemble de l’océan austral est inexploré ! » Il scrutait l’horizon, à la recherche de quelque chose, n’importe quoi. « Si nous sortons de notre route cartographiée, nous pourrions nous heurter à un récif ». Les mercariens le savaient, bien sûr. Le Talion était comme un train sur des rails. Tout ce qu’ils avaient à faire était de suivre la route commerciale établie et ils le trouveraient.

« Avez-vous une autre idée ? » demanda Hawk. « Nous ne pouvons pas les affronter tous les deux ».

« Je sais. J’ai juste besoin de réfléchir une minute ».

Ils devaient trouver un endroit où se cacher, au moins assez longtemps pour effectuer des réparations, mais les îles qu’ils avaient déjà dépassés étaient les seules à proximité assez grande pour cacher un navire. Au nord, il aperçut une faible ligne de nuages éclairés par le dessous d’un voile vert, la lumière du soleil se reflétant sur les hauts-fonds blanc et sablonneux. Les nuages marquaient la limite sud du Cimetière, un dangereux labyrinthe de récifs et de hauts-fonds qui avaient emporté des dizaines de navires avant qu’un pilote ordique chanceux ne trouve un passage sûr.

« Le Cimetière . . . » L’esprit agile de Shae parcourut les cartes, fouillant les souvenirs de leur passage vers le sud. Jetant un coup d’oeil à l’angle de la lumière, il hocha la tête. « Trois heures avant le coucher du soleil, peut-être quatre avant la tombée de la nuit. Nous pourrions peut-être y arriver ».

« Tu vas nous emmener dans le Cimetière dans le noir ? » Les sourcils d’Hawk se froncèrent d’inquiétude.

Shae referma la longue-vue et la lui rendit. « Nous arriverons juste avant la nuit tombée et la marée basse. Juste à temps pour trouver un endroit où se cacher ».

« Cacher ? » Elle passa la lunette dans sa ceinture et lui lança un regard renfrogné. « Il n’y a pas un seul rocher plus haut que le cul d’un gobber dans tout le Cimetière ! Derrière quoi, bon sang, on pourrait se cacher ? »

« Pourquoi ne me fais-tu pas confiance, Hawk ? »

Elle recula devant la réprimande, et Shae sut instantanément qu’il avait prononcer ce qu’il ne fallait pas.

« Je te fais confiance ! Tu le sais bien ! »

« Je sais. Je suis désolé ». Il tendit la main et attrapa un étai arrière. « Je vais prendre la dunette. Pourquoi tu ne te reposerais pas une heure ou deux ? » Il descendit de la plate-forme et accrocha son talon à l’épaisse aussière, échappant à de nouvelles disputes en descendant en paumoyant jusqu’à la dunette. Si seulement il pouvait échapper aux mercenaires aussi facilement. Si seulement, il pouvait faire quelque chose au sujet de cette maudite prime qui lui pendait au cou comme un albatros mort, attirant les chasseurs et les assassins comme des mouches.

Et si seulement des amis n’avaient pas à mourir chaque fois que quelqu’un essayait de la réclamer.

Quinn Corcorian le rejoignit sur la dunette. Shae pouvait voir sur le visage de l’ingénieur que les nouvelles n’étaient pas bonnes.

* * *
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Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Sang et Fer
« Dernier message par elric le 29 décembre 2024 à 17:02:03 »
« Ça va marcher, capitaine ? » Doc regardait le lourd filet alors que le navire approchait. Il plongea dans l’eau, projetant des embruns.

« Nous ramons directement dans le filet à marchandises et nous serons récupérés comme le poisson dans une nasse. C’est simple ! » Shae avait mit toute l’assurance dont il était capable dans son ton. Doc se contenta de le regarder et de mâcher le mégot de son cigare.

« Simple, hein ? » gronda le grand homme.

« Ne perds pas ce foutu sac de racines, Doc. Nous avons traversé l’enfer pour l’obtenir et je ne suis pas prêt d’y retourner pour en récupérer plus’.

« Oui, monsieur ». Doc attacha le sac autour de son imposante taille et cracha son mégot de cigare dans la mer.

« N’oubliez pas », lança Shae à son équipage alors que le Talion fonçait sur eux, « si la chaloupe bascule, accrochez-vous au filet à marchandise. Nous ne pouvons pas perdre le bateau, mais je ne veux perdre aucun d’entre vous ! »

Un choeur de ‘Oui » suivit, mais il pouvait remarquer l’endurance des chiens de mer faiblir. La fatigue se lisait sur leurs visages après la longue marche sur la montagne, la course folle pour redescendre, le combat sur la plage et la dure traversée de la baie. Shae le sentait aussi, mais même si le poids de son armure l’épuisait tout autant, il n’était pas prêt de s’en débarrasser. Cette armure lui avait sauvé la vie à plus de reprises qu’il ne pouvait le compter, et avec un autre combat à venir, il aurait besoin de sa protection.

Le Talion lançait des embruns depuis sa proue et créait une importante vague. Shae les fit pivoter afin que le sillage du navire ne les déplace pas, luttant contre le gouvernail pour les maintenir en ligne droite. Le flanc du navire se profilait, des visages impatients l’observant d’en haut.

