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Background – Histoire des Royaumes d’Acier / Roman - Sang et Fer
« Dernier message par elric le 26 janvier 2025 à 17:05:04 »« Je vais bien, monsieur ! » Milo Tolbert, l’assistant du maître d’armes d’Hawk tenta de se redresser de son hamac. Il parvient à peine à passer une jambe par-dessus. « Ne m’obligez pas à boire davantage de cet infâme breuvage que Doc a concocté. Je préfère être malade ! »
« Il y a du rhum dedans, tu sais », répondit Shae.
« Oui, monsieur, mais ça a le goût de ce truc que les alchimistes utilisent pour conserver leurs cadavres ! »
Shae déglutit à cette idée. L’affirmation de Milo aurait pu être plus amusante s’il n’était pas probable que l’homme ait réellement goûté une telle concoction. Il connaissait un cas où un amiral mort en mer avait été conservé dans un tonneau de brandy, mais lorsque le vaisseau amiral était arrivé au port, il ne restait plus qu’un gallon d’alcool au fond. Des rumeurs plaisantes circulaient dans la flotte selon lesquelles l’amiral décédé avait un problème d’alcool, mais tout le monde savait ce qui s’était passé.
« Eh bien, puisque tu es en assez bonne santé pour te plaindre de tes médicaments, tu es prêt à brandir un fusil ? »
« Oh, oui, monsieur. Je ne voudrais pas prendre une lame, mais je peux tirer assez droit ».
« Bien ! Alors va sur le pont et fait ton rapport à Hawk. Mais arrêtes-toi à la cuisine en chemin et prends une dernière ». Il lança un regard noir à l’homme. « C’est un ordre ».
« Oui, monsieur ». Tolbert sortit de son hamac, vacilla sur ses jambes affaiblies et se dirigea en titubant vers la cuisine.
Shae passa au chien de mer malade suivant. Il évalua soigneusement chacun d’eux, n’ordonnant qu’à ceux qui étaient raisonnablement lucides à sortir de leur hamac. Jusqu’à présent, il avait renforcé les rangs de combattants du navire d’une vingtaine d’hommes, même s’ils ne valaient guère plus que le crachat qu’il fallait pour cirer une chaussure. Franchement, mourir au combat n’était pas pire que de rester en bas s’ils ne parvenaient pas à vaincre les chasseurs de pirates. S’ils étaient capturés, tout l’équipage serait pendu aux verges – blessés, malades et bien portants.
« Capitaine ! » Walls s’avançait à travers les hamacs, Sutbs bondissant sur son épaule. Le singe aimait la bataille plus que les bananes et semblait toujours savoir quand un combat était imminent.
« Qu’y a-t-il, Walls ? »
« Ils ont tous les deux pris la directions du nord, monsieur. Ils ont trouvé des passages à travers le récif ». Stubs poussa un cri d’affirmation et prit un moment pour jeter un coup d’œil sous le cache-œil de son maître. À la grande horreur de Shae, la dégoûtante petite créature sortit une cacahuète du vide. Walls ne sembla pas le remarquer alors que Stubs replaçait le cache-œil et grignotait.
Shae déglutit difficilement. « Quelles routes suivent-ils maintenant ? »
« Ils reviennent l’un vers l’autre, et vers nous. Le Tempête navigue vers l’ouest sous des huniers arisés, et le Rasoir se dirige vers l’est uniquement à la vapeur. Ils avancent lentement et tirent sur chaque épave qu’ils croisent ».
« Ils essaient de nous débusquer ». Shae sourit « Très bien. Prends le relais ici, Walls. Tous ceux qui savent manier un fusil en prennent un. Aligne-les sur la rambarde et donne-leur un seau pour s’asseoir s’ils ne peuvent pas tenir debout. Nous allons avoir besoin de tous les armes ».
« Oui, monsieur ! »
« Je suis sur la dunette ».
Shae grimpa l’échelle depuis le coqueron avant jusqu’au spacieux coffre à voile, puis ouvrit la porte donnant sur le pont intermédiaire. Un coup d’oeil dans la mâture confirma que Grogspar avait demandé à ses gabiers de redresser le gréement. Sur le pont, Hawk faisait distribuer des armes. Chaque chien de mer portait une paire de pistolet et aux moins deux lames. Ils le saluaient et criaient « Monsieur ! » à son passage. Ses warjacks étaient alignés au milieu du navire, et il sentait le cortex de chacun d’entre eux bourdonner d’impatience, attendant ses ordres. Les bras armé de Crochet avait été réparé pendant la nuit, et il se rappela de féliciter Corcorian pour son travail. Toute cette activité intense lui donnait envie de ronger du fer et de cracher des clous.
« Hawk ! » Il bondit vers la dunette. « Rapport ! »
« Le Rasoir et le Tempête ont tous deux franchi le récif extérieur. Le Tempête a employé le passe principale, mais le Rasoir à dû trouver un passage que nous n’avons pas sur nos cartes. Ils se frayent un chemin parmi les courants de marée vers nous, mais ils progressent lentement ». Elle tendit une longue-vue et désigna l’est juste au moment où le lointain boum des canons leur parvenait.
Rockbottom s’approcha du maître d’armes, son énorme tromblon, Bouche à Feu, coincé dans le creux de son bras. « Ils fracassent les épaves. Ils doivent sa voir que nous n’avons pas pu franchir la passe durant la nuit. Comme nous ne sommes pas sortis aux premières lueurs de l’aube, ils pensent que nous sommes toujours là ».
« Exactement comme je l’espérais. Comme deux chiens de chasse ». Il leva sa longue-vue et examina ses adversaires l’un après l’autre. Ils étaient tous les deux à au moins quatre miles de distance, mais il pouvait distinguer les imposantes formes des warjacks sur leur ponts. Il ne pouvait discerner ni le type ni le nombre de warjacks, mais à moins qu’il ne se soit trompé et qu’ils aient un warcaster pour contrôler les ‘jacks, il était confiant, il était presque certain de pouvoir battre un contrôleur expert. « À moins qu’ils n’aient de meilleurs cartes du Cimetière que nous, le Rasoir navigue dans des eaux inconnues, et le Tempête le fera bientôt. Ils seront prudents jusqu’à ce qu’ils nous voient bouger, puis ils stopperont leurs courses et se mettront à la cape ».
« Avec un peu de chance, ils s’échoueront tous les deux », intervint Hawk.
« Sur ce coup-là on touche du bois ». Il referma la longue-vue et frappa la rambarde avec ses articulations armurées pour se donner de la chance « Donnons-leur quelque chose à poursuivre et espérons qu’ils seront négligents ».
« Oui, monsieur ! » Son sourire enthousiaste était tout ce qu’il pouvait espérer.
« Foutus jeunes ». Joln les suivit d’un pas lourds alors qu’ils se dirigeaient vers la rambarde avant. « La cupidité de Ghrd, vous vous croyez tous immortels ou quelque chose comme ça ? »
Shae l’ignora, sachant que le nain se plaindrait de mettre sa peau douce en danger, puis se battrait comme un bouledogue acculé lorsque la pagaille commencerait. II pensait souvent que Rockbotom détestait le prix de la bataille en or plus que le prix en sang, surtout lorsqu’il n’y avait de douce récompense une fois l’effusion de sang terminée. Aujourd’hui, ils auraient la chance de survivre avec leur peau intacte, sans parler de réaliser des bénéfices.