« Stabilisez maintenant ! » Le bosco du Talion, un trollkin nommé Balasar Grogspar, était penché par-dessus le bastingage, ses énormes mains bleues saisissant une épaisse aussière de chanvre qui traversait un billot jusqu’au pied du filet. Puis Shae aperçut Hawk perchée sur la lisse du pont arrière. Elle se penchait, une main saisissant un hauban, ses tresses noires et ses manchettes en dentelles flottant au vent tandis qu’elle criait des ordres au timonier, dirigeant la progression du navire avec une habilité consommée. En la regardant, il se sentait confiant dans sa survie. Si quelqu’un pouvait réussir cette manœuvre, c’était bien Hawk. Elle avait gagné son respect par son courage et sa conviction, sans parler de ses talents de marin et de son habilité avec une lame.

« Cessez de ramer et larguez les ! Accrochez-vous ! » Hurla Shae.

La force de l’impact projeta la chaloupe tel un fétu de bois, malgré le poids d’une douzaine d’hommes et d’un warjack de trois tonnes. Les cordes gémirent.

Grogspar hurla : « Actionnez le cabestan ! »

Le pont de la chaloupe se déroba sous eux, projetant Doc vers l’avant, dans la cale. Shae lança un cri silencieux à Buck pour qu’il s’agrippe au filet à cargaison, et le ‘jack obéit. Deux chiens de mer s’agrippèrent à Buck plutôt que d’essayer de s’accrocher au filet. Puis la chaloupe commença à glisser sur le bord, les mailles tendues du filet raclant contre les planches lisses de la coque.

« Abandonnez le navire et choppez le ! » Shae attrapa Doc par sa chemise crasseuse et le souleva. Les chiens de mer grimpaient sur le filet comme une troupe de singes, mais Shae avait oublié que son armure ne lui offrait plus de force supplémentaire. Sous le poids de deux hommes adultes et de son armure, sa prise sur le filet de chargement céda. Il commença à glisser vers l’intérieur du bateau. Il passa un bras à travers le filet, mais il lâcha. Il n’avait tout simplement pas la force. Le poids de Doc l’entraînait par-dessus bord. Quatre points de vue défilèrent dans son esprit alors qu’il commençait à glisser vers la mer déchaînée : celui de Buck, celui de Tireur d’Élite, une de chacun de ses warjacks Marinier à bord du Talion et le sien. L’image multiple fusionna en une mosaïque familière pour le warcaster.

Shae prit le contrôle direct de Buck.

L’une des énormes mains du warjack relâcha son emprise sur le filet et saisit le lourd anneau situé à l’avant de la chaloupe, la stoppant brusquement. Le bateau s’inclina presque à la verticale et les deux hommes commencèrent à glisser, mais Shae accrocha sa jambe à la banquette. Il retint un cri lorsque son genou se tordit. Le chemise de doc se déchira, mais la poigne puissante de l’homme s’accrocha au canon d’avant-bras de Shae et ils réussirent tous deux à rester à bord.

La grue à ‘jack commença à crier de protestation et le cabestan à vapeur hurla en choeur. Shae les regarda se faire hisser à bord depuis le point de vue de Tireur d’Élite. Il y eu une embardée à donner mal au coeur, puis ils atterrirent avec un craquement de bois fendu, de prodigieux jurons et le hurlement d’un malheureux chien de mer lorsque le plat-bord lui atterrit sur l’orteil. Shae lâcha Doc et le bateau, s’efforçant de se dégager du banc de la chaloupe, du filet et des marins étalés.

« Bienvenue à bord, capitaine ! » Le Maître de Quart Walls se pencha pour l’aider à se relever, sa barbe noire hérissée et son unique œil plissé. Le singe excité de Walls, Stubs, était perché sur l’épaule du pirate, regardant les dégâts d’un air renfrogné comme s’il voulait facturer les réparations.

« C’est vraiment bon d’être à bord, Wall ». Shae testa son genou tordu, qui supportait son poids, et évalua les dégâts. L’orteil du chien de mer devrait probablement être amputé, mais l’embarcation pouvait être réparée, et Buck, bien qu’il ait été sévèrement cabossé et marqué par des balles et des lames, ne semblait avoir subi aucun dommage critique. Mieux encore, ils n’avaient pas perdu un seul membres d’équipage par-dessus bord. « Doc, occupes-toi des blessez et commence à préparer cette mixture pour nos patients. Walls, j’ai besoin de Corcorian toute de suite ! Mon armure a pris une balle dans la chaudière ».

« La jeune Corcorian alors, monsieur. Evlyn est plus à l’aise avec le travail de précision ».

« Bien sûr ». L’Ingénieur en Chef Quinn Corcorian s’occupait de la machine à vapeur du Talion et des warjacks avec une compétence exceptionnelle, mais lorsqu’il s’agissait des complexités des armures des warcasters, des turbines arcaniques, des cortexes et des dispositifs mécaniques, la fille de Quinn, Evlyn avait un doigté spécial et une attention presque pathologique aux détails qui lui servait bien. Shae regarda vers l’avant et fit un signe de tête à son bosco. « Beau boulot avec le filet de chargement, Grogspar ».

« Bah ! Rien d’extraordinaire, mais j’aurais pu utiliser un peu plus de tension sur ce palan de bordure, n’est ce pas ? » L’imposant trollkin tripota le tuyau de sa pipe et haussa ses énormes épaules bleues. « Putain, je t’ai presque jeté à la mer ».

« Ça a fonctionné, Balasar. Assez Parlé ». Shae était le seul à bord qui ait jamais employé le prénom du bosco. Il se sentait un peu redevable envers Grogspar. Le trollkin avait sauvé la vie de Shae lorsque le capitaine de l’Exeter avait tenté de le faire assassiner.