« Monsieur Grogspar, larguez les amarres de carénages et d’amarrage. Hissez uniquement les ris et les focs. Je veux rester discret. Hawk, quand nous serons libres, avance d’un tiers et réduisez la fumée au minimum. Nous ne voulons pas commencer cette fête tant que tous les invités ne savant pas que nous sommes là. Oeil de Lynx et prévoyez les hauts-fonds. Je veux deux sondeurs sur les calepieds ! S’échouer maintenant serait notre perte ».
Le Talion se redressa lorsque les amarres furent relâchées et se libéra peut après. La grand-voile et les vergues avant furent entoilées, seulement les plus basses. Une vigie négligente à bord des chasseurs de pirates pourraient les confondre avec une autre épave s’ils gardaient leurs mâts nus. Hawk avança le levier d’ordre jusqu’à avant lente et les roues à aubes commencèrent à tourner. La roue tribord grinça plus que d’habitude, comme Corcorian l’avant prévenu, mais Shae pouvait s’en accommoder.
Le Talion prit progressivement de la vitesse. Les récifs passaient parfois si près des deux flancs que Shae aurait pu pisser sur la terre ferme depuis le bastingage du pont arrière si la marée avait été basse. En ce moment, la marée était haute, ce qui était à la fois une bénédiction et une malédiction. Une eau plus profonde leur offrait encore un mètre vingt sous la quille, mais s’ils échouaient maintenant et que la marée se retirait, ils seraient bel et bien coincés. Une proie facile pour les deux navires de la Ligue.
« Doucement maintenant . . . bien et doux ». Shae avait confié les commandes à Hawk, préférant garder les yeux fixés sur leurs ennemis. Il faisait autant confiance à ses compétences qu’aux siennes pour guider le Talion à travers les dangereux hauts-fonds. Jaugeant les deux navires ennemis, il envisagea de lancer un sort pour masquer la position du Talion, puis y renonça. Avec toutes les épaves qui parsemaient le paysage marin, les vigies mercariennes qui scrutaient l’horizon pouvaient repérer une déformation ou une particularité plus facilement que le simple contour d’un navire. Il espérait que ses propres vigies surveillaient davantage les hauts-fonds que leurs adversaires. Avec la lumière du jour, l’eau plus profonde peu profonde devenait plus facile à lire. Une bleu plus foncé signifiait une eau plus profonde, tandis qu’un bleu plus clair ou bleu sarcelle dénotait des bas-fonds avec un fond sablonneux. L’eau noire pouvait tromper un œil non averti, mais les vigies savent qu’elle indique des herbiers peu profonds et avertissaient Hawk de se tenir à l’écart. Le marron était la couleur la plus dangereuse de toutes, car elle signifiait un corail submergé, suffisamment solide et tranchant pour déchirer une planche de quinze centimètres comme du papier de soie.
La vitesse de croisière était d’environ cinq nœud, la marée descendante commençant doucement à se faire sentir. Le courant croissant était à la fois une bénédiction et une malédiction, car il les faisait avancer plus vite, mais rendait le pilotage plus difficile. De plus, la marée l’aiderait maintenant contre le Rasoir, mais plus tard, elle aiderait le Tempête contre lui.
Dans la guerre maritime, tout était une arme à double tranchant. Un bon commandant devait peser les aspects positifs et négatifs de chaque élément : vent, eau, artillerie et manœuvre. C’est là que le génie de Phinneus Shae se révélait. Plus encore que sa capacité à manier la magie et à guider les warjacks au combat, sa maîtrise des tactiques navales s’était révélées inestimable.
Il n’avait rien appris de tout cela à l’Académie Stratégique, où l’on enseignait uniquement les tactiques terrestres. Les tactiques de l’art du warcaster étaient totalement différentes de celles de la manœuvre d’un navire au combat. Les choses auraient pu être différentes s’il avait été éduqué dans une académie navale, mais lorsqu’il l’avait quittée, il n’avait plus envie de faire partie d’une armée – qu’elle soit terrestre ou maritime. Même les warcasters maritimes – très peu nombreux – apprenaient à s’appuyer sur des capitaines expérimentés pour gérer leurs navires. Shae avait été contrait de faire les deux, et seules des années de sanglantes batailles navales avaient mis ses talents en avant. Il se sentait souvent à bout de forces lorsque les choses devenaient risquées, même s’il avait appris à compter sur Hawk lorsqu’il se concentrait sur l’art du warcaster.
La cloche du transmetteur d’ordres sonna, attirant l’attention de Shae ; Shae utilisait les deux roues à aubes autant que le gouvernail pour guider le navire, effectuant parfois une marche arrière prudente d’un côté ou de l’autre pour changer de cap plus rapidement. Les appels constants des sondeurs et les cris des vigies sur l’avant guidaient leur progression à travers le labyrinthe acéré.
Le tonnerre retentit à l’est, attirant l’attention de tous. Le Tempête avait tiré une pleine bordée. Jusqu’à présent, chaque chasseur de pirates n’avait tiré qu’un ou deux canons à la fois sur les plus grosses épaves, essayant de faire sortir le Talion de sa cachette. Le rugissement de vingt-quatre canons à la fois, couplé au fait que le Tempête n’avait aucune cible à portée, indiqua à Shae qu’il se passait quelque chose.
« C’était un signal ! »
Deux éructions de fumée noire provenant des cheminées du Tempête et la réponse du Rasoir confirmèrent ses soupçons. « Ils nous ont repérés ! Hawk ! Toutes voiles dehors et à fond ! »
« Oui, oui, monsieur ! » Elle poussa le levier de signalisation à fond vers l’avant et hurla à Grogspar de mettre toutes les voiles.
Les voiles se gonflèrent et la fumée s’échappa des cheminées. Le Talion bondit en avant. Une navigation qui était dangereuse devint mortelle. S’ils heurtaient un récif à cette vitesse ils arracheraient le fond du navire.
Hawk prit la barre. Les vigies et les sondeurs lançaient leurs avertissements à une cadance constante. Le Talion passa devant l’épave d’un vieux galion. Ses mâts étaient tombés depuis longtemps et sa coque s’était enfoncée dans le récif, une sombre illustration de leur sort si un seul membre de l’équipage commettait une erreur.
« Récif ! Bâbord avant, soixante mètres ! » cria la vigie avant.
Hawk tira la barre à tribord.
« Tribord en arrière d’un tiers! » ordonna-t-elle, et son timonier actionna le levier de signal. La roue à aubes tribord s’immobilisa et engagea la marche arrière avec un craquement, puis démarra lentement. Shae se dirigea vers le bastingage bâbord et regarda la saillie corallien déchiqueté passer à portée de main.
Le Commodore rugit et Shae plissa les eau pour voir le tir éclabousser la mer juste devant la proue du mercarien, aspergeant son pont avant d’embruns. Le Rasoir arrivait juste à portée des armes à feu.
« C’est mon signal, Hawk ».
« Oui, monsieur ! » Elle le regarda un instant, mais revint rapidement à la tâche pressante d’empêcher leur coque de se briser et d’être réduite en cendres.
« Rappelez-vous, pas plus près qu’un tir de pistolet sur son flanc si tu y parviens. Nous ne voulons pas être trop près quand il passera ».
« Je ferai de mon mieux, monsieur ».
« Toujours ». Shae lui adressa un sourire et s’avança, criant des encouragements aux équipes de fusiliers au passage. « Frappez-les forts ! Rappelez-vous, juste avant les chaînes d’artimon. Donnez-moi un joli profil serré. Ramollissez-le, et nous le défoncerons avec le Commodore ! »
Les acclamations, salutations et les blagues paillardes sur le fait de « le défoncer » le suivit. Shae se retrouva à sourire alors qu’il montait les marches menant au gaillard avant. Comme auparavant, ses quatre Mariniers l’attendaient, mais cette fois, Bottes se tenait également prêt à aider à manoeuvrer le lourd Commodore le moment venu. Quinn se tenait également prêt, travaillant toujours sur la rampe improvisée qu’il avait installée pour orienter l’énorme canon vers la poudrière du Rasoir.
« Joli travail sur Corchet, Quinn ! » dit Shae en donnant une tape dans le dos de l’ingénieur.
« Quoi ? » Quinn plissa les yeux vers le warjack et haussa les épaules. « Je ne l’ai pas touché. Ça doit-être Evlyn ». Il reprit son travail sans ajouter un mot.
Elle était en train de devenir une sacrée ingénieure, pensa Shae. Il passa la main sur la réparation sur son épaulière. Evlyn l’avait si bien lissée qu’il pouvait à peine sentir où la balle avait frappé. Bien sûr, cela lui rappelait la Faiseuse de Fantômes. Alors qu’ils se rapprochaient de Rasoir, il risquait fort d’être à nouveau dans la ligne de mire de la tireuse embusquée.
« Prêt ! » beugla Une Oreille.
Tout le monde se boucha les oreilles, et l’artilleur abaissa le boutefeu garni d’une mèche lente de la lumière de l’énorme canon. L’arme tonna et recula sur ses palans. Avec le recul, le squelette longtemps dénudé de l’homonyme du canon fut projeté vers l’avant, sa tête osseuse se balançant avec un sourire permanent.
Shae regarda le tir s’écraser sur le Rasoir. Du bois, du fer et de la chair déchiquetés éclaboussèrent le pont avant. Une acclamation retentit dans les rangs des artilleurs. Shae avait ordonné à Une Oreille de ratisser le pont du mercarien afin de mettre hors d’état de nuire le plus grand nombre possible avant qu’ils n’échangent des bordées. Chaque canon à bord du Rasoir qui ne pourrait pas tirer sauverait des vies à bord du Talion, ce qui pourrait faire la différence entre la victoire et la défaite plus tard s’ils devaient combattre le Tempête.
Encore un tir, pensa Shae, en se concentrant sur le lien qui l’unissait à ses quatre Mariniers.
Le Commodore rugit à nouveau et, avant que la fumée ne se dissipe, les pièces de chasses du Rasoir répondirent. Deux tirs frappèrent la proue blindée du Talion mais aucun n’eut la force de pénétrer.
Feu à volonté, ordonna Shae à ses Mariniers, en précisant leur objectif, et leurs canons rugirent à l’unisson. Alors que les équipes se dépêchaient de recharger, il entendit un appel urgent venant de la vigie avant.
« Récifs ! Droits devant, à deux verges ! Dégagez deux degrés à bâbord ou à tribord ! »
Shae évalua les angles en un instant. Le Rasoir se trouvait au nord des eau peu profondes. S’ils mettaient le récif entre eux, cela empêcherait le chasseur de pirates de l’approcher, et le récif pourrait fournir une certaine protection. Shae avait déjà vu des navires exploser, et l’onde de choc sous-marine pouvait faire autant de dégâts aux navires proches que les débris volants. Avant qu’il n’ait pu crier un ordre à Hawk, elle était déjà en train de tourner la roue à bâbord.
« Tu lis dans mes pensées, Hawk ».
Shae centra ses pensées et concentra toute son énergie arcanique. Des runes jaillirent et se répandirent dans tout le navire, faisant miroiter des images fantômes qui, l’espérant, gâcheraient la visée des artilleurs ennemis. Il chancela sous l’effet de l’effort, mais tint bon
Shae maintint sa concentration alors que les canons rugissaient et que deux centre livres de fer supplémentaires volaient entre les navires. Un boulet passa au ras du pont intermédiaire, et un morceau de gréement se détacha derrière lui avec un bruit semblable à celui coup de feu. Le Rasoir se tourna vers eux, essayant de garder sa proue blindée face au Talion jusqu’à ce qu’il se rapproche suffisamment pour que sa bordée soit pleinement efficace.
« Allez Gorafalo, Viens vers moi ! » Avec le soleil levant dans les yeux et un récif qui les sépare, Gorafalo risquait de foncer dans une barrière de corail.
Un autre tir de barrage des pièces de chasses secoua l’air. Lorsque la fumée se dissipa, Shae vit que le chasseur de pirates se détournait et son flanc apparaissait. Gorafalo avait soit repéré le récif, soit décidé de tirer avant qu’ils ne soient assez proches pour que Shae puisse le repérer sur la plage arrière et lui envoie un boulet de canon dans la poitrine.
Tu vas avoir une surprise, salaud. Shae sourit d’anticipation. « Prêt pour la bordée tribord ! »
Quinn envoya Bottes en avant pour aider à déplacer l’énorme Commodore en position de tir. Le ‘jack lourd souleva le canon de poids royal et le plaça sur la rampe improvisée, ses massifs pieds s’écrasant sur le pont en chêne renforcé au fur et à mesure que l’énorme poids pesait. L’équipe du canon se tenait prêt, le boulet de quarante-deux livres prêt, la mèche lente positionnée près de lumière. La poudre avait déjà été chargée, mais ils ne pouvaient pas enflammer la charge et l’enfoncer dans la gueule du canon avant d’être prêts à tirer. Si le boulet explosait trop tôt, ils ne rateraient pas juste leur tire. Shae avait déjà été témoin d’une explosion incendiaire à l’intérieur du tube d’un canon. Des éclats d’obus avaient tué toute l’équipe du canon.
Shae jeta un coup d’oeil vers la dunette et hurla : « Tiens le cap jusqu’à e qu’ils tirent, Hawk ! »
« Oui, monsieur ! » Elle tint fermement le gouvernail, se rapprochant le plus possible du récif, présentant la proue blindée du Talion à l’ennemi. Cela réduirait les dégâts, mais ils devraient prendre une pleine bordée dans les dents. Le gaillard avant subirait le plus gros de cet assaut.
« Tenez bon, les gars ! » ordonna Shae alors que les sabords du Rasoir apparaissaient.
Un long roulement de tonnerre annonça le flanc du Rasoir, chaque canon tirant au fur et à mesure qu’ils s’approchait. Environ la moitié des tirs manquèrent complètement leur cible, ce qui en disait long sur son sort de dissimulation. Shae sentit l’impact de chaque boulet de vingt-quatre livres s’abattant sur son navire. L’un d’eux frappa un hauban du mât de misaine au niveau du bastingage, traversant les caps-de-mouton dans une pluie d’échardes. Un autre traversa les pavois pour décapiter un fusilier. L’homme tomba, son arme encore dans les mains, le sang jaillissant de son cou tranché. Avec un trio de bruits horribles provenant de l’avant, le pont frémit sous les bottes de Shae.
La fumée se dissipa et un second tireur se pencha par-dessus le bastingage pour inspecter les dégâts. Il se retourna, le visage pourpre de fureur. « La Dame a été touchée ! Son épée a été arrachée ! »
Shae savait que son équipage prendrait cela encore plus à coeur que la mort de l’un des leurs. La Dame du Châtiment était leur fierté et leur joie. Ils se battaient souvent pour l’honneur de polir ses traits brunis.
« Nous leur ferons payer pour ça ! » hurla Shae. « Amène-nous à bâbord, Hawk ! Bordée avec tous ce que nous avons ! »
Shae laissa tomber son sort de dissimulation et prit fermement le contrôle de ses Mariniers. « En avant, maintenant, pensa-t-il, fixant son regard à travers les yeux des warjacks sur l’endroit qu’ils devaient frapper, juste devant les chaînes d’artimon du Rasoir. Les quatre mariniers tirèrent à l’unisson, et trois des quatre tirs firent mouche. Le quatrième s’éleva très haut, heurtant la rambarde et brisant les escaliers qui menaient au pont arrière du chasseur de pirates. Shae vit des silhouettes s’agiter et imagina Gorafalo en train de plonger pour se mettre à l’abri.