Shae fit un signe d’approbation à son bosco et monta les escaliers jusqu’à la dunette du Talion. Son pas traînant sous l’effet de la fatigue et du poids de son armure inerte, mais il était vivant. Hawk l’accueillit avec un sourcil froncé et un regard qui le balaya de la tête au pied.

« C’est bon de vous revoir à bord, capitaine ». Le coin de sa bouche se crispa, tirant sur la cicatrice qui traversait son visage en deux Elle posa ses poings sur ses hanches dans une caricature de désapprobation. « Tiré, tranché, et à nouveau à moitié noyé, je vois. À peu près dans la moyen pour un séjour à terre. Tu t’es amusé ? »

Sa gaieté ironique et son attitude confiante soulagèrent un peu du poids des épaules de Shae. « Pas autant que la dernière fois que je me suis fait tirer dessus, trancher et à moitié noyé, je te l’assure ». Il fit une signe de tête vers le navire mercenaire. « Qui est notre visiteur ? »

« Elle s’appelle Rasoir. Chasseur de pirates de Bercks avec quarante-deux canons ».

« Bon sang ! Je ne connais que trop bien ce navire et son capitaine, Jamis Gorafalo. J’ai servi à son bord lors de ma première mission quand la Ligue m’a engagée ». Alors que Shae acceptait une longue-vue de son second, la forme légère d’Evlyn Corcorian monta les marches menant à la dunette. Une ceinture d’outils pendait autour de ses hanches, et la graisse maculait sa salopette en lambeaux. Walls la suivait, son visage buriné affichant un rictus perpétuel de mécontentement.

« Un problème avec votre armure, capitaine ? » Elle écarta une mèche de cheveux blonds de son front, laissant une trace de graisse, et lui adressa un sourire hésitant. Elle avait tendance à traiter le capitaine avec un mélange de respect et de peur qu’il trouvait gênant. « Mr. Walls a dit … Je veux dire, que vous avez. Que vous aviez un problème, je veux dire ».

« Une balle dans la chaudière ». Il lui tourna le dos. « Travaille vite. Nous sommes dans une situation difficile et j’ai besoin de vapeur ».

« Oui, monsieur ! Vous devrez enlever votre geste une fois que j’aurai enlevé les épaulettes ».

Le ton d’Evlin sembla instantanément plus confiant maintenant qu’elle était dans son élément. Il déboutonna sa veste tandis qu’elle retirait les deux lourds épaulettes en plusieurs adroits mouvements. La brise marine rafraîchit ses épaules alors qu’il ôtait sa veste en soupirait. Avec un tintement et un crissement de ses outils, elle retira la plaque de protection recouvrant les fonctions les plus délicats de la chaudière, de la boite à feu et de la turbine arcanique de son armure.

« C’est un sacré coup, monsieur ! Quelqu’un a un très bon fusil pour tirer une balle à travers votre champ et trouer cette plaque. Ça ne sert à rien de tout enlever. Ne bouger pas et je vais placer un patch ».

Pendant qu’Elvin travaillait, Shae observait le chasseur de pirates. Le Rasoir était un navire plus rapide et légèrement plus lourd que le Talion, transportant un nombre comparable de marins combattants et quelques warjacks. Hawk avait détruit une verge de misaine avec le Commodore, et le canons royal avait quelque peu ralenti la progression du navire approchant, mais il continuait d’avancer. Shae était persuadé que le Talion pourrait l’emporter dans un bon jour, mais ce n’était pas le cas aujourd’hui. Avec un tiers de son équipage alité, il préférait ne pas s’embrouiller avec le Rasoir.

« Fermez les écoutes et les étançons ! Hawk, pleine voile et pleine vapeur pour l’autre cap. Avec nos cales pleines et la fièvre à bord, je pense que je vais lui montrer une belle vue de mon cul disparaissant rapidement ».

« Je ne veux rien dire de désobligeant à propos de vos fesses, capitaine, mais je ne pense pas que ce soit une option viable », déclara Hawk.

« Quoi ? » Shae se tourna vers elle et Evlyn lui murmura de rester immobile. Son second regardait vers l’avant, pas vers l’arrière, en direction du Rasoir. Avant qu’il ne puisse lui demander ce qu’elle avait trouvé à redire à sa stratégie, un appel de la vigie du mât avant répondit à sa question.

« Voiles ! Un trois-mâts arrive par le cap est ! »

« Bon sang de bonsoir ! » Shae leva sa longue-vue. Trois huniers et un autre fanion de la Ligue Mercarienne flottaient au-dessus des rochers du cap est. Leur fuite était interrompue.

« Il semblerait que nous soyons au coeur d’une piège bien ficelé, capitaine », dit Hawk.

Le beaupré du deuxième navire contourna la pointe et Shae distingua sa plaque. « Tempête ? Je ne connais pas ce navire, mais il semble avoir- » Il compta les sabords d’armes au fur et à mesure. « quarante-huit canons. Fils de- » Shae jura dans sa barbe, mais sa tirade fur interrompue par un cri retentissant par-dessus son épaule et une paire de pinces étroites tenant une balle déformée lui fut présentée.