Attends, espèce de lâche, pensa Shae alors que le premier des grands canons du Talion commencèrent à s’exprimer.
Il observa chaque frappe, comptait chaque réverbération d’explosion. Plusieurs tirs passèrent à côté. Deux frappèrent l’eau juste en dessous de la cible et rebondirent pour s’écraser sur la coque. Mais une douzaines de balles s’écrasèrent à l’endroit même où il avait tracé un grand « X » sur son croquis. Lorsque la fumée du dernier coup de feu se dissipa, un trou béant était ouvert dans le flanc du Rasoir.
« Maintenant, Une Oreille ! »
« Oui, monsieur ! » Le maître artilleur enflamma la mèche lente de l’obus incendiaire, et son second se précipita vers la bouche du canon pour y déposer le lourd boulet à l’intérieur. Un autre suivit avec la charge avec de la bourre, et deux autres l’enfoncèrent avec le long refouloir.
« Quinze centimètres ! » indiqua Une Oreille, et Quinn passa l’ordre à Bottes.
Le ‘jack saisit l’énorme canon et déplaça la bouche précisément vers la gauche.
« Prêt pour la houle ! » La mèche lente planait au-dessus de la lumière tandis que le Talion se laissait emporter par la houle et se stabilisait.
Le Commodore tonna, l’éclair de la poudre et le hurlement du fer déferlant. Le canon s’abattit sur ses palans et une partie de la rampe improvisée pour lui donner la bonne inclinaison se brisa. Shae garda les yeux fixés sur la brèche dans la coque du Rasoir. Le tir s’était frayé un chemin à travers les poutres brisées.
« Tir parfait, Une Oreille ! »
Rien ne se produisit.
« Trois . . . », dit Une Oreille avec un sourire diabolique, « deux . . ., un . . . » Le feu jaillit du trou dans le flanc du Rasoir.
« Tout le monde à terre ! » hurla Shae, se plaçant devant Quinn pour protéger l’intérieur et suralimenta son champ de puissance.
Le Rasoir explosa dans un éclair de quatre mille cartouche de poudre. Tout son pont s’envola dans les airs, perdu dans la fumée et des flammes incandescentes. Ses mâts furent brisés en éclats et sa coque se désintégra dans une grêle mortelle de débris d’obus. Les poutres du navire frappèrent le Talion telle des lances, percutant ses flancs avec l’impact d’une douzaine de boulets de canon chacune. Le bois déchiqueté perfora ses voiles, et des morceaux de marins mercariens démembrés plurent dans une horrible grêle.
Une gerbe d’eau jaillit du récif séparant les deux navires. L’explosion aurait fait trembler la coque du Talion sans cette barrière amortissant. Shae chancela sous l’impact de petits débris frappant son champ énergétique, puis resta bouche bée lorsque le torse d’un warjack Marinier démembré s’écrasa dans la mer à quelques verges seulement.
« Châtiment ! » Shae bondit sur la rambarde et leva Requin.
Les acclamations et les cris de triomphe provenant du pont furent interrompus par l’horrible gémissement de métal torturé provenant de l’arrière.
Shae se pencha à la recherche de la source du bruit et regarda avec stupeur la roue à aubes tribord. Deux des épaisses membrures du Rasoir avaient frappé le logement de la roue comme des lances, brisant le blindage improvisé pour déformer la machinerie à l’intérieur. L’arrête soudain avait probablement arraché quelques dents des engrenages intérieurs ou tordu l’arbre de transmission.
« Quinn ! »
« Capitaine ? » L’ingénieur le rejoignit au niveau de la rambarde et resta bouche bée devant les dégâts. « Bon sang ! Je venais de réparer cette foutue roue ! »
« Dis-moi que tu peux la remettre en marche ». Shae regarda en l’air et grimaça devant les voiles déchirées et le gréement mutilé. « Si tu n’y arrive pas, nous sommes en quelque sorte des cibles faciles ».
Corcorian fit un signe de tête en direction de l’imposante pyramide de voiles située à environ trois mils, l’écume s’élevant de sa proue dans une crête banche alors qu’elle fonçait sur eux. « Pas avant que le Tempête n’arrive, capitaine. Désolé ».
« Merde ! » Shae porta sa longue-vue à ses yeux pour voir le navire s’approchant. Il naviguait vite, mais pas à pleine vitesse, ce qui aurait été mortel dans dans les passes et les récifs dangereux du Cimetière. Pourtant, il était plus rapide que le Talion. Même si Grogspar parvenait à réparer leurs voiles déchirées, ils ne pourraient pas distancer le chasseur de pirates sans la poussée supplémentaire des roues à aubes. Tous les avantages du vent et de la marée dont il avait bénéficié en se dirigeant vers le Rasoir appartenaient désormais au Tempête. Le désespoir lui serra le coeur.
Shae aperçut alors le pont du navire ennemi et leva son verre. Quatre warjacks étaient alignés au milieu du navire, et une masse de fusiliers-marins se tenait prête à intervenir. Son esprit s’orienta vers une stratégie désespérée.
« Capitaine ? » Hawm montait les marches du gaillard avant, le visage grave. Derrière elle venait Walls, Grogspar et Rockbottom.
« Nous allons réparer le gréement en deux temps trois mouvement, capitaine ! » dit Grogspar.
« Si nous parvenons à atteindre le passage emprunté par le Rasoir pour traverser le récif, nous pouvons gagner la haute mer ». Rockbottom semblait plein d’espoir, mais Shae se contenta de secouer la tête. Le tempête allait labourer leur poupe avant qu’ils se soient éloignés.
« Non ». Shae referma sa longue-vue et rengaina Requin, évaluant ses officiers d’un œil attentif. « Non, d’après l’apparence de leur pont, ils ont l’intention de nous accoster et de monter à bord, et je ne vois aucun moyen de les en empêcher ».
« Quoi ? » Rockbottom le regarda bouche bée.
Grogspar grogna et rongea sa pipe. Ses énormes mains agrippèrent son fusil-harpon avec une férocité à fleur de peau. « Je mourrai avant de laisser ces salauds me prendre un autre navire, capitaine ». Le trollkin avait particulièrement mal vécu la perte de l’Exeter.
Hawk se contenta de froncer les sourcils. Puis le coin de sa bouche d’un air ironique. « Et tu comptes les laisser faire, n’est-ce pas ? »
« Exactement ». Shae sourit malicieusement. « Mais pour que ça marche, nous devons ressembler à des proies faciles, sinon ils nous massacreront avant de monter à bord. Grogspar, effectue les réparation sur le gréement et inonde les fonds de cale. Hawk, barre comme si elle était endommagée, mais éloigne-nous d’eux. Nous devons garder le pont intermédiaire hors de leur vue jusqu’à ce que nous soyons prêts. Walls, j’ai besoin que tu ramènes tous les débris que tu peux récupérer sur le pont intermédiaire, et quelques incendies ici et là ne feraient pas de mal. Fais également remonter tout le bétail de la cale. Envoie Doc ici et dis-lui d’apporter son plus grand couperet. Nous avons peut-être trente minute devant nous, alors faites vite ! »
« Au nom d’Urcaen, qu’est-ce que tu comptes faire, Shae ? » Rockbottom lui lança un regard noir, ses yeux se rétrécissant jusqu’à devenir des fentes.
« Je prévois d’accueillir nos invités à bord, bien sûr ». Le capitaine tapota affectueusement la bouche chaude du Commodore. « Et j’ai l’intention de leur réserver un très chaleureux accueil ».
« Il y a du rhum dedans, tu sais », répondit Shae.
« Oui, monsieur, mais ça a le goût de ce truc que les alchimistes utilisent pour conserver leurs cadavres ! »
Shae déglutit à cette idée. L’affirmation de Milo aurait pu être plus amusante s’il n’était pas probable que l’homme ait réellement goûté une telle concoction. Il connaissait un cas où un amiral mort en mer avait été conservé dans un tonneau de brandy, mais lorsque le vaisseau amiral était arrivé au port, il ne restait plus qu’un gallon d’alcool au fond. Des rumeurs plaisantes circulaient dans la flotte selon lesquelles l’amiral décédé avait un problème d’alcool, mais tout le monde savait ce qui s’était passé.
« Eh bien, puisque tu es en assez bonne santé pour te plaindre de tes médicaments, tu es prêt à brandir un fusil ? »
« Oh, oui, monsieur. Je ne voudrais pas prendre une lame, mais je peux tirer assez droit ».
« Bien ! Alors va sur le pont et fait ton rapport à Hawk. Mais arrêtes-toi à la cuisine en chemin et prends une dernière ». Il lança un regard noir à l’homme. « C’est un ordre ».
« Oui, monsieur ». Tolbert sortit de son hamac, vacilla sur ses jambes affaiblies et se dirigea en titubant vers la cuisine.
Shae passa au chien de mer malade suivant. Il évalua soigneusement chacun d’eux, n’ordonnant qu’à ceux qui étaient raisonnablement lucides à sortir de leur hamac. Jusqu’à présent, il avait renforcé les rangs de combattants du navire d’une vingtaine d’hommes, même s’ils ne valaient guère plus que le crachat qu’il fallait pour cirer une chaussure. Franchement, mourir au combat n’était pas pire que de rester en bas s’ils ne parvenaient pas à vaincre les chasseurs de pirates. S’ils étaient capturés, tout l’équipage serait pendu aux verges – blessés, malades et bien portants.
« Capitaine ! » Walls s’avançait à travers les hamacs, Sutbs bondissant sur son épaule. Le singe aimait la bataille plus que les bananes et semblait toujours savoir quand un combat était imminent.
« Qu’y a-t-il, Walls ? »
« Ils ont tous les deux pris la directions du nord, monsieur. Ils ont trouvé des passages à travers le récif ». Stubs poussa un cri d’affirmation et prit un moment pour jeter un coup d’œil sous le cache-œil de son maître. À la grande horreur de Shae, la dégoûtante petite créature sortit une cacahuète du vide. Walls ne sembla pas le remarquer alors que Stubs replaçait le cache-œil et grignotait.
Shae déglutit difficilement. « Quelles routes suivent-ils maintenant ? »
« Ils reviennent l’un vers l’autre, et vers nous. Le Tempête navigue vers l’ouest sous des huniers arisés, et le Rasoir se dirige vers l’est uniquement à la vapeur. Ils avancent lentement et tirent sur chaque épave qu’ils croisent ».
« Ils essaient de nous débusquer ». Shae sourit « Très bien. Prends le relais ici, Walls. Tous ceux qui savent manier un fusil en prennent un. Aligne-les sur la rambarde et donne-leur un seau pour s’asseoir s’ils ne peuvent pas tenir debout. Nous allons avoir besoin de tous les armes ».
« Oui, monsieur ! »
« Je suis sur la dunette ».
Shae grimpa l’échelle depuis le coqueron avant jusqu’au spacieux coffre à voile, puis ouvrit la porte donnant sur le pont intermédiaire. Un coup d’oeil dans la mâture confirma que Grogspar avait demandé à ses gabiers de redresser le gréement. Sur le pont, Hawk faisait distribuer des armes. Chaque chien de mer portait une paire de pistolet et aux moins deux lames. Ils le saluaient et criaient « Monsieur ! » à son passage. Ses warjacks étaient alignés au milieu du navire, et il sentait le cortex de chacun d’entre eux bourdonner d’impatience, attendant ses ordres. Les bras armé de Crochet avait été réparé pendant la nuit, et il se rappela de féliciter Corcorian pour son travail. Toute cette activité intense lui donnait envie de ronger du fer et de cracher des clous.
« Hawk ! » Il bondit vers la dunette. « Rapport ! »
« Le Rasoir et le Tempête ont tous deux franchi le récif extérieur. Le Tempête a employé le passe principale, mais le Rasoir à dû trouver un passage que nous n’avons pas sur nos cartes. Ils se frayent un chemin parmi les courants de marée vers nous, mais ils progressent lentement ». Elle tendit une longue-vue et désigna l’est juste au moment où le lointain boum des canons leur parvenait.
Rockbottom s’approcha du maître d’armes, son énorme tromblon, Bouche à Feu, coincé dans le creux de son bras. « Ils fracassent les épaves. Ils doivent sa voir que nous n’avons pas pu franchir la passe durant la nuit. Comme nous ne sommes pas sortis aux premières lueurs de l’aube, ils pensent que nous sommes toujours là ».
« Exactement comme je l’espérais. Comme deux chiens de chasse ». Il leva sa longue-vue et examina ses adversaires l’un après l’autre. Ils étaient tous les deux à au moins quatre miles de distance, mais il pouvait distinguer les imposantes formes des warjacks sur leur ponts. Il ne pouvait discerner ni le type ni le nombre de warjacks, mais à moins qu’il ne se soit trompé et qu’ils aient un warcaster pour contrôler les ‘jacks, il était confiant, il était presque certain de pouvoir battre un contrôleur expert. « À moins qu’ils n’aient de meilleurs cartes du Cimetière que nous, le Rasoir navigue dans des eaux inconnues, et le Tempête le fera bientôt. Ils seront prudents jusqu’à ce qu’ils nous voient bouger, puis ils stopperont leurs courses et se mettront à la cape ».
« Avec un peu de chance, ils s’échoueront tous les deux », intervint Hawk.
« Sur ce coup-là on touche du bois ». Il referma la longue-vue et frappa la rambarde avec ses articulations armurées pour se donner de la chance « Donnons-leur quelque chose à poursuivre et espérons qu’ils seront négligents ».
« Oui, monsieur ! » Son sourire enthousiaste était tout ce qu’il pouvait espérer.
« Foutus jeunes ». Joln les suivit d’un pas lourds alors qu’ils se dirigeaient vers la rambarde avant. « La cupidité de Ghrd, vous vous croyez tous immortels ou quelque chose comme ça ? »
Shae l’ignora, sachant que le nain se plaindrait de mettre sa peau douce en danger, puis se battrait comme un bouledogue acculé lorsque la pagaille commencerait. II pensait souvent que Rockbotom détestait le prix de la bataille en or plus que le prix en sang, surtout lorsqu’il n’y avait de douce récompense une fois l’effusion de sang terminée. Aujourd’hui, ils auraient la chance de survivre avec leur peau intacte, sans parler de réaliser des bénéfices.
« Monsieur Grogspar, larguez les amarres de carénages et d’amarrage. Hissez uniquement les ris et les focs. Je veux rester discret. Hawk, quand nous serons libres, avance d’un tiers et réduisez la fumée au minimum. Nous ne voulons pas commencer cette fête tant que tous les invités ne savant pas que nous sommes là. Oeil de Lynx et prévoyez les hauts-fonds. Je veux deux sondeurs sur les calepieds ! S’échouer maintenant serait notre perte ».