« Projectile de fusil lourd . . . obus perforant à chemise d’acier. Vous avez de la chance d’être en vie, capitaine ». Evlyn laissa tomber le projectile dans sa paume. Shae déglutit, fixant la balle. Le tir avait traversé son champ d’énergie et son armure. Si elle n’avait pas été arrêtée par la chaudière, elle lui aurait sectionné la colonne vertébrale ».

« On dirait que quelqu’un ne t’aime pas, Phinneus ». Shae savait qu’il valait mieux ne pas ignorer la nouvelle voix. Elle appartenait à Joln Rockbottom, leur financier privé rhulique et demi-propriétaire du Talion. « Ou quelqu’un de nouveau, au moins ». Le nain aurait eu l’air comique, paré de tous les atours que sa substantielle richesse pouvait lui procurer, mais le lourd tromblon, Bouche à Feu, calé sur sa hanche, offrait une certaine létalité à son attitude. La mine renfrognée de Rockbottom aurait fait cailler du lait, et son regard intransigeant fixaient le capitaine avec un regard accusateur.

Shae ne pouvait pas lui en vouloir. Il n’y avait personne d’autre à blâmer pour ce gâchis. Il semblait qu’à chaque fois qu’ils se retournaient, un autre chasseur de pirate ou corsaire de la Ligue Mercarienne apparaissait, essayant de s’emparer de prendre la tête de Shae pour obtenir la prime. Bien sûr, tous les anciens membres de l’équipage de l’Exeter avait sa tête mise à prix, mais la Ligue avait fait en sorte que la sienne soit particulièrement attrayante.

« C’est vrai, Joln ». Il jeta la balle déformée par-dessus bord. « Il ne me reste plus qu’à trouver comment me sortir de ce piège ».

Hawk prononça, « Ils nous ont enfermés, capitaine, mais aucun des deux navires ne nous surpasse de beaucoup. Je ne voudrais pas me faire aborder avec autant de personnes atteintes de la fièvre, mais fusil contre fusil, avec les fusiliers marins et le Commodore, nous pouvons tenir tête à l’un d’entre eux ». Son optimisme pragmatique apaisa les nerfs de Shae.

« Nous n’allons pas nous en sortir sans nous battre, c’est certain ». Shae peut s’en rendre compte d’un seul coup d’oeil. S’il essayait de naviguer entre les deux navires qui convergeaient, ils se retourneraient tous les deux et l’attaqueraient de plein fouet. Il pouvait les atteindre avec le Commodore avant qu’ils ne puissent déployer toute leur puissance, mais même un canon de poids royal ne pouvait couler un navire d’un seul coup.

Pris entre deux bourrasques et une côte sous le vent, pensa-t-il, évaluant ses chance contre l’un ou l’autre navire. Il entendit un crissement de métal par-dessus son épaule, puis un cliquetis, et sentit la réconfortante pulsation de la turbine arcanique de son armure se mettant à tourner à plein régime.

« Je l’ai ! »

Avec le cri de triomphe d’Evlyn, le poids de son armure disparut et son champ d’énergie se raffermit autour de lui.

« C’est juste une sangle avec un joint en plomb pour assurer l’étanchéité. Il y aura une fuite, mais cela devrait vous permettre de fonctionner pendant environ une heure. Ici ». Elle attacha son armure de plate et lui tendit sa veste. Le temps qu’il la boutonne, elle lui avait remit ses épaulières. Elle recula d’un pas et le regarda avec fierté. « Soyez prudent, monsieur ».

« Merci Evlyn, mais la prudence n’a jamais gagné une bataille ». Il lui adressa un sourire de reconnaissance, et elle sourit à travers les taches de suie et de graisse la couvrant.

« Allez, gamine ! » Walls attrapa le bras d’Evlyn et la fit presque tomber. « J’ai un Boucanier qui a plus besoin de tes tendres soins que le capitaine ».

La réparation de son armure donna à Shae le sentiment qu’on lui avait donné une nouvelle vie. Il jaugea les deux navires qui leur faisaient face, les lignes d’attaques et les allures potentielles, et pris une décision.

« Changez d’armure et naviguez droit vers le Rasoir ».

« Directement sur eux ! Oui, capitaine ! » Hawk transmit ses ordres à Grogspar et au timonier.

« Vous allez attaquer ? » Rockbottom était abasourdi.

« Vous préférez négocier ? » Shae lança un regard d’avertissement au nain. La dernière chose était que quelqu’un remette en question ses décisions. « Jamis Garofalo commande ce navire. C’est un salopard de sadique, mais il manque vraiment de courage. Il virera et nous ratisserons son gréement à coups de boulets chaînés ». Shae dégaina son canon à main et chargea une cartouche. « Avec un peu de chance, nous couperons la tête de ce serpent ! »

Phinneux Shae avança à grand pas, lançant des ordres au fur et à mesure. « Hawk, le pont arrière est à toi Je vais à l’avant pour saluer mon vielle ami. Pleine bordée lorsque nous passerons. Tir de boulets chaînes avec élévation complète. Je ne veux pas qu’un mat soit debout quand nous aurons fini ! Nous serons peut-être un peu malmené, mais le Talion peut le supporter ».

« Nous allons les tailler en pièces, monsieur ! » Hawk aboya des ordres, prenant les commande du navire d’un souffle.

L’équilibre et le courage de Hawk le fortifièrent comme une gorgée d’un bon vin, encourageant son équipage au fur et à mesure, ses cheveux et son manteau flottant au vent. Il rencontra son ingénieur en chef sur les marches du gaillard avant et sourit à la ligne des sept warjacks – quatre Mariniers, deux Boucaniers et son lourd Flibustier – dont la fumée s’échappait de leurs cheminées.