Le Talion se redressa lorsque les amarres furent relâchées et se libéra peut après. La grand-voile et les vergues avant furent entoilées, seulement les plus basses. Une vigie négligente à bord des chasseurs de pirates pourraient les confondre avec une autre épave s’ils gardaient leurs mâts nus. Hawk avança le levier d’ordre jusqu’à avant lente et les roues à aubes commencèrent à tourner. La roue tribord grinça plus que d’habitude, comme Corcorian l’avant prévenu, mais Shae pouvait s’en accommoder.
Le Talion prit progressivement de la vitesse. Les récifs passaient parfois si près des deux flancs que Shae aurait pu pisser sur la terre ferme depuis le bastingage du pont arrière si la marée avait été basse. En ce moment, la marée était haute, ce qui était à la fois une bénédiction et une malédiction. Une eau plus profonde leur offrait encore un mètre vingt sous la quille, mais s’ils échouaient maintenant et que la marée se retirait, ils seraient bel et bien coincés. Une proie facile pour les deux navires de la Ligue.
« Doucement maintenant . . . bien et doux ». Shae avait confié les commandes à Hawk, préférant garder les yeux fixés sur leurs ennemis. Il faisait autant confiance à ses compétences qu’aux siennes pour guider le Talion à travers les dangereux hauts-fonds. Jaugeant les deux navires ennemis, il envisagea de lancer un sort pour masquer la position du Talion, puis y renonça. Avec toutes les épaves qui parsemaient le paysage marin, les vigies mercariennes qui scrutaient l’horizon pouvaient repérer une déformation ou une particularité plus facilement que le simple contour d’un navire. Il espérait que ses propres vigies surveillaient davantage les hauts-fonds que leurs adversaires. Avec la lumière du jour, l’eau plus profonde peu profonde devenait plus facile à lire. Une bleu plus foncé signifiait une eau plus profonde, tandis qu’un bleu plus clair ou bleu sarcelle dénotait des bas-fonds avec un fond sablonneux. L’eau noire pouvait tromper un œil non averti, mais les vigies savent qu’elle indique des herbiers peu profonds et avertissaient Hawk de se tenir à l’écart. Le marron était la couleur la plus dangereuse de toutes, car elle signifiait un corail submergé, suffisamment solide et tranchant pour déchirer une planche de quinze centimètres comme du papier de soie.
La vitesse de croisière était d’environ cinq nœud, la marée descendante commençant doucement à se faire sentir. Le courant croissant était à la fois une bénédiction et une malédiction, car il les faisait avancer plus vite, mais rendait le pilotage plus difficile. De plus, la marée l’aiderait maintenant contre le Rasoir, mais plus tard, elle aiderait le Tempête contre lui.
Dans la guerre maritime, tout était une arme à double tranchant. Un bon commandant devait peser les aspects positifs et négatifs de chaque élément : vent, eau, artillerie et manœuvre. C’est là que le génie de Phinneus Shae se révélait. Plus encore que sa capacité à manier la magie et à guider les warjacks au combat, sa maîtrise des tactiques navales s’était révélées inestimable.
Il n’avait rien appris de tout cela à l’Académie Stratégique, où l’on enseignait uniquement les tactiques terrestres. Les tactiques de l’art du warcaster étaient totalement différentes de celles de la manœuvre d’un navire au combat. Les choses auraient pu être différentes s’il avait été éduqué dans une académie navale, mais lorsqu’il l’avait quittée, il n’avait plus envie de faire partie d’une armée – qu’elle soit terrestre ou maritime. Même les warcasters maritimes – très peu nombreux – apprenaient à s’appuyer sur des capitaines expérimentés pour gérer leurs navires. Shae avait été contrait de faire les deux, et seules des années de sanglantes batailles navales avaient mis ses talents en avant. Il se sentait souvent à bout de forces lorsque les choses devenaient risquées, même s’il avait appris à compter sur Hawk lorsqu’il se concentrait sur l’art du warcaster.
La cloche du transmetteur d’ordres sonna, attirant l’attention de Shae ; Shae utilisait les deux roues à aubes autant que le gouvernail pour guider le navire, effectuant parfois une marche arrière prudente d’un côté ou de l’autre pour changer de cap plus rapidement. Les appels constants des sondeurs et les cris des vigies sur l’avant guidaient leur progression à travers le labyrinthe acéré.
Le tonnerre retentit à l’est, attirant l’attention de tous. Le Tempête avait tiré une pleine bordée. Jusqu’à présent, chaque chasseur de pirates n’avait tiré qu’un ou deux canons à la fois sur les plus grosses épaves, essayant de faire sortir le Talion de sa cachette. Le rugissement de vingt-quatre canons à la fois, couplé au fait que le Tempête n’avait aucune cible à portée, indiqua à Shae qu’il se passait quelque chose.
« C’était un signal ! »
Deux éructions de fumée noire provenant des cheminées du Tempête et la réponse du Rasoir confirmèrent ses soupçons. « Ils nous ont repérés ! Hawk ! Toutes voiles dehors et à fond ! »
« Oui, oui, monsieur ! » Elle poussa le levier de signalisation à fond vers l’avant et hurla à Grogspar de mettre toutes les voiles.
Les voiles se gonflèrent et la fumée s’échappa des cheminées. Le Talion bondit en avant. Une navigation qui était dangereuse devint mortelle. S’ils heurtaient un récif à cette vitesse ils arracheraient le fond du navire.
Hawk prit la barre. Les vigies et les sondeurs lançaient leurs avertissements à une cadance constante. Le Talion passa devant l’épave d’un vieux galion. Ses mâts étaient tombés depuis longtemps et sa coque s’était enfoncée dans le récif, une sombre illustration de leur sort si un seul membre de l’équipage commettait une erreur.
« Récif ! Bâbord avant, soixante mètres ! » cria la vigie avant.
Hawk tira la barre à tribord.
« Tribord en arrière d’un tiers! » ordonna-t-elle, et son timonier actionna le levier de signal. La roue à aubes tribord s’immobilisa et engagea la marche arrière avec un craquement, puis démarra lentement. Shae se dirigea vers le bastingage bâbord et regarda la saillie corallien déchiqueté passer à portée de main.
Le Commodore rugit et Shae plissa les eau pour voir le tir éclabousser la mer juste devant la proue du mercarien, aspergeant son pont avant d’embruns. Le Rasoir arrivait juste à portée des armes à feu.
« C’est mon signal, Hawk ».
« Oui, monsieur ! » Elle le regarda un instant, mais revint rapidement à la tâche pressante d’empêcher leur coque de se briser et d’être réduite en cendres.
« Rappelez-vous, pas plus près qu’un tir de pistolet sur son flanc si tu y parviens. Nous ne voulons pas être trop près quand il passera ».
« Je ferai de mon mieux, monsieur ».
« Toujours ». Shae lui adressa un sourire et s’avança, criant des encouragements aux équipes de fusiliers au passage. « Frappez-les forts ! Rappelez-vous, juste avant les chaînes d’artimon. Donnez-moi un joli profil serré. Ramollissez-le, et nous le défoncerons avec le Commodore ! »
Les acclamations, salutations et les blagues paillardes sur le fait de « le défoncer » le suivit. Shae se retrouva à sourire alors qu’il montait les marches menant au gaillard avant. Comme auparavant, ses quatre Mariniers l’attendaient, mais cette fois, Bottes se tenait également prêt à aider à manoeuvrer le lourd Commodore le moment venu. Quinn se tenait également prêt, travaillant toujours sur la rampe improvisée qu’il avait installée pour orienter l’énorme canon vers la poudrière du Rasoir.
« Joli travail sur Corchet, Quinn ! » dit Shae en donnant une tape dans le dos de l’ingénieur.
« Quoi ? » Quinn plissa les yeux vers le warjack et haussa les épaules. « Je ne l’ai pas touché. Ça doit-être Evlyn ». Il reprit son travail sans ajouter un mot.
Elle était en train de devenir une sacrée ingénieure, pensa Shae. Il passa la main sur la réparation sur son épaulière. Evlyn l’avait si bien lissée qu’il pouvait à peine sentir où la balle avait frappé. Bien sûr, cela lui rappelait la Faiseuse de Fantômes. Alors qu’ils se rapprochaient de Rasoir, il risquait fort d’être à nouveau dans la ligne de mire de la tireuse embusquée.
« Prêt ! » beugla Une Oreille.
Tout le monde se boucha les oreilles, et l’artilleur abaissa le boutefeu garni d’une mèche lente de la lumière de l’énorme canon. L’arme tonna et recula sur ses palans. Avec le recul, le squelette longtemps dénudé de l’homonyme du canon fut projeté vers l’avant, sa tête osseuse se balançant avec un sourire permanent.
Shae regarda le tir s’écraser sur le Rasoir. Du bois, du fer et de la chair déchiquetés éclaboussèrent le pont avant. Une acclamation retentit dans les rangs des artilleurs. Shae avait ordonné à Une Oreille de ratisser le pont du mercarien afin de mettre hors d’état de nuire le plus grand nombre possible avant qu’ils n’échangent des bordées. Chaque canon à bord du Rasoir qui ne pourrait pas tirer sauverait des vies à bord du Talion, ce qui pourrait faire la différence entre la victoire et la défaite plus tard s’ils devaient combattre le Tempête.
Encore un tir, pensa Shae, en se concentrant sur le lien qui l’unissait à ses quatre Mariniers.
Le Commodore rugit à nouveau et, avant que la fumée ne se dissipe, les pièces de chasses du Rasoir répondirent. Deux tirs frappèrent la proue blindée du Talion mais aucun n’eut la force de pénétrer.
Feu à volonté, ordonna Shae à ses Mariniers, en précisant leur objectif, et leurs canons rugirent à l’unisson. Alors que les équipes se dépêchaient de recharger, il entendit un appel urgent venant de la vigie avant.
« Récifs ! Droits devant, à deux verges ! Dégagez deux degrés à bâbord ou à tribord ! »
Shae évalua les angles en un instant. Le Rasoir se trouvait au nord des eau peu profondes. S’ils mettaient le récif entre eux, cela empêcherait le chasseur de pirates de l’approcher, et le récif pourrait fournir une certaine protection. Shae avait déjà vu des navires exploser, et l’onde de choc sous-marine pouvait faire autant de dégâts aux navires proches que les débris volants. Avant qu’il n’ait pu crier un ordre à Hawk, elle était déjà en train de tourner la roue à bâbord.
« Tu lis dans mes pensées, Hawk ».
Shae centra ses pensées et concentra toute son énergie arcanique. Des runes jaillirent et se répandirent dans tout le navire, faisant miroiter des images fantômes qui, l’espérant, gâcheraient la visée des artilleurs ennemis. Il chancela sous l’effet de l’effort, mais tint bon
Shae maintint sa concentration alors que les canons rugissaient et que deux centre livres de fer supplémentaires volaient entre les navires. Un boulet passa au ras du pont intermédiaire, et un morceau de gréement se détacha derrière lui avec un bruit semblable à celui coup de feu. Le Rasoir se tourna vers eux, essayant de garder sa proue blindée face au Talion jusqu’à ce qu’il se rapproche suffisamment pour que sa bordée soit pleinement efficace.
« Allez Gorafalo, Viens vers moi ! » Avec le soleil levant dans les yeux et un récif qui les sépare, Gorafalo risquait de foncer dans une barrière de corail.
Un autre tir de barrage des pièces de chasses secoua l’air. Lorsque la fumée se dissipa, Shae vit que le chasseur de pirates se détournait et son flanc apparaissait. Gorafalo avait soit repéré le récif, soit décidé de tirer avant qu’ils ne soient assez proches pour que Shae puisse le repérer sur la plage arrière et lui envoie un boulet de canon dans la poitrine.
Tu vas avoir une surprise, salaud. Shae sourit d’anticipation. « Prêt pour la bordée tribord ! »
Quinn envoya Bottes en avant pour aider à déplacer l’énorme Commodore en position de tir. Le ‘jack lourd souleva le canon de poids royal et le plaça sur la rampe improvisée, ses massifs pieds s’écrasant sur le pont en chêne renforcé au fur et à mesure que l’énorme poids pesait. L’équipe du canon se tenait prêt, le boulet de quarante-deux livres prêt, la mèche lente positionnée près de lumière. La poudre avait déjà été chargée, mais ils ne pouvaient pas enflammer la charge et l’enfoncer dans la gueule du canon avant d’être prêts à tirer. Si le boulet explosait trop tôt, ils ne rateraient pas juste leur tire. Shae avait déjà été témoin d’une explosion incendiaire à l’intérieur du tube d’un canon. Des éclats d’obus avaient tué toute l’équipe du canon.
Shae jeta un coup d’oeil vers la dunette et hurla : « Tiens le cap jusqu’à e qu’ils tirent, Hawk ! »
« Oui, monsieur ! » Elle tint fermement le gouvernail, se rapprochant le plus possible du récif, présentant la proue blindée du Talion à l’ennemi. Cela réduirait les dégâts, mais ils devraient prendre une pleine bordée dans les dents. Le gaillard avant subirait le plus gros de cet assaut.
« Tenez bon, les gars ! » ordonna Shae alors que les sabords du Rasoir apparaissaient.
Un long roulement de tonnerre annonça le flanc du Rasoir, chaque canon tirant au fur et à mesure qu’ils s’approchait. Environ la moitié des tirs manquèrent complètement leur cible, ce qui en disait long sur son sort de dissimulation. Shae sentit l’impact de chaque boulet de vingt-quatre livres s’abattant sur son navire. L’un d’eux frappa un hauban du mât de misaine au niveau du bastingage, traversant les caps-de-mouton dans une pluie d’échardes. Un autre traversa les pavois pour décapiter un fusilier. L’homme tomba, son arme encore dans les mains, le sang jaillissant de son cou tranché. Avec un trio de bruits horribles provenant de l’avant, le pont frémit sous les bottes de Shae.
La fumée se dissipa et un second tireur se pencha par-dessus le bastingage pour inspecter les dégâts. Il se retourna, le visage pourpre de fureur. « La Dame a été touchée ! Son épée a été arrachée ! »
Shae savait que son équipage prendrait cela encore plus à coeur que la mort de l’un des leurs. La Dame du Châtiment était leur fierté et leur joie. Ils se battaient souvent pour l’honneur de polir ses traits brunis.
« Nous leur ferons payer pour ça ! » hurla Shae. « Amène-nous à bâbord, Hawk ! Bordée avec tous ce que nous avons ! »
Shae laissa tomber son sort de dissimulation et prit fermement le contrôle de ses Mariniers. « En avant, maintenant, pensa-t-il, fixant son regard à travers les yeux des warjacks sur l’endroit qu’ils devaient frapper, juste devant les chaînes d’artimon du Rasoir. Les quatre mariniers tirèrent à l’unisson, et trois des quatre tirs firent mouche. Le quatrième s’éleva très haut, heurtant la rambarde et brisant les escaliers qui menaient au pont arrière du chasseur de pirates. Shae vit des silhouettes s’agiter et imagina Gorafalo en train de plonger pour se mettre à l’abri.