« Tireur d’Élite, Crochet, Filou et Nancy avec moi ». Au nom de son quatrième et nouveau Marinier, il sourit intérieurement. Il avait acheté la machine directement à la sortie de la chaîne de production et elle brillait comme un sou neuf. L’un des chiens de mer l’avait appelé belle Nancy, et le nom était resté.

« Tu garderas Bottes en réserve en cas de problème, Quinn. Buck et Tique, dans la cale. Il rompit son lien avec le Flibustier pour que Quinn puisse agir en tant que contrôleur. Buck s’agita d’être relégué dans la cale pour la rencontre. Son rudimentaire psychisme aspirait au combat, mais il était toujours endommagé, et il n’y avait pas grand-chose que le Boucanier puisse faire dans un engagement en une seule passe. Shae ne voulait pas risquer que l’un d’entre eux prenne un projectile de la bordée du Rasoir.

« Oui, capitaine ! » Quinn récita le complexe code verbal qui permettait à Bottes de le reconnaître en tant que conducteur autorisé.

Les quatre Mariniers et les équipes d’artilleurs suivirent Shae sur le pont avant. Chaque fusilier marin portait un canon de navire de taille normale capable de projeter un boulet de canon de vingt-quatre livres ou une gerbe mortelle de mitraille sur l’ennemi. Chacun portait également une énorme ancre et une chaîne dans l’autre main. En mêlée, ces pattes de fer transperçaient la chair, les os et les armures.

« Une Oreille, vieux chien. Je savais que je te trouverais ici en train de bichonner le Commodore ! » Shae sourit et donna une tape sur l’épaule de son maître cannonier.

« Coupable, capitaine ».

Une Oreille Scoriani accueillit Shae avec un salut et un sourire un peu croche. Croche était la seule façon dont Une Oreille pouvait sourire depuis le jour où un boulet de canon lui avait arraché une oreille et brisé la pommette, détruisant les nerfs contrôlant la moitié de son visage. Mais il pouvait toujours tirer droit avec un canon que quiconque à bord, et en ce moment, Shae avait besoin de cette compétence sous le pont. Le Commodore était une arme fantastique, mais même un poids royal ne pouvait pas projeter une masse de métal comparable à la seule bordée de vingt canon du Talion. Il tapota affectueusement le massif canon. Les restes squelettiques de son homonyme et ancien maître, le Capitaine Laross Fargen de l’Exeter, pendaient, enchaînés, sous la bouche fumante de l’arme. Fargen était encore en vie lorsque Grogspar l’y avait enchaîné en guise de représailles pour ses nombreux excès tyranniques qui avaient conduit à la mutinerie. Le bosco avait ensuite plusieurs fois fait feu avec le canon jusqu’à ce que la chaleur et les chocs tuent son ancien capitaine puis avait laissé les restes suspendus là comme un sinistre rappel de leurs origines.

« J’ai besoin de toi sur le pont-batterie, Une Oreille. Boulet chaîné dans le gréement. Nous n’aurons qu’une chance d’y parvenir, et je ne veux plus qu’il y ait un seul morceau de toile en l’air quand nous en aurons fini avec le Rasoir.

« Oui, monsieur ! On va leur en mettre plein la vue ! » Scoriani se dirigea vers l’arrière.

« Brave homme! » Shae prit le commandement de l’équipe du Commodore et de équipes de chiens de mer chargés de recharger les canons des Mariniers. « Boulet chaîné pour le Commodore et élévation maximale. Vous, les équipes des Mariniers, chargez à la mitraille. Nous partons à la recherche d’officiers ».

Tandis que les équipes de canonniers applaudissaient et s’exécutaient, Shae évalua leur ligne d’attaque. Fidèle à sa parole, Hawk avait fait pivoter le Talion pour viser le beaupré du Rasoir. Il regarda l’équipe du Commodore charger deux lourd boulets avec trois mètres de chaîne les reliant, et grimaça. Ils n’avaient pas l’habitude d’employer des boulets chaînés avec le Commodore. Sa portée et sa pénétration avec les projectiles standard, sans parler de l’enfer qu’il pouvait provoquer avec des projectiles incendiaires ou les boîte à mitraille, étaient bien plus dévastateurs. Le boulet chaîné n’était bon qu’à découper les gréements, et c’est ce qu’il devait faire au Rasoir. S’ils parvenaient à le mettre hors d’état de nuire, le Talion pourrait distancer le chasseur de pirate en pleine mer, et le commandant du Tempête n’oserait pas abandonner l’autre navire. Et même si cela se produisait, Shae se tiendrait à distance et le briserait en morceaux un coup après l’autre.

Les deux navires se rapprochèrent à toute allure et arrivèrent à portée du Commodore. Le capitaine de tir averti à l’équipe du canon et tout le monde sur le pont avant se boucha les oreilles. La commotion de l’explosion rendrait sourd quiconque se trouverait à l’avant de la bouche du canon.

Le canon rugit et recula sur es lourds palans. Le tir monta très haut et percuta une vergue avant, envoyant des échardes et de la toiles déchirées s’écraser sur le pont.

« Rechargez, fissa ! » ordonna Shae, donnant un coup de main avec le long refouloir.

Le rechargement d’une arme de cette taille n’était pas une tâche facile et nécessitait des compétences coordonnées pour l’accomplir rapidement, chaque membre de l’équipe s’occupant de sa tâche. Après avoir nettoyé le canon des cendres brûlantes, ils enfoncèrent la cartouche de poudre, la bourre, les boulets chaînés et à nouveau de la bourre. Le capitaine de tir piqua la cartouche à travers la lumière et l’amorça. IL ordonna ensuite un réglage de la hausse et l’équipe souleva la lourde pièce avec de longues barres à mines.

Le capitaine de tir brandit sa mèche lente. « Prêt ! »

Shae recula et se boucha les oreilles. L’explosion le secoua jusqu’au bottes, et le tir percuta le mât de misaine du Rasoir, envoyant 9 mètres d’espars de bois dur s’écraser comme une lance, traînant de la toile déchirée et des cordages battant l’air. L’équipage du Talion applaudirent à nouveau.

« On continue comme ça ! » ordonna Shae, ramenant son attention sur sa spécialité.

Ils arrivaient à portée des deux pièces de chasse du Rasoir, un duo de canons de neuf livres en laiton orientés vars l’avant, capable de projeter du métal avec une précision remarquable, même s’ils n’avaient pas autant de punch que des canons principaux, à la portée plus courte. Il envoya un ordre silencieux aux quatre Mariniers, leur donnant une image mentale de Jamis Gorafalo. Ne tirez pas jusqu’à ce que vous puissiez attendre leur pont arrière, puis faites-leur la peau. Dès que nous serons passez, venez à l’arrière avec moi. Maintenant, Shae devait s’occuper de son navire, et cela nécessiterait toutes ses compétences de warcaster.

Le sort était le même que celui qu’il avait employé pour masquer la position de la chaloupe, mais le Talion était cent fois plus grand. Étendre le sort pour couvrir l’ensemble du navire étendrait ses compétences arcaniques à l’extrême et ne lui laisserait que peu de protection magique. Cependant, cela permettrait de sauver des vies, et en ce moment, avec tant de malades, chaque vie à bord du Talion était doublement précieuse.

Le sort se propagea à travers le navire. Il saisit le massif bras de Crochet alors que ses jambes tremblaient et que sa vision s’obscurcissait. L’air autour du Talion scintillait et tanguait du à la distorsion magique, juste au moment où les premiers tirs des pièces de chasse du Rasoir retentissaient.

La vision de Shae s’éclaircit lorsque deux boulets de canon passèrent devant le Talion en vrombissant. L’un deux fit un trou dans la misaine tandis que l’autre les survola au niveau des yeux, à peine à une portée de main. Qu’ils aient manqué leur cible à cause de sa magie ou d’une mauvaise adresse au tir, Shae s’en fichait. Une échappée belle équivalait à un kilomètre. Il maintint son sort – qui nécessitait un peu moins d’énergie que le lancement initial et laissa le peu de son énergie acanique s’écouler dans son champ de puissance.

Alors que les navires se rapprochaient, trois autre coups furent échangés. Au dernier, Shae put voir les équipes d’artillerie des pièces de chasse du Rasoir pointer leurs pièces. Plusieurs voiles du mercarien étaient déjà en lambeaux. Des flammes et de la fumée s’échappaient et un boulet frappa la rambarde de proue bâbord. L’explosion ratissa la plage avant.

Le bouclier protecteur de Shae s’illumina de bleu sous l’impact des débris volants. Rien ne le toucha. Trois chiens de mer tombèrent, l’un avec un morceau de bois dur de trente centimètres de long dans la poitrine, les autres avec de vilaines lacérations.

« Du calme ! » Shae s’avança. « Tenez vos positions ! Préparez les fauberts et les cartouches ! Portney, fais passer ce corps par-dessus bord et occupe-toi du bras de Feltic ».

Alors que les chiens de mer se précipitaient pour obéir, Shae lança un regard noir à son adversaire. Rasoir fonçait toujours sur eux, et Hawk n’avait pas changé de cap. Il jeta un coup d’oeil vers la dunette. Il se tenait juste à côté du timonier, ses deux sabres dégainés. Connaissant Hawk, elle avait probablement dit au timonier qu’elle l’abattrait s’il changeait de cap. Hawk était parfois dur avec l’équipage.

« Ça va être serré », marmonna l’un des chiens de mer.

« Silence là ! » Shae se demandait s’il avait mal jugé Garofalo. Peut-être que le vieux Jamis s’était fait pousser une paire quand je ne regardais pas, pensa-t-il.

Un autre tir des pièces de chasse du Rasoir. Un boulet effleura la plage avant du Talion, son passage faisant voltiger la veste de Shae. Il regarda vers l’arrière juste au moment où le tir pulvérisa le timonier dans une gerbe de sang et de chair. Hawk s’avança, éclaboussée et s’empara de la roue brisée. Elle repoussa les restes déchiquetés d’un coup de pied et demanda de l’aide.

En se tournant vers l’avant, Shae réalisa son erreur. Le Rasoir fonçait toujours sur eux, non pas parce que son capitaine avait soudainement trouvé du courage, mais parce que le sort de Shae dissimulait la position du Talion. Il laissa le sort s’estomper et la distorsion disparut. Le Rasoir vira immédiatement à bâbord.

C’est mieux ainsi !