Attends, espèce de lâche, pensa Shae alors que le premier des grands canons du Talion commencèrent à s’exprimer.
Il observa chaque frappe, comptait chaque réverbération d’explosion. Plusieurs tirs passèrent à côté. Deux frappèrent l’eau juste en dessous de la cible et rebondirent pour s’écraser sur la coque. Mais une douzaines de balles s’écrasèrent à l’endroit même où il avait tracé un grand « X » sur son croquis. Lorsque la fumée du dernier coup de feu se dissipa, un trou béant était ouvert dans le flanc du Rasoir.
« Maintenant, Une Oreille ! »
« Oui, monsieur ! » Le maître artilleur enflamma la mèche lente de l’obus incendiaire, et son second se précipita vers la bouche du canon pour y déposer le lourd boulet à l’intérieur. Un autre suivit avec la charge avec de la bourre, et deux autres l’enfoncèrent avec le long refouloir.
« Quinze centimètres ! » indiqua Une Oreille, et Quinn passa l’ordre à Bottes.
Le ‘jack saisit l’énorme canon et déplaça la bouche précisément vers la gauche.
« Prêt pour la houle ! » La mèche lente planait au-dessus de la lumière tandis que le Talion se laissait emporter par la houle et se stabilisait.
Le Commodore tonna, l’éclair de la poudre et le hurlement du fer déferlant. Le canon s’abattit sur ses palans et une partie de la rampe improvisée pour lui donner la bonne inclinaison se brisa. Shae garda les yeux fixés sur la brèche dans la coque du Rasoir. Le tir s’était frayé un chemin à travers les poutres brisées.
« Tir parfait, Une Oreille ! »
Rien ne se produisit.
« Trois . . . », dit Une Oreille avec un sourire diabolique, « deux . . ., un . . . » Le feu jaillit du trou dans le flanc du Rasoir.
« Tout le monde à terre ! » hurla Shae, se plaçant devant Quinn pour protéger l’intérieur et suralimenta son champ de puissance.
Le Rasoir explosa dans un éclair de quatre mille cartouche de poudre. Tout son pont s’envola dans les airs, perdu dans la fumée et des flammes incandescentes. Ses mâts furent brisés en éclats et sa coque se désintégra dans une grêle mortelle de débris d’obus. Les poutres du navire frappèrent le Talion telle des lances, percutant ses flancs avec l’impact d’une douzaine de boulets de canon chacune. Le bois déchiqueté perfora ses voiles, et des morceaux de marins mercariens démembrés plurent dans une horrible grêle.
Une gerbe d’eau jaillit du récif séparant les deux navires. L’explosion aurait fait trembler la coque du Talion sans cette barrière amortissant. Shae chancela sous l’impact de petits débris frappant son champ énergétique, puis resta bouche bée lorsque le torse d’un warjack Marinier démembré s’écrasa dans la mer à quelques verges seulement.
« Châtiment ! » Shae bondit sur la rambarde et leva Requin.
Les acclamations et les cris de triomphe provenant du pont furent interrompus par l’horrible gémissement de métal torturé provenant de l’arrière.
Shae se pencha à la recherche de la source du bruit et regarda avec stupeur la roue à aubes tribord. Deux des épaisses membrures du Rasoir avaient frappé le logement de la roue comme des lances, brisant le blindage improvisé pour déformer la machinerie à l’intérieur. L’arrête soudain avait probablement arraché quelques dents des engrenages intérieurs ou tordu l’arbre de transmission.
« Quinn ! »
« Capitaine ? » L’ingénieur le rejoignit au niveau de la rambarde et resta bouche bée devant les dégâts. « Bon sang ! Je venais de réparer cette foutue roue ! »
« Dis-moi que tu peux la remettre en marche ». Shae regarda en l’air et grimaça devant les voiles déchirées et le gréement mutilé. « Si tu n’y arrive pas, nous sommes en quelque sorte des cibles faciles ».
Corcorian fit un signe de tête en direction de l’imposante pyramide de voiles située à environ trois mils, l’écume s’élevant de sa proue dans une crête banche alors qu’elle fonçait sur eux. « Pas avant que le Tempête n’arrive, capitaine. Désolé ».
« Merde ! » Shae porta sa longue-vue à ses yeux pour voir le navire s’approchant. Il naviguait vite, mais pas à pleine vitesse, ce qui aurait été mortel dans dans les passes et les récifs dangereux du Cimetière. Pourtant, il était plus rapide que le Talion. Même si Grogspar parvenait à réparer leurs voiles déchirées, ils ne pourraient pas distancer le chasseur de pirates sans la poussée supplémentaire des roues à aubes. Tous les avantages du vent et de la marée dont il avait bénéficié en se dirigeant vers le Rasoir appartenaient désormais au Tempête. Le désespoir lui serra le coeur.
Shae aperçut alors le pont du navire ennemi et leva son verre. Quatre warjacks étaient alignés au milieu du navire, et une masse de fusiliers-marins se tenait prête à intervenir. Son esprit s’orienta vers une stratégie désespérée.
« Capitaine ? » Hawm montait les marches du gaillard avant, le visage grave. Derrière elle venait Walls, Grogspar et Rockbottom.
« Nous allons réparer le gréement en deux temps trois mouvement, capitaine ! » dit Grogspar.
« Si nous parvenons à atteindre le passage emprunté par le Rasoir pour traverser le récif, nous pouvons gagner la haute mer ». Rockbottom semblait plein d’espoir, mais Shae se contenta de secouer la tête. Le tempête allait labourer leur poupe avant qu’ils se soient éloignés.
« Non ». Shae referma sa longue-vue et rengaina Requin, évaluant ses officiers d’un œil attentif. « Non, d’après l’apparence de leur pont, ils ont l’intention de nous accoster et de monter à bord, et je ne vois aucun moyen de les en empêcher ».
« Quoi ? » Rockbottom le regarda bouche bée.
Grogspar grogna et rongea sa pipe. Ses énormes mains agrippèrent son fusil-harpon avec une férocité à fleur de peau. « Je mourrai avant de laisser ces salauds me prendre un autre navire, capitaine ». Le trollkin avait particulièrement mal vécu la perte de l’Exeter.
Hawk se contenta de froncer les sourcils. Puis le coin de sa bouche d’un air ironique. « Et tu comptes les laisser faire, n’est-ce pas ? »
« Exactement ». Shae sourit malicieusement. « Mais pour que ça marche, nous devons ressembler à des proies faciles, sinon ils nous massacreront avant de monter à bord. Grogspar, effectue les réparation sur le gréement et inonde les fonds de cale. Hawk, barre comme si elle était endommagée, mais éloigne-nous d’eux. Nous devons garder le pont intermédiaire hors de leur vue jusqu’à ce que nous soyons prêts. Walls, j’ai besoin que tu ramènes tous les débris que tu peux récupérer sur le pont intermédiaire, et quelques incendies ici et là ne feraient pas de mal. Fais également remonter tout le bétail de la cale. Envoie Doc ici et dis-lui d’apporter son plus grand couperet. Nous avons peut-être trente minute devant nous, alors faites vite ! »
« Au nom d’Urcaen, qu’est-ce que tu comptes faire, Shae ? » Rockbottom lui lança un regard noir, ses yeux se rétrécissant jusqu’à devenir des fentes.
« Je prévois d’accueillir nos invités à bord, bien sûr ». Le capitaine tapota affectueusement la bouche chaude du Commodore. « Et j’ai l’intention de leur réserver un très chaleureux accueil ».