« Préparez-vous à la bordée tribord ! » Shae bondit en avant pour réaligner le massif Commodore pour un tir latéral. Alors qu’ils soulevaient le grand canon, il redirigea son énergie arcanique dans son champ de puissance. « Hausse maximale ! »

« Équipe de canonnier ! À mon signal ! » Hawk appela depuis l’arrière, reculant lorsque deux chiens de mer prirent sa place à la barre. Elle essuya les traces de sang sur son visage avec un mouchoir et le jeta de côté.

Les deux navires passèrent si près que l’un des gabiers aurait pu tendre la main et toucher l’espar extérieur du Rasoir.

« Feu avec tout ce que nous avons ! » Cria Hawk.

Des flammes et la fumée jaillirent des deux navires au même moment. Le Commodore rugit et recula sur ses palans Shae ne pouvait pas voir à travers la fumée, mais il entendit les impacts sonores du fer frappant le fer et sentit son champ de puissance s’enflammer. Un choc mental lui apprit qu’un de ses Mariniers avait été touché. Crochet recula sous l’impact, et le cri aigu d’un homme s’éleva au-dessus du vacarme. Shae tressaillit lorsque Crochet se remit en position et vit que la jambe de l’homme qui criait était réduite en bouillie sous le genou Le warjack avait été projeté en arrière par l’impact, et son massif pied s’était abattu sur la jambe de l’artilleur. Le tir avait mutilé l’articulation de l’épaule gauche du warjack, et son canon s’était affaissé dans sa prise.

« Descendez Barducci ! Crochet, jette ton ancre et change ton canon de bras ». Sur l’ordre de Shae, un chien de mer traîna l’artilleur tombé , toujours en train de hurler. Crochet jeta son énorme ancre et changea son canon de main pour viser.

La fumée se dissipait.

Le gréement du Rasoir pendant dans une masse de toiles en lambeaux et de cordages déchiquetés. Un certain nombre d’espars avaient été brisés et son pont n’était plus qu’un enchevêtrement de cordes tombées. Shae dirigea son regard vers le pont arrière du navire adverse, cherchant sa cible. Deux warjacks Marinier se tenaient là, les canons pointés vers le pont arrière du Talion. Gorafalo avait manifestement la même idée que Shae : tuer des officiers.

Hawk . . .

« Gorafalo, fils de pute atteinte de vérole ! » Shae sauta sur le bastingage du gaillard avant, saisit une voile et dégaina son canon à main. Il repéra son adversaire, un un épouvantail courbé aux yeux froncés, debout derrière l’un de lourds Mariniers. Shae visa et tira avec son canon main, mais le tir heurta la jambe de l’homme armuré. « Affronte-moi, espèce de lâche immondice ».

La raillerie de Shae fonctionna. Les museaux des canons des deux Mariniers se tournèrent vers lui.

Il regarda à travers les yeux de ses propres Mariniers et stabilisa leur visée.

« Feu ! » beugla-t-il.

Sous l’impulsion mentale du warcaster, les quatre Mariniers du Talion déchaînèrent une gerbe mortelle de grenailles, perforant la dunette arrière. Gorafalo plongea pour se mettre à couvert. Quatre officiers mercariens disparurent sous la grêle et les deux warjacks ennemis chancelèrent. Puis ils tirèrent
Une grêle mortelle
 s’abattit sur le pont avant du Talion. Shae recula en titubant, son champ de puissance flamboyant de chaque parcelle d’énergie arcanique qu’il put y mettre. Malheureusement, ses équipes d’artilleur n’étaient pas aussi bien protégées. Il grimaça devant le carnage – des hommes et des femmes qu’il connaissait réduits à n’être que de la chair déchiquetée – mais il n’avait pas le temps de se lamenter maintenant. S’il voulait une autre chance contre Gorafalo, il devait se dépêcher.

« Grogspar, envoie une nouvelle équipe au Commodore ! Équipes d’artilleurs, rechargez les Mariniers avec de la grenaille sur le chemin arrière ! »

Les équipes survivantes des Mariniers oeuvrèrent à recharger les armes des warjacks tandis que Shae courait vers l’arrière. L’équipage du pont intermédiaire avait mieux résisté aux tirs de barrage que ceux du pont avant, même si quelques chiens de mer étaient tombés. La plupart des tirs ennemis semblaient avait été dirigés vers le pont-batterie et la roue à aubes, qui émettait maintenant des bruits grincement déconcertants à chaque révolution. Leur gréement, grâce à Morrow, était resté intact.

« On dirait que nous nous en sommes sortis assez proprement, capitaine. Hawk essuyait encore plus de sang sur son front. « Enfin, pas tout à fait, mais- »

« Nous n’avons pas encore fini » Il la dépassa et monta les marches jusqu’à la dunette, exhortant ses warjacks à le suivre avec précaution. Tout le pont du Talion était renforcé pour supporter le poids des ‘jacks lourds, mais les marches menant à la dunette n’étaient pas conçues pour supporter le choc. « J’ai raté Gorafalo, le lâche ! Il va virer pour raser notre poupe. Maintient le cap et la vitesse ! »

« Oui, monsieur ! Mais d’après le bruit, la roue à aubes tribord ne nous aidera pas beaucoup ».

« Donne-lui tout ce qu’elle peut supporter ! »

Sur la dunette, Shae dirigea ses ‘jacks autour autour des cheminées du Talion. Il jeta un coup un regard vers l’arrière et aligna ses Mariniers au niveau de la lise de pavois de dunette. Une fois de plus, il lança un sort d’occultation pour empêcher le Rasoir de viser. La poupe du Talion, comme celle de tout navire était son point le moins blindé et le plus vulnérable, mais avec le Tempête toujours en train de fondre sur eux et le Rasoir s’approchant, il n’osait pas ralentir son allure en virant. Avec un peu de chance, son sort permettrait d’éviter le pire des dégâts.

D’un ordre mental à ses ‘jacks, les quatre canons tonnèrent.

L’instant d’après, la bordée du Rasoir se déchaîna en longues langues de feu et de fumée. Le Talion résonna sous l’impact de plusieurs projectiles, mais plusieurs d’entre eux s’abîmèrent inoffensivement dans la mer. Un tir frappa une cheminée juste au-dessus de la tête de Shae avec un bruit retentissant, et le boulet tomba dans le tube en fer en direction de la fournaise. Un autre s’écrasa sur le blindage déjà mutilé de la roue à aubes tribord, et deux autres traversèrent les fenêtres de la grande cabine, réarrangeant sans doute le mobilier de Shae.

« Rechargez ! » ordonna Shae en plissant les yeux à travers la fumée.

Mais au moment où les Mariniers furent rechargés, le Rasoir se trouvait à une distance extrême, ferlant ses quelques voiles restantes. Les warjacks tirèrent, mais trois des quatre tirs échouèrent et celui qui frappa ne fit que peu de dégâts.

« Maintenant, nous allons voir si nous sommes à l’abri ». Shae leva sa longue-vue pour observer le Tempête foncer vers son compagnon mutilé. S’il devait maintenir son cap, ils devraient le combattre en espérant que le Rasoir était trop endommagé pour les rejoindre. S’il louvoyait, ils étaient en sécurité. Shae retint son souffle et observa les voiles du plus grand navire. Elle s’approcha un peu du vent, modifiant sa ligne pour laisser de l’espace au Rasoir. Enfin, il remonta au vent et gonfla ses voiles.

« Oui ! »Shae se tourna avec un sourire et trouva ses officiers debout à l’autre coin de la lise de pavois de dunette. Au lieu des navires de guerre ennemis, la lunette de Rockbottom était pointé sur la plage. « Qu’est-ce que vous regardez tous ? »

« La femme qui a essayé de te tuer ». Rockbottom baissa sa longue-vue, l’expression sombre.

« Beaucoup de personnes ont essayé de me tuer aujourd’hui ». Shea les rejoignit et leva sa propre longue-vue. Il ne pouvait distinguer aucun détail des silhouettes massées sur la plage.
« Pourquoi tant d’intérêt pour celle-ci ? »

« Parce que je la connais », répondit Rockbottom. « Tiens, utilise la mienne ».

« Vraiment ? » Shae s’empara de plus fine longue vue et la pointa sur la plage. Il repéra une petite femme et aux larges épaules, visiblement rhulique par le sang. Ses cheveux blancs coupés courts étaient relevés dans des angles bizarres, et un éclat de lumière se reflétaient sur une pièce de laiton et de verre enfoncé profondément dans son orbite gauche. « Qui est-elle ? Quel-est son nom ? »

« Elle n’en a pas ».

« Quoi ? » Cela attira l’attention de Shae. Quel genre de personne n’avait pas de nom ? « Que veux-tu dire ? »

« Elle s’appelle la Faiseuse de Fantômes ». Rockbottom lança un regard oblique à Shae. « Je l’ai rencontrée environ quatre ans avant l’Exeter. C’est une tueuse à gages, rhulique, mais elle travaille surtout pour le Khador et le Cryx actuellement. Je ne savais pas qu’elle avait accepté un contrat de la Ligue Mercarienne. Ce n’est pas bon, gamin ».

« Ça ne peut pas être prise que la moitié d’Immoren voulant ma tête ! » Il toucha le trou dans son épaule. « Elle raté on coup, de toute façon ».

« Oh, c’est pire, d’accord. Elle a peut-être raté le premier coup, mais elle est têtue – et elle est plus qu’un peu folle. Elle te regarde comme si elle décidait du montant à facturer pour te coller une balle dans la tête. Elle parle à son foutu fusil mékanique comme si elle croyait réellement que c’est une personne. La chose ne la quitte jamais, et elle a déjà tué un homme juste pour l’avoir touché. On dit qu’elle n’a jamais manqué un contrat ».

« Eh bien, je déteste la décevoir, mais je vais devoir être son premier ». Shae n’allait pas se laisser effrayer par un autre tueur à gages tentant de lui ôter la vie, même s’il s’agissait d’une folle. Les menaces de morts n’avaient rien de nouveau pour un homme avec un quart de million de couronnes sur la tête. « Hawk, sécurise la dunette et voyons ce que cela nous a coûté. Et nettoie-toi. Tu as un morceau d’oreille coincé dans la manchette de ton gant ».

« Maudit gâchis ». Hawk fronça les sourcils et arracha le morceau de chair de sa manchette et la jeta par-dessus bord.

Shae guida ses warjack vers le pont principal, mais avant qu’il ne l’atteigne, Quinn Corcorian vint à sa rencontre, le visage figé comme une pierre tombale.

« Nous avons des problèmes, capitaine ! »

Shae grinça des dents. Il avait un tas de problèmes.

« Quoi donc ? » Puis il remarqua que la roue à aubes tribord s’était arrêtée. Il semblait que les choses pouvaient toujours empirer.
